Évaluation de la coordination des activités associées à la résistance aux antimicrobiens (RAM) à l’Agence de la santé publique du Canada 

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Organisation: l’Agence de la santé publique du Canada

Publiée : Mars 2019

Préparé par le Bureau de l'audit et de l'évaluation
L'agence de la santé publique du Canada et Santé Canada
Version traduite. En cas de divergence entre le présent texte et le texte anglais, la version anglaise a préséance.

Mars 2019

Table des matières

Liste des tableaux

Liste des acronymes

ASPC
Agence de la santé publique du Canada
BVG
Bureau du vérificateur général
HESA
Comité permanent de la santé
IRDG
Initiative de recherche et de développement en génomique
IRSC
Instituts de recherche en santé du Canada
OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
OMS
Organisation mondiale de la Santé
PCSIN
Programme canadien de surveillance des infections nosocomiales
PICRA
Programme intégré canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens
RAM
Résistance aux antimicrobiens
SCSRA
Système canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens
UAM
Utilisation des antimicrobiens

Résumé

But de l'évaluation

La présente évaluation a examiné la conception, l'exécution et la coordination des activités associées à la résistance aux antimicrobiens (RAM) à l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) depuis 2013-2014. Il s'agit de la première évaluation des activités de l'ASPC associées à la RAM.

Description du programme

Depuis leur introduction dans les années 1940, les antimicrobiens ont révolutionné le traitement des infections. Cependant, au cours des dernières décennies, certains micro organismes sont devenus de plus en plus résistants aux antimicrobiens existants, ce qui fait en sorte qu'ils présentent des risques importants pour la santé humaine, le système de soins de santé et l'économie. Si la RAM n'est pas abordée, elle rendra les infections graves intraitables, les traitements offerts deviendront de plus en plus coûteux et les procédures telles que la chimiothérapie pour le cancer seront rendues tellement risquées qu'elles en deviendront peu accessiblesNote de fin 1. Selon certaines estimations, si aucune mesure n'est prise d'ici 2050, la RAM pourrait entraîner 10 millions de décès par année dans le mondeNote de fin 2 et le recul annuel du produit intérieur brut pourrait atteindre le même niveau de pertes que la crise financière mondiale de 2008-2009Note de fin 3. Dans ce contexte, la RAM est reconnue comme étant l'une des menaces les plus importantes pour la santé auxquelles le monde fait face aujourd'hui.

Le Canada s'emploie à lutter contre la RAM au moyen de l'approche « Un monde, une santé », en vertu de laquelle de multiples secteurs communiquent et collaborent pour obtenir de meilleurs résultats en matière de santé publique. Cette approche reconnaît l'utilisation généralisée d'agents antimicrobiens dans plusieurs secteurs, l'interconnexion entre la santé des humains, des animaux et de l'environnement, ainsi que la nécessité d'efforts collaboratifs entre différents secteurs, dont divers ministères fédéraux, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les industries, les professionnels de la santé et d'autres intervenants.

Au cours des dernières années, l'ASPC a coordonné des approches fédérales et pancanadiennes de lutte contre la RAM. De plus, l'ASPC agit à titre d'organisme canadien responsable dans le cadre de différentes initiatives internationales associées à la RAM et entreprend diverses activités en lien avec les quatre domaines d'action définis dans le document Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d'action pancanadien, qui sont les suivants :

  • Surveillance : au moyen de systèmes de collecte de données qui offrent un portrait de la RAM et de l'utilisation des antimicrobiens (UAM);
  • Intendance : au moyen d'activités visant à sensibiliser la population et les professionnels à la RAM;
  • Prévention et contrôle des infections : en collaborant avec les partenaires provinciaux et territoriaux, les organisations professionnelles et les intervenants pour élaborer des lignes directrices fondées sur des données probantes et promouvoir des pratiques exemplaires;
  • Recherche et innovation : comprend les activités permettant de mieux comprendre les facteurs qui contribuent au développement de la RAM.

Entre 2013-2014 et 2016-2017, l'ASPC a dépensé environ 8,5 millions de dollars par année pour les activités de surveillance, d'intendance et de coordination fédérale et pancanadienne. Cette estimation ne comprend pas le coût des activités internationales, des activités qui peuvent avoir une incidence sur la RAM, mais qui visent d'autres objectifs, de la vaccination ainsi que de la prévention et du contrôle des infections en général.

Conclusions

Au cours des quatre dernières années, l'ASPC a entrepris des travaux considérables pour faire progresser la situation et combler les lacunes dans ses activités associées à la RAM. De plus, l'ASPC s'est montrée très active pour assurer un rôle de liaison dans le cadre d'un large éventail d'initiatives internationales au nom du Canada. Les informateurs clés externes reconnaissent l'élaboration d'un cadre fédéral sur la RAM et d'un plan d'action connexe, ainsi que la publication subséquente d'un cadre pancanadien comme étant des initiatives majeures que l'ASPC a coordonnées avec succès.

Cependant, les progrès généraux réalisés à ce jour pour lutter contre la RAM semblent lents, compte tenu du fait que, en 2011, l'ASPC s'est engagée à mettre en place une stratégie pancanadienne de lutte contre la RAM avant le milieu de l'année 2015Note de fin 4. Depuis, l'ASPC a collaboré avec des partenaires fédéraux et pancanadiens pour élaborer un cadre fédéral (2014) et un plan d'action fédéral (2015) décrivant la stratégie du gouvernement du Canada en matière de lutte contre la RAM, de même qu'un cadre pancanadien énonçant le contexte et les fondements pour orienter une approche pancanadienne (2017). Le cadre pancanadien a été achevé deux ans après que le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a conclu que l'ASPC n'avait « pas réussi à parvenir à un consensus sur la portée d'une stratégie pancanadienne de lutte contre la résistance aux antimicrobiens ».

En mai 2018, le Comité permanent de la santé (HESA) a publié un rapport appelant le gouvernement du Canada à accélérer l'élaboration du plan d'action pancanadienNote de fin 5. Au moment de cette évaluation, un plan d'action pancanadien était en cours d'élaboration pour orienter la mise en œuvre du cadre, et son achèvement était prévu pour l'été ou le début de l'automne 2019.

Comme le montrent les auto-évaluations par pays rapportées par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), le Canada doit renforcer l'opérationnalisation et la surveillance de la mise en œuvre d'un plan d'action, l'intégration des systèmes de surveillance et la sensibilisation de tous les intervenants clés à la RAM (p. ex. grand public, médecins, dentistes, pharmaciens, personnel infirmier, vendeurs de médicaments)Note de fin 6.

L'évaluation n'a pas cerné de preuves concluantes que la RAM était une priorité du gouvernement du Canada. Par exemple, la RAM n'a été mentionnée dans aucun document d'établissement des politiques, tels que le discours du Trône ou les budgetsNote de bas de page a. La RAM n'a pas non plus été mentionnée dans les lettres de mandat de la ministre de la Santé, qui ont identifié un large éventail de priorités, dont l'adoption de règlements plus stricts pour éliminer les gras trans et la sensibilisation au traitement des commotions cérébrales. De plus, il est difficile de savoir si le Canada dispose d'un niveau de leadership suffisant pour traiter de la lutte contre la RAM. Il reste à savoir si le rôle de chef de file national qui rehaussera la visibilité de la RAM et en fera une priorité du programme stratégique du gouvernement ainsi que celui de mobiliser les intervenants pour qu'ils prennent des mesures coordonnées revient à l'ASPC.

L'ASPC a essentiellement mené ses activités de lutte contre la RAM en réaction au rapport du BVG de 2015. Au moment de cette évaluation, l'ASPC ne disposait pas encore des structures, des ressources ou des orientations stratégiques organisationnelles pour guider ses activités d'une manière durable dans le futur, bien qu'il soit généralement reconnu que la résolution de cette question exigera des efforts pendant de nombreuses années. Il est important de noter que ces difficultés ne sont pas nécessairement les mêmes dans toutes les activités de l'ASPC associées à la RAM. Par exemple, les activités de surveillance ont été organisées de façon plus durable que les activités stratégiques relatives à la coordination nationale et internationale. Il est également important de noter que cette évaluation a été effectuée à un moment où l'ASPC réexaminait l'organisation, la conception, l'exécution et les orientations stratégiques de ses activités associées à la RAM.

De nombreux informateurs clés externes et internes ont mentionné que le maintien du statu quo présentait un risque que l'ASPC ne soit pas en mesure de respecter ses engagements, en raison du manque de ressources adéquates et du manque d'engagement dans les principaux documents d'établissement des politiques (p. ex., lettre de mandat). Cette situation pourrait nuire à la réputation de l'ASPC au Canada et à l'étranger, et ces inquiétudes ont commencé à se manifester dans l'espace public. Plusieurs articles de presse publiés dans les médias canadiens au cours des deux dernières années Note de bas de page b ont critiqué l'ASPC et la réaction, ou l'absence de réaction, du gouvernement du Canada à la menace existante et croissante de la RAM.

En fin de compte, au-delà des risques d'atteinte à la réputation, la RAM pourrait être considérée comme un tsunami à évolution lente qui représente un lourd fardeau pour la santé humaine, les soins de santé et l'économie canadienne dans son ensemble.

Recommandations

Les constatations de l'évaluation mentionnées dans ce rapport ont mené à la formulation des recommandations suivantes. Aucune recommandation précise n'a été formulée concernant la surveillance, étant donné que les évaluations récentes des activités de l'ASPC liées aux infections associées aux soins de santé et celles liées aux maladies entériques d'origine alimentaire et hydrique ont déjà donné lieu à la recommandation d'améliorer la portée et la diffusion de l'information de surveillanceNote de bas de page c, Note de fin 7.

Recommandation no1 : Énoncer clairement le rôle, les responsabilités et les priorités de l'ASPC

L'ASPC devrait énoncer clairement son rôle, ses responsabilités et ses priorités en matière de lutte contre la RAM dans le paysage fédéral et pancanadien.

L'évaluation a révélé qu'un grand nombre d'activités de l'ASPC associées à la RAM, en particulier les activités liées aux politiques et à la coordination nationales et internationales, ont été essentiellement réactives et non motivées par des orientations stratégiques. De plus, l'évaluation a montré que les rôles et les responsabilités de l'ASPC, en particulier dans le domaine de la coordination nationale et pancanadienne, ne sont pas clairement définis. Compte tenu du fait que la lutte contre la RAM nécessitera des mesures à long terme et la participation de nombreux intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux, nous recommandons à l'ASPC d'énoncer clairement son rôle, ses responsabilités et ses priorités pour orienter ses activités de base à l'avenir.

Recommandation no 2 : Communiquer avec les partenaires et les intervenants au sujet du rôle, des responsabilités, des priorités et des activités de l'ASPC

L'ASPC devrait entretenir des communications ouvertes et régulières avec ses partenaires fédéraux et pancanadiens sur son rôle, ses responsabilités et ses priorités dans la lutte contre la RAM, ainsi que sur les travaux en cours et les prochaines étapes pour respecter les engagements fédéraux et pancanadiens.

L'évaluation a révélé un décalage entre les attentes des partenaires à l'égard du rôle et des responsabilités de l'ASPC, et le point de vue du personnel de l'ASPC sur ce que devrait être ce rôle. Dans ce contexte, nous recommandons à l'ASPC de communiquer clairement la nature et la portée de son rôle et de ses responsabilités aux partenaires et aux intervenants, et de gérer leurs attentes en conséquence. De plus, l'évaluation a révélé que la mobilisation limitée de l'ASPC au cours de la dernière année avec les partenaires et les intervenants a fait craindre un désengagement de l'ASPC sur cette question. Bien que les partenaires aient été remobilisés depuis la collecte des données pour l'évaluation, nous recommandons à l'ASPC de continuer de maintenir des communications ouvertes et régulières avec ces partenaires.

Recommandation no 3 : Organisation des activités liées à la RAM

L'ASPC devrait établir les structures nécessaires pour s'assurer que toutes ses activités associées à la RAM, y compris ses activités stratégiques et de surveillance, sont coordonnées efficacement ou intégrées, le cas échéant. Elle devrait aussi continuer de travailler à établir un programme de lutte contre la RAM assorti de responsabilités claires pour s'acquitter de son rôle dans la lutte contre la RAM.

L'ASPC a déclaré que ses activités stratégiques et de coordination relatives à la RAM étaient temporaires, mais qu'elle était en train de réorganiser ces activités au moment de l'évaluation. Pour ce faire, l'ASPC devra continuer de travailler à établir un programme de lutte contre la RAM assorti de responsabilités claires pour s'acquitter de son rôle dans la lutte contre la RAM. De plus, elle devra organiser et doter en ressources l'ensemble de ses activités pour s'assurer qu'elle peut poursuivre sa lutte contre la RAM de façon continue. Dans la mesure où l'évaluation a mis au jour des domaines à améliorer en ce qui a trait à la coordination et à l'intégration de certaines activités, en particulier les différents systèmes de surveillance, nous recommandons à l'ASPC de poursuivre ses efforts pour mettre en place des structures favorisant une coordination plus efficace de ces activités et leur intégration, le cas échéant.

Recommandation no 4 : Publication en temps opportun du plan d'action pancanadien

L'ASPC devrait déployer tous les efforts possibles pour assurer la publication en temps opportun du plan d'action pancanadien d'ici l'été ou le début de l'automne 2019.

