3. Évaluation du caractère « toxique » au sens de la LCPE (1999)

Étant donné que les rejets des aéroports (rejets vers le sol et déplacements ultérieurs vers les eaux réceptrices) représentent de loin les plus importants rejets d'éthylène glycol au Canada et que ces rejets se produisent au cours d'une période limitée de l'année (par opposition aux rejets industriels qui surviennent tout au long de l'année), on prévoit que les expositions environnementales les plus importantes devraient se produire en hiver et au printemps dans les eaux réceptrices voisines des aéroports. L'évaluation écologique est donc axée sur l'exposition qui pourrait résulter des rejets en provenance des aéroports.

La figure 2 illustre la distribution de 3 254 mesures individuelles de la concentration d'éthylène glycol dans les eaux de ruissellement d'aéroports canadiens au cours des saisons de dégivrage 2003-2004 et 2004-2005. Les centiles importants de cette distribution de même que la ventilation par saison sont résumés dans le tableau 5. De façon générale, les concentrations moyennes d'éthylène glycol mesurées au cours de ces deux années étaient très semblables à celles déterminées pour la période de 1997 à 1999 (tel que présentées dans le rapport sur l'état de la science de 2000).

Figure 2 : Distribution des fréquences des concentrations d'éthylène glycol dans les eaux de ruissellement des aéroports

Figure 2. Distribution des fréquences des concentrations d'éthylène glycol dans les eaux de ruissellement des aéroports

Les valeurs critiques de la toxicité présentées dans le rapport sur l'état de la science (Environnement Canada et Santé Canada, 2000), à savoir une CI25 de 3 268 mg/L pour l'algue verte Selenastrum capricornutum et la valeur de la toxicité subchronique de 4 732 mg/L pour l'amphibien Xenopus laevis, demeurent toujours les mesures les plus sensibles de la toxicité de l'éthylène glycol pour les organismes aquatiques. L'utilisation de la CI25 de 3 268 mg/L, tirée des résultats les plus prudents de l'essai sur les algues, à titre de valeur critique de la toxicité (VCT) et d'un facteur d'application de 5 pour tenir compte de la variabilité interspécifique et de l'extrapolation au terrain de mesures faites en laboratoire donne une valeur estimée sans effet observé (VESEO) de 654 mg/L. De même, l'utilisation de la valeur de 4 732 mg/L comme VCT et d'un facteur d'application de 10 pour tenir compte du fait que l'étude sur les amphibiens ne portait pas sur une espèce indigène et de l'incertitude de l'extrapolation au terrain de résultats obtenus en laboratoire donne une VESEO subchronique de 473 mg/L.

Biote aquatique - effets directs

Selon les données les plus récentes disponibles pour tous les aéroports au cours de la saison de 2004-2005, les concentrations d'éthylène glycol dans les effluents étaient inférieures à 136 mg/L 99 % du temps et inférieures à 200 mg/L 99,5 % du temps, cela pour plus de 1 728 mesures effectuées (tableau 5). La valeur maximale signalée, de 2 560 mg/L, a été déterminée au printemps 2005. Les concentrations d'éthylène glycol mesurées dans les effluents de tous les aéroports au cours de la saison la plus récente, 2004-2005, étaient inférieures à 100 mg/L 97,6 % du temps.

Les effluents font l'objet d'une dilution naturelle dans les eaux réceptrices et il faut tenir compte de ce phénomène au moment du calcul du risque pour les organismes aquatiques. Le niveau de dilution varie en fonction du lieu de sorte qu'un facteur de dilution général et prudent de 10 a été utilisé. Il est donc supposé que les concentrations dans les effluents sont réduites d'un ordre de grandeur, de sorte que la concentration maximale unique de 2 560 mg/L mentionnée plus haut devient 256 mg/L dans les eaux réceptrices.

Il est aussi supposé que, dans les pires conditions, des concentrations élevées d'éthylène glycol pourront être notées dans les effluents pendant une période de plusieurs jours.

Les quotients de risque prudents pour la saison la plus récente, 2004-2005, sont présentés dans les tableaux 6 et 7 et sont tous inférieurs à 1,0, bien que le quotient de risque prudent obtenu à partir de la concentration la plus élevée signalée pour les saisons 1997-1998 et 1998-1999 s'approchait beaucoup de 1,0 (0,99) pour les amphibiens et atteignait 0,71 pour les algues.

Les quotients de risque aux 95e et 99e centiles obtenus pour les deux périodes de comparaison sont passablement semblables tant pour les algues que pour les amphibiens. Aux valeurs maximales notées, le quotient de risque est nécessairement inférieur, tant pour les algues que pour les amphibiens.

Biote aquatique - effets indirects

Les paramètres d'entrée appliqués au modèle de l'appauvrissement en oxygène de Streeter-Phelps (Streeter et Phelps, 1925) pour la caractérisation du risque des effets indirects comprennent une hypothèse de givrage total supposant une absence de réaération, un facteur de dilution de 10, une concentration de départ en OD de 12,4 mg/L et les concentrations d'éthylène glycol dans les eaux de ruissellement (maximales et centiles) rejetées à 32 aéroports pendant les saisons 1997-1998 et 1998-1999. Les quotients du déficit en oxygène sont présentés dans le tableau 8. Ce tableau a été mis à jour afin d'y inclure les données de comparaison tirées du dernier rapport du Programme de surveillance du glycol dans les aéroports de Transports Canada pour les saisons 2003-2004 et 2004-2005.

Selon les quotients présentés dans le tableau 8 et si l'on se fonde sur le 99e centile des rejets d'effluents, il ne devrait pas y avoir appauvrissement de l'oxygène en deçà de la recommandation du Conseil canadien des ministres en environnement (CCME) de 9,5 mg/L. Il semble cependant y avoir possibilité d'un tel appauvrissement lorsqu'on utilise les concentrations maximales du pire des cas pour l'analyse des données de Transports Canada s'appliquant aux périodes d'avant et d'après l'an 2000. Le quotient de risque correspondant au pire des cas est de 16,1 pour la période 1997-1999 mais il est inférieur, à 9,1 pour la période 2003-2005.

Une étude de modélisation probabiliste distincte fondée sur les charges maximales à des installations aéroportuaires individuelles pendant les saisons 1997-1998 ou 1998-1999 et supposant une couverture de givre totale indique des concentrations d'OD inférieures à la recommandation du CCME pendant 17 % environ du temps dans les conditions du pire des cas (Parker, 1999). Une étude plus récente portant sur des données géophysiques et des données de précipitations réelles obtenues à plusieurs importants aéroports canadiens a montré que l'éthylène glycol pouvait réduire les concentrations d'oxygène en deçà de la valeur de la recommandation du CCME dans les cours d'eau récepteurs, cela même en l'absence de givre, surtout aux concentrations les plus élevées (> 500 mg/L) [Chaulk, 2003]. Il est à signaler que les concentrations de 500 mg/L ou plus représentent moins de 0,5 % des valeurs récemment enregistrées à ces aéroports, ce qui indique une très faible probabilité pour ce scénario.

