Cadre opérationnel pour l’utilisation d’allocations de conservation : chapitre 8


Annexe A : Expérience d’Environnement Canada en matière d’allocations de conservation

Au Canada, les allocations de conservation sont actuellement utilisées à l’échelle fédérale et provinciale pour atteindre les objectifs inscrits dans les lois et les politiques. La présente annexe décrit l'expérience d’Environnement Canada dans la mise en œuvre des allocations de conservation. Cette expérience témoigne de plusieurs approches, selon les différents contextes dans lesquels les allocations ont été appliquées.

Allocations de conservation accordées en vertu de la Politique fédérale sur la conservation des terres humides

Conformément à la Politique fédérale sur la conservation des terres humides, Environnement Canada a recommandé des allocations de conservation dans le cadre de processus d'évaluation environnementale. Par exemple, des allocations pour compenser 4 hectares de terres humides déplacés pendant la construction du centre de consolidation Aylmer du Musée canadien de la nature, ont été recommandées. Avant la construction, un rapport d’évaluation environnementale préalable préparé en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale en novembre 1995 a révélé que 15 des 17 hectares du site de construction étaient des terres humides. Le rapport a recommandé que le projet de construction aille tout de même de l'avant, car on s'attendait à ce que le projet stimule l'économie locale et régionale, et les fonctions des terres humides ne jouaient pas un rôle important dans l'écosystème ou dans l'économie. Il a été déterminé que des « mesures d'atténuation ciblées », dont la conservation par l'intendance des terres humides non touchées par la construction et la cession d’autres terres au Musée canadien de la nature aux fins d'intendance permanente suffiraient à compenser les effets prévus sur les terres humides.

Après le début de la construction, en février 1996, le ministre du Patrimoine canadien a demandé qu'un groupe d’experts indépendant examine le rapport d'évaluation environnementale préalable. Le groupe d'experts indépendant a déterminé que les mesures d’atténuation suggérées n'offraient pas suffisamment de compensation pour la perte de 4 hectares de terres humides, étant donné que toutes les zones prévues pour la conservation par l'intendance dans le cadre des mesures d'atténuation étaient déjà des terres humides et des terres domaniales assujetties à la Politique fédérale sur la conservation des terres humides, et donc déjà protégées à long terme. Afin de renforcer les mesures d'atténuation et de se conformer entièrement à la disposition d’« aucune perte nette » de la Politique fédérale sur la conservation des terres humides, il a été recommandé que le gouvernement fédéral restaure d’anciennes terres humides ou en construise de nouvelles sur le territoire domanial près du site de construction avec un ratio de remplacement d'au moins 2 pour 1. Environnement Canada a fait savoir que le choix du site devrait mettre l'accent sur la capacité du site visé par l’allocation à remplacer les fonctions spécifiques perdues des terres humides sur les 4 hectares touchés plutôt que de simplement chercher à remplacer la zone perdue acre pour acre.1

Les allocations de conservation relatives aux terres humides peuvent aussi être accordées conformément à la Politique fédérale sur la conservation des terres humides, en autorisant un groupe indépendant à établir une allocation à l'extérieur du site pour compenser un impact approuvé sur des terres humides. La compensation entreprise pour pallier les impacts de la construction d'un nouveau terminus d'autobus à Lewis Estates, à Edmonton, sur des terres humides en est un exemple. Les impacts proposés sur ces terres humides nécessitaient l'approbation d'Environnement Canada. Canards Illimités Canada a reçu des fonds de la ville d'Edmonton pour mettre en œuvre cette activité. Afin de respecter les attentes d'Environnement Canada, Canards  Illimités Canada s’est engagé à restaurer des terres humides existantes plutôt que d'en créer de nouvelles, étant donné que les terres humides restaurées ont tendance à être plus efficaces que celles qui sont créées. Canards Illimités  Canada a accepté d'assurer la restauration d'un site dans une zone convenue, pour que le site de l’allocation soit relativement proche du site touché. La construction du terminus a touché un total de 1,31 hectare de terres humides, de sorte qu’il a fallu restaurer 3,93 hectares de terres humides, en fonction d'un ratio d’allocation convenu de 3 pour 1. Les fonds fournis par la ville d'Edmonton pour cette allocation ont permis de restaurer partiellement un bassin de terres humides de 11,32 hectares. D'autres approbations de compensation ont permis de financer les besoins de restauration qui n'avaient pas été comblés, et la construction requise pour achever la restauration de ce bassin de terres humides est maintenant terminée.

