ARCHIVÉE - Tétrachloroéthylène - LSIP1
Environnement Canada
Santé Canada
1993
ISBN : 0-662-98668-7
No de catalogue : En40-215/28F
Loi canadienne sur la protection de l'environnement
Table des matières
Synopsis
Il ne se produit plus de tétrachloroéthylène au Canada, mais ce composé continue d'être importé, principalement pour servir de solvant de nettoyage à sec ou de nettoyage des métaux. Il s'en consomme environ 14 kilotonnes par année au pays. Comme l'emploi qu'on en fait entraîne sa dispersion sans qu'il ne soit ni transformé, ni détruit, on s'attend à ce que la majorité du tétrachloroéthylène se retrouve dans l'environnement, en particulier dans l'atmosphère. Des quantités de tétrachloro-éthylène ont été dosées au Canada dans l'air ambiant extérieur et l'air à l'intérieur des immeubles; de plus, on a décelé cette substance dans l'eau potable à la grandeur du pays et dans les eaux de surface contaminées du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. On la retrouve dans les eaux souterraines de plusieurs provinces, souvent due à une élimination inadéquate et des émanations qui surviennent dans les installations de nettoyage à sec et les décharges.
La concentration de tétrachloroéthylène trouvée dans les eaux de surface au Canada est généralement inférieure d'au moins un ordre de grandeur à l'estimation qu'on a faite du seuil des effets pour l'espèce aquatique la plus sensible. Un nombre limité de données semble montrer que ce seuil pourrait être dépassé dans certaines eaux de surface réapprovisionnées par des eaux souterraines contaminées. Dans le cas des mammifères sauvages, le seuil d'effet estimé est deux fois plus élevé que le «pire scénario» en matière de dose journalière reçue par le vison. Pour les plantes terrestres, notamment les arbres exposés au tétrachloroéthylène atmosphérique, le seuil d'effet estimé est équivalent à la concentration présente dans l'atmosphère d'une localité rurale, et était inférieur à la moyenne des concentrations signalées dans divers centres urbains.
De faibles concentrations de tétrachloroéthylène sont présentes dans l'atmosphère, où cette substance est peu persistante cependant. On ne s'attend pas à ce que, en elles-mêmes, elles contribuent de façon significative à la formation d'ozone au niveau du sol, au réchauffement planétaire ou à l'appauvrissement de l'ozone stratosphérique.
À partir des données qu'on possède sur les concentrations de tétrachloroéthylène présentes dans l'air ambiant extérieur et l'air à l'intérieur des immeubles, ainsi que dans l'eau potable et les aliments, on a évalué la dose journalière moyenne totale à laquelle est soumise la population de divers groupe d'âge. Ces doses journalières moyennes sont inférieures (d'un facteur de 13 à 28 environ) à la dose journalière admissible calculée d'après les résultats d'études faites chez des animaux de laboratoire. La dose journalière admissible est la quantité à laquelle une personne devrait pouvoir être exposée chaque jour de sa vie sans effets nocifs.
À partir de ces considérations, on a conclu que le tétrachloroéthylène pénètre dans l'environnement à des concentrations pouvant être nocives pour l'environnement, mais insuffisantes pour mettre en danger l'environnement essentiel à la vie humaine, ou constituer un danger pour la vie ou la santé humaine.
1.0 Introduction
La Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE) exige que les ministres de l'Environnement et de la Santé préparent et publient une liste des substances d'intérêt prioritaire qui énumère les substances, à savoir les produits chimiques, les groupes de produits chimiques, les effluents et les déchets, qui peuvent avoir un effet nocif sur l'environnement ou qui constituent un danger pour la santé humaine. La Loi exige également que ces ministres évaluent ces substances et déterminent si elles sont «toxiques» au sens de l'article 11 de la Loi, qui stipule ce qui suit :
«[...] est toxique toute substance qui pénètre ou peut pénétrer dans l'environnement en une quantité ou une concentration ou dans des conditions de nature à :
- avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement;
- mettre en danger l'environnement essentiel pour la vie humaine;
- constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaine.»
Les substances qui, après évaluation, sont jugées «toxiques» en vertu de cet article peuvent être inscrites à la Liste des substances toxiques (Annexe I de la Loi). On peut ensuite envisager d'élaborer des lignes directrices, des codes de pratique ou des règlements en vue de contrôler quelque aspect que ce soit de leur cycle de vie, depuis l'étape de la recherche et de la conception jusqu'à celles de la fabrication, de l'utilisation, de l'entreposage, du transport et de l'élimination finale.
Pour déterminer si le tétrachloroéthylène est «toxique» au sens de la LCPE, on a déterminé si cette substance pénètre ou risque de pénétrer dans l'environnement canadien en une concentration ou une quantité ou dans des conditions qui pourraient entraîner l'exposition des êtres humains ou d'autres organismes vivants à des concentrations pouvant causer des effets nocifs.
On a relevé les données permettant de déterminer si le tétrachloroéthylène est «toxique» pour l'environnement lors de recherches, achevées en avril 1992, dans un certain nombre de bases de données commerciales, dont les suivantes : ENVIROFATE, TOXLINE, BIOSIS, MEDLARS II, CAB Abstracts, ELIAS, MICROLOG, ENVIROLINE, AQUAREF, ASFA, BIOSIS Previews, NTIS, AQUIRE, CESARS, PHYTOTOX, AGRICOLA, SWRA, RTECS, CA SEARCH, Soviet Science and Technology, Pollution Abstracts et Hazardous Substances Databank. Les données pertinentes obtenues après la rédaction de ces sections (octobre 1992) ne sont pas incluses dans l'évaluation environnementale du tétrachloroéthylène.
Pour définir les données pertinentes, on a consulté, en plus de la documentation scientifique publiée, les universitaires et les représentants d'organismes gouvernementaux suivants : M. A.D. Cameron (Direction des ressources en eau, Nouvelle-Écosse, Environnement Canada); Dr J.A. Cherry, (Waterloo Centre for Groundwater Research, Canada); Mme J. Deschamps (Department of the Environment, Royaume-Uni); M. R. Doyle (ministère de l'Environnement de l'Ontario); M. B. Eckert (ministère de l'Environnement de l'Ontario); Dr K. Figge (NATEC Institute für Naturwissenschaftlich-Technische Dienste GmbH, Allemagne); M. M.H. Laengner (ministère de l'Environnement de l'Ontario); Dr J.P. Lay (Deutsche Bundesstiftung Umwelt, Allemagne); Dr S. Lesage (Centre canadien des eaux intérieures, Canada); M. J. Rose (Transports Canada, Ottawa); Dr P. Schröder (Fraunhofer Institute for Atmospheric Environmental Research, Allemagne); Dr D. Smyth (Waterloo Centre for Groundwater Research); M. T. Wingrove (UMA Engineering, Canada).
Pour inventorier les données pertinentes devant servir à évaluer la «toxicité» du tétrachloroéthylène à l'égard de la santé humaine, on a consulté des revues publiées par l'Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR, 1990; et sa mise à jour, ATSDR, 1991), l'Office of Health and Environmental Assessment de l'Environmental Protection Agency des É.-U. (EPA des É.-U., 1985), la division des critères et des normes de l'Office of Drinking Water de l'Environmental Protection Agency des É.-U. (EPA des É.-U., 1990), le Programme international sur la sécurité des substances chimiques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS, 1984), le Centre d'écologie et de toxicologie de l'industrie chimique européenne (ECETOC, 1990) ainsi qu'une revue préparée à contrat par la Michael Holliday & Associates (Holliday et Park, 1991). Pour identifier les publications pertinentes nécessaires à l'évaluation de l'exposition environnementale et des effets toxicologiques du tétrachloroéthylène sur la santé humaine, on a fait une recherche en direct dans les bases de données suivantes : HSDB, RTECS, MEDLINE, TOXLINE, TOXLIT, IRIS, CHRIS, DOBIS, AQUAREF, CODOC, FSTA et ELIAS (jusqu'à octobre 1991). On n'a pas tenu compte des données relatives à la «toxicité» du tétrachloroéthylène obtenues après la rédaction de ces sections (avril 1992).
Les articles de revue pertinents furent consultés; toutefois, toutes les études originales qui servent à décider si le tétrachloroéthylène est «toxique» au sens de la LCPE ont fait l'objet d'une évaluation critique par le personnel de Santé Canada (exposition des êtres humains et effets sur la santé humaine) et d'Environnement Canada (pénétration dans l'environnement, exposition et effets environnementaux). Les personnes suivantes ont participé à la préparation de ce rapport :
R. Arseneault (Environnement Canada)
B.M. Braune (Environnement Canada)
R.A. Kent (Environnement Canada)
R.G. Liteplo (Santé Canada)
M.E. Meek (Santé Canada)
E.L. Porter (Environnement Canada)
U.A. Schneider (Environnement Canada)
M. Taché (Environnement Canada)
S. Teed (Environnement Canada)
Ce rapport comporte un synopsis, qui paraîtra dans la Gazette du Canada. La section 2.0 est un résumé des renseignements techniques essentiels à l'évaluation de la «toxicité», qui sont détaillés davantage dans le document à l'appui. L'évaluation de la «toxicité» du tétrachloroéthylène est présentée à la section 3.0.
Dans le cadre des mécanismes d'examen et d'approbation établis par Environnement Canada, les sections portant sur l'évaluation des effets sur l'environnement ont été révisées par Dr N.J. Bunce (University of Guelph), Dr H. Frank (Universität Bayreuth, Allemagne), Dr J.T. Trevors (University of Guelph) et Dr V. Zitko (Pêches et Océans Canada). Les sections portant sur l'évaluation des effets sur la santé humaine ont été révisées par Dr T. Green (ICI Central Toxicology Laboratory, Cheshire, Royaume-Uni; document à l'appui seulement), Dr J. Borzelleca et Dr J. Egle (Medical College of Virginia), Dr G. Plaa (Université de Montréal), Dr R. Bull (Washington State University) et BIBRA Toxicology International (Surrey, Royaume-Uni); elles furent approuvées par la suite par le comité de décision sur les normes et recommandations du Bureau des dangers des produits chimiques. Le rapport d'évaluation a été révisé en entier et approuvé par le Comité de gestion de la LCPE d'Environnement Canada et de Santé Canada.
Il est possible de se procurer des exemplaires du présent rapport d'évaluation et du document à l'appui non publié en communiquant avec :
Centre d'hygiène du milieu
Santé Canada
Pièce 104
Pré Tunney
Ottawa (Ontario) Canada
K1A 0L2
Direction des produits chimiques commerciaux
Environnement Canada
14e étage
Place Vincent Massey
351, boulevard Saint-Joseph
Hull (Québec) Canada
K1A 0H3
2.0 Sommaire des données critiques pour l'évaluation de la «toxicité»
2.1 Description, propriétés, production et utilisations
Le numéro de registre CAS (Chemical Abstracts Service) du tétrachloroéthylène est 127-18-4. Ce composé a comme synonymes : 1,1,2,2-tétrachloroéthylène, tétrachloroéthène, tétrachlorure d'éthylène, dichlorure de carbone, bichlorure de carbone et perchloroéthylène. Voici certains des noms de commerce du tétrachloro-éthylène : Ankilostin, Antisal 1, Dee-Solv, Didakene, DowPer, ENT 1860, Fedal-Un, Nema, Perk, Perclene, Percosolv, Perklone, PerSec, Tetlen, Tetracap, Tetraleno, Tetravec, Tetroguer et Tetropil (OMS, 1984, 1987).
Le tétrachloroéthylène (C2Cl4; masse moléculaire = 165,8) est un liquide ininflammable et non visqueux, dont la densité est de 1,62 g/mL à 20 °C. Il est assez peu hydrosoluble (solubilité dans l'eau : de 150 à 484 µg/L entre 10 et 25 °C) [Schwarzenbach et coll., 1979; Banerjee et coll., 1980; Verschueren, 1983; Budavari, 1989]. Son log Koe est 3 environ, d'après des valeurs mesurées et calculées de 2,53 (Banerjee et coll., 1980) et 3,40 (Hansch et Leo, 1985), respectivement. Le tétrachloroéthylène absorbe le rayonnement infrarouge, entre autres les longueurs d'onde dans la région allant de 7 à 13 mm (Sadtler Research Laboratories, 1982). Une concentration de 1 p.p.m. dans l'air correspond à 6,78 mg/m3 (à 25 °C sous 101 kPa) [ATSDR, 1991; EPA des É.-U., 1985].
La méthode d'analyse mentionnée le plus souvent pour le dosage du tétrachloro-éthylène isolé dans l'eau, les sédiments, les éléments du biote et l'air est la chromatographie en phase gazeuse avec détection par capture d'électron (Singh et coll., 1982; Comba et Kaiser, 1983; Ziglio et coll., 1983; Dann et Wang, 1992). On a signalé des limites de détection de seulement 0,8 ng/L dans l'eau (Comba et Kaiser, 1983), 0,2 mg/kg (poids frais) dans des tissus de poissons (Ofstad et coll. 1981) et 0,1 mg/m3 dans l'air (Dann et Wang, 1992).
Comme le seul fabricant canadien de tétrachloroéthylène a cessé de produire cette substance en mai 1992 (Chen, 1993), ce produit n'est plus fabriqué au Canada. Le tétrachloroéthylène est donc importé au pays pour satisfaire à la demande canadienne. En 1990, l'ensemble des importations et des exportations de tétrachloroéthylène au Canada étaient respectivement de 6,5 et de 11,5 kilotonnes; la demande canadienne pour l'année s'élevait alors à 14,0 kilotonnes (CIS, 1990). Pour la période allant de 1983 à 1988, la demande annuelle a été évaluée à 14,5 kilotonnes.
Le tétrachloroéthylène est le principal solvant utilisé dans l'ensemble du Canada par l'industrie du nettoyage à sec (DPI, 1991). Environ 10 kilotonnes de tétrachloro-éthylène ont été utilisées à cette fin en 1990 (CIS, 1990). Parmi les autres utilisations importantes du tétrachloroéthylène au Canada au cours de 1990, mentionnons le nettoyage et le dégraissage des métaux (1,4 kilotonnes) et la production de chloro-fluorocarbones (2,2 kilotonnes). Le seul producteur canadien de chlorofluorocarbones a cessé de les fabriquer en décembre 1992 (Chen, 1993). Le tétrachloroéthylène est aussi utilisé en petites quantités au Canada dans la finition et le traitement des textiles, la fabrication de dissolvants à peinture et d'encres d'imprimerie, et la préparation de formules d'adhésifs et de fluides nettoyants spéciaux; il sert aussi de vecteur dans les aérosols et les colorants (CIRC, 1979; OMS, 1984; Verschueren, 1983; Environnement Canada, 1990).