Faune terrestre - effets directs

Des renseignements sur la toxicité tirés du rapport sur l'état de la science (Environnement Canada et Santé Canada, 2000) et s'appliquant aux effets possibles de l'éthylène glycol sur des espèces sauvages terrestres sont présentés ci-après. L'empoisonnement par l'éthylène glycol est courant chez les animaux domestiques et a été signalé chez des chats, des porcs, des volailles, des animaux sauvages et des veaux (Kersting et Nielsen, 1965; Riddell et al., 1967; Black, 1983; Amstrup et al., 1989). L'éthylène glycol est un poison à action lente et même après une dose massive, les animaux ne semblent pas intoxiqués avant 0,5 à 2 heures (Penumarthy et Oehme, 1975; Oehme, 1983; Beasley, 1985; Grauer et Thrall, 1986). La toxicité par voie orale de l'éthylène glycol varie en fonction de l'espèce. Le chat semble être l'espèce la plus vulnérable (Osweiler et al., 1985). La dose létale signalée pour le chat n'est que de 1,5 mL/kg-mc (1 650 mg/kg-mc) [Black, 1983] tandis qu'elle est de 4,2-6,6 mL/kg-mc (4 620-6 600 mg/kg-mc) chez le chien (Beasley et Buck, 1980; Oehme, 1983; Grauer et Thrall, 1986). Osweiler et al. (1985) ont signalé une dose létale de 2-4 mL/kg-mc (2 200-4 400 mg/kg-mc) chez le chat, de 4-5 mL/kg-mc (4 400-5 500 mg/kg-mc) chez le chien et de 7-8 mL/kg-mc (7 700-8 800 mg/kg-mc) chez la volaille. Des canards colverts (Anas platyrhynchos) exposés à de l'éthylène glycol par voie orale ont présenté des symptômes d'effets toxiques (dose minimale produisant un effet observé, ou DMEO) à 2,3 mL/kg-mc (2 530 mg/kg-mc) [Stowe et al., 1981]. On a signalé une quantité sans effet observé (QSEO) de 1 221 mg/kg-mc pour des canards intoxiqués par voie orale et une dose létale de 8 000 mg/kg-mc environ chez le poulet (CA/ICCA, 2004).

Afin d'évaluer les effets d'une exposition à très court terme à de l'éthylène glycol, on a appliqué un facteur d'évaluation de 10 à la DL50 chez le chat, de 1 650 mg/kg-mc, pour tenir compte de la variabilité inter et intraspécifique de la sensibilité. On a ainsi obtenu une VESEO de 165 mg/kg-mc. La concentration au 99e centile des eaux de ruissellement des aéroports déterminée à partir de toutes les données pour les saisons 1997 à 1999 est de 200 mg/L. Par conséquent, un animal devrait ingérer son propre poids d'eau de ruissellement au cours d'une courte période pour absorber la dose correspondant à la VESEO de 165 mg/kg-mc. Si l'on suppose un facteur de dilution de 10, l'animal devrait donc ingérer 10 fois environ son propre poids d'eau d'un cours d'eau récepteur pour atteindre la dose de la VESEO.

Des concentrations élevées d'éthylène glycol peuvent persister pendant plusieurs jours dans des eaux réceptrices. Au cours d'une étude de 16 semaines portant sur le rat, la quantité minimale avec effet observé, fondée sur une augmentation de l'incidence des cristaux d'oxalate de calcium, a été évaluée à 150 mg/kg-mc/jour (Cruzan et al., 2004). Si on divise cette valeur par un facteur d'évaluation de 10, pour tenir compte de la variabilité inter et intraspécifique de la sensibilité, on obtient une VESEO de 15 mg/kgmc/jour. Un animal de 1 kg devrait donc ingérer 75 mL/jour d'eaux de ruissellement d'un aéroport contenant 200 mg d'éthylène glycol par litre, ou 7,5 % de sa masse corporelle par jour, pour que soit atteinte la VESEO. Si on suppose un facteur de dilution de 10, l'animal devrait donc ingérer 75 % de sa masse corporelle en eau du cours d'eau récepteur par jour pour que soit atteinte la VESEO.

Étant donné qu'un humain de 70 kg consomme environ 3 kg d'eau par jour, ou 4 % environ de sa masse corporelle, l'extrapolation de cette valeur à d'autres espèces et le fait que les concentrations élevées d'éthylène glycol n'apparaissent que pendant quelques jours à la fois, rendent improbable que des animaux sauvages terrestres puissent être intoxiqués en s'abreuvant, pendant une période allant de quelques jours à plusieurs semaines, dans un plan d'eau récepteur situé à proximité d'un aéroport.

L'éthylène glycol n'est pas persistant dans l'air, l'eau ou le sol et ne s'accumule pas dans les organismes. Cette substance présente une faible toxicité intrinsèque, c'est-à-dire qu'elle ne produit des effets nocifs chez les organismes qu'à des doses ou des concentrations relativement élevées.

En ce qui a trait aux rejets d'éthylène glycol de toutes les sources, tels que signalés à l'inventaire national des rejets de polluant (INRP), on note une tendance générale à la baisse tant des quantités totales des rejets non traités que de la fraction des rejets non traités par rapport aux rejets totaux (y compris les rejets éliminés ou recyclés). Le graphique ci-après, fondé sur les données du tableau 3, montre la tendance à la baisse des rejets non traités totaux de toutes les sources.

Figure 3 : Rejets d'éthylène glycol non traités -- toutes les sources

Figure 3. Rejets d'éthylène glycol non traités - toutes les sources

La plus grande partie des rejets d'éthylène glycol non traités s'effectue vers le sol et 95 % de ces rejets proviennent d'aéroports. La majorité de ces rejets d'éthylène glycol atteignent des cours d'eau de sorte que les aéroports constituent aussi la plus importante source de rejets dans l'eau. De meilleures pratiques de gestion instaurées dans les aéroports ont permis d'accroître les quantités d'éthylène glycol qui sont traitées ou éliminées de sorte que la proportion des rejets non traités par rapport aux rejets totaux a diminué de façon constante pour passer de 53 %, au cours de l'année de déclaration 1998, à 18 %, au cours de l'année 2005.

Les quotients de risque, déterminés à partir de données de surveillance détaillées obtenues aux aéroports, montrent que les concentrations d'éthylène glycol ne devraient pas être supérieures à celles donnant lieu à des effets si l'on se fonde sur le 99e centile de la concentration d'éthylène glycol déterminée aux aéroports, cela pour les effets directs et indirects. L'examen des effets indirects pouvant découler d'un appauvrissement de l'oxygène porte à croire à une faible possibilité que les concentrations d'oxygène dissous tombent en deçà de la recommandation canadienne pour la qualité de l'eau (9,5 mg OD/L), mais cela à de rares occasions lorsque les charges sont maximales. Il est donc peu probable que des effets directs ou indirects puissent se produire surtout si l'on tient compte de la nature saisonnière et transitoire des rejets, de la courte période d'exposition ainsi que des températures ambiantes et des taux métaboliques peu élevés au cours des périodes de rejets maximaux.

