Prérogative royale de clémence - Directives ministérielles

Cadre législatif

Lettres patentes constituant la charge de gouverneur général du Canada, 1947, articles II (en anglais seulement) et XII

Code criminel, articles 748, 748.1 et 749

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, article 110

Objet

Le présent document constitue les directives ministérielles à la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC ou la Commission). Il a pour objet d’aider les commissaires de la Commission à évaluer le bien-fondé des demandes de clémence et à déterminer s’il y a lieu de recommander au ministre de la Sécurité publique, ou tout autre ministre de la Couronne le cas échéant, d’octroyer une mesure de clémence.

Généralités

La prérogative royale de clémence tire son origine de l’ancien pouvoir absolu des monarques britanniques de gracier leurs sujets. Au Canada, le gouverneur général, en sa qualité de représentant du Roi, peut exercer la prérogative royale de clémence. Celle-ci est un pouvoir discrétionnaire absolu d’accorder une mesure de clémence, étant entendu que le système de justice canadien n’est pas infaillible et que, dans certains cas, il est nécessaire d’intervenir pour des raisons d’équité ou des considérations d’ordre humanitaire afin de réduire les effets négatifs graves des peines infligées. Le Code criminel confère au gouverneur en conseil des pouvoirs de clémence analogues.

Compte tenu de son caractère exceptionnel et discrétionnaire, l’exercice de la prérogative royale de clémence ne doit pas être contraint par des critères rigides. Le pouvoir discrétionnaire ne doit pas être entravé, et la mesure de clémence peut prendre n’importe quelle forme et être adaptée au caractère unique de chaque situation.

Pouvoirs

Gouverneur général du Canada – Lettres patentes

Le pouvoir d’exercer la prérogative royale de clémence à l’égard d’infractions à des lois fédérales est conféré au gouverneur général du Canada en vertu des articles II et XII des Lettres patentes constituant la charge de gouverneur général du Canada, 1947 (Lettres patentes). Le gouverneur général ne peut exercer ce pouvoir qu’après avoir reçu l’avis d’au moins un ministre. Dans la pratique, cet avis est le plus souvent prodigué par le ministre de la Sécurité publique.

Les Lettres patentes autorisent le gouverneur général à accorder toute mesure de clémence qui convient, y compris, mais sans s’y limiter : le pardon absolu, le pardon conditionnel, le sursis, la remise de peine, d’amendes, de biens ou de cautionnements confisqués et de peines pécuniaires payables au Roi et chef de l’État du Canada, la remise d’ordonnances de dédommagement et l’annulation ou la modification d’une ordonnance d’interdiction.

Gouverneur en conseil – Code criminel

Les articles 748 et 748.1 du Code criminel autorisent le gouverneur en conseil à accorder des pardons absolus ou conditionnels et à ordonner la remise de peines pécuniaires, d’amendes et de confiscations infligées en vertu d’une loi fédérale. Le gouverneur en conseil exerce ce pouvoir après avoir reçu l’avis d’au moins un ministre. Dans la pratique, cet avis est le plus souvent prodigué par le ministre de la Sécurité publique.

Les demandes de clémence sont généralement traitées en vertu des Lettres patentes et octroyées par le gouverneur général lorsqu’il n’est pas légalement possible de se prévaloir des dispositions du Code criminel

Principes directeurs à l’égard de l’exercice de la prérogative royale de clémence

Bien que la prérogative royale de clémence soit un pouvoir discrétionnaire absolu, elle doit être exercée selon des principes généraux qui visent à assurer une démarche juste et équitable.

Lorsqu’elle examine les demandes de clémence, mène des enquêtes et formule des recommandations, la Commission respecte les principes directeurs suivants :

1. La prérogative royale de clémence ne doit être exercée que dans des cas exceptionnels

La prérogative royale de clémence s’applique seulement aux rares situations dans lesquelles des raisons d’équité et des considérations humanitaires l’emportent sur l’administration normale de la justice.

2. L’injustice ou la sévérité excessive du châtiment doit être établie

L’injustice est un terme général qui englobe les concepts d’iniquité et d’erreur de droit. L’injustice peut comprendre des condamnations injustifiées, des peines fondées sur une interprétation erronée de la loi ou toute autre forme d’injustice.