On trouve du tétrachloroéthylène dans des produits ménagers tels que nettoyeurs pour automobiles, revêtements protecteurs pour le suède, dissolvants et décapants à peinture, revêtements hydrofuges, lubrifiants au silicone, lubrifiants et revêtements pour courroies, nettoyeurs spécialisés en aérosols, agents séchants pour fils d'allumage, apprêts pour tissus, détachants, adhésifs et nettoyeurs à bois (EPA des É.-U., 1982).
2.2 Pénétration dans l'environnement
On ne connaît aucune source naturelle de tétrachloroéthylène; les quantités qui pénètrent dans l'environnement sont donc dues à l'être humain. Les renseignements quantitatifs sur l'émission de ces substances dans l'environnement canadien se limitent aux déversements signalés. Vu sa volatilité et le fait que l'emploi qu'on en fait entraîne sa dispersion sans qu'il ne soit ni transformé ni détruit, on s'attend que la majorité du tétrachloroéthylène vendu au Canada se retrouve dans l'environnement, en particulier dans l'atmosphère. Les émissions surviennent durant la production et l'utilisation, dans l'échappement des gaz de procédés ou de distillation et dans des fuites. On a aussi observé des émanations dans les effluents liquides des municipalités et des entreprises industrielles et dans les lixiviats de certaines décharges.
On a signalé des émanations de tétrachloroéthylène aux usines de traitement des eaux usées de Sarnia, en Ontario, et de Peace River, en Alberta. Les concentrations trouvées dans les eaux usées de l'usine de Sarnia étaient de 31 µg/L à l'entrée et de 26 µg/L à la sortie (Marsalek, 1986). Comme ces valeurs étaient supérieures à celles signalées dans le ruissellement en milieu urbain et les fossés canalisant le ruissellement dans les petites municipalités, il est permis de conclure que les sources de tétrachloroéthylène étaient les rejets faits par des exploitations commerciales ou industrielles dans les égouts municipaux. À Peace River, la concentration de tétrachloroéthylène dans les effluents de l'usine de traitement des eaux d'égout s'élevait à 8 µg/L (NAQUADAT/ ENVIRODAT, 1991).
On a signalé volontairement au total 34 déversements de tétrachloroéthylène, dont le volume variait de < 1 L à 43 652 L, à la base de données du Système national d'analyse des tendances des urgences depuis 1977 (NATES, 1992) et au Système d'information sur les accidents concernant les marchandises dangereuses depuis 1988 (DGAIS, 1992). Ces déversements, dont le volume totalise 123 074 L, sont survenus dans 7 provinces canadiennes et 1 territoire. Une proportion de 86,8 % de ce volume fut déversée par les usines et les installations de stockage du secteur des produits chimiques et des services; le reste des déversements est survenu pendant le transport du tétrachloroéthylène.
2.3 Informations sur l'exposition
2.3.1 Devenir
Un certain nombre de processus, dont la photo-oxydation dans l'atmosphère, la volatilisation et la biotransformation, influent sur le comportement du tétrachloro-éthylène dans l'environnement. Le tétrachloroéthylène qui est rejeté dans l'environnement terrestre ou aquatique et qui n'est pas éliminé par dégradation ou évaporation peut s'accumuler dans les eaux souterraines.
Le principal compartiment environnemental recevant du tétrachloroéthylène est la troposphère. Le principal mécanisme de disparition de cette substance est sa réaction avec les radicaux hydroxyles produits photochimiquement, alors que l'élimination par les retombées humides est considérée comme un processus mineur (Howard, 1990; Singh et coll., 1982). Les produits de sa photo-oxydation incluent le chlorure de trichloroacétyle, l'acide trichloroacétique, le monoxyde de carbone, l'acide chlorhydrique, l'ozone et le phosgène (Gay et coll., 1976; EPA des É.-U., 1982; Frank et coll., 1991). Dimitriades et ses collaborateurs (1983) ont fait une revue de la réactivité photochimique du tétrachloroéthylène dans l'atmosphère et dans des chambres à brouillard; d'après ces auteurs, la concentration de tétrachloroéthylène présente dans l'air ne contribue pas généralement de façon significative à la formation d'ozone au niveau du sol dans la plupart des atmosphères urbaines. Suite à des études en chambre à brouillard, Frank (1990) a signalé des rendements de photo-oxydation d'environ 80 % en chlorure de trichloroacétyle, qui s'hydrolyse ensuite en acide trichloroacétique. Ce dernier composé persiste peu dans la troposphère, car le lessivage par les pluies l'élimine efficacement (Correia et coll., 1977). Les estimations de la demi-vie du tétrachloroéthylène dans l'atmosphère varient selon la latitude, la saison et la concentration de radicaux hydroxyles (Bunce, 1992). Au Canada, la demi-vie dans la troposphère a été calculée : durant les mois de juin et juillet, elle varie de 27 à 58 jours (Bunce, 1992); par contre, la dégradation du tétrachloroéthylène troposphérique est lente au Canada durant l'hiver. D'après des estimations, la migration du tétrachloroéthylène de la troposphère à la stratosphère prend de 5 à 10 ans (Rowland, 1990).
Le tétrachloroéthylène déversé dans les réseaux aquatiques peut rester en solution, former des gouttelettes au fond de l'eau, par coalescence, ou se volatiliser et passer dans l'atmosphère; toutefois, vu sa solubilité relativement faible dans l'eau et sa pression de vapeur élevée, on estime que la volatilisation est le processus le plus important dans la détermination de son devenir (Callahan et coll., 1979; Schwarzenbach et coll., 1979; Wakeham et coll., 1983; Kaiser et Comba, 1986a). Lors d'un déversement de tétrachloroéthylène concentré, la coalescence d'une forte proportion de cette substance forme au fond des pièces d'eau des flaques de liquide dense en phase non aqueuse (LDPNA), comme ce fut le cas dans la rivière St. Clair, en Ontario, à la suite d'un déversement majeur survenu en 1986 (Lau et Marsalek, 1986). Par la suite, de petites gouttelettes se forment, repassent en suspension dans la colonne d'eau, se dissolvent et, finalement, se volatilisent. On s'attend donc à ce que la concentration de tétrachloroéthylène soit basse dans les eaux de surface, sauf aux endroits où ont lieu des déversements, industriels ou accidentels. Le tétrachloro-éthylène persiste comparativement plus longtemps dans les eaux souterraines, car sa volatilisation et sa biodégradation y sont grandement ralenties (EPA des É.-U., 1985; OMS, 1984).
La quantité de tétrachloroéthylène adsorbée sur le sol dépend du coefficient de partage, de la teneur en carbone organique du sol, du type de rejet (en flaque ou par ruissellement) et de la concentration de tétrachloroéthylène dans la phase liquide (Seip et coll., 1986; Poulsen et Kueper, 1992). Le tétrachloroéthylène se déplace presque aussi rapidement que l'eau dans les sols sableux; toutefois, il peut être fortement retenu dans les sols à teneur en carbone organique plus élevée (de 2,2 à 3,7 %) et l'argile (de 9,2 à 10,1 %) [Seip et coll., 1986]. La perméabilité et la porosité du sol ainsi que la quantité rejetée déterminent la profondeur à laquelle le tétrachloroéthylène migre dans le sol. On s'attend donc à ce que le tétrachloroéthylène soit mobile dans la plupart des sols et qu'il puisse pénétrer à une profondeur pouvant entraîner la contamination des eaux souterraines (Poulsen et Kueper, 1992; Schwille, 1988).
Les résultats d'études en laboratoire, dans des microcosmes et à l'échelle pilote montrent qu'il y a dégradation microbienne du tétrachloroéthylène en conditions anaérobies, mais pas en quantités substantielles en conditions aérobies (Bouwer et coll., 1981; Fogel et coll., 1986; Barrio-Lage et coll., 1986; Freedman et Gossett, 1989). La dégradation microbienne du tétrachloroéthylène en conditions anaérobiques se fait généralement par déshalogénation réductrice en trichloroéthylène, en dichloroéthylène et en chlorure de vinyle et, finalement, minéralisation en dioxyde de carbone ou déshalogénation en éthylène (Freedman et Gossett, 1989). Le tétrachloroéthylène peut aussi être transformé en acide trichloroacétique par biotransformation oxydante (Frank, 1989). Des produits de déchloration successive du tétrachloroéthylène ont été décelés dans des eaux souterraines contaminées (Parsons et coll., 1984; Jackson et coll., 1988; Lesage et coll., 1990).
Vu son coefficient de partage octanol/eau (log Koe ÷ 3), le potentiel de biocon centration du tétrachloroéthylène devrait être faible ou moyen. Barrows et ses collaborateurs (1980) ont étudié pendant 21 jours la bioconcentration du tétrachloroéthylène en milieu aqueux par le crapet arlequin (Lepomis macrochirus). Ces auteurs signalèrent un facteur de bioconcentration (FBC) de 49 et une demi-vie d'élimination de < 1 jour. Neely et ses collaborateurs (1974) mentionnent pour le tétrachloroéthylène un FBC de 39,6 dans les muscles de la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss). À la suite d'une étude de toxicité de 32 jours chez le tête-de-boule (Pimephales promelas) aux premiers stades de la vie, un FBC de 61,5 fut signalé (Ahmad et coll., 1984). Chez un organisme marin (Limanda limanda), Pearson et McConnell (1975) ont rapporté une bioconcentration du tétrachloroéthylène plus grande de deux ordres de grandeur dans le foie (FBC = de 200 à 400) que dans les muscles (FBC = de 5 à 9). Exposées à de faibles concentrations ambiantes de tétrachloroéthylène, les plantes terrestres peuvent accumuler cette substance (Figge, 1990).
2.3.2 Concentrations
On a décelé du tétrachloroéthylène dans l'air, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, les eaux de surfaces, les eaux souterraines, l'eau potable, les sédiments et le biote dans diverses régions du Canada. Les données relatives aux concentrations de tétrachloroéthylène présentes dans les eaux de surface, les eaux souterraines et l'air extérieur apparaissent aux figures 1 et 2.
Les concentrations de tétrachloroéthylène présentes dans l'air des régions éloignées sont généralement dans la plage des ng/m3; les teneurs sont plus élevées dans les régions urbaines (par exemple, Singh et coll., 1977). La concentration de tétrachloro-éthylène dans l'air ambiant peut changer en peu de temps (des variations de près d'un ordre de grandeur en quelques heures) en fonction de la concentration des émissions, des changements de la direction et de la vitesse du vent, du lessivage par la pluie et de la photodécomposition (Frank, 1991; Figge, 1990; Ohta et coll., 1977).
Figure 1. Concentrations types de tétrachloroéthylène (PCE) dans les eaux canadiennes et concentrations causant un effet biologique nocif.
Figure 2. Concentrations types de tétrachloroéthylène (PCE) dans l'air canadien et concentrations causant un effet biologique nociv.
Lors de mesures faites en 1990 à 22 emplacements dans 11 villes canadiennes, la concentration moyenne de tétrachloroéthylène trouvée en milieu urbain dans l'air ambiant, à l'extérieur, variait de 0,2 mg/m3 à 5,0 mg/m3 (limite de détection : 0,1 mg/m3) [Dann et Wang, 1992]. La teneur maximale enregistrée était de 45,7 mg/m3 à Hamilton, en Ontario (Dann et Wang, 1992). Lors d'un examen restreint du tétrachloroéthylène fait en 1987 dans l'air ambiant près de 6 maisons de Toronto, en Ontario, la concentration moyenne a été de 1,9 mg/m3 (Chan et coll., 1990). Bell et ses collaborateurs (1991) ont signalé des concentrations moyennes de tétrachloroéthylène de 1,6 et de 0,6 mg/m3 dans des échantillons d'air prélevés en 1990 à 5 endroits dans des quartiers résidentiels et à 16 endroits dans des quartiers d'affaires de Toronto, en Ontario. La concentration moyenne de tétrachloroéthylène de 40 échantillons d'air prélevés entre janvier et novembre 1990 à Walpole Island (une localité rurale de l'Ontario) était de 0,2 mg/m3; la concentration maximale était de 0,4 mg/m3 (Dann et Wang, 1992).
D'après des résultats préliminaires, Otson et ses collaborateurs (1992) ont signalé une concentration moyenne de tétrachloroéthylène d'environ 5,1 mg/m3 (limite de détection : 2 mg/m3) dans l'air à l'intérieur de 757 maisons canadiennes choisies au hasard. La concentration de tétrachloroéthylène dans l'air à l'intérieur de 12 maisons de la région de Toronto variait de 1 à 171 mg/m3 (Chan et coll., 1990). À ces endroits, la concentration de tétrachloroéthylène dans l'atmosphère à l'extérieur des immeubles variait de non décelable (limite de détection non indiquée clairement) à 4 mg/m3. D'après Bell et ses collaborateurs (1991), les concentrations de tétrachloroéthylène dans 3 maisons situées en milieu urbain (région de Toronto) variaient de 2,8 à 9,0 mg/m3, alors que dans 8 bureaux d'un quartier des affaires, elles variaient de traces (entre 1,4 et 7,1 mg/m3) à 34,9 mg/m3; les concentrations moyennes étaient respectivement de 5,8 et de 13,9 mg/m3. Les résultats de ces 2 dernières études sont limités, vu le petit nombre d'échantillons analysés.
D'après un nombre limité de données portant sur les eaux de surface au Canada, les concentrations environnementales de tétrachloroéthylène sont généralement faibles, à moins de rejets industriels ou autres, de cette substance directement dans les eaux. Les teneurs en tétrachloroéthylène ont été mesurées à plusieurs endroits dans le fleuve Saint-Laurent près du confluent de la rivière des Outaouais, du lac Saint-Louis et de Québec; les concentrations qui ont été signalées variaient de 2 à 12 µg/L (Allan, 1988). Au cours d'une autre étude réalisée dans le fleuve Saint-Laurent, la teneur moyenne de 297 échantillons en tétrachloroéthylène était de 0,012 µg/L, la valeur maximale trouvée étant de 27 µg/L (Comba et coll., 1989). La concentration de tétrachloro-éthylène de 10 échantillons d'eaux de surface du lac Crawford (un lac méromictique de l'Ontario isolé de toute source connue de contamination) atteignait 0,009 µg/L (limite de détection : 0,0008 µg/L); les auteurs laissent entendre que le transport atmosphérique pourrait avoir été à l'origine du tétrachloroéthylène trouvé (Comba et Kaiser, 1983).
