« Certaines circonstances » Équité et sensibilisation du système de soins de santé quant aux besoins des populations minoritaires et marginalisées
2001
ISBN : 0-662-87052-2
No cat. : H39-618/2002F
Table des matières
- Avant-propos
- Partie I Équité dans l'accès aux soins de santé
- Document 1: Accès aux services de santé pour les populations insuffisamment servies au Canada
Préparé par Sarah Bowen, septembre 2000 - Document 2: L'élimination des obstacles II : Honorer les valeurs canadiennes dans le système de la santé
Extraits du rapport rédigé par Ralph Masi, MD, mai 2000
- Document 1: Accès aux services de santé pour les populations insuffisamment servies au Canada
- Partie II Langue et barrières en matière de soins de santé
- Document 1: Rapport du Symposium sur l'interprétation en milieu de santé
Préparé par Luc Rochefort, janvier 2001 - Document 2: Barriéres inguistiques dans l'accès aux soins de santé
Préparé par Sarah Bowen, novembre 2001
- Document 1: Rapport du Symposium sur l'interprétation en milieu de santé
- Partie III Barrières reliées à des groupes particuliers de la population
- Document 1: Accès aux soins de santé : réflexions sur la santé et le bien-être des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles du Canada
Résumé préparé par Bill Ryan, Shari Brotman et Bill Rowe mai 2000 - Document 2: Rapport sur rencontre nationale de chercheur(e)s canadien(ne)s dans le champ de la santé des gais, lesbiennes, bisexuels et bispirituels
Rapport préparé par Bill Ryan et Shari Brotman mars 2001 - Document 3: Rapport sur la promotion de la santé et la diffusion d'information au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes
Préparé par le Canadian Centre on Minority Affairs avril 2000 - Document 4: Rapport de l'atelier de planification stratégique sur la promotion de la santé au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes
Préparé par le Canadian Centre on Minority Affairs mars 2001
- Document 1: Accès aux soins de santé : réflexions sur la santé et le bien-être des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles du Canada
- Partie IV Vers la compétence culturelle
- Document 1: Introduction aux compétences culturelles
Novembre 2000 - Document 2: Compétence culturelle dans les soins de santé pédiatriques
Novembre 2000
- Document 1: Introduction aux compétences culturelles
- Partie V Conclusion
- Partie VI Résumé des recommandations
Avant-propos
L'accessibilité est l'un des cinq principes fondamentaux du système canadien de soins de santé qui sont décrits dans la Loi canadienne sur la santé.
Mais qu'est-ce que l'accessibilité? Qu'est-ce qui constitue un accès raisonnable? Quand nous parlons de « services de soins de santé », à quels services pensons-nous? Pensons-nous seulement aux soins médicaux classiques ou pensons-nous également aux soins donnés par des professionnels de la santé autres que des médecins?
Quels sont les groupes de Canadiens et Canadiennes dont les besoins en matière de soins de santé ne sont pas comblés? Quelle est la meilleure façon d'essayer de les combler? Quels sont les changements à effectuer dans les politiques de santé, la prestation des services de santé et la formation des professionnels de la santé?
Ces questions et beaucoup d'autres sont explorées par les auteurs de divers documents préparés pour la Division des systèmes de santé, Direction générale de la politique de la santé et des communications, Santé Canada ainsi que par les participants à des séminaires et ateliers organisés par Santé Canada.
En fait, même si le Canada se situe parmi les nations les plus avancées en termes de niveau de santé, ce niveau élevé ne s'applique pas également à tous les secteurs de la société canadienne.
Au Canada, en général, des obstacles financiers tels que le revenu n'affectent pas l'utilisation des services de santé. Cependant, comme l'affirme le Comité fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population dans son second rapport sur la santé des Canadiens et Canadiennes, il semble exister des barrières linguistiques et culturelles tenaces en ce qui a trait à la prestation ou à l'utilisation des services dans certaines circonstances.
Les services de santé, tout comme les obstacles nuisant à l'accès à ces services, agissent comme des déterminants de la santé. Lorsque les systèmes de santé ne fournissent pas des soins équitables ou un accès équitable aux soins, ils peuvent empirer les disparités sociales et devenir un facteur de la dégradation de l'état de santé de la population.
En 1999, la Division des systèmes de santé de Santé Canada a entrepris l'exploration de la question de l'équité et de la sensibilisation en matière d'accès aux services de soins de santé au Canada. La présente publication comprend des versions abrégées de divers documents et des rapports sommaires sur les séminaires et ateliers tenus jusqu'à maintenant, suivis d'un résumé des recommandations faites à ce jour.
Mais ce n'est qu'un début : de nombreuses recherches et discussions seront nécessaires dans les mois à venir.
Septembre 2001, Ottawa
Partie I - Équité dans l'accès aux soins de santé
Document 1
Accès aux services de santé pour les populations insuffisamment servies au Canada
Préparé pour la division des Systèmes de santé,
Direction générale de la politique de la santé et des communications,
Santé Canada, Ottawa
Extraits du rapport rédigé par Sarah Bowen, Consultant, B.A., M.Sc.
Septembre 2000
Table des matières
- Sommaire
- Partie 1: Introduction
- Partie 2: Contexte et concepts
- Partie 3: Quantification des populations et des besoins
- Partie 4: Populations insuffisamment servies au Canada
- Partie 5: Réactions et solutions
- Recrutement et formation
- Conception et prestation des programmes
- Structure et politiques
- Partie 6 : Conclusion
- Annexe A : Droit d'accès aux services de santé
- Bibliographie
Document 2 :
L'élimination des obstacles II : Honorer les valeurs canadiennes dans le système de la santé Extraits du rapport rédigé
Extraits du rapport rédigé par Ralph Masi, MD
Mai 2000
Table des matières
Sommaire
Le Canada a adopté en 1984 la Loi canadienne sur la santé qui a pour « premier objectif de protéger, de favoriser et d'améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d'ordre financier ou autre ». À titre de nation, le Canada s'est engagé à promouvoir et à protéger la santé.
À l'heure actuelle, le Canada se classe bien au-dessus de la plupart des autres pays en ce qui a trait à la plupart des indicateurs de santé de la population. Son système d'assurance-santé universelle n'est plus en proie aux difficultés de financement qui nuisent à l'accessibilité de tous les citoyens aux services de santé. Or, des iniquités troublantes perdurent au chapitre de l'état de santé. On trouve effectivement plus de maladies chroniques comme le diabète dans la population autochtone que dans la population en général, les taux de mortalité infantile sont deux fois plus élevés au sein des Premières nations, et les Canadiens accusant un déficit de scolarisation sont plus susceptibles d'être en mauvaise santé. Par ailleurs, les immigrants et les réfugiés ont difficilement accès aux services de santé, tout comme les groupes marginalisés tels que les pauvres et les sans-abri.
Jusqu'à ce jour, les politiques et les recherches en matière de santé ont eu pour objet de faire tomber les obstacles financiers à cet accès, mais les obstacles d'une autre nature n'ont pas été examinés à fond. Il est évident qu'il existe différentes tendances en ce qui concerne l'utilisation des services de santé par certaines populations et que ces dernières sont confrontées à d'autres obstacles.
Les populations insuffisamment servies comprennent les peuples autochtones, les personnes ne parlant pas l'anglais ou le français, les personnes ayant une orientation sexuelle différente de la norme, les immigrants, les réfugiés, les populations ethniques ou raciales diversifiées, les personnes handicapées, les sans-abri, les travailleurs du sexe et les personnes ayant un faible revenu.
Le terme « accès satisfaisant » dans la Loi canadienne sur la santé n'est pas défini, et la nature des services « nécessaires sur le plan médical » fait toujours l'objet d'une polémique. Des facteurs tels la langue ou la culture, ainsi que les services qui ne sont pas appropriés, ont été reconnus comme faisant obstacle à l'accès aux services de santé, mais ils n'ont pas été examinés en profondeur. L'utilisation des services de santé a servi à mesurer l'accès, mais ceci pourrait poser un problème parce que les différences d'utilisation ne sont pas forcément liées à l'égalité d'accès. Toutefois, les données montrent des disparités au chapitre des programmes de prévention et de dépistage utilisés par les groupes insuffisamment servis, notamment. Ces disparités indiquent que certains obstacles nuisent à la possibilité de demeurer en santé, pas seulement aux services de santé.
La présente étude constitue le dépouillement des recherches effectuées sur l'accès aux services de santé par les groupes insuffisamment servis. Un objectif important du rapport est de proposer un cadre propre à décrire, catégoriser et analyser les éléments qui permettent de cerner les populations insuffisamment servies au Canada, en vue de structurer les nouvelles recherches qu'il faudrait entamer. Le rapport met l'accent sur les facteurs autres que le revenu.
Populations insuffisamment servies
Bien qu'on s'accorde généralement à dire que certaines populations au Canada sont insuffisamment servies, le sens exact de cet énoncé ne fait pas l'unanimité. Toute discussion sur la prestation de services aux groupes insuffisamment servis doit être basée sur trois principes : la pénurie de services, l'équité et l'accès.
Pour les fins du présent document, « insuffisamment servies » signifie qu'ilyade plus fortes chances qu'une certaine population (et certaines personnes peuvent appartenir à plus d'une population) peut éprouver de la difficulté à obtenir les soins nécessaires, recevoir moins de services, sinon des services de qualité inférieure, être traitée différemment par les fournisseurs de soins de santé, recevoir un traitement qui ne satisfait pas à ses besoins ou que cette population sera moins satisfaite des services de santé que la population en général.
Une population insuffisamment servie n'est pas synonyme d'une région insuffisamment servie. La prestation de services dans les régions insuffisamment servies est surtout une question de dotation et de répartition des employés et des services, alors que l'insuffisance des services aux populations a plutôt trait à l'accès.
L'accès ne tient pas simplement à la disponibilité des services, car il est présumé que les services sont fournis de manière à répondre aux besoins sanitaires des utilisateurs du système de santé et que les groupes insuffisamment servis peuvent participer à la planification de ces services.
Les obstacles à l'accès tombent dans les catégories suivantes : obstacles financiers, obstacles non financiers à la prestation de services de santé et obstacles au traitement équitable.
La problématique des Premières nations et des peuples autochtones est grave. Dans le premier cas, il existe des problèmes de disponibilité de certains services tels que les soins à domicile et les services de santé mentale, quoiqu'il y ait moins de difficultés financières concernant les services non assurés grâce aux prestations de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Dans le deuxième cas, les autochtones hors réserve disposent des mêmes services que les autres Canadiens, mais ils ont des écueils importants à surmonter en ce qui a trait à la présentation du besoin pour des services de santé et un traitement équitable.
Quant aux immigrants, la situation varie tant en ce qui a trait à l'état de santé qu'aux questions d'accès. Il arrive souvent que les problèmes de santé des immigrants et des minorités visibles se confondent, mais des facteurs différents risquent d'influer sur l'accès. Les nouveaux arrivants au Canada ont des services de santé à leur disposition, mais il y a des difficultés en ce qui concerne la présentation du besoin. Les immigrants ne connaissent pas nécessairement le système canadien et ne comprennent pas tous quels sont leurs droits relativement à ces services, quel est le rôle des fournisseurs de services et ce à quoi ils devraient s'attendre. Dans bien des cas, cette lacune est d'autant plus ressentie qu'ils ne parlent pas couramment l'anglais ou le français. Nous savons également que les immigrants n'utilisent pas suffisamment les services de prévention, si bien qu'ils risquent parfois un mauvais diagnostic ou un traitement peu approprié. Les réfugiés ont des besoins tout à fait particuliers.
Quatre populations sont confrontées à des obstacles linguistiques. Les peuples autochtones, les immigrants, les personnes utilisant le langage visuel ou gestuel et, selon le lieu du domicile, les personnes qui ne parlent pas l'une ou l'autre des deux langues officielles du Canada. Les recherches ont historiquement surtout porté sur les définitions générales de l'ethnicité au lieu de la capacité de communiquer dans la langue des fournisseurs de services. Il s'est avéré que la langue-même, et non pas l'ethnicité ou les facteurs socio-économiques, peut expliquer les différences dans l'utilisation des services et le bilan de santé. Un lien a été établi entre un niveau d'alphabétisme faible, les troubles de santé et les différences d'accès et d'utilisation.
On trouve dans toutes les couches de la société des personnes d'orientation sexuelle différente de la norme et ces dernières ne courent pas plus de risques, collectivement, d'être atteintes de problèmes de santé à cause de facteurs socio-économiques. Néanmoins, leurs besoins et leurs préoccupations peuvent différer de ceux de la population hétérosexuelle: le stade de l'affirmation de l'identité, par exemple, qui est critique, mais pour lequel les soutiens sont rares. Le système de santé a contribué à faire de l'homosexualité une pathologie. Les recherches indiquent que certaines personnes hésitent à se prévaloir des services de santé de peur de provoquer des réactions négatives devant leur divulgation; de là l'importance de la confidentialité.
Les personnes handicapées se trouvent également dans n'importe quel groupe ethnique ou culturel, et elles sont aussi confrontées aux obstacles à l'accès, selon leur limitation fonctionnelle. Des obstacles matériels peuvent empêcher les personnes handicapées d'obtenir les soins nécessaires et, conjugués, certains facteurs socio-économiques peuvent poser des obstacles financiers.
Par population marginalisée on entend les sans-abri, les malades mentaux, les jeunes de la rue, les consommateurs de drogues injectables et les travailleurs du sexe. Même si ces groupes ont des besoins variés, ils partagent des difficultés similaires en ce qui concerne l'accès aux services. De plus ils sont nombreux à présenter des facteurs de risque multiples. Les sans-abri, notamment, font face à des problèmes de disponibilité des services, car nombre d'entre eux n'ont pas de papiers d'identité ou de carte d'assurance-santé provinciale, ce qui les empêche de bénéficier des services auxquels ils ont droit.
Malgré la variation des états de santé et des types d'obstacles pour les groupes insuffisamment servis, il existe une similitude remarquable entre beaucoup de préoccupations soulevées. On peut dire que ceux qui font partie de plus d'un groupe insuffisamment servi - une femme pauvre vivant dans une région isolée, par exemple - ont encore plus de difficultés.
Solutions possibles pour que les populations insuffisamment servies aient un meilleur accès aux services
Il faudrait adopter différentes solutions pour faire disparaître les obstacles qui gênent l'accès aux services de santé pour les populations insuffisamment servies. Ces solutions tombent dans trois catégories : recrutement et formation, conception et prestation de programmes, politiques et structures.
Le recrutement englobe aussi bien les initiatives qui précèdent les services que celles qui viennent après la formation. Il y a des programmes qui facilitent l'accès à la formation professionnelle au profit des groupes insuffisamment servis. Cette stratégie revêt une importance particulière pour les collectivités autochtones. Un exemple d'initiative après la formation est l'homologation en médecine internationale, cependant elle s'est révélée difficile et controversée, de sorte qu'on ne croit pas qu'elle influencera, à elle seule, l'accessibilité.
Des études récentes ont indiqué que malgré l'introduction d'un certain nombre d'initiatives pour répondre aux besoins relatifs à l'acquisition de compétences culturelles par les professionnels de la santé, il faudrait prêter plus d'attention à la responsabilisation sociale des écoles de médecine. C'est en effet une piste qui pourrait améliorer l'accès pour certains groupes insuffisamment servis. Une autre stratégie qui offre du potentiel serait la création de nouveaux rôles pour satisfaire aux besoins d'accès et faciliter la participation des membres des populations insuffisamment servies au système de santé.
Les centres hospitaliers d'enseignement et d'autres établissements scolaires jouent un rôle important dans la formation des professionnels de la santé. Ils pourraient jouer un rôle encore plus grand dans la formation sur la diversité, la création de cours de formation destinés aux professionnels de la santé pour ces besoins nouveaux, de même que la promotion de la recherche avec les groupes insuffisamment servis. On pourrait également leur confier plus de responsabilités pour la prestation de services à ces groupes.
Au nombre des initiatives lancées dans le cadre de la conception et la prestation de programmes, mentionnons les programmes « interreliés », les programmes de santé axés sur certaines populations et la télémédecine. Les services d'interprétation sont essentiels pour assurer l'accès des minorités aux services de santé, mais ces solutions peu d'autorités sanitaires ont implanté des politiques exigeant des services d'interprétation professionnels. Les programmes de rayonnement et de sensibilisation communautaires ont un rôle important à jouer pour faire tomber les barrières à l'accès initial et assurer la qualité des soins. Par contre, ils ne parviennent pas toujours à éliminer les obstacles organisationnels sous-jacents. Une autre solution serait d'offrir des services spécifiques à une population donnée. Plusieurs programmes innovateurs ont été mis au point à l'intention des peuples autochtones, des personnes handicapées, des immigrants, des sans-abri et des groupes à faible revenu.
La télémédecine est prometteuse pour les besoins des zones rurales et éloignées. Les collectivités des Premières nations pourraient être parmi celles qui en bénéficieraient le plus. Le projet de recherche national sur la télésanté pour les Premières nations permettra d'évaluer un certain nombre de projets de télésanté déjà en cours. Les recherches sur les services de télémédecine ont fait ressortir de bons résultats tant pour ce qui touche l'exactitude des diagnostics que l'acceptation par les patients et fournisseurs. Peu d'études ont toutefois abordé la rentabilité. Les possibilités qu'offrirait la télémédecine pour supprimer les obstacles de langue ou de culture, ou encore pour soutenir les personnes handicapées, n'ont pas été étudiées de façon exhaustive.
Les enjeux relatifs aux modèles de financement et de rémunération des fournisseurs ont une incidence considérable sur les populations insuffisamment servies. La formule de rémunération à l'acte n'a pas bien réussi à assurer l'accès de la population aux programmes de prévention et de dépistage, question qui préoccupe manifestement de nombreuses populations insuffisamment servies. Les centres de santé communautaires se sont montrés mieux en mesure de dispenser des services à ces populations, et ce en raison des responsabilités qu'ils s'engagent à assumer et à leur plus grande souplesse dans l'engagement d'effectifs et la conception des programmes. Cependant, les régimes de paiement basé sur la capitation risquent de présenter des difficultés supplémentaires d'accès pour les collectivités insuffisamment servies, à moins que des garanties ne soient prévues dans le régime.
Les obstacles à l'accès organisationnel (mesure dans laquelle les consommateurs sont représentés et participent à la planification, aux recherches et à l'application des programmes) doivent être surmontés. Il s'agira notamment d'élaborer des politiques en matière de diversification culturelle, de souplesse des modèles de prestation des programmes et de mise en oeuvre de stratégies visant à assurer la participation des collectivités insuffisamment servies à la prise de décisions.
Bien que les difficultés éprouvées par les populations insuffisamment servies soient multiples, bon nombre des solutions recommandées sont similaires. Dans bien des cas, ces stratégies devraient améliorer la prestation des services à la population dans son ensemble et ont déjà été établies comme des priorités dans le cadre de la réforme du système de santé.
Les modifications apportées rapidement dans le système de prestation risquent de créer encore plus d'écueils au niveau de l'égalité d'accès pour les populations insuffisamment servies. C'est pourquoi il est particulièrement opportun d'aborder dès maintenant les difficultés d'accès pour les populations insuffisamment servies.
Partie 1 : Introduction
Le présent rapport a pour objet de donner un aperçu général et de faire l'analyse de l'accessibilité et de la prestation des services de santé aux populations insuffisamment servies du Canada. Pour les fins de l'étude, par « populations insuffisamment servies » on entend les peuples autochtones, les minorités de langue officielle, les personnes d'orientation sexuelle différente de la norme (gais, lesbiennes, bisexuels, bispirituels, transgenderistes et transsexuels), les immigrants, les réfugiés, les populations d'ethnies et de races différentes, les personnes handicapées, les sans-abri, les travailleurs du sexe et les groupes à faible revenu.Note de bas de page 1
Genèse
Le Canada se classe bien au-dessus des autres pays en ce qui concerne la plupart des indicateurs de santé de la population. Le système d'assurance-santé universelle, réputé comme comptant parmi les meilleurs au monde, a permis de faire disparaître la plupart des obstacles financiers aux services de santé pour tous les citoyens. Or, des iniquités troublantes perdurent au chapitre de l'état de santé (Comité consultatif fédéral-provincial-territorial, 1999). Nous savons aussi que certaines populations utilisent différemment les services de santé et qu'il existe encore des difficultés financières gênant l'accès pour certains groupes insuffisamment servis.
Il est évident que de nombreux facteurs influent sur la santé. Ces « déterminants » de la santé comprennent les conditions de vie et de travail, le milieu, les services de santé, le développement infantile, le soutien social, les habitudes sanitaires et les habiletés d'adaptation individuelles, ainsi que la biologie et le patrimoine génétique (Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé des populations, 1994). Outre ces facteurs, d'autres tels que le sexe, la culture et l'appartenance à certains groupes démographiques ont aussi une incidence importante sur l'état de santé (Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population, 1999).
L'assimilation des déterminants de la santé a permis d'expliquer pourquoi certains groupes sont mieux portants que d'autres, et comment le milieu socio-économique influe sur la santé. À priori, le rapport entre le revenu et l'état de santé, de même qu'entre le revenu et l'utilisation des services de santé apparaissaient comme une corrélation logique. À posteriori, les recherches ont confirmé qu'au Canada, l'utilisation des services de santé n'a aucun rapport avec le revenu (Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population, 1999).
