Guide de la détermination de l'admissibilité Chapitre 8 - Section 13
8.13.0 Fin de l'emploi au cours de l'arrêt de travail
Qu’importe le temps de l’année et le genre d’activités poursuivies, il est inévitable que la plupart des entreprises expérimentent quelques changements au niveau de leur main d’œuvre. Il en va de même lorsqu' il y a conflit collectif et d’autant plus, lorsque l'arrêt de travail dure longtemps. Pour diverses raisons, des employés qui étaient en place au moment de l’arrêt de travail ou qui auraient repris leur emploi au cours de l’arrêt de travail ne seront pas nécessairement de retour à l’issue du conflit. On pense entre autres à ceux dont l’emploi n’était que temporaire ou sur le point de se terminer ou à ceux qui ont été mis à pied ou renvoyés, qui ont démissionné ou pris leur retraite au cours de l’arrêt de travail.
À cet égard, il s'agit de se demander pourquoi le prestataire ne reprend pas son emploi, et non pourquoi le prestataire est actuellement chômeur. Lorsqu’un prestataire a perdu un emploi ou ne peut reprendre un emploi pour des raisons liées à un conflit collectif, il devient inadmissible au bénéfice des prestations (LAE 36(1)).
Il le demeure tant que l’une des deux éventualités énoncées dans la Loi ne s’est pas concrétisée (LAE 36(1)). Cela s’applique même si le prestataire, n’eût été l’arrêt de travail, aurait perdu son emploi pour une autre raison (CAF A-181-83, CUB 7842 et CAF A-209-04, CUB 59992).
Cependant, il se peut que le prestataire satisfasse aux conditions de non-application (LAE 36(4) et section 8.1.4 du Guide), auquel cas l’inadmissibilité ne serait pas applicable, même si le prestataire n’en a pas moins perdu un emploi ou ne peut reprendre un emploi antérieur à cause de l’arrêt de travail. Il peut aussi arriver que l'inadmissibilité cesse de s’appliquer par la suite si jamais le prestataire remplit les conditions de non-application au cours de l’arrêt de travail, auquel cas on mettra un terme à l’inadmissibilité la veille du jour où toutes ces conditions auront été remplies (CAF A-942-85, CUB 11403 et CAF A-814-91, CUB 20138). Il est également important de noter que, si le prestataire répond aux critères de non-application, il doit également satisfaire à toutes les autres dispositions relatives à l’admissibilité pour recevoir les prestations. Ces autres dispositions comprennent notamment le nombre d’heures requis pour établir une demande de prestations, un motif de cessation d’emploi valable et le respect des critères de disponibilité.
8.13.1 Rupture complète et définitive de la relation employeur-employé
Lorsqu’un prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations aux termes des dispositions concernant les conflits collectifs (LAE 36(1)), le simple fait qu’il y ait eu rupture complète et définitive de la relation employeur-employé ne signifie pas pour autant que son admissibilité est automatiquement rétablie (CAF A-814-91, CUB 20138, CAF A-270-91, CUB 19037, CAF A-942-85, CUB 11403 et CAF A-741-87, CUB 14021).
Bien qu’il puisse y avoir une rupture complète et définitive de la relation employeur-employé, ce n’est pas tant la rupture qui est en soi déterminante et ouvre droit aux prestations, mais bien l’absence de participation, de financement et d’intérêt direct du prestataire à l’égard du conflit collectif (LAE 36(4) et section 8.1.4 du Guide).
Une telle rupture n’est d’ailleurs pas essentielle; un prestataire peut très bien satisfaire aux conditions de non-application tout en demeurant lié en quelque sorte à l'employeur. D’un autre côté, il peut arriver que même s’il y a eu rupture complète et définitive de la relation, le prestataire continue de participer au conflit, de le financer ou d’avoir à son égard un intérêt direct. Une des questions est de déterminer si la rupture a bien un caractère complet et définitif. Cela n’est pas nécessairement le cas, même si dans les faits l’employé a fait part à l’employeur de son intention de démissionner ou si l’employeur lui a signifié son renvoi. La rupture pourrait n’être que temporaire et ne durer que le temps nécessaire jusqu’au règlement du conflit et à la reprise des activités.
Certains indices peuvent confirmer que la rupture est définitive, à savoir :
- la cessation d’emploi sur une base individuelle;
- le versement des sommes dues à la cessation d’emploi,
- la perte de tout droit de rappel ou des avantages liés à l’emploi;
- la situation de l’employé dans l’entreprise;
- les motifs de cessation invoqués par l’employeur (p. ex. incompétence, inconduite non reliée au conflit) ou par le prestataire (état de santé, déménagement).
La rupture ne doit pas être le résultat de mesures ou de pratiques d’intimidation qui marquent souvent les conflits de travail, ni d’actions qui n’auraient pour but que de rendre le prestataire admissible aux prestations.