Un certain nombre de sources industrielles situées au Canada et aux États-Unis contaminent les eaux transfrontalières des rivières St. Clair et Niagara. Les teneurs en tétrachloroéthylène d'échantillons d'eaux de fond prélevés dans la rivière St. Clair à Sarnia, en Ontario, en aval des installations de sociétés fabricant des produits pétroliers, variaient de 0,002 µg/L à 34,6 µg/L (Kaiser et Comba, 1986b). D'après les résultats de l'analyse de 8 échantillons d'eau, ces auteurs ont calculé que les eaux de la rivière St. Clair avaient une teneur moyenne en tétrachloroéthylène de 0,21 µg/L à l'endroit où elles se jettent dans le lac Saint-Claire. Ils avaient aussi signalé des concentrations de tétrachloroéthylène atteignant 0,28 µg/L au point de déversement d'un effluent dans la rivière St. Clair (Comba et Kaiser, 1985). Dans le cadre d'une étude intensive des composés organiques dans la rivière St. Clair entrepris après la découverte à Sarnia, dans le fond de la rivière, de flaques liquides noires contenant du tétrachloroéthylène, Marsalek (1986) signalait que les eaux de ruissellement de 8 emplacements urbains renfermaient une teneur en tétrachloroéthylène de 4,4 µg/L (plage : de 0,05 à 26,0 µg/L; limite de détection non mentionnée). En outre, à 43 postes répartis du cours supérieur de la rivière jusqu'à son delta, la concentration ambiante moyenne de tétrachloroéthylène variait de non décelable à 11,0 µg/L (limite de détection : 1 µg/L; distance de la rive : 10, 30 et 100 m; profondeur d'échantillonnage : de 1 à 16 m; de 6 à 14 échantillons prélevés à chaque poste) au cours d'un contrôle effectué de mai à octobre 1986. La concentration la plus élevée (44 µg/L) fut trouvée dans un échantillon prélevé à 30 m de la rive, à une profondeur de 7 m, vis-à-vis de la décharge d'une usine de produits chimiques de Sarnia, en Ontario (MEO, 1991a). La concentration de tétrachloroéthylène mesurée dans les sédiments ambiants en suspension variait de non décelable à 2 800 ng/g dans les eaux de surface et de non décelable à 2 900 ng/g dans les eaux de fond (poids sec; limite de détection : 1 ng/g; décelé respectivement dans 18 échantillons sur 25 et dans 20 sur 23). La concentration de tétrachloroéthylène dans les sédiments de surface qui ont été analysés au cours de la même étude allait de 0,4 à 1 300 ng/g (poids sec), substance décelée dans 19 échantillons de sédiments sur 30 (MEO, 1991a).
La teneur moyenne en tétrachloroéthylène de 17 échantillons d'eaux de surface prélevés en 1981 dans le cours inférieur de la rivière Niagara était de 0,036 µg/L et leur teneur maximale, 0,134 µg/L (Kaiser et coll., 1983). Sauf dans un échantillon (0,59 µg/L) prélevé à l'extrémité ouest, très industrialisée, du lac Ontario, la concentration mesurable de tétrachloroéthylène dans 82 échantillons d'eau de ce lac ne dépassait pas 0,015 µg/L (Kaiser et coll., 1983).
Dans plusieurs régions du Canada, on a observé une contamination des eaux souterraines par le tétrachloroéthylène, mettant le plus souvent en cause des installations de nettoyage à sec et des dépotoirs. Au cours d'une enquête effectuée récemment (de décembre 1991 à novembre 1992) sur la couche aquifère située sous la ville de Manotick, en Ontario, la concentration de tétrachloroéthylène était parfois inférieure au seuil de détection et allait jusqu'à 80 000 µg/L (limite de détection : 2,0 µg/L; plus de 220 échantillons furent analysés); la concentration moyenne allait d'une valeur inférieure au seuil de détection à 66 000 µg/L. On a dit qu'une mauvaise élimination du tétrachloroéthylène par un établissement de nettoyage à sec qui fut fermé en 1988 était à l'origine de la contamination (Doyle, 1992; Eckert, 1993). En 1992, des concentrations de tétrachloroéthylène variant de 8 µg/L à 27 000 µg/L furent aussi décelées dans l'eau souterraine (plus de 130 échantillons analysés) à Angus, en Ontario (Laengner, 1992); la concentration moyenne variait de 61 µg/L à 20 683 µg/L d'un emplacement à l'autre. La source de contamination n'a pas été identifiée, mais les puits touchés étaient situés dans le voisinage immédiat d'un établissement de nettoyage à sec.
On a aussi observé une contamination des eaux souterraines dans plusieurs régions de la Nouvelle-Écosse, dont New Minas, Truro et Amherst (Cameron et McLeod, 1983; Brodie et McLeod, 1984; McLeod et coll., 1985). À New Minas, des échantillons furent prélevés en 1983 dans les 2 puits, l'un profond et l'autre peu profond, qui alimentaient la ville. La concentration de tétrachloroéthylène qui a été mesurée variait de 153 µg/L à 290 µg/L (moyenne : 228 µg/L pour 3 échantillons; limite de détection : 2 µg/L) dans le puits profond et de 95 µg/L à 145 µg/L (moyenne : 114 µg/L pour 4 échantillons) dans le puits peu profond. La couche aquifère était contaminée par un établissement de nettoyage à sec, mais la possibilité qu'il y ait eu d'autres sources mineures de tétrachloroéthylène ne fut pas écartée. Cette même couche alimente une source de surface et un étang voisin, qui n'est pas relié à la source. La teneur en tétrachloroéthylène d'un échantillon d'eau de surface prélevé à l'endroit où l'eau de la source s'écoule dans un cours d'eau voisin était de 244 µg/L et celle d'un échantillon d'eau d'étang, de 177 µg/L (Brodie et McLeod, 1984).
On a signalé une contamination des eaux souterraines par le tétrachloroéthylène à 3 dépotoirs canadiens : dans la ville de Mercier, au Québec, la concentration de tétrachloroéthylène qui a été mesurée sous le dépotoir dans les eaux souterraines après un déversement d'huiles usées variait de 1 µg/L à 9 859 µg/L aux 10 endroits ayant fait l'objet d'essais (Pakdel et coll., 1989). Lesage et ses collaborateurs (1990) ont signalé dans une couche aquifère de délavage du dépotoir de Gloucester, en Ontario, des concentrations de tétrachloroéthylène inférieures à la limite de détection (1 µg/L) et d'autres allant jusqu'à 105 µg/L. La concentration moyenne de tétrachloroéthylène dans les eaux souterraines situées dans le voisinage du dépotoir du canton de Woolwich, en Ontario, allait de 0,79 à 1,7 µg/L à des profondeurs variant de 19,6 à 25,6 m (Reinhard et coll., 1984).
Du tétrachloroéthylène fut décelé dans 39 des 90 échantillons d'eau potable obtenus en 1979 de 30 usines de traitement des eaux dans l'ensemble du Canada; la concentration maximale mesurée était de 4 µg/L (Otson et coll., 1982). Lors d'une étude ultérieure, Otson n'a décelé (limite de détection : 0,1 µg/L) du tétrachloroéthylène que dans un seul échantillon d'eau potable sur les 45 obtenus (1982 et 1983) de 10 usines de traitement de l'eau de la région des Grands Lacs.
Pendant les années 1985, 1987 et 1988, on a décelé du tétrachloroéthylène dans 2 échantillons d'eau potable (traitée) sur les 31 provenant de Terre-Neuve. La concentration maximale signalée était de 0,2 µg/L, soit moins de la limite inférieure de dosage qui était 0,5 µg/L (Environnement Canada, 1989a). Entre 1986 et 1988, on a décelé du tétrachloroéthylène dans 14 des 23 échantillons venant de l'Île-du-Prince-Édouard. La concentration maximale signalée était de 4,2 µg/L, soit bien au-dessus de la limite inférieure de dosage qui était de 0,5 µg/L (Environnement Canada, 1989b). On a décelé du tétrachloroéthylène dans 25 des 43 échantillons d'eau potable obtenus en Nouvelle-Écosse de 1985 à 1987; la teneur maximale signalée était de 2,4 µg/L, soit bien au-dessus de la limite inférieure de dosage qui était de 0,5 µg/L (Environnement Canada, 1989c). Du tétrachloroéthylène fut décelé (limite inférieure de dosage : 0,5 µg/L) dans 14 des 37 échantillons d'eau potable provenant du Nouveau-Brunswick entre 1985 et 1988 (Environnement Canada, 1989d); la teneur maximale signalée était de 4,2 µg/L.
On a décelé du tétrachloroéthylène (limite de détection : 0,05 µg/L) dans 22 des 93 échantillons d'eau potable obtenus des municipalités du Québec de 1985 à 1988 (ministère de l'Environnement du Québec, 1990); la concentration la plus élevée qui a été signalée fut de 1,5 µg/L.
Des traces (c'est-à-dire moins de la limite de détection de 0,2 ou de 3,0 µg/L) ont été décelées dans seulement 3 des 1 512 échantillons d'eau prélevés dans 215 réserves d'eau traitée et 14 réserves d'eau brute en Alberta entre 1986 et 1991 (Alberta Environment, 1991). Dans les échantillons d'eau potable obtenus à 106 endroits en Ontario entre 1988 et 1991, la teneur en tétrachloroéthylène variait de non décelable (limite de détection : 0,05 µg/L) à 5,25 µg/L (MEO, 1991b).
On a trouvé peu de renseignements concernant la concentration de tétrachloroéthylène présente dans les sols canadiens, bien qu'on en ait décelé des concentrations variant de 0,006 à plus de 10 mg/kg de matières sèches dans des échantillons provenant d'un emplacement industriel de Vancouver (Golder Associates, 1989).
Au Canada, on n'a trouvé qu'un nombre limité de données sur la concentration de tétrachloroéthylène présente dans le biote. À 3 endroits différents dans le lac Sainte-Claire, en Ontario, les teneurs variaient en 1985 de 220 à 380 ng/g [moyenne : 307 ng/g (poids sec) pour 3 échantillons; limite de détection non mentionnée] chez le jeune méné émeraude (Notropis atherinoides). Elles s'étalaient de 4 à 31 ng/g (moyenne 16 ng/g) dans 3 échantillons prélevés aux mêmes endroits en 1986 (MEO, 1991a). On a aussi confirmé la présence de tétrachloroéthylène (sans toutefois le doser) dans des extraits lipidiques d'organismes entiers chez des goélands argentés adultes capturés soit en 1973 à l'île Pigeon, près du port de Kingston dans le lac Ontario, soit en 1976 alors qu'ils se nourrissaient dans le dépotoir de cette même ville (Hallett et coll., 1982).
On n'a trouvé aucune donnée sur la concentration de tétrachloroéthylène dans les plantes terrestres au Canada; cependant, en Allemagne, Diezel et ses collaborateurs (1988) ont signalé une concentration moyenne de tétrachloroéthylène de 5,5 ng/g (limite de détection : 3 ng/g; il n'est pas indiqué s'il s'agit de poids sec ou de poids humide et le nombre d'échantillons est inconnu) dans des aiguilles d'épinette sous le vent d'un secteur fortement industrialisé.
On ne possède que très peu de données sur la concentration de tétrachloroéthylène dans les aliments au Canada. Aux États-Unis, d'après les résultats de contrôles du panier de provisions rapportés par Daft (1988) - 231 échantillons - et Heikes (1987), les concentrations moyennes de tétrachloroéthylène dans des échantillons composites de produits laitiers, viande, céréales, fruits, légumes, graisses et huiles, et le sucre (DHM, 1992) sont évaluées respectivement à environ 6,6; 12,3; 14,7; 0,8; 0,4; 12,9 et 2,9 ng/g.
2.4 Toxicocinétique
Les principaux métabolites du tétrachloroéthylène trouvés dans les urines des animaux de laboratoire (rongeurs) sont l'acide trichloroacétique et l'acide oxalique. Certains métabolites mineurs ont été décelés lors de certaines études uniquement, entre autres, le trichloroéthanol, l'acide dichloroacétique et le N-oxalylaminoéthanol (EPA des É.-U., 1985; Dekant et coll., 1986). Le métabolisme du tétrachloroéthylène peut aussi produire des quantités mineures (de 1 à 2 %) de CO2 (qui sont éliminées avec l'air expiré) [Pegg et coll., 1979]. Les résultats d'un certain nombre d'études ont montré que, à un niveau élevé d'exposition, le métabolisme oxydatif du tétrachloroéthylène chez les animaux de laboratoire (les rongeurs) est limité. Chez la souris, l'hépatotoxicité du tétrachloroéthylène semble reliée à l'étendue de son métabolisme oxydatif (Buben et O'Flaherty, 1985).
L'acide trichloroacétique a été identifié comme le principal métabolite du tétrachloro-éthylène chez l'être humain (ATSDR, 1990; EPA des É.-U., 1985). Cependant, une très faible portion (de 1 à 2 %) seulement du tétrachloroéthylène absorbé par l'être humain est métabolisée, puis excrétée dans les urines sous forme d'acide trichloroacétique; la majeure partie de la substance absorbée est éliminée telle quelle dans l'air expiré (Monster, 1979; Monster et coll., 1979; Ohtsuki et coll., 1983; Koppel et coll., 1985; Riihimaki, 1985; Fernandez et coll., 1976; Ogata et coll., 1971). Le foie est considéré comme le principal lieu du métabolisme oxydatif du tétrachloroéthylène en acide trichloroacétique. Le métabolisme oxydatif du tétrachloroéthylène en acide trichloroacétique semble se limiter à un niveau d'exposition supérieur à 50 ou 100 p.p.m. (339 à 678 mg/m3) [Ikeda et coll., 1972; Ikeda, 1977; Ohtsuki et coll., 1983]. Les données existantes montrent que le métabolisme du tétrachloroéthylène en acide trichloroacétique est plus efficace chez la souris que chez le rat (Pegg et coll., 1979; Schumann et coll., 1980; Odum et coll., 1988; Bolt, 1987) ou l'être humain (Ikeda et Ohtsuji, 1972).