Plus récemment, nous avons compris que certaines populations ont des troubles de santé non seulement à cause de leur situation économique inférieure, mais aussi en raison de facteurs tels que le racisme, la perte du statut social ou l'isolement social. Ces facteurs psycho-sociaux peuvent exercer une influence puissante sur la santé physique et psychologique, sans doute plus que la pauvreté matérielle. Les sociétés dont les disparités sont les plus grandes présentent un bilan de santé moindre que celles dont la richesse est similaire mais comportent moins de disparités (Wilkinson, 1996; Lavis et Stoddart, 1999). Cette situation nous amène à examiner plus à fond l'incidence des facteurs psycho-sociaux sur la santé et des facteurs autres que les obstacles financiers explicites susceptibles de nuire à l'accessibilité des services de santé.
Le but de l'approche relative à la santé de la population est de maintenir et d'améliorer l'état de santé de la population dans son ensemble, pour ainsi réduire les iniquités entre les groupes à cet égard. Ce sera d'ailleurs l'un des plus grands défis à relever au chapitre de la santé de la population (Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population, 1999). Comme nous connaissons maintenant l'importance des facteurs sociétaux pour la santé et la maladie, nous sommes plus conscients des contraintes auxquelles sont assujettis les services de santé désireux de procurer la santé à tous les citoyens. Nous aurons toujours besoin de services de santé, que ce soit pour traiter les malades et les blessés, ou pour fournir de l'information et des services dans le but de prévenir les maladies et de promouvoir la santé. Les services de santé (et les difficultés d'accès) sont eux-mêmes d'importants déterminants de la santé. Les systèmes de santé qui n'assurent pas de soins équitables peuvent accroître les disparités sociales et nuire au bilan de santé. À ce jour, les politiques et les recherches sur la santé ont été axées sur l'élimination des obstacles financiers à l'accès; les autres obstacles n'ont pas fait l'objet d'études poussées.
Portée et limites du rapport
Il existe peu de recherches publiées sur l'accès aux services de santé pour les groupes insuffisamment servis, et les concepts utilisés dans ce domaine ne sont pas très clairs. Un objectif important du présent rapport était donc de proposer un cadre pour décrire, catégoriser et analyser les éléments liés aux services insuffisants pour diverses populations du Canada, en vue d'établir une structure pour les recherches futures.
Sans faire abstraction de l'importance des recherches portant sur le revenu et l'accès aux services de santé, le rapport met l'accent sur l'effet des facteurs autres que le revenu. La question de l'offre de personnel dans les régions rurales et les régions éloignées fait l'objet d'un rapport parallèle et n'est pas abordée dans le présent contexte. Les obstacles géographiques ne sont pas distincts des autres obstacles à l'accès; au contraire, ils y sont reliés. Les populations insuffisamment servies qui, en outre, habitent une région insuffisamment servie ont sans doute plus de difficultés à surmonter que celles qui vivent dans les régions mieux nanties (Ryan et coll., 2000; Baker, 1993). Nous ne voulons pas nous limiter à la prestation de services médicaux et hospitaliers, mais inclure aussi les autres soins primaires et les mesures de prévention des maladies et de promotion de la santé. Beaucoup de ces programmes et services, essentiels dans une approche globale, sont dispensés par d'autres professionnels de la santé, ou ne font pas partie du système officiel de soins de santé.
Le dépouillement de la documentation a été réalisé à partir de différentes sources. Les sommaires clés (Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population, 1999; Santé Canada, 1999; Kinnon, 1999; Ryan et coll., 2000) étaient importants pour avoir un aperçu général de l'état de santé et des besoins y afférents. Nous avons également utilisé Internet pour receuillir de l'information dans les documents gouvernementaux, dans les publications de centres de recherches universitaires et d'organisations importantes et dans les rapports et résumés analytiques de Metropolis et des Women's Health Centres of Excellence. Une recherche a été effectuée par l'intermédiaire de Medline et de Healthstar, sur les études relatives à l'accessibilité aux services de santé. Une recherche plus étendue a été réalisée en ce qui a trait aux concepts clés, à certains groupes insuffisamment servis et aux obstacles déjà cernés, après quoi nous avons effectué une étude bibliographique des ressources importantes notées au cours du premier tour d'horizon.
À cause des contraintes de temps et du nombre de populations différentes et de domaines d'intérêt, il n'a pas été possible de faire des recherches dans d'autres bases de données, d'approfondir toutes les ressources et de se mettre directement en rapport avec les organisations ou chercheurs. Comme le dépouillement a révélé qu'une grande partie de l'information sur les obstacles à l'accès se trouve dans des documents inédits, il se peut qu'il existe beaucoup plus de ressources que celles qui ont été trouvées au premier tour d'horizon. Le nombre de populations en question empêche de capter toute la complexité des difficultés d'accès auxquelles sont confrontées les populations, ou encore l'interaction entre les divers types de services insuffisants et les facteurs tels le sexe, le revenu ou le lieu de résidence.
La partie suivante décrit brièvement le contexte de la prestation des services de santé au Canada, particulièrement pour ce qui touche à la disponibilité et à l'accès, ainsi que les termes et principes relatifs à l'accès aux services de santé. La partie 3 donne un aperçu des aspects généraux de la recherche et des contraintes méthodologiques de l'étude des obstacles non financiers à l'accès. La partie 4 résume ce que nous savons sur les divers types de services insuffisants au Canada pour un certain nombre de populations insuffisamment servies. Enfin, la partie 5 traite des solutions potentielles aux problèmes posés par l'insuffisance des services.
Partie 2 : Contexte et concepts
Contexte de la prestation des services de santé
« Tout système de santé découle d'une culture politique, des valeurs sociales et morales et des impératifs économiques de la société qu'il sert. On ne peut faire de distinction nette entre les facteurs juridiques, éthiques, cliniques, politiques et économiques qui interviennent tous dans l'évolution du système de soins de santé d'un pays. » Groupe de travail sur les soins de santé de l'Association du Barreau canadien, 1994:1).
Le système d'assurance-santé universelle du Canada est issu de l'engagement de faire tomber toutes les barrières financières aux soins de santé pour les Canadiens et Canadiennes. Le système et la prestation des services évoluent à l'intérieur d'un système politique où la plupart des services de santé relèvent de la compétence des provinces et territoires, bien qu'appuyés par le gouvernement fédéral et régis par les principes de la Loi canadienne sur la santé (LCS).
Le Canada fournit une couverture médicale universelle à tous les citoyens aux termes de la Loi canadienne de 1984 sur la santé. Cette loi est basée sur cinq principes : universalité, transférabilité, accessibilité, intégralité et gestion publique. Elle précise que son « premier objectif est de protéger, de favoriser et d'améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d'ordre financier ou autre ». À titre de nation, le Canada s'est donc engagé à promouvoir et à protéger la santé (maintenir la santé des habitants) et à restaurer leur bien-être (les traiter lorsqu'ils ne sont pas bien portants).
Cependant, comme l'accès n'a pas été défini, on ne sait pas très bien ce qu'il faudrait faire pour montrer que l'accès est raisonnable. Le plus souvent, l'accès est simplement défini comme l'absence d'obstacles financiers explicites. L'universalité exige que 100 p. 100 des résidents d'une province aient droit aux services assurés selon des modalités uniformes. L'intégralité veut que le régime d'assurance-santé d'une province couvre tous les « services de santé fournis par les hôpitaux, les médecins ou les dentistes, et lorsque la loi de la province le permet, les services semblables ou additionnels fournis par les autres professionnels de la santé ». Tous les services « médicalement nécessaires pour le maintien de la santé, la prévention des maladies ou le diagnostic ou le traitement des blessures, maladies ou invalidités » sont compris, bien qu'une polémique ait été engagée quant à la nature des services « médicalement nécessaires ».
Les « services médicaux complémentaires », qui comprennent les services à domicile, les soins en maison de repos, les soins en établissement pour adultes et les soins ambulatoires, sont également visés par la Loi. Toutefois, les provinces ne sont pas tenues de dispenser ces services, et il est parfois nécessaire de verser une somme pour l'hébergement dans un établissement résidentiel. À l'heure actuelle, la disponibilité et l'étendue des services de santé complémentaires varient de façon marquée entre les provinces et les territoires.
Au moment où le texte de la loi initiale a été rédigé (la Loi canadienne sur la santé est basée sur deux lois précédentes, à savoir la Loi de 1957 sur l'assurance-hospitalisation et les services diagnostiques et la Loi de 1966 sur les soins médicaux), il était prévu que la plupart des soins seraient dispensés dans les hôpitaux et par des médecins. Mais comme les services assurés sont limités aux « services médicalement nécessaires» fournis par les hôpitaux et les médecins, la prestation subséquente des services au Canada a été faussée. Les soins pour maladies aiguës et les services en établissement ont été renforcés au détriment des services communautaires et préventifs, de sorte que les soins sont définis par ceux qui les dispensent et le milieu, au lieu de la nécessité des soins (Hurley et coll., 1996). Bien qu'une approche axée sur la santé de la population mette l'accent sur la prestation de services dans la collectivité et le traitement des malades à domicile, ce courant de pensée a pour effet de « délester » les dépenses du système financé par les deniers publics et de les transférer à une tierce partie ou aux particuliers. Les iniquités dans la prestation des services non assurés, qui comprennent les services dentaires, la correction de la vue, les médicaments d'ordonnance et les services de counseling ou de santé mentale, suscitent des préoccupations croissantes (Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population, 1999). Les Canadiens qui ne possèdent pas d'assurance supplémentaire (par leur employeur ou l'assistance sociale, notamment) ne peuvent pas forcément se permettre certains services. Il y en a, tels les programmes de rayonnement ou de sensibilisation communautaires offerts en dehors du système de santé officiel, qui ne sont pas des services assurés et qui ne tombent pas sous le coup de la Loi. Ces initiatives constituent néanmoins une composante cruciale d'un système complet qui répond au besoin de promouvoir, de protéger et de restaurer la santé.
Le « système canadien de santé » n'est pas un système fédéral, mais plutôt un regroupement de systèmes provinciaux. Les provinces et territoires sont responsables de la planification, de l'administration et de la prestation des services de santé. Le système est national en ce sens que tous les régimes provinciaux et territoriaux sont tenus de respecter les principes nationaux établis au niveau fédéral. Ces régimes doivent respecter certains critères pour être admissibles au montant intégral des paiements de transfert du gouvernement fédéral. Ce dernier est aussi responsable de certaines populations et de certains services de santé aux Premières nations et aux Inuits, ainsi qu'aux personnes revendiquant le statut de réfugié.
Le terme « autochtone » désigne tous les peuples indigènes du Canada et englobe les peuples des Premières nations (anciennement appelés Indiens) inscrits aux termes de la Loi sur les Indiens (Indiens inscrits), les Amérindiens non inscrits aux termes de la Loi sur les Indiens , les Inuits et les Métis. Les Autochtones sont couverts pour leurs frais hospitaliers et médicaux par les régimes d'assurance-santé provinciaux au même titre que les autres Canadiens. Toutefois, les Indiens inscrits et les Inuits (dont le statut ne fait pas l'objet d'une distinction entre inscrit ou non inscrit) sont également admissibles aux programmes de santé appliqués par la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada.
Les responsabilités fédérales et provinciales ne sont pas très bien définies. Le partage des responsabilités est mal compris et a été débattu depuis que l' Acte de l'Amérique du Nord britannique a défini les soins de santé comme une responsabilité provinciale et le « soin général des Indiens » comme étant du ressort du gouvernement fédéral. Historiquement, le gouvernement fédéral a assumé une responsabilité particulière pour les services de santé aux peuples autoch- tones. En 1979, la Politique sur la santé des Indiens a établi un cadre pour les programmes de santé destinés aux Autochtones et aux Inuits. Cette politique entérinait la « relation particulière des peuples autochtones avec le gouvernement fédéral » et l'importance du développement socioéconomique, culturel et spirituel dans la quête des causes sous-jacentes de la mauvaise santé.
Le gouvernement fédéral et les peuples autochtones ne s'accordent pas pour dire que les services de santé sont un droit issu des traités. La position de l'Assemblée des Premières nations (APN) est que la santé est un droit issu des traités et un élément du droit inhérent des Premières nations à l'autonomie gouvernementale. L'APN estime aussi que la prestation de services de santé est une obligation fiduciaire fédérale non définie. Le gouvernement fédéral a convenu de fournir des services de santé aux Premières nations et aux Inuits là où ils ne seraient pas disponibles autrement, ce qui exclut les peuples autochtones hors-réserve des services et des programmes fédéraux de santé. D'autres services sont offerts par Santé Canada par l'intermédiaire de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, mais uniquement à l'intention des Autochtones inscrits (les Autochtones non inscrits et les Métis étant exclus). Ceci a entraîné des disparités en ce qui a trait au type et à l'étendue de la couverture des services aux personnes autochtones, selon leur statut.
En 1986, le Programme de transfert des responsabilités en matière de santé a été créé pour faire passer le contrôle des services de santé fédéraux aux peuples des Premières nations. Le transfert doit avoir lieu à l'intérieur du cadre législatif et du financement existants. Au mois de mars 1998, 74 p. 100 des collectivités des Premières nations étaient engagées dans un transfert à un niveau ou un autre et 31 p. 100 avaient signé un accord de transfert (Santé Canada, 1999). Le processus de transfert change le contexte des discussions sur les services de santé aux peuples des Premières nations par rapport à celui des autres collectivités et il a des répercussions importantes sur l'accès aux services de santé.
Avant 1994, les demandeurs du statut de réfugiéNote de bas de page 2 au Canada n'étaient pas admissibles à l'assurance-santé, quoique certaines provinces aient pris certaines dispositions à cet égard. Le Programme de services de santé provisoires, appliqué par Citoyenneté et Immigration Canada, assure actuellement des services de santé urgents et essentiels aux revendicateurs nécessiteux et aux réfugiés qui ne sont pas encore couverts par un régime de santé provincial.
Lorsqu'il est question d'accès aux services de santé pour les populations insuffisamment servies, il faut tenir compte de la législation sur les droits de la personne du pays. Au Canada, on a rarement contesté l'interprétation du terme accès comme étant simplement l'absence d'obstacles financiers explicites aux services de santé. Les revendications de droits d'accès aux services de santé sont essentiellement basées sur les interprétations de la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne , la législation provinciale sur les droits de la personne et la Loi canadienne sur la santé. Selon un jugement rendu récemment par la Cour suprême du Canada, l'absence de communication a donné lieu à des soins de qualité inférieure et il est nécessaire de fournir des interprètes aux patients sourds ( Eldridge C. la Colombie-Britannique [Procureur général], 1997). Il faut aussi que les établissements soient physiquement accessibles aux personnes handicapées.
Le système de santé universel du Canada a été établi dans le cadre de son engagement d'assurer des programmes de bien-être social. Ces derniers sont le résultat d'une philosophie fondée sur l'aide mutuelle et la protection des moins fortunés. Non seulement le système de santé élimine-t-il les obstacles financiers, mais il fait également partie du soutien social.
Les « populations insuffisamment servies » au Canada sont constituées par les différents groupes susceptibles d'éprouver des difficultés d'accès.
Certaines sont servies par différents organismes et ministères fédéraux, et possèdent différents droits d'accès aux termes de la loi. Même lorsque les problèmes sont similaires (discrimination ou difficulté d'accès aux services de santé à cause de la langue, par ex.), il n'y a pas toujours de mesures conjointes ou de consensus quant aux meilleures solutions. Bien que le débat sur les services de santé aux peuples autochtones ait lieu dans le contexte du droit à l'autonomie gouvernementale des Premières nations, les problèmes auxquels sont confrontés les immigrants et les réfugiés sont fréquemment considérés comme des difficultés de « nouveaux arrivants » qui se résoudront un jour. Il en est de même pour les problèmes d'accès des personnes gaies, lesbiennes et bisexuelles, ou des personnes handicapées, que l'on voit comme des dossiers séparés qui intéressent des intervenants différents.
Le système de santé du Canada, comme celui de la plupart des autres pays, a changé considérablement au cours des quelques dernières années à cause d'une restructuration largement imposée par l'augmentation des coûts des soins de santé. Les mesures prises pour freiner la hausse des prix ont suscité des préoccupations d'équité, à savoir si les ressources devraient être réparties selon les besoins des populations et si une répartition inéquitable des ressources fait en sorte que les personnes habitant les régions éloignées et les groupes défavorisés sur le plan social ont moins d'accès que le reste de la population aux soins appropriés.
De nombreuses provinces ont mis sur pied des commissions d'enquête pour examiner les systèmes de services de santé. Certains thèmes récurrents sont ressortis de ces examens: élargir la définition de la santé; mettre moins d'accent sur le traitement des maladies et les établissements, et davantage sur la promotion de la santé et la prévention, de même que sur les soins communautaires; participation accrue des consommateurs; régionalisation; meilleure planification des ressources humaines (un nouveau système de rémunération des médecins surtout); meilleure coordination des services; financement accru pour les recherches sur les services de santé; prise de décisions basée sur des preuves (Mhartre et Debber, 1992; Hutchinson et Abelson, 1996; Closson et Cott, 1996).
Ces éléments de réponse pourraient améliorer les services aux populations insuffisamment servies, mais ils ne règlent pas les problèmes d'accès. En fait, les préoccupations des groupes diversifiés et défavorisés risquent d'être enterrées dans le processus de restructuration. Par exemple, la régionalisation (dévolution des soins aux bureaux de santé plus petits) a été proposée comme une solution au bénéfice des populations vulnérables. En principe, en amenant le processus décisionnel plus près de l'utilisateur des services de santé, ces derniers devraient satisfaire davantage aux besoins locaux. Or, il y a plusieurs défis à relever:
- Les populations insuffisamment servies n'ont pas traditionnellement été adéquatement représentées dans les structures décisionnelles;
- Les systèmes statistiques ne saisissent pas les données d'une manière qui permette de cerner ou de mesurer les besoins des groupes insuffisamment servis;
- La base de recherches est inadéquate pour ce qui touche aux obstacles non financiers à l'accès ou aux besoins des groupes insuffisamment servis, de sorte que ces éléments sont négligés dans la planification;
- Les courants antérieurs de financement ont fait en sorte que les services d'« accès » ont été exclus du financement de base;
- Parce que l'accent est mis sur la compression des dépenses, on hésite à préciser les nouveaux programmes qui seraient requis;
- Les effets de la restructuration des services de santé ont attiré l'attention du public et concentré les solutions en planification sur ce qu'on juge être les enjeux les plus urgents (par exemple, les listes d'attente, les fermetures d'hôpitaux).
La réforme du système de santé a surtout visé à veiller à ce que les coûts des soins de santé demeurent raisonnables. L'adoption de l'approche axée sur la santé de la population a fait ressortir le besoin de miser davantage sur la prévention, d'orienter le financement vers des services plus « en amont » et de s'attaquer aux causes sous-jacentes des maladies. Dans les faits, toutefois, on a sabré tout autant dans les budgets de nombre de programmes communautaires axés sur la prévention des maladies et la promotion de la santé que dans ceux des soins pour maladies aiguës. Ces programmes assurent des services en dehors des paramètres des soins de base, par exemple l'interprétation de la santé ou l'éducation sanitaire en matière de prévention, et sont le plus susceptibles de faciliter l'accès pour les groupes insuffisamment servis.
On ignore exactement comment les préoccupations naissantes sur l'accès général à la santé (listes d'attente, cliniques privées, congé anticipé de l'hôpital ou accès aux services à domicile) visent les populations qui sont déjà considérées comme mal servies. En outre, comme l'appartenance à plusieurs de ces groupes est synonyme de situation financière inférieure (et de moins de soutien social), on peut s'attendre à ce que ces populations fassent les frais de manière disproportionnée d'une disponibilité réduite des services.
Définition d'accès et de services insuffisants
De l'avis général, certaines populations au sein de la société canadienne sont mal servies, mais tous ne s'accordent pas sur le sens de cet énoncé. Toute discussion sur la prestation de services aux groupes insuffisamment servis doit être basée sur trois principes : services insuffisants, équité et accès.
« Services insuffisants » a été défini différemment par divers auteurs et peut décrire les difficultés relatives à la disponibilité ou à la qualité des traitements reçus ou encore à l'accès à ces derniers. Dans le présent rapport, ce terme a trait à une probabilité accrue que certaines personnes, parce qu'elles font partie d'une certaine population, éprouveront de la difficulté à obtenir les soins nécessaires; recevront moins de soins ou des soins inférieurs; recevront un traitement différent du reste de la population par le personnel des services de santé; recevront un traitement qui ne tient pas compte adéquatement de leurs besoins; ou seront moins satisfaits des services de santé reçus.