Environnement Canada a également cherché à obtenir des allocations pour compenser des impacts sur des terres humides en coopération avec d'autres ministères fédéraux. L'agrandissement de l'aéroport de Vancouver au début des années 1990 en est un bon exemple. Ce projet a eu des effets sur 350 hectares d'habitat de terres humides et de zones sèches. Des options en matière d'évitement et de minimisation ont été envisagées dans le cadre du processus d'évaluation environnementale en 1989; cependant, une allocation a été jugée nécessaire pour les effets résiduels touchant les 350 hectares d'habitat. Environnement Canada s’est chargé d’élaborer une stratégie de compensation de ces effets résiduels. Transports Canada a cédé à Environnement Canada 171 hectares de terres ayant une importance écologique pour qu'elles soient protégées, et lui a versé une indemnité de 9 millions de dollars pour les 178 hectares restants de terres touchées. La valeur en dollars de l’indemnité a été calculée selon un ratio de 1 pour 1 et en fonction de la « juste valeur marchande » des terres du delta des zones sèches non commerciales. Environnement Canada gère les parcelles cédées en tant qu'aire de conservation de l’île Sea et en tant qu'élément de la réserve nationale de faune d'Alaksen. L’indemnité de 9 millions de dollars a été utilisée pour acquérir de nouvelles terres protégées, améliorer la qualité de l'habitat sur les terres protégées existantes et octroyer des fonds visant à mettre en œuvre un programme d'intendance de terres privées.

Parmi les autres exemples d'allocations de conservation de terres humides, mentionnons la gare intermodale d'Edmonton du CP et le périphérique de la portion sud-est de la promenade Anthony-Henday, également à Edmonton. Ces deux projets ont vu le remplacement des terres humides touchées selon un ratio de compensation de 3 pour 1.

Allocations de conservation au titre des permis prévus à l’article 73 de la Loi sur les espèces en péril

Environnement Canada a déjà délivré des permis exigeant l’application de mesures de compensation de l’habitat, dont les allocations de conservation, en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Par exemple, le Ministère a récemment délivré un permis pour l'abattage de neuf noyers cendrés dans le cadre de la construction d'une autoroute au Québec. Avant de délivrer le permis, Environnement Canada a examiné toutes les mesures possibles pour éviter ou minimiser les répercussions du projet sur les noyers cendrés, mais aucune n’était réalisable. Étant donné que le projet ne mettra pas en péril la survie ou le rétablissement du noyer cendré, dont la plupart des populations ont été touchées par la maladie, une allocation de conservation a été acceptée comme mesure de compensation appropriée des impacts et un ratio de compensation de 2 pour 1 a été exigé (18 arbres seront plantés pour remplacer les 9 arbres coupés). L'emplacement exact où seront plantés les arbres de remplacement sera établi d’après les recommandations d'experts, et un programme quinquennal sera mis en œuvre afin de surveiller l'état de santé de ces arbres. La gestion adaptative nécessite le remplacement de tout arbre qui meurt.

Allocations de conservation en tant que modifications aux limites des réserves nationales de faune et des sanctuaires d’oiseaux

La gestion de la Réserve nationale de faune de Cap-Jourimain constitue un exemple d’allocations de conservation dans une réserve nationale de faune. La route d’accès au pont reliant le Nouveau-Brunswick à l'Île-du-Prince-Édouard traverse cette réserve nationale de faune. Depuis l'ouverture du pont en 1997, la circulation de véhicules le long d'une emprise routière mise à niveau (construite dans les années 1960) située dans la réserve a augmenté, ce qui a soulevé de grandes préoccupations en matière de sécurité en raison de l'augmentation de la circulation. Le ministère des Transports du Nouveau-Brunswick a demandé que 3,7 hectares de la réserve lui soient cédés pour qu'il puisse construire des bretelles de sortie qui règleraient ces problèmes de sécurité. Il a également été proposé de déclasser une parcelle adjacente de 1,2 hectare, destinée à l’aménagement d’une aire de stationnement pour le projet du Centre d'interprétation de la nature de Cap-Jourimain. La superficie totale de 4,9 hectares proposée pour le déclassement n’abrite aucune communauté biologique rare; elle se compose de peuplements mixtes de seconde venue et d'anciens pâturages. En échange, 75,8 hectares de terres importantes sur le plan biologique ont été ajoutés à la réserve, comme suit :

  • Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a cédé à Environnement Canada 11,8 hectares de terres importantes sur le plan biologique adjacentes à la réserve provenant de ses biens immobiliers. Cette parcelle constitue un important corridor de migration pour les oiseaux chanteurs et un précieux habitat riverain.
  • Strait Crossing Development Incorporated a acheté 64 hectares de terres humides et de zones sèches environnantes privées adjacentes à la réserve et les a cédés à Environnement Canada, qui les a inscrits dans son inventaire des terres.

