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Conformément à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) (LCPE [1999]), les ministres de l'Environnement et de la Santé ont effectué une évaluation préalable de la quinoléine, dont le numéro de registre du Chemical Abstracts Service est 91-22-5. La quinoléine est une substance de la Liste intérieure des substances (LIS) qui a été choisie pour un projet pilote d'évaluation préalable.

La quinoléine est associée naturellement au charbon et aux dérivés du charbon et peut donner lieu à des traces de polluants pendant la combustion incomplète de substances contenant de l'azote. Les sources possibles de rejets de quinoléine dans l'eau et l'air comprennent des déversements de créosote, de goudron de houille et d'eaux souterraines connexes contaminées par des installations de distillat de goudron de houille (créosote), des usines d'imprégnation du bois, des usines de gazéification du charbon abandonnées (ou des usines à gaz, dont le nombre s'élevait à environ 150 au Canada en 1987), des aciéries équipées de fours à coke, des alumineries et des incinérateurs de déchets. Une grande partie de ces rejets proviennent d'activités industrielles passées. Plusieurs de ces rejets sont le résultat d’activités industrielles passées. Il convient de noter que des mesures de protection environnementales ont été mises en œuvre au Canada, surtout pour les aciéries équipées de fours à coke et les installations de préservation du bois. Dans le cas des usines à gaz abandonnées, de nombreux sites ont fait l'objet de plans de restauration en raison de lois provinciales et fédérales. Bien que ces initiatives ciblent des polluants particuliers, comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), le benzène, le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes, elles devraient également être efficaces pour traiter la contamination par la quinoléine. De plus, d’autres substances contenues dans le goudron de houille et le créosote tels que les HAP et le benzène ont été ajoutés à l'annexe 1 de la LCPE (1999). Les déchets imprégnés de créosote issus de sites contaminés par la créosote, sont également inscrits à l’annexe 1.

La présence de quinoléine a été mesurée dans l'atmosphère de milieux urbains. En raison de rejets connus de HAP, il est également probable que les émissions atmosphériques de quinoléine soient associées aux aciéries équipées de fours à coke et aux alumineries. Les émissions des véhicules peuvent également contribuer aux rejets de quinoléine dans l'air; toutefois, la proportion des rejets qui peuvent être attribués à cette source est inconnue. Les rejets atmosphériques déclarés à l'Inventaire national des rejets de polluants en 2008 ont totalisé 445 kg, et 58 tonnes ont été incinérées hors site. Aucun rejet dans l'eau n'a été déclaré. Les rejets déclarés à l'INRP ont été signalés par des fabricants de produits chimiques, une fonderie de fer et une installation de traitement et d'élimination des déchets.

Selon une enquête réalisée en vertu de l'article 71 de la LCPE (1999), au moins une entreprise au Canada a déclaré fabriquer ou importer de la quinoléine en quantités supérieures à 20 000 kg pendant l'année civile 2000, dans des mélanges où la quinoléine représente moins de 1 % de la composition.

La quinoléine a été détectée dans les produits à base de goudron de houille, comme les couches de scellement au bitume des stationnements et des allées de voitures et dans la créosote utilisée auparavant comme agent de préservation par les industries du bois d'œuvre et du bois sur le marché canadien. Toutefois, la quinoléine n'est pas homologuée comme ingrédient actif ni comme formulant dans les pesticides au Canada. La quinoléine a été désignée comme composant de mélanges de fragrance.

Bien qu'aucune des utilisations suivantes n'ont été déclarées en réponse à l'avis publié en application de l'article 71, les sources de documentation ont relevé différentes utilisations pour la quinoléine pure. La quinoléine est utilisée comme solvant, produit chimique intermédiaire et inhibiteur de corrosion, ainsi que dans la fabrication de produits pharmaceutiques. Les applications industrielles de la quinoléine incluent la fabrication de teintures de type méthine et la production de terbène; la quinoléine est également utilisée comme réactif de décarboxylation, solvant de HAP dans la production de peinture, et comme produit chimique intermédiaire et antimousse pour la fabrication de produits pétrochimiques.

La quinoléine n'est pas persistante dans les eaux de surface. Il a été montré que cette substance est biodégradable dans le sol dans des conditions qui favorisent la croissance de micro-organismes. Par contre, des éléments de preuve recueillis sur le terrain laissent entendre que la quinoléine se dégrade difficilement lorsqu'elle se trouve en profondeur dans le sol. Les micro-organismes des eaux souterraines ont également de la difficulté à dégrader la quinoléine. En règle générale, ces milieux fournissent de mauvaises conditions pour la biodégradation, par exemple une faible concentration en oxygène, des basses températures et peu de sources de carbone. On a fréquemment observé une absence de dégradation importante de quinoléine associée avec l'occurrence de goudron de houille dans les sols. Il est prévu que la quinoléine soit persistante dans l'air pendant l'hiver, en raison d'une demi-vie atmosphérique supérieure à 99 heures et d'une pression de vapeur moyenne.

Selon les résultats de la modélisation de fugacité de niveau III pour le devenir de la substance dans l'environnement, si la quinoléine est rejetée dans les eaux de surface, elle demeurera surtout dans ce milieu. De la même manière, si elle est rejetée dans le sol, la molécule demeurera principalement dans le sol. Si la quinoléine est rejetée dans l'atmosphère, en raison de sa volatilité relativement faible, 82 % de la quinoléine se répartira entre le sol et les eaux de surface, et le reste demeurera dans l'air. Selon un modèle (TaPL3) qui évalue le potentiel de transport à grande distance de substances, il est prévu que la quinoléine sera transportée sur de longues distances (c.-à-d. plus de 1 500 km) dans l'eau, mais non dans l'atmosphère.