D’autres indices peuvent également faire douter du caractère complet et définitif de la rupture, à savoir :
- la démission ou la mise à pied simultanées de plusieurs travailleurs;
- une longue période d’emploi assortie d’avantages intéressants (tels un fonds de pension);
- le fait que ni l’employeur ni l’employé n’aient pris les mesures appropriées pour que la cessation d’emploi devienne définitive;
- le fait que le prestataire soit encore membre du syndicat en conflit avec l'employeur (CAF A-139-88, CUB 14613).
Même si la cessation d’emploi semble être une rupture définitive, il peut arriver qu’un employé demeure directement intéressé par l’issue du conflit ou qu’il continue d’y participer. Par exemple, il est fort probable qu’un employé dont le retour au travail est possible, soit parce qu’il a utilisé des recours en ce sens, soit parce qu’en raison des motifs de cessation, sera visé par le protocole de retour au travail (CAF A-209-04, CUB 59992).
On ne peut dire qu’un prestataire congédié au cours d’un arrêt de travail n’a pas d’intérêt direct dans le conflit tant qu’il y a des possibilités qu’il revienne ultérieurement au travail en raison du protocole de retour au travail ou à la suite d’un grief qu’il a déposé à l’encontre de son congédiement. Le fait qu’à un certain moment, à la suite de la fin de l’arrêt de travail ou du jugement rendu concernant son grief, cet employé ne soit finalement pas réintégré ne change rien à l’intérêt direct qu’il avait à l’égard du conflit avant que ne soit connue la décision définitive concernant son emploi. On ne doit pas dans un tel cas mettre fin à l’inadmissibilité rétroactivement à la date du congédiement.
Il peut arriver à l’occasion d’un conflit touchant des secteurs d’activité tel celui de la construction ou de l’exploitation forestière qu’un employé, qui y exerce en principe son activité pour plusieurs employeurs au cours d’une année, et dont les conditions de travail font habituellement l’objet d’une entente de portée générale au lieu de locale, décide de quitter son emploi au cours de l’arrêt de travail généralisé dans son secteur d’activité. Bien qu’une telle cessation d’emploi puisse s’avérer définitive, l’employé n’en demeure pas moins directement intéressé par l’issue du conflit qui touche son secteur d’activité et, il peut très bien en outre continuer de financer le conflit et d’y participer. À moins qu’il n’ait par ailleurs décidé de ne plus travailler dans ce secteur d’activité (p. ex. retraite, état de santé, réorientation de carrière), on ne peut conclure, dans un tel contexte, qu’il satisfait à toutes les conditions de non-application.
Tout comme l’intérêt direct, la participation ou le financement ne se termine pas nécessairement avec la fin de l’emploi, même si la cessation s’avère définitive. Il se peut que malgré cela un prestataire continue pour une raison ou pour une autre de participer au conflit ou de le financer. Dans les deux cas, on estime que les conditions de non-application ne sont pas remplies (LAE 36(4) et section 8.1.4 du Guide;CAF A-209-04, CUB 59992).
8.13.2 Emploi temporaire ou sur le point de se terminer
Même lorsque l’emploi en question est strictement temporaire et que sa durée est connue d’avance, on ne doit pas tenir pour acquis que le prestataire remplit les conditions de non-application à la date prédéterminée de la cessation présumée (LAE 36(4); section 8.5.10 du Guide). Selon les circonstances, de nombreux facteurs entrent en jeu, dont le fait qu’il y ait un arrêt de travail en cours dû à un conflit collectif. Ces facteurs peuvent modifier la situation et faire en sorte que la date prévue pour la cessation d’emploi soit avancée ou reportée.
Il est possible par exemple, du fait des retards causés aux opérations par l’arrêt de travail, que l’employeur tente de prolonger la période d’emploi d’une personne ou de reporter la date prévue de mise à pied parce qu’il prévoit avoir besoin de ses services à la reprise des activités. Il n’est pas rare que la durée d’un emploi temporaire soit prolongée parce que l’employeur a besoin de personnel pour remplacer un employé qui devait revenir de congé, mais n’a pu le faire, ou parce que l’employeur estime qu’il a découvert un travailleur qualifié qu’il veut conserver dans son effectif pour lui donner un poste permanent plus tard.
À l’occasion, les employés temporaires conservent un droit de rappel prévu par une convention collective ou par une entente ou un contrat de travail, malgré l’arrêt de travail. C’est souvent le cas en ce qui concerne les travailleurs saisonniers.
Cela signifie que la seule possibilité que l’emploi aurait pris fin dans un avenir proche, ou une simple déclaration à cet égard, ne suffit pas pour qu’on puisse conclure qu’il y aurait eu fin de l’emploi au cours de l’arrêt de travail et rupture complète et définitive de la relation employeur-employé (CAF A-942-85, CUB 11403, et CAF A-139-88, CUB 14613; section 8.13.0 du Guide et section 8.13.1 du Guide).