Ces changements aux limites de la Réserve nationale de faune de Cap-Jourimain ont exigé la modification, par le gouverneur en conseil, du Règlement sur les réserves d'espèces sauvages de la Loi sur les espèces sauvages au Canada, qui établit les limites détaillées de chaque réserve nationale de faune inscrite. La modification réglementaire est entrée en vigueur le 26 mai 1999.2 Les décisions concernant la qualité et le niveau des allocations requises reposaient sur l’expertise du personnel d'Environnement Canada, qui a négocié le niveau des allocations avec le promoteur du projet.3

Dans un cas semblable à celui de la Réserve nationale de faune de Cap-Jourimain, Environnement Canada a recommandé l’inclusion d’allocations de conservation terrestres dans le processus d'évaluation environnementale pour compenser les impacts prévus sur les refuges d'oiseaux migrateurs. Par exemple, au cours de l'évaluation environnementale du Projet gazier Mackenzie (PGM) dans les Territoires du Nord-Ouest, des allocations ont été recommandées pour compenser l’inondation prévue du Refuge d'oiseaux de l'île Kendall découlant des activités liées au PGM. Bien qu'une décision finale n'ait pas encore été prise quant à savoir si le PGM ira de l'avant, il s'agit d'un bon exemple d’allocations de conservation par l’entremise du processus d'évaluation environnementale. Dans ce cas, puisque l’inondation du Refuge d'oiseaux de l'île Kendall découlant du PGM a été déterminée comme inévitable, une allocation de conservation a été jugée comme étant une mesure d'atténuation adéquate. L’allocation proposée consistait en un habitat de remplacement pour les oiseaux à l'extérieur de l’aire de refuge existante. Cet habitat devait être fourni selon un ratio de 5 pour 1, c'est-à-dire que la superficie de l’allocation aurait représentée cinq fois la superficie de la zone inondée. Environnement Canada aurait déterminé l'emplacement exact de la zone d’allocation avec la collaboration des Inuvialuit, des Gwich’in, d'autres gouvernements, d'autres ministères et des intervenants (dont des organisations environnementales non gouvernementales et l'industrie).

Allocations de conservation en tant qu’ententes dans le cadre du processus d’évaluation environnementale

Environnement Canada a de l’expérience dans la définition d’allocations volontaires accordées en vue de promouvoir le développement écologiquement responsable. Par exemple, le Ministère a conclu une entente avec Total E&P Canada Ltd. (TOTAL) pour une allocation de conservation relativement à son projet de mine Joslyn North, en Alberta.

La Commission d’examen conjoint fédéral-provincial (CEC) établie pour superviser l’évaluation environnementale du projet a recommandé que des mesures d’atténuation, par exemple des mesures de compensation hors site, soient établies, en plus des mesures d’atténuation sur place et des mesures d’évitement afin d’atténuer les effets sur les espèces sauvages valorisées, les espèces en péril et les oiseaux migrateurs et de réduire les effets cumulatifs généraux sur la faune en général.

TOTAL a donné suite à cette recommandation en offrant des terres situées sur une concession voisine de sables bitumineux en tant qu’habitat de remplacement pour les espèces sauvages pendant qu’on procède à la remise en état associée au projet de mine Joslyn North. Cette offre a été officialisée par l’entremise d’une entente avec Environnement Canada, laquelle prévoit des activités de surveillance visant à évaluer l’efficacité de la remise en état en matière de rétablissement des habitats fauniques.

1 Exemple adapté de Lynch-Stewart, Pauline. Canadian Museum of Nature Aylmer Consolidation Facility: Important Lessons About Applying the Federal Policy on Wetland Conservation, in Cox, K.W., et Grose, A. (éd.) (2000), Wetland Mitigation in Canada: a framework for application, Sustaining Wetlands Issues Paper 2000-1, North American Wetlands Conservation Council (Canada), Ottawa.

2 La description de cette allocation repose sur le Règlement modifiant le Règlement sur les réserves d’espèces sauvages, publié dans la Gazette du Canada, Partie II, Vol. 133, No 11, le 26 mai 1999.

3 Terriplan Consultants (2011). Habitat Offsets as Compensation and Mitigation for Habitat Loss Due to Industrial Activities. Prepared for Environment Canada - Canadian Wildlife Service, Yellowknife (18-19).

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