Comme cela est mentionné dans le rapport sur l'état de la science (Environnement Canada et Santé Canada, 2000), on ne dispose pas de mesures de l'éthylène glycol dans l'environnement. L'important ensemble de données sur les concentrations mesurées d'éthylène glycol dans les effluents des aéroports canadiens constitue cependant un très bon indicateur des quantités rejetées. Comme les conditions des eaux réceptrices peuvent varier de façon importante d'un point à l'autre du Canada, des hypothèses prudentes, notamment un facteur de dilution de 10, ont été utilisées pour l'estimation des concentrations dans les plans d'eau. On croit que les concentrations d'éthylène glycol dans les eaux réceptrices ont été correctement estimées.

L'utilisation de liquides de dégivrage et d'antigivrage dans les aéroports du Canada varie d'une année à l'autre et d'une région à l'autre, et ce, en fonction des facteurs climatiques. L'adoption de programmes de lutte par Transports Canada, l'Association du transport aérien du Canada, des aéroports et des lignes aériennes, notamment la mise en place de plans de réduction des impacts et de plans de gestion de l'éthylène glycol dans les principaux aéroports du Canada, a donné lieu à une réduction des quantités d'éthylène glycol non traité rejetées dans l'environnement au cours des dernières années. Cela est particulièrement vrai depuis l'an 2000 à cause de l'amélioration des méthodes d'application et de gestion de l'éthylène glycol.

La présente évaluation porte sur les incidences écologiques possibles de l'éthylène glycol, mais nous sommes conscients du fait que bien que cette substance soit le principal ingrédient des liquides de dégivrage et d'antigivrage des aéronefs au Canada, ces produits contiennent d'autres substances qui peuvent en accroître la toxicité. Ainsi, certains produits de dégivrage peuvent être de trois à dix fois plus toxiques pour certains organismes que le seul éthylène glycol (Pillard, 1995).

Les résultats des analyses dont nous disposons indiquent qu'il est peu probable que l'exposition à de l'éthylène glycol au Canada puisse donner lieu à des effets écologiques nuisibles. De même, il est peu probable que l'on note des effets découlant d'une réduction des concentrations de l'oxygène dissous. Par ailleurs, ces concentrations pourraient atteindre des valeurs préoccupantes à proximité de certains aéroports canadiens pendant de très courtes périodes lorsque les charges sont maximales. Une surveillance continue des effluents des eaux de ruissellement et des eaux réceptrices aux aéroports permettrait de déterminer en permanence l'existence ou la fréquence de tels rejets occasionnels élevés.

Selon les renseignements présentés et l'application d'une méthode du poids de la preuve, il est proposé que l'éthylène glycol ne pénètre pas dans l'environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement ou sur la diversité biologique ou à mettre en danger l'environnement essentiel pour la vie.

L'exposé qui suit se limite à décrire les données récentes jugées essentielles à l'estimation quantitative de l'exposition à l'éthylène glycol de divers groupes d'âge de la population générale du Canada et, par conséquent, à en évaluer le caractère « toxique » au sens de l'alinéa 64c) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, 1999 (LCPE (1999)).

La Direction de la surveillance environnementale et des rapports sur l'environnement du ministère de l'Environnement de l'Ontario (antérieurement le ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario) a utilisé des analyseurs de gaz atmosphériques à l'état de traces (TAGA 6000) pour réaliser plusieurs relevés de surveillance atmosphérique par unité mobile dans la ville de Windsor, en Ontario, en 1991 et 1992 (MEEO, 1994b). Ces relevés avaient pour but de déterminer les concentrations atmosphériques de certaines substances qui ne sont généralement pas mesurées dans le cadre des programmes de surveillance habituels (MEEO, 1994). L'éthylène glycol a été mesuré au cours du relevé de 1992 qui portait sur les concentrations de substances chimiques industrielles dans des zones où la population générale pourrait y être exposée, comme les parcs urbains et les zones à proximité des écoles (MEEO, 1994). Les concentrations d'éthylène glycol variaient de < 1 µg/m3 à 75 µg/m3 (limite de détection de 1 µg/m3) [MEEO, 1994]. La valeur maximale a permis d'obtenir la limite supérieure de l'absorption estimée à partir de l'air ambiant, qui variait entre 1,9 et 5,6 µg/kg-mc/jour. Les valeurs obtenues sont présentées dans le tableau 9.

Zhu et al. (2004) ont élaboré une méthode analytique pour la mesure de l'éthylène glycol et du propylèneglycol dans l'air intérieur. Cette étude canadienne comportait des prélèvements dans neuf foyers (deux appartements et sept maisons individuelles), dans un garage résidentiel en annexe, dans un bureau et dans deux laboratoires. Les échantillons ont été prélevés dans une zone en retrait de toute source ponctuelle industrielle. L'éthylène glycol a été décelé dans tous les endroits. Les concentrations dans les résidences (y compris dans le garage en annexe) variaient de 2,0 à 223 µg/m3 et celles dans le bureau et les laboratoires variaient de 1,9 à 4,4 µg/m3 (limite de détection de la méthode de 0,07 µg/m3). Hodgson et al. (2000) ont effectué des prélèvements de l'air intérieur de 11 maisons nouvellement construites (quatre préfabriquées et sept construites sur place) situées dans l'est et le sud-est des États-Unis. Les concentrations d'éthylène glycol ont été mesurées au moins un mois après la fin des travaux de construction et elles variaient de < 23,4 à 1 247 µg/m3. Il a été mentionné que la peinture au latex était une source d'émissions d'éthylène glycol. Il est à souligner qu'une étude portant sur le taux d'émission d'éthylène glycol à partir des moquettes (sans doute à partir d'une colle) a montré que ce taux diminuait de 949 µg/m2/h à moins de 50 µg/m2/h (limite de détection) en 28 jours (Wilke et al., 2002).

La valeur maximale décelée dans les résidences au cours de l'étude canadienne (Zhu et al., 2004) donne une limite supérieure de l'absorption quotidienne estimée à partir de l'air intérieur qui se situe entre 39 et 117 g/kg-mc/jour. Ces valeurs sont présentées dans le tableau 9.

Étant donné qu'aucunes nouvelles données sur les concentrations d'éthylène glycol dans les aliments et les emballages alimentaires n'ont été relevées, il est supposé que l'absorption à partir des aliments n'a pas varié depuis la publication du rapport sur l'état de la science de 2000. Les sources d'absorption sont résumés dans les tableaux 9 et 10.

La limite supérieure des estimations de l'absorption quotidienne totale d'éthylène glycol par la population canadienne générale varie de 53 µg/kg-mc/jour chez les adultes (60 ans et plus) à 157 µg/kg-mc/jour chez les enfants (0,5-4 ans), comme on peut le voir dans le tableau 9. Pour chaque groupe d'âge, l'air intérieur est la principale source d'exposition.

