Allocution de la ministre de la Défense nationale Anita Anand au Forum d’Halifax sur la sécurité internationale : Le leadership canadien au 21e siècle

Discours

Bonjour. Quel après midi formidable pour nous rassembler tous ensemble à l'occasion du Forum d'Halifax sur la sécurité internationale. Général Eyre, Monsieur le sous ministre Matthews, homologues de l'OTAN, ministres venus des quatre coins du monde, distingués délégués, amis, Alliés, partenaires, bienvenue au Canada, bienvenue à Halifax.

Je reconnais que nous sommes réunis sur les terres ancestrales et traditionnelles du peuple mi'kmaq. Aujourd'hui comme au quotidien, nous réaffirmons notre engagement en vue d'aboutir à une réconciliation marquante avec les Autochtones.

Je suis vraiment ravie d'être de retour au Forum une fois de plus. Combien d'entre vous avez déjà participé à ce forum? C'est formidable de voir autant de délégués qui reviennent. Pourquoi? Parce que cette conférence, ce lieu, et les discussions que nous aurons offrent une occasion unique aux démocraties du monde de rencontrer des décideurs, des chefs militaires et des partenaires de l'industrie du monde entier. Merci, Peter, merci à vous et à toute votre équipe de participer à l'organisation d'un événement aussi fantastique, année après année.

À l'époque où j'étais professeure à l'Université de Toronto, j'ai organisé de nombreuses conférences et je sais que demain, ou dimanche, vous commencerez à planifier le forum de l'an prochain. Vous rassemblerez des idées et vous commencerez le processus pour faire en sorte que nous puissions nous réunir de nouveau. Je vous remercie donc pour le travail que vous accomplissez, année après année.

Sur une note plus personnelle, nous sommes seulement à 90 minutes, enfin plutôt à 60 minutes maintenant, je crois, grâce à la nouvelle route 101 qui a été améliorée, de l'endroit où je suis née et où j'ai grandi, à Kentville, en Nouvelle Écosse. Donc, si vous avez le temps après le forum, ne manquez pas de vous diriger vers le nord pour rendre visite aux gens de Kentville, et dites-leur que c'est Anita qui vous envoie. La Nouvelle Écosse est un endroit spécial, non seulement pour moi, mais aussi pour notre pays. Elle regorge de gens intelligents et talentueux qui aiment ce pays, et qui soutiennent leurs forces armées.

Plus tôt aujourd'hui, j'ai annoncé que le Canada proposait la Municipalité régionale d'Halifax pour accueillir le bureau régional nord américain du DIANA, l'accélérateur d'innovation de défense pour l'Atlantique Nord de l'OTAN. L'objectif du DIANA est de faciliter la coopération entre les opérateurs militaires et les jeunes entreprises, les chercheurs scientifiques et les entreprises technologiques les meilleurs et les plus brillants de l'Alliance pour résoudre les problèmes importants des Alliés en matière de défense et de sécurité. Je vous remercie, Amiral Bauer, d'être parmi nous sur la jetée ce matin et d'avoir prononcé un discours.

Regroupant plus de 300 entreprises du secteur des sciences et de la technologie en démarrage, la Base des Forces canadiennes Halifax, un centre de Recherche et développement pour la défense Canada et sept universités, la Municipalité régionale d'Halifax est un hôte naturel pour le DIANA.

Beaucoup de choses ont changé depuis le forum de l'année dernière, et je déteste souligner ce qui est évident, mais les conversations que nous aurons au cours de cette fin de semaine revêtiront un nouveau sentiment d'urgence. Peu importe le point de vue, notre monde devient de plus en plus sombre. Des cendres de la Seconde Guerre mondiale a émergé un ordre international fondé sur des règles qui sous-tend la sécurité et la prospérité mondiales depuis près de 80 ans. Cet ordre repose sur un ensemble de valeurs et de principes communs censés régir les relations internationales, notamment le respect de la souveraineté mondiale et la primauté du droit.

Mais aujourd'hui, certains régimes autoritaires audacieux remettent ouvertement en question l'ordre international afin de poursuivre leurs propres objectifs malicieux, que ce soit la guerre illégale et injustifiée menée par la Russie en Ukraine ou le comportement de plus en plus assuré de la Chine. Les acteurs non étatiques se montrent plus audacieux. Pendant ce temps, l'émergence rapide de technologies comme l'intelligence artificielle et la robotique donne lieu à de nouveaux défis, de nouveaux risques et de nouveaux dilemmes. De plus, les changements climatiques continuent de perturber la vie au pays et à l'étranger.

Ces menaces sont toutes réelles, et notre monde est arrivé à un point d'inflexion. Collectivement, nous sommes confrontés à deux possibilités. Laisserons-nous s'envoler ce que nous avons durement acquis au cours des 80 dernières années pour retourner à un monde où règne la loi du plus fort? Ou les démocraties libérales s'uniront-elles pour préserver la plus longue avancée en matière de progrès, de coopération et de liberté que le monde n'ait jamais connue?

La deuxième option nécessitera des efforts importants et concertés de la part des nations aux vues similaires. C'est ce que nous pouvons appeler le multilatéralisme du 21e siècle. Le Canada, pour sa part, se range fermement du côté de la démocratie et de l'ordre international. Les nombreux drapeaux ukrainiens qui flottent en solidarité dans des collectivités d'un bout à l'autre du pays le démontrent clairement. Et j'espère que ceux d'entre vous qui viennent de l'étranger auront l'occasion de voir ces drapeaux. Ils se trouvent sur les porches, sur les véhicules et sur les revers de vêtements, et nous sommes tous collectivement engagés envers la stabilité, la sécurité et la souveraineté de l'Ukraine.

Aujourd'hui, je discuterai donc de la nécessité de réaffirmer la coopération et les institutions multilatérales afin de surmonter les problèmes de sécurité mondiale. Je soulignerai également le rôle de premier plan unique que joue le Canada en Ukraine, en Amérique du Nord, et dans la région indopacifique.

Lorsque Vladimir Poutine a de nouveau envahi l'Ukraine le 24 février dernier, il a fait un certain nombre de fausses suppositions. Il a notamment présumé que l'armée russe prendrait facilement le dessus sur les Ukrainiens. Il avait tort. La fougue et la détermination du peuple ukrainien et du président Zelenskyy continuent de nous servir d'inspiration à tous. Les forces armées de l'Ukraine sont motivées, disciplinées et, ne vous y trompez pas, mieux entraînées, et elles sont en train de gagner. Il a également présumé que la communauté internationale fermerait simplement les yeux. Encore une fois, Poutine s'est trompé. L'invasion à grande échelle et non provoquée de l'Ukraine par la Russie n'a fait que renforcer la détermination et la solidarité de l'OTAN, tout en réaffirmant sa raison d'être.

C'est ce que je ressens durant chaque appel téléphonique et rencontre avec mes homologues de l'OTAN. Et je souhaite la bienvenue au ministre de la Défense des Pays Bas, qui participe pour la première fois à notre Forum. Bienvenue à vous.

Pour sa part, le Canada soutient fermement l'Ukraine. Nous avons fourni à l'Ukraine des obusiers M777, des munitions d'artillerie et des armes antichars, des dizaines de drones à haute résolution, et 39 véhicules blindés d'appui tactique construits ici même au Canada. Lors de la réunion du Groupe consultatif sur la défense de l'Ukraine mercredi dernier, j'ai annoncé une aide militaire supplémentaire de 34 millions de dollars de la part du Canada à l'Ukraine, qui comprend notamment des services par satellite, des drones et des vêtements d'hiver pour garder au chaud les soldats ukrainiens pendant les mois d'hiver. Et plus tôt cette semaine, nous avons annoncé avoir fourni 500 millions de dollars en aide militaire supplémentaire à l'Ukraine, ce qui porte à plus d'un milliard de dollars notre contribution totale en matière d'aide militaire à ce pays depuis le mois de février.

Et notre industrie de la défense est aussi très importante, parce qu'elle produit des équipements de haute qualité et, à l'avenir, nous continuerons à travailler avec nos partenaires industriels pour apporter à l'Ukraine l'aide dont elle a besoin.

Nous formons également de nouvelles recrues ukrainiennes au Royaume Uni. Comme nous l'avons annoncé cette semaine, cette mission d'instruction se poursuivra jusqu'à la fin de 2023. Et comme je l'ai récemment annoncé, des sapeurs de combat des Forces armées canadiennes sont envoyés en Pologne pour contribuer à la formation des sapeurs ukrainiens. En fait, depuis 2015, les Forces armées canadiennes ont formé plus de 34 000 militaires ukrainiens dans le cadre de l'opération UNIFIER.

Le Centre de la sécurité des télécommunications collabore avec nos partenaires du Groupe des cinq pour échanger de précieux renseignements et de l'information sur les cybermenaces avec nos partenaires clés en Ukraine, tout en soutenant les efforts de lutte contre la désinformation russe. Et le Canada joue un rôle de premier plan dans le renforcement du flanc oriental de l'OTAN en dirigeant le groupement tactique multinational de la présence avancée renforcée en Lettonie.

J'étais à Kyiv à la fin du mois de janvier, soit environ trois semaines avant le début de l'invasion. J'ai rencontré mon bon ami et collègue, le ministre Reznikov, et d'autres représentants ukrainiens. Et j'ai aussi rencontré des citoyens ukrainiens. Lorsqu'ils ont vu la feuille d'érable sur l'épaule des uniformes de nos soldats, ils nous ont arrêtés dans la rue pour nous dire combien il était important pour eux de pouvoir compter sur le soutien du Canada, et pas seulement en 2022, mais depuis 2015 dans le cadre de l'opération UNIFIER. Je leur ai dit ce que je m'apprête à vous dire maintenant : le Canada continuera d'aider la population ukrainienne, aussi longtemps qu'il le faudra, un point c'est tout.

Maintenant, alors que le Canada travaille de concert avec ses partenaires pour faire face à la crise de la sécurité en Europe, nous travaillons aussi étroitement avec les États-Unis de sorte à renforcer nos défenses continentales. Nous devons investir dans l'Arctique, un endroit qui présente un intérêt économique et géopolitique grandissant pour des pays comme la Russie et la Chine.

C'est pourquoi en juin, j'ai annoncé l'intention du Canada d'investir 38,6 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années en vue de la modernisation de nos capacités du NORAD. Il s'agit de la plus importante mise à niveau des capacités canadiennes du NORAD en près de quatre décennies. Notre investissement touche cinq domaines clés, soit l'amélioration de la surveillance et de la détection de menaces, l'amélioration des capacités de commandement et de contrôle, le renforcement des capacités de défense aérienne, la modernisation de notre infrastructure et les activités de recherche et développement.

Depuis mon annonce en juin, nous avons déjà commencé à travailler avec nos partenaires américains pour renforcer nos capacités intégrées de surveillance et de prise de décision. Nos forces aériennes travaillent ensemble dans le but de peaufiner des plans pour établir un réseau de sites de radars transhorizon à la fine pointe de la technologie au Canada et aux États-Unis. Ces sites amélioreront considérablement notre capacité à détecter des menaces en cours sur de longues distances, notamment au-dessus de l'Arctique. Nous examinons aussi les manières dont nous pouvons moderniser l'infrastructure dans quatre de nos emplacements d'opérations dans le Nord, tout en procédant à la mise à niveau de l'infrastructure des futurs chasseurs et de nos capacités d'alerte de riposte rapide dans les bases militaires du pays.

Ces améliorations étendront la portée et la capacité des défenses du NORAD, particulièrement dans le Nord, tout en veillant à ce que nos infrastructures soient plus résistantes aux changements climatiques. Et nos scientifiques de la Défense collaborent avec leurs homologues américains pour cerner les priorités initiales en matière de recherche et développement, notamment pour déterminer comment l'aérodynamique hypersonique, la technologie quantique et les capacités spatiales façonneront les menaces nouvelles et émergentes et la manière dont nous y réagirons.

La modernisation des capacités canadiennes du NORAD est une tâche importante qui se poursuivra au cours des prochaines années. À chaque étape, nous sommes résolus à travailler étroitement avec nos partenaires des États Unis, ainsi qu'avec les communautés du Nord et les peuples autochtones d'un océan à l'autre.

Depuis plus de 60 ans, le Canada et les États-Unis se serrent les coudes pour protéger notre continent partagé contre des menaces aériennes et de missiles en évolution – une relation qui est fondée sur une confiance mutuelle, des valeurs communes et une profonde amitié. Je remercie la délégation américaine de venir, année après année, dans cet esprit d'amitié et de partenariat. Merci. Ensemble, nous continuerons de faire face aux menaces d'aujourd'hui et de demain.

Portons maintenant notre regard sur la région indopacifique. C'est un fait que la région indopacifique est au cœur d'un changement mondial. Il s'agit de la région économique connaissant la plus forte croissance dans le monde; au cours des dernières années, elle a assuré près des deux tiers de la croissance mondiale. Chaque enjeu qui influera sur la sécurité mondiale au fil des prochaines décennies – allant de la croissance économique à la démocratie, en passant par les changements climatiques et les droits des femmes et des filles – passe par la région indopacifique.

La Chine, une puissance mondiale de plus en plus affirmée, se trouve dans la région et fait progresser des intérêts et des valeurs qui s'écartent toujours davantage des nôtres. Cependant, le Canada ne cessera jamais de s'exprimer ouvertement lorsqu'il s'agit de défendre les valeurs qui sous tendent l'ordre international fondé sur des règles. Notre approche est façonnée par une évaluation réaliste et lucide du comportement assertif de la Chine.

Nous défierons la Chine quand il le faudra. Nous collaborerons avec la Chine lorsque cela sera nécessaire. Et nous continuerons de resserrer nos liens économiques avec nos partenaires dans la région. Nous nous engagerons toujours là où nous le devons, y compris au sujet de l'Ukraine et de la Corée du Nord. Permettez-moi d'être claire : les essais de missiles par la Corée du Nord sont inacceptables, pour le Japon, pour la République de Corée et pour nous tous dans la région. Le Canada condamne sévèrement ce comportement irresponsable.

Le Canada aussi continuera de travailler avec ses partenaires pour faire respecter et faire progresser les règles et les normes internationales qui profitent à tous les états et non seulement aux grandes puissances. En tant que nation du Pacifique, le Canada est déjà profondément engagé dans la région.

Afin de démontrer et de favoriser un engagement responsable dans la région indopacifique, nos forces armées participent à des exercices d'entraînement multilatéraux avec nos Alliés dans le cadre de l'opération PROJECTION. Puis, après avoir traversé les eaux internationales du détroit de Taïwan une fois de plus avec nos Alliés américains, nos frégates ont surveillé la mise en œuvre des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies contre la Corée du Nord au cours de l'opération NEON.

Nous sommes déterminés à approfondir notre engagement dans la région au cours de la prochaine décennie, et c'est pourquoi nous publierons prochainement notre Stratégie pour l'Indopacifique exhaustive. Grâce à notre stratégie, le Canada deviendra un chef de file dans la promotion de la paix et de la sécurité dans la région. Sur le plan de la défense, nous allons accroître notre présence militaire et renforcer nos relations en matière de défense et de sécurité avec nos partenaires et nos Alliés dans la région. De plus, les investissements étrangers au Canada sont désormais considérés sous un angle de la sécurité économique nationale, notamment dans le secteur des minéraux critiques, comme l'ont souligné les ministres Champagne et Wilkinson.

En bref, la Stratégie pour l'Indopacifique que nous diffuserons prochainement mettra en valeur les plus beaux fleurons du Canada, et fera de nous un vecteur de changement positif dans la région et dans le monde.

Pour ce faire, le Canada a besoin de forces armées solides pouvant satisfaire aux défis de demain. Nous priorisons le recrutement, la rétention et la reconstitution et nous avons mis en place des mesures pour atteindre ces objectifs. Nous continuerons de faire progresser un changement de culture important au sein de nos forces armées. Et je remercie la lieutenante générale Carignan pour son travail.

De plus, notre gouvernement a entamé l'examen et la mise à jour de la politique de défense du Canada, Protection, Sécurité, Engagement. L'environnement de sécurité mondial a beaucoup changé depuis que nous avons publié notre politique de défense en 2017, et nous devons nous y adapter. Nous devons la mettre à jour. Cette mise à jour de la politique de défense garantira que le Canada soit prêt à mener des activités dans un monde de plus en plus complexe et dangereux. Je remercie les personnes ici présentes de votre contribution à cet égard.

J'ai étudié l'histoire. Je me souviens d'avoir dévoré les livres d'histoire pendant mes études universitaires et d'avoir lu presque toutes les biographies et autobiographies que ma mère achetait dans les librairies, ici même à Halifax, pour que nous puissions tous les lire à la maison. À mes yeux, l'environnement de sécurité mondial d'aujourd'hui ressemble étrangement à celui de 1914 : luttes de pouvoir entre nations, émergence de nouvelles technologies, abondance de perturbations et bouleversement. Nous connaissons tous la suite des choses.

Aujourd'hui, le résultat peut être différent; il faudra toutefois se mettre à l'œuvre. Il faudra renouveler notre engagement en faveur de la coopération bilatérale et multilatérale entre Alliés et pays démocratiques aux vues similaires.

À la fin de la guerre froide, alors que j'étais étudiante de premier cycle, l'universitaire américain Francis Fukuyama songeait à ce qu'il nommait « la fin de l'histoire ». Il a fait allusion dans ses écrits à l'ultime victoire de la démocratie libérale. Je pense que nous pouvons tous convenir que sa prédiction était prématurée. Ce n'est toutefois pas une raison de perdre espoir. Le mois dernier, M. Fukuyama a écrit que la démocratie libérale ne fera un retour que si les gens sont prêts à lutter pour elle.

Nous ne pouvons donc pas abandonner le combat. Et nous ne pouvons pas tenir la démocratie libérale pour acquise. Alors que nous nous serrons les coudes pour défendre les valeurs que nous chérissons, le Canada est ici en tant qu'ami, allié et partenaire, et nous nous engageons pleinement à remplir cette noble mission.

Merci beaucoup. Thank you very much. Je me réjouis à l'idée de discuter avec vous.

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