Beaucoup de populations insuffisamment servies partagent deux caractéristiques, soit un faible revenu et une situation sociale défavorisée. Comme les manifestations de ces déterminants sur l'état de santé ont fait l'objet d'études exhaustives, il n'en sera pas beaucoup question dans le présent rapport. On ne peut cependant définir ces populations uniquement par leur faible revenu. Certaines populations insuffisamment servies (les sans-abri, par exemple) ne sont pas seulement pauvres, mais elles sont très bases dans l'échelle sociale. Elles présentent parfois des affections qui ne sont pas très bien gérées par le système de santé officiel (troubles psychiatriques ou toxicomanies notamment). Elles risquent d'être plus malades, auront vraisemblablement des obstacles non financiers à surmonter pour avoir accès au système de santé et seront traités de façon discriminatoire par l'ensemble de la société et le système de santé. Les membres d'autres groupes (tels les minorités visibles, les gais, les lesbiennes et les bisexuels) peuvent aussi être traités de manière inéquitable par le système de santé, même si leur situation économique n'est pas inférieure. Les membres des groupes insuffisamment servis ne sont pas tous pauvres ou peu scolarisés, ce qui indique l'importance des autres obstacles indépendants des facteurs socio-économiques.
Une personne peut posséder les caractéristiques d'un ou de plusieurs groupes définis comme insuffisamment servis. Ceux dont le statut socio-économique est inférieur et qui sont insuffisamment servis pour une autre raison sont encore plus en péril. La prestation des services de base assurés au Canada ne semble pas être liée au revenu, mais il existe des « barrières linguistiques et culturelles qui continuent de faire obstacle à la prestation ou à l'utilisation des services dans certains cas » (Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population, 1999, p. 145). L'interaction entre ces facteurs oppose d'autres obstacles à l'équité des soins.
S'attaquer aux iniquités que connaissent les populations insuffisamment servies constitue un enjeu fondamentalement différent de celui d'assurer la répartition équitable des « mêmes » ressources entre les régions géographiques. La prestation des services aux « régions insuffisamment servies » présente essentiellement un problème de disponibilité et de répartition des employés et services de santé, tandis que les problèmes que connaissent les populations insuffisamment servies sont liés à l'accès. Les insuffisances de services attribuables au lieu géographique ou à l'appartenance à une certaine population diffèrent sur un certain nombre de points : les facteurs contribuant au problème d'insuffisance, les difficultés d'accès qui en résultent, les stratégies propres à mesurer les besoins, l'étendue des effets des obstacles à l'accès et les solutions possibles.
Dans le domaine de la santé, « équité » a trait à la répartition juste et équitable des ressources. Le principe d'équité n'est pas apparenté à l' égalité ; effectivement, on mesure l'équité non pas selon que tous les citoyens reçoivent le même service, ou le même nombre de services, mais que le service soit dispensé en fonction des besoins. Au Canada, on décrit généralement l'équité comme « l'égalité d'accès (ou des services) pour des besoins égaux ». Il est entendu que les plus malades ou ceux qui courent plus de risques d'être malades devraient recevoir des services plus intensifiés, de sorte que les groupes à faible revenu devraient recevoir plus de services. Bien que les soins au Canada soient reliés aux besoins, non pas au revenu, on se demande dans quelle mesure les plus malades devraient recevoir plus de soins que ceux qui se portent mieux. Certains auteurs ont laissé entendre que même si plus de services sont offerts aux personnes qui gagnent le moins d'argent, il n'y a pas nécessairement de corrélation avec les différences dans l'état de santé (Roos et coll., 1999). Il faudrait faire des recherches plus poussées sur cette question.
Il ne sera pas forcément suffisant d'assurer un service égal pour un besoin égal afin de réaliser l'objectif d'équité. En voici un exemple. Si un établissement est responsable d'assurer un service alimentaire, sa mission est remplie si tous les consommateurs reçoivent la même quantité et la même qualité de nourriture. Toutefois, si le bifteck est au menu et certains consommateurs sont végétariens, le service égal n'est pas synonyme de service équitable, car la plupart des gens s'accorderaient à dire qu'il faudrait aussi offrir un repas végétarien de qualité.
L'accès est un autre concept qui a été interprété de différentes façons par les décideurs, les chercheurs et le grand public (Birch et Abelson, 1993). Le dictionnaire Robert définit accessibilité par « possibilité d'accéder, d'arriverà»et accessible par « ouvert, sensible à », ce qui en dit plus long que la simple notion de disponibilité des services. Il est présumé que les services sont dispensés de manière à satisfaire aux besoins des utilisateurs et à permettre aux groupes insuffisamment servis de participer à la planification des services.
Il peut s'agir d'obstacles à l' accès de la clientèle (mesure dans laquelle les particuliers peuvent se prévaloir des services nécessaires) ou à l' accès organisationnel (mesure dans laquelle les consommateurs sont représentés ou participent à la planification, à l'élaboration, à la prestation et à l'administration des services (Doyle et Visano, 1987). Sauf pour ce qui est des initiatives de transfert du contrôle et de l'administration des services de santé aux Premières nations, de même que du mouvement pour l'autonomie des personnes handicapées, le débat sur l'accès pour les populations insuffisamment servies porte le plus souvent sur la clientèle que sur l'accès organisationnel.
Dans la documentation, l'accès est défini soit comme « la disponibilité des services », soit comme « l'utilisation des services de santé par les personnes ayant besoin de soins » (Waters, 2000) ou « l'égalité quant à la qualité des soins reçus ». Pour ce qui touche à la répartition des services médicaux et hospitaliers, on entend généralement par accès raisonnable « à besoin égal, accès égal » et l'absence d'obstacles financiers explicites. L'accent mis sur les obstacles financiers explicites et, par extension, sur l'utilisation des soins en fonction du revenu, nous a amenés à négliger d'autres facteurs potentiels susceptibles de nuire à l'accès. Il a été dit que « le peu d'attention accordé à d'autres facteurs non liés aux prix, qui pourraient influencer la demande ou l'offre de services, semble indiquer que la prestation de services gratuitement au point de prestation serait une condition suffisante pour l'« accès raisonnable aux services » (Birch et coll., 1996, p.6.). On se rend compte de plus en plus que le terme « accessibilité » doit avoir une définition plus large. Notamment, les buts du Panel on Health for Ontario (1987) énonçaient ce qui suit :
« Tous les résidents de l'Ontario ont droit à des services de santé de haute qualité, accessibles, appropriés et complets, abstraction faite de leur âge, de leur sexe, de leurs capacités fonctionnelles, de leur langue, de leur origine ethnoculturelle ou du lieu géographique...
L'accessibilité doit inclure les aspects psychologiques, sociaux, affectifs et économiques » (p. 87).
Historiquement, on s'est attaché à assurer l'égalité d'accès pour le traitement , mais l'adoption de l'approche axée sur la santé de la population signifie qu'il faudra se pencher sur l'importance des obstacles à l' évaluation (Culyer, 1991). Si les obstacles diminuent les probabilités que certaines populations puissent être évaluées et diagnostiquées correctement, alors la prestation de traitements sur une base équitable une fois le besoin identifié est insuffisante.
Les services médicaux et hospitaliers sont les services de base qui sont assurés au Canada, et sont au coeur des mesures d'accès et d'équité. Le médecin de famille est celui auquel on pense le plus souvent en ce qui concerne la prestation des services de santé. Ces médecins qui dispensent des soins primaires jouent un autre rôle important, celui de « contrôleur » par rapport aux autres services de santé, dont les services de spécialistes et d'hospitalisation. Avec l'approche axée sur la santé de la population, l'accès aux médecins et aux hôpitaux, malgré son importance, n'est peut-être pas un indicateur adéquat de l'accès aux services. Les services clés de prévention, de soins continus et de sensibilisation ou de soutien sont offerts dans la collectivité et par d'autres professionnels et organismes oeuvrant dans le domaine de la santé. L'accès à ces services doit aussi être pris en considération dans toute étude exhaustive sur l'accès.
Mooney et coll. (1991) font remarquer qu'au Canada, on ne sait pas très bien si l'équité visée a trait à l' utilisation ouàl' accès. La confusion règne quant à savoir si l'équité est définie par les soins reçus ou par la possibilité d'utiliser les services (accès). Lorsqu'il est question d'équité et d'accès, il importe de se rappeler que l'objet de la politique sur la santé n'est pas de fournir des services de santé, mais d'avoir la population la mieux portante qui soit. Le but ultime est donc l' accès à la santé , pas seulement l'accès aux services de santé.
L'accès équitable peut donc être défini comme la prestation de services de santé de manière à assurer des possibilités égales à tous les citoyens d'avoir le meilleur bilan de santé possible .La section ci-dessous traite d'un cadre propre à la discussion sur les facteurs susceptibles de contrer ce but.
La présente section offre un cadre qui permet de catégoriser les différents types de difficultés éprouvées par les populations insuffisamment servies qui désirent accéder aux services de santé. Ces difficultés tombent dans les catégories suivantes : disponibilité des services; obstacles financiers, obstacles non financiers à la présentation du besoin et qualité équitable des soins.
La disponibilité des services est l'un des aspects de l'accès. Une personne pourrait ne pas avoir « accès » parce que :
- le service de santé n'est pas disponible car il n'est pas garanti par l'assurance-maladie;
- le service est financé, mais il n'est pas disponible au moment nécessaire à cause de longues listes d'attente;
- le service n'est pas disponible de manière équitable à cause de facteurs géographiques; (différences provinciales ou territoriales, région rurale ou éloignée).
Ces trois définitions courantes ne seront pas employées dans le présent rapport. Aucun système ne possède les ressources voulues pour offrir un nombre illimité de services, de sorte que les services jugés moins nécessaires ne seront pas assurés. Ainsi, la radiation de certains services de la liste des services assurés ne nuira pas nécessairement à une prestation équitable, à condition que tous soient traités de la même façon.
Le problème des listes d'attente pour de nombreuses procédures médicales (sujet de conversations de tous les jours lorsqu'il est question de services de santé) n'aboutira pas nécessairement à un accès inéquitable , car il y a peu de preuves à ce jour que les membres des « populations insuffisamment servies » doivent attendre plus longtemps que les autres patients. Par contre, le public est d'avis que les cliniques « privées » (rémunération à l'acte) utilisées pour réduire les listes d'attente risquent sérieusement de restreindre l'accès équitable pour certains par l'introduction d'obstacles financiers pour des services assurés. En outre, les pénuries de médecins pour les soins primaires dans certaines régions risquent aussi d'avoir des répercussions; les recherches ont montré que les Canadiens qui n'ont pas de médecin de famille sont moins susceptibles de recevoir des soins primaires ou spécialisés (Dunlop et coll., 2000). Si les pénuries de médecins ont un effet démesuré sur les populations insuffisamment servies, ce pourrait être considéré comme un aspect inéquitable.
Bien que le problème appréciable de la prestation des services de santé dans les régions rurales et les régions éloignées ne soit pas l'objet du présent rapport, il faut reconnaître que le revenu tout comme l'appartenance à un groupe insuffisamment servi ont un lien, direct ou indirect, avec les obstacles géographiques. Un groupe vulnérable peut s'en trouver encore plus défavorisé.
La deuxième catégorie d'obstacles à l'accès est celle des obstacles financiers. Autrement dit
- un service est disponible, mais il en coûte quelque chose pour s'en servir
Cette catégorie se subdivise comme suit : a) obstacles financiers explicites aux services de santé assurés, b) obstacles financiers explicites aux services non assurés et c) autres frais associés à l'accès.
On s'inquiète de plus en plus que le système de santé universel soit en train de s'affaiblir. L'apparition de cliniques privées pour certaines procédures médicales dans certaines provinces a également suscité des préoccupations sérieuses parce qu'elle est vue comme signe avant-coureur d'un système à deux vitesses. Les gagne-petit bénéficieront de moins d'options dans ce genre de système et les populations insuffisamment servies sont représentées de façon disproportionnée dans les groupes gravitant au bas de l'échelle socio-économique.
Il ne fait presque aucun doute que les obstacles financiers aux services assurés ont été supprimés au Canada, mais il y a une disparité grandissante relativement à l'accès aux services non assurés . De nombreux Canadiens à revenu faible ou modéré n'ont que peu ou pas d'accès aux services de correction de la vue, de dentiste, de counseling en santé mentale et aux médicaments d'ordonnance (Comité consultatif fédéral- provincial-territorial sur la santé de la population,
1999). Les groupes insuffisamment servis pourraient avoir de la difficulté à payer les coûts indirects de l'utilisation des soins de santé. Il s'agit notamment de la garde d'enfants, du transport et des congés non payés pour les rendez-vous médicaux. Certains groupes sont plus susceptibles d'être confrontés à ces obstacles et, bien qu'il ne soit pas possible de calculer ces frais indirects, il faut tenir compte des facteurs d'emplacement et d'heures d'ouverture pour assurer l'accessibilité.
Parce qu'on s'est surtout intéressé aux obstacles liés au revenu, les obstacles non financiers ont été négligés, c'est-à-dire ceux qui empêchent les gens de prendre un premier contact avec les services de santé (donc de se présenter pour une évaluation). Cette catégorie d'obstacles peut nuire à l'équité d'accès même si les fournisseurs se sont engagés à offrir un service équitable lorsque le besoin se présente.
- Un service est disponible, mais des difficultés linguistiques, des installations inaccessibles ou d'autres obstacles font en sorte que la personne est incapable de se présenter pour obtenir un service;
- les utilisateurs éventuels ne sont pas toujours au courant de la disponibilité d'un service, de leur droit au service ou de la manière d'accéder au service (manque d'information);
- une personne ne demande pas de service, même si elle en connaît l'existence, parce qu'elle n'en est pas consciente de son importance ou en doute (obstacle culturel ou éducationnel);
- malgré la disponibilité générale des services, certaines pratiques en découragent l'utilisation par certaines populations.
Cette catégorie d'obstacles influe beaucoup sur la mesure dans laquelle les gens sont au courant des programmes préventifs et de promotion de la santé et y participent. La diffusion d'information en matière de prévention a une portée beaucoup plus grande que celle des soins médicaux et elle comprend l'information véhiculée par les médias et les activités communautaires. Les obstacles linguistiques et culturels, de même qu'un faible taux d'alphabétisation, sont non seulement associés à une participation réduite aux programmes de prévention, mais aussi à l'ignorance des risques, des modifications du mode de vie, des signes d'avertissement de maladies et des bénéfices du dépistage. À cause des obstacles à la présentation du besoin, l'utilisation des services intervient pour des cas aigus par opposition à des soins réguliers ou préventifs.
Même si des personnes se présentent pour des soins, elles peuvent être confrontées à des obstacles au traitement équitable.
- Un problème de communication ou de nature culturelle peut engendrer un mauvais diagnostic ou un traitement qui n'est pas approprié;
- les droits de confidentialité et de consentement éclairé ne sont pas protégés;
- on dissuade certaines populations d'utiliser les services, ou on les leur refuse;
- des traitements différents sont parfois prescrits selon l'appartenance à un certain groupe;
- l'interaction entre le fournisseur et le patient peut différer selon l'appartenance à un certain groupe;
- certaines politiques ne tiennent pas compte des besoins de populations particulières;
- la conception de certains programmes peut avoir pour conséquence que des groupes sont mieux servis que d'autres;
- on possède moins de connaissances sur les affections ou l'efficacité des traitements pour certains groupes.
Chacun des obstacles pourrait nuire sérieusement à l'équité d'accès aux soins. La communication est un élément essentiel des services de santé. Les situations les plus dramatiques se produisent lorsque le patient ne parle pas la langue des intervenants. Faute de communication adéquate, il y a plus de risques qu'il y ait « des erreurs de communication, de diagnostic, de traitement, ainsi que moins de compréhension et d'observance de la part du patient, une plus grande inefficacité clinique et une grande incidence d'insatisfaction du fournisseur et du patient, de blessures passibles de poursuite judiciaire et de décès » (Office of Minority Health, 1999). Une communication inadéquate fait abstraction de la négociation d'un consentement éclairé et présente donc des risques tant pour le patient que pour le fournisseur (Tang, 1999; Kaufert et Putsch, 1997; Stevens, 1993b). Des erreurs de communication résultent également de différences culturelles.
Il est possible aussi que les membres de populations insuffisamment servies se fassent prescrire des traitements différents, selon leur appartenance à une population spécifique. Même si en principe le niveau technique de service est « égal », l'attitude et le comportement de certains fournisseurs compromettent la qualité des soins. Ces obstacles pourraient être qualifiés de racisme, d'ethnocentrisme, d'homophobie ou de discrimination fondée sur la capacité physique, ce que les fournisseurs de services appellent un manque de « compétence culturelle ». La confiance dans la relation fournisseur-client a été analysée à fond (Kaufert et O'Neil, 1998), tout comme les questions de communication (Stewart, 1995). Une mauvaise communication et un manque de confiance ont été associés à une baisse de satisfaction du client, à une observance diminuée, à une utilisation subséquente des services de santé et à des résultats moins favorables. On peut donc s'attendre à ce que la discrimination mène à un bilan de santé plus négatif.
Dans certains cas, les politiques ne rejoignent pas les besoins des clients ou créent des conditions qui diminuent la qualité des services. L'absence de politiques peut avoir le même impact qu'une politique qui n'est pas appropriée. Par exemple, lorsqu'on n'utilise pas d'interprètes professionnels, on nie au patient son droit de consentement éclairé.
Il y a deux autres aspects de l'accès qui sont plus complexes et plus difficiles à aborder, à savoir la manière dont les services sont structurés et les connaissances qui sous-tendent les évaluations et les traitements. La structure des services et la priorité accordée à divers types de services sont le reflet de l'évolution du système de santé, de même que des croyances et des préférences des administrateurs et des décideurs actuels. Les membres des groupes insuffisamment servis ont toujours été sous-représentés dans ces domaines; c'est pourquoi leurs besoins, intérêts et priorités sont parfois négligés. Les obstacles découlant de ces caractéristiques inhérentes à la prestation des services (souvent désignées comme « manque de services appropriés ») donnent lieu à des programmes et services qui ne satisfont pas aux besoins de certaines populations. Il s'agit d'éléments aussi variés que :
- bureaux ouverts de 9h à 17h;
- milieu intimidant ou froid;
- pratiques de routine qui ne sont pas acceptables à une population;
- installations physiquement inaccessibles;
- ignorance de certaines expériences, croyances, exigences ou préférences;
- manque de services d'interprétation;
- le fait de ne pas offrir des services jugés essentiels par le client (i.e. cérémonie des herbes sacrées, nourriture acceptable sur le plan culturel).
On a aussi documenté le fait que les minorités ethniques et linguistiques n'ont pas été bien représentées dans les recherches en matière de santé, qu'il s'agisse d'enquêtes sur la santé de la population ou d'essais cliniques (Cotton, 1990; Frayne et coll., 1996; Roberson, 1994; Anderson, 1993). Même si nous savons qu'il peut y avoir des différences appréciables entre les populations pour ce qui touche aux maladies, à la prévalence des états de santé et aux réactions aux traitements (Harrison, 1994; Seth et coll., 1999), si les populations ne sont pas toutes représentées dans les recherches, l'information sur laquelle s'appuient les professionnels de la santé risque d'être incomplète.
Ce cadre montre donc qu'ilyaun certain nombre d'obstacles pour les populations insuffisamment servies par les services de santé. Beaucoup de personnes se butent à ces barrières parce qu'elles font partie de plus d'un groupe insuffisamment servi. Malgré la lutte contre la pauvreté, on ne s'attaque pas à tous les types d'obstacles (géographiques, linguistiques, culturels ou discriminatoires) auxquels font face différents groupes ni à leur exclusion des processus de recherche et de planification.
Partie 3 : Quantification des populations et des besoins
Recherches sur l'accès pour les populations insuffisamment servies
Introduction
Pour comprendre l'importance de tout problème relatif à la répartition des services et leur accès, il faut pouvoir déterminer :
- la taille de la population définie risquant d'avoir des difficultés d'accès;
- l'état de santé de la population définie;
- le type et la prévalence des difficultés d'accès éprouvées par cette population.
Le projet Metropolis (Santé Canada, 1998), dans le cadre de l'établissement des priorités des domaines de recherche, a cerné certaines questions précises concernant l'accès. Bien que ce projet porte surtout sur les immigrants et la santé, les questions suivantes s'appliquent aussi bien à d'autres populations :
Lorsque les concepts manquent de clarté
- L'accès aux services de santé de toutes sortes est-il moindre pour les immigrants (ou les populations insuffisamment servies) que pour les natifs (ou la population en général)?
- Si l'accès est moins bon, pour quelle raison?
- Des facteurs de racisme et d'autres formes de discrimination interviennent-ils?
- Les services adaptés à la culture produisent-ils de meilleurs résultats au chapitre de la santé?
- Que devraient être les droits des immigrants (ou des groupes insuffisamment servis) aux services?
La première étude documentaire entreprise pour le présent rapport a révélé que peu de recherches ont été réalisées au Canada sur les questions d'accès, bien qu'on en sache beaucoup plus sur l'état de santé des diverses populations. Un dépouillement dans la région de l'Atlantique a produit des résultats similaires (Sharif et coll., 2000).
Les observations suivantes ont été faites après le premier dépouillement:
- les consultations et les enquêtes communautaires ont fait ressortir que de nombreuses populations sont moins bien servies par le système de santé. Cette situation est attribuée aux difficultés de langue, aux différences culturelles mal comprises ou à la discrimination (racisme ou autre);
- peu de recherches universitaires ont porté sur les questions d'accès, pour l'une ou l'autre des populations identifiées. La question de l'accès apparaît souvent comme un corollaire de la recherche sur d'autres sujets (comme l'état de santé) ou elle est proposée comme une explication des différences d'utilisation ou de comportement au chapitre de la santé;
- le concept d'accès est mal défini. Les chercheurs se basent fréquemment sur l'utilisation pour mesurer l'accès. On discutera un peu plus loin des limites de cette approche;
- le concept des obstacles demeure vague et on en parle en général comme d'« obstacles culturels »;
- l'appartenance à la population insuffisamment servie à l'étude est aussi vague, ce qui complique toute mesure démographique;
- peu de liens ont été établis entre les difficultés d'accès éprouvées par les populations insuffisamment servies;
- faute de termes et de concepts bien définis, et à cause des limites actuelles de la saisie des données, l'utilité des enquêtes sur la santé de la population et des bases de données est très limitée pour l'étude des questions d'accès.