Les services de Sciences International, Inc. ont été retenus par le Ethyleneglycol Panel of the American Chemistry Council dans le but de caractériser l'exposition à l'éthylène glycol de la population générale à proximité d'une usine de fabrication de cette substance située à Red Deer, en Alberta, au Canada (Sciences International, Inc., 2003). Cette étude devait notamment combler le besoin de recherches sur l'exposition des humains à proximité des sources de rejet ponctuelles, qui était une source d'incertitude relevée dans le rapport sur l'état de la science.

Sciences International a utilisé le modèle ISC PRIME (Industrial Source Complex Plume Rise Model Enhancements), un modèle de dispersion atmosphérique spécifique au lieu, pour estimer l'exposition humaine à l'éthylène glycol. Le modèle prenait en compte les données sur les émissions d'éthylène glycol obtenues de l'installation et des données météorologiques portant sur une période de cinq années (Sciences International, Inc., 2003). La concentration maximale prévue sur 24 heures aux résidences situées à proximité de l'installation était de 154 g/m3 (60 ppb). Selon cette valeur, la limite supérieure des estimations de l'absorption quotidienne à partir de l'air ambiant se situait entre 3,82 µg/kg-mc/jour, pour les adultes (60 ans et plus), et 11,55 µg/kg-mc/jour, pour les enfants (0,5-4 ans), vivant à proximité des sources ponctuelles (tableau 10).

Les valeurs d'absorption résultant de l'exposition aux sols à proximité d'une source ponctuelle demeurent les mêmes que celles signalées dans le rapport sur l'état de la science.

La limite supérieure des estimations de l'absorption quotidienne d'éthylène glycol d'une population fortement exposée dans le voisinage immédiat d'une source ponctuelle industrielle varie de 57 µg/kg-mc/jour chez les adultes (60 ans et plus) à 191 µg/kg-mc/jour chez les enfants (0,5-4 ans), comme on peut le voir dans le tableau 10. Pour la plupart des groupes d'âge, cette estimation est de deux à trois fois supérieure à celle présentée dans le rapport sur l'état de la science. L'air intérieur est la principale source d'exposition des individus de tous les groupes d'âge vivant à proximité d'une source ponctuelle.

Il est mentionné dans le rapport sur l'état de la science que la plus importante source d'exposition de la population générale est l'exposition cutanée à de l'éthylène glycol présent dans les nettoyants pour baignoires et carreaux. Des estimations de l'exposition cutanée ont aussi été obtenues pour les peintures au latex et les polis et cires pour planchers et pour automobiles. Selon l'Association canadienne des produits de consommation spécialisés (ACPCS, 2002), les nettoyants pour baignoires et carreaux vendus sur le marché canadien ne contiennent pas d'éthylène glycol. L'ACPCS (2007) a aussi confirmé que les polis et cires pour planchers contenant de l'éthylène glycol étaient destinés à des utilisations commerciales et institutionnelles et non aux consommateurs. Par conséquent, l'absorption quotidienne d'éthylène glycol par exposition cutanée devrait surtout avoir pour cause l'exposition à des polis et cires pour automobiles et à des peintures au latex. L'exposition des adultes par contact cutané avec ces produits de consommation a été estimée à 0,56 et 1,9 mg/kg-mc/jour, respectivement (tableau 11).

L'exposition par inhalation de produits de consommation n'a pas été estimée dans le rapport sur l'état de la science, mais il a été jugé, étant donné les concentrations dans l'air intérieur indiquées par Zhu et al. (2004) et Hodgson et al. (2000), que cette voie d'exposition devrait être étudiée. Le tableau 11 présente les concentrations estimées dans l'air résultant de l'utilisation de peintures au latex. Bien que l'ACPCS (2007) ait confirmé que l'utilisation des polis et des cires pour planchers contenant de l'éthylène glycol était limitée aux milieux commerciaux et institutionnels, l'exposition par inhalation des occupants de ces lieux demeure possible et elle a donc été examinée à l'aide du modèle ConsExpo élaboré par The National Institute for Public Health and the Environment (RIVM, 2006). La concentration moyenne par événement, c'est-à-dire au moment de l'application d'un poli à planchers dans une résidence, était de 2,09 mg/m3 (tableau 11) et cette valeur est jugée comme la limite maximale des concentrations auxquelles les occupants pourraient être exposés. Il a été jugé que les polis et cires pour automobiles étant surtout utilisés à l'extérieur, l'exposition par inhalation devrait être négligeable (US EPA, 1986).

L'utilisation du modèle de l'exposition à partir des peintures murales de l'EPA des États-Unis (Wall Paint Exposure Model ou WPEM) indique que la concentration moyenne sur 8 heures la plus élevée à laquelle un adulte peignant une pièce avec de la peinture au latex est exposé est de 22 mg/m3, la concentration correspondante pour les occupants de la maison est de 9,6 mg/m3 (tableau 11). Les concentrations les plus élevées devraient être notées 1,5 jour environ après le début des travaux de peinture et il est donc très probable que d'autres scénarios appliqués aux occupants (p. ex., un enfant dormant ou jouant dans une pièce récemment peinte) pourraient donner lieu à des expositions encore plus élevées.

Dans le rapport sur l'état de la science, les expositions estimées résultant de l'utilisation de produits de consommation sont obtenues par amortissement des expositions quotidiennes sur une période d'une année en tenant compte de la fréquence des événements. Il est cependant noté dans le rapport que, dans le cas des effets sur le développement et la reproduction, l'exposition maximale au cours de l'utilisation du produit pourrait constituer un fondement plus approprié pour la comparaison. Les expositions quotidiennes estimées sont donc jugées constituer la mesure de l'exposition la plus appropriée à la présente évaluation.

Plusieurs études ont été signalées après la publication du rapport sur l'état de la science et elles viennent s'ajouter à celles réalisées pour réduire les incertitudes relevées dans le rapport. Des études récentes sur la toxicité in vitro et in vivo chez les mammifères et d'autres études sur la toxicité pour les humains sont présentées ci-après aux fins de la caractérisation du danger que pose l'éthylène glycol.

Une étude d'immunotoxicité aiguë réalisée par Zabrodskii et Germanchuck (2000) a permis de noter une mortalité par E. coli plus élevée chez des souris exposées à de l'éthylène glycol comparativement à des souris témoins. Des études de la toxicocinétique de l'exposition aiguë chez des hommes où des volontaires ont été exposés par inhalation pendant 4 heures à de l'éthylène glycol marqué ont permis de noter une absorption de 100 %. Les demi-vies de l'éthylène glycol et de l'acide glycolique marqués étaient de 2,1 à 2,6 et de 2,6 à 2,9 heures, respectivement (Carstens et al., 2002, 2003).