Chez les rongeurs, le tétrachloroéthylène peut aussi être conjugué au glutathion cellulaire avec perte subséquente de glutamine et de glycine et production de S-(1,2,2-trichlorovinyl)-L-cystéine, qui est soit métabolisée par la voie de l'acide mercapturique avec production de N-acétyl-S-(1,2,2-trichlorovinyl)-L-cystéine (qui est excrétée dans les urines), soit activée par la b-lyase rénale avec production d'un intermédiaire (hypothétique) très réactif, le trichlorovinylthiol, qui peut former, après réarrangement, des liens covalents avec les protéines et les acides nucléiques. La formation du conjugué tétrachloroéthylène-glutathion a lieu dans le foie, et son métabolisme se fait ensuite principalement dans le rein (Green, 1990a). La conjugaison du tétrachloroéthylène avec le glutathion et l'activation, par la b-lyase rénale, de la S-(1,2,2-trichlorovinyl)-L-cystéine sont plus efficaces chez le rat que chez la souris (Dekant et coll., 1986; Green, 1990a). D'après les résultats d'études portant sur la réponse en fonction de la dose, Green et ses collaborateurs (1990) ont conclu que la voie métabolique de conjugaison du tétrachloroéthylène avec le glutathion n'acquiert de l'importance que lorsque la voie oxydative est saturée.
Les résultats d'épreuves enzymatiques in vitro montrent que le foie des êtres humains semble ne pas contenir les enzymes hépatiques nécessaires à la conjugaison du tétrachloroéthylène avec le glutathion et que le métabolisme de la S-(1,2,2-trichlorovinyl)-L-cystéine est environ 2 fois plus rapide chez le rat mâle que chez la femelle et 30 fois plus que chez la souris ou l'être humain (des deux sexes) [Green et coll., 1990]. Par conséquent, même si le tétrachloroéthylène est conjugué avec le glutathion et si la S-(1,2,2-trichlorovinyl)-L-cystéine est bel et bien activée par la b-lyase rénale chez le rat et (jusqu'à un certain point) chez la souris, ces résultats pourraient ne pas s'appliquer aux êtres humains (à moins que l'activité enzymatique ne soit beaucoup moins élevée chez ces derniers) [Green, 1990a].
2.5 Informations sur les effets
2.5.1 Animaux de laboratoire et in vitro
La toxicité du tétrachloroéthylène est relativement faible. La CL50 chez la souris exposée pendant 4 heures au tétrachloroéthylène va de 2 613 p.p.m. à 5 200 p.p.m. (de 17 716 à 35 256 mg/m3) [NTP, 1986; Friberg et coll., 1953]. La DL50 pour l'administration de tétrachloroéthylène par voie orale à ces animaux est d'environ 8,1 g/kg (p.c.) [Wenzel et Gibson, 1951]. On a signalé chez le rat exposé pendant 4 heures des 3) CL50 variant de 2 445 p.p.m. à 5 163 p.p.m. (de 16 577 à 35 005 mg/m [NTP, 1986; Bonnet et coll., 1980]. La DL50 du tétrachloroéthylène par voie orale va de 3,0 à 12,96 g/kg (p.c.) [Hayes et coll., 1986; Withey et Hall, 1975; Smyth et coll., 1969]. L'exposition aiguë d'animaux de laboratoire au tétrachloroéthylène entraîne une hypoactivité, de l'ataxie, une anesthésie, des tremblements et une dépression du système nerveux central (SNC). Des dysfonctions hépatiques et rénales ont aussi été observées à des doses voisines de la dose létale.
Des effets nocifs proportionnels à la dose reçue sont notés en ce qui concerne le foie, les reins, les organes hématopoïétiques et reproducteurs, et le système nerveux central en cas d'exposition répétée d'animaux de laboratoire au tétrachloroéthylène. Les souris sont plus sensibles que les rats aux effets hépatotoxiques. Lors d'études à court terme (5 jours par semaine à raison de 7 heures par jour pendant 18 jours), l'exposition de rats à de fortes concentrations (2 500 p.p.m.; 16 950 mg/m3) de tétrachloroéthylène réduisait la survie de 90 % (Rowe et coll., 1952). L'exposition continue de souris pendant 30 jours à une concentration de tétrachloroéthylène de 9 p.p.m. (61 mg/m3) faisait augmenter légèrement l'activité de la butyrylcholinestérase plasmatique et le poids du foie (concentration minimale avec effet observé [CMEO] : 9 p.p.m.; 61 mg/m3) [Kjellstrand et coll., 1984]. L'exposition de souris à une concentration de tétrachloroéthylène de 50 p.p.m. (339 mg/m3) pendant 4 semaines entraînait des changements mineurs dans les teneurs en protéines hépatiques et microsomiques rénales (CMEO : 50 p.p.m.; 339 mg/m3) [Soni et coll., 1990]. On a trouvé une DMEO (dose minimale avec effet observé) de 100 mg/kg (p.c.)/j chez la souris B6C3F1 et une DSEO (dose sans effet observé) de 500 mg/kg (p.c.)/j chez des rats Sprague-Dawley d'après les résultats d'une étude où cette substance a été administrée par voie orale à ces animaux pendant 11 jours consécutifs; les effets observés à la DMEO étaient une augmentation du rapport poids hépatique/poids corporel ainsi qu'une hypertrophie et une enflure des cellules hépatiques (Schumann et coll., 1980).
L'exposition de rats F344/N et de souris B6C3F1 au tétrachloroéthylène pendant 13 semaines à raison de 5 jours par semaine et de 6 heures par jour à une concentration de 100 p.p.m. (678 mg/m3) a eu pour effets une diminution de la survie et une réduction de l'augmentation de poids (chez les deux espèces) et une congestion des poumons et du foie (chez le rat) ainsi que de l'hypoactivité, une mauvaise coordination, une perte de conscience des manifestations de toxicité hépatique (nécrose centrilobulaire, stase biliaire, infiltration leucocytaire) et rénale (caryomégalie) chez la souris (NTP, 1986). D'après les lésions hépatiques (dégénérescence, caryorrhexis, nécrose, polyploïdie) observées après une administration de tétrachloroéthylène par voie orale à des souris Swiss-Cox pendant une période de 6 semaines à raison de 5 jours par semaine, on a évalué la DMEO à 20 mg/kg (p.c.)/j (Buben et O'Flaherty, 1985). Une DSEO de 14 mg/kg (p.c.)/j fut déduite des résultats d'une étude sur l'administration pendant 90 jours à des rats Sprague-Dawley d'eau potable contenant diverses concentrations de tétrachloro-éthylène; cette concentration était immédiatement inférieure à celle entraînant des effets, dont une réduction du gain de poids et une modification des rapports du poids du foie ou des reins avec le poids corporel (Hayes et coll., 1986). Marth (1987) signale des lésions réversibles des organes érythropoïétiques chez des souris ayant reçu avec leur eau potable pendant une période de 49 jours de faibles concentrations de tétrachloroéthylène [l'équivalent de 50 mg/kg (p.c.)/j]; ces résultats n'ont cependant pas été confirmés par d'autres études.
Les effets toxiques produits par l'exposition chronique d'animaux de laboratoire au tétrachloroéthylène sont seulement connus par les résultats d'études conçues principalement pour évaluer le pouvoir cancérogène de cette substance (NTP, 1986). Parmi les effets toxiques d'une telle exposition (pendant une période de 103 semaines à raison de 6 heures par jour et de 5 jours par semaine) de rats F344/N au tétrachloroéthylène, mentionnons une réduction significative de leur survie, une augmentation de l'incidence de caryomégalie rénale tant chez le mâle que chez la femelle, une hyperplasie des cellules des tubules rénaux chez le mâle, une augmentation de l'incidence de la thrombose des fosses nasales et des métaplasies nasales squameuses, et une augmentation de l'incidence de l'hyperplasie médullo-surrénale (mâles) et corticale (femelles) [concentration minimale avec effet nocif observé (CMENO) : 200 p.p.m.; 1 356 mg/m3] (NTP, 1986).
On a observé, par rapport à des témoins non exposés, une légère augmentation (sans signification statistique) de l'incidence des adénomes et des adénocarcinomes tubuleux du rein chez le rat mâle F344/N, mais non chez le rat femelle, exposés pendant 103 semaines à raison de 5 jours par semaine et de 6 heures par jour à une concentration de tétrachloroéthylène de 200 ou de 400 p.p.m. (1 356 ou 2 712 mg/m3) [NTP, 1986]. L'incidence des adénomes et des adénocarcinomes tubuleux du rein dans des groupes de rats mâles exposés à des concentrations de tétrachloroéthylène de 0, de 200 ou de 400 p.p.m. (0, 1 356 ou 2 712 mg/m3) était respectivement de 1/49, 3/49 et 2/50, et 0/49, 0/49 et 2/50. L'incidence des tumeurs interstitielles des testicules (39/49 et 41/50) était légèrement plus élevée (augmentation non significative) chez les mâles exposés à des concentrations de tétrachloroéthylène de 200 ou de 400 p.p.m. (1 356 ou 2 712 mg/m3) que chez les témoins (35/50); toutefois, l'augmentation ne fut pas considérée comme reliée à l'exposition à la substance, car l'incidence dans les deux groupes exposés était semblable à l'incidence globale (89 %) observée jusque-là chez les témoins (NTP, 1986). Chez les rats mâles et femelles exposés à des concentrations de tétrachloro- éthylène de 0, de 200 et de 400 p.p.m. (0, 1 356 ou 2 712 mg/m3), les incidences respectives de la leucémie monocytaire étaient de 28/50, 37/50, 37/50, et 18/50, 30/50, 29/50. Il est cependant à noter que l'incidence de ce type particulier de tumeurs (56 % et 36 %) chez les rats témoins mâles et femelles non exposés était supérieure à l'incidence observée jusque-là chez les témoins.
L'augmentation de la prolifération cellulaire provoquée par les dommages cellulaires produits par l'accumulation dans les reins d' α2u-globuline (c'est-à-dire la formation de gouttelettes d'hyaline entraînant une néphropathie par hyalinisation) et la formation de métabolites génotoxiques du tétrachloroéthylène dans les reins ont été proposées comme le mécanisme d'induction des tumeurs rénales par le tétrachloroéthylène chez les mâles qui y sont exposés. Le mécanisme par lequel des hydrocarbures de structures diverses (entre autres, le tétrachloroéthylène) induisent chez le rat mâle une néphropathie par hyalinisation est bien documenté (Goldsworthy et coll., 1988; Swenberg et coll., 1989; Olson et coll., 1990). On croit que cette substance ou un de ses métabolites se fixe à l' α2u-globuline, qui est normalement réabsorbée dans les reins par les cellules endothéliales du segment P2 du tubule proximal. La fixation de la substance ralentit le catabolisme de l' α2u-globuline, provoquant ainsi son accumulation dans les lysosomes de ces cellules (c'est-à-dire une accumulation de gouttelettes de protéines). Cette accumulation cause une surcharge lysosomiale, qui entraîne une nécrose cellulaire et, par la suite, une régénération cellulaire caractéristique de la néphropathie par hyalinisation des protéines. Il s'ensuit une prolifération des cellules rénales qui, dans certains cas, peut provoquer finalement le développement d'adénocarcinomes tubuleux du rein. Il est important de noter que le rat mâle F344 produit de grandes quantités d' α2u-globuline, ce qui n'est pas le cas de la femelle F344 de cette espèce ni de la souris, ni des êtres humains (Olson et coll., 1990).
La formation de gouttelettes d'hyaline a été observée dans les reins de rats mâles F344 exposés pendant de courtes périodes à des concentrations de tétrachloroéthylène supérieures à celles administrées dans le cadre du NTP (par exemple une exposition par voie d'inhalation pendant une période allant jusqu'à 10 jours à une concentration de 1 000 p.p.m. [6 780 mg/m3]) de tétrachloroéthylène (Green et coll., 1990). La formation de gouttelettes d'hyaline fut observée dans les reins de rats mâles F344 ayant reçu par voie orale une concentration de tétrachloroéthylène de 1 g/kg (p.c.) pendant 10 jours (Goldsworthy et coll., 1988) ou de 1,5 g/kg (p.c.) pendant 42 jours (Green et coll., 1990); par contre, cet effet ne fut pas observé chez le rat femelle F344 (Goldsworthy et coll., 1988).
On a aussi fait l'hypothèse que la liaison covalente avec les acides nucléiques ou les protéines du métabolite réactif produit dans les reins lors du métabolisme du tétrachloroéthylène par la voie de la conjugaison avec le glutathion (qui peut acquérir de l'importance quantitative en cas de saturation de la voie oxydative [Green et coll., 1990]) peut aussi jouer un rôle dans l'induction des tumeurs rénales chez le rat mâle (Green, 1990a, 1990b; Green et coll., 1990; Dekant et coll., 1990a, 1990b; Vamvakas et coll., 1989).
Les effets toxiques produits par l'exposition de souris B6C3F1 au tétrachloroéthylène (pendant 103 semaines à raison de 5 jours par semaine et de 6 heures par jour) comprenaient une diminution de la survie, une augmentation de l'incidence de la néphrose et de la caryomégalie des cellules des tubules rénaux, du nombre de cylindres urinaires, de la congestion pulmonaire, de la nécrose et de la dégénérescence hépatique (CMENO : 100 p.p.m.; 678 mg/m3) [NTP, 1986]. L'exposition (pendant 103 semaines à raison de 5 jours par semaine et de 6 heures par jour) de souris B6C3F1 à une concentration de tétrachloroéthylène de 0, de 100 ou de 200 p.p.m. (0, 678 ou 1 356 mg/m3) a entraîné une augmentation de l'incidence des carcinomes hépatocellulaires chez les mâles et les femelles (7/49, 25/49 et 26/50 chez les mâles et 1/48, 13/50 et 36/50 chez les femelles, respectivement) [NTP, 1986]. L'incidence des adénomes hépatocellulaires (12/49, 8/49 et 19/50 chez des souris mâles exposées à des concentrations de tétrachloroéthylène de 0, de 100 et de 200 p.p.m. [0, 678 et 1 356 mg/m3]) n'augmentait qu'à la concentration la plus élevée (NTP, 1986).
L'exposition (pendant 52 semaines à raison de 5 jours par semaine et de 6 heures par jour) à une concentration de tétrachloroéthylène de 300 ou de 600 p.p.m. (2 034 ou 4 068 mg/m3) n'entraînait pas une augmentation significative de l'incidence tumorale chez les rats mâles et femelles Sprague-Dawley par rapport aux témoins (Rampy et coll., 1978, cité dans ATSDR, 1990; ECETOC, 1990; EPA des É.-U., 1985); toutefois, ces résultats ne sont pas concluants, vu la période relativement courte d'exposition. Lors d'une épreuve biologique de cancérogenèse, où du tétrachloroéthylène (dissous dans de l'huile de maïs) était administré par gavage (NCI, 1977), il y eut une augmentation de l'incidence des carcinomes hépatocellulaires chez les souris B6C3F1 mâles et femelles, mais aucune augmentation de l'incidence tumorale chez des rats Osborne-Mendel; cependant, une diminution de la survie chez les deux espèces (due en partie à des maladies respiratoires et à la pneumonie), la présence d'impuretés dans le tétrachloroéthylène administré et le grand volume d'excipient utilisé limitent l'utilité de ces résultats.