Il peut y avoir iniquité lorsque les conséquences de la peine ou de la condamnation semblent disproportionnées par rapport à la nature de l’infraction ou aux conséquences qui découlent habituellement dans un cas semblable (manque de parité). Les causes de l’iniquité peuvent comprendre un changement législatif, un changement de circonstances qui a entraîné pour la personne des conséquences que le tribunal ne pouvait pas prévoir au moment d’imposer la peine, une application différente de la loi dans d’autres régions ou d’autres facteurs.

L’erreur de droit est habituellement un motif de recours, mais si tous les recours sont épuisés ou si les délais pour interjeter appel sont dépassés, une personne peut demander la clémence pour ce motif.

Un châtiment trop sévère est un châtiment qui est anormalement difficile ou qui sort de l’ordinaire; qui est disproportionné par rapport aux conséquences normales d’une condamnation pour infraction et par rapport à la nature et à la gravité de l’infraction ou des infractions particulières; et/ou qui est plus sévère que celui qui est habituellement infligé à d’autres personnes reconnues coupables de la même infraction ou d’infractions semblables. Le châtiment peut prendre de nombreuses formes, notamment psychologique, financier, lié à l’emploi, médical ou physique, interpersonnel ou familial ou lié à l’immigration.

De façon générale, les notions d’injustice et de châtiment trop sévère sous-entendent que le tribunal n’était pas en mesure de prévoir la sévérité des conséquences de la peine au moment où il l’a imposée. De plus, dans le cas d’un châtiment trop sévère, il doit être clairement prouvé que le châtiment subi dépasse les conséquences normales d’une condamnation et d’une peine.

3. L’exercice de la prérogative royale de clémence ne concerne que le cas du demandeur

Chaque demande n’a rapport qu’avec le cas particulier du demandeur, est examinée en fonction de son bien-fondé et ne sert pas de mécanisme d’étude du bien-fondé d’une disposition législative existante ou du système de justice en général. La prérogative royale de clémence exercée dans un cas particulier ne crée pas de précédent pour un autre cas et ne sera pas envisagée à titre posthume.

4. L’exercice de la prérogative royale de clémence n’a pas pour objet de contourner d’autres dispositions législatives

La prérogative royale de clémence ne doit être exercée que lorsque tous les autres recours juridiques disponibles sont épuisés ou lorsque ces recours entraîneraient des difficultés plus importantes, y compris en vertu du Code criminel ou d’autres lois pertinentes.

En outre, une mesure de clémence ne sera pas envisagée si les difficultés éprouvées par le demandeur résultent des conséquences normales de l’application de la loi.

5. L’exercice de la prérogative royale de clémence ne doit pas nuire à l’indépendance du pouvoir judiciaire

La prérogative royale de clémence ne doit pas être exercée à l’encontre de la décision d’un tribunal si cela n’a pour effet que de substituer la compétence du gouverneur général, ou du gouverneur en conseil, à celle des tribunaux. Il doit être clairement prouvé qu’il y a une injustice, une iniquité, une erreur de droit ou un châtiment trop sévère d’une ampleur qu’il était impossible de prévoir au moment de la condamnation et de l’imposition de la peine.

6. L’exercice de la prérogative royale de clémence, de par sa nature, ne doit pas aggraver la peine ou le châtiment

La décision prise après l’étude du bien-fondé d’une demande individuelle ne doit pas avoir pour effet d’aggraver la peine ou le châtiment du demandeur de quelque façon que ce soit.

7. Les demandes d’exercice de la prérogative royale de clémence devraient être étayées par des preuves

Les demandes d’exercice de la prérogative royale de clémence doivent être appuyées par des preuves justifiant la ou les demandes présentées par le demandeur. Il doit y avoir des renseignements adéquats, fiables, pertinents et vérifiables qui démontrent comment le demandeur satisfait aux critères de l’exercice de la prérogative royale de clémence.

Types de recours de clémence et critères applicables

Outre les principes généraux qui guident la Commission dans l’évaluation du bien-fondé des demandes de clémence, toutes les formes de clémence sont étudiées selon des critères particuliers.

Pardon absolu

Définition

Le pardon absolu est absolu et inconditionnel. Une personne qui bénéficie d’un pardon absolu est réputée n’avoir jamais commis l’infraction. Toutes les conséquences de la condamnation, telles une amende, une interdiction ou une confiscation, sont annulées dès l’octroi du pardon absolu. De plus, toute mention de la condamnation est effacée des dossiers de la police et des tribunaux ainsi que de toutes les banques de données officielles.

