Série de questions-réponses de La vie en numérique : S’envoler vers la stratosphère

par : ce fonctionnaire | | Partagez

Philippe Vincent est la définition même de la passion. Ingénieur en mécanique à l’Agence spatiale canadienne (ASC), Philippe a travaillé sur de nombreux projets fascinants au cours de ses 17 ans de carrière à l’Agence. Aujourd’hui, nous nous entretenons avec lui dans le cadre d’une séance de questions et réponses pour discuter de son parcours et de son dernier projet : les ballons stratosphériques.

Merci de prendre le temps de bavarder avec nous, Philippe! Avant de parler de votre projet actuel, j’aimerais en savoir un peu plus sur vous. Comment êtes-vous entré à l’Agence spatiale canadienne (ASC) et depuis combien de temps y travaillez-vous?

Philippe Vincent, ingénieur en mécanique, Agence spatiale canadienne
Philippe Vincent, ingénieur en mécanique, Agence spatiale canadienne
C’est un plaisir, Emmanuel! J’ai commencé comme étudiant dans le cadre d’un programme d’enseignement coopératif à l’ASC, mais j’ai déniché un emploi dans le secteur privé après avoir obtenu mon diplôme. Éventuellement, un poste à temps plein s’est ouvert à l’ASC, alors j’ai posé ma candidature. Je travaille ici depuis lors : 17 ans.

Wow, c’est impressionnant! Quels types d’emplois avez-vous occupés pendant cette période?

J’ai participé à des projets de la Station spatiale internationale, ainsi qu’à la conception et à la fabrication de rovers terrestres. Depuis 2012, je suis impliqué dans le programme de ballons stratosphériques en collaboration avec l’Agence spatiale française, le Centre national d’études spatiales.

J’ai occupé différents postes au sein de ce programme particulier. J’ai commencé au poste de gestionnaire de la charge utile où j’étais responsable de certifier et de tester les charges utiles scientifiques. J’ai également participé à la récupération des ballons lorsqu’ils redescendaient à la surface et je suis maintenant gestionnaire de mission.

Gestionnaire de mission est un titre tellement génial. Je vais parler à mon gestionnaire pour voir si je peux faire changer mon titre pour celui-là ici au Secrétariat du Conseil du Trésor.
(Un petit secret : je n’ai pas réussi!)

« Les ballons stratosphériques sont des ballons de haute altitude qui sont lâchés dans la stratosphère, une couche de l’atmosphère terrestre qui s’étend jusqu’à 50 km d’altitude. »

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre travail actuel? Tout d’abord, qu’est-ce qu’un ballon stratosphérique?

Absolument! Les ballons stratosphériques sont des ballons de haute altitude qui sont lâchés dans la stratosphère, une couche de l’atmosphère terrestre qui s’étend jusqu’à 50 km d’altitude. Ces ballons sont utilisés à des fins de données et de tests et peuvent atteindre des hauteurs de 20 à 40 km d’altitude. Ce sont les seuls ballons qui peuvent être utilisés dans cette partie de l’atmosphère.

Les avions volent à environ 14 km dans le ciel, ce qui est trop bas. Les fusées-sondes volent jusqu’à 800 km d’altitude, mais traversent la stratosphère trop rapidement.

Je pense d’un coup à la maison avec des ballons dans le film « Là-haut ». À quoi servent ces ballons?

un ballon stratopshérique dans toute sa gloire
un ballon stratopshérique dans toute sa gloire

C’est un film formidable, en passant! Avec ces ballons, nous aidons les entreprises et les chercheurs à tester et à valider les nouvelles technologies développées pour les missions spatiales de longue durée et à réaliser diverses expériences scientifiques.

Par exemple, lorsque nous effectuons une mission astronomique entre 38 et 40 km d’altitude, nous pouvons obtenir des résultats aussi bons que ceux du télescope Hubble, qui se trouve dans l’espace, car nous réduisons considérablement la distorsion causée par l’atmosphère par rapport à la prise d’images depuis des stations au sol. Entre 15 km et 38 km, par exemple, nous pouvons obtenir des données sur la couche d’ozone et le climat.