Des études de toxicité à court terme, dans lesquelles des rats des lignées Wistar et Sprague-Dawley ont été respectivement exposés, par l'intermédiaire de leur eau de boisson, à 1 050 mg/kg-mc/jour d'éthylène glycol pendant 42 et 28 jours, ont montré que les deux lignées présentaient une augmentation de l'oxalate urinaire et des calculs rénaux (Huang et al., 2000, 2002, 2003; Green et al., 2005). Khan et al. (2002) ont réalisé une étude semblable à l'aide de rats Sprague-Dawley exposés pendant 8 semaines. Un dépôt de cristaux dans les reins a été noté chez tous les animaux traités. Une autre étude a permis de noter une diminution de la masse corporelle chez des souris auxquelles on avait administré 2 200 mg/kg-mc d'éthylène glycol pendant 7 jours (Mohanasundari et al., 2005).

De nouvelles études par exposition alimentaire ont été réalisées : une étude d'exposition subchronique de 16 semaines (Cruzan et al., 2004) et une étude d'exposition chronique de 12 mois, (ACC, 2005). Elles portent sur le rat et permettent de mieux caractériser la toxicité de doses répétées d'éthylène glycol pour les mammifères. Afin de mieux étudier les écarts de toxicité entre les lignées, l'étude de toxicité subchronique (Cruzan et al., 2004) a été réalisée sur des rats des lignées Wistar et Fischer 344 (F-344). L'exposition des rats, par voie alimentaire et dans des conditions identiques, à 0, 50, 150, 500 et 1 000 mg/kg-mc/jour d'éthylène glycol pendant 16 semaines, a permis de noter une quantité sans effet nocif observé (QSENO) et une quantité minimale produisant un effet nocif observé (QMENO) de 150 et 500 mg/kg-mc par jour, respectivement, pour les deux lignées. À la QMENO correspondait une augmentation de l'incidence des cristaux d'oxalate de calcium chez les rats des deux lignées. Les rats Wistar étaient cependant plus sensibles que les rats F-344 à l'éthylène glycol quand les doses étaient élevées. La sensibilité à l'éthylène glycol des rats Wistar à 500 mg/kg-mc/jour était comparable à celle des rats F-344 à 1 000 mg/kg-mc/jour.

Les études toxicocinétiques ont montré l'existence d'écarts appréciables entre les lignées pour ce qui est des concentrations rénales d'acide oxalique aux doses d'éthylène glycol de 500 mg/kg-mc/jour et plus. À la fin de la période d'exposition de 16 semaines, les concentrations d'acide oxalique dans les tissus rénaux des rats F-344 ayant reçu des doses de 500 et de 1 000 mg/kg-mc/jour étaient, respectivement, de 32,92 et de 20 616 g/g tandis que les valeurs correspondantes pour les rats Wistar étaient de 33 108 et de 100 812 g/g (Cruzan et al., 2004). On notait un écart net entre les deux lignées en ce qui concerne l'élimination urinaire de l'acide oxalique. Les rats Wistar exposés à 500 et à 1 000 mg/kg-mc/jour présentaient un taux d'élimination urinaire qui était, respectivement, de 21 et de 14 fois moindre que celui noté chez les rats F-344.

L'étude de toxicité chronique (ACC, 2005) chez les rats mâles Wistar est considérée comme une étude clé pour l'évaluation du risque que présente l'éthylène glycol pour la santé humaine. L'exposition par voie alimentaire des rats à 0, 50, 150, 300 et 400 mg/kg mc/jour pendant 12 mois, a permis de noter une QSENO de 150 mg/kg-mc/jour et une QMENO de 300 mg/kg mc/jour si l'on se fonde sur la toxicité rénale (p. ex., la néphropathie due aux cristaux). La dose la plus élevée était supérieure à la dose maximale tolérable (DMT) car tous les rats survivants ont dû être euthanasiés avant la fin prévue de l'essai à cause d'une perte de poids excessive.

Au cours de la même étude, la clairance rénale de l'acide oxalique des rats Wistar a été comparée à celle des rats F-344. Une clairance rénale nettement supérieure a été notée chez les jeunes rats F-344 (6,06 mL/min/kg-mc) comparativement aux rats Wistar (3,8 mL/min/kg-mc). On n'a pas noté d'écart de la clairance rénale de l'acide oxalique en fonction de l'âge chez les rats Wistar.

L'analyse d'échantillons de sang, d'urine et de rein pour la présence de métabolites d'éthylène glycol a montré une augmentation rapide et non linéaire de la concentration d'acide oxalique dans les reins. Aux doses de 0, 50, 150, 300 et 400 mg/kg-mc par jour, les concentrations d'acide oxalique correspondantes étaient de 5,31, 16,07, 8,72, 6 561 et 18 789 g/g.

L'élimination de l'éthylène glycol présentait une relation dose-réponse linéaire tandis que celle de l'acide glycolique était linéaire jusqu'à la dose de 150 mg/kg-mc/jour avant de s'accroître de façon non linéaire à partir de 300 mg/kg-mc par jour. L'élimination urinaire de l'acide oxalique était semblable à celle notée chez les animaux témoins, cela à toutes les doses.

Poldelski et al. (2001) ont exposé des segments isolés de tubules proximaux (STP) de souris à de l'éthylène glycol ou à ses principaux métabolites (glycolate, glycoaldéhyde, glyoxylate ou oxalate) pendant 15 ou 60 minutes, la lésion cellulaire étant déterminée comme le pourcentage de lactate déshydrogénase (LDH) libéré, la destruction du LDH, l'appauvrissement en adénosine triphosphate (ATP) et la dégradation des phospholipides de la membrane. Seuls le glyoxalate et le glycoaldéhyde ont donné lieu à un appauvrissement appréciable en ATP et à une libération de LDH, causant des effets cytotoxiques. L'éthylène glycol, le glycolate et l'oxalate n'étaient pas nuisibles aux STP. Les auteurs ont conclu que le glyoxalate et le glycoaldéhyde étaient les principaux métabolites à l'origine de la néphrotoxicité induite par l'éthylène glycol. Par ailleurs, Guo et al. (2005) ont montré par des études in vitro sur des cellules de TPH que l'oxalate de calcium monohydraté (OCM) avait pour effet d'accroître, en fonction de la dose, la libération de LDH tandis que l'acide glycolique, l'acide glyoxylique ou le glycoaldéhyde n'avaient pas cet effet, cela indépendamment du pH utilisé (pH de 6, 6,5, 7 ou 7,4). Cette étude porte à croire que l'OCM, et non les autres métabolites de l'éthylène glycol, est toxique pour les cellules de TPH aux concentrations pertinentes.

La toxicité de l'oxalate et de l'oxalate de calcium monohydraté (OCM) pour le rat et les cellules des tubules proximaux humains (TPH) a été étudiée dans le cadre d'autres études in vitro (Guo et McMartin, 2005). C'est l'OCM, et non l'ion oxalate, qui était à l'origine de la cytotoxicité, évaluée par la libération de LDH et le pourcentage de mortalité cellulaire, dans les tubules proximaux humains (TPH). Des résultats semblables ont été obtenus avec des cellules de TP de rats des lignées Wistar et F-344 exposés à de l'oxalate et à de l'OCM. Cette étude montrait aussi que les cellules de TPH étaient moins sensibles à la cytotoxicité induite par l'OCM que les cellules de TP de rats. McMartin et Wallace (2005) indiquent que l'inhibition de la fonction respiratoire mitochondrienne dans les cellules des tubules proximaux causée par les cristaux d'OCM constitue un important facteur de la toxicité rénale de l'éthylène glycol. Ces résultats obtenus in vitro de la toxicité de l'OCM concordent avec ceux obtenus par Cruzan et al. (2004).