L'administration intrapéritonéale de tétrachloroéthylène ne faisait pas augmenter l'incidence des cancers pulmonaires chez des souris de souche A (Theiss et coll., 1977; Maronpot et coll., 1986). Le tétrachloroéthylène n'a pas montré une grande cancérogénicité lors d'essais de tumorigénicité cutanée (Van Duuren et coll., 1979); en outre, les résultats concernant son potentiel comme promoteur tumoral dans une épreuve d'induction de tumeurs hépatiques sont équivoques (Milman et coll., 1988; Lundberg et coll., 1987).
D'après les résultats de l'étude d'une gamme de manifestations, tant in vitro qu'in vivo, la masse des données indique que le tétrachloroéthylène n'est pas génotoxique (voir le document à l'appui).
Après avoir exposé des souris gravides au tétrachloroéthylène, on a retrouvé cette substance dans les tissus embryonnaires et foetaux (Ghantous et coll., 1986). En fonction du nombre limité de données existantes, le tétrachloroéthylène ne s'est pas révélé tératogène, mais il a entraîné des effets embryotoxiques et foetotoxiques mineurs, à des doses ou des concentrations toxiques pour les mères uniquement cependant (voir le document à l'appui).
Les effets neurotoxiques de l'exposition d'animaux de laboratoire au tétrachloro-éthylène sont fonction de la dose. Chez les rongeurs, l'exposition à une concentration de tétrachloroéthylène allant de 1 600 à 5 163 p.p.m. (de 10 848 à 35 005 mg/m3) entraîne de l'agitation, des tremblements, une dépression du SNC, de l'ataxie et une perte d'équilibre et de coordination (Rowe et coll., 1952; NTP, 1986). L'administration (par voie orale) de tétrachloroéthylène [en doses allant de 2 200 à 8 850 mg/kg (p.c.)] à des rats Sprague-Dawley entraînait chez les animaux des tremblements, de l'ataxie et une dépression du SNC et, finalement, le décès (Hayes et coll., 1986). L'exposition de gerbilles de Mongolie à des concentrations de tétrachloroéthylène de seulement 60 p.p.m. (407 mg/m3) provoquait de petites altérations de l'ADN cérébral (Rosengren et coll., 1986); toutefois, aucune relation ne fut établie entre cette altération biochimique et quelque autre effet neurotoxique ou neurocomportemental. On a aussi observé des modifications de la concentration d'ADN, de lipides, de protéines et d'acides aminés dans le cerveau de mériones de Mongolie ou de rats exposés à des concentrations de tétrachloroéthylène variant de 120 à 320 p.p.m. (de 814 à 2 170 mg/m3) [Rosengren et coll., 1986; Kyrklund et coll., 1990; Briving et coll., 1986]; la signification biologique de ces changements n'est toutefois pas évidente. L'exposition à court terme (4 jours) de rats mâles Sprague-Dawley à une concentration de 200 p.p.m. (1 356 mg/m3) de tétrachloroéthylène n'entraînait aucun effet significatif sur la teneur cérébrale en protéine ou en ARN, mais les animaux avaient tendance pendant un certain temps à marcher davantage (en terrain ouvert) immédiatement après l'exposition (Savolainen et coll., 1977).
Aranyi et ses collaborateurs (1986) ont signalé que l'exposition de souris CD1 femelles à 50 p.p.m. (339 mg/m3) de tétrachloroéthylène (pendant 3 heures) entraînait, par rapport aux témoins non exposés, une diminution de la résistance à la pneumonie streptococcique et une réduction de l'activité bactéricide pulmonaire. Aucune différence significative n'a été observée entre les effets provoqués chez les souris exposées à une concentration de 25 p.p.m. (170 mg/m3) de tétrachloroéthylène et les témoins.
2.5.2 Humains
L'exposition accidentelle (aiguë) d'êtres humains à des concentrations élevées de tétrachloroéthylène entraîne des effets hépatotoxiques et néphrotoxiques, et le décès (Stewart, 1969; Koppel et coll., 1985; Levine et coll., 1981; Hake et Stewart, 1977; EPA des É.-U., 1985; ATSDR, 1990). Lors d'une étude clinique réalisée à la suite de l'exposition à court terme de volontaires à des concentrations de tétrachloroéthylène variant de 106 à 2 000 p.p.m. (de 719 à 13 560 mg/m3), les symptômes observés allaient d'une légère irritation oculaire et nasale à l'étourdissement et l'anesthésie (CMENO : 106 p.p.m.; 719 mg/m3) [Carpenter, 1937; Rowe et coll., 1952]; la gravité des effets augmentait avec la concentration de tétrachloroéthylène et l'apparition des symptômes était plus rapide. Chez les volontaires, hommes et femmes, exposés à une concentration de 100 p.p.m. (678 mg/m3) de tétrachloroéthylène pendant 5 jours consécutifs à raison de 7 heures par jour, on a observé des étourdissements, des difficultés d'élocution, des nausées et une irritation des yeux et de la gorge (Stewart et coll., 1970).
À la suite d'une étude clinique, Altmann et ses collaborateurs (1990) ont signalé que l'exposition à une concentration de 50 p.p.m. (339 mg/m3) de tétrachloroéthylène peut provoquer une légère dysfonction du système visuel, manifestée par un retard dans le traitement neuronique et une altération de la perception du contraste; cependant, l'exposition à une concentration de 10 p.p.m. (67,8 mg/m3) de tétrachloroéthylène n'avait aucun effet significatif sur la capacité auditive périphérique. Parmi les altérations neurocomportementales produites par l'exposition en milieu de travail à long terme au tétrachloroéthylène, mentionnons la possibilité d'un déficit dans le fonctionnement spatio-visuel, d'un manque de souplesse mentale, de changements d'humeur (Echeverria et coll., 1991) et d'effets cliniques et précliniques sur le fonctionnement du lobe frontal et du système limbique (White et Echeverria, 1992).
L'incidence du cancer ou la mortalité due au cancer associée à l'exposition en milieu de travail au tétrachloroéthylène a fait l'objet d'études de cas avec témoins chez les teinturiers et les buandiers atteints d'un cancer du foie (Stemhagen et coll., 1983) ou de la vessie (Smith et coll., 1985) et d'études par cohortes chez les teinturiers et les buandiers (Blair et coll., 1979, 1990; Katz et Jowett, 1981; Duh et Asal, 1984; McLaughlin et coll., 1987; Brown et Kaplan, 1987; Lynge et Thygesen, 1990), ou les travailleurs d'une installation d'entretien pour avions (Spirtas et coll., 1991).
Lors d'études individuelles, on a signalé une augmentation du risque de cancer du foie (Stemhagen et coll., 1983), une augmentation de la mortalité due aux cancers du col de l'utérus (Blair et coll., 1979, 1990; Katz et Jowett, 1981), de la vessie (Brown et Kaplan, 1987; Katz et Jowett, 1981), des reins (Brown et Kaplan, 1987; Katz et Jowett, 1981; Duh et Asal, 1984), des poumons et du système respiratoire (Duh et Asal, 1984), de la peau (Katz et Jowett, 1981), des organes génitaux (Katz et Jowett, 1981) et de l'oesophage (Blair et coll., 1990) et de la mortalité due aux lymphosarcomes (Katz et Jowett, 1981), aux myélomes multiples et aux lymphomes non hodgkiniens (Spirtas et coll., 1991) ainsi qu'une augmentation de l'incidence du cancer du foie et du pancréas (Lynge et Thygesen, 1990). Il existe donc peu de données cohérentes sur l'augmentation de l'incidence d'un type précis de cancer dans ces populations exposées dans un milieu de travail. Qui plus est, les travailleurs sont probablement exposés dans ces industries non seulement au tétrachloroéthylène, mais aussi à d'autres solvants. De plus, presque toutes ces études épidémiologiques ne comportent à peu près pas de renseignements quantitatifs sur les niveaux d'exposition au tétrachloroéthylène. Notamment, lors d'une étude chez des teinturiers, Brown et Kaplan (1987) n'ont signalé aucune augmentation de la mortalité due au cancer dans une sous-cohorte composée de 615 personnes exposées uniquement au tétrachloro-éthylène. En outre, dans bon nombre des études existantes, les teinturiers et les buandiers étaient inclus dans le même groupe pour l'analyse des résultats, même si l'exposition au tétrachloroéthylène devrait être passablement différente dans les deux professions, et les répercussions sur la morbidité ou la mortalité due au cancer de facteurs «antagonistes» (comme le fait de fumer) n'étaient pas envisagées.
Les effets potentiels d'une exposition en milieu de travail au tétrachloroéthylène sur la reproduction et le développement ont fait l'objet d'un certain nombre d'études de cas avec témoins (Rachootin et Olsen, 1983; Taskinen et coll., 1989; Kyyronen et coll., 1989; Lindbohm et coll., 1990; Ahlborg, 1990), d'études transversales (Hemminki et coll., 1980a, 1980b; Bosco et coll., 1987; Eskenazi et coll., 1991a, 1991b) et d'études par cohortes (McDonald et coll., 1986, 1987). Une augmentation du risque d'avortement spontané fut signalée dans certaines études (Hemminki et coll., 1980a, 1980b; Kyyronen et coll., 1989), mais pas dans d'autres (Ahlborg, 1990; Bosco et coll., 1987; Lindbohm et coll., 1990; Taskinen et coll., 1989; Eskenazi et coll., 1991b; McDonald et coll., 1986, 1987). On n'a pas associé l'exposition professionnelle au tétrachloroéthylène à l'augmentation du risque d'anomalies congénitales (McDonald et coll., 1986, 1987; Bosco et coll., 1987; Kyyronen et coll., 1989; Ahlborg, 1990), ni à une altération significative de la qualité du sperme (Eskenazi et coll., 1991a); par ailleurs, Rachootin et Olsen (1983) ont signalé l'existence d'une relation entre l'infertilité idiopathique chez les femmes et l'exposition aux produits chimiques de nettoyage à sec. Ces personnes avaient été vraisemblablement exposées par leur travail à d'autres solvants et leur exposition au tétrachloroéthylène ne faisait généralement pas l'objet de données quantitatives.
Un nombre limité d'études transversales ont porté sur les effets d'une exposition chronique au tétrachloroéthylène sur le fonctionnement des reins chez des travailleurs de l'industrie du nettoyage à sec (Franchini et coll., 1983; Lauwerys et coll., 1983; Vyskocil et coll., 1990; Solet et Robins, 1991). Aucun signe de dysfonction rénale n'a été observé chez les personnes exposées par leur travail au tétrachloroéthylène, mis à part une légère augmentation de la teneur en lysozymes dans leurs urines (Franchini et coll., 1983; Vyskocil et coll., 1990).
Seeber (1989) a évalué les effets neurocomportementaux potentiels de l'exposition dans les installations de nettoyage à sec à des concentrations de tétrachloroéthylène de 83,4 ± 53,3 mg/m3 (7 hommes et 50 femmes; «faible exposition») et de 363,8 ± 114,2 mg/m3 (5 hommes et 39 femmes; «exposition forte») et dans un groupe de 84 témoins non exposés. Certaines petites différences psychologiques furent notées entre les témoins et les personnes des groupes exposés (d'après un certain nombre d'épreuves psychologiques portant sur la personnalité, l'attention, la perception, les fonctions sensorimotrices, intellectuelles et mnésiques, et la coordination); toutefois, les différences entre les groupes exposés «faiblement» et «fortement» n'étaient pas significatives.
Ikeda et ses collaborateurs (1980) n'ont trouvé aucune différence significative dans la fréquence des aberrations chromosomiques ou des échanges entre chromatides soeurs dans les lymphocytes de 10 travailleurs exposés à une concentration de 10 à 220 p.p.m. (de 67,8 à 1 492 mg/m3) de tétrachloroéthylène, comparativement à ceux de 11 personnes non exposées. Seiji et ses collaborateurs (1990) ont signalé qu'il n'y avait pas de différence significative de fréquence des échanges entre chromatides soeurs dans les lymphocytes de 27 personnes (fumeurs ou non-fumeurs, des deux sexes) travaillant dans des installations de nettoyage à sec (qui avaient été exposées pendant 41 mois à une concentration de 10 p.p.m. [67,8 mg/m3] - moyenne géométrique, pondérée en fonction du temps) et ceux de 26 témoins; toutefois, la fréquence des échanges entre chromatides soeurs était beaucoup plus grande (18 %, p < 0,05) chez 12 fumeurs exposés au tétrachloroéthylène que chez 3 non-fumeurs (témoins).
2.5.3 Écotoxicologie
On a relevé de nombreuses études concernant la toxicité aiguë ou chronique du tétrachloroéthylène envers le biote aquatique à divers niveaux de la chaîne alimentaire; par contre, en ce qui concerne les effets de cette substance, on n'a trouvé qu'un nombre limité d'études sur les végétaux terrestres et aucune sur la faune terrestre. Les données des études critiques sont résumées aux figures 1 et 2.
Les embryons ou les alevins d'omble de fontaine (Salvelinus fontinalis) et les alevins de truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) étaient considérés par l'ATRG (1988) et par Call et ses collaborateurs (1983) parmi les espèces aquatiques les plus sensibles au tétrachloroéthylène. La concentration minimale avec effet observé (CMEO) sur la survie des alevins d'omble de fontaine au stade de la nage libre (mortalité : 37 %) et du frai (mortalité : 39 %) après une exposition de 120 jours au tétrachloroéthylène était de 2,66 µg/L (ATRG, 1988). La CMEO entraînant une diminution de croissance de 61 % chez l'omble de fontaine ayant survécu après 120 jours d'exposition était de 1,52 µg/L (ATRG, 1988). La CL50-24 h pour la truite arc-en-ciel était de 4,99 µg/L (Call et coll., 1983). Smith et ses collaborateurs (1991) ont évalué la toxicité du tétrachloroéthylène envers les embryons et les larves d'un poisson tropical (Jordanella floridae). Aucune des concentrations testées (0,79 à 7,81 µg/L) ne faisait changer l'éclosabilité des oeufs de ce poisson; toutefois, la survie des larves après 10 jours tombait à 55 % pour une concentration de tétrachloroéthylène de 4,85 µg/L (CMEO mentionnée) et à 20 % pour 7,81 µg/L. La survie après 28 jours des poissons de cette espèce âgés d'une semaine et soumis au tétrachloroéthylène en même temps et dans les mêmes conditions que les embryons et les larves était réduite à 63 % à une concentration de 5,82 µg/L; aucun des poissons ne survivait à une exposition à une concentration de 9,3 µg/L de tétrachloroéthylène.