Au moment de l'évaluation, l'ASPC prévoyait publier le plan d'action pancanadien d'ici l'été ou le début de l'automne 2019. Toutefois, des engagements initiaux en vue d'élaborer une stratégie pancanadienne ont été pris en 2011, le BVG a demandé à l'ASPC de prendre des mesures en ce sens en 2015, et le Comité permanent de la santé a demandé au gouvernement du Canada d'accélérer l'élaboration du plan d'action en 2018. Dans ce contexte, nous recommandons à l'ASPC de faire tout ce qui est en son pouvoir pour coordonner l'achèvement du plan d'action en temps opportun, conformément aux engagements en cours.

Réponse et plan d'action de la direction

Évaluation de la coordination des activités associées à la résistance aux antimicrobiens (RAM) à l'ASPC
Recommandations Réponse Plan d'action Éléments livrables Date d'achèvement prévue Responsables Ressources
Recommandation formulée dans le rapport d'évaluation Indiquer si la direction du programme accepte la recommandation, l'accepte sous certaines conditions ou la rejette, et donner la raison Indiquer les mesures que la direction compte prendre pour donner suite à la recommandation Indiquer les produits livrables clés Indiquer la date limite de mise en œuvre de chaque élément livrable Indiquer le cadre supérieur et le cadre de direction (niveau « directeur général » [DG] et « sous-ministre adjoint » [SMA]) qui devront rendre compte de la mise en œuvre de chacun des éléments livrables Indiquer quelles ressources humaines ou financières sont nécessaires pour la mise en œuvre complète de la recommandation, y compris la source des ressources (budget supplémentaire ou budget existant)

Recommandation 1 :

Définir clairement le rôle, les responsabilités et les priorités de l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) : L'ASPC devrait définir clairement son rôle, ses responsabilités et ses priorités en matière de lutte contre la résistance aux antimicrobiens (RAM) dans le contexte fédéral et pancanadien.

La direction est d'accord avec cette recommandation. Formuler et diffuser une déclaration sur le rôle de l'ASPC et ses objectifs à long terme en ce qui concerne la lutte contre la RAM. Communication des objectifs de l'ASPC concernant la RAM (y compris concernant le rôle de leadership national et international, de surveillance et de gérance) avec les partenaires et intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux. 30 septembre 2019 V.-p., Direction générale de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses (DGPCMI) Utilise les ressources de la DGPCMI.

Recommandation 2 :

Communications avec les partenaires et les intervenants sur le rôle, les responsabilités, les priorités et les activités de l'ASPC : L'ASPC devrait avoir des communications ouvertes et régulières avec ses partenaires fédéraux et pancanadiens sur son rôle, ses responsabilités et ses priorités dans la lutte contre la RAM, de même que sur le travail actuel et les prochaines étapes pour satisfaire aux engagements fédéraux et pancanadiens.

La direction est d'accord avec cette recommandation. Élaborer et diffuser un plan de mobilisation des intervenants Plan de mobilisation des intervenants en matière de santé humaine. 30 novembre 2019 V.-p., Direction générale de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses (DGPCMI) Utilise les ressources de la DGPCMI.

Recommandation 3 :

Organisation des activités liées à la RAM : L'ASPC devrait mettre en œuvre les structures nécessaires pour s'assurer que toutes ses activités liées à la RAM, y compris les politiques et la surveillance, sont coordonnées efficacement ou intégrées lorsque cela est pertinent. Elle devrait également poursuivre ses efforts dans le but d'établir un programme de lutte contre la RAM dont les responsabilités quant à son rôle dans la lutte contre la RAM sont clairement définies.

La direction est d'accord avec cette recommandation. Examiner les activités existantes et les résultats souhaités par rapport au rôle et aux responsabilités de l'ASPC. Proposition au Comité exécutif de l'ASPC sur les options durables pour la fonction liée à la lutte contre la RAM. 30 décembre 2019 V.-p., DGPCMI Utiliser les ressources de la DGPCMI.
Modèle durable relatif à la politique et à la coordination pour la lutte contre la RAM et pour les activités de base de l'ASPC (c.-à-d. surveillance). 30 septembre 2020

Recommandation 4 :

Publication en temps opportun du Plan d'action pancanadien : L'ASPC devrait s'efforcer de faire en sorte que le Plan d'action pancanadien soit publié d'ici la fin de l'été ou le début de l'automne 2019.

La direction est d'accord avec cette recommandation. Examiner et réviser le chemin critique pour le Plan d'action pancanadien. Chemin critique 31 mars 2019 V.-p., DGPCMI Utiliser les ressources de la DGPCMI.
Finalisation du Plan d'action 30 septembre 2019

1.0 But de l'évaluation

Cette évaluation a examiné la conception, l'exécution et la coordination des activités de résistance aux antimicrobiens (RAM) de l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC). L'évaluation s'est penchée plus particulièrement sur le rôle de l'ASPC dans la lutte contre la RAM, sur la façon dont les activités de l'ASPC en matière de RAM sont coordonnées à l'interne et dotées en ressources, et sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de ces activités depuis 2013-2014. Il s'agit de la première évaluation des activités de l'ASPC associées à la RAM.

2.0 Description du programme

2.1 Contexte : les risques associés à la RAM

Introduits dans les années 1940, les antimicrobiens (p. ex., antibiotiques, antifongiques, antiviraux, antiparasitaires) ont révolutionné la façon dont la médecine moderne traite les infections chez les humains, les animaux et les plantes, tout en permettant une production plus intensive d'animaux destinés à l'alimentation pour répondre à une demande mondiale croissante en protéines animalesNote de fin 8. Cependant, au cours des dernières décennies, les antimicrobiens sont devenus de moins en moins efficaces pour traiter les infections dans le monde entierNote de fin 9 et certaines infections sont plus difficiles à traiter avec les antimicrobiens existants. La capacité des micro-organismes (bactéries, champignons, virus, parasites, etc.) à résister aux antimicrobiens est ce qu'on appelle la « résistance aux antimicrobiens » (RAM).

Un phénomène de RAM a été constaté dans le cas de diverses infections acquises en milieu de soins de santé (p. ex. C. difficile ou Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline) et dans d'autres infections, comme la gonorrhée et la tuberculose. Au cours des dernières années, les taux de RAM au Canada ont été semblables ou inférieurs à ceux d'autres pays développés, mais des tendances à la hausse ont été observées pour certaines infections, comme les infections sanguines à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline dans les hôpitaux pédiatriques et les infections sanguines à Enterococcus résistant à la vancomycine dans les hôpitaux pour adultesNote de fin 10.

L'utilisation répandue des antimicrobiens en médecine humaine et vétérinaire, ainsi qu'en milieu agricole, contribue grandement à accélérer l'apparition et la propagation de la RAM. En même temps, les options de traitement sont de moins en moins nombreuses, car le développement de nouvelles classes d'antimicrobiens a été extrêmement limité. Seulement cinq nouvelles classes d'antimicrobiens ont été introduites au cours des 50 dernières années, comparativement à 14 nouvelles classes entre 1935 et 1968Note de fin 11.

Si rien n'est fait pour lutter contre la RAM, les infections graves deviendront impossibles à traiter, les maladies dureront plus longtemps et deviendront plus graves, les traitements deviendront plus coûteux, et le risque de décès augmentera. Si les infections ne peuvent être prévenues ou traitées, les interventions comme les greffes d'organes, la chimiothérapie contre le cancer et les opérations majeures (p. ex., accouchements par césarienne, remplacement de la hanche ou du genou) peuvent devenir si risquées qu'elles ne seront pas aussi facilement disponiblesNote de fin 12. Les estimations montrent que si aucune mesure n'est prise, la RAM pourrait entraîner 10 millions de décès chaque année dans le monde d'ici 2050Note de fin 13. Les répercussions économiques seraient également importantes, car la rétraction annuelle du produit intérieur brut causée par la RAM pourrait être aussi importante que les pertes découlant de la crise financière mondiale de 2008-2009Note de fin 14. Dans ce contexte, le Canada et d'autres pays, ainsi que des organisations internationales, comme l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), ont reconnu que la RAM était l'une des pires menaces qui pèsent sur la santé à l'échelle mondiale.

2.2 Réponse du Canada à l'égard de la RAM

Le Canada, d'autres pays et des organisations internationales, comme l'OMS, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture et l'Organisation mondiale de la santé animale, ont reconnu la nécessité d'adopter une approche coordonnée pour limiter la propagation de la RAM et préserver l'efficacité des antimicrobiens existants. Au Canada, les mesures de lutte contre la RAM sont mises en œuvre à l'aide d'une approche appelée « Un monde, une santé », qui reconnaît l'interconnexion entre la santé des humains et celle des animaux et de l'environnement, ainsi que la nécessité de la collaboration entre différents secteurs, dont divers ministères du gouvernement du Canada, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les industries, les professionnels de la santé et d'autres intervenants qui œuvre dans les domaines concernés par la RAM.

Les mesures de lutte contre la RAM au Canada ont commencées en 1997, avec l'élaboration d'une stratégie coparrainée par Santé Canada et l'Association pour la microbiologie médicale et l'infectiologie CanadaNote de bas de page d Cette stratégie mettait l'accent sur les mesures de surveillance, d'intendance et de prévention et de contrôle des infections. Elle comportait 27 recommandations, dont l'une était la création du Comité canadien sur la résistance aux antibiotiques (CCRA). Créé en 1998, le CCRA a été dissous en 2009Note de fin 15

Au cours des dernières années, l'ASPC a coordonné les stratégies fédérale et pancanadienne de lutte contre la RAM. En 2011, l'ASPC s'est engagée à établir une stratégie pancanadienne de lutte contre la RAM au plus tard à la mi-2015Note de fin 16.Une première étape a été franchie en 2014, avec la publication du document Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d'action pancanadien. Coordonné par l'ASPC, en collaboration avec quatre autres ministères fédéraux, ce cadre décrit l'approche à adopter par le gouvernement du Canada.

En 2015, le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a conclu que l'ASPC « n'a pas réussi à parvenir à un consensus sur la portée d'une stratégie pancanadienne de lutte contre la résistance aux antimicrobiens ». Le rapport a conclu également que l'ASPC « n'a pas déterminé comment elle corrigerait les faiblesses qu'elle a relevées en ce qui a trait à la collecte, à l'analyse et à la diffusion des données sur la résistance aux antimicrobiens et l'utilisation des antimicrobiens, dans le cadre de ses activités de surveillanceNote de fin 17. »

Depuis la publication du rapport du BVG, l'ASPC a collaboré avec les ministères fédéraux pour publier, en 2015, un plan d'action qui décrit les mesures concrètes que les ministères fédéraux doivent prendre pour mettre en œuvre la vision décrite dans le cadre de 2014 (comme l'illustre la figure 1 ci-dessous). Cette même année, l'ASPC a mis sur pied le Système canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (SCSRA) afin de résumer et d'analyser l'information provenant des systèmes de surveillance et des services de référence des laboratoires de l'ASPC.

Figure 1 : Principaux événements liés à la réponse du Canada à la RAM depuis 2014
Figure 1
Figure 1 - Équivalent du texte

2014

  • Publication de Résistance et recours aux antimicrobiens au Canada : un cadre d'action fédéral

2015

  • Rapport du Bureau du vérificateur général du Canada sur la RAM
  • Publication du Plan d'action fédéral sur la résistance et le recours aux antimicrobiens au Canada : Prolongement du cadre d'action fédéral
  • Création du Système canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (SCSRAM)

2017

  • Publication de Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d'action pancanadien

2018

  • Publication du Rapport d'étape sur le Plan d'action fédéral 2015 sur la résistance et le recours aux antimicrobiens
  • Publication du rapport du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes (HESA) intitulé Étude sur l'état de la résistance aux antimicrobiens au Canada et recommandations connexes

Comme le montre la figure 2, à l'échelle pancanadienne, l'ASPC a fait des progrès dans ses démarches pour donner suite aux recommandations du BVG en coordonnant l'élaboration d'un cadre pancanadien, avec la participation de neuf autres ministères et organismes fédéraux, des gouvernements provinciaux et territoriaux, d'universitaires, d'organisations non gouvernementales, d'industries et d'experts représentant les des secteurs de la santé humaine, de la santé animale et de l'agriculture à tous les niveaux. Publié en 2017, le document Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d'action pancanadien décrit le contexte entourant la RAM au Canada et établit les bases pour guider l'approche pancanadienne. Au moment de cette évaluation, un plan d'action pancanadien était en cours d'élaboration pour guider la mise en œuvre du cadre. Son achèvement était prévu pour l'été ou le début de l'automne 2019.

Figure 2. Comprendre les stratégies canadiennes en matière de lutte contre la RAM

Stratégie fédérale:

Décrit l'approche à adopter par le gouvernement du Canada pour atténuer les risques et les répercussions de la RAM pour la santé publique. Au moment de l'évaluation, onze ministères étaient concernés.

Documents clés décrivant la stratégie :

  • le Cadre fédéral (2014);
  • le plan d'action fédéral (2015);
  • le rapport d'étape décrivant l'avancement de la mise en œuvre du plan d'action (2018).
Stratégie pancanadienne :

Décrit l'approche coordonnée que doivent adopter le gouvernement du Canada, les provinces et les territoires et les autres intervenants (c. à d., les universitaires, les organisations non gouvernementales, les industries et les experts en la matière) pour renforcer la capacité du Canada à combattre les risques liés à la RAM d'une manière coordonnée, multisectorielle et efficace.