Au cours d'une étude récente de la toxicité pour le développement, Carney et al. (2001, 2002) ont observé des effets toxiques chez les mères et des malformations chez les fœtus lorsque des rates gravides étaient exposées à de l'éthylène glycol par injection sous-cutanée d'un bolus. Au cours d'une autre étude, on a observé une toxicité pour le développement chez des souris exposées par gavage à 11 090 mg/kg-mc/jour d'éthylène glycol au cours des jours 7 à 14 de la gestation (DHHS, 1986).

L'exposition de cultures d'embryons entiers de rats Wistar (JG 9,5 à 11,5) à de l'éthylène glycol et à ses métabolites (glycoaldéhyde, acide glycolique, glyoxale, acide glyoxylique et acide oxalique) a permis de noter des QMENO pour la toxicité du développement de 200 mM pour l'éthylène glycol et de 3 mM pour l'acide glycolique. Des réductions des paramètres de croissance (teneur en protéines et longueur vertex coccyx) ont été signalées à la QMENO (Klug et al., 2001). Des recherches antérieures avaient montré que la toxicité de l'éthylène glycol pour le développement résultait de l'action d'un métabolite intermédiaire, l'acide glycolique (Carney et al., 1999, 2001).

Au cours d'une étude toxicocinétique où de l'éthylène glycol a été administré par voie orale à des rates Sprague-Dawley gravides et non gravides, l'état de gravidité n'avait aucune influence sur les paramètres pharmacocinétiques de l'éthylène glycol et de ses métabolites. La présence d'embryons anormaux a été notée aux valeurs d'exposition de 1 000 mg/kg-mc/jour et plus. La QMENO pour la toxicité du développement était de 1 000 mg/kg-mc par jour. La concentration sanguine maximale de l'acide glycolique à la QMENO pouvait atteindre 363 g/g ou 4,8 mM (Pottenger et al., 2001).

Dans le cadre d'une étude du métabolisme, Booth et al. (2004) ont exposé des coupes de foie de rat, de lapin et d'humain à de l'éthylène glycol. Les coupes de foie de rat produisaient dix fois plus environ d'acide glycolique que celles du lapin. L'acide glycolique n'a pas été décelé dans les coupes de foie humain. Les tissus hépatiques humains s'avéraient aussi plus efficaces à métaboliser plus avant l'acide glycolique en acide glyoxylique. L'accumulation d'acide glycolique chez les humains est donc moins probable que chez les animaux de laboratoire.

Des modèles pharmacocinétiques à fondements physiologiques ont été élaborés pour l'éthylène glycol et son métabolite, l'acide glycolique, chez les rats et les humains (Corley et al., 2005a, b).

Chez des humains ayant subi des expositions aiguës à de grandes quantités d'éthylène glycol, on a noté une acidose métabolique sévère, des valeurs élevées d'anions sériques et un trou osmotique ainsi qu'une cristallurie par l'oxalate de calcium (Leth et Gregersen, 2005; Krenova et Pelclova, 2005; Huttner et al., 2005; Caravati et al., 2005; Morfin et Chin, 2005). L'examen pathologique des tissus rénaux a montré une nécrose généralisée de l'épithélium tubulaire et le dépôt de cristaux d'oxalate dans les tubules proximaux et distaux et les canaux collecteurs. Des cristaux d'oxalate ont été décelés dans des tissus, notamment dans le cerveau, le cœur, les reins et les poumons. La mort était causée par l'ingestion d'environ 1,43 ml/kg-mc d'éthylène glycol.

Exposition chronique

Le tableau 12 présente la dose repère05 (dose estimée provoquant une augmentation de 5 % de l'incidence par rapport au taux de réponse de fond; DR05) et la limite inférieure de l'intervalle de confiance de 95 % (DRL05) correspondant pour les principales études de toxicité présentées dans le rapport sur l'état de la science (Environnement Canada et Santé Canada, 2000) et le présent rapport de suivi.

Le modèle ci-après, qui décrit la probabilité d'apparition d'un effet donné sur la santé, a été utilisé pour obtenir la DR05 à partir de données sur la dose-réponse :

formule

d est la dose, k est le nombre de groupes de doses dans l'étude, P(d) est la probabilité qu'un animal présente l'effet à la dose d et qi > 0, i = 1,..., k et d0 sont les paramètres à estimer.

Les modèles ont été adaptés aux données à l'aide du THRESH (Howe, 1995) et les DR05 ont été calculées comme étant la dose D qui satisfait à l'équation :

formule

Un test par chi-carré de la validité de l'ajustement a été réalisé pour chacun des ajustements du modèle. Les degrés de liberté de ce test sont égaux à k moins le nombre de q i dont l'estimation est non nulle. Une valeur de p inférieure à 0,05 indique un manque d'ajustement significatif. La DRL05 est définie comme la limite inférieure de l'intervalle de confiance de 95 % de la DR05.

La DR 05 de 120 mg/kg/jour, fondée sur l'incidence d'une néphropathie à cristaux chez des rats mâles Wistar exposés par voie alimentaire à de l'éthylène glycol pendant 12 mois (ACC, 2005) a été jugée la plus appropriée à la détermination de l'absorption tolérable (AT). Le choix de l'étude portant sur un 12 mois plutôt que celle portant sur un 16 semaines (Cruzan et al., 2004) s'explique surtout par la volonté de réduire l'incertitude liée à une exposition inférieure à l'exposition chronique. En outre, les résultats de l'étude d'exposition chronique montrent que les lésions rénales ne se détériorent pas quand l'exposition est à long terme. La DRL05 de ce critère était moins de deux fois inférieure à la valeur centrale estimée de la DR 05 de sorte que cette dernière a été utilisée pour le calcul de l'AT.

Dans l'étude d'exposition chronique (ACC, 2005), les modifications rénales n'ont été signalées que sous la forme d'une néphropathie à cristaux. Au contraire, l'AT provisoire présentée dans le rapport sur l'état de la science avait été fondée sur la DR 05 pour l'incidence de lésions tubulaires totales (cristaux d'oxalate dans le rein, tubules dilatés, cylindres urinaires) déterminée au cours d'une étude d'exposition subchronique (Gaunt et al. , 1974). L'incidence d'une néphropathie à cristaux est un effet histopathologique plus spécifique à une substance jugée nuisible. À des fins de comparaison, la DR 05 pour l'incidence de la seule formation de cristaux d'oxalate dans les reins (par opposition à toutes les lésions tubulaires) indiquée par Gaunt et al. (1974) est de 173,4 mg/kg/jour (LIC de 95 % de 67,3 mg/kg-mc/jour). De façon analogue, la DR 05 de l'étude de 16 semaines (Cruzan et al. , 2004) est de 161 mg/kg-mc/jour et elle est fondée sur l'incidence de la néphropathie à cristaux (LIC de 95 % de 72 mg/kg/jour).