Lorsque les concepts manquent de clarté et que les recherches sont peu nombreuses, il est difficile de déterminer quels types d'obstacles à l'accès doivent être surmontés par différentes populations, quelle est leur prévalence ou quelle en est l'incidence sur l'accès aux services de santé.
Applicabilité des recherches d'autres pays
Vu la rareté des recherches au Canada en la matière, il est utile d'examiner les recherches faites à l'étranger. Il faut cependant prendre garde de généraliser ces recherches dans le contexte canadien. Par exemple, toute recherche sur les problèmes d'accès dans les pays qui n'ont pas d'assurance-santé universelle sera empreinte des obstacles financiers que bien des gens doivent surmonter dans le système de santé. Même si des différences raciales, ethniques ou culturelles ont été observées lorsque certains facteurs tels que l'assurance est contrôlée (Mayberry et coll., 1999), il faut tout de même être judicieux, car le caractère social de l'assurance-santé universelle du Canada est très différent des principes d'équité actuarielle des assurances privées (Stone, 1993). Le contexte culturel, historique et législatif de la prestation des services peut aussi limiter la pertinence des recherches. Il peut y avoir des différences importantes dans les caractéristiques démographiques et les droits des populations « minoritaires » des autres pays. Ainsi, bien que le Canada compte des immigrants d'Amérique latine, dans bien des centres aux États-Unis où des recherches ont été effectuées sur les besoins sanitaires des Hispaniques, ces derniers représentent un pourcentage élevé de la population et ils ont obtenu plus de droits et d'accès aux services. C'est rarement ce qui se produit pour les groupes minoritaires au Canada.
Bien qu'il soit contre-indiqué d'appliquer les éléments d'information relatifs aux iniquités du système de santé d'un pays à un autre, il n'en est pas de même pour l'examen des effets de ces iniquités. Les effets des difficultés linguistiques ou d'un faible niveau de scolarisation sur la participation notamment aux programmes de prévention semblent être similaires.
Taille des populations insuffisamment servies
Il a été difficile de mesurer la taille des populations pour tous les groupes. La difficulté d'estimer la proportion des personnes ayant une orientation sexuelle différente de la norme tient au manque de recherches (particulièrement les transgenderistes bispirituels, et les gais et lesbiennes des communautés autochtones et ethniques minoritaires), au manque de clarté conceptuelle, aux limites de l'échantillonnage, à l'« invisibilité » de la population et à l'autodéfinition (Ryan et coll., 2000).
Bien que les Indiens inscrits soient nettement définis, on obtient des estimations différentes pour les peuples autochtones selon la définition employée, et les modifications récemment apportées aux questions du recensement ont amené plus de personnes à déclarer leur racines autochtones. Les chiffres sont aussi influencés par la mesure dans laquelle une personne est disposée à s'identifier comme Autochtone.
En outre, les estimations démographiques de personnes handicapées sont influencées par la définition du terme « handicapé » qui est retenue.
Il est possible d'obtenir le nombre annuel exact d'immigrants arrivant au Canada, par année, pays d'origine, âge, sexe et catégorie d'immigrant, mais il n'est pas si facile d'estimer les populations de groupes d'immigrants précis par province ou ville, car la population totale peut changer pour cause de migration ou de naissances/décès dans chaque groupe. De plus, les données publiques disponibles sur l'accès (enquête sur la santé de la population, par ex.) ne font pas toujours de distinction entre les immigrants de différentes régions du monde, du moins d'une façon qui soit utile.
Mesure de l'accès
Une bonne partie des recherches visant à mesurer, plutôt qu'à décrire, l'accès des populations insuffisamment servies, est basée sur l'utilisation. Il est dangereux d'assimiler accès et utilisation, car les différences d'utilisation ne se traduisent pas toujours par des difficultés d'accès. Si un groupe par exemple (immigrants ou Autochtones), présente un niveau similaire d'utilisation à l'ensemble de la population canadienne, on peut déduire que cette population :
- a un état de santé équivalent à celui de la population en général et utilise les services de santé de manière semblable;
- est en meilleure santé que la population en général, mais utilise les services plus qu'elle ne devrait selon ses besoins ;
- est plus malade que la population, mais utilise moins les services à cause des obstacles à l'accès;
- utilise les services différemment (par exemple, utilise moins de services de prévention et plus de services pour maladies aiguës);
- est en moins bonne santé que la population en général, mais compte sur des ressources à l'extérieur du système de santé.
Selon la taille et la diversité de la population mesurée, on risque de masquer certaines habitudes d'utilisation au sein de la population si on compte sur les mesures d'utilisation. Par exemple, certains groupes ethniques utilisent beaucoup plus de services et d'autres beaucoup moins que la population en général à cause des différences d'accès; il en résulterait des taux équivalents à ceux de la population en général pour la population totale d'immigrants et d'Autochtones. L'utilisation peut varier selon le type d'obstacles à l'accès.
- Il existe d'autres limites si on se sert des données d'utilisation pour mesurer l'accès :
- on ignore si l'utilisation est optimale et on ne peut que comparer les taux d'utilisation entre groupes;
- beaucoup de données d'utilisation sont basées sur les services d'hospitalisation; elles ne permettent pas de savoir si les services de prévention et communautaires ont été utilisés. Il s'agit là d'une préoccupation particulière, car les auteurs ont indiqué que les écueils les plus importants tiendraient à l'accès aux programmes de prévention et de promotion de la santé;
- l'accès à divers services se fait par différents chemins, ce qui indique l'effet de différents facteurs. Le premier contact pour des soins primaires est habituellement pris par le patient, mais la majeure partie de l'utilisation est déterminée par les médecins (visites de rappel, ordonnances, consultation d'un spécialiste, hospitalisation);
l'utilisation est influencée par la disponibilité et l'accessibilité des fournisseurs de soins de santé, qui peuvent varier entre populations. En se fondant sur les données d'utilisation pour planifier les services, on risque de perpétuer des inégalités dans la répartition existante (Eyles et Birch, 1993) et de dissimuler d'importants problèmes d'accès.
On semble compter sur les données d'utilisation aux fins d'estimation de l'accès pour deux raisons. La documentation canadienne sur l'utilisation des services de santé par les différents groupes démographiques traduit de bien des façons la philosophie et les préoccupations de la loi portant le régime d'assurance-santé : garantir que les Canadiens, quel que soit leur revenu, aient accès à l'utilisation des services de santé. Historiquement, les recherches ont essentiellement mis l'accent sur le rapport entre le revenu et la santé; l'accès a été mesuré en examinant le rapport entre l'utilisation et le revenu. Toutefois, on peut dire que c'est seulement une façon de « mesurer l'information dont nous disposons ». Jusqu'à récemment, peu d'attention a été accordée aux différents types d'information requis pour la prise de décisions (Hutchinson et Abelson, 1996). On semble se fier aux données d'utilisation parce qu'elles figurent au nombre des rares types de données faciles à obtenir, sans se soucier de ce que représentent ces données. Alors, bien que les membres des populations insuffisamment servies emploient le terme « accès » pour décrire la disponibilité, la facilité de contact, l'adaptation aux besoins linguistiques et culturels et la satisfaction de savoir que des soins de qualité équivalents ont été reçus, beaucoup de chercheurs définissent simplement l'accès comme l'utilisation des services.
Définition des obstacles
Les enjeux relatifs à l'état de santé et à l'accès aux services de santé sont complexes et se recoupent pour les communautés insuffisamment servies Le plus souvent, la documentation ne fait pas de distinction claire entre les caractéristiques susceptibles de nuire à l'accès aux services de santé; on compare plutôt les groupes d'après l'ethnicité ou encore le statut d'Autochtone ou d'immigrant.
L'emploi du concept de l'ethnicité pour décrire ou expliquer les obstacles pose un problème parce qu'il est rarement défini et souvent basé sur l'hypothèse que les croyances culturelles traditionnelles en matière de santé nuisent à l'accès et à l'utilisation des services. Si on ne fait que mesurer les différences entre les groupes en se basant sur une certaine mesure d'ethnicité, sans la définir, on court certains risques. L'un d'eux est la tendance à expliquer le « problème d'accès » en termes d'incompétence culturelle individuelle, voire à blâmer les minorités pour ce qui est considéré comme une conséquence des
« croyances traditionnelles » ou de comportements « culturels » (Kaufert, 1990). Par conséquent, les chercheurs pourraient conclure que les patients minoritaires sont « désobéissants », méfiants ou craintifs (Orr et coll., 1990) ou encore « hésitants ». De nombreux stéréotypes de différences ethniques ne sont pas confirmés par des recherches objectives.
Le concept des obstacles culturels est lié au concept de l'ethnicité. On oublie souvent en parlant d'obstacles à l'accès pour les groupes ethniques de faire une distinction entre :
- les croyances culturelles, qui impliquent des priorités et pratiques sanitaires différentes, ou une confiance différente dans les traitements prescrits;
- un manque d'information sur les services disponibles, comment ils devraient être utilisés, les attentes des patients, ou la raison d'être de certaines pratiques de santé ou de certains traitements;
- les difficultés de langue ou de communication;
- le racisme ou l'ethnocentrisme au sein du système de santé et ses effets sur les habitudes d'utilisation, les traitements et les résultats;
- les différences au niveau des besoins ou l'efficacité des traitements prescrits en raison des risques différents de contracter certaines maladies, de la prévalence de certaines conditions ou des différences métaboliques dans un groupe ethnique (Harrison, 1994; Seth et coll., 1999).
L'interprétation des différences entre les groupes peut attribuer diverses « causes », tout dépendant de la définition d'ethnicité ou de l'obstacle qui est employée. Par exemple, une comparaison de différents groupes raciaux pourrait attribuer les différences au racisme systémique, alors qu'une comparaison des origines ethniques mettrait l'accent sur les obstacles posés par les « croyances culturelles ». Si on tient compte du statut d'immigrant ou du temps écoulé depuis l'arrivée au pays, on parlerait surtout d'« acculturation ». Il n'y a jamais eu de comparaison axée sur les difficultés d'accès liés à la langue (Bowen et Kaufert, 2000).
Les recherches récentes ont commencé à réfuter l'hypothèse que les « croyances culturelles » ou les différences culturelles causent le plus d'obstacles à l'accès, et on pointe du doigt davantage les difficultés de communication, les préjugés systémiques et le manque de souplesse dans la prestation des programmes (Waldram, 1990; Jenkins et coll., 1996; Naish et coll., 1994; Perez-Stable et coll., 1990). Puisque d'autres populations telles que les gais, les lesbiennes et les bisexuels signalent le même genre de difficultés à obtenir des soins satisfaisants dans le système de santé, nous sommes plus conscients des limites des explications formulées en termes de différences ethniques ou culturelles.
Au Canada, peu de données sont disponibles sur l'origine ethnique, qui suscite toujours une controverse. Le principal argument avancé pour s'opposer à ce genre de lien veut que l'ethnicité ne soit pas bien définie, qu'elle ne tienne pas compte de variables susceptibles d'être confusionnelles et qu'elle pourrait donc amener à tirer des conclusions erronées. Les différences attribuées à l'ethnicité pourraient résulter de facteurs liés au revenu ou à l'incapacité de communiquer dans une langue officielle (Robinson, 1998; Bowen et Kaufert, 2000). Si on trouvait des corrélations, elles ne nous diraient rien sur les mécanismes sous-jacents de causalité (O'Loughlin, 1999) et pourraient appeler l'attention sur les « différences culturelles » au lieu des barrières systémiques. Sauf que si on fait abstraction des identificateurs ethniques, on risque de restreindre l'utilité des données saisies de façon systématique pour l'étude des différences d'accès ou de la prévalence de maladies, aspects importants de la recherche dans une société multiculturelle. La corrélation faciliterait la surveillance des soins dispensés aux groupes insuffisamment servis, pour savoir s'il existe effectivement des différences de traitement basées sur l'ethnicité - ce qui ne semble pas avoir été étudié au Canada. Pour l'instant, les risques potentiels de corrélation semblent être éclipsés par les bénéfices potentiels, particulièrement à la lumière des définitions trop vagues. Il faut faire attention lorsqu'on utilise des identificateurs.
Prévalence des difficultés d'accès
Un dépouillement d'études canadiennes publiées et inédites n'a pas mis au jour beaucoup de recherches visant à mesurer la prévalence des difficultés d'accès éprouvées par une population. Bien que les enquêtes de recensement et sur la santé de la population fournissent des données sur la langue et l'ethnicité, à l'exception des mesures de « besoins insatisfaits », ces données n'ont pas encore été utilisées pour effectuer des estimations préliminaires du nombre de personnes confrontées à des obstacles à l'accès, ou de la forme que ces obstacles peuvent revêtir.
Les enquêtes comportent souvent des questions sur les services jugés nécessaires par le répondant lui-même. Il y a certaines limites à employer cette méthode. Outre celles qui sont inhérentes à la méthode (Eyles et Birch 1993), les différences entre les groupes ethniques ou culturels dans l'identification des problèmes de santé, les difficultés linguistiques et la méfiance ou la crainte quant à l'utilisation des réponses, peuvent toutes influencer le nombre de besoins insatisfaits identifiés (Anderson et coll., 1993; Stevens, 1993a). Pour mesurer les différences de perception des besoins insatisfaits, il faut se baser sur une idée commune de ce qui constitue un besoin insatisfait et des attentes sur ce que devrait fournir le système de santé. On a constaté que certains immigrants dont le statut socio-économique n'était pas élevé dans leur pays d'origine ont peu d'attentes en ce qui concerne le système de santé; ils étaient souvent incapables de payer pour des services et certains ont même été l'objet d'abus par le système (Bowen, 1999). Ces personnes sont très satisfaites des services au Canada et signalent peu de besoins insatisfaits et ce, même face à des difficultés de communication et des fournisseurs peu sensibles à leur culture. Les chercheurs s'attendaient au contraire (Dunn et Dyck, 1998), parce que les personnes à faible revenu sont généralement plus insatisfaites des services.
Limitations des recherches disponibles
À l'heure actuelle, la majeure partie des recherches sur les besoins, l'utilisation et les effets d'interventions, qui servent de fondement à la planification, compte sur l'analyse secondaire de vastes bases de données saisies pour d'autres fins, telles que les données sur les réclamations ou les enquêtes sur la santé de la population. Cette approche n'est pas très utile en ce moment pour évaluer les différences entre les groupes insuffisamment servis et la population en général parce les données propres à ces analyses ne sont pas recueillies régulièrement.
Au Canada, les systèmes provinciaux de réclamation consignent les données sur les consultations internes et externes des patients, les diagnostics, les services, la mortalité et la morbidité, de même que les codes et les informations sur les admissions et congés des établissements de santé. Certaines provinces consignent l'information sur les caractéristiques démographiques des utilisateurs du système de santé, dont l'âge, le sexe et l'adresse du domicile. Par contre (à l'exception des codes identifiant les peuples autochtones visés par un traité et les patients anglophones ou francophones), on ne dispose généralement pas de données sur la langue utilisée, l'identité ethnique ou le lieu d'origine.
Les enquêtes sur la santé de la population se heurtent à un certain nombre de limites dans l'évaluation de l'état de santé et de l'accès de certaines populations insuffisamment servies. La plupart des enquêtes excluent les personnes qui ne parlent pas l'anglais ni le français, groupe qui présente le plus de risques relativement aux difficultés d'accès (Woloshin, 1997). Il arrive souvent que les échantillons des collectivités des Premières nations soient insuffisants ou inexistants. En plus de ces facteurs, les petites enquêtes ne sont pas très utiles en raison de la sélection de l'échantillon et de l'impossibilité de contrôler d'autres variables confusionnelles. Les difficultés de communication, les points de vue culturels divergents concernant la santé et la maladie, de même que les préoccupations au sujet du but de l'enquête et du sens de certaines questions, influent souvent sur les réponses données.
Les évaluations de besoins communautaires pourraient apporter plus d'informations détaillées à l'échelle locale. Elles devraient être conçues de manière à éviter de produire un échantillon insuffisant en raison des problèmes de langue, de la mobilité et du petit nombre de membres dans certains groupes minoritaires. Les consultations communautaires constituent une méthode qualitative fréquemment employée pour connaître les besoins et les impressions sur les services. Elles sont utiles pour cerner les préoccupations et les difficultés d'accès, mais parce que la sélection des participants ne se fait pas systématiquement de façon aléatoire, il n'est pas toujours possible d'estimer la prévalence des préoccupations mentionnées. Néanmoins, le potentiel qu'offrent les méthodes qualitatives et descriptives pour définir les difficultés d'accès et élaborer des stratégies pour les mesurer n'a pas été étudié à fond, et les résultats n'ont pas été bien diffusés au sein du système de santé.
Sommaire
Au Canada, la plupart des recherches sur l'accès ont porté sur la variable du revenu. Même s'il est reconnu de façon générale que d'autres facteurs tels les obstacles liés à la langue et à la culture, le manque d'information et les services non appropriés ont une incidence sur l'accès, ces concepts n'ont pas été examinés globalement d'un oeil critique.
Les chercheurs ont conclu que les « minorités » ont généralement été exclues des études en matière de santé (Frayne et coll., 1996; Cotton, 1990;). Kinnon, dans une étude documentaire datant de 1999 sur les recherches traitant de l'immigration et de la santé au Canada, a fait ressortir le manque de recherches sur la prestation de services de santé aux immigrants; la plupart des travaux portaient sur les déterminants de la santé. Ryan et coll. (2000) a fait ressortir les lacunes des recherches et la perspective négative de nombreuses recherches sur la santé et l'orientation sexuelle. Certains auteurs ont noté l'absence de recherches sur les peuples autochtones, surtout hors-réserve (Wigmore et McCue 1991; Shah et Farkas; 1985; Association des infirmières et infirmiers du Canada, 1995) et les personnes handicapées.
Même lorsque des recherches ont été faites, elles n'ont pas toujours abordé des questions et des approches importantes pour les collectivités insuffisamment servies. Il appert que le manque de représentation des populations insuffisamment servies parmi les chercheurs et les décideurs contribue à la rareté des études et influence l'objet des recherches mêmes. Il va de soi que plus de recherches sont nécessaires, mais elles devront employer la méthodologie appropriée. Il faut s'attacher davantage à définir clairement les populations et les aspects de l'accès qu'il faut mesurer, ainsi qu'à trouver des définitions fonctionnelles et des méthodes qui conviennent aux questions de recherches et aux caractéristiques des collectivités à l'étude. Et il est essentiel de travailler en collaboration avec les populations visées pour assurer leur participation.
Partie 4 : Populations insuffisamment servies au Canada
Introduction
Il est dit dans l'introduction que divers groupes de la population sont potentiellement insuffisamment servis par le système de santé canadien. Ces groupes comprennent les peuples autochtones, les minorités de langue officielle, les personnes ayant une orientation sexuelle différente de la norme (gais, lesbiennes, bisexuels, bispirituels, transgenderistes et transsexuels), les immigrants, les réfugiés, les populations ethniques ou raciales diversifiées, les personnes handicapées, les sans-abri, les travailleurs du sexe ainsi que les groupes à faible revenu. Ces catégories ne sont pas exclusives. Une personne peut appartenir à plus d'une population insuffisamment servie et être confrontée à d'autres difficultés d'accès liées au statut socio-économique, au sexe ou au fait d'habiter une région géographique insuffisamment servie.
Cette partie du rapport donne un aperçu des insuffisances de services constatées au regard de ces populations. L'étude documentaire initiale visait plutôt à se débarrasser des aspects complexes qui souvent se recoupent, afin de pouvoir isoler les similitudes et les différences qui existent entre les services insuffisants. Ces dernières seront abordées selon les catégories suivantes :
- Peuples autochtones
- Immigrants et réfugiés
- Minorités visibles
- Minorités linguistiques
- Personnes ayant une orientation sexuelle différente de la norme
- Personnes handicapées
- Populations marginalisées
Dans chaque partie, les caractéristiques de chacune des populations et les informations disponibles sur leur état de santé seront résumées au moyen des rapports sommaires déjà rassemblés. Toutes les preuves d'obstacles à des soins équitables seront examinées dans le cadre proposé à la partie deux. Il sera surtout question des manières dont l'organisation et la prestation des services de santé peuvent entraîner des iniquités.
Peuples autochtones
Selon le recensement de 1996, quelque 3 p. 100 (soit 1,1 million) de Canadiens ont déclaré une ascendance autochtone : les deux tiers d'Amérindiens, le quart de Métis et environ 5 p. 100 d'Inuits. Plus de 600 000 sont des Indiens inscrits (Affaires indiennes et du Nord, 1999). On trouve un pourcentage plus élevé de peuples autochtones dans certaines provinces : ils représentent plus de 11 p. 100 de la population du Manitoba et de la Saskatchewan; environ les deux tiers de la population des Territoires du Nord-Ouest, et plus de 20 p. 100 de la population du Yukon (Statistique Canada, Le Quotidien, 13 janvier 1998).