Documents clés décrivant la stratégie :

  • le cadre pancanadien (2017);
  • le plan d'action pancanadien (attendu en 2019).

De plus, à l'été 2018, l'ASPC a publié le Rapport d'étape sur le Plan d'action fédéral 2015 sur la résistance et le recours aux antimicrobiens pour rendre compte des réalisations à ce jour dans la mise en œuvre des objectifs décrits dans le plan d'action fédéral.

Enfin, en mai 2018, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes (HESA) a publié un rapport demandant au gouvernement du Canada d'accélérer ses efforts pour combattre la RAMNote de fin 18. Ce rapport a fait dix recommandations incluant notamment que l'ASPC accélère la préparation du plan d'action pancanadien, qu'il désigne un conseiller fédéral qui agirait comme champion national de la lutte contre la RAM et qu'il étende ses systèmes de surveillance. Sous la coordination de l'ASPC, la ministre de la Santé et le ministre de l'Agriculture ont émis une réponseNote de fin 19 du gouvernement du Canada en accord avec les recommandations, ou l'intention des recommandations, et soulignant les mesures déjà en cours dans divers ministères fédéraux.

2.3 Activités de l'ASPC liées à la RAM

En plus de coordonner l'élaboration des stratégies fédérale et pancanadienne, le Canada a reconnu la nécessité d'agir relativement à quatre éléments essentielsNote de fin 20 distincts, et l'ASPC a mené des activités dans ses propres secteurs de responsabilité pour faire progresser chacun de ces éléments essentiels, comme indiqué ci-dessous.

  • La Surveillance, grâce à des systèmes de collecte de données qui permettent de brosser un portrait de la RAM et de l'utilisation des antimicrobiens (UAM).
  • L'intendance, par des activités de sensibilisation à la RAM auprès de la population et des professionnels.
  • La prévention et le contrôle des infections, en collaboration avec les partenaires provinciaux et territoriaux, les organisations professionnelles et les intervenants afin d'élaborer des lignes directrices fondées sur des données probantes et de promouvoir les pratiques exemplaires.
  • La recherche et l'innovation, qui incluent des activités visant à mieux comprendre les facteurs qui contribuent au développement de la RAM.

L'ASPC sert aussi de point de contact canadien dans le cadre de diverses initiatives internationales associées à la RAM. La participation de l'ASPC dans chacun de ces domaines est examinée plus en détail à la section 4.1 de ce rapport.

En termes d'organisation, il n'y a actuellement pas de programme de RAM au sein de l'ASPC, mais plusieurs directions générales et autres groupes s'occupent actuellement de différentes composantes des activités liées à la RAM. La section 4.2 du rapport fournit plus de détails sur la façon dont les activités sont organisées et coordonnées à l'interne.

Au moment de la rédaction du présent rapport, il n'existait pas de modèle logique propre aux activités de l'ASPC en matière de RAM. Cependant, il y avait un modèle logique décrivant la vision du cadre pancanadien, ainsi que les résultats attendus des mesures à prendre dans chacun des quatre éléments essentiels énumérés ci-dessus (voir l'annexe 1). Dans l'ensemble, la vision globale poursuivie par les partenaires canadiens, y compris l'ASPC, consiste à protéger la santé des humains, des animaux et de l'environnement par des mesures globales et coordonnées destinées à préserver l'efficacité des antimicrobiens, maintenant et dans l'avenir.

2.4 Dépenses pour la lutte contre la RAM

Entre 2013-2014 et 2016-2017, l'ASPC a dépensé en moyenne 8,5 M$ par année pour les activités de surveillance, d'intendance et de coordination à l'échelle fédérale et pancanadienne (voir le tableau 1 ci-dessous). Cette estimation ne comprend pas le coût total des activités internationales. La majeure partie du financement de la lutte contre la RAM est consacrée aux différents systèmes de surveillanceNote de bas de page e.

Tableau 1 : Dépenses de programmes (en milliers de dollars)
Année SalairesNote de fin de table a Activités et gestionNote de fin de table b ImmobilisationsNote de fin de table c Totaux
2013-14 4 917 $ 2 658 $ 226 $ 8 138 $
2014-15 5 783 $ 3 345 $ 0 $ 9 493 $
2015-16 5 274 $ 2 044 $ 61 $ 7 434 $
2016-17 5 416 $ 2 455 $ 24 $ 7 977 $
2017-18 6 833 $ 2 546 $ 102 $ 9 543 $
Note de fin de table a

Les salaires incluent les coûts des régimes d'avantages sociaux des employés.

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Note de fin de table b

Les activités et la gestion incluent les salaires des étudiants.

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Note de fin de table c

Les dépenses en immobilisations se rapportent à l'achat d'équipement de laboratoire. Source : estimation des coûts basée sur les analyses du dirigeant principal des finances et des centres qui participent à l'exécution des activités liées à la RAM.

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Source : estimation des coûts basée sur les analyses du dirigeant principal des finances et des centres qui participent à l'exécution des activités liées à la RAM.

3.0 Description de l'évaluation

3.1 Portée, conception et méthode de l'évaluation

Cette évaluation a examiné le rôle, les objectifs et les priorités de l’ASPC en ce qui a trait aux activités liées à la RAM, ainsi que la conception, l’exécution et la coordination de ces activités. Il s’agit de la première évaluation des activités de l’ASPC associées à la RAM. L’évaluation n’a pas examiné les effets de ces activités. Cependant, certains de ces effets ont déjà été couverts par d’autres évaluations de programmes menées par l’ASPC. De plus, l’évaluation n’a pas examiné les activités de lutte contre la RAM des autres ministères fédéraux, des provinces et des territoires ou des intervenants.

L’évaluation comprenait un examen des documents de programmes, des données financières et de la littérature décrivant la façon dont d’autres pays abordent la RAM. En tout, 47 entrevues ont été réalisées, dont 21 auprès de membres du personnel interne et 26 auprès d’informateurs externes clés dans les secteurs de la santé humaine et de la santé animale. Ces informateurs externes incluent des représentants d’autres ministères fédéraux, des gouvernements provinciaux et territoriaux et d’associations professionnelles, ainsi que des chercheurs. Ils ont été sélectionnés pour des entrevues en fonction de leurs interactions avec l’ASPC dans le cadre de l’élaboration des stratégies fédérale ou pancanadienne.

L’évaluation a tiré profit des renseignements recueillis dans le cadre d’évaluations antérieures, tels que les évaluations réalisées en 2018 au sujet des activités de l’ASPC en matière d’infections associées aux soins de santéNote de fin 21 et de maladies entériques d’origine alimentaire et hydriqueNote de fin 22. Voir l’annexe 2 pour plus de détails sur l’approche et la méthode d’évaluation.

Les données ont été analysées par triangulation des renseignements recueillis à partir des différentes sources de données énumérées ci-dessus, dans le but d’accroître la fiabilité et la crédibilité des constatations et conclusions de l’évaluation.

3.2 Limites et stratégies d'atténuation

Le tableau ci-dessous décrit les limites auxquelles se sont heurtés les évaluateurs pendant la mise en œuvre des méthodes de collecte de données choisies pour cette évaluation. On y précise également les stratégies d’atténuation mises en place afin que les constatations tirées de l’évaluation puissent être utilisées en toute confiance pour orienter la planification des programmes et la prise de décisions.

Tableau 2 : Limites et stratégies d'atténuation
Limites Répercussions Stratégie d'atténuation
L'évaluation donne un aperçu des activités de l'ASPC en matière de RAM à un moment particulier. Certaines activités ou l'organisation de ces activités étaient en évolution au moment de l'évaluation. L'état des activités liées à la RAM décrites dans ce rapport peut avoir changé depuis l'achèvement de l'évaluation. Par exemple, les entrevues ont été réalisées entre août et la mi-septembre 2018 et ont permis de recueillir les perceptions des informateurs externes sur la participation de l'ASPC à ce moment précis. Comme l'indique la documentation interne, cette participation a continué d'évoluer après les entrevues. Dans ses conclusions, le rapport reconnaît que les activités ou les caractéristiques de la réponse à la RAM étaient en évolution ou en voie d'être redéfinies. L'évaluation a pris en compte le plus grand nombre possible de développements récents dans la mise en œuvre et l'organisation des activités de l'ASPC liées à la RAM.
L'équipe d'évaluation n'a pas été en mesure de recueillir suffisamment de données pour fournir une comparaison significative de l'organisation et de la conception des activités liées à la RAM au sein de l'ASPC par rapport à ce qu'on trouve dans d'autres pays. L'évaluation ne fournit que des comparaisons limitées de l'organisation et de la conception des activités de l'ASPC en matière de RAM par rapport à ce qui se fait dans d'autres pays. Ces comparaisons ne sont incluses dans le rapport que dans les cas où il a été possible de recueillir suffisamment de données pour permettre une discussion informée.

4.0 Conclusions

4.1 Rôle de l'ASPC dans la lutte contre la RAM

La participation de l’ASPC à la surveillance et à l’intendance, ainsi qu’à la prévention et au contrôle des infections et à la liaison du Canada avec les initiatives internationales semble clairement établie et comprise. La nature de la participation de l’ASPC à la coordination pancanadienne et à la recherche et à l’innovation n’est toutefois pas clairement établie et ne correspond pas entièrement aux attentes des partenaires et des intervenants.

Selon la Loi sur l’Agence de la santé publique du Canada, le mandat de l’ASPC inclut les éléments ci-dessousNote de fin 23 :

  • prendre des mesures en matière de santé publique, notamment en ce qui a trait à la protection et à la promotion de la santé, à l’évaluation de l’état de santé de la population, à la surveillance de la santé, à la prévention des maladies et des blessures, ainsi qu’à la préparation et à l’intervention en cas d’urgence sanitaire;
  • encourager la collaboration dans le domaine de la santé publique et coordonner les politiques et les programmes fédéraux en matière de santé publique;
  • favoriser dans le domaine de la santé publique la consultation et la coopération avec les gouvernements provinciaux et territoriaux;
  • encourager la coopération dans ce domaine avec les gouvernements étrangers et les organisations internationales et les autres organismes et personnes intéressés.

La prise de mesures pour s’attaquer au problème de la RAM dans les quatre éléments essentiels énoncés et l’exécution d’une fonction de coordination à l’échelle nationale et internationale cadrent avec ce mandat. Cependant, comme le montrent les données qui ont servi à l’évaluation, le niveau de participation de l’ASPC et la clarté avec laquelle cette participation est définie et comprise varient en fonction de l’élément essentiel ou du domaine d’activité.

  • Surveillance. Comme il est indiqué dans le cadre pancanadien, ainsi que dans le rapport d’étape de 2018 sur le Cadre fédéralNote de fin 24, l’ASPC assure la surveillance des maladies infectieuses. L’ASPC a participé à divers programmes nationaux de surveillance de la RAM et de l’utilisation des antimicrobiens (UAM). Dans l’ensemble, la participation de l’ASPC à la surveillance de la RAM est clairement définie et correspond aux attentes des informateurs clés.
  • Intendance. L’intendance est un domaine de responsabilité partagée avec les provinces et les territoires, qui sont responsables de la santé publique et des systèmes de soins de santé, ainsi qu’avec d’autres ministères fédérauxNote de fin 25. Dans ce contexte, comme l’indiquent le plan d’action fédéral, les documents internes et de nombreux informateurs clés, l’ASPC prend des mesures pour mieux sensibiliser et informer le grand public au sujet de la RAM, ainsi que pour promouvoir un recours optimal aux antimicrobiens par les intervenants en santé humaine et animale. L’ASPC mène ces activités en collaboration avec les provinces, les territoires et d’autres organisations. De plus, la sensibilisation de la population canadienne à la RAM fait aussi partie des priorités de l’administrateur en chef de la santé publiqueNote de fin 26.
  • Prévention et contrôle des infections. Il s’agit là aussi d’un domaine de responsabilité partagée. Les provinces et les territoires sont les principaux responsables de l’administration et de la prestation des services de soins de santé. La participation fédérale dans ce domaine consiste à élaborer et à diffuser des renseignements et des lignes directrices sur les pratiques professionnelles en matière de prévention et de contrôle des infectionsNote de fin 27. L’ASPC fournit des conseils et une orientation aux organisations et aux prestataires de soins de santé pour les aider à prévenir et à contrôler la propagation des infections dans les établissements de soins de santé et dans les collectivités. L’ASPC collabore avec des partenaires provinciaux et territoriaux, des organisations professionnelles et des intervenants pour élaborer des lignes directrices et des outils fondés sur des données probantes et pour promouvoir les pratiques exemplaires en faisant connaître et en diffusant ces produits. Comme l’ont fait remarquer les informateurs clés et comme l’a démontré une évaluation récente des activités de lutte contre les infections associées aux soins de santé au sein de l’ASPC, la participation de l’ASPC dans ce domaine est généralement bien comprise par les partenaires et les intervenants.
  • Les documents consultés et plusieurs informateurs clés internes et externes ont souligné que l’ASPC assume un rôle de soutien dans la recherche et l’innovation. Comme indiqué dans le rapport d’étape sur le Cadre fédéral, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) sont la principale organisation fédérale engagée dans le développement des connaissances et l’exécution d’activités de recherche et de développement visant à créer des outils innovants et à concevoir des thérapies alternatives qui empêcheront ou limiteront la propagation de la RAM. Des documents internes expliquent que l’ASPC appuie la recherche et l’innovation en santé au Canada, tout en collaborant avec des partenaires internationaux pour contribuer aux efforts de recherche mondiaux sur la RAM, sur l’UAM, sur les nouvelles thérapies et sur les solutions de rechange aux antimicrobiens. Par exemple, l’ASPC et d’autres ministères participent au programme fédéral quinquennal appelé Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) sur la résistance aux antimicrobiens. L’ASPC tire parti du séquençage complet du génome et de l’analyse du génome pour mieux comprendre les facteurs qui contribuent au développement de la RAM, ainsi que pour déceler les voies d’exposition critiques par lesquelles les bactéries résistantes aux antimicrobiens atteignent les humains. L’ASPC collabore également avec d’autres ministères fédéraux pour établir les priorités en matière de recherche sur les vaccins. Quelques-uns des principaux informateurs externes ont souligné que l’ASPC pourrait renforcer sa participation dans ce domaine en incitant d’autres ministères à encourager la recherche et l’innovation, mais les principaux informateurs internes ne partagent pas cet avis.