Le pardon absolu peut être une reconnaissance formelle qu’une personne a été condamnée à tort pour une infraction. Il peut également être accordé lorsque des raisons d’équité ou des considérations d’ordre humanitaire justifient l’octroi d’un pardon qui est absolu et sans condition.

L’octroi d’un pardon absolu ne signifie pas nécessairement que l’ensemble du casier judiciaire du demandeur est réhabilité; il n’entraîne que le retrait d’une condamnation particulière du casier judiciaire.

Critères

Un pardon absolu peut être octroyé lorsque des éléments de preuve, qui n’étaient pas disponibles au moment de la condamnation, établissent l’innocence de la personne condamnée ou lorsqu’il existe des considérations exceptionnelles d’ordre judiciaire ou humanitaire.

Pour qu’un pardon absolu soit envisagé, le demandeur aura épuisé tous les mécanismes d’appel et d’examen prévus par le Code criminel ou d’autres lois pertinentes, à moins que cela n’exacerbe davantage le châtiment subi.

Autorité

Gouverneur en conseil et gouverneur général

La mise en liberté sous condition avant l’admissibilité aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC)

Définition

La mise en liberté sous condition, avant l’admissibilité à la libération sous condition aux termes de la LSCMLC, consiste à mettre un individu en liberté dans la collectivité, sous surveillance et sous réserve de certaines conditions, jusqu’au terme de la peine imposée par le tribunal.

La mise en liberté sous condition, avant l’admissibilité à libération sous condition aux termes de la LSCMLC, a le même sens et le même effet que la mise en liberté sous condition accordée aux termes de la LSCMLC.

Critères

Pour bénéficier d’une mise en liberté sous condition avant d’être admissible à une libération sous condition aux termes de la LSCMLC, le demandeur ne doit être admissible à aucune autre forme de mise en liberté aux termes de la LSCMLC et il ne doit pas, en récidivant, représenter un risque indu pour la collectivité. De plus, il doit être clairement prouvé qu’il y a une injustice, une iniquité, une erreur de droit ou un châtiment trop sévère.

Les restrictions à la liberté et au droit d’être membre à part entière de la collectivité, l’éloignement et, souvent, l’isolement par rapport à la famille et aux amis sont les conséquences directes d’une peine d’emprisonnement. Ces restrictions ne constituent pas en elles-mêmes un châtiment trop sévère.

De même, bien que la maladie et la détérioration de la santé puissent causer un châtiment, elles ne constituent pas en elles-mêmes une raison suffisante pour octroyer d’une mise en liberté sous condition avant l’admissibilité à la libération sous condition prévue par la LSCMLC. Pour que cette mesure de clémence soit accordée, on tient compte, parmi de nombreux autres facteurs, des besoins médicaux.

Autorité

Gouverneur en conseil et gouverneur général

Pardon conditionnel avant l’admissibilité ou en raison de l’inadmissibilité aux termes de la Loi sur le casier judiciaire (LCJ)

Définition

Pardon conditionnel avant l’admissibilité aux termes de la LCJ :

Un pardon conditionnel avant l’admissibilité aux termes de la LCJ est l’octroi d’une réhabilitation, assortie de conditions, à une personne à l’égard de laquelle le délai requis pour demander une réhabilitation ou une suspension du casier judiciaire, aux termes de la LCJ, n’est pas encore écoulé.

Pardon conditionnel en raison de l’inadmissibilité aux termes de la LCJ :

Un pardon conditionnel en raison de l’inadmissibilité aux termes de la LCJ est l’octroi d’une réhabilitation, assortie de conditions, à une personne, même si elle ne sera jamais admissible à une réhabilitation ou à une suspension du casier judiciaire aux termes de la LCJ.

Un pardon conditionnel avant l’admissibilité ou en raison d’une inadmissibilité aux termes de la LCJ a le même sens et le même effet qu’une réhabilitation octroyée ou une suspension du casier judiciaire ordonnée aux termes de la LCJ.

Critères

Pour qu’un pardon conditionnel soit octroyé avant l’admissibilité ou en raison d’une inadmissibilité aux termes de la LCJ, le demandeur doit être en mesure de démontrer son inadmissibilité actuelle à une réhabilitation aux termes de la LCJ. Un tel pardon peut être envisagé lorsqu’il existe une preuve de bonne conduite, au sens de la LCJ, et conforme aux politiques de la CLCC. Enfin, il doit être clairement prouvé que le châtiment est trop sévère.