La quinoléine a un faible potentiel de bioaccumulation. Il a été démontré que la biotransformation de la quinoléine dans les bactéries, les poissons et les mammifères de laboratoire mène à la formation d'un intermédiaire époxyde actif. Certaines formes d'époxyde peuvent se fixer à des protéines et à des acides nucléiques et possiblement entraîner de la génotoxicité. Comme on pourrait s'y attendre avec cette activation métabolique, la quinoléine s'est avérée génotoxique dans les essais in vivo et in vitro.

Bien que des normes pour les eaux de surface aient été adoptées pour la quinoléine dans plusieurs provinces, elle n'est pas mesurée régulièrement dans aucun milieu naturel au Canada, et peu de données d'échantillonnage étaient disponibles pour cette évaluation. Toutefois, la quinoléine est une composante du goudron de houille et de la créosote, et, il y avait de la quinoléine dans tous les rejets de goudron de houille ou de créosote dans l'environnement provenant des activités industrielles passées ou présentes. Le plus souvent, les rejets sont dans la subsurface, en raison de réservoirs de stockage présentant une fuite, et des mares de goudron de houille pure ont été découvertes à plusieurs sites d'usines à gaz abandonnées, dont un grand nombre atteignaient des cours d'eau à proximité.

Pour la partie écologique de cette évaluation préalable, un scénario d'exposition a été conçu selon lequel un panache d'eaux souterraines contaminées contenant de la quinoléine se développe à partir d'une mare de goudron de houille pure dans le sol et entre ultimement en contact avec les eaux de surface. Ce scénario a été fondé sur des observations sur le terrain de panaches de goudron de houille à des sites d'usines à gaz abandonnées et à des sites de fours à coke au Canada. Ce scénario d'exposition serait pertinent pour les usines à gaz abandonnées, les fours à coke et les applications industrielles actuelles qui produisent ou traitent du goudron de houille ou de la créosote sur place, y compris les usines de distillation de goudron de houille, les usines de créosote et les usines de fabrication de rouleaux asphaltés et de papier goudronné. Les concentrations estimées de quinoléine dissoute étaient beaucoup plus élevées que la concentration estimée sans effet de 3,4 µg/L calculée pour les poissons. Selon les quotients de risque calculés dans le cadre de cette évaluation, la quinoléine peut avoir des effets néfastes sur les micro-organismes des eaux souterraines, les organismes qui vivent dans l'interface eau-sédiments, et les stades précoces de l'existence des poissons qui se trouvent dans les frayères.

D'après le danger écologique et les rejets déclarés de quinoléine, il a été suggéré que cette substance pénètre dans l'environnement en une quantité, à une concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement ou sur la diversité biologique.

La cancérogénicité constitue un effet critique pour la caractérisation du risque pour la santé humaine, en fonction de l'observation d'hémangio-endothéliome chez plusieurs souches de rats et de souris exposés par voie orale. De plus, une injection intrapéritonéale de quinoléine a induit des adénomes du foie et des carcinomes et une application cutanée a donné lieu à des tumeurs cutanées chez les souris. La quinoléine était également génotoxique et mitogénétique dans plusieurs essais in vitro et in vivo. Par conséquent, même si le mode d'induction des tumeurs n'a pas été complètement élucidé, on ne peut pas exclure la possibilité que les tumeurs observées chez les animaux de laboratoire résultent d'une interaction directe avec le matériel génétique.

L'exposition de la population générale à la quinoléine devrait être principalement due à l'inhalation. Une comparaison entre la concentration à effet critique non néoplasique (c.-à-d. 25 mg/kg poids corporel [kg p.c.] par jour) et l'estimation de la limite supérieure d'exposition (c.-à-d. 0,03 µg/kg p.c. par jour) entraîne une marge d'exposition d'environ cinq ordres de grandeur. Si l'on considère l'exposition à la quinoléine par l'intermédiaire de produits de consommation, la marge d'exposition demeure quand même dans le même ordre de grandeur. Ces marges d'exposition pour les effets non néoplasiques sont jugées adéquates.

Compte tenu des preuves de la cancérogénicité de la quinoléine, pour laquelle il pourrait exister une possibilité d'effets nocifs peu importe le niveau d'exposition, il est proposé que cette substance soit considérée comme une substance pouvant pénétrer dans l'environnement en une quantité, à une concentration ou dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaine.

D'après les renseignements disponibles sur les considérations se rapportant à l'environnement et à la santé humaine, il est proposé que la quinoléine réponde à au moins un critère de l'article 64 de la LCPE (1999).

De plus, il est proposé de conclure que la quinoléine répond aux critères de la persistance, mais pas à ceux du potentiel de bioaccumulation énoncés dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation.

Cette substance fera partie de l'initiative de mise à jour de l'inventaire de la Liste intérieure des substances. De plus, des activités de recherche et de surveillance viendront, s'il y a lieu, appuyer la vérification des hypothèses formulées au cours de l'évaluation préalable et, le cas échéant, l'efficacité des possibles mesures de contrôle définies à l'étape de la gestion des risques.

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