L'utilisation de la DR 05 de 120 mg/kg-mc/jour permet d'obtenir la valeur de l'absorption tolérable (AT) suivante :

la valeur de l'absorption tolérable

où :

120 mg/kg-mc/jour est la DR05 pour l'incidence de la néphropathie à cristaux provoquée par une substance chez les rats mâles Wistar après une exposition à l'éthylène glycol par voie alimentaire d'une durée de 12 mois (ACC, 2005), et

100 est le facteur d'incertitude (x 10 pour la variation interspécifique et x 10 pour la variation intraspécifique). En ce qui concerne les facteurs de la variation inter et intraspécifique, les données disponibles s'avèrent insuffisantes pour évaluer plus avant les composantes toxicocinétiques et toxicodynamiques de l'incertitude à partir des valeurs obtenues des données. Le facteur d'incertitude supplémentaire de 10 fois qui a été utilisé pour tenir compte de l'exposition inférieure à l'exposition chronique du rapport sur l'état de la science n'est plus justifié étant donné que l'on dispose d'une étude de l'exposition chronique chez une lignée de rats sensibles.

Exposition par inhalation à court terme

L'étude sur l'inhalation par le nez seulement réalisée par Tyl et al. (1995) chez des souris CD-1 a été jugée la plus appropriée pour le calcul de la concentration tolérable. Le tableau 13 présente les effets sur les mères et sur le développement de l'exposition par inhalation à de l'éthylène glycol pendant les jours 6 à 15 de la gestation. La toxicité pour les mères se limitait à une légère augmentation (7 %, p < 0,05) de la masse relative des reins à 2 505 mg/m3, sans effet visible de cytotoxicité. L'augmentation de la masse absolue des reins des femelles à 360 mg/m3 a été acceptée comme la QSEO car aucun autre effet nocif n'a été signalé. À 2 505 mg/m3, on a noté une toxicité pour le développement se présentant sous la forme d'une réduction de la masse corporelle fœtale par portée et d'une augmentation de l'incidence des côtes fusionnées et des variations squelettiques. La QSENO pour la toxicité pour le développement est donc de 779 mg/m3. Cette QSENO constitue le critère le plus approprié pour l'obtention de la concentration tolérable (CT).

la valeur de l'absorption tolérable

où :

779 mg/m3 est la QSENO pour le développement chez la souris (Tyl et al., 1995),

100 est le facteur d'incertitude (x 10 pour la variation interspécifique et x 10 pour la variation intraspécifique).

Scénario d'exposition chronique

L'AT estimée ci-dessus pour l'exposition chronique demeure une valeur prudente pour les effets possibles sur le développement. Les nouveaux renseignements concernant les effets sur le développement (Schuler et al 1984; Pottengeret et al., 2001) n'indiquent pas un profil de danger pour le développement différent de celui présenté dans le rapport sur l'état de la science. Dans ce rapport, les valeurs d'AT pour ce critère avaient été obtenues à partir de i) la QSENO pour le développement de souris (500 mg/kg-mc/jour) divisée par un facteur d'incertitude de 100 et ii) la QSEO de 150 mg/kg-mc/jour, obtenue au cours de la même étude sur la souris, divisée par un facteur d'incertitude de 100. Ces valeurs sont supérieures à l'AT, fondée sur les effets rénaux, de 1,2 mg/kg-mc/jour.

Selon les renseignements disponibles, la limite supérieure des estimations de l'absorption quotidienne d'éthylène glycol par la population générale du Canada (jusqu'à 157 µg/kg-mc par jour; tableau 9) et une population fortement exposée à proximité immédiate d'une source ponctuelle industrielle (jusqu'à 191 µg/kg-mc par jour; tableau 10) sont bien en deçà de l'AT de 1,2 mg/kg-mc par jour.

Scénario d'exposition par inhalation à court terme

Les concentrations estimées dans l'air résultant de l'utilisation de peintures au latex, tant pour ceux qui font eux-mêmes leurs travaux de peinture (22 mg/m3) que pour les occupants, y compris les enfants, d'une résidence en train d'être peinte (9,6 mg/m3) excèdent la concentration tolérable (CT) (7,79 mg/m3). La concentration moyenne sur 8 heures la plus élevée à laquelle un peintre serait exposé est de trois fois environ plus importante que la CT. Cette même concentration moyenne serait aussi supérieure à la CT pour les occupants d'une résidence en train d'être peinte. L'exposition à l'éthylène glycol à partir des peintures au latex devrait être encore plus importante étant donné qu'il y a contact cutané avec ces produits et que cela contribue à l'exposition totale.

Selon l'ACPCS (2007), les polis et cires à planchers contenant de l'éthylène glycol ne sont utilisés que dans des milieux commerciaux et institutionnels et ne sont pas destinés aux consommateurs. L'exposition cutanée n'est donc pas une source de préoccupation, mais il demeure possible que des membres de la population en général soient exposés par inhalation dans des milieux institutionnels. La limite supérieure de l'estimation utilisée pour représenter cette voie d'exposition (2,09 mg/m3) est inférieure à la CT (7,79 mg/m3) et n'est donc pas préoccupante. Il a été supposé que les polis et cires pour automobiles étaient surtout utilisés à l'extérieur et que l'exposition par inhalation serait négligeable (Note : Comme l'exposition par voie cutanée estimée résultant des polis et cires pour automobiles est inférieure à l'AT, ce scénario pour les produits de consommation n'est pas préoccupant.)

Sur la base de la limite supérieure des estimations de l'exposition par inhalation à court terme à l'éthylène glycol de personnes, dont les enfants, découlant de l'utilisation de certains produits de consommation (peintures au latex), il est proposé que l'éthylène glycol pénètre dans l'environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à constituer un danger pour la vie ou la santé humaine. Par conséquent, il est proposé que l'éthylène glycol soit « toxique » pour la santé humaine au sens de l'alinéa 64c) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [LCPE (1999)].

Les valeurs estimées de l'absorption quotidienne totale par la population générale, qui sont basées sur des données limitées, présentent un faible niveau de confiance. Dans le rapport sur l'état de la science, les limitations des données disponibles interdisaient de déterminer la limite supérieure des estimations de l'absorption quotidienne d'éthylène glycol par la population générale. Mais dans le cas de la présente évaluation, des données supplémentaires, bien que limitées, ont permis de déterminer de telles limites. Par ailleurs, les quantités absorbées à partir de l'air ambiant et de l'air intérieur sont toutes les deux basées sur une seule étude canadienne dont les échantillons sont insuffisants pour garantir la représentativité de la population canadienne. Aucunes données de surveillance portant sur l'eau potable et les sols n'ont été décelées. Il en est de même de nouvelles données sur les concentrations d'éthylène glycol dans les aliments et les emballages alimentaires et cela continue d'être un domaine d'incertitude.