Le fait de posséder un casier judiciaire est la conséquence normale du fait d’avoir été reconnu coupable d’une infraction criminelle. Un casier judiciaire peut restreindre l’accès à certaines carrières, à certains emplois, il peut interdire des voyages et peut en soi constituer un certain châtiment.

Autorité

Gouverneur en conseil et gouverneur général

Remises et levée des interdictions

Une personne qui purge une peine, qui est notamment assujettie à une ordonnance d’ordre pécuniaire, une ordonnance d’interdiction ou tout autre type d’ordonnance, confiscation ou interdiction imposée en vertu du Code criminel peut demander que le reste de la peine, de l’ordonnance ou de l’interdiction soit annulé pour des raisons d’équité ou des considérations d’ordre humanitaire.

Pour annuler tout type de peine, d’ordonnance d’interdiction, d’ordonnance d’ordre pécuniaire ou tout autre type d’ordonnance, il doit être clairement prouvé qu’il y a une injustice, une iniquité, une erreur de droit ou un châtiment trop sévère suite à la peine ou à l’ordonnance.

De plus, d’autres critères doivent être pris en compte dans certains types de demandes, comme il est indiqué ci-dessous :

1. Remise de peine

Définition

Une remise de peine annule, intégralement ou en partie, une peine avec ou sans détention imposée par un tribunal.

Critères

Outre les critères d’annulation de tous les types de peines et d’ordonnances, pour qu’une peine avec ou sans détention soit remise, il faut déterminer si la remise de peine n’exposerait pas la collectivité au risque de récidive du demandeur. Cela est particulièrement pertinent dans les cas de demandes de remise d’une peine d’emprisonnement.

Autorité

Gouverneur général

2. Remise d’amendes, d’ordonnances de dédommagement, de biens ou de cautionnements confisqués et de peines pécuniaires

Définition

La remise d’une amende, d’une ordonnance de dédommagement, d’un bien ou d’un cautionnement confisqué ou d’une peine pécuniaire annule intégralement ou en partie la peine imposée par le tribunal.

Critères

Outre les critères d’annulation de tous les types de peines et d’ordonnances, pour qu’une peine pécuniaire soit remise, il faut déterminer si la remise de peine porterait un châtiment à une autre personne.

Autorité

Gouverneur en conseil et gouverneur général

3. Levée d’interdictions

Définition

La levée d’une interdiction consiste à annuler ou à modifier une interdiction imposée par un tribunal à l’encontre d’un individu en vertu du Code criminel, soit par suite d’une condamnation, soit séparément ou en l’absence d’une condamnation.

Critères

Outre les critères d’annulation de tous les types de peines et d’ordonnances, une ordonnance d’interdiction ne peut être annulée ou modifiée que s’il est clairement prouvé que l’annulation ou la modification de l’interdiction n’exposerait la collectivité à aucun risque indu de récidive du demandeur.

Autorité

Gouverneur général

Note

En vertu de l’article 109 de la LSCMLC, la Commission a le pouvoir d’annuler ou de modifier une partie d’une ordonnance d’interdiction de conduire rendue en vertu de l’article 259, dans sa version du 17 décembre 2018, ou de l’article 320.24 du Code criminel après un délai prescrit. Conformément au principe selon lequel la prérogative royale de clémence n’a pas pour objet de contourner d’autres dispositions législatives, un demandeur peut seulement invoquer une telle mesure de clémence pour des interdictions de conduire lorsqu’il est par ailleurs inadmissible aux termes des dispositions de la LSCMLC.

Sursis

Définition

Le sursis est l’ajournement temporaire de l’exécution d’une peine.

Critères

On peut envisager de surseoir à l’exécution d’une peine s’il est clairement prouvé que le refus d’octroyer une telle mesure de clémence constituerait un châtiment trop sévère ou causerait une injustice. De plus, le sursis ne doit pas exposer la collectivité au risque de récidive du délinquant.

Autorité

Gouverneur général

Révocation d’une mesure de clémence accordée

Toutes les mesures de clémence décrites ci-dessus peuvent être révoquées si la demande a été approuvée sur la foi de renseignements qui se révèlent par la suite frauduleux.

Toutes les mesures de clémence, à l’exception des pardons absolus, peuvent être révoquées si l’une quelconque des conditions dans lesquelles elles ont été octroyées n’est pas respectée.

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