La population autochtone est très hétérogène. Il y a 608 Premières nations comptant 52 nations ou groupes culturels parlant plus de 50 langues. En ce qui concerne les droits aux services, les peuples autochtones sont répartis en quatre groupes : Indiens inscrits, Indiens non inscrits, Inuits et Métis. Les Indiens inscrits sont servis différemment selon qu'ils habitent une réserve ou non.
La plupart des Autochtones (70 p. 100) vivent en dehors des réserves, mais moins de la moitié des Indiens inscrits se trouvent hors réserve (Affaires indiennes et du Nord, 1999). La population autochtone est très mobile, car il y fréquemment migration entre les zones urbaines et les réserves. Trois Autochtones sur 10 habitent des secteurs de recensement métropolitains et le quart dans d'autres secteurs urbains. Entre 1981 et 1991, la population autochtone urbaine a augmenté de 62 p. 100, comparativement à 11 p. 100 pour les autres Canadiens vivant en zone urbaine. La croissance démographique des centres urbains est attribuable tant à des augmentations naturelles (taux de natalité) qu'à la migration nette des zones rurales.
La population autochtone du Canada est plus jeune que la population en général, l'âge médian étant de 25,5 ans comparativement à un âge médian de 35,4 ans pour tous les Canadiens. Trente-cinq pour cent de la population a moins de 15 ans et le nombre de jeunes Autochtones (15-24) devrait augmenter de 26 p. 100 de 1996 à 2016. On prévoit que le groupe de 35-54 ans enregistrera une hausse de 41 p. 100 au cours de la même période (Statistique Canada, Le Quotidien, 13 janvier 1998).
De nombreux rapports et statistiques du gouvernement ont démontré qu'il existe un écart considérable entre les peuples autochtones et les autres Canadiens sur le plan de la santé. Pour presque chaque indicateur, les collectivités autochtones présentent un état de santé inférieur (Santé Canada, 1999; MacMillan et coll., 1996). La santé des Premières nations et des Inuits au Canada - un second diagnostic (Santé Canada, 1999) résume les recherches effectuées dans ce domaine; signalons qu'il y en a moins sur les peuples autochtones vivant hors réserve et les Indiens non inscrits. Voici quelques points saillants du rapport :
- la prévalence des principales maladies chroniques auto-déclarées est appréciablement plus élevée dans les collectivités autochtones que dans la population en général;
- les niveaux de maladies infectieuses sont également plus élevés;
- les blessures et empoisonnements sont les principales causes de décès dans la popu lation des Premières nations;
- l'alcoolisme et d'autres toxicomanies sont considérés comme un problème grave dans les collectivités autochtones;
- le suicide est estimé être de deux à sept fois plus fréquent chez eux que dans la population générale;
- la mortalité infantile est 3,5 fois plus élevée pour les Premières nations que pour la population générale;
- le taux de grossesse chez les jeunes adolescentes (moins de 15 ans) est 18 fois plus élevé dans les réserves que dans la population générale;
- l'espérance de vie pour les autochtones inscrits était sept ans de moins que pour l'ensemble de la population canadienne;
- trois-quarts des femmes autochtones ont déclaré avoir été victimes de violence familiale.
Beaucoup d'Autochtones ont aussi été exposés à d'autres risques pour la santé. Les collectivités des Premières nations courent plus de risques d'être contaminées par l'environnement en raison de leur diète largement constituée de poisson et de mammifères marins ainsi que de la pollution du Nord.
Une étude documentaire a indiqué que les peuples autochtones sont confrontés à d'importantes difficultés d'accès pour les quatre catégories énoncées dans le cadre conceptuel. Or, dans les faits, les difficultés varient beaucoup selon le lieu de résidence et le statut.
De nombreux membres des Premières nations vivent dans des régions éloignées où ilyapeu d'accès aux services de santé financés par les provinces. La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada est chargée de dispenser les soins primaires dans ces régions. Il peut s'agir des services d'un médecin (de passage ou travaillant par rotation la plupart du temps), d'infirmières ou de représentants de services sanitaires communautaires. Ces services, qui comprennent la prévention et la promotion de la santé, les traitements et les soins d'urgence, sont dispensés dans des centres de santé ou des postes de soins infirmiers ou dispensaires, dépendant de la taille de la collectivité. Les représentants sanitaires communautaires sont des travailleurs autochtones de la localité, dont la fonction première était d'assurer la traduction et la liaison. Ils sont devenus des éducateurs, des conseillers et des animateurs, quoique leur rôle ne soit pas encore tout à fait défini (Allen, 1993; Lavallee et coll., 1991). Des programmes particuliers en matière de toxicomanie, de sensibilisation et de prévention sur le SIDA et de santé environnementale ont été établis, de même que certains hôpitaux et maisons de soins.
À cause de l'isolement de nombreuses collectivités, la prestation des services de santé communautaires ne revêt pas toujours la même forme que ceux qui sont offerts aux autres citoyens; certains services ne sont pas disponibles du tout. Dans certaines régions, les services dispensés par la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits sont équivalents, voire supérieurs, aux services offerts dans des collectivités non autochtones aussi éloignées. Il s'agit de soins et de transport d'urgence, de programmes d'immunisation et d'activités de prévention. Cependant, près de la moitié des répondants aux enquêtes régionales sur la santé des Premières nations et des Inuits ne jouissent pas du même niveau de service que le reste du Canada (Assemblée des Premières nations, 2000a).
La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits n'est pas responsable des services de santé aux « Indiens non inscrits » ou des Autochtones vivant hors-réserve. Les Autochtones vivant hors-réserve (y compris les Autochtones non inscrits et les Métis) disposent des mêmes services de santé assurés que les autres résidents.
Les situations vécues où des difficultés financières font obstacle à la prestation de services de santé varient selon le statut (inscrit ou non inscrit) et selon qu'une tierce partie doive payer pour les services qui ne sont pas assurés, comme c'est le cas pour la plupart des autres Canadiens. Les Indiens inscrits et les Inuits sont admissibles aux Services de santé non assurés (SSNA), programme de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, qui procure des prestations supplémentaires aux Premières nations et aux Inuits admissibles qui ont besoin de services médicaux ou dentaires non couverts par les régimes provinciaux/territoriaux ou privés d'assurance-santé. Il s'agit des services dentaires, de correction de la vue et de produits pharmaceutiques, de fournitures médicales, de matériel et de transport, d'interventions d'urgence, de services de santé mentale et des primes d'assurance-santé en Alberta et en Colombie-Britannique. Les méthodes traditionnelles de guérison sont comprises dans certaines régions. Les services supplémentaires offerts par le truchement des SSNA font en sorte que les Indiens inscrits (qu'il vivent ou non dans une réserve) et les Inuits ont un plus grand accès à de nombreux services que les Autochtones non inscrits et les Métis (ou d'autres Canadiens qui n'ont pas d'assurance privée).
Comme les coûts des SSNA ont augmenté ces dernières années, il y eu des tiraillements entre le gouvernement fédéral et les Premières nations à cause des tentatives de plafonner le financement de ce programme. L'Assemblée des Premières nations estime que le gouvernement dépense moins d'argent pour les Autochtones par tête que pour les autres Canadiens, malgré leurs troubles de santé et leurs plus grands besoins à ce chapitre.
Des dépenses sont requises également à cause du manque de services locaux. De nombreux Autochtones sont obligés de parcourir des centaines, même des milliers de kilomètres pour obtenir des soins. Ils doivent parfois passer des semaines ou des mois loin de leur famille et de leur communauté, même pour des événements aussi naturels que l'accouchement.
Les peuples autochtones doivent parfois surmonter des obstacles non financiers, bien que l'expérience varie selon le lieu de résidence. Les membres des Premières nations dans les réserves ne sont pas aussi affectés par le manque de présentation du besoin grâce à la disponibilité de services communautaires et à la plus grande facilité de se prévaloir de services de prévention et de promotion de la santé dans leur langue par des personnes qui connaissent leur culture. Un gros problème pour les Autochtones qui migrent vers les centres urbains est de comprendre le fonctionnement du système et comment accéder aux services. Certains sont unilingues et éprouvent de la difficulté initialement à obtenir des services. La situation des Inuits est encore plus ardue, car nombre d'entre eux ne parlent ni l'anglais ni le français, et il existe moins d'organismes inuits en zone urbaine pour leur venir en aide. Pour obtenir certains services de santé, le patient doit produire une preuve de son statut d'Indien inscrit; les familles inuites ne savent pas toujours où aller chercher ces papiers ou un numéro d'identité (Association canadienne des infirmières et infirmiers, 1995).
Pour beaucoup d'Autochtones, une source de difficulté est de savoir qui est responsable de la couverture des soins de santé. Un facteur critique de l'accès initial est la méfiance et l'inconfort que ressentent beaucoup d'Autochtones à l'égard des services sanitaires et sociaux, selon leur expérience individuelle et collective. Certains vont jusqu'à éviter certains services parce qu'ils se sentent intimidés, craignent la discrimination ou doutent de l'équité des services (Aboriginal Health and Wellness Centre of Winnipeg, 1997; Association canadienne des infirmières et infirmiers, 1995).
Les populations autochtones participent moins aux programmes de prévention tels que le dépistage du cancer du côlon et les mammographies (Roos,1999; Calam et coll., 1992; Hislop et coll., 1996, Grunfeld, 1997; Deschamps et coll., 1992; Clarke et coll., 1998). Les facteurs contribuant vraisemblablement à ces faibles taux sont leur niveau d'alphabétisation et leur statut socio-économique plus bas, de même que la disponibilité limitée d'informations sur la promotion de la santé et les maladies qui soient adaptées à leur langue et leur culture.
Les peuples autochtones du Canada sont confrontés à des obstacles importants lorsqu'ils requièrent des traitements appropriés et équitables : si l'on se reporte au cadre élaboré dans la partie deux, on trouvera des difficultés signalées dans toutes les catégories.
La communication avec les fournisseurs de services demeure une barrière importante. À l'exception de certains hôpitaux dans de grands centres, il n'existe généralement pas de services d'interprétation en langues autochtones et les patients doivent utiliser des traducteurs improvisés (Kaufert et O'Neil, 1998). Une foule d'études ont fait ressortir les risques associés aux difficultés de communication (voir partie 4C, Minorités linguistiques).
Les peuples autochtones font fréquemment état du manque de respect et de compassion qu'on leur témoigne, de même que de racisme et de discrimination éhontés (Aboriginal Health and Wellness Centre of Winnipeg, 1997 Association canadienne des infirmières et infirmiers, 1995). Cette affirmation selon laquelle de nombreux fournisseurs ne comprennent pas et n'apprécient pas la culture, les traditions ou le vécu des Autochtones est appuyée par des études canadiennes récentes qui ont fait le constat que la plupart des professionnels de la santé étaient peu exposés aux aspects culturels durant leur formation (Flores et coll., 2000; Redwood-Campbell et coll., 1999).
De nombreux Autochtones (mais pas tous) ont un concept différent de la santé et de la guérison par rapport aux autres Canadiens. Le modèle « médical » et l'accent mis sur la thérapeutique curative et la santé du corps ne rejoignent pas la philosophie des Premières nations, qui est basée sur l'équilibre entre l'esprit, le corps, l'âme et l'émotion, ainsi que sur l'harmonie entre l'humain et la nature (Favel-King, 1993). Certains peuples autochtones assoient leurs croyances sur un modèle holistique traditionnel de santé et souhaiteraient incorporer les méthodes de guérison traditionnelles comme la roue médicinale, le port des peintures traditionnelles ou l'étuve aux traitements. Il y a toutefois peu de sensibilisation et les méthodes traditionnelles sont rarement disponibles; il existe même des règlements qui interdisent certaines pratiques (comme le port de peintures traditionnelles dans les hôpitaux). Il faudrait pouvoir offrir des services incorporant ces coutumes et les peuples autochtones devraient pouvoir contrôler la conception et l'administration des services de santé dans leur communauté.
Il faudrait prendre garde d'accorder trop d'importance aux différences culturelles comme quoi elles entraveraient l'accès à la santé. Il est évident que beaucoup de préoccupations ont été exprimées par les membres de ces collectivités quant à la manière dont ils sont traités par le système de santé, mais il n'est pas si certain que les croyances culturelles soient des entraves si redoutables. L'attention donnée aux « différences culturelles » risque d'attribuer les difficultés à une collectivité plutôt qu'à la manière dont les services de santé sont dispensés et aux préjugés des fournisseurs. Les caractéristiques résultant de la pauvreté ou d'autres facteurs seraient ainsi imputées à la « culture ».
Les obstacles rencontrés dans cette catégorie varient selon le lieu de résidence et l'état d'avancement des transferts de services de santé dans une Première nation. Certains témoignages portent à croire que les collectivités auxquelles les services ont été transférés, ou qui sont en voie d'en recevoir la responsabilité, ont un degré de satisfaction plus élevé (Assemblée des Premières nations, 2000a; Shibogoma Evaluation Committee, 1999). Il va de soi que l'objet du transfert est de faire en sorte que les services de santé soient plus appropriés et deviennent la responsabilité de la collectivité. Gregory et coll. (1992) toutefois, dans leur évaluation d'une collectivité des Premières nations, ont conclu que cette politique ne s'attaque pas vraiment aux conditions socio-économiques sous-jacentes. Peu d'information sur le processus de transfert est à la disposition du public. De plus, la plupart des services de santé ne sont pas offerts aux peuples autochtones dans les réserves. Il arrive souvent que des Autochtones inscrits quittent la réserve pour vivre dans des zones rurales ou urbaines, ou sont forcés de se rendre dans de plus grands centres pour obtenir un traitement. Beaucoup d'Autochtones ne sont pas « inscrits » et on sait peu de choses sur leur état de santé et leurs besoins (Wigmore et McCue, 1991) en partie à cause de l'incapacité des systèmes actuels de saisie de données d'identifier les groupes autres que les « Indiens inscrits ».
Immigrants et réfugiés, minorités visibles, minorités linguistiques
Un certain nombre d'enjeux liés à l'« ethnicité » ont été résumés dans les parties précédentes. De nombreuses études sur la santé des immigrants ne font pas de distinction entre les différentes caractéristiques susceptibles d'entraver l'accès. Certains immigrants, par exemple, ont ou n'ont pas de croyances différentes de la population générale canadienne en matière de santé; parlent ou ne parlent pas couramment l'anglais ou le français, sont ou ne sont pas membres d'une minorité visible, ou appartiennent ou non à une population ayant plus de risques de contracter certaines maladies. Les facteurs se multiplient s'il s'agit d'un immigrant d'une minorité visible, par exemple, bien que différents facteurs puissent nuire à l'accès. Nous traiterons séparément dans cette partie des aspects relatifs au statut d'immigrant, des minorités visibles et de la connaissance d'une langue officielle, pour tenter d'élucider l'éventail de facteurs qui touchent parfois différemment les groupes ethnoculturels d'immigrants et de non-immigrants.
1. Immigrants et réfugiés
En 1996, 17 p. 100 (environ 5 millions) de la population du Canada étaient nés à l'extérieur du pays. Ce chiffre ne tient toutefois pas compte d'une diversité qui a des répercussions importantes pour les besoins et les services en matière de santé. Il englobe tous les résidents qui ne sont pas natifs du Canada, les nouveaux arrivants ou ceux qui vivent au Canada depuis des décennies, diverses catégories d'immigrants (réfugiés aussi), ceux qui parlent couramment l'anglais ou le français et ceux qui ne parlent ni l'un ni l'autre, les membres des professions libérales et ceux qui sont peu scolarisés et proviennent d'un milieu pauvre. Les immigrants proviennent de toutes les régions du monde et d'un grand nombre de groupes ethniques et culturels.
En 1997, quelque 190 000 immigrants sont venus au Canada. Au cours de la période quinquennale de 1995 à 1999, ils totalisaient plus d'un million (Citoyenneté et Immigration Canada, 2000). La majorité s'installe dans les grands centres urbains, surtout Toronto, Vancouver et Montréal, mais il existe beaucoup de plus petites populations de nouveaux arrivants dans la plupart des villes et des agglomérations du Canada.
Le changement quant aux pays d'émigration intervient au niveau de l'équité de la prestation des services de santé. Autrefois, la plupart des immigrants venaient d'Europe, du Commonwealth et des États-Unis; ces derniers temps, ils arrivent d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. Il y a donc beaucoup plus de chances qu'ils soient confrontés à des difficultés de langue et des différences culturelles. Et parce qu'il s'agit plus souvent de minorités visibles, ils sont nombreux à être accueillis différemment des immigrants d'Europe.
Les immigrants récemment arrivés au Canada sont en meilleure santé que les natifs du pays. Les immigrants, particulièrement ceux provenant des pays autres que l'Europe, semblent avoir une espérance de vie plus longue et plus d'années sans invalidité physique. On attribue cette situation à l'« effet de l'immigrant bien portant » (les gens qui émigrent jouissent en général d'une bonne santé) et au programme de dépistage médical du Canada (Chen, Ng et Wilkins, 1996). Par contre, plus ils vivent longtemps au Canada, plus leur état de santé rejoint celui de leurs compatriotes.
Les immigrants sont plus jeunes que la population générale, mieux instruits et moins susceptibles d'être atteints de maladies chroniques ou d'invalidités (Chen, Ng, and Wilkins, 1996). En outre, de nombreux groupes affichent moins de mauvaises habitudes comme le tabagisme et la consommation d'alcool. Toutefois, certains d'entre eux présentent plus de risques de maladies infectieuses telles que l'hépatite et la tuberculose, auxquelles ils ont été exposés dans leur pays d'origine. Le revenu familial moyen est plus élevé parmi tous les immigrants que chez les natifs du Canada; les immigrants récents sont toutefois plus susceptibles d'être en chômage ou d'avoir un revenu faible, surtout s'ils font partie d'une minorité visible. Il existe une grande diversité entre les groupes d'immigrants et les réfugiés ont tendance à requérir plus de soins de santé que les autres immigrants.
Les nouveaux arrivants au Canada ne sont généralement pas confrontés à des obstacles concernant la disponibilité des services. La plupart sont admissibles à l'assurance-santé dès leur arrivée et, depuis plusieurs années, même les revendicateurs du statut de réfugié reçoivent les services d'urgence et de santé nécessaires aux termes du Programme fédéral de services de santé provisoires.
Comme de nombreux nouveaux arrivants gagnent moins d'argent que la population en général, ils se butent fréquemment à des difficultés financières en ce qui a trait aux services non assurés; par contre, les réfugiés sont admissibles à l'assistance sociale pendant qu'ils cherchent du travail; ils sont donc couverts par plusieurs régimes de services non assurés (services dentaires, produits pharmaceutiques ou correction de la vue). La santé dentaire préoccupe de nombreux immigrants mais ils ont le plus faible taux d'utilisation des services dentaires, même si l'état de leur dentition est inférieur à celui des autres Canadiens (Locker et coll., 1998). À cause du faible revenu de nombreux nouveaux immigrants, il est possible que les obstacles financiers aux services non assurés continuent d'exister encore longtemps. Les nouveaux arrivants, qui ne sont pas encore établis sur le marché du travail et jouissent moins de soutien social, sont aussi parfois confrontés aux difficultés associées aux coûts indirects de l'accès aux services de santé, à savoir la garde d'enfants et le transport. Comme beaucoup d'entre eux ont peu de sécurité d'emploi et d'avantages sociaux, le congé à prendre du travail pour les rendez-vous médicaux représente souvent un manque à gagner.
Les immigrants connaissent mal le système de santé canadien et ont parfois de la difficulté à comprendre comment il fonctionne, quels sont leurs droits aux services, le rôle des professionnels de la santé, les rendez-vous ou les attentes des fournisseurs (Wlodarczyk, 1998; Stevens, 1993).
D'autant plus que beaucoup d'entre eux ne parlent pas l'anglais ou le français couramment. Certaines initiatives ont bien été prises pour aider les nouveaux arrivants à s'orienter, le plus souvent par des agences d'aide aux immigrants, des organismes communautaires ou des membres de leur famille plutôt que par le système de santé, de sorte que la qualité et l'exactitude de l'orientation sont inégales.
Nous savons qu'au Canada et à l'étranger les immigrants n'utilisent pas suffisamment les programmes de prévention. Les études portant sur la participation aux programmes de dépistage du cancer (mammographie ou cancer du côlon) ont révélé que les immigrants récents utilisent moins ces services que la population générale (Sent et coll., 1998; Grunfeld, 1997). Les obstacles relatifs à l'information, à la culture et à la langue ont été proposés par les chercheurs comme des causes. Il y a eu peu de recherches sur ce que les groupes d'immigrants comprennent des principes de la promotion de la santé et de la prévention des maladies (Vissandjee et coll., 1998). Les éducateurs ont trouvé ardue la tâche de communiquer l'information appropriée et exacte sur le VIH et le SIDA dans les communautés d'immigrants (Lechky, 1997).