Lors de plusieurs essais, des larves de tête-de-boule (Pimephales promelas) âgées de 24 à 35 jours furent exposées à 6 concentrations différentes de tétrachloroéthylène. Les CL50 -96 h étaient semblables, allant de 23,8 µg/L (Veith et coll. 1983a, 13,4 à 1983b; Walbridge et coll., 1983; Broderius et Kahl, 1985; Geiger et coll. 1985). Lors d'essais de toxicité aiguë chez le tête-de-boule, Geiger et ses collaborateurs (1985) ont observé un certain nombre d'effets sublétaux (entre autres, perte de la tendance à se tenir en bancs, tendance à nager près de la surface, hypoactivité, assombrissement de la coloration, accélération de la respiration et perte d'équilibre) suivis du décès. La CE50-96 h calculée pour ces effets était de 8,45 µg/L. Alexander et ses collaborateurs (1978) ont observé une perte d'équilibre, une narcose, un mélanisme et un gonflement des ouïes accompagné d'hémorragie chez des têtes-de-boule exposés au tétrachloroéthylène et ils ont évalué à 14,4 µg/L la ETm-96 h (effet de tolérance médian, équivalent de la CE50).
Une seule étude de toxicité de qualité acceptable a été découverte pour les poissons d'eau salée. Pearson et McConnell (1975) rapportent une CL50 -96 h de tétrachloroéthylène de 5 µg/L pour la limande (Limanda limanda).
Pour les invertébrés aquatiques, Call et ses collaborateurs (1983) ainsi que Richter et ses collaborateurs (1983) ont publié des données tirées de la même étude sur des larves de Daphnia magna du premier stade. Pour 2 alimentations durant l'exposition (larves alimentées et non alimentées), on a signalé respectivement les CL50-48 h de 18,1 et 9,1 µg/L. Les CE50 (pour immobilisation complète) respectives pour les daphnies alimentées et non alimentées étaient de 8,5 et 7,5 µg/L. Call et ses collaborateurs (1983) ont réalisé une épreuve de toxicité aiguë en conditions statiques sur des larves de moucheron (Tanytarsus dissimilis) du troisième et du quatrième stade. Les moucherons semblaient moins sensibles que Daphnia magna aux effets du tétrachloroéthylène, la CL50-48 h étant de 30,8 µg/L. LeBlanc (1980) mentionne une CL50-48 h de tétrachloroéthylène de 18 µg/L pour des daphnies (Daphnia magna) âgées de moins de 24 heures. Richter et ses collaborateurs (1983) rapportent une CMEO-28 j de 1,1 µg/L entraînant chez Daphnia magna une réduction respective de la croissance et de la reproduction de 7,7 % et de 62 %. La concentration de tétrachloroéthylène sans effets observés sur la croissance et la reproduction après 28 jours (CSEO-28 j) était de 0,51 µg/L.
Lay et ses collaborateurs (1984) ont étudié sur le terrain les effets du tétrachloro-éthylène sur des populations endémiques de Daphnia magna dans plusieurs compartiments d'étangs naturels contenant une concentration de cette substance de 0,44 ou de 1,2 µg/L. La mortalité était totale en 3 ou 4 jours à la concentration de 0,44 µg/L, et entre 3 heures et 2 jours à 1,2 µg/L. Dans les étangs dont la concentration originale était de 0,44 et 1,2 µg/L, elle devenait inférieure au seuil de détection (0,1 µg/L) en 5 et 36 jours respectivement.
Pearson et McConnell (1975) rapportent pour les nauplius d'Elminius modestus une CL50 -48 h de 3,5 µg/L, d'après les résultats d'essais effectués en conditions statiques dans de l'eau de l'Atlantique. Kerster et Schaeffer (1983) ont contrôlé les effets du tétrachloroéthylène sur la croissance des nauplius d'une crevette (Artemia salina) pendant 48 heures et, d'après les résultats observés, ils ont évalué la CE50 à 0,25 µg/L.
Les seules données qui ont été relevées au sujet de la toxicité du tétrachloroéthylène à l'égard des plantes d'eau salée concernent des algues unicellulaires. Pour Phaeodactylum tricornutum cultivée dans de l'eau de l'Atlantique, on a évalué la CE50 du tétrachloroéthylène pour l'assimilation du dioxyde de carbone par photosynthèse à 10,5 µg/L (Pearson et McConnell, 1975). Erickson et Hawkins (1980) ont exposé des mélanges d'algues marines de diverses classes (chlorophycées, cyanophycées, bacillariophycées) à du tétrachloroéthylène en contrôlant l'absorption de bicarbonate de sodium marqué au 14C. Une baisse d'absorption de la radioactivité de 13 % fut observée à une concentration de 2,0 µg/L. Toutefois, aucun effet ne fut décelé à une concentration inférieure (0,5 ou 1,0 µg/L).
Les effets nocifs des chloroéthylènes (en particulier le tétrachloroéthylène et le trichloroéthylène) sur les forêts ont été étudiés en Allemagne et en Finlande. On a signalé pour le sapin (Abies alba), l'épinette de Norvège (Picea abies), le hêtre (Fagus silvatica) et d'autres essences de ces régions une augmentation de l'incidence de la chlorose (blanchiment des aiguilles), de la nécrose (mort des aiguilles) et une chute prématurée des aiguilles au cours des 2 dernières décennies (Frank et Frank, 1986a, 1986b; Frank, 1989). Ces effets ont été attribués à l'exposition aux chloroéthylènes avec photo-activation (Frank et Frank, 1985, 1986a, 1986b; Frank, 1991). Le principal produit de photodégradation des chloroéthylènes, l'acide trichloroacétique (un herbicide connu), aurait un rôle dans ces effets (Frank, 1990; Frank et coll., 1990, 1992).
Au cours de recherches en laboratoire, Frank et Frank (1986a) ont observé les effets sur les aiguilles de l'épinette de Norvège (Picea abies) d'une exposition simultanée au tétrachloroéthylène et à l'ultraviolet. Dans les aiguilles exposées pendant 5 heures à une concentration de 14 mg/m3 [2 p.p.b.(v)], la concentration des pigments responsables de la photosynthèse diminuait relativement aux témoins. Les pigments les plus affectés étaient la chlorophylle-a (réduction de 52 % par rapport aux témoins) et la b-carotène (réduction de 58 % en comparaison des témoins). Lors d'une autre étude en laboratoire, plusieurs épinettes de Norvège âgées de 3 à 7 ans furent exposées (dans une chambre à brouillard) à diverses concentrations de tétrachloroéthylène sur une période de plusieurs semaines (Frank, 1990). Les épinettes étaient irradiées à la lumière artificielle, à des longueurs d'onde correspondant de près à celles d'un milieu naturel. Après une exposition d'une à deux semaines à une concentration de tétrachloroéthylène de 3 à 6 mg/m3 et de 40 mg/m3, on a observé, respectivement, de la chlorose (blanchiment des aiguilles) et de la nécrose. L'exposition à une concentration de 100 à 130 mg/m3 pendant 1 à 2 mois entraînait la mort des arbres. Les dommages observés variaient en fonction de la durée d'exposition et de la concentration de tétrachloroéthylène.
Frank et Frank (1985) ont signalé des effets analogues à la suite d'une expérience sur le terrain mettant en cause une épinette de Serbie (Picea omorica) âgée de 10 ans exposée de façon continue pendant 7 mois au tétrachloroéthylène et au trichloro-éthylène. Parmi les effets observés, mentionnons la chlorose et la nécrose, en particulier sur la face des aiguilles exposée au soleil. Sur plusieurs des petites branches exposées au soleil, une perte totale de chlorophylle s'observait. Des effets semblables ont été observés sur les feuilles exposées d'un charme (Carpinus betulus) poussant à 2 m sous le vent de l'épinette. Un contrôle de la concentration de tétrachloroéthylène dans les branches de l'épinette a montré qu'elle atteignait 12 mg/m3 [1,7 p.p.b.(v)].
En Finlande, on signale depuis des années des dommages généralisés aux arbres; toutefois, les arbres qui poussent en Laponie sont considérés comme particulièrement vulnérables. Frank et ses collaborateurs (1992) ont étudié les dommages subis par les aiguilles de conifères (Pinus sylvestris et Picea abies) de l'année ou âgées jusqu'à 2 ans, et des feuilles de bouleau (Betula pubescens) [échantillonnage d'août 1991 à juillet 1992]; à la suite de ces études, les auteurs signalent des teneurs en acide trichloroacétique variant de 3 ng/g à 126 ng/g (poids humide) et font une corrélation entre la concentration et l'étendue de la perte d'aiguilles observée. L'acide trichloroacétique est le principal métabolite troposphérique du tétrachloroéthylène (Frank, 1990).
3.0 Évaluation de la «toxicité» au sens de la LCPE
3.1 Alinéa 11a) - L'environnement
Au Canada, le tétrachloroéthylène sert principalement de solvant industriel pour le nettoyage à sec et le dégraissage des métaux. Vu la volatilité de ce composé, le tétrachloroéthylène rejeté dans l'environnement canadien l'est, la plupart du temps, sous forme d'émissions atmosphériques, bien qu'il arrive que des rejets soient faits dans des effluents liquides. De nombreux déversements, certains ayant un volume substantiel, ont aussi contribué à la pollution par ce produit. On a mesuré des concentrations de tétrachloroéthylène dans l'atmosphère à la grandeur du Canada et dans les eaux de surface contaminées de la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent. On a aussi décelé sa présence dans les eaux souterraines et les eaux de surface de plusieurs provinces canadiennes, souvent par suite d'une mauvaise élimination ou d'émissions venant d'une installation de nettoyage à sec ou d'une décharge.
On a trouvé que l'omble de fontaine (Salvelinus fontinalis) et la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) sont parmi les espèces aquatiques les plus sensibles aux effets d'une exposition aiguë ou chronique au tétrachloroéthylène, dont la CL50-24 h et la CMEO-120 j pour diminution de la croissance sont respectivement de 4,99 µg/L et 1,52 µg/L. La division de la CMEO chronique par un facteur de 10, pour tenir compte des différences de sensibilité des espèces et extrapoler les résultats de laboratoire aux conditions de terrain, fournit un seuil d'effet estimé pour les espèces aquatiques de 152 µg/L. Au Canada, la concentration de tétrachloroéthylène dans les eaux de surface est généralement 10 fois plus faible que ce seuil.
Dans plusieurs localités de 3 provinces canadiennes, la concentration de tétrachloro-éthylène trouvée est considérablement plus forte dans les eaux souterraines que dans les eaux de surface. Comme les sources de contamination sont, entre autres, les installations de nettoyage à sec et les décharges, et qu'il en existe de semblables dans l'ensemble du Canada, il est probable que la contamination des eaux souterraines soit répandue. Les eaux souterraines font partie d'un cycle hydrologique intégré permettant le renouvellement des eaux de surface qui servent de source d'eau pour la faune et les écosystèmes aquatiques. Les concentrations respectives de tétrachloroéthylène trouvées dans une source d'eau de surface et dans un étang voisin, indépendants mais issus tous deux d'une couche aquifère contaminée aux environs de New Minas, en Nouvelle-Écosse, étaient de 244 µg/L et de 177 µg/L. Ces valeurs dépassent toutes deux le seuil des effets (152 µg/L), ce qui laisse supposer que des effets nocifs pourraient se manifester dans le biote aquatique à ces endroits ou à d'autres endroits semblables au Canada.
L'ingestion d'aliments contaminés est la principale voie d'exposition de la faune au tétrachloroéthylène, d'après une estimation de la dose journalière totale reçue par un mammifère piscivore, le vison (Mustela vison), dans la région de la rivière St. Clair, dans le sud de l'Ontario (voir le tableau 1). Cette région a été choisie parce que c'était la seule région du Canada dont on connaissait la teneur en tétrachloroéthylène des eaux de surface et des poissons. On estime aussi qu'elle constitue la pire possibilité d'exposition, car l'estimation de la dose reçue fait intervenir la concentration maximale de tétrachloroéthylène dans l'eau et les poissons, et ces concentrations y étaient plus grandes que dans les autres régions des Grands Lacs et la plupart des autres régions du Canada.
Voie d'exposition |
Concentrationsa dans l'environnement |
Consommation journalière [par kg (p.c.)]b |
Estimation de la dose absorbée [mg/kg (p.c.)/j] |
---|---|---|---|
Eaux de surface |
44 µg/L |
0,1 L/j |
4,4 |
Air |
1,9 µg/m3 |
0,55 m3/j |
1 |
Biote |
380 ng/g (MH) |
155 g/j |
58,9 |
Total |
64,3 |
- La concentration dans l'air est la concentration moyenne qui a été mesurée dans un environnement urbain en Ontario en 1987 (Chan et coll., 1990); la concentration dans les eaux de surface est la concentration maximale qui a été mesurée dans la région du lac Sainte-Claire en 1986 (MEO, 1991a); la concentration dans les poissons est la concentration maximale qui a été mesurée dans de jeunes ménés du lac Sainte-Claire (MEO, 1987).
- Consommation par inhalation, d'après Stahl (1967); par absorption d'eau potable, d'après Calder et Braun (1983); et par ingestion, d'après Nagy (1987), en supposant que le poisson constitue 75 % de l'alimentation.
Faute de données toxicologiques concernant la faune, les résultats d'une étude subchronique de 90 jours par voie d'ingestion réalisée chez des rats de laboratoire ont servi de base à l'estimation du seuil des effets chez les mammifères. La DSEO dans cette étude était de 14 mg/kg (p.c.)/j (Hayes et coll., 1986). En divisant la DSEO par un facteur de 10, pour tenir compte des différences de sensibilité des espèces, et par un autre facteur de 10, pour extrapoler les résultats d'une étude subchronique de laboratoire à des conditions d'exposition chronique sur le terrain, on obtient 140 mg/kg (p.c.)/j comme seuil d'effets chez les mammifères sauvages. La dose journalière estimative de tétrachloroéthylène pour le vison est 2 fois inférieure au seuil des effets.