Le rapport d’étape sur le Cadre fédéral et les principaux informateurs internes ont indiqué qu’en plus de participer aux activités associées aux éléments essentiels, l’ASPC assure la liaison avec les responsables d’initiatives internationales au nom du Canada. Par exemple, comme l’indique le rapport d’étape sur le Cadre fédéral, l’ASPC a dirigé l’engagement canadien visant à élaborer et à mettre en œuvre un plan d’action mondial en matière de RAM, avec l’appui d’autres ministères fédéraux. L’ASPC a également continué à soutenir l’élaboration d’un ensemble intégré et mondial d’activités de lutte contre la RAM, dans le cadre de ses travaux au sein du Programme mondial de sécurité sanitaireNote de bas de page f. Comme l’a expliqué un informateur clé, le but de ces engagements consiste à partager l’information, les connaissances et l’expérience, et à aborder les questions liées à la RAM dans un esprit de collaboration.

De plus, l’évaluation a révélé que les informateurs clés internes et externes comprennent que l’ASPC assume un rôle de coordination fédérale et nationale consistant à réunir des partenaires pour élaborer des stratégies fédérales et pancanadiennes. Cependant, la plupart des partenaires externes sont d’avis que la participation de l’ASPC dans ce domaine devrait aller au-delà de la coordination et que l’Agence devait assurer un leadership national. Selon des entrevues avec les partenaires et intervenants et les informateurs clés internes, les attentes concernant le leadership de l’ASPC sont les suivantes :

  • être la voix au Canada qui fera comprendre la gravité de la RAM, afin d’accroître le niveau de priorité accordée à ce dossier par les différents ordres de gouvernement et les intervenants;
  • mobiliser les intervenants concernés pour qu’ils prennent des mesures en s’appuyant sur une approche « Un monde, une santé »;
  • coordonner et réunir les partenaires.

Figure 3. Comprendre la différence entre la « coordination » et le « leadership »

D'après les informations recueillies aux fins de cette évaluation, la différence entre la « coordination » et le leadership à l'échelle nationale peut être comprise comme indiqué ci-dessous.

La coordination consiste à :

  • coordonner les suggestions des partenaires afin de parvenir à un consensus sur une approche coordonnée pour lutter contre la RAM.

Le leadership consiste à mener les activités de coordination déjà mentionnées, plus les suivantes

  • être la voix qui attire l'attention sur la RAM et ses risques afin que les différents intervenants en fassent une priorité;
  • appeler les intervenants à prendre des mesures pour s'attaquer au problème de la RAM.

La perception des informateurs externes n'est pas la même que celle des informateurs de l'ASPC, qui ont généralement affirmé que la participation de l'Agence devrait se limiter à coordonner l'élaboration des deux documents directeurs (cadre et plan d'action) et la préparation de rapports connexes. (Voir la figure 3 ci-dessous pour une définition comparative de la « coordination » et du « leadership ».) Quelques informateurs clés internes ont noté que l'ASPC dispose de ressources et de leviers limités pour exercer des fonctions de leadership élargies.

Les documents publics ne fournissent pas de réponse claire à la question de savoir si le rôle de l’ASPC ne concerne que la coordination ou s’il inclut également le leadership. Plusieurs documents, comme le Cadre fédéral et le rapport d’étape, indiquent clairement que l’ASPC est l’organisme fédéral chargé de coordonner l’élaboration des stratégies fédérales et pancanadiennes. Cependant, l’audit du Bureau du vérificateur général de 2015 portant sur la RAM a assigné un rôle de leadership à l’ASPC et a souligné que l’ASPC se charge « de coordonner les interventions nationales contre les menaces pour la santé publique. Elle a déterminé que la résistance aux antimicrobiens constituait une telle menace. L’Agence exerce un rôle de leader à l’échelle nationale relativement aux aspects de la résistance aux antimicrobiens et de l’utilisation des antimicrobiens qui touchent la santé publique. »Note de fin 28.

De nombreux autres documents publics, qui font référence à des fonctions de leadership plus larges, appuient cette affirmation. Parmi ceux-ci, le mandat de l’ASPC indique : « Bien que la santé publique soit une responsabilité partagée, la mission de l’ASPC est de promouvoir et de protéger la santé des Canadiens par le leadership, le partenariat, l’innovation et l’action en santé publique ».Le Cadre fédéral souligne également que l’ASPC « assume un rôle de chef de file national pour tout ce qui touche les problèmes de santé publique soulevés par le recours et la résistance aux antimicrobiens. Elle collabore avec des partenaires nationaux et internationaux pour assurer une surveillance, effectuer des analyses de laboratoire, intervenir en cas d’éclosion de maladie infectieuse, mener des activités de sensibilisation et de l’élaboration de lignes directrices sur la santé publique. » L’Agence elle-même a noté dans son Plan ministériel 2017-2018<Note de fin 29 qu’elle agit comme « un catalyseur de l’action canadienne sur les priorités en matière de RAM, y compris la réalisation du consensus des intervenants sur les indicateurs clés et les cibles pour réduire la résistance aux antimicrobiens, promouvoir une utilisation antimicrobienne appropriée et faire avancer les engagements pris dans le plan d’action ». Certains documents internes et certains exposés indiquent eux aussi que l’ASPC joue le rôle de chef de file fédéral pour l’approche canadienne « Un monde, une santé ».

En plus des différences dans les perceptions sur le rôle de l’ASPC, il semble y avoir un manque général de leadership dans la lutte contre la RAM au Canada. Par exemple, les témoins aux audiences du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes ont souligné le besoin évident d’une voix nationale et d’un leadership fédéral accru en ce qui concerne la RAM. De même, la plupart des recommandations du Comité permanent demandaient à l’ASPC de prendre des mesures à l’égard de la RAM, y compris la nomination d’un conseiller fédéral qui serait le champion national en matière de lutte contre la RAM au Canada. Plusieurs informateurs clés, tant externes qu’internes, ainsi que des documents clés, estiment que l’ASPC devrait être ce chef de file.

4.2 Organisation interne

Bien que les activités liées à la RAM soient dispersées au sein de l’ASPC, les mécanismes de gouvernance mis en place à l’interne ont permis une certaine coordination. Toutefois, les changements organisationnels (personnel et structures) ont engendré des difficultés en ce qui a trait à la coordination efficace de ces activités.

Au moment de l’évaluation, il n’y avait pas de programme sur la RAM au sein de l’ASPC. Différentes directions générales de l’ASPC mènent des activités dans le domaine de la RAM, mais la plupart des activités ont été entreprises par les centres suivants au sein de la Direction générale de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses :

  • Le Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections entreprend les activités suivantes :
    • La surveillance, en collaboration avec le Laboratoire national de microbiologie, par l’intermédiaire du Programme canadien de surveillance des infections nosocomiales (PCSIN), qui surveille l’UAM et la RAM chez les patients hospitalisés, ainsi que par l’intermédiaire du Système canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (SCSRA), qui synthétise et analyse les renseignements provenants des divers systèmes de surveillance et services de référencement des laboratoires de l’ASPC.
    • L’intendance de projets prioritaires reposant sur la collaboration avec les provinces et les territoires et des partenaires externes (p. ex., organisation conjointe d’ateliers d’apprentissage professionnel, élaboration de programmes de formation continue ou établissement de priorités en matière d’intendance), et sensibilisation à la RAM et à l’utilisation appropriée des antibiotiques.
    • Des activités de prévention et de contrôle des infections, par l’élaboration de lignes directrices nationales visant à prévenir la transmission des infections dans les établissements de soins de santé.
    • Activités nationales et internationales d’établissement de politiques et de coordination de la lutte contre la RAM, par l’intermédiaire de l’équipe des politiques et de la coordination en matière de résistance aux antimicrobiens (anciennement connue sous le nom d’« équipe spéciale sur la RAM »). Ces activités comprennent la supervision de la mise en œuvre du cadre et du plan d’action fédéraux, la direction et la coordination de l’élaboration du cadre et du plan d’action pancanadiens, ainsi qu’une participation active à des engagements internationaux.
  • Le Centre des maladies infectieuses d’origine alimentaire, environnementale et zoonotique effectue les activités suivantes :
    • La surveillance de la RAM et de l’UAM tout le long de la chaîne alimentaire des animaux aux humains, par l’intermédiaire du Programme intégré canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (PICRA), en collaboration avec le Laboratoire national de microbiologie.
    • Des contributions à la recherche et à l’innovation par l’entremise de multiples projets financés de l’extérieur, dont le projet quinquennal fédéral sur la RAM dans le cadre de l’Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG), en partenariat avec le Laboratoire national de microbiologie et d’autres ministères.
    • La contribution de son expertise à l’appui des initiatives internationales entreprises par l’OMS, l’Organisation panaméricaine de la santé et l’Organisation mondiale de la Santé animale pour établir les pratiques exemplaires et renforcer les capacités de surveillance intégrée tout le long de la chaîne alimentaire.
  • Le Laboratoire national de microbiologie effectue les activités suivantes :
    • Assure le leadership des laboratoires nationaux de santé publique, la surveillance des maladies infectieuses, y compris les pathogènes bactériens et les maladies virales et zoonotiques qui développent une résistance, ainsi que la prestation de services spécialisés de référence et de diagnostic pour les provinces et les territoires. Le Laboratoire offre également des plateformes de réseautage (p. ex., le Réseau canadien de renseignements sur la santé publique et le Réseau des laboratoires de santé publique du Canada) pour améliorer la capacité d’intervention des laboratoires de santé publique au Canada.
    • Fait progresser la recherche et l’innovation dans l’étude de la RAM dans le contexte des maladies infectieuses. Il s’agit notamment de projets de pointe sur la RAM dans le cadre de l’IRDG, qui produisent entre autres des ensembles de données sur le génome des agents pathogènes, des outils bio-informatiques (in silico) et une plateforme d’analyse pour les partenaires fédéraux.
  • Le Centre de l’immunisation et des maladies respiratoires infectieuses est engagé dans le dossier de la RAM en ce qui a trait au rôle des vaccins et des programmes d’immunisation pour éviter les infections et l’utilisation d’antimicrobiens.

En plus de la Direction générale de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses, d’autres secteurs organisationnels de l’ASPC sont engagés dans le dossier de la RAM, y compris les suivants :

  • L’administratrice en chef de la santé publique a identifié la promotion de l’utilisation rationnelle des antibiotiques et la sensibilisation aux risques de la RAM comme l’un de ses six domaines d’action prioritaires. L’administratrice en chef de la santé publique est la conseillère fédérale et la championne nationale du dossier de la RAM.
  • Le Bureau des affaires internationales est le guichet unique pour les affaires internationales du portefeuille de la Santé. À ce titre, il coordonne la participation de l’ASPC sur la scène internationale dans les enjeux relatifs à la RAM, en particulier dans le cadre de discussions multilatérales où la RAM n’est pas le seul sujet couvert. Le Bureau appuie également l’équipe des politiques et de la coordination en matière de la RAM, qui assure la liaison au nom du Canada dans le cadre d’initiatives particulières visant la RAM.
  • La Direction générale des communications et des affaires publiques collabore avec le Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections pour mener des activités de sensibilisation du public et exécuter des stratégies de communication qui font mieux connaître la question de la RAM.
  • Le dentiste en chef assure la liaison entre l’ASPC et les organisations nationales de professionnels de la santé dentaire et les organismes de réglementation des professions dentaires au sujet des questions relatives à la RAM. Au moment de l’évaluation, rien n’indiquait clairement que le dentiste en chef participait activement à la conception ou à la gouvernance des activités liées à la RAM.
  • Les bureaux régionaux de la Direction générale de l’infrastructure de sécurité sanitaire recueillent des renseignements stratégiques sur la RAM et sur l’UAM, ce qui permet de renforcer les capacités en matière de santé publique dans les régions Canadiennes, notamment grâce à la participation des intervenants et à la mobilisation des connaissances et l’amélioration l’infrastructure de préparation et d’intervention en cas d’urgence.