Comme il est dit dans la partie précédente, les différences culturelles ont été cernées comme un obstacle à l'accès des immigrants et réfugiés aux services de santé, mais cette notion n'est normalement pas définie par les membres de cette communauté ou par les intervenants. Ces « différences culturelles » (indéfinies, mais impliquant que les croyances et les coutumes du patient pourraient l'empêcher d'assimiler ou d'accepter les soins) se confondent aux difficultés de langue ou de communication (connaissance des services, attentes), à un vécu différent (traumatisme dû à la guerre) ou l'ethnocentrisme/ racisme de l'intervenant. Aucune recherche inductive n'a été réalisée pour déterminer quel aspect de l'expérience du nouvel arrivant et de l'interaction entre l'intervenant et le client posait les plus grandes difficultés. Toutefois, ceux qui travaillent pour des programmes d'aide aux immigrants et réfugiés ont signalé que tous ces facteurs interviennent. Le manque de connaissance des remèdes traditionnels a aussi été mentionné comme un obstacle.
Certaines recherches ont indiqué que les différences culturelles sont considérées comme un obstacle plus important pour les intervenants que pour les patients; ces derniers ont fait état de la communication et de la discrimination comme des enjeux plus considérables. Un sondage effectué auprès des patients et des intervenants a permis de constater que même si les deux groupes ont indiqué que la langue était une entrave, seuls les intervenants ont parlé des différences culturelles, et les patients se sont dits préoccupés davantage par le racisme (Chugh et coll., 1993). Dans une autre étude, les patients ne comprenaient pas toujours pourquoi les médecins les interrogeaient sur leur culture et certains trouvaient ces questions indiscrètes ou sans pertinence (Cave et coll., 1995). Une étude de jeunes familles d'immigrants a conclu en outre que les intervenants citaient davantage la compatibilité culturelle comme obstacle que les familles elles-mêmes (Gravel et Legault, 1996, résumé). Lors d'une tribune libre organisée récemment à Calgary sur la question des obstacles aux services de santé, les difficultés de langue, la compétence culturelle des intervenants et le manque de participation ou de consultation avec les communautés ethnoculturelles, ainsi que l'absence de recherches, ont été mentionnés comme des entraves importantes (Calgary Multicultural Health Care Initiative, 2000).
Certaines recherches sur l'accès des immigrants aux soins de santé ont analysé l'utilisation des services. Comparativement à la population en général, les immigrants utilisent moins ou autant les services de santé au cours de leur vie (Globerman, 1998; Wen et coll., 1996). Selon l'Enquête nationale sur la santé de la population, les taux d'hospitalisation des immigrants qui ne sont pas originaires d'Europe sont inférieurs à ceux des immigrants européens et des natifs du Canada (Chen, Wilkins et Ng, 1996). L'utilisation des services d'urgence était également inférieure (Wen et coll., 1996). Ces données présentent un problème cependant dans l'évaluation de l'accès, car on ne sait pas clairement si le besoin est moins grand ou s'il y a des obstacles redoutables.
L'un des besoins les plus criants est la santé mentale, surtout pour les réfugiés (Groupe canadien chargé d'étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés, 1988; Nyman, 1991). Dans l'ensemble, les immigrants utilisent moins les services de santé mentale que les natifs du pays, malgré les différences marquées entre les divers groupes d'immigrants (Groupe canadien chargé d'étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés, 1988). L'ignorance des séquelles de traumatismes, en plus des obstacles linguistiques et culturels, créent peut-être une situation où les intervenants n'offrent pas d'occasions de divulguer un traumatisme. La torture, le viol et les séquelles de la guerre ne sont généralement pas décelés par les intervenants qui, souvent, n'ont pas les aptitudes nécessaires pour déceler ces troubles et les traiter (McComas, 1997).
La dépendance usuelle envers les agences d'accueil et d'aide aux immigrants entrave également l'accès. Ces dernières procurent communément aux immigrants des services d'interprétation linguistique et culturelle afin qu'ils puissent avoir accès aux services de santé. Il a été observé que les immigrants nécessitant des services de santé mentale, de toxicomanie ou d'éducation sanitaire sont fréquemment renvoyés aux agences, même si les employés n'ont pas la formation nécessaire, parce que les services spécialisés s'estiment incapables de surmonter les problèmes linguistiques ou culturels (Canada, Stratégie canadienne antidrogue, 1996; Stevens, 1993). Il en a résulté deux niveaux de service fort différents : les professionnels servant la population anglophone et francophone et des travailleurs ou bénévoles sans formation pour les nouveaux arrivants.
Kinnon (1999) fait remarquer que la distinction entre les populations d'immigrants récents et d'immigrants établis a une importance critique au niveau de l'accès et il recommande que d'autres recherches soient faites pour étudier le manque d'accès et le besoin d'offrir des services appropriés. L'accès semble aussi être fonction de la taille et de l'« intégralité institutionnelle »Note de bas de page 3 des communautés d'immigrants (Baker, 1993). Les nouveaux arrivants qui débarquent dans des centres où il y a peu d'anciens compatriotes, surtout ceux qui s'établissent en zone rurale, éprouvent beaucoup plus de difficultés d'accès. Les probabilités sont plus élevées que des obstacles linguistiques et culturels se présentent et que le soutien social soit inadéquat.
2. Minorités visibles
Les études dépouillées regroupent fréquemment les difficultés d'accès aux services de santé pour les minorités visibles Note 4e bas 4e page 4 avec celles des communautés d'immigrants. Or, le tiers des personnes appartenant à une minorité visible vivant au Canada sont nées ici (Statistique Canada, Le Quotidien, 17 février 1998). Il importe de séparer les difficultés d'accès de cette population parce qu'elles sont plus susceptibles d'être liées à la discrimination systémique qu'à la langue ou au manque d'information. La statistique d'utilisation toutefois n'identifie généralement pas les minorités visibles.
En 1996, le Canada comptait 3,2 millions de personnes s'identifiant elles-mêmes comme minorité visible. Ces dernières constituent 11,2 p. 100 de la population totale du Canada, une hausse par rapport à 9,4 p. 100 en 1991 et 6,3 p. 100 en 1986. Les trois quarts vivaient en Ontario et en Colombie-Britannique, où ils représentent 16 p. 100 et 18 p. 100 de la population respectivement (Statistique Canada, Le Quotidien, 17 février 1998).
Les chercheurs canadiens ne se sont pas vraiment intéressés aux difficultés d'accès des minorités visibles. Dans les consultations communautaires, les groupes de minorités visibles ont souvent évoqué des actes de discrimination et de racisme (Sharif et coll., 2000), mais comme les participants ne sont habituellement pas choisis au hasard, leurs expériences ne sont pas nécessairement représentatives.
3. Minorités linguistiques
Quatre groupes sont confrontés à des difficultés d'accès en raison de leur langue : les Autochtones, les immigrants, les personnes sourdes et, tout dépendant du lieu de résidence, les personnes parlant l'une des langues officielles du Canada. Les recherches antérieures ont surtout porté sur les entraves causées par l'ethnie plutôt que par la capacité de s'exprimer dans la langue des intervenants de services (Bowen et Kaufert, 2000). La langue est souvent perçue comme un aspect de la culture, mais il pourrait y avoir des raisons de croire que la langue en soi (pas l'ethnicité ou les facteurs socio-économiques) expliquerait certaines différences sur les plans de la satisfaction, de l'utilisation et des résultats. Nous passerons brièvement en revue dans cette partie certains éléments qui entraveraient l'accès aux services de santé non pas à cause de l'ethnicité, de la culture ou de facteurs socio-économiques, mais de la langue.
Même après plusieurs années au Canada, certains immigrants ne s'expriment toujours pas bien en anglais ou en français, de sorte qu'ils sont incapables de se faire comprendre même pour des troubles de santé de base. La langue maternelle de 17 p. 100 des immigrants au Canada n'est ni l'anglais ni le français; 10 p. 100 parlent une autre langue le plus souvent à la maison. Lorsqu'ils arrivent au Canada, 42 p. 100 des immigrants ne parlent pas l'une ou l'autre langue officielle. Ilyaeuune augmentation depuis dix ans du pourcentage de la population qui ne parle aucune langue officielle (environ 2 p. 100) (Marmen et Corbell, 1999). Il s'agira le plus souvent de femmes ayant de jeunes enfants, de personnes âgées, de personnes peu scolarisées ou de personnes ayant souffert d'un événement traumatisant ou de troubles psychologiques (Stevens, 1993a). Ces mêmes groupes ont le plus grand besoin de services de santé (Kinnon, 1999).
De nombreux Autochtones, plus particulièrement les vieillards habitant des régions isolées, ont toujours de la difficulté à communiquer avec les intervenants. La langue maternelle d'un quart des peuples autochtones n'est pas l'anglais ou le français (Statistique Canada, Le Quotidien, 13 janvier 1998). À l'exception des Territoires et du Nunavut, les langues autochtones ne sont pas visées par la réglementation régissant l'accès dans les langues officielles. Par contre, les systèmes fédéraux d'administration et de prestation des services, tels que la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada, ont fourni des services d'interprétation aux intervenants des collectivités nordiques. Bien que de 80 à 90 p. 100 des Autochtones vivant dans les zones urbaines de l'est du Canada parlent un peu l'anglais, dans les villes de l'Ouest un pourcentage élevé des aînés et des jeunes ont de la difficulté à se faire comprendre lorsqu'ils utilisent le système de santé. Les besoins de la population autochtone urbaine n'ont pas été ciblés par la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits quant aux services d'interprétation fournis aux populations primaires, mais il existe des programmes dans les hôpitaux de Winnipeg, Brandon, Thompson et Regina pour ceux qui en ont besoin.
Il arrive aussi que les personnes parlant l'une des deux langues officielles du Canada soient confrontées aux mêmes difficultés d'accès que les populations autochtones et immigrantes, selon leur lieu de résidence.
La prestation de services d'interprétation en ASL (American Sign Language) aux personnes sourdes a emprunté un autre chemin: la promotion en vertu des droits des personnes handicapées. Ces droits sont énoncés plus clairement dans la Loi sur les droits de la personne et ont fait l'objet d'un plus grand nombre de poursuites judiciaires. Une décision récente de la Cour (Eldridge c. Colombie-Britannique) oblige les hôpitaux à procurer un service d'interprétation aux patients sourds (Stradiotto, 1998).
L'étude documentaire a produit peu de recherches canadiennes portant précisément sur les effets des obstacles linguistiques sur l'accès, quoique la langue soit reconnue comme un obstacle important par certains auteurs (O'Neil, Kaufert et Koolage, 1990).
Un premier dépouillement de la documentation internationale a fait ressortir plusieurs études sur la langue et les communautés immigrantes, mais peu sur l'accès en langues autochtones (Bowen et Kaufert, inédit). D'après les recherches, les obstacles linguistiques sont liés aux éléments suivants :
- utilisation des services (programmes de prévention ou de santé primaires, programme de dépistage du cancer, nombre de tests commandés, hospitalisations, utilisation de la salle d'urgence, recours aux spécialistes, temps du personnel, surveillance);
- résultats (erreur de diagnostic, problèmes signalés au sujet des soins, diminution des services, état de santé auto-déclaré, résultats inférieurs des traitements, différences entre les ordonnances, procédés effractifs, soins palliatifs);
- satisfaction du patient;
- « observance » du patient (compréhension des instructions à la sortie et des traitements prescrits, erreurs de médication et disposition à revenir);
- recherches sanitaires (exclusion des minorités linguistiques des recherches et des essais cliniques en matière de santé);
- connaissance des états de santé et des maladies.
On trouvera dans le rapport « Barrières linguistiques aux soins de santé » (Voir Partie II) une revue détaillée des recherches sur l'accès aux soins de santé en fonction de la langue et sur les conséquences pour les fournisseurs canadiens.
Malgré les recherches convaincantes qui ont décrit les conséquences négatives des obstacles linguistiques pour le soin des patients et les violations des droits de la personne qui pourraient en résulter, peu d'autorités ou d'établissements sanitaires ont mis en oeuvre des politiques exigeant qu'un service linguistique d'accès soit offert à tous les patients. Il existe en outre peu de programmes d'interprétation; la plupart du temps, la traduction se fait de manière ponctuelle, soit par un membre de la famille, un bénévole de la communauté ou un employé de l'agence ou de l'hôpital (banques linguistiques par ex.). Il peut être plus dangereux d'utiliser un interprète sans formation qu'aucun interprète du tout, car l'intervenant et le patient ont l'impression erronée que la communication est exacte (Office of Minority Health, 1999). D'autant plus que les intervenants pourraient être tenus responsables au civil parce qu'il n'y a aucune garantie de consentement éclairé ou que de graves erreurs de diagnostic ou de traitement ne seront pas commises (Tang, 1999, Kaufert et O'Neil, 1998; Stevens, 1993b).
Bien que les communautés d'Autochtones, d'immigrants et de sourds éprouvent des difficultés semblables dans leur communication avec les intervenants des services de santé, les défenseurs des droits et les fournisseurs de services linguistiques travaillent rarement ensemble. Il en est ainsi parce que le système de santé n'est généralement pas responsable de ce genre de service, qui est offert par différents groupes communautaires dont le mandat est plus général relativement aux services offerts à une population particulière. Aucune étude n'a été localisée concernant l'applicabilité des recherches sur un groupe linguistique à d'autres groupes. Le jugement dans l'affaire Eldridge dit ce qui suit :
« Les services d'interprétation ne devraient pas être considérés comme des services accessoires qui, à l'instar des services non médicaux tels le transport au bureau du médecin ou à l'hôpital, ne sont pas financés par le système public. L'efficacité de la communication est bien évidemment une partie intégrante de la prestation des services médicaux » (Eldridge c. Colombie-Britannique [Procureur général], 1997).
Le jugement cependant a été formulé pour bien préciser qu'il ne visait que l'interprétation destinée aux personnes sourdes. Même si les principes énoncés dans le jugement s'appliquent aussi aux langues minoritaires, la question est de savoir si cette décision viendra renforcer le droit aux services d'interprétation pour les autres populations parlant une langue minoritaire.
Les nouvelles recherches ont mis au jour la corrélation entre l'alphabétisation d'une part et l'état de santé et les résultats en matière de santé d'autre part (Perrin, 1998; Sarginson, 1997). Les taux d'alphabétisation faibles ont été associés à un bilan de santé inférieur, à des taux d'hospitalisation accrus et à une mauvaise compréhension de l'état de santé et des instructions données à la sortie de l'hôpital ou sur la médication (Baker, 1999). L'alphabétisation permet en outre de bénéficier de l'information sur la prévention des maladies et de la promotion de la santé (Sarginson, 1997).
L'alphabétisation est associée à un statut socio-économique inférieur parce que les personnes peu alphabétisées n'ont généralement pas beaucoup de scolarité et ne gagnent pas beaucoup d'argent. Les personnes qui ne parlent pas couramment l'anglais ou le français ont un niveau faible d'alphabétisation dans les langues officielles du Canada, quel que soit leur niveau d'études ou d'alphabétisation dans d'autres langues.
Orientation sexuelle différente de la norme
On emploie l'expression « orientation sexuelle différente de la norme » pour désigner les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles, bispirituelles Not5 d5 bas d5 pag5 5, transgenderistes et transsexuelles. Il est impossible de valider les estimations du pourcentage de gais et de lesbiennes dans la population (et les estimations continuent d'être contestées), mais les chiffres le plus souvent cités sont de 10 p. 100 des hommes et moins de 1 à 8 p. 100 des femmes respectivement (Ryan et coll., 2000).
Comme on trouve des personnes ayant une orientation sexuelle différente de la norme dans tous les secteurs de la société, ils ne risquent pas plus que les autres Canadiens d'avoir des troubles de santé liés à des facteurs socio-économiques. Il n'est pas évident non plus qu'il y aurait des maladies spécifiques à l'orientation sexuelle, bien que certaines pratiques personnelles puissent présenter des risques. L'intolérance et la discrimination augmentent les probabilités d'isolement social, de crimes motivés par la haine et de violence. C'est pourquoi l'incidence de dépression et de suicide serait plus élevée pour elles. Notamment, une étude réalisée à Calgary a conclu que les hommes homosexuels couraient 13 fois plus de risques de faire une tentative de suicide grave (Bagley et Tremblay, 1997, résumé). Les troubles de santé mentale, la toxicomanie et les comportements sexuels à risques élevés semblent également être attribuables à l'homophobie et à l'hétérosexisme de la société dans son ensemble (Ryan et coll., 2000).
Une étude documentaire récente (Ryan et coll., 2000) a conclu que les gais et les lesbiennes n'ont pas nécessairement des besoins physiques différents des autres. Toutefois, les besoins et les préoccupations d'ordre médical peuvent différer de ceux de la population hétérosexuelle (Moran, 1996). L'affirmation de son identité sexuelle a été cernée comme un aspect critique pour lequel il y a rarement de soutien. L'hétérosexisme et l'homophobie rencontrés dans la société en général et au sein des systèmes de santé et de services sociaux donnent lieu à certains besoins en santé mentale. Cette étude (Ryan et coll., 2000) a aussi montré qu'il y a peu de recherches ou d'informations dans la documentation sur l'état de santé et les difficultés d'accès des transgenderistes et des transsexuels.
Par rapport au cadre décrit dans la partie deux, les personnes ayant une orientation sexuelle différente de la norme ne sont pas confrontées à des entraves sur le plan de la disponibilité ou d'ordre financier aux services non assurés dans une mesure plus grande que la population générale. (Des personnes atteintes du VIH ou du SIDA se sont tout de même fait refuser des services dans certaines situations.) Les difficultés d'accès mentionnées dans la documentation ont presque toutes trait à la qualité équitable des services, bien qu'il existe aussi des problèmes quant à la présentation du besoin. Ces obstacles comprennent :
- préjugés et discrimination patents, ce qui ne procure pas de sentiment de sécurité dans le système de santé;
- atmosphère engendrant la méfiance et la crainte d'affirmer son identité sexuelle, ce qui gêne la communication avec les intervenants et amène les gens à éviter de se procurer des soins;
- manque de recherches sur les problèmes de santé des gais et lesbiennes, leur exclusion des recherches générales et leur participation aux recherches à contrecoeur;
- ignorance des intervenants des enjeux relatifs à l'orientation sexuelle et des besoins sanitaires des gais, lesbiennes et bisexuels.
Il ne fait pas de doute que la discrimination et l'homophobie affectent les personnes ayant une orientation sexuelle différente de la norme et que le système de santé doit assumer le blâme pour une part importante des actes discriminatoires. Ceci parce que, historiquement, la communauté médicale définissait comme « malades mentaux » les personnes ayant une orientation sexuelle différente de la norme. Jusqu'en 1973, l'homosexualité figurait comme un trouble psychiatrique dans le manuel des diagnostics et statistiques de l'American Psychiatric Association. On a signalé que certains intervenants de services de santé ont encore des préjugés hétérosexistes (Ryan et coll., 2000).
L'attitude des médecins, l'ignorance des enjeux et la rareté des intervenants sympathisants ont fait l'objet de plaintes au sujet des services médicaux. La divulgation de l'orientation sexuelle a été citée comme l'embûche la plus importante durant la consultation ou le traitement.
Outre les réactions hétérosexistes ou homophobes, les patients ont constaté que les intervenants des services sont peu au courant des problèmes d'orientation sexuelle et ont tendance à attribuer ces problèmes à la santé sexuelle. Les besoins sanitaires des gais sont reliés au VIH par exemple. Il peut y avoir des lacunes au niveau du dépistage du cancer du col ou des infections vaginales pour les lesbiennes (Moran, 1996). Les intervenants présument généralement que le client est hétorosexuel (Mathieson, 1998). Les politiques peuvent aussi être discriminatoires, telles que les visites limitées à la « famille immédiate » dans le cas des soins intensifs ou de la divulgation d'information sur le patient; ceci constitue une discrimination contre les partenaires du même sexe.
Certains groupes ressentent davantage les répercussions de ces obstacles que d'autres. Les personnes bispirituelles, les habitants des zones rurales et les minorités ethniques sont confrontés à des barrières encore plus redoutables à l'accès. Des problèmes bien particuliers ont été signalés par des gais et lesbiennes handicapés (Ryan et coll., 2000).
Personnes handicapées
En 1991, 4,2 millions de citoyens, soit 15,5 p. 100 de la population canadienne, ont déclaré un certain degré de limitation fonctionnelle (Le Quotidien, 1992; 13 oct. 13 1-4). L'Association canadienne pour la santé mentale estime qu'une personne sur trois sera atteinte d'une maladie mentale durant sa vie. Vu le vieillissement de la population et les progrès des sciences médicales, le pourcentage de Canadiens handicapés devrait augmenter et la plupart des gens souffriront d'une incapacité à un moment donné durant leur vie. La catégorie des personnes handicapées est très hétérogène; elle comporte des personnes de toutes les ethnies et cultures, et de toutes les orientations sexuelles. De plus, certaines personnes ont une ou plusieurs affections (problèmes de mobilité, déficit sensoriel, affaiblissement, perte de coordination ou incompréhension) qui posent des difficultés différentes d'accès aux services de santé.
Les niveaux de chômage et de pauvreté sont les plus élevés chez les personnes handicapées dans la société (Développement des ressources humaines Canada, 1999). En outre, elles sont moins scolarisées que la population en général.