Le niveau de confiance à l'égard de l'absorption estimée à proximité des sources ponctuelles est moyen. Le modèle informatique de dispersion atmosphérique (ISC PRIME) est considéré comme étant apte à fournir une indication fiable des concentrations d'éthylène glycol dans l'air ambiant à la limite des résidences et des propriétés à proximité de sources ponctuelles industrielles. En ce qui a trait à l'air intérieur, il est possible que la valeur de l'absorption par ceux qui résident à proximité d'une source ponctuelle soit sous-estimée car ces valeurs ont été mesurées dans des habitations qui n'étaient pas dans le voisinage de sources ponctuelles industrielles. Il existe un fort degré de certitude que les estimations de l'absorption découlant de l'ingestion de sol par une population exposée à cause de sa proximité à une source de rejets atmosphériques constituent une limite supérieure.

De façon générale, le niveau de confiance des estimations de l'exposition à l'éthylène glycol à partir de l'utilisation de produits de consommation varie de faible à moyen. En se fiant à l'information fournie par ACPCS (2002), on accorde un niveau de confiance élevé au fait que les nettoyants à baignoires et à carreaux ne contiennent pas d'éthylène glycol et que les polis et cires à planchers en contenant sont destinés à des usages institutionnels ou commerciaux (ACPCS, 2002, 2007). Il demeure cependant une incertitude quant à l'exposition des occupants après de tels usages et une certaine incertitude quant à la pertinence d'appliquer le scénario ConsExpo pour les polis de planchers résidentiels à la représentation des expositions par inhalation d'éthylène glycol aux occupants d'établissements institutionnels. De plus, on ne disposait pas de données sur les gammes et les distributions des concentrations dans les divers produits qui sont particulières au Canada. On n'a pas décelé de renseignements supplémentaires permettant de caractériser l'absorption au travers de la peau, mais l'hypothèse d'une absorption complète est jugée prudente. Comme cela est indiqué dans le rapport sur l'état de la science, les absorptions quotidiennes estimées d'éthylène glycol par voie cutanée découlant de l'utilisation de produits de consommation devraient être de plusieurs ordres de grandeurs inférieures aux valeurs présentées dans le tableau 11 si l'on tenait compte de la perméabilité de la peau à l'éthylène glycol. Par ailleurs, les données actuelles sur la perméabilité de la peau humaine à l'éthylène glycol sont insuffisantes pour servir de fondement à une estimation fiable de l'exposition (Environnement Canada et Santé Canada, 2000). Le niveau de confiance est moyen à l'égard des estimations de l'exposition par inhalation de peintures au latex, si l'on se fonde sur le modèle d'exposition aux peintures murales de l'EPA des États-Unis. Ce modèle est relativement robuste et incorpore les résultats d'essais en laboratoire portant sur l'éthylène glycol (US EPA, 2001). Il a été spécifiquement conçu pour modéliser les concentrations dans l'air intérieur et les expositions résultant de l'application de peinture et il est destiné aux concepteurs de produits industriels et aux responsables des questions de santé et de sécurité (US EPA, 2001). Les concentrations dans l'air les plus élevées prévues apparaissent 1,5 jour environ après le début des travaux de peinture et il est donc très probable que les scénarios portant sur d'autres occupants (p. ex., enfants dormant ou jouant dans une pièce récemment peinte) donneraient des expositions supérieures à celles obtenues. En outre, le taux de ventilation pulmonaire par rapport à la masse corporelle des enfants est supérieur à celui des adultes de sorte que l'absorption d'éthylène glycol présent dans l'air serait proportionnellement plus élevée chez les enfants que chez les adultes. Il est donc jugé approprié de faire preuve de prudence au moment de la caractérisation des risques d'exposition que pose l'éthylène glycol dans l'air.

Le niveau de confiance à l'égard de la base de données sur la toxicité qui sert de fondement à l'obtention de l'AT pour l'éthylène glycol demeure moyen. Il en va de même pour ce qui est du fait que l'AT obtenue à partir des effets rénaux s'avère une mesure prudente d'autres effets nocifs de l'éthylène glycol, comme les effets sur le développement. L'absence de données sur la progression des lésions rénales après une exposition chronique chez le modèle animal le plus sensible est à l'origine d'une très importante incertitude qui a été relevée dans le rapport sur l'état de la science. Cette incertitude a été réduite par la réalisation d'une étude de 12 mois sur des rats de la lignée Wistar. Il a été jugé que l'étude sur l'exposition chronique utilisée pour obtenir la DR05 avait traité de façon suffisamment complète l'histopathologie rénale car les tissus rénaux sont la première cible des effets toxiques de l'éthylène glycol. En outre, l'étude a été réalisée avec la lignée de rats la plus sensible à l'éthylène glycol (Wistar han).

Le niveau de confiance attribué à la base de données utilisée pour obtenir la concentration tolérable dans le scénario d'exposition à court terme est assez faible. Il est à noter que les souris sont moins sensibles que les rats aux effets toxiques de l'éthylène glycol. L'écart de sensibilité entre les souris et les humains constitue une très importante incertitude. De plus, l'interprétation d'études limitées à l'inhalation par le nez peut être compliquée par des facteurs de confusion, comme le stress lié aux contraintes exercées et l'exposition par ingestion de la substance placée sur la face de l'animal.

Selon les renseignements présentés et l'application d'une méthode du poids de la preuve, il est conclu que l'éthylène glycol ne pénètre pas dans l'environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement ou sur la diversité biologique ou à mettre en danger l'environnement essentiel pour la vie.

Sur la base de la limite supérieure des estimations de l'exposition par inhalation à court terme à l'éthylène glycol de personnes, dont les enfants, découlant de l'utilisation de certains produits de consommation (peintures au latex), il est proposé que l'éthylène glycol pénètre dans l'environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à constituer un danger pour la vie ou la santé humaine. Par conséquent, il est jugé que l'éthylène glycol est « toxique » pour la santé humaine au sens de l'alinéa 64c) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [LCPE (1999)].

Une caractérisation plus poussée de la gamme et de la distribution des concentrations d'éthylène glycol dans certains produits de consommation (les peintures au latex) actuellement disponibles au Canada de même que de l'exposition humaine (par inhalation et contact cutané) à cette substance découlant de l'utilisation de ces produits de consommation est considérée comme nettement prioritaire à titre de fondement de la gestion du risque. En outre, il serait utile d'obtenir de l'information permettant de réduire l'incertitude en ce qui concerne l'absorption cutanée de l'éthylène glycol à partir de l'utilisation de produits de consommation en contenant. De même, de l'information supplémentaire sur la toxicocinétique et la toxicodynamique inter et intraspécifiques permettrait de déterminer si des valeurs tirées des données pourraient réduire l'incertitude découlant des variations inter et intraspécifiques.

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