Des mécanismes de gouvernance ont été mis en place pour aider à la coordination et à l’échange d’information entre les différentes directions générales impliquées dans la lutte contre la RAM au sein de l’ASPC. Ces mécanismes comprennent des réunions bilatérales bihebdomadaires sur la RAM entre le directeur général du Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections, le directeur de l’équipe spéciale sur la RAM (maintenant réorganisée et appelée « équipe des politiques et de la coordination en matière de RAM ») et la présidente de l’ASPC, des réunions mensuelles entre les vice-présidents et les directeurs généraux impliqués dans les activités liées à la RAM, ainsi que des réunions mensuelles des directeurs impliqués dans le dossier de la RAM. Les membres du personnel des bureaux régionaux concernés par la RAM tiennent aussi des réunions pancanadiennes périodiques. Dans l’ensemble, les informateurs clés internes estiment que ces mécanismes de gouvernance fonctionnent bien.

Cependant, les opinions sur la qualité de la coordination des activités associées à la RAM dans la pratique varient selon le type d’activité. Bien que la communication et les activités internationales soient perçues comme étant bien coordonnées, quelques informateurs clés internes ont souligné la nécessité d’une meilleure coordination entre les divers secteurs qui participent à la surveillance. La coordination de ces activités est perçue comme un défi, car différents centres sont responsables de différents programmes de surveillance qui ne portent pas spécifiquement sur la RAM et sont motivés par d’autres priorités.

Un autre domaine qui présente un défi est l’organisation et l’emplacement de la fonction d’élaboration de politiques et de coordination de la lutte contre la RAM. Au départ, il s’agissait d’une fonction temporaire (c.-à-d., une équipe spéciale) visant à élaborer les cadres fédéral et pancanadien et le plan d’action en réponse aux recommandations.

En septembre 2017, l’équipe spéciale sur la RAM a été transférée du bureau du vice-président de la Direction générale de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses au Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections et renommée « équipe des politiques et de la coordination en matière de RAM ». Quelques informateurs clés internes se demandent si le déplacement de l’équipe des politiques et de la coordination à l’intérieur d’un centre était idéal et si cela n’a pas diminué l’importance de la fonction. Par contre, aucun de ces informateurs clés n’était en mesure d’indiquer clairement où l’équipe devrait être placée, idéalement. Quelques informateurs clés internes ont signalé que des travaux étaient en cours pour déterminer la meilleure façon d’organiser la fonction à l’avenir. Au moment de l’évaluation, il y avait aussi des discussions en cours au sujet de la création d’une unité de programme qui serait chargée des activités liées à la RAM. La figure 4 ci-dessous présente des exemples issus d’autres pays qui ont établi des fonctions de premier plan pour s’attaquer à la RAM. De plus, la figure 6, à la page 19, explique comment les activités liées à la RAM ont été menées, et ces activités sont comparées aux activités réalisées par le Canada en réponse à la crise des opioïdes.

Certains informateurs clés internes et externes ont noté qu’à la suite de la publication du cadre pancanadien et de la réorganisation de l’équipe des politiques et de la coordination en matière de RAM, certains changements au sein de la haute direction et le départ de certains membres du personnel ont posé des défis. Ils ont noté que les relations établies avec les partenaires avaient tendance à disparaître au moment du départ de certains membres du personnel et que la connaissance ministérielle du dossier était alors aussi perdue.

Figure 4. Approches organisationnelles utilisées par d'autres pays

États-Unis

Le modèle de l'ASPC qui consiste à intégrer la fonction d'élaboration de politiques dans un centre contraste avec l'approche adoptée par d'autres pays qui ont établi une fonction d'élaboration de politiques centrale, au niveau du gouvernement même. Aux États-Unis, le conseil consultatif présidentiel sur la lutte aux bactéries résistantes aux antibiotiques (Presidential Advisory Council on Combating Antibiotic-Resistant Bacteria) relève directement du président, par l'intermédiaire du ministre de la Santé (Health Secretary). Ce conseil consultatif regroupe des experts en santé humaine et animale de divers secteurs, dont l'agriculture, la pharmacologie, la santé publique, les soins de santé, etc. L'évaluation n'a trouvé aucune preuve de rapport systématique sur les activités associées à la RAM à ce niveau au Canada.

Angleterre

En Angleterre, le ministère de la Santé et du Bien-être social (Department of Health and Social Care), de concert avec le ministère de l'Environnement, de l'Alimentation et des Affaires rurales (Department for Environment, Food and Rural Affairs) et l'agence de la santé publique de l'Angleterre (Public Health England), dirige un vaste programme auquel participent des organisations des secteurs public et privé et qui contribue à déterminer les activités internationales. Un groupe directeur pangouvernemental composé de divers partenaires des secteurs de la santé humaine et animale, du monde de la recherche, des industries et du milieu universitaire supervise la mise en œuvre de la stratégie en matière de RAM. Dame Sally Davies, médecin en chef de l'Angleterre, agit à titre de championne du dossier de la RAM, qu'elle œuvre à établir comme une priorité en Angleterre. Elle a également mis d'autres pays au défi d'être plus actifs dans ce domaine.

Au moment de l'évaluation, de nombreux informateurs clés externes estimaient que le Canada n'avait pas de champion national du dossier de la RAM semblable à celui de l'Angleterre. Cela a été décrit comme un problème, dans la mesure où la RAM est une question transversale, alors qu'il existe des silos entre les ordres de gouvernement. Le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a demandé au gouvernement du Canada de nommer un conseiller fédéral qui serait le champion national du dossier de la RAM. L'ASPC a répondu qu'elle continuera à compter sur le leadership de l'administratrice en chef de la santé publique dans son rôle de conseillère fédérale et de championne fédérale.

4.3 Ressources

Les informateurs clés estiment que le niveau actuel des ressources allouées aux activités associées à la RAM n’est pas suffisant et que cela limite les activités que l’ASPC peut entreprendre. De plus, les activités liées au SCSRA, ainsi que la fonction d’élaboration de politiques et de coordination, n’ont reçu que des ressources permanentes limitées au fil des ans.

Entre 2013-2014 et 2017-2018, l’ASPC a dépensé environ 8,5 millions de dollars par année pour des activités liées à la surveillance, à la coordination à l’échelle fédérale, pancanadienne et internationale, ainsi qu’à d’autres activités (p. ex., activités d’intendance). Cette estimation ne comprend pas le coût total des activités internationales. Comme le montre la figure 5 ci-dessous, environ 7 M$ par année ont été dépensés pour la surveillance, 0,9 M$ pour les activités d’élaboration de politiques et de coordination et 0,6 M$ pour diverses autres activités.

Dans l’ensemble, les dépenses estimatives d’environ 8,5 M$ par année représentaient environ 1,4 % du budget global de l’ASPC. En comparaison, l’ASPC a investi environ 4 % de son budget dans les activités liées à l’immunisation et aux maladies respiratoires infectieuses, et elle a consacré 7 % de son budget à l’Initiative fédérale de lutte contre le VIH/sida.

Une majorité d’informateurs clés internes et quelques informateurs clés externes ont souligné que le niveau actuel de financement n’est pas suffisant et limite les activités que l’ASPC peut entreprendre au pays et à l’étranger. Quelques informateurs clés ont également noté qu’il existe un risque que l’ASPC ne soit pas en mesure de respecter son engagement en raison du manque de ressources. De plus, bien que la plupart des dépenses de l’ASPC soient consacrées aux travaux de surveillance, y compris les activités du PCSIN, du PICRA, du SCSRA et du Laboratoire national de microbiologie, de nombreux informateurs clés externes ont souligné le manque de ressources dans ce domaine particulier, ce qui a une incidence sur la couverture des systèmes de surveillance actuels et sur la capacité de l’ASPC à innover. En fait, comme l’indiquent les données financières, les dépenses liées à la surveillance ont diminué avec le temps. Cela a surtout touché le PICRA et le Laboratoire national de microbiologie.

Bien qu’il y ait une perception générale, au sein de l’ASPC, selon laquelle le financement des activités associées à la RAM est insuffisant, on ne sait pas très bien quelles ressources seraient nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de lutte contre la RAM de façon durable à l’avenir. Comme l’ont expliqué quelques informateurs clés internes, l’ASPC n’a jamais été en mesure de préparer une analyse de rentabilisation complète et d’établir les coûts de manière appropriée pour ses activités relatives à la RAM, ce qui a été souligné comme un problème à aborder dans l’avenir.

Un autre défi noté par les informateurs clés internes est que le SCSRA, de même que la fonction d'élaboration de politiques et de coordination, n'ont reçu que des ressources permanentes limitées au fil des ans. Ces activités ont été financées principalement au moyen d'analyses de rentabilisation présentées sur plusieurs années afin de réaffecter le financement à l'interne sur une base temporaire, ainsi qu'en soumettant les demandes dans le cadre de séances d'affectation de fonds. Cela pourrait s'expliquer en partie par le fait que l'équipe spéciale sur la RAM, aujourd'hui appelée « équipe des politiques et de la coordination en matière de RAM », a été établie à l'origine comme une fonction temporaire, et qu'il n'existait aucun programme spécifiquement responsable du dossier de la RAM au moment de cette évaluation. Néanmoins, des informateurs clés internes ont expliqué que la présentation de demandes dans le cadre de séances d'affectation de fonds et le recours à des fonds temporaires ont rendu difficiles l'obtention de l'appui des partenaires et le recrutement de personnel, car il n'est pas possible de lancer des concours pour combler des postes qui n'existent pas officiellement. Cela a aussi rendu difficile le recrutement d'employés possédant les compétences et l'expertise nécessaires pour pourvoir les postes temporaires.

À cet égard, quelques informateurs clés internes et externes ont souligné que l’ASPC ne dispose pas nécessairement du bon mélange de compétences et d’expertise pour exécuter les activités associées à la RAM. De plus, ils ont mentionné que les membres du personnel qui possèdent l’expertise technique convenable ne sont pas suffisamment engagés dans les discussions, qui ont tendance à être dirigées par des généralistes et des responsables des politiques.

4.4 Priorisation de la lutte contre la RAM

Ni l’ASPC ni le gouvernement du Canada n’ont accordé un niveau de priorité suffisant au dossier de la RAM.

Le Canada a pris plusieurs engagements internationaux visant la lutte contre la RAM. Par exemple, en 2015, l’ASPC fournit du financement à la Banque mondiale pour explorer les coûts économiques de la RAM. De plus, le Canada s’est engagé à appuyer une déclaration politique qui a été formulée à l’occasion d’une réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur la RAM et que l’Assemblée générale des Nations Unies a adoptée par résolution le 5 octobre 2016. En 2017, Affaires mondiales Canada, à la suite de discussions avec l’ASPC, a versé une contribution de 9 millions de dollars à l’OMS à l’appui d’une approche globale de lutte contre la RAM à l’échelle mondiale. À l’automne 2017, le Canada a assuré la présidence du plan d’action sur la RAM de l’Initiative de sécurité sanitaire mondiale pendant un an. Bien que le Canada ait été actif à l’échelle internationale, des informateurs clés internes ont indiqué que les engagements internationaux du Canada ont été essentiellement réactifs, et que ces engagements n’étaient pas nécessairement guidés par des orientations proactives et stratégiques.

De plus, très peu de preuves laissent croire que la lutte contre la RAM fait partie des priorités nationales du gouvernement du Canada. L’ASPC a désigné la lutte contre la RAM comme une priorité dans son plan stratégique pour 2013 à 2018Note de fin 30. La lutte contre la RAM fait aussi partie des six domaines d’action prioritaires établis par l’administratrice en chef de la santé publique en juin 2018. Cependant, la plus récente lettre de mandat de la ministre de la Santé ne fait aucune mention de la RAM, bien qu’elle établit une vaste gamme de priorités, dont l’adoption de règlements plus sévères pour éliminer les gras trans et la sensibilisation au traitement des commotions cérébrales. Il n’a pas non plus été fait mention de la question de la RAM dans les divers discours du Trône et budgets fédéraux des cinq dernières années, à l’exception du Budget de 2015.

Dans l’ensemble, de nombreux informateurs clés externes et quelques informateurs clés internes ne pensent pas que la RAM est une priorité pour l’ASPC ou le gouvernement du Canada et ils estiment que le niveau actuel de priorité qui est accordé à la question est insuffisant, compte tenu des risques que la RAM représente pour la santé et la vie humaines, ainsi que pour le système de santé et l’économie du Canada.

Il est à noter que certains informateurs clés internes ont expliqué que les activités de l’ASPC associées à la RAM ont été essentiellement réactives, plutôt que d’être guidées par des orientations stratégiques. Quelques-uns de ces informateurs clés ont reconnu la nécessité d’établir les prochaines étapes, les objectifs et l’organisation des activités de l’ASPC en matière de RAM pour les rendre durables dans l’avenir.

La figure 6 ci-dessous compare la priorisation et l’organisation des activités associées à la RAM avec l’approche adoptée par le gouvernement du Canada pour répondre à la crise des opioïdes.