On dirait que les ballons stratosphériques servent à des tas de choses. Quelles sont les principales raisons pour lesquelles une entreprise privée ou un gouvernement voudrait en lancer un?

Nous accordons des subventions aux universités qui nous donnent des idées sur ce qu’elles veulent faire, mais c’est généralement lié à la science. Les étudiants du postsecondaire qui étudient l’espace ou l’ingénierie manifestent un vif intérêt. C’est un excellent outil de formation, de la définition du projet à l’analyse des données, et une excellente façon de sensibiliser les jeunes générations.

Nous offrons également à l’industrie la possibilité de tester de nouvelles technologies. Par exemple, si elles veulent tester des cellules solaires à très haute altitude, elles peuvent utiliser ces ballons pour recueillir des données qui les aideront à commercialiser leur produit.

De plus en plus, des entreprises privées du monde entier utilisent ces ballons pour le tourisme spatial, mais ce n’est pas notre domaine de spécialisation.

Même si l’ASC était dans ce domaine, ma peur des hauteurs ne me permettrait jamais de me lancer dans cette activité. Les ballons sont donc pilotés à distance?

Oui, c’est exact. Ce sont des ballons en polyester, très fins. Ils sont plutôt grands selon l’équipement à bord et sont pilotés à distance depuis le sol.

Quel effet cela fait-il de lancer un ballon dans la stratosphère et de le voir atterrir avec succès sur le sol?

Lorsque vous voyez le ballon s’élever dans le ciel, il ressemble à une méduse géante. La communauté scientifique est assez proche, alors quand un lancement a lieu, les autres équipes scientifiques y assistent et peuvent entrer en contact avec leurs homologues universitaires, industriels et même européens. C’est vraiment formidable à voir.

« Nous voulons vraiment aider les scientifiques à réussir leurs missions, alors quand ils reviennent vers nous, ils sont enthousiasmés par les résultats. C’est la raison pour laquelle nous faisons ce travail.  »

Nous voulons vraiment aider les scientifiques à réussir leurs missions, alors quand ils reviennent vers nous, ils sont enthousiasmés par les résultats. C’est la raison pour laquelle nous faisons ce travail.

Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés?

La préparation de la campagne pour le lancement d’un ballon est l’un d’entre eux. Nous devons examiner les besoins des candidats et étudier notre compatibilité. Si une charge utile doit être lancée de jour et l’autre de nuit, nous devons mettre au point cette logistique.

Les ballons stratosphériques ne sont pas non plus bon marché, même s’ils sont presque gratuits comparés aux satellites.

Nous devons également mettre en place des contrats, certifier les charges utiles pour garantir leur sécurité, examiner toutes les analyses, etc.

Y a-t-il une durée moyenne pendant laquelle un ballon reste dans la stratosphère?

Voilà une très bonne question. Nous lançons tous nos ballons à partir de Timmins, en Ontario, et selon la période de l’année, nous les lançons entre la mi-août et la mi-septembre.

Nous voulons lancer lorsque les vents deviennent plus faibles, car les ballons peuvent rester en l’air plus longtemps avec la couverture des antennes de communication. Les vols durent généralement entre 8 et 12 heures. Notre plus long vol a duré 28 heures.

Dernière question : qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre travail?

Mon équipe! J’adore travailler avec mes collègues et je n’ai pas de mal à me réveiller le matin. Le travail n’est jamais le même. Il n’y a pas deux vols qui se ressemblent. Il y a toujours des défis à relever. C’est un casse-tête d’ingénierie chaque fois et c’est toujours amusant.

Merci beaucoup pour votre temps, Philippe!

Tout le plaisir est pour moi, Emmanuel. Merci!


 

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