Cadre opérationnel pour l’utilisation d’allocations de conservation : chapitre 6


Éléments de conception des allocations

Il faut s’inspirer des éléments suivants de conception des allocations qui correspondent aux normes internationales pour concevoir les allocations de conservation. Les éléments de conception doivent être utilisés au cas par cas en fonction du cadre législatif en vertu duquel l’allocation est appliquée, des effets environnementaux nésfastes que pourrait avoir l’activité d’utilisation des terres et des ressources proposée, des résultats socio-écologiques désirés, ainsi que des buts et besoins du Canada en matière de conservation.

Les éléments de conception des allocations sont les suivants :

Équivalence :Les projets relatifs aux allocations de conservation devraient compenser les effets néfastes en protégeant, en renforçant ou en restaurant la fonction écologique équivalente dans un autre site.

Les fonctions écologiques sont des processus (tels que le cycle des éléments nutritifs ou la dispersion des graines) qui sont menés ou facilités par un écosystème et qui sont indispensables pour assurer l'autosuffisance de cet écosystème. L'analyse de l'équivalence doit prendre en considération la qualité (prestation de fonctions écologiques semblables ou différentes) et la quantité des fonctions écologiques dans le contexte des priorités en matière de conservation. L’existence de types d’habitats similaires ou de fonctions écosystémiques semblables est le point de départ de la conception d'une allocation de conservation.

Dans certains cas, une allocation de conservation peut être conçue de manière à procurer des fonctions écologiques supérieures afin de tenir compte des risques répertoriés, par exemple dans le cas où l’allocation ne donne pas tout à fait les résultats escomptés. Quelle que soit l’unité de mesure, le ratio entre l’aire d’habitat prévue par l’allocation de conservation et l’habitat touché devrait être supérieur à 1 pour 1 dans tous les cas, et normalement d’au moins 2 pour 1. Il y aura des cas où il conviendra de fixer des ratios beaucoup plus élevés. On sait par exemple que d’autres administrations nord-américaines ont imposé des ratios allant de 3 pour 1 à 40 pour 1. Le choix du ratio pour chaque allocation sera fonction de la situation, d’après l’évaluation d’un certain nombre de facteurs (p. ex. le type d’impact, sa gravité et sa durée, les caractéristiques du site, les rapports d’atténuation existants dans la région, les incertitudes, etc.).

Supplémentarité : Les allocations de conservation devraient assurer une protection écologique supérieure à celle du statu quo. La « supplémentarité » permet de s'assurer que les nouvelles caractéristiques écologiques offertes par une allocation remplacent ce qui a été perdu en raison de l'utilisation des terres ou des ressources et rétablit l’équilibre entre ce qui a été perdu et ce qui est gagné. Les critères suivants devraient être évalués pour établir si une allocation est supplémentaire :

  • L’allocation produit-elle des avantages supplémentaires en matière de conservation?(p. ex. des mesures visant à créer, améliorer, rétablir ou remettre en état l’habitat, ou des mesures visant à préserver l’habitat menacé.)
  • En ce qui concerne les allocations qui proposent de préserver l'habitat existant, ce dernier fait-il l'objet d'une menace définie et l’allocation offre-t-elle une protection juridique efficace? Cette protection pourrait être accordée, par exemple, par la mise sur pied et la gestion d’une fiducie foncière.
  • Les promoteurs peuvent-ils démontrer que l’allocation proposée va au-delà des lois, des règlements, des programmes, des plans d'utilisation des terres et du financement actuels? Si l’allocation a déjà fait l'objet d'un financement ou d'un incitatif ou qu'elle est requise, bonifie-t-elle clairement les mesures existantes?  
    • Si aucun engagement n'a été pris en matière de loi ou de financement en vue de mettre en oeuvre un programme de conservation ou un plan d'utilisation des terres existant, on peut quand même considérer qu'une allocation destinée à mettre en œuvre une partie de ce plan est supplémentaire si elle respecte les critères fédéraux d’allocation de conservation.
    • Lorsqu'il y a recoupement des exigences en matière d’allocation de deux juridictions, une seule allocation peut suffire dans certains cas. Toutefois, il faudrait examiner minutieusement les mesures mises en place par un autre ordre de gouvernement ou un ministère fédéral.
    • De plus, on peut proposer une seule allocation pour satisfaire aux exigences en matière d’allocation de conservation de plusieurs lois ou politiques fédérales. Par exemple, une évaluation environnementale pourrait prendre en compte un impact proposé dans un sanctuaire d’oiseaux migrateurs situé sur le territoire domanial fédéral, et l’allocation pourrait être conçue pour tenir compte à la fois des objectifs de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et de la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs.

    Lieu : Le lieu visé par une allocation devrait avoir des valeurs écosystémiques comparables telles que la composition des espèces et la structure de l'habitat et il devrait être choisi en fonction d'une évaluation des espèces pertinentes et du contexte propre à l'habitat et à l'écosystème. Lorsque l’on ne dispose pas des renseignements voulus pour procéder à cette évaluation, le lieu visé par une allocation de conservation devrait être par défaut aussi proche que possible du site touché. Toutefois, dans certains cas, il pourrait s'avérer plus pertinent sur le plan écologique d'établir une allocation sur un site éloigné du site touché. Ainsi, une allocation visant un site plus éloigné pourra être appropriée si elle fournit un plus grand avantage écologique pour les espèces touchées.