Figure 6. Comparaison entre les réponses à la RAM et à la crise des opioïdes

Quelques informateurs clés ont noté que le problème de la RAM présente de nombreuses similitudes avec la crise des opioïdes, car il s’agit dans les deux cas de problèmes de santé publique pour lesquels la prescription de médicaments est un facteur contributif. Il s’agit de dossiers complexes qui nécessitent une action coordonnée de la part de plusieurs ministères fédéraux, provinces et territoires, organismes de santé, experts, etc. Les réponses au problème de la RAM et à la crise des opioïdes ont été organisées pour réagir à un problème immédiat et grave qui nécessite une action à long terme. Cependant, dans le cas des opioïdes, il s’agit de répondre à une crise immédiate, tandis que dans le cas de la RAM, il s’agit de prévenir une crise. Dans les deux cas, on reconnaît qu’il est nécessaire d’établir une réponse appropriée dans l’avenir.

L’approche organisationnelle adoptée par Santé Canada pour coordonner et diriger la réponse fédérale à la crise des opioïdes diffère de l’approche adoptée par l’ASPC pour la RAM. La réponse à la crise des opioïdes est dirigée par un haut fonctionnaire (c.-à-d., le sous-ministre adjoint) qui est également responsable de la mise en œuvre des grandes stratégies et des règlements généraux concernant les médicaments contrôlés. Les deux dossiers sont coordonnés par l’entremise de structures de gouvernance auxquelles participent de hauts fonctionnaires. Dans le cas des opioïdes, il est clair que Santé Canada assure la coordination et le leadership, alors qu’il n’est pas clair que l’ASPC assure le leadership entourant le dossier de la RAM. Dans les deux cas, des partenaires se sont dits préoccupés par le fait que leur participation aux comités de gouvernance consistait davantage à recevoir de l’information qu’à contribuer à des discussions stratégiques.

Bien que la nécessité de s’attaquer au problème de la RAM soit connue et reconnue depuis de nombreuses années, la RAM n’a pas été désignée comme une priorité clé dans les documents d’établissement de programmes du gouvernement du Canada pour les années couvertes par cette évaluation. Par comparaison, le gouvernement du Canada a clairement désigné la crise des opioïdes comme une priorité, et des ressources ont été clairement engagées pour régler la crise des opioïdes dans les budgets fédéraux de 2017 et de 2018.

4.5 Progrès dans la mise en œuvre des activités

4.5.1 Surveillance

L’ASPC a réalisé des progrès considérables dans sa réponse au besoin de renseignements de surveillance sur la RAM. Toutefois, des progrès restent à faire en ce qui concerne la portée, l’intégration, l’analyse et l’échange des données de surveillance.

Au cours des cinq dernières années, l’ASPC a continué de renforcer ses systèmes de surveillance grâce à de multiples initiatives, y compris les suivantes :

  • Lancement du SCSRA pour fournir des informations intégrées recueillies par les systèmes de surveillance de l’ASPC et les services de référencement des laboratoires et publiées dans un rapport annuel;
  • Exécution de deux initiatives pilotes en matière de surveillance pour combler les lacunes dans les milieux communautaires;
  • Identification des besoins en matière de surveillance de la RAM pour les organismes prioritaires;
  • Intégration du plan de transformation de la surveillance de la RAM et de l’UAM dans la gouvernance et la coordination du SCSRA;
  • Projet pilote de collecte de données sur la sensibilité à la RAM dans des laboratoires cliniques afin de mieux comprendre les problèmes et les tendances liés à la RAM dans les milieux communautaires;
  • Collaboration avec Santé Canada pour analyser les données sur les ordonnances d’antimicrobiens recueillies dans les collectivités autochtones afin de brosser un tableau plus complet de l’UAM au Canada.

Le travail de surveillance réalisé par l’ASPC est généralement bien perçu par les informateurs clés externes. En particulier, de nombreux informateurs clés externes ont vanté les mérites du PICRA et ont mentionné que ce programme est reconnu comme l’un des meilleurs dans ce domaine à l’échelle internationale.

Toutefois, comme l’indiquent des documents internes et des évaluations de programmes antérieures, il subsiste plusieurs lacunes qui limitent l’acquisition d’une compréhension globale de la RAM et de l’UAM au Canada et qui nuisent à l’établissement des approches et des champs d’action. Les principales lacunes qui subsistent concernent la couverture, l’analyse, l’intégration et la diffusion des renseignements liées à la surveillance.

  • Couverture : Comme indiqué dans des documents internes, les systèmes nationaux de surveillance actuels sont davantage axés sur les infections que sur les agents pathogènes et fournissent peu de données sur la résistance. Le Canada ne recueille que des données limitées sur la RAM et l’UAM dans les petits hôpitaux non universitaires, et il n’en récolte pas du tout dans les établissements de santé en région rurale et dans le NordNote de fin 31. Certains aspects de la couverture des produits de base et des animaux d’élevage comportent des lacunes qui limitent la compréhension des tendances en matière de RAM dans la chaîne alimentaireNote de fin 32. Des documents internes indiquent qu’il n’y a pas suffisamment de données et de preuves sur les interventions et les actions qui seraient efficaces pour prévenir la RAM. De plus, quelques informateurs clés internes et externes ont mentionné la nécessité de recueillir davantage de données sur l’utilisation et les ordonnances d’antimicrobiens et sur certains agents pathogènes.
  • Intégration : Des documents internes indiquent un manque d’information sur les liens entre les pratiques en matière d’UAM, les modèles de résistance observés et la propagation des pathogènes. Les documents ont également souligné la nécessité de poursuivre l’intégration des données sur la santé animale et sur la santé humaine. Quelques informateurs clés internes et externes ont mentionné qu’il faut faire davantage pour mieux intégrer les différents programmes de surveillance et coordonner le travail effectué au Canada (p. ex., améliorer l’uniformité des définitions de cas).
  • Analyse et présentation : Certains informateurs clés internes ont mentionné que des améliorations sont nécessaires pour obtenir un portrait clair des tendances entourant la RAM au Canada. Les intervenants interrogés dans le cadre de l’évaluation des activités liées aux maladies d’origine alimentaire et entérique au sein de l’ASPC ont soulevé une préoccupation semblableNote de fin33.
  • Diffusion : Comme cela a été documenté dans de récentes évaluations, il arrive souvent que les données de surveillance de l’ASPC mises à la disposition du public ne soient pas à jour ou ne soient pas publiées en temps opportunNote de fin 34. Un informateur clé interne a expliqué que si les intervenants ne peuvent accéder aux données de l’ASPC en temps opportun, ils se tourneront vers d’autres sources, et il leur sera difficile de maintenir leur confiance envers l’ASPC dans son rôle de chef de file en matière de surveillance.

Les données provenant d’autres pays montrent que l’état de la surveillance au Canada est comparable à celui des États-Unis, mais qu’il est moins satisfaisant que ce qu’on trouve dans la plupart des pays de l’Europe de l’Ouest et en Australie. Au minimum, ces pays ont été en mesure de mettre en œuvre des systèmes nationaux de surveillance de la RAM couvrant les antibiotiques dans les hôpitaux et les cliniques de consultation externes, ainsi que de se doter de mécanismes externes d’assurance de la qualité et d’un centre national de coordination qui produit des rapports sur les niveaux de résistanceNote de fin35. Cela dit, selon des documents internes et plusieurs informateurs clés internes, au moment de l’évaluation, l’ASPC poursuivait ses travaux pour renforcer et élargir la portée des systèmes de surveillance de la RAM et de l’UAM. Par exemple, dans le cadre des travaux stratégiques menés pour élaborer le plan d’action pancanadien, l’ASPC a réalisé une analyse des lacunes afin de cerner les aspects à améliorer dans la surveillance de la RAM et de l’UAM.

4.5.2 Intendance

L’ASPC a élaboré une stratégie pour guider les efforts d’améliorer la sensibilisation à la RAM, et il est prévu que l’administrateur en chef de la santé publique va contribuer à renforcer ces efforts dans l’avenir. Toutefois, au moment de l’évaluation, le Canada accusait un retard à cet égard par rapport à des pays comparables.

Au cours des cinq dernières années, l’ASPC a poursuivi différentes activités d’intendance pour promouvoir l’utilisation prudente des antimicrobiens et améliorer la sensibilisation à la RAM. Il s’agit notamment de diverses activités de sensibilisation du public (p. ex., la Semaine annuelle de sensibilisation aux antibiotiques annuelle, ou l’utilisation des médias sociaux pour accroître la sensibilisation), ainsi que la tenue de tables rondes, de consultations et d’ateliers avec des intervenants en santé humaine et animale pour connaître leur point de vue sur l’intendance.

Un informateur clé interne a expliqué qu’à l’exception de la Semaine de sensibilisation aux antibiotiques, les activités de sensibilisation à la RAM n’étaient pas guidées par une stratégie avant 2017. Bien que des activités de sensibilisation du public aient été réalisées pendant chacune de ces années pour atteindre les principaux objectifs, la majeure partie du travail était réactif et contextuel. Depuis, la RAM est devenue l’une des priorités de la Stratégie de communication externe de l’ASPC. Un groupe de travail interministériel a également été mis sur pied pour mobiliser d’autres ministères afin d’assurer des communications bien coordonnées en matière de la RAM

Les objectifs de la stratégie de communication consistent à accroître la sensibilisation aux risques associés à la RAM, ainsi que la connaissance et la compréhension de la RAM et de l’UAM. La stratégie cible le grand public, y compris certains groupes à risque (p. ex., les personnes âgées), prescripteurs (c.-à-d., les dentistes, les infirmiers praticiens et les médecins) et les distributeurs (c.-à-d., les pharmaciens).

Comme nous l’avons mentionné précédemment ce rapport, l’une des priorités de l’administratrice en chef de la santé publique du Canada consiste à accroître la sensibilisation à la RAM. Elle a également été désignée championne du gouvernement fédéral pour le dossier de la RAM. La stratégie de communication vise à tirer parti de son rôle dans diverses initiatives de communication. Au moment de l’évaluation, les actions de l’administratrice en chef de la santé publique dans le dossier de la RAM étaient en cours d’élaboration.

Comme indiqué dans un rapport publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en novembre 2018, le Canada tire de l’arrière par rapport à la plupart des pays de l’OCDE en ce qui a trait aux campagnes de sensibilisationNote de fin 36. Les campagnes canadiennes, à ce jour, ont été menées à petite échelle et elles ciblaient certains intervenants concernés, alors que de nombreux pays d’Europe de l’Ouest et les États-Unis « se sont concentrés sur des activités nationales soutenues par le gouvernement et mises en œuvre pour changer les comportements face à la RAM dans des groupes cibles des secteurs de la santé humaine publique et privé, et ont assuré un suivi de la sensibilisation de ses intervenants et du changement de leurs comportements au cours des cinq dernières années » Note de fin37.

4.5.3 Prévention et contrôle des infections

L’ASPC a publié diverses lignes directrices sur la prévention des infections liées à la RAM, mais les données d’évaluation montrent que les plans dans ce domaine manquent de clarté.

L’ASPC fournit des conseils et une orientation aux organisations et aux fournisseurs de soins de santé pour les aider à prévenir et à contrôler la propagation des infections dans les établissements de soins de santé et dans les collectivités. À cet égard, depuis 2013, l’ASPC a élaboré les lignes directrices suivantes au sujet de la prévention et du contrôle des infections liées à la RAM :

  • Outils d’enseignement et d’évaluation des pratiques de base et des précautions additionnelles/Prévention et contrôle des maladies infectieuses (2013)
  • Infection à Clostridium difficile : lignes directrices sur la prévention et le contrôle des infections pour la gestion dans les établissements de soins de longue durée (2013)
  • Lignes directrices sur la prévention et le contrôle des infections pour la gestion dans les établissements de soins actifs (2013)
  • Lignes directrices liées à la RAM pour le traitement de la gonorrhée résistante (2017)
  • Pratiques de base et précautions additionnelles visant à prévenir la transmission des infections dans les milieux de soins (2017)

Une évaluation récente des activités de lutte contre les infections associées aux soins de santé a soulevé des inquiétudes quant au caractère opportun des lignes directrices de l’ASPC dans ce domaine, ainsi que de ses directives reliées à la RAMNote de fin38 . De plus, des entrevues avec quelques informateurs clés internes ont révélé un manque de clarté sur la façon dont les principaux partenaires et intervenants seraient consultés dans le processus d’élaboration des futures lignes directrices, ainsi qu’un manque de sensibilisation au sujet des activités en cours dans ce domaine et des calendriers connexes.

Le Canada accuse un retard par rapport aux États-Unis, au Royaume-Uni et à l’Australie pour ce qui est de l’élaboration de programmes nationaux de prévention et de contrôle des infections et de la mise en œuvre de directives connexesNote de bs de page g.

4.5.4 Recherche et innovation

L’ASPC a déployé de nouvelles technologies pour améliorer la détection de la RAM.

L’ASPC appuie la recherche et l’innovation en santé au Canada, tout en collaborant avec des partenaires internationaux pour contribuer aux efforts de recherche mondiaux sur la RAM, l’UAM, les nouvelles thérapies et les solutions de remplacement aux antimicrobiens. L’ASPC participe à l’Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG)_en matière de RAM, qui consacre 20 millions de dollars par année, par l’entremise de divers ministères et organismes fédéraux, à la recherche en génomique, y compris la recherche pour informer les politiques, les pratiques et les produits afin d’atténuer le développement de la RAM.