Un travailleur dans cette situation ne peut donc sur ce seul motif éviter l’inadmissibilité (section 8.13.0 du Guide et section 8.13.1 du Guide; CAF A-181-83, CUB 7842). Il ne peut pas non plus en être exempté, à moins qu’il ne prouve qu’à une date bien précise, il y a dans son cas absence d’intérêt direct, de participation et de financement (LAE 36(4) et section 8.1.4 du Guide).
Enfin, des travailleurs temporaires congédiés en raison de l’imminence d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif pourraient éviter l’inadmissibilité en démontrant qu’il y a dans leur cas rupture complète et définitive de la relation employeur-employé (CAF A-594-91, CUB 19771). Une telle éventualité suppose que la rupture est permanente et non temporaire, qu’il n’y a pour ces travailleurs aucun droit de rappel, et qu’il n’y a aucune promesse ou pratique d’emploi garantissant à coup sûr qu’ils seront réembauchés, une fois le conflit réglé (CAF A-1198-82, CUB 7454).
8.13.3 Congédiement
À moins que ce ne soit pour des raisons qui n’ont strictement rien à voir avec le conflit de travail, par exemple pour incompétence ou inconduite, il est plutôt rare qu’un employeur signifie un congédiement définitif à un employé au cours d’un arrêt de travail. Les congédiements s’inscrivent souvent dans le cadre d’une stratégie de pression pour accélérer le règlement du conflit en agissant délibérément à l’endroit de certains groupes de travailleurs.
À part certains cas particuliers ou dans un contexte de cessation ou de restructuration permanente des activités (section 8.11.4 du Guide), on ne peut déduire, avant que ne reprennent les activités, qu’un congédiement a un caractère permanent et qu’il y a rupture complète et définitive de la relation employeur-employé conformément aux dispositions concernant les conflits collectifs (LAE 36(4); section 8.1.4 du Guide et section 8.13.1 du Guide). Il en va de même lorsqu’un travailleur remercié de ses services a présenté un grief ou a exercé d’autres recours à l’encontre de son congédiement (CAF A-209-04, CUB 59992; CUB 71732).
L’inadmissibilité doit être maintenue tant qu’il n’y a pas rupture complète et définitive de la relation employeur-employé (CAF A-181-83, CUB 7842 et chapitre 7 du Guide) et que le travailleur n’a plus d’intérêt direct dans le conflit, qu’il n’y participe plus et ne le finance pas (CAF A-942-85, CUB 11403 et section 8.13.1 du Guide).
8.13.4 Démission
On peut s’attendre à ce que certaines personnes décident de ne pas retourner travailler chez leur employeur après un arrêt de travail, pour diverses raisons; elles peuvent avoir obtenu un autre emploi, avoir décider de retourner aux études ou de se réorienter. Peu importe la raison, le résultat est que le travailleur a remis sa démission à l’employeur au cours de l’arrêt de travail ou lui en a remis une qui prendra effet pendant cet arrêt de travail.
La seule intention de démissionner ne suffit pas, pas plus que le fait de démissionner selon une stratégie personnelle ou un mouvement d’ensemble pour faire pression sur l’employeur et agir sur la conclusion du conflit. Par contre, si la démission est authentique et remise en bonne et due forme à l’employeur, il peut en résulter une rupture complète et définitive de la relation employeur-employé (CAF A-942-85 et CAF A-181-83, CUB 7842, CUB 11403; section 8.13.1 du Guide). On pourra alors envisager de mettre fin à l’inadmissibilité à compter de la date de prise d’effet de la démission, à la condition que le prestataire démontre qu’il n’est plus directement intéressé par le conflit, qu’il n’y participe plus et ne le finance pas (LAE 36(4); et section 8.1.4 du Guide).
Dans un secteur d’activité où les négociations se déroulent à une table centrale et où l’entente négociée est appliquée à l’ensemble de ce secteur, le fait qu’un travailleur remette sa démission à son employeur au cours de l’arrêt de travail qui affecte de façon importante les activités du secteur ne peut servir en tant que tel à annuler l’effet de l’inadmissibilité. Le travailleur doit en outre prouver qu’il a quitté le secteur d’activité en question (section 8.13.1 du Guide).
8.13.5 Retraite
Lorsqu’un employé prend sa retraite au cours de l’arrêt de travail, la période d’inadmissibilité prend fin la veille du jour de son départ officiel. Qu’il s’agisse d’une retraite volontaire ou non importe peu, dans la mesure où il est établi que la relation employeur-employé a été rompue définitivement (section 8.13.1 du Guide et CAF A-942-85, CUB 11403), de sorte que le prestataire n’a plus d’intérêt direct dans le conflit collectif, n’y participe plus ou ne le finance pas (LAE 36(4) et section 8.1.4 du Guide).
Tel que mentionné précédemment, le fait qu’un prestataire satisfasse aux conditions requises pour qu’une inadmissibilité soit terminé aux termes des dispositions relatives aux conflits de travail ne signifie pas que des prestations lui seront versées. Il doit répondre à toutes les autres conditions prévues par la Loi avant que les prestations puissent être payées.
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