     Échéancier : La préférence est accordée aux allocations de conservation qui peuvent être mises en œuvre avant l'apparition des effets néfastes découlant du projet.S'il n'est pas possible de mettre en œuvre les mesures compensatoires avant l'apparition des effets néfastes, la meilleure solution consiste à mettre en œuvre les mesures compensatoires en même temps que l'activité d'utilisation des terres ou des ressources. Il n'est pas approprié d'établir l'entente d’allocation après que l'activité d'utilisation des terres ou des ressources a débuté.

    Durée : Les effets positifs de l’allocation de conservation devraient durer assez longtemps pour compenser la durée de la perte écologique découlant du projet. Une allocation de conservation doit être gérée activement jusqu'à ce qu'elle soit autosuffisante ou jusqu'à ce qu'elle ait respecté les normes de rendement prédéterminées. Les résultats en matière de conservation devraient idéalement être garantis jusqu'à ce que cessent les effets néfastes de l'activité d'utilisation des terres ou des ressources. Cependant, la durée des activités allocations peut être restreinte par le pouvoir législatif, en sa capacité de faire respecter les dispositions de l'entente d’allocation. Les allocations qui ne sont maintenues que pendant la durée des effets néfastes liés à l'utilisation des terres ou des ressources sont appropriées si les effets néfastes sont à court terme et réversibles.

    Responsabilité : Les allocations de conservation devraient être officialisée au moyen d’un document écrit, par exemple un accord entre Environnement Canada et le promoteur de l’allocation (et, le cas échéant, d'autres partenaires, tels que les gouvernements provinciaux ou autochtones), ou, lorsque c’est possible, au moyen d’un permis ou autres conditions. Le document mentionné dans le présent document sous le terme générique « d'entente ») pourrait prendre plusieurs formes.

    L'entente d’allocation peut prendre la forme d'une lettre d'entente, d'un protocole d'entente ou de tout autre accord officiel, y compris un accord en vertu de la Loi sur le ministère de l'Environnement, décrit plus amplement à la section 3.

    Autrement, il pourrait aussi s’agir d’une condition se rattachant à une déclaration de décision émise en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale 2012. De même, dans certaines circonstances, il est possible d’inclure des éléments d’une entente d’allocation dans les termes et conditions d’un permis, dans une entente en vertu de l’article 73 ou dans un accord de conservation conclu en vertu de l’article 11 de la Loi sur les espèces en péril. Il faudra examiner chaque proposition pour voir si elle respecte l’objet de la Loi sur les espèces en péril. Si le permis ou l’accord de conservation ne reprend pas tous les détails de l’allocation de conservation, il y a peut-être lieu d’établir quand même une entente d’allocation.

    Il peut également y avoir des cas où il convient d’établir une allocation de conservation en transférant le titre de propriété du terrain en question ou en appliquant des restrictions en matière d’utilisation au terrain concerné. Les modalités de l’allocation pourraient également être inscrites dans les autorisations ou permis provinciaux si ces autorisations ou permis peuvent tenir compte des mesures hors site.

    Une entente d’allocation devrait préciser des éléments importants tels que le montant et la nature de l’allocation, le l'échéancier, la durée, les procédures de surveillance, les principales étapes et les conséquences découlant de la non-exécution. Le contenu et le degré de détail d’une entente d’allocation seront plus étoffés dans le cas des grands projets d’utilisation des terres ou des ressources ou des projets plus complexes, comme ceux ayant été définis comme étant des projets désignés en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale 2012

    Le caractère exécutoire des ententes d’allocation dépend de la nature de l’instrument au moyen duquel elles sont mises en œuvre. Par exemple, si une entente de conservation était incluse en tant que condition dans une déclaration de décision émise en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale 2012, cette condition deviendrait assujettie aux clauses d’application contenue dans la Loi. Les exigences en matière d’allocation contenues dans les conditions de délivrance d’un permis en vertu de l’article 73 de la Loi sur les espèces en péril pourraient aussi êtres assujetties aux conditions d’application de la Loi, comme le retrait de permis.

    Lorsque les allocations sont fournies en vertu d’une entente, cette dernière devrait comporter des clauses exposant ce qui arrivera si le promoteur ne respecte pas les conditions de l’allocation de conservation. Voici le type de clauses qui pourraient y figurer :

    • des dommages-intérêts équivalents au préjudice causé par le défaut de compléter l’allocation de conservation;
    • l’acquittement d’une lettre de crédit;
    • des dispositions, y compris un accord écrit avec un propriétaire foncier indépendant lorsque nécessaire, permettant au ministre ou à un tiers d’accéder au site pour compléter l’allocation de conservation si le promoteur ne s’en est pas acquitté de manière satisfaisante; et/ou
    • l’engagement d’une province de prendre des mesures réglementaires, par exemple un décret de protection environnementale.

    Autres considérations en matière de conception : Certaines administrations ont établi des aires de conservation appelées « banques » auprès desquelles les promoteurs peuvent acheter des « crédits » représentant une espèce précise ou un certain type d'écosystème. Au Canada, une approche proactive, dirigée par le promoteur pourrait être possible selon laquelle un ou plusieurs promoteurs ou groupes achèteraient et mettraient de côté une parcelle de terrain qu'ils pourraient ensuite utiliser pour compenser les effets futurs. Cette zone de conservation serait mise en place avant l'approbation de toute activité liée à l'utilisation des terres ou des ressources. La zone de conservation devrait être gérée de manière transparente afin d’empêcher qu'une partie ne serve plus d'une fois comme allocation. La possibilité d'utiliser cette zone en tout ou en partie pour compenser un impact donné serait déterminée au cas par cas, et il en serait de même pour la possibilité que la prestation de l’allocation se conforme à des obligations particulières, notamment législatives.

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