Au cours des dernières années, l’ASPC a préparé des essais en se basant sur de nouveaux séquençages de molécules et sur le génome complet pour prédire la sensibilité aux antimicrobiens de Neisseria gonorrhoeae (gonocoque) et a utilisé de nouveaux outils de séquençage et d’analyse du génome complet pour signaler et évaluer rapidement les nouvelles menaces (p. ex., la résistance à la colisticine dans les aliments provoquée par le gène de résistance à la colistine mobilisée MRC-1). L’ASPC a également collaboré avec d’autres ministères pour publier les priorités fédérales en matière de recherche et de développement de vaccins en réponse aux principales préoccupations entourant la santé publique.

Comme nous l’avons déjà mentionné, certains informateurs clés externes ont indiqué que l’ASPC pourrait collaborer davantage avec d’autres ministères pour trouver des moyens de favoriser la recherche et l’innovation.

4.5.5 Coordination internationale

L’ASPC a réalisé un nombre important d’engagements internationaux au nom du Canada. Cependant, l’ASPC n’a pas la capacité d’appuyer toutes les possibilités d’engagements internationaux et n’a pas une vision claire des efforts qui doivent être priorisés.

L’ASPC coordonne la plupart des initiatives et engagements internationaux du Canada en matière de stratégies et de politiques internationales, tandis que d’autres ministères ou organismes fédéraux participent à certaines initiatives de collaboration de nature technique ou liées à la recherche. Dans l’ensemble, l’ASPC participe intensivement à de telles initiatives. Entre autres, l’ASPC participe, au nom du Canada, aux initiatives suivantes, auxquelles d’autres ministères ou organismes fédéraux peuvent participer :

  • le Canada était l’un des principaux pays qui ont participé à l’élaboration de l’ensemble de mesures concernant la RAM de l’Initiative de sécurité sanitaire mondiale;
  • le Canada est membre du Groupe de travail transatlantique sur la résistance antimicrobienneNote de bas de page h;
  • le Canada apporte son expertise en matière de surveillance intégrée le long de la chaîne alimentaire aux activités de renforcement des capacités de l’OMS et de l’Organisation panaméricaine de la santé.

Des informateurs clés internes ont expliqué que le Canada est reconnu comme un chef de file pour sa participation active aux initiatives internationales. Cependant, les possibilités de participation aux engagements internationaux sont nombreuses et, selon les informateurs clés, l’ASPC n’a ni la capacité d’appuyer toutes ces participations, ni une orientation claire des efforts qui doivent être priorisés.

4.5.6 Activités de coordination nationale

La coordination par l’ASPC des deux cadres et du plan d’action fédéral a été considérée par les informateurs clés externes comme une réalisation importante. Les mécanismes de gouvernance utilisés pour coordonner ces efforts posent certains défis, mais le principal sujet de préoccupation concerne le niveau d’engagement de l’ASPC auprès de ses partenaires et des intervenants au cours de l’année précédente, ainsi que les progrès réalisés à ce jour dans l’élaboration du plan d’action pancanadien.

Plusieurs informateurs clés externes ont loué le travail accompli par l’ASPC pour coordonner l’élaboration des deux cadres et du plan d’action fédéral. L’élaboration du cadre pancanadien a été perçue par les informateurs clés externes comme une entreprise particulièrement difficile, car elle impliquait des intervenants d’un très grand nombre de secteurs. Des informateurs clés externes ont souligné que l’ASPC a réussi à réunir tous les partenaires, ainsi qu’à rapprocher différentes positions pour consolider les visions.

Pour coordonner l’élaboration des cadres et du plan d’action, l’ASPC a mis en œuvre deux mécanismes de gouvernance différents aux niveaux fédéral et pancanadien :

  • Le mécanisme de gouvernance fédéral fait intervenir onze ministères ou organismes fédérauxNote de bas de page i et offre une vision stratégique globale et un leadership pour le traitement de la question de la RAM à l’échelle nationale, ainsi que pour la contribution du Canada aux initiatives internationales. La structure de gouvernance comprend : 1) un comité interministériel des administrateurs généraux, 2) un comité interministériel des sous‑ministres adjoints et 3) un comité interministériel des directeurs généraux.
  • À l’échelle pancanadienne, les discussions se poursuivent grâce aux organisations suivantes : 1) un comité fédéral-territorial-provincial des sous-ministres champions, présidé par deux sous-ministres champions du côté agricole et deux autres du côté humain, 2) un comité directeur en matière de RAM regroupant des représentants de haut niveau des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, 3) quatre groupes de travail (un pour chacun des éléments essentiels : surveillance, intendance, prévention et contrôle des infections et recherche et innovation), composés de représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, des industries, du milieu universitaire et d’autres intervenants. Cette structure de gouvernance a des liens avec d’autres comités nationaux tant du côté de la santé (c.-à-d., le Conseil du Réseau pancanadien de santé publique, le Conseil des médecins hygiénistes en chef et la Conférence des sous-ministres de la Santé) que du côté de l’agriculture (c.-à-d., le Conseil canadien des médecins vétérinaires en chef, les comités des sous-ministres adjoints chargés des questions réglementaires et des politiques, ainsi que les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de l’Agriculture).

Les opinions sont mitigées quant à la mesure dans laquelle les mécanismes de gouvernance fédéraux et pancanadiens fonctionnent bien. Quelques informateurs clés internes et externes ont indiqué que ces mécanismes fonctionnent bien, ou aussi bien qu’ils le peuvent, compte tenu de leur ampleur et de leur complexité. Un informateur clé interne a même mentionné que le Canada est considéré comme un bon exemple en ce qui concerne sa capacité à rassembler un large éventail d’intervenants dans une structure de gouvernance. Il y a toutefois des aspects à améliorer, étant donné que certains informateurs clés externes ont signalé que les partenaires et intervenants n’ont pas participé de façon significative à l’élaboration du cadre. Les comités ont souvent servi à échanger de l’information et à donner aux partenaires l’occasion de réagir aux propositions, plutôt que de les faire participer pleinement à l’élaboration de ces propositions. De plus, les partenaires de l’extérieur du gouvernement du Canada ont déclaré ne pas avoir une compréhension claire des rôles et des responsabilités des divers ministères fédéraux concernés.

Comme nous l’avons mentionné à la section 3.2, le moment où la collecte des données s’est déroulée, à savoir l’été 2018, constitue une limite à cette évaluation. À ce temps, la majorité des informateurs clés externes ont indiqué que l’ASPC n’avait communiqué avec eux et n’avait fait appel à eux que de manière limitée en ce qui concerne les prochaines étapes de l’élaboration du plan d’action pancanadien au cours des quelque douze mois précédents. En fait, un examen des ordres du jour des réunions et des comptes rendus de décisions disponibles montre qu’à l’exception du Comité interministériel des directeurs généraux, qui est intégré au mécanisme de gouvernance fédéral, aucun des autres comités fédéraux ou pancanadiens ne s’est réuni entre décembre 2017 et octobre 2018. Ce ralentissement de l’activité des divers comités de gouvernance a coïncidé, en gros, avec la publication du cadre pancanadien et la réorganisation interne de l’équipe des politiques et de la coordination en matière de RAM.

La majorité des informateurs clés externes interrogés se sont dits préoccupés par le temps qu’il a fallu pour élaborer le plan d’action. Ils ont souligné que le travail accompli sur le cadre a mis la RAM à l’ordre du jour des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, des industries et des autres intervenants. Ils craignaient aussi que la fenêtre se soit refermée, en raison du manque d’engagement qu’ils ont reçu au cours des mois précédents. Cette situation a été perçue comme un risque par les informateurs clés externes, puisque l’élaboration du plan d’action pancanadien reposait sur l’établissement et le maintien de relations et sur la volonté des divers intervenants d’adopter une approche coordonnée pour aborder la question de la RAM.

Bien que l’ASPC n’ait eu que des interactions limitées avec les partenaires et les intervenants depuis l’automne 2017, les informateurs clés et les documents internes ont indiqué que l’ASPC a poursuivi certains travaux fondamentaux pour soutenir l’élaboration du plan d’action pancanadien pendant cette période. Entre autres, l’ASPC a tenu, en mars 2018, une table ronde sur l’approche « Un monde, une santé » avec des intervenants des secteurs de la santé humaine, de l’agriculture et de l’environnement, afin d’établir des domaines d’action communs potentiels au niveau pancanadien. L’ASPC a également collaboré avec d’autres ministères pour cerner les lacunes dans la réponse à la RAM et les possibilités d’action. De plus, par l’entremise de ses bureaux régionaux, l’ASPC a contribué à la mobilisation des participants et des connaissances autour de l’UAM et de la RAM au cours des quelque douze derniers mois. Par exemple, l’ASPC a financé les Journées annuelles de santé publique de 2018 (tenues à Montréal, au Québec), qui a été l’occasion de tenir une conférence intersectorielle d’une journée sur la RAM, et l’Agence était représentée au sein des comités scientifiques de ces Journées.

Les documents internes et du comité de gouvernance démontrent également que l’ASPC avait recommencé à se réunir avec ses partenaires et intervenants pancanadiens pour faire progresser l’élaboration du plan d’action en octobre 2018, mais l’évaluation n’a pas déterminé si cette reprise de la mobilisation s’est produite à temps pour préserver l’élan d’une action coordonnée sur la RAM.

Au moment de la rédaction de ce rapport, la date d’échéance prévue pour l’achèvement du plan d’action pancanadien était la fin de l’été ou au début de l’automne 2019. Cela porte cette échéance à quatre ans après l’engagement initial pris en 2011 d’établir une stratégie pancanadienne pour s’attaquer au problème de la RAM au plus tard au milieu de 2015, et légèrement en retard par rapport à l’engagement pris dans la réponse du gouvernement du Canada au rapport du HESA de publier le plan au plus tard à l’été 2019.

Il est à noter que, comme l’explique l’OCDE dans un rapport publié à l’automne 2018, « le Canada est doté d’objectifs pour un plan national en matière de RAM, mais manque un plan opérationnel ou des mécanismes de suivi, et est en retard par rapport à ce que font la plupart des pays de l’OCDE dans ce domaine »Note de fin 39. La plupart des pays d’Europe de l’Ouest ont pris de l’avance dans l’achèvement d’un plan d’action national qui est accompagnée d’un plan opérationnel et de mécanismes de suivi. Les États-Unis sont encore plus avancés : les sources de financement y sont identifiées et un processus de surveillance y a été mis en place.

Il est à noter que des préoccupations ont commencé à émerger dans l’espace public, car plusieurs nouveaux articles publiés dans les médias canadiens au cours des deux dernières annéesNote de fin j ont soulevé des critiques au sujet de l’ASPC et de la réponse du gouvernement du Canada ou de l’absence de réponse à la RAM, perçue comme une menace réelle et croissante.

5.0 Conclusions

Lorsqu’on examine les travaux entrepris dans le cadre des quatre éléments essentiels, ainsi que les activités de coordination à l’échelle fédérale, pancanadienne et internationale, il est clair que l’ASPC a accompli des progrès importants dans la lutte contre la RAM au cours des cinq dernières années. Les partenaires et les intervenants s’entendent également pour dire que l’élaboration des deux cadres et du plan d’action fédéral était une entreprise majeure que l’ASPC a coordonnée avec succès.

Toutefois, les progrès réalisés à ce jour semblent lents, compte tenu des engagements initiaux d’élaborer d’une stratégie pancanadienne au plus tard en 2015. De plus, en comparaison aux pays d’Europe de l’Ouest, aux États‑Unis et à l’Australie, le Canada devra renforcer l’opérationnalisation et la surveillance de la mise en œuvre d’un plan d’action, l’intégration des systèmes de surveillance et la sensibilisation de tous les intervenants clés à la RAM (p. ex., le grand public, les médecins, les dentistes, les pharmaciens, le personnel infirmier et les vendeurs de médicaments).

Les données d’évaluation qui figurent dans ce rapport montrent qu’il n’est pas clair que le Canada a fait preuve de leadership et qu’il a suffisamment priorisé le dossier de la RAM. Des questions demeurent quant à savoir si l’ASPC est responsable d’assumer le rôle de chef de file national qui fera valoir l’importance de dossier, qui amènera le gouvernement du Canada à l’inscrire comme une priorité dans ses objectifs stratégiques, et qui mobilisera les intervenants à prendre des mesures coordonnées dans ce dossier. De plus, un manque de clarté demeure dans les communications publiques concernant ce à quoi les partenaires et intervenants fédéraux et pancanadiens devraient s’attendre en ce qui concerne le rôle de coordination et de leadership de l’ASPC.

Les activités de l’ASPC concernant la RAM ont été essentiellement menées de manière réactive depuis le rapport du BVG de 2015. Au moment de cette évaluation, l’ASPC ne disposait pas des structures organisationnelles, des ressources et des orientations stratégiques nécessaires pour guider ses activités d’une manière durable à l’avenir, bien qu’il soit largement reconnu que des efforts considérables devront être déployés sur un grand nombre d’années pour s’attaquer à ce problème. Cependant, il est important de reconnaître que ces difficultés ne concernent pas nécessairement toutes les activités de l’ASPC en matière de RAM de manière égale. Par exemple, les activités de surveillance ont été organisées d’une manière plus durable que les activités d’établissement de politiques entourant la coordination nationale et internationale. Il est également important de reconnaître que cette évaluation a été menée à un moment où l’ASPC se trouvait à un tournant et songeait à revoir l’organisation, la conception, la prestation et les orientations stratégiques de ses activités liées à la RAM.