Quarante-cinq pour cent des répondants à l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités dont l'invalidité était profonde, avaient huit ans ou moins de scolarité (Statistique Canada, 1992). Les obstacles physiques et l'attitude de la population physiquement apte contribuent quant à l'isolement social et au statut inférieur des personnes handicapées. Les risques de violence et d'abus sont plus élevés pour certaines personnes handicapées. Quant aux personnes atteintes d'une maladie mentale, elles semblent courir plus de risques d'usage de drogues par injection et d'infection par le VIH (Davis, 1998). Certains groupes insuffisamment servis présentent des taux d'invalidité plus élevés que la population générale; notamment, plus de 30 p. 100 des adultes autochtones ont déclaré une invalidité (Ng, 1996, Développement des ressources humaines Canada, 1998).
Les personnes handicapées ne peuvent pas être actives dans tous les aspects de la vie. Ilyaeuau cours des vingt dernières années un mouvement pour l'autonomie et l'égalité d'accès aux services, l'orientation étant axée non plus sur le soutien et la dépendance, mais sur la promotion de l'habilitation, sur le contrôle du consommateur, sur les options et les choix, et l'incitation à l'intégration et la participation (P. Hutchinson et coll., 2000).
Les obstacles aux services de santé sont aussi bien physiques que comportementaux, et ils varient selon le type de handicap.
Il arrive souvent que des personnes handicapées, particulièrement celles qui habitent une région rurale, ne disposent pas des services médicaux spécialisés ou de services de soutien dont ils auraient besoin pour être autonomes, ce qui les force à vivre loin de leur famille et de leur communauté (Peat, 1997; Wilson et coll., 1995). Les Autochtones en particulier sont à risque (Fricke, 1998). Le choix des intervenants est limité par l'emplacement, leur formation ou leur disposition à dispenser des services aux personnes handicapées (Milne et coll., 1995). Des difficultés financières peuvent aussi poser un obstacle important à cause du coût supplémentaire de services non assurés (transport, aides à la communication, etc.).
Des entraves à la présentation du besoin surviennent fréquemment, le plus souvent sur le plan physique. Bien que la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit de façon générale l'accessibilité pour les personnes handicapées, il n'existe pas de mécanisme d'application (à la différence de l'Americans with Disabilities Act aux États-Unis). Le transport jusqu'aux services de santé est aussi un gros problème, et les établissements eux-mêmes ne sont pas toujours accessibles.
L'isolement social, la faible alphabétisation ou des incapacités intellectuelles pourraient contribuer au peu de connaissances sur les services et l'accès. L'attitude à l'égard des personnes handicapées pourrait aussi empêcher l'accès à certains types d'information, sur la sexualité par exemple (Stevens et coll., 1996). Les personnes atteintes de déficits sensoriels ou intellectuels sont les plus susceptibles de se buter à des obstacles concernant les programmes et l'information sur la promotion de la santé et la prévention. Les programmes spécialisés sont rarement adaptés aux besoins des personnes handicapées.
Les personnes handicapées peuvent aussi éprouver des difficultés de toutes sortes à obtenir des soins de manière équitable. Une fois qu'elles sont à l'intérieur d'un établissement, il y a parfois d'autres obstacles matériels, à savoir des salles de toilette inaccessibles, l'absence d'espace dans les salles d'attente pour les personnes handicapées, une table d'examen inaccessible, l'absence d'information qui soit présentée au patient sous différentes formes (braille ou bande magnétique, par exemple), l'absence d'interprète ou de dispositif de télécommunications (ATS/ATM) pour les patients sourds et les contraintes du réseau de transport qui compliquent la prise de rendez-vous (Jones et Tamari, 1997).
Cependant, les pires difficultés sont d'ordre comportemental (Peat, 1997; Moore, 1997). Le système de santé a toujours défini le handicap comme une déficience physique individuelle et passé outre les dimensions sociales de l'invalidité. La problématique consiste à définir l'invalidité comme une déficience et à insister sur la réadaptation en tant que cure. Le mouvement lancé par des consommateurs handicapés a rejeté la notion qu'ils sont « malades » ou « déficients » et il encourage les personnes handicapées à prendre en charge leur propre vie et les soins qu'ils reçoivent.
Les personnes atteintes d'une maladie mentale sont confrontées à des problèmes particuliers de disponibilité des services de santé qui répondent à leurs besoins. Les patients et leur famille expriment souvent un plus grand besoin de services que les responsables de leur dossier (Calsaferri et Jongbloed, 1999). Beaucoup de personnes ayant reçu un diagnostic psychiatrique ne déclarent pas qu'elles utilisent les services de santé mentale (Parikh et coll., 1997). Les caractéristiques de la maladie les empêchent parfois de reconnaître leur état ou d'obtenir les services, et ceux dont le comportement est le plus turbulent risquent d'être perçus comme ayant des problèmes de comportement ou des démêlés avec la justice.
Les services de santé mentale ont fait l'objet de préoccupations particulières concernant l'accès équitable des groupes défavorisés. Les Autochtones, les immigrants et réfugiés ou les personnes autrement défavorisées font face à des obstacles bien particuliers lorsqu'ils ont besoin de services de santé mentale. L'évaluation et le traitement des troubles psychologiques et psychiatriques sont fortement influencés par les préjugés culturels tant de l'intervenant que du patient; et beaucoup de services sont dispensés verbalement, ce qui peut susciter une discrimination éventuelle contre les segments moins scolarisés de la société ou les personnes éprouvant des difficultés linguistiques ou culturelles.
Groupes marginalisés
Dans le présent rapport, nous avons défini les groupes marginalisés en raison de certains comportements ou caractéristiques et ceux que l'on juge particulièrement vulnérables comme incluant les sans-abri, les malades mentaux, les jeunes de la rue, les toxicomanes qui s'injectent de la drogue et les travailleurs du sexe.
Il s'agit assurément d'une catégorie hétéroclite dont les besoins sont très différents, mais il ne faut pas oublier qu'il y a aussi des similitudes quant aux difficultés d'accès aux services de santé et à la réaction éventuelle de ces derniers devant leurs besoins. Les groupes marginalisés se recoupent comme quoi certaines personnes présentent souvent des facteurs de risque multiples. Outre la pauvreté, bien des gens dans ces populations sont seuls et n'ont donc pas de soutien familial, et peu d'entre eux ont un emploi.
Les sans-abri sont sans doute les plus marginalisés chez les pauvres, et leur nombre est à la hausse. Les caractéristiques de la population indigente ont changé radicalement depuis dix ans. On y trouve plus de femmes, de jeunes, de jeunes physiquement aptes au travail mais sans compétences professionnelles, de fugueurs, d'ex-patients psychiatriques, de femmes et leurs enfants ayant fui la violence familiale, de familles et mères seules sur l'assistance sociale et de petits salariés. Bien que le nombre de sans-abri ait augmenté de façon générale ces derniers temps, les hausses les plus marquées sont dans les grands centres urbains où il y a une pénurie de logements à prix abordable.
L'état de santé de cette population est lamentable. Les sans-abri courent plus de risques d'accidents et de violence.
Les malades mentaux sont surreprésentés dans la population des sans-abri en raison de leur désinstitutionnalisation. La prévalence estimative des maladies mentales chez les sans-abri est de 30 à 50 p. 100. En outre, la maladie mentale est souvent assortie de toxicomanies.
Les Autochtones courent plus de risques de devenir indigents, non seulement à cause de la pauvreté mais en raison de leurs habitudes de migration entre la réserve et la ville, et de la discrimination dans le secteur du logement. Les centres d'hébergement et les autres organismes d'aide aux sans-abri ont une forte proportion de clients autochtones, soit une moyenne de 50 p. 100, pouvant grimper jusqu'à 90 p. 100 dans certaines régions (Beavis et coll., 1997).
Les sans-abri font face à toutes sortes d'obstacles dans le système de santé. Il y a fréquemment des problèmes de disponibilité des services. Comme beaucoup d'entre eux n'ont pas de carte d'assurance-santé provinciale, ils n'ont pas accès aux services auxquels ils ont droit; il est en outre difficile d'obtenir une carte sans papiers d'identité ou d'adresse fixe. Dans bien des cas, le service a été refusé parce que la personne n'était pas propre ou présentable (Ontario Medical Review, 1996). Un revenu faible et le peu de ressources sociales posent un problème quant à l'accès aux services non assurés.
Les sans-abri se butent à des obstacles relatifs à la présentation du besoin. Ils n'ont pas de moyens de transport, trouvent les services primaires froids et intimidants et tardent à obtenir des soins. Il arrive souvent qu'ils ignorent où aller chercher des soins, et bon nombre de ceux qui requièrent des services de santé mentale ne savent pas où s'adresser (Stuart et Arboleda, 2000). Les rapports montrent qu'ils n'utilisent pas suffisamment les services de prévention et qu'ils comptent surtout sur les services d'urgence. Ceci est attribuable à l'organisation des services et au fait que les salles d'urgence doivent s'occuper de tous ceux qui se présentent. La clochardise présente des problèmes sur le plan pratique en ce qui concerne le suivi ou la transmission des résultats de tests, l'entreposage sécuritaire des médicaments et le rétablissement du patient au foyer. Et malgré la prévalence des maladies mentales graves chez les sans-abri, peu de services de santé mentale sont mis à leur disposition.
Sommaire
Nous venons de résumer l'information relative à l'accès aux services de santé fournis par les chercheurs pour diverses populations insuffisamment servies. L'état de santé de ces populations et les obstacles auxquels elles sont confrontées varient énormément. Par contre, malgré cette variabilité, il y a une similitude remarquable entre un grand nombre de préoccupations et de difficultés exprimées. On peut en déduire que les solutions seraient tout aussi semblables. L'étude documentaire a fait ressortir les difficultés accrues des personnes qui appartiennent à plus d'une « population insuffisamment servie » et la nécessité d'apporter des solutions pour ces personnes.
Partie 5 : Réactions et solutions
Il sera question dans cette partie des réactions possibles aux problèmes que pose l'équité d'accès aux services par les populations insuffisamment servies. Ces réactions sont décrites sous trois rubriques : Recrutement et formation; Conception et prestation de programmes; Politiques et structure. Les avantages et les limites de chacune des réactions sont décrits brièvement et des exemples de programmes existants sont fournis.
Recrutement et formation
Le recrutement d'intervenants, de médecins surtout, a été la réaction la plus commune aux problèmes de l'offre de personnel médical dans les régions rurales et les régions éloignées. Deux stratégies dans cette catégorie peuvent être appliquées à la prestation de services aux populations insuffisamment servies : politiques de recrutement avant la prestation du service et initiatives après la formation.
Certains croient que l'accroissement du nombre de professionnels de la santé provenant des populations insuffisamment servies elles-mêmes commence à résoudre les problèmes de disponibilité des services et à surmonter les difficultés linguistiques et culturelles (Commission royale sur les peuples autochtones, 1996; Blair, 1994). D'autres pays ont connu des situations où des médecins de la communauté insuffisamment servie ont satisfait aux besoins d'un nombre disproportionné de patients de cette même communauté (Moy et Bartman, 1995). Les recherches laissent croire que de nombreux clients de populations « minoritaires » préféreraient un certain « jumelage » entre eux et les intervenants des services de santé, et on pense que ceci les mettrait plus en confiance et à l'aise (Ryan et coll., 2000; Saha et coll., 1999). En fait, un bassin plus vaste de professionnels de la santé parlant d'autres langues que l'anglais et le français diminuerait le besoin d'offrir des services d'interprétation.
Il pourrait y avoir d'autres avantages moins directs mais tout aussi importants. Conjuguée aux initiatives lancées au chapitre de la sensibilisation des intervenants (décrites un peu plus loin dans cette partie), une plus grande facilité d'accès à l'exercice des professions médicales par les populations insuffisamment servies elles-mêmes accroîtrait la compétence culturelle et sociale à l'intérieur de ces professions (Cappon et Watson, 1999).
Les approches de cette catégorie comprennent les politiques d'action positive pour la formation des professions de la santé et l'élaboration de programmes particuliers dans le but de faciliter l'accès à la formation médicale pour les membres de populations insuffisamment servies. La faisabilité de cette approche diffère selon la population.
On estime qu'il est prioritaire d'élaborer des stratégies pour accroître le nombre de professionnels de la santé autochtones; ilyapeu de professionnels, de chercheurs ou d'administrateurs autochtones dans le secteur de la santé. Le Forum national sur la santé (1997) a fait ressortir que si les peuples autochtones prennent en charge leur santé et leurs services sanitaires, ils devront s'engager dans la conception, l'établissement, la prestation et l'évaluation des services de leur communauté, et qu'il est nécessaire de former plus d'Autochtones pour le faire.
Bien qu'il ne fasse pas l'ombre d'un doute que la formation d'Autochtones dans les professions médicales par des initiatives spéciales est prioritaire, il n'est pas aussi évident qu'il soit important de faciliter l'accès aux programmes de formation professionnelle pour d'autres groupes insuffisamment servis. Par exemple, rien ne prouve au Canada qu'un professionnel de la santé d'un groupe d'immigrants satisferait mieux aux besoins d'accès d'une communauté ethnique qui n'est pas la sienne qu'un professionnel né au Canada. De l'avis de bien des personnes, il faudrait plutôt accroître la compétence culturelle de tous les intervenants. Dans une société multiculturelle, il est impérieux que les règles d'admission aux maisons d'enseignement soient impartiales et de supprimer tout obstacle à la représentation des groupes privés de droits (Cappon et Watson, 1999).
En général, les programmes d'accès qui préparent les candidats de différentes communautés à poser leur candidature aux programmes d'études (avec une aide financière supplémentaire, au besoin) sont plus susceptibles d'être acceptés que les initiatives d'action positive, qui suscitent certaines préoccupations d'ordre juridique et éthique. De nombreux immigrants de seconde génération au Canada s'inscrivent aux programmes de formation médicale et les professions de la santé se font de plus en plus le reflet de la population multiculturelle.
Les initiatives post-formation destinées aux populations insuffisamment servies ont trait au recrutement et à l'homologation des professionnels qui ont fait leurs études à l'étranger. L'homologation des diplômés médicaux étrangers, aussi appelés diplômés médicaux internationaux (DMI), en est un exemple. Les données de 1997 indiquent que 25,5 p. 100 des médecins actifs au Canada sont des DMI, dont 46 p. 100 des médecins de famille. Le tiers a étudié en Grande-Bretagne ou en Afrique du Sud (Buske, 1997).
Les avantages qu'offrent les DMI « sélectionnés » Note de bas de page 6 pour la prestation des services dans les régions rurales éloignées ne font plus de doute, bien que leur recrutement ait été critiqué comme une solution à court terme à un problème à long terme, qui risque parfois d'aggraver un problème de surplus d'effectifs (Barer et Stoddart, 1999). L'homologation des DMI immigrants/réfugiés pourrait aider à rectifier les problèmes d'offre régionaux. Certains s'inquiètent des « différences culturelles » entre les DMI et les populations rurales servies, qui pourraient engendrer de l'insatisfaction, mais aucune recherche n'a été localisée sur cet aspect.
Le plus grand avantage tient au potentiel de DMI non sélectionnés à augmenter l'accès pour les nouveaux arrivants au Canada. Il n'est pas rare que des immigrants dans des zones urbaines aient beaucoup de difficultés à obtenir des services de santé primaires qui soient accessibles sur les plans culturel et linguistique. Comme beaucoup de DMI sont eux-mêmes des immigrants ou réfugiés, ils partagent les mêmes langues et antécédents.
L'homologation des médecins immigrants ou réfugiés est controversée depuis des années. Il est extrêmement difficile pour ces médecins d'exercer leur profession, car ils doivent normalement avoir fait des études supérieures, et la plupart d'entre eux ne remplissent pas ces conditions (Barer et Stoddart, 1999).
De nombreux DMI perçoivent les difficultés d'accès à la profession comme discriminatoires à cause de leur pays d'origine (Mata, 1999; Goodley, 1992; Bowen et Simbandumwe, 1998). La majorité des médecins sélectionnés proviennent des pays du Commonwealth et d'Europe, alors que beaucoup de DMI immigrants ou réfugiés sont des minorités visibles. Lorsque l'accès d'un grand nombre de personnes d'une certaine ethnie est refusé dans une profession, les gens ont tendance à penser discrimination « institutionnelle », que ce soit ou non l'objet de la réglementation (Mata, 1999). Dans deux provinces, la commission des droits de la personne ont tranché en faveur de DMI qui alléguaient que les restrictions d'accès à la profession étaient discriminatoires.
Les DMI immigrants ou réfugiés semblent mal orientés quant aux attentes de nature culturelle et organisationnelle, aux derniers développements de la réforme du système de santé et à l'importance d'apprendre l'anglais et le français et des conditions d'homologation (Bowen et Simbandumwe, 1998).
Pour trouver une solution, tous les intervenants devront collaborer, à savoir les ministères provinciaux de la santé, les organismes d'homologation provinciaux, les organismes de reconnaissance professionnelle et les maisons d'enseignement. Il faudra à cette fin mettre au point des méthodes impartiales de présélection et d'évaluation, revoir les conditions d'homologation et de financement des composantes d'évaluation, de formation et de soutien afin que les DMI puissent se familiariser avec notre système et mettre leurs compétences à niveau (Andrew et Bates, 2000). Un appel a été lancé pour l'établissement de normes nationales et d'une approche nationale coordonnée (Barer et Stoddart, 1992; Nasmith, 2000).
En 1997, en réponse aux préoccupations relatives aux droits de la personne, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (CRMCC) a modifié sa politique concernant la reconnaissance professionnelle des spécialistes formés à l'étrange; en juillet 2000 il a mis sur pied un projet-pilote en vue de l'approbation des DMI spécialistes.
En juillet 2000, le gouvernement du Manitoba annonçait le lancement d'un nouveau plan facilitant l'homologation des DMI. L'initiative comporte un cours préparatoire pour les candidats aux examens d'homologation, un programme de perfectionnement, l'accès à une licence médicale conditionnelle et une aide financière pour le salaire et les dépenses (Lett, 18 juillet 2000). Ces deux initiatives sont récentes et on ne sait pas encore quelles seront les répercussions pour les DMI immigrants ou réfugiés désireux d'exercer la médecine au Canada.
Cette démarche a été faite en raison des besoins cernés par les organismes provinciaux d'homologation; on présume que les ministères ou autorités de la santé participeront. Le projet-pilote n'est pas basé sur le pays d'origine et s'adresse à tous les DMI qualifiés dans un autre pays, qui ont travaillé au moins cinq ans et ont réussi certains examens de qualification exigés par l'organisme provincial d'homologation. Sont également admissibles les DMI exerçant la profession actuellement au Canada ou qui font partie d'un programme d'évaluation clinique. Il comporte une période d'évaluation clinique de trois mois, après quoi il faut subir l'examen d'évaluation normalisé du CRMCC. Une fois ces étapes franchies avec succès et après cinq ans d'exercice de la profession sans problème (dont un programme vérifié de maintien de l'homologation), le médecin est admissible à l'homologation par le Collège royal. Comme il s'agit d'une nouvelle démarche, il n'y aura au départ que trois spécialités, à savoir l'obstétrique, l'anesthésie et la psychiatrie (Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, 2000).
Bien qu'il existe de nombreuses raisons pour supprimer les obstacles à l'homologation des DMI, on ne pense pas que cette initiative, à elle seule, aura des répercussions importantes quant aux difficultés d'accès pour les nouveaux arrivants. Il faut prendre garde de présumer que la prestation des services d'un médecin d'une communauté ethno-culturelle particulière résoudra tous les problèmes d'accès. Par exemple, de nombreuses villes canadiennes comptent beaucoup de petites communautés ethniques différentes. Il serait impossible d'avoir un médecin de chaque groupe ethnique ou linguistique pour dispenser tous les soins primaires.
Il y a une grande diversité au sein des groupes; un patient soigné par un médecin du même groupe « ethnique » ou linguistique peut en fait se méfier si leurs antécédents politiques, socio-économiques, religieux ou régionaux sont différents. Par ailleurs, ce genre de jumelage n'assurera pas toujours l'accès linguistique complet parce qu'il existe beaucoup de dialectes, des différences importantes au niveau des croyances sur la santé, et des coutumes liées au statut socio-économique ou à la région d'origine pourraient être omises.
L'accès aux médecins n'est qu'une composante des soins de santé. Un système de santé complet nécessite des contacts avec de nombreux intervenants de services médicaux (infirmières, éducateurs, techniciens en scintigraphie, dentistes, physiothérapeutes, psychologues, etc.). Cependant, jusqu'à présent le recrutement de professionnels de la santé a visé à résoudre les questions d'offre de main-d'oeuvre plutôt qu'à augmenter l'accès pour les groupes insuffisamment servis.
Il a été perturbant de constater dans l'étude documentaire l'impression qu'ont tous les groupes insuffisamment servis que les intervenants étaient souvent insensibles à leurs besoins, voire racistes, hétérosexistes ou homophobes. Des études canadiennes récentes ont confirmé que les cours de diversité culturelle sont à l'état embryonnaire au Canada et, vu notre société multiculturelle, qu'il existe de graves lacunes dans la formation.