En Allemagne et en Finlande, on a signalé les effets sur les forêts d'une exposition simultanée aux chloroéthylènes, dont le tétrachloroéthylène, et au rayonnement solaire naturel dans les conditions qui prévalent en montagne. Ces effets incluent la chlorose, la nécrose et une perte prématurée des aiguilles. Les concentrations de tétrachloro-éthylène auxquelles ces effets se manifestent ne sont pas déterminées, mais des données semblent indiquer que le principal produit de photodégradation du tétrachloroéthylène, l'acide trichloroacétique, serait en cause. En laboratoire, l'épinette (Picea abies) s'est avérée l'un des arbres les plus sensibles au tétrachloroéthylène : la chlorose et la perte prématurée des aiguilles ont été observées après l'exposition à une concentration de seulement 3 mg/m3 en présence d'une irradiation aux longueurs d'onde de la lumière naturelle. La division de cette valeur par un facteur de 10 - pour tenir compte des différences de sensibilité des espèces et extrapoler les résultats de laboratoire aux conditions de terrain - fournit un seuil d'effet estimé de 0,3 mg/m3. Ce seuil équivaut à la concentration atmosphérique moyenne observée à un emplacement rural; il est inférieur à la concentration atmosphérique moyenne de tétrachloroéthylène mesurée dans diverses villes dans l'ensemble du Canada.
D'après les renseignements disponibles, on a conclu que le tétrachloroéthylène pénètre dans l'environnement canadien en quantités importantes mais que, en général, les concentrations qui en résultent ne sont pas suffisantes pour avoir des effets nocifs sur le biote aquatique ou la faune terrestre; toutefois, quelques données semblent indiquer que des concentrations atmosphériques de tétrachloroéthylène pourrait être suffisantes pour avoir des effets nocifs sur certains plantes terrestres, notamment des arbres, au Canada. De plus, la contamination des eaux souterraines et des eaux de surface alimentées par des eaux souterraines contenant du tétrachloroéthylène peut être importante, notamment dans les régions où il y a eu des déversements inappropriés de cette substance provenant d'installations de nettoyage à sec ou de décharges. On a donc conclu que le tétrachloroéthylène pouvait être nocif pour l'environnement.
3.2 Alinéa 11b) - L'environnement essentiel à la vie humaine
Au Canada, la demi-vie du tétrachloroéthylène dans la troposphère est inférieure à 2 mois et ses produits halogénés de dégradation ne persistent pas longtemps, car ces produits sont hydrosolubles, donc lessivés rapidement. On évalue à plus de 5 ans le temps de migration du tétrachloroéthylène vers la stratosphère; par conséquent, seules des traces de tétrachloroéthylène devraient y parvenir. On ne croit donc pas que le tétrachloroéthylène participe à la destruction de la couche d'ozone stratosphérique. Ce composé absorbe dans l'infrarouge, mais les quantités présentes dans l'atmosphère sont généralement faibles et sa demi-vie est courte. On croit donc que sa contribution à la formation d'ozone en basse altitude et au réchauffement de la planète est mineure.
D'après les renseignements disponibles, on a conclu que le tétrachloroéthylène ne contribue pas à la détérioration de la couche d'ozone stratosphérique, ni à la production d'ozone troposphérique, ni au réchauffement de la planète. On a conclu que le tétrachloroéthylène ne pénètre pas dans l'environnement en quantités ou dans des conditions susceptibles de mettre en danger l'environnement essentiel à la vie humaine.
3.3 Alinéa 11c) - La vie ou la santé humaine
Exposition de la population
Les doses moyennes estimatives de tétrachloroéthylène reçues chaque jour par la population canadienne sont résumées au tableau 2. On estime que la dose journalière totale de tétrachloroéthylène varie d'environ 1,2 à 2,7 mg/kg (p.c.)/j pour divers groupes d'âge de la population en général. De toute évidence, c'est le temps de séjour à l'intérieur qui contribue le plus à l'exposition globale au tétrachloroéthylène, alors que la consommation d'eau potable constitue généralement une contribution mineure. L'utilisation de produits ménagers contenant cette substance et sa présence sur les vêtements fraîchement nettoyés à sec devraient être à l'origine de teneurs plus élevées à l'intérieur des immeubles que dans l'environnement en général (Wallace et coll., 1987, 1989; Kawauchi et Nishiyama, 1989).
Effets
Les études épidémiologiques portant sur la cancérogénicité du tétrachloroéthylène chez l'être l'humain se limitent principalement aux recherches effectuées chez des employés de teintureries et de blanchisseries (habituellement réunis), qui devraient, vraisemblablement, avoir été exposés à plusieurs substances en plus du tétrachloro-éthylène et qui ne renfermaient pas de données quantitatives relatives à l'exposition cumulative. On a bien observé une augmentation de la morbidité et de la mortalité dues à divers types de cancer chez ces employés, mais un manque de cohérence dans les résultats signalés et la possibilité qu'une exposition simultanée à d'autres substances ait contribué aux effets observés font que les renseignements existants sont jugés inadéquats pour servir à l'évaluation de la cancérogénicité du tétrachloroéthylène chez l'être l'humain.
Voie d'exposition |
Estimation de la dose de tétrachloroéthylène (mg/kg(p.c.)/j) absorbée par divers groupes d'âge |
||||
---|---|---|---|---|---|
0 - 6 moisa |
7 mois - 4 ansb |
5 - 11 ansc |
12 - 19 ansd |
20+ anse |
|
Air extérieurf |
0,01 - 0,24 |
0,01 - 0,32 |
0,01 - 0,37 |
0,01 - 0,31 |
0,01 - 0,27 |
Air intérieurg |
1,21 |
1,63 |
1,88 |
1,56 |
1,40 |
Air total |
1,22 - 1,45 |
1,64 - 1,95 |
1,89 - 2,25 |
1,57 - 1,87 |
1,41 - 1,67 |
Eau potableh |
- |
0,006 - 0,06 |
0,003 - 0,03 |
0.002 - 0,02 |
0,002 - 0,02 |
Alimentsi |
- |
0,65 |
0,39 |
0,20 |
0,12 |
Dose totalej |
1,22 - 1,45 |
2,30 - 2,66 |
2,28 - 2,67 |
1,77 - 2,09 |
1,53 - 1,81 |
- Hypothèse : poids de 7 kg, volume inspiré de 2 m3 d'air et consommation de 0 litre d'eau par jour (DHM, 1992).
- Hypothèse : poids de 13 kg, volume inspiré de 5 m3 d'air et consommation de 0,8 litre d'eau par jour (DHM, 1992).
- Hypothèse : poids de 27 kg, volume inspiré de 12 m3 d'air et consommation de 0,9 litre d'eau par jour (DHM, 1992).
- Hypothèse : poids de 57 kg, volume inspiré de 21 m3 d'air et consommation de 1,3 litre d'eau par jour (DHM, 1992).
- Hypothèse : poids de 70 kg, volume inspiré de 23 m3 d'air et consommation de 1,5 litre d'eau par jour (DHM, 1992).
- Hypothèse : séjour de 4 heures par jour à l'extérieur (DHM, 1992); pour une plage de concentrations de tétrachloroéthylène moyennes allant de 0,2 à 5,0 mg/m3, d'après le contrôle de postes répartis dans l'ensemble du Canada (Dann et Wang, 1992).
- Hypothèse : séjour de 20 heures par jour ambient (DHM, 1992); pour une concentration moyenne de tétrachloroéthylène d'environ 5,1 mg/m3 dans l'air intérieur de 757 maisons choisies au hasard dans l'ensemble du Canada (Otson et coll., 1992).
- Pour une plage de concentrations moyennes de tétrachloroéthylène allant de 0,1 à 0,9 µg/L dans l'eau potable, d'après des contrôles nationaux (Otson et coll., 1982) et provinciaux (Environnement Canada, 1989a, 1989b, 1989c, 1989d; ministère de l'Environnement du Québec, 1990; Alberta Environment, 1991; MEO, 1991b).
- D'après la concentration moyenne en tétrachloroéthylène dans divers groupes d'aliments composites et la quantité d'aliments de ces groupes absorbée quotidiennement par les Canadiens (DHM, 1992). Les concentrations moyennes respectives de tétrachloroéthylène dans les groupes des produits laitiers, des viandes, des céréales, des fruits, des légumes et des sucres sont de 6,6, 12,3, 14,7, 0,8, 0,4 et 2,9 ng/g; ces chiffres, qui proviennent de renseignements fournis par Daft (1988), constituent la seule source exhaustive de renseignements. La concentration moyenne de tétrachloroéthylène dans le groupe des gras et des huiles serait de 12,9 ng/g d'après des calculs faits à partir des chiffres mentionnés par Daft (1988) et Heikes (1987).
- Les données existantes ne permettaient pas d'évaluer la dose provenant du sol.
Une épreuve de cancérogenèse utilisée dans le cadre du NTP a permis d'observer une augmentation de l'incidence des adénomes et des adénocarcinomes tubuleux du rein chez le rat mâle (sans signification statistique cependant), des leucémies monocytaires chez le rat mâle et femelle, et des adénomes (mâles) et carcinomes (mâles et femelles) hépatocellulaires chez la souris exposée par voie d'inhalation au tétrachloroéthylène (NTP, 1986). Ces résultats ont permis de conclure (NTP, 1986) qu'il y a des signes nets de la cancérogénicité du tétrachloroéthylène chez le rat mâle F344/N (bien que certains membres du groupe d'experts étaient d'avis que les résultats indiquaient seulement «certains signes» de cancérogénicité chez le rat mâle), certains signes de cancérogénicité chez le rat femelle F344/N et des signes nets de cancérogénicité chez la souris B6C3F1 mâle et femelle. Vu les limitations des autres épreuves biologiques (NCI, 1977; Rampy et coll., 1978 cités dans ATSDR, 1990; ECETOC, 1990, et EPA des É.-U., 1985; Theiss et coll., 1977; Maronpot et coll., 1986; Van Duuren et coll., 1979; Milman et coll., 1988; Lundberg et coll., 1987), les résultats de ces recherches ne sont pas utiles pour évaluer la valeur des signes de cancérogénicité.
En général, les substances pour lesquelles il existe des signes suffisants de cancérogénicité chez 2 espèces d'animaux de laboratoire (comme ce fut le cas pour le tétrachloroéthylène lors de l'épreuve biologique de cancérogenèse du NTP) sont classées dans le groupe II (cancérogénicité probable chez l'être humain) du schéma de classification mis au point pour l'élaboration des «Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada» (DHM, 1989); cependant, la prise en considération des données sur les mécanismes d'action possibles rend moins pertinentes plusieurs des augmentations d'incidence tumorale observées lors de l'épreuve biologique du NTP utilisée pour évaluer l'ensemble des signes de cancérogénicité du tétrachloroéthylène envers les êtres humains.
L'augmentation de l'incidence des adénomes et des adénocarcinomes tubuleux du rein chez le rat mâle lors de l'épreuve biologique du NTP était faible et sans signification statistique. En outre, il est probable que cette augmentation d'incidence de ces tumeurs relativement rares chez le rat mâle F344/N exposé au tétrachloroéthylène soit une réaction spécifique de l'espèce et du sexe. On a fait l'hypothèse que l'induction par le tétrachloroéthylène de tumeurs rénales chez le rat mâle serait le résultat de l'augmentation de la prolifération cellulaire entraînée par l'accumulation dans les reins d' α2u-globuline (c'est-à-dire, formation de gouttelettes d'hyaline entraînant une néphropathie par hyalinisation) et la formation de métabolites génotoxiques du tétrachloroéthylène dans les reins de ces animaux1. (L'ensemble des données existantes montre que le tétrachloroéthylène n'est pas, en soi, génotoxique dans les épreuves biologiques in vivo ou in vitro.) Comme les êtres humains ne produisent pas d' α2u-globuline (Olson et coll., 1990) et vu les résultats de l'analyse enzymatique in vitro des extraits hépatiques et rénaux, il semble y avoir entre le rat et l'être humain des différences importantes aux étapes de la formation du conjugué tétrachloro-éthylène-glutathion (le précurseur du métabolite réactif) et de son métabolisme (Green et coll., 1990); l'induction de tumeurs rénales chez des mâles exposés (de façon spécifique) au tétrachloroéthylène peut ne pas être pertinente pour l'être humain - du moins, il se peut que ce dernier soit beaucoup moins sensible à ces effets (Green, 1990b).
Les données existantes montrent que l'hépatotoxicité du tétrachloroéthylène chez la souris vient surtout de l'acide trichloroacétique, un métabolite du tétrachloroéthylène, et que le métabolisme du tétrachloroéthylène en acide trichloroacétique est plus efficace chez la souris que chez le rat (Pegg et coll., 1979; Schumann et coll., 1980; Odum et coll., 1988; Bolt, 1987) ou l'être humain (Ikeda et Ohtsuji, 1972). La souris semble plus sensible que le rat aux effets hépatotoxiques de l'acide trichloroacétique (Bull et coll., 1990; DeAngelo et coll., 1989). Bien que l'administration d'acide trichloroacétique augmente l'incidence des tumeurs hépatocellulaires (Herren-Freund et coll., 1987; Bull et coll., 1990), DeAngelo et Daniel (1992) ont signalé (sous forme de résumé) que l'acide trichloroacétique n'était pas hépatocancérogène chez le rat mâle F344, d'après les résultats d'une étude où cette substance était administrée [avec l'eau potable à des doses (moyennes pondérées en fonction du temps) de 3,6, 36 et 378 mg/kg (p.c.)/j] à ces animaux sur une période de 100 à 104 semaines.