De nombreux informateurs clés externes et internes ont mentionné que le maintien du statu quo entraîne le risque que l’ASPC ne soit pas en mesure de respecter ses engagements en raison du manque de ressources adéquates et de l’incapacité à entretenir la mobilisation des partenaires et des intervenants pour qu’ils passent à l’action. Cela pourrait nuire à la réputation de l’ASPC tant au Canada qu’à l’échelle internationale.

En fin de compte, au-delà des risques pour la réputation, la RAM est une menace viable et documentée pour la santé publique, et qui représente un fardeau important pour la santé humaine, les soins de santé et l’économie canadienne dans son ensemble.

6.0 Recommandations

Les éléments probants présentés dans ce rapport ont permis de formuler les recommandations suivantes. Aucune recommandation précise n’a été formulée au sujet de la surveillance, puisque les évaluations récemment terminées au sujet des activités de l’ASPC relatives aux infections associées aux soins de santé et aux maladies entériques d’origine alimentaire et hydrique ont déjà mené à la formulation de recommandations visant à améliorer la portée et la diffusion des renseignements de surveillanceNote de bas de page k,Note de fin 40.

Recommandation no1 : Énoncer clairement le rôle, les responsabilités et les priorités de l'ASPC

L'ASPC devrait énoncer clairement son rôle, ses responsabilités et ses priorités en matière de lutte contre la RAM dans le paysage fédéral et pancanadien.

L'évaluation a révélé qu'un grand nombre d'activités de l'ASPC associées à la RAM, en particulier les activités liées aux politiques et à la coordination nationales et internationales, ont été essentiellement réactives et non motivées par des orientations stratégiques. De plus, l'évaluation a montré que les rôles et les responsabilités de l'ASPC, en particulier dans le domaine de la coordination nationale et pancanadienne, ne sont pas clairement définis. Compte tenu du fait que la lutte contre la RAM nécessitera des mesures à long terme et la participation de nombreux intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux, nous recommandons à l'ASPC d'énoncer clairement son rôle, ses responsabilités et ses priorités pour orienter ses activités de base à l'avenir.

Recommandation no 2 : Communiquer avec les partenaires et les intervenants au sujet du rôle, des responsabilités, des priorités et des activités de l'ASPC

L'ASPC devrait entretenir des communications ouvertes et régulières avec ses partenaires fédéraux et pancanadiens sur son rôle, ses responsabilités et ses priorités dans la lutte contre la RAM, ainsi que sur les travaux en cours et les prochaines étapes pour respecter les engagements fédéraux et pancanadiens.

L'évaluation a révélé un décalage entre les attentes des partenaires à l'égard du rôle et des responsabilités de l'ASPC, et le point de vue du personnel de l'ASPC sur ce que devrait être ce rôle. Dans ce contexte, nous recommandons à l'ASPC de communiquer clairement la nature et la portée de son rôle et de ses responsabilités aux partenaires et aux intervenants, et de gérer leurs attentes en conséquence. De plus, l'évaluation a révélé que la mobilisation limitée de l'ASPC au cours de la dernière année avec les partenaires et les intervenants a fait craindre un désengagement de l'ASPC sur cette question. Bien que les partenaires aient été remobilisés depuis la collecte des données pour l'évaluation, nous recommandons à l'ASPC de continuer de maintenir des communications ouvertes et régulières avec ces partenaires.

Recommandation no 3 : Organisation des activités liées à la RAM

L'ASPC devrait établir les structures nécessaires pour s'assurer que toutes ses activités associées à la RAM, y compris ses activités stratégiques et de surveillance, sont coordonnées efficacement ou intégrées, le cas échéant. Elle devrait aussi continuer de travailler à établir un programme de lutte contre la RAM assorti de responsabilités claires pour s'acquitter de son rôle dans la lutte contre la RAM.

L'ASPC a déclaré que ses activités stratégiques et de coordination relatives à la RAM étaient temporaires, mais qu'elle était en train de réorganiser ces activités au moment de l'évaluation. Pour ce faire, l'ASPC devra continuer de travailler à établir un programme de lutte contre la RAM assorti de responsabilités claires pour s'acquitter de son rôle dans la lutte contre la RAM. De plus, elle devra organiser et doter en ressources l'ensemble de ses activités pour s'assurer qu'elle peut poursuivre sa lutte contre la RAM de façon continue. Dans la mesure où l'évaluation a mis au jour des domaines à améliorer en ce qui a trait à la coordination et à l'intégration de certaines activités, en particulier les différents systèmes de surveillance, nous recommandons à l'ASPC de poursuivre ses efforts pour mettre en place des structures favorisant une coordination plus efficace de ces activités et leur intégration, le cas échéant.

Recommandation no 4 : Publication en temps opportun du plan d'action pancanadien

L'ASPC devrait déployer tous les efforts possibles pour assurer la publication en temps opportun du plan d'action pancanadien d'ici l'été ou le début de l'automne 2019..

Au moment de l'évaluation, l'ASPC prévoyait publier le plan d'action pancanadien d'ici l'été ou le début de l'automne 2019. Toutefois, des engagements initiaux en vue d'élaborer une stratégie pancanadienne ont été pris en 2011, le BVG a demandé à l'ASPC de prendre des mesures en ce sens en 2015, et le Comité permanent de la santé a demandé au gouvernement du Canada d'accélérer l'élaboration du plan d'action en 2018. Dans ce contexte, nous recommandons à l'ASPC de faire tout ce qui est en son pouvoir pour coordonner l'achèvement du plan d'action en temps opportun, conformément aux engagements en cours.

Annexe 1 – Vision, objectifs et résultats attendus du cadre pancanadien

Antimirobial Resistance and Antimicrobial Use
A Pan-Canadian Framework for Action

Annexe 1

Annexe 1 - Équivalent du texte

Cette figure montre la vision, l'objectif principal, les objectifs stratégiques, les domaines d'action et les résultats escomptés du cadre d'action pancanadien, ainsi que ses partenaires.

La vision du cadre est la suivante :

  • La santé des humains, des animaux et de leur environnement est protégée par des mesures globales et coordonnées visant à préserver l'efficacité des antimicrobiens aujourd'hui dans l'avenir.

L'objectif principal est le suivant :

  • Protéger les Canadiens contre les risques pour la santé liés à la résistance aux antimicrobiens.

Sous l'objectif principal se trouvent les objectifs stratégiques suivants :

  • Améliorer les connaissances sur la RAM et l'UAM.
  • Préserver l'efficacité des antimicrobiens.
  • Soutenir l'élaboration de nouveaux traitements, d'outils de diagnostic et d'approches novatrices.
  • Prévenir les infections pour réduire l'utilisation des antibiotiques et le développement de la résistance.

Chacun des objectifs stratégiques possède son domaine d'action, à savoir, dans l'ordre :

  • La surveillance
  • L'intendance
  • La recherche et l'innovation
  • La prévention et le contrôle des infections

Chaque domaine d'action est assorti des résultats escomptés suivants :

  • La surveillance
    • Détection des tendances et des menaces
    • Amélioration des connaissances et de l'information sur la RAM et l'UAM pour les interventions en matière de programmes et de politiques
  • L'intendance
    • Sensibilisation à l'utilisation prudente des antimicrobiens
    • Pratiques professionnelles appropriées en santé humaine et animale pour réduire l'UAM
    • Surveillance réglementaire de l'utilisation des antimicrobiens
  • La recherche et l'innovation
    • Recherche en prévention de la résistance et en atténuation des menaces actuelles et nouvelles
    • Nouvelles méthodes et nouveaux outils de lutte contre la résistance aux antimicrobiens : antibiotiques, diagnostics, nouvelles thérapies
  • La prévention et le contrôle des infections
    • Promouvoir les pratiques exemplaires en matière de prévention et de contrôle des infections
    • Limiter l'émergence et la propagation des principales maladies infectieuses

Pour terminer, voici la liste des partenaires :

  • Les ministères fédéraux
  • Les provinces et territoires
  • Le public
  • Les professionnels de la santé et de la médecine vétérinaire
  • Les industries
  • Les milieux universitaires
  • Les intervenants de la santé humaine et animale
  • Les partenaires internationaux

Annexe 2 – Description de l'évaluation

Portée de l'évaluation

L’évaluation couvrait la période allant de 2013-2014 à la fin de l’été 2018 et incluait toutes les activités de l’ASPC liées à la RAM. Il n’a pas évalué les activités liées à la RAM menées par d’autres ministères fédéraux, ni par les provinces et les territoires.

L’évaluation s’est penchée sur des questions liées aux objectifs et aux priorités, au rôle, à la conception, à l’exécution et à la coordination des activités liées à la RAM, comme le montre le tableau ci-dessous.

Principaux enjeux et questions de l'évaluation
Principaux enjeux Questions de l'évaluation
Enjeu no 1 :
Objectifs et priorités
  • Quels sont les objectifs et les priorités de l'ASPC dans le dossier de la RAM?
  • Dans quelle mesure les objectifs et les priorités de l'ASPC dans le dossier de la RAM sont-ils clairs?
  • Dans quelle mesure le personnel et les partenaires externes de l'ASPC engagés dans le dossier de la RAM ont-ils une compréhension commune de ces objectifs et priorités?
Enjeu no 2 :
Rôle
  • Quel est le rôle de santé publique de l'ASPC dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens au Canada et dans le monde?
  • Dans quelle mesure le rôle de l'ASPC est-il différent de celui des autres entités (autres ministères, provinces et territoires, autres intervenants)?
  • Dans quelle mesure le rôle de l'ASPC est-il bien défini et compris au sein de l'Agence et à l'extérieur de celle-ci? Comment le leadership de l'ASPC est-il perçu à l'échelle nationale et internationale?
  • Quelles sont les attentes des partenaires de l'ASPC et des intervenants en ce qui concerne le rôle de chef de file de l'Agence dans le dossier de la RAM?
  • Dans quelle mesure l'ASPC s'est-elle montrée efficace dans l'exercice de son rôle de chef de file?
Enjeu no 3 :
Conception et exécution des activités
  • Quels mécanismes, ressources et activités l'ASPC a-t-elle mis en place pour coordonner et intégrer ses activités dans le dossier de la RAM?
  • Dans quelle mesure les mécanismes et les systèmes en place au sein de l'ASPC sont-ils appropriés et efficaces pour assurer la coordination et l'intégration des activités associées à la RAM?
  • Dans quelle mesure les activités de l'ASPC associées à la RAM permettent-elles l'atteinte des objectifs et des résultats prévus? Comment les activités de l'ASPC en matière de RAM ont-elles évolué au cours des cinq dernières années?
  • Dans quelle mesure les ressources humaines et financières affectées aux activités de l'ASPC associées à la RAM cadrent-elles avec le rôle de l'Agence et avec les résultats prévus?
  • Quelles sont les pratiques exemplaires appliquées dans d'autres pays pour réaliser des rôles, des objectifs et des activités similaires?

Méthodes de collecte et d'analyse des données

Les évaluateurs ont recueilli et analysé des données provenant de différentes sources. La collecte de données a commencé en juin 2018 et a pris fin en décembre 2018. Les données nécessaires à l’évaluation ont été recueillies en suivant les méthodes décrites ci-dessous.

  • Analyse de la littérature – Une recherche de la littérature intégrant des documents provenant d’autres pays et d’organisations internationales au sujet des activités liées à la RAM a été effectuée. Les documents examinés comprennent des cadres nationaux, des plans d’action, des rapports d’étape et des documents d’information sur la réponse du gouvernement du Canada à la crise des opioïdes.
  • Examen de documents et de dossiers de programmes – Environ 430 documents conservés par les divisions participant aux activités liées à la RAM ont été examinés afin d’obtenir des informations sur la coordination des activités liées à la RAM au sein de l’ASPC.
  • Examen de données financières – Examen des données financières de 2013-2014 à 2016-2017 portant sur les dépenses relatives à la RAM, y compris les dépenses de fonctionnement et de gestion (F et E), les salaires et autres dépenses.
  • Entrevues avec des informateurs clés – Des entrevues ont été effectuées auprès de 47 informateurs clés qui occupaient, pour la plupart, des postes de gestion ou de direction, ou qui étaient des experts :
    • 21 entrevues à l’interne, au sein de l’ASPC. Ces informateurs clés ont été choisis en raison de leurs connaissances et de leur expérience des activités de l’ASPC liées à la RAM;
    • 26 entrevues auprès de partenaires et d’intervenants externes rattachés à d’autres ministères fédéraux (n=9), à des gouvernements provinciaux ou territoriaux (n=7) et à d’autres partenaires et intervenants (p. ex., des chercheurs et des universitaires, des représentants d’organismes sans but lucratif [n=10]). Ces informateurs clés externes ont interagi avec l’ASPC dans le cadre de l’élaboration des stratégies fédérales ou pancanadiennes.
  • Revue de presse – Des articles de presse sur la RAM publiés depuis février 2017 par les médias canadiens ont été examinés.

Les données ont été analysées par la triangulation de l’information recueillie selon les diverses méthodes énumérées ci-dessus. Nous avons recouru à diverses sources de données et à la triangulation pour veiller à ce que les constatations et les conclusions découlant de l’évaluation soient aussi fiables et crédibles que possible.

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