On ne semble pas offrir suffisamment de formation culturelle. Deux études récentes ont examiné l'enseignement des cultures dans les écoles de médecine du Canada. Une étude effectuée par Flores et coll. (2000) a révélé que seulement 27 p. 100 des écoles canadiennes traitaient des questions autochtones et aucune n'avait de cours sur les aspects culturels. La plupart offraient entre une et trois conférences magistrales. Une autre étude sur l'exposition aux aspects sanitaires autochtones a montré qu'un seul programme parmi les 16 écoles de médecine du Canada avait couché des objectifs sur papier, et que dans la plupart des programmes les cours culturels étaient facultatifs (un jour ou un week-end le plus souvent) et ne faisaient pas partie du curriculum de base. Les auteurs ont conclu que, malgré les quelques efforts déployés, la plupart nécessitaient plus de connaissances et d'orientation. Certains se sont dits préoccupés de la nature ponctuelle de cette formation, généralement parlant (Redwood-Campbell et coll., 1999). Robb (1998) signale que seulement 9 p. 100 des écoles de médecine incluent la diversité culturelle dans le curriculum. Shah et coll. (1996) ont cerné trois grandes lacunes dans les universités canadiennes relativement à l'enseignement des réalités autochtones: l'absence de contenu autochtone dans le curriculum, l'absence de bons exemples dans le corps professoral et le nombre très bas d'inscriptions d'étudiants autochtones. Ils ont décrit le rôle joué par les internes invités à parler de la santé autochtone à l'université de Toronto, qui aident à faire tomber les barrières.
Le Canada semble accuser un retard par rapport à d'autres pays en ce qui concerne l'enseignement des valeurs culturelles (Flores et coll., 2000). Les questions relevant de la compétence culturelle ne sont pas facultatives dans une société multiculturelle: elles doivent faire partie du curriculum de base. Il faut aussi reconnaître qu'on peut prendre des approches très différentes pour l'enseignement des réalités culturelles. Certaines approches sont susceptibles de renforcer les stéréotypes et de rendre les services moins sensibles aux besoins (Carillo et coll., 1999; Stevens, 1993a). Le manque de connaissances dans les maisons d'enseignement présente un défi pour l'élaboration et la mise en oeuvre de bonnes stratégies pédagogiques. L'enseignement des aspects relatifs à l'orientation sexuelle (Robb, 1996) et à l'invalidité est aussi une composante essentielle de la formation culturelle.
Il faudra s'engager à inculquer les notions culturelles et à s'attaquer aux préjugés et à la discrimination dans les écoles si l'on veut vraiment assurer l'accès à tous les patients. Il semble que s'attaquer aux lacunes de la formation des professionnels de la santé offre plus de potentiel pour résoudre les problèmes d'accès des immigrants, des minorités visibles, des gais et lesbiennes, et des personnes handicapées, que de jumeler les patients avec des intervenants qui ont les mêmes « antécédents ». Il faut mettre l'accent sur tous les intervenants pour assurer les services de qualité adaptés à la population multiculturelle du Canada. Les bénéfices d'une « compétence culturelle » accrue vont au-delà des améliorations attendues dans le service direct à la clientèle. Une sensibilisation et des compétences améliorées des professionnels de la santé faciliteront la mise en oeuvre d'autres initiatives de service.
L'enseignement des réalités culturelles aux médecins et à d'autres professionnels de la santé qui travaillent déjà représente un défi encore plus grand. Le manque de recherches publiées sur les questions relatives à la diversité et aux difficultés d'accès des patients fait en sorte qu'on est peu conscient du besoin d'insister sur une sensibilisation continue dans ce domaine.
Il serait nécessaire en outre de réviser et de surveiller les critères de sélection et d'évaluation des candidats avant leur formation. À l'heure actuelle, aucun examen dans les écoles de médecine n'évalue l'engagement du candidat à la responsabilisation sociale (Cappon et Watson, 1999). Dans une société multiculturelle, il faut une ouverture d'esprit et des aptitudes pour travailler avec des patients de différentes cultures pour dispenser des soins avec efficacité.
Plusieurs commissions ont proposé la création et l'élargissement de certains rôles dans le but d'accroître l'efficacité des services de santé. Barer, Wood et Schneider (1999) parlent du potentiel qu'offrent les « extensions » du médecin (infirmières praticiennes, adjoints au médecin, par ex.) pour répondre à la demande d'effectifs dans les régions rurales et les régions éloignées. Ces fonctions permettraient aussi d'améliorer les soins aux populations insuffisamment servies. Il n'est pas nécessaire que tous les services de santé soient dispensés par un médecin; certains services peuvent effectivement être assurés par d'autres intervenants ou à l'extérieur du système de santé officiel. Ces nouveaux rôles (substitution ou extension du médecin) se rangent dans deux catégories :
- Rôles comportant la prestation de « services médicaux » prévus par la Loi (infirmières praticiennes, sages-femmes, adjoints au médecin, par ex.);
- Rôles non réglementés qui n'assurent pas de « services de santé » directs (éducateurs en matière de santé, travailleurs des services d'approche par ex.).
L'utilisation d'intervenants compétents de ce genre pourrait accroître la capacité du système de santé de satisfaire à différents besoins et, bien souvent, d'assurer des services de meilleure qualité. Même si ces nouveaux rôles permettraient de fournir des soins plus appropriés et de qualité supérieure, il faudrait qu'ils soient introduits pour tous les patients (pas seulement les populations insuffisamment servies) pour ne pas donner l'impression qu'il y a deux niveaux de services.
Les centres de santé d'enseignement établis partout au Canada reçoivent une aide financière des gouvernements provinciaux. Outre leur rôle crucial dans la formation des professionnels de la santé (dont il était question au début de cette partie), les maisons d'enseignement ont joué un rôle direct dans la prestation de services aux populations insuffisamment servies, particulièrement dans les régions éloignées.
Les 18 centres d'enseignement médical du Canada permettent d'acquérir de l'expérience en médecine rurale. Certains d'entre eux ont organisé une gamme d'activités qui appuient les services en zone rurale. Les stratégies élaborées pour engager les écoles de médecine davantage dans les services aux populations insuffisamment servies n'ont pas été aussi concertées. Beaucoup d'écoles ont des programmes de cliniques externes. Quelques-unes telles que l'université Western Ontario, l'université Dalhousie, l'université de Colombie-Britannique et l'université McMaster ont lancé d'autres initiatives communautaires allant de projets de développement communautaire en passant par la télémédecine jusqu'à la mise sur pied de cliniques de santé environnementale. Les recherches conjointes auprès des collectivités insuffisamment servies sont toujours moins avancées de façon générale (Cappon et Watson, 1999).
Les centres de santé d'enseignement pourraient davantage contribuer à améliorer l'accès pour les groupes insuffisamment servis et aller au delà de ce qu'ils ont entrepris jusqu'à présent. Ils sont chargés de former les futurs professionnels de la santé et donc en mesure d'élaborer des programmes de formation supplémentaires à l'intention d'intervenants qui ne sont pas médecins mais qui peuvent donner l'accès aux soins primaires (Barer, Wood et Schneiner, 1999). Il a été suggéré en outre qu'une plus grande responsabilité pour la prestation de services aux régions rurales et aux régions éloignées soit confiée à ces centres médicaux (Barer et Stoddart, 1999). Cette possibilité n'a pas été examinée pour les populations insuffisamment servies. Les centres de santé d'enseignement pourraient contribuer davantage, en outre, à faciliter les recherches conjointes avec les populations insuffisamment servies.
Ilyaeuune prise de conscience quant à la nécessité de rendre les programmes de formation médicale plus responsables sur le plan social. La responsabilisation sociale a été définie comme l'« obligation d'axer... l'éducation, la recherche et les services sur les préoccupations sanitaires prioritaires de la collectivité, de la région ou de la nation » (Boelen et Heck, 1995). Un sondage récent portait sur la mesure dans laquelle les écoles de médecine canadiennes étaient conscientes du besoin de se responsabiliser socialement et disposées à envisager des moyens d'y arriver. Certaines écoles ont entrepris des programmes novateurs pour répondre aux besoins identifiés. Les principaux défis tiendront au besoin d'avoir une orientation politique globale, des mécanismes propres à partager les pratiques exemplaires, d'obtenir l'appui des ministères de la santé fédéral et provinciaux, et d'établir des alliances avec d'autres professionnels de la santé pour favoriser les progrès dans ce domaine (Cappon et Watson, 1999). L'homogénéité des corps professoraux en médecine présente un autre défi (Shah, 2000).
Conception et prestation des programmes
Comme les gens se plaignent que les services ne sont pas « accessibles », « adaptés à leur culture » ou « appropriés », il faudrait faire preuve de plus de souplesse et de créativité dans la conception et la prestation des programmes. Ce qui signifie plusieurs solutions différentes, dont seulement quelques exemples seront mentionnés ici. Signalons que plusieurs approches se basent sur des modalités de financement et de rémunération des médecins qui n'ont pas été utilisées jusqu'à maintenant ou qui comptent sur la participation d'organismes parasanitaires qui ne font pas partie des services médicaux et hospitaliers assurés.
Cette stratégie vise à forger des liens entre les intervenants et les populations insuffisamment servies. Les solutions proposées portent sur deux grandes catégories : programmes d'interprètes/médiateurs culturels et initiatives d'approche communautaire.
Les programmes d'interprétation sont essentiels à l'équité d'accès aux services de santé dans toute situation où il y a des difficultés de communication entre l'intervenant et le patient. L'interprétation est mentionnée comme une solution prioritaire dans toutes les recherches et les consultations communautaires (Stephenson, 1995; Stevens, 1993; Bowen et Kaufert, 2000; Calgary Multicultural Health Care Initiative, 2000). Or, faute de politique exigeant que les intervenants utilisent les services d'interprètes professionnels, la disponibilité de ces programmes au Canada est inégale, tout comme la qualité des services. La plupart des services d'interprétation sont assurés par l'intermédiaire de membres de la famille et de bénévoles sans formation particulière. Par le passé, les services d'interprétation n'étaient pas considérés comme faisant partie du système de santé en soi, de sorte qu'il y a peu de garanties pour les patients quant à la disponibilité ou la qualité des services.
Il existe de nombreux modèles pour la prestation de services d'interprétation pour les services de santé. La faisabilité de chacun des modèles varie non seulement selon le nombre de personnes dans une communauté qui ne parlent pas couramment une langue officielle, mais aussi selon divers autres facteurs liés au besoin et à la disponibilité d'autres ressources ou de ressources supplémentaires. Il est à noter que les plus grandes difficultés sont souvent rencontrées dans les petites collectivités; on ne peut donc pas tenir compte du nombre seulement pour déterminer le besoin (Bowen et Kaufert, 2000). Il faudrait poursuivre les recherches afin de trouver le meilleur modèle pour chaque emplacement. Quel que soit le modèle retenu cependant, l'expérience des programmes d'accès linguistique a démontré qu'un bon programme d'interprétation doit comporter les éléments suivants :
- politique exigeant des interprètes formés, assortie d'un mécanisme d'application;
- financement adéquat et stable;
- investissement dans la formation et l'évaluation des interprètes;
- volet de perfectionnement professionnel;
- volets d'évaluation et de recherche.
L'accès linguistique peut aussi être facilité par du matériel imprimé et audiovisuel dans les langues étrangères. Ce genre de matériel est important pour orienter les nouveaux arrivants dans le système de santé et leur fournir des informations sur la prévention, l'état de santé, les traitements et les soins. Deux approches générales ont été adoptées à l'égard des ressources fournies dans d'autres langues : traduction de l'anglais ou du français en d'autres langues; création de ressources d'après les besoins et les intérêts de la communauté. Pour être bien adaptées et efficaces, les deux approches exigent des connaissances spécialisées. Les difficultés relatives à l'utilisation de matériel en langues étrangères ont trait au financement, au contrôle de la qualité, à la coordination ou au double emploi.
Une fois reconnus les obstacles relatifs à la promotion de la santé et la prévention des maladies, il arrive souvent que des initiatives soient lancées pour sensibiliser la collectivité à grande échelle. Ces programmes, fréquemment offerts de concert avec les services d'interprétation, fournissent normalement des renseignements sur la disponibilité des services, et s'attaquent par la même occasion aux barrières culturelles et linguistiques qui entravent l'accès initial. Les programmes visent surtout les groupes défavorisés ou marginalisés et traitent des problèmes de santé qui sont devenus prioritaires (prévention du VIH, dépistage du cancer, p. ex.). Voici quelques exemples de ces initiatives:
- imprimés et matériel audiovisuel pour fins d'orientation dans le cadre du processus d'adaptation;
- programmes de sensibilisation communautaires;
- initiatives communautaires pour la création de programmes ou la sensibilisation;
- travailleurs de services d'approche, cliniques d'approche ou journées spéciales de sensibilisation.
Les initiatives d'approche permettent de réagir rapidement aux besoins localement et facilitent l'utilisation des services existants. On peut souvent les relier à d'autres initiatives en matière de santé, d'éducation ou de services sociaux, et elles sont particulièrement efficaces pour éliminer les barrières relatives à l'information.
Les programmes d'établissement de liens peuvent s'attaquer aux obstacles relatifs à la présentation du besoin, mais ils jouent un autre rôle important pour assurer la qualité équitable des services en facilitant la communication et en offrant des services adaptés à la culture. Ils peuvent aussi faciliter la participation des membres de la collectivité qui sont ainsi en mesure de contribuer à l'orientation des programmes. Ilyaune contrainte dans ce genre d'approche si elle est adoptée à l'écart des autres programmes, parce qu'elle met souvent l'accent sur les « différences culturelles » des clients plutôt que sur les obstacles systémiques. Il arrive fréquemment que ces programmes sont greffés à une structure organisationnelle qui demeure intacte (James, 1998). Ils ont néanmoins le potentiel de faciliter l'amélioration de l'accès organisationnel. Une autre contrainte tient à leur nature éphémère et au fait que certains s'attaquent à un seul problème. Ils sont fonction de la prise de conscience et de l'engagement des intervenants à bien repérer les lacunes de services et à les combler. Les programmes d'approche sont bien souvent le corollaire de programmes de base et comptent sur les membres des communautés cibles qui sont recrutés pour des postes de débutants ou de contractuels. Leurs postes sont donc vulnérables lorsque change le personnel principal et que les budgets doivent être comprimés (Stevens, 1993a, b).
Pour résoudre les questions d'accès, une approche consiste à développer des services axés sur certaines populations. Ces services peuvent être exploités par un hôpital, un centre de santé communautaire, un bureau de santé publique ou un organisme communautaire sans but lucratif.
Ilyaun certain nombre d'avantages possibles aux initiatives spécifiques aux populations sur le plan de l'accès: :
- centralisation des ressources;
- établissement d'un « centre d'expertise »;
- ambiance propice à la participation des clients qui se sentent en confiance;
- responsabilité claire pour la prestation de services d'accès;
- meilleures possibilités de direction et de contrôle par la collectivité; répondre aux besoins; plus de souplesse;
- possibilité d'intégrer des fonctions de liaison et de promotion à d'autres secteurs du système de santé.
Il pourrait cependant y avoir des inconvénients, et ils ne devraient donc pas être la seule solution aux besoins d'accès. En plus de nécessiter une masse critique de clients (ce qui veut dire qu'elles ne satisferaient pas aux besoins des petits groupes ou centres), ces initiatives risquent de créer des ghettos. La prestation d'un service spécifique à une population pourrait restreindre les choix des clients si d'autres possibilités ne sont pas offertes.
La plupart des programmes novateurs incorporent plusieurs initiatives. Leurs points communs semblent être le fait qu'ils ont été élaborés en réponse aux besoins sanitaires et aux difficultés d'accès des utilisateurs. Ils mettent l'accent en outre sur le changement organisationnel et le partenariat communautaire.
Télésanté utilise la technologie de l'information et des communications pour offrir des services, des cours de formation et de l'information à distance en matière de santé. Télémédecine est un service médical à distance (Conseil consultatif sur l'infostructure de la santé, 1999). Il est particulièrement utile aux fins de soins et de formation dans les régions éloignées, aspect important du système de santé canadien (Picot, 1998). Il sert aux vidéoconférences, aux évaluations, contrôles et suivis, au counseling en santé mentale, aux contrôles de glycémie, aux électrocardiogrammes et à la surveillance des signes vitaux à distance, aux échographies, aux visites des membres de la famille par télévision et à l'éducation des patients et intervenants des services de santé.
Certaines évaluations des applications de télésanté au Canada sont disponibles. Les résultats de ces études montrent de bons résultats tant pour l'exactitude des diagnostics que pour la satisfaction des clients (Dick et coll., 1999; A. Stevens et coll. 1999, Elford et coll., 2000; Cheung et coll., 1998, résumés), pour les services tels que les évaluations psychiatriques, les soins cardiaques et l'analyse des échographies. Dans certaines études, les patients se disent plus satisfaits que les intervenants; les économies réalisées en temps de déplacement et en coûts sont mentionnées comme un avantage important du point de vue du patient.
La télémédecine est considérée comme la solution la plus avantageuse pour améliorer l'accès aux services de santé dans les régions éloignées (pour les Premières nations par ex.). Il devrait certainement y avoir des avantages pour le patient, l'intervenant et la collectivité en général. Elle a été mise à profit pour éviter d'avoir à transporter les patients jusqu'aux établissements médicaux, accroître l'accès aux soins spécialisés, diminuer le temps nécessaire pour faire un diagnostic et améliorer la surveillance des patients après l'hospitalisation. Elle permet en outre d'offrir plus de soutien et d'éducation au personnel travaillant dans les régions éloignées. Le National First Nations Telehealth Project, lancé en 1998, procède à l'évaluation de la mise en oeuvre des projets de télésanté dans cinq communautés des Premières nations. Les premiers résultats ont fait ressortir des problèmes de mise en oeuvre, mais aussi des avantages éventuels pour l'accès. La rentabilité reste à déterminer (Santé Canada, 2000).
L'étude documentaire n'a rien fait ressortir concernant l'utilisation de la télémédecine pour satisfaire aux besoins des populations insuffisamment servies, sauf pour ceux des régions insuffisamment servies. Ainsi, de nombreuses études ont parlé de ce que peut apporter la télépsychiatrie pour surmonter les problèmes posés par les distances géographiques, mais on ne semble pas avoir étudié les possibilités qu'offre la technologie de rapprocher les patients et les intervenants parlant leur langue et ayant les mêmes antécédents culturels. L'étude n'a pas non plus permis de localiser de recherches canadiennes sur les services de traduction téléphonique à distance, bien que cette option ait été envisagée aux États-Unis, où il semble que les patients étaient satisfaits et les coûts concurrentiels (Hornberger, 1998). Les services de traduction téléphonique donnent accès à des interprètes 24 heures sur 24, contre certains frais la minute, et offrent l'avantage potentiel d'être rentables et d'augmenter l'accès pour les minorités linguistiques qui ne pourraient pas se permettre les autres types de services d'interprétation. On s'interroge encore cependant quant au coût, à la formation des interprètes, à la responsabilité et au contrôle de la qualité (Bowen et Kaufert, 2000).
La télémédecine pourrait offrir des options aux personnes handicapées aux fins de la surveillance des soins et un potentiel particulier comme soutien pour les personnes handicapées désireuses de vivre dans leur communauté. Il a été proposé que la technologie des télécommunications soit utilisée pour la réadaptation et le soutien à long terme des personnes handicapées (Burns et coll., 1998, résumé). Au Canada, les initiatives de « télédomicile » (utilisation de la technologie de l'information et des communications pour dispenser et gérer les services au domicile du patient) pourraient être d'un apport précieux particulièrement pour les personnes handicapées (Bureau de la santé et de l'inforoute, 1998). Il semble que le potentiel de télésanté comme moyen de surmonter les barrières géographiques devrait être examiné plus à fond.
Malgré le potentiel évident de cette technologie pour améliorer l'accès aux services dans les régions rurales et les régions éloignées, il n'est pas du ressort du présent rapport d'en analyser le coût ou la faisabilité de la mise en oeuvre. Il est possible que la technologie réduise les coûts pour le patient et pour le système de santé. Toutefois, l'évaluation de l'efficacité de la technologie n'est pas très avancée et la rentabilité n'a pas été très bien documentée.
Certaines préoccupations liées à l'exercice des professions doivent être résolues en ce qui a trait à télésanté. Les barèmes d'honoraires devront être révisés pour ce genre de service. (Quatre provinces l'avaient déjà fait au mois de juillet 2000.) Télésanté n'est pas normalement considéré comme un service assuré, de sorte que sans révision officielle des barèmes, les services ne peuvent être remboursés par les régimes d'assurance-santé provinciaux. Les professionnels ont besoin d'être bien guidés dans l'utilisation de la technologie. Il y a encore des questions concernant la responsabilité civile et la couverture des services par les assurances, et aussi en ce qui concerne les permis nécessaires pour offrir le service télésanté entre les provinces. Il en est de même pour la sélection et la compatibilité du matériel technique.
Structure et politiques
Nous traiterons ici de trois secteurs où il faut intervenir pour éliminer les difficultés d'accès : modèles de financement, élaboration de politiques et partenariats avec les groupes insuffisamment servis.
Un obstacle important aux services équitables et appropriés est l'accent traditionnellement mis sur les services de médecins et d'hôpitaux, qui accaparent la plus grande part du budget de la santé. On devrait considérer comme prioritaire une approche axée sur la santé de la population qui privilégie les investissements dans la promotion de la santé, la prévention des maladies et le développement communautaire (qui ne relèvent pas