Les données existantes indiquent (bien qu'il n'y ait aucune preuve nette) que la prolifération des peroxysomes peut jouer un rôle important dans le développement des tumeurs hépatiques chez les rongeurs. L'acide trichloroacétique est un puissant inducteur de la prolifération des peroxysomes dans le foie des rongeurs et, dans certaines des études (DeAngelo et coll., 1989; Goldsworthy et Popp, 1987) mais non dans toutes (Elcombe, 1985), l'effet de l'acide trichloroacétique sur la prolifération des peroxysomes hépatiques est plus grand chez la souris que chez le rat. Qui plus est, l'acide trichloroacétique inhibe la communication intercellulaire à médiation par jonctions lacunaires dans les hépatocytes de souris et non de rats (Klaunig et coll., 1989). L'augmentation de l'incidence des tumeurs hépatiques chez la souris, mais (apparemment) pas chez le rat, exposé au tétrachloroéthylène est donc cohérente avec une plus grande sensibilité de la souris, par rapport au rat, à des augmentations de la prolifération des peroxysomes hépatiques et à l'induction par l'acide trichloroacétique d'une interruption de la communication intercellulaire. Si l'augmentation de la prolifération des peroxysomes joue un rôle critique dans le développement des tumeurs hépatiques, chez les rongeurs exposés à des substances précises, l'observation (basée sur le nombre limité de données existantes) de la stimulation de cette prolifération par l'acide trichloroacétique dans les hépatocytes de rongeurs et non d'êtres humains (Elcombe, 1985) semble indiquer que ces derniers ne devraient pas être sujets à ces tumeurs ou, du moins, qu'ils devraient être beaucoup moins sensibles à l'induction de tumeurs hépatiques par le tétrachloroéthylène.
L'acide dichloroacétique, un métabolite urinaire mineur identifié chez le rat et la souris ayant reçu du tétrachloroéthylène (par voie orale) [EPA des É.-U., 1985; Dekant et coll., 1986], est un agent hépatocancérogène chez la souris (Herren-Freund et coll., 1987; Bull et coll., 1990; DeAngelo et coll., 1991) et, apparemment, chez le rat (DeAngelo et Daniel, 1992). Bien que la voie métabolique de transformation du tétrachloroéthylène en acide dichloroacétique n'a pas été déterminée de façon absolue, Dekant et ses collaborateurs (1986) ont affirmé que cet acide peut être produit à partir du trichlorovinylthiol, le métabolite réactif (hypothétique) venant de la conjugaison du tétrachloroéthylène avec le glutathion; toutefois, comme nous l'avons déjà mentionné, cette voie métabolique n'a qu'une contribution très mineure (si toutefois elle en a une) au métabolisme global du tétrachloroéthylène chez l'être humain (Green et coll., 1990).
Comme les augmentations de l'incidence des tumeurs rénales chez le rat mâle et des tumeurs hépatiques chez la souris tant mâle que femelle observées lors de l'exposition de ces animaux au tétrachloroéthylène sont probablement des réactions spécifiques de leur espèce qui semblent, dans les deux cas, induites par des mécanismes qui ne s'appliquent pas à l'être humain ou, du moins, auxquels ce dernier devrait être beaucoup moins sensible, les résultats jugés les plus pertinents dans l'évaluation de l'ensemble des données sur la cancérogénicité sont la petite augmentation de l'incidence des leucémies monocytaires spontanées observée chez une seule espèce (le rat F344 mâle et femelle) lors de l'épreuve biologique du NTP, où l'incidence de ces tumeurs était plus élevée chez les rats qui n'avaient pas été exposés (témoins) que dans l'ensemble des témoins étudiés jusque-là (NTP, 1986). La proportion des animaux mâles et femelles du groupe exposé à la plus forte dose et présentant ces tumeurs était respectivement de 74 % et de 58 %, alors qu'elle s'élevait à 56 % et à 36 % dans les groupes témoins de la même étude et à 29 % et 19 % dans l'ensemble des témoins étudiés jusque-là (NTP, 1986).
En fonction de ces observations, le tétrachloroéthylène a été classé dans le groupe III (cancérogénicité possible chez l'homme) du schéma de classification mis au point pour l'élaboration des «Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada» (DHM, 1989). Pour les composés du groupe III, on calcule généralement une dose journalière admissible (DJA) en divisant la dose sans effet (nocif) observé [DSE(N)O] ou la dose minimale avec effet (nocif) observé [DME(N)O] chez l'être humain ou l'espèce animale (selon la voie d'exposition la plus pertinente) par un facteur d'incertitude tenant compte, au besoin, du nombre limité des signes de cancérogénicité.
Les données épidémiologiques dont on dispose relativement à l'être humain sont jugées inadéquates pour servir de base au calcul d'une DJA. Les effets d'une exposition au tétrachloroéthylène en milieu de travail sur la reproduction et le développement, le système nerveux ou la fonction rénale ont fait l'objet d'un certain nombre d'études épidémiologiques; ces recherches comportaient cependant maintes failles, entre autres de petites populations, un manque ou une absence de renseignements sur le niveau ou la durée de l'exposition au tétrachloroéthylène et la possibilité d'une exposition simultanée à d'autres substances chimiques et une contribution d'autres facteurs, prêtant à confusion, aux effets observés. Lors d'études cliniques chez des volontaires exposés au tétrachloroéthylène, on a observé des effets neurologiques et neurocomportementaux, mais ces études sont jugées inadéquates pour servir au calcul d'une DJA, car elles se limitent à des recherches à court terme sur les effets neurologiques chez un très petit nombre de sujets.
L'inhalation est considérée comme la voie d'exposition la plus importante au tétrachloroéthylène pour la population en général. On a donc calculé une DJA en fonction des résultats obtenus lors d'une étude bien conçue et qui s'est déroulée sur la plus longue période, au cours de laquelle du tétrachloroéthylène a été administré à des animaux de laboratoire par voie d'inhalation (NTP, 1986). La concentration de tétrachloroéthylène minimale avec effets nocifs observés (CMENO) [réduction de la survie et hépatotoxicité (chez les mâles), congestion pulmonaire et néphrotoxicité (chez les mâles et les femelles)] était 100 p.p.m. (678 mg/m3) chez la souris. Il faut cependant noter que l'épreuve biologique du NTP n'évaluait pas les effets biochimiques et hématologiques. En général, les études à plus court terme portant sur ces manifestations n'entraînèrent l'observation d'aucun effet nocif à la suite de l'inhalation de concentrations de tétrachloroéthylène inférieures à la CMENO trouvée chez la souris lors de l'épreuve du NTP. À la suite d'une étude subchronique, des augmentations de la teneur en enzymes sériques ont été signalées pour des souris NMRI exposées à une concentration de tétrachloroéthylène de 150 p.p.m. (1 017 mg/m3) [Kjellstrand et coll., 1984]. On a observé de petites augmentations (de 10 % à 20 %) du poids du foie chez des souris NMRI mâles et femelles exposées pendant 30 jours à une concentration de 9 p.p.m. (61 mg/m3) de tétrachloroéthylène (Kjellstrand et coll., 1984); ces résultats n'ont cependant pas été confirmés par l'exposition d'une autre souche de souris (B6C3F1 ) à une concentration plus élevée (200 p.p.m.; 2 712 mg/m3) pendant 14, 21 ou 28 jours (Odum et coll., 1988).
Quelques études sur la neurotoxicité du tétrachloroéthylène chez des animaux de laboratoire n'ont laissé voir des effets significatifs qu'aux concentrations supérieures à la CMENO trouvée chez la souris lors de l'épreuve biologique du NTP. La concentration de tétrachloroéthylène la plus faible entraînant la manifestation d'effets sur le comportement fut de 200 p.p.m. (1 356 mg/m3) lors d'une étude sur l'exposition de rats à cette substance pendant 4 jours (Savolainen et coll., 1977). Seuls des effets biologiques mineurs sur le cerveau, dont la signification n'est pas évidente, ont été observés à des concentrations inférieures (aussi peu que 60 p.p.m. [407 mg/m3] après l'exposition de gerbilles de Mongolie pendant 90 jours [Rosengren et coll., 1986]). La seule étude qui ait été recensée concernant les effets potentiels du tétrachloroéthylène sur le système immunologique montre une diminution de la résistance à la pneumonie streptococcique et de l'activité bactéricide pulmonaire chez des souris exposées pendant 3 heures à une concentration (50 p.p.m.; 339 mg/m3) légèrement inférieure à la CMENO trouvée chez la souris lors de l'épreuve du NTP (Aranyi et coll., 1986).
On a donc calculé une DJA en se basant sur cette CMENO, soit 100 p.p.m. (678 mg/m3) :
où :
- 678 mg/m3 est la valeur de la CMENO trouvée chez la souris (pour réduction de la survie et hépatotoxicité chez les mâles, congestion pulmonaire et néphrotoxicité [chez les mâles et les femelles]) lors de l'étude bien conçue et qui s'est déroulée sur la plus longue période, au cours de laquelle du tétrachloroéthylène a été administré à des animaux de laboratoire par voie d'inhalation (NTP, 1986);
- 0,043 m3/j est le volume hypothétique d'air inhalé par la souris (NIOSH, 1985);
- 6/24 et 5/7 sont les facteurs de conversion pour une exposition continue plutôt qu'à raison de 6 heures par jour et de 5 jours par semaine;
- 0,0305 kg est le poids corporel moyen des souris soumises à l'épreuve du NTP;
- 5 000 est le facteur d'incertitude (10 × pour les variations à l'intérieur de l'espèce, 10 × pour les variations entre les espèces, 10 × pour l'utilisation d'une CMENO plutôt qu'une CSENO, 5 × pour le nombre limité d'indications de cancérogénicité); on a omis un autre facteur limitatif de l'étude (absence d'une évaluation des effets biochimiques et hématologiques), car ces effets nocifs n'ont généralement pas été observés aux concentrations inférieures à la valeur utilisée ici pour le calcul de la DJA2.
Pour être certain que la DJA calculée à partir des résultats des études faites par voie d'inhalation assure suffisamment de protection, il est aussi possible d'établir une DJA en fonction de ceux obtenus par administration de tétrachloroéthylène par voie d'ingestion. À l'exception d'une étude à la suite de laquelle des lésions érythropoïétiques réversibles furent signalées pour de faibles concentrations [50 mg/kg (p.c.)/j] (Marth, 1987), mais n'ont pas été confirmées par les autres études, la DSEO la plus faible (d'après la «dose journalière théorique» estimée par les auteurs) observée lors de l'étude la plus longue réalisée jusqu'ici (90 jours) au cours de laquelle du tétrachloroéthylène a été administré à des animaux de laboratoire (rat) par voie orale (Emulphor à 4 % dans l'eau potable) est de 14 mg/kg (p.c.)/j - en fonction d'effets sur l'augmentation du poids corporel, sur le rapport entre le poids du foie ou des reins et le poids corporel et sur l'activité de la 5'-nucléotidase sérique à la dose immédiatement supérieure (Hayes et coll., 1986). Buben et O'Flaherty (1985) ont aussi signalé une DMEO de 20 mg/kg (p.c.)/j pour une légère augmentation du poids du foie lors d'une étude d'une durée de 6 semaines chez la souris. Les valeurs de DJA qui seraient calculées en fonction des résultats de ces 2 études sont du même ordre de grandeur que celle obtenue ci-dessus à partir des résultats de l'épreuve biologique au cours de laquelle des animaux ont été exposés à du tétrachloroéthylène par voie d'inhalation.
D'après les renseignements dont on dispose à l'heure actuelle, on estime que la dose journalière totale de tétrachloroéthylène pour divers groupes d'âge de la population canadienne en général varie de 1,2 à 2,7 g/kg (p.c.)/j. Il est possible que les populations vivant dans le voisinage des établissements de nettoyage à sec soient un peu plus exposées, mais les renseignements qu'on possède ne permettent pas de chiffrer leur degré d'exposition. On estime que la dose journalière moyenne de tétrachloroéthylène pour l'ensemble de la population canadienne est de 13 à 28 fois moins grande que la DJA calculée à partir des résultats des études faites chez des animaux de laboratoire par voie d'inhalation qu'on a mentionnées ci-dessus. Bien que la différence entre la DJA et la dose estimée soit faible, surtout au bas de cette plage (facteur de 13), en comparaison de la plupart des autres substances inscrites dans la liste des substances d'intérêt prioritaire, la DJA est jugée prudente, car il semble, d'après les données qu'on possède sur le métabolisme du tétrachloroéthylène, que l'être humain soit moins sensible à la toxicité de cette substance que ne l'est la souris et que le facteur d'incertitude de 10 qui sert habituellement à tenir compte des variations interespèces a été inclus dans les calculs.
D'après les données disponibles, on a conclu que le tétrachloroéthylène ne pénètre pas dans l'environnement en quantités ou dans des conditions susceptibles de constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaine.
3.4 Conclusion
D'après les données disponibles, on a conclu que le tétrachloroéthylène pénètre dans l'environnement en quantités ou dans des conditions pouvant être nocives pour l'environnement; on a toutefois conclu que le tétrachloroéthylène ne pénètre pas dans l'environnement en quantités ou dans des conditions susceptibles de mettre en danger l'environnement essentiel à la vie humaine, ou de constituer un danger pour la vie ou la santé humaine.
1. Il n'est pas possible de tirer des conclusions nettes relativement au mécanisme probable d'induction des tumeurs rénales chez le rat mâle lors de l'épreuve biologique du NTP, vu le manque de renseignements sur les pathologies rénales pertinentes et le métabolisme chez ces animaux.
2. Vu le peu de données qu'on possède sur les variations interespèces de la concentration de saturation du métabolisme oxydatif du tétrachloroéthylène et sur le rôle de l'acide dichloroacétique dans l'étiologie de la toxicité dans diverses espèces, il n'a pas non plus été possible de tenir compte dans le calcul de la DJA des différences interespèces dans le métabolisme.
4.0 Recommandations
Vu la faible différence entre la dose journalière totale estimée et la DJA pour le tétrachloroéthylène, il est important de continuer à surveiller l'exposition de la population canadienne à cette substance, afin de s'assurer qu'elle n'augmente pas de façon significative.
En outre, il est souhaitable que d'autres données soient produites dans les domaines suivants :
- détermination de l'étendue de la contamination des eaux souterraines du Canada par le tétrachloroéthylène et du déplacement de cette substance dans ce milieu et dans les eaux de surface canadiennes qui ont un lien hydrologique avec les eaux souterraines;
- recherche, chez les animaux de laboratoire, des mécanismes d'induction tumorale par le tétrachloroéthylène et de leur pertinence pour l'être humain;
- étude des effets que l'exposition au tétrachloroéthylène présent dans l'atmosphère a sur les végétaux terrestres, en particulier les arbres et les cultures commerciales du Canada, dans les conditions qui prévalent dans l'environnement canadien;
- réalisation d'épreuves biologiques en sédiments afin de pouvoir interpréter les effets de fortes concentrations sédimentaires sur les organismes benthiques vivant dans les sédiments de régions contaminées;
- réalisation d'épreuves biologiques dans des sols afin de pouvoir interpréter les effets de fortes concentrations dans le sol sur son biote;
- réalisation d'essais de toxicité, par diverses voies d'exposition, chez des espèces représentatives de la faune (mammifères, oiseaux, reptiles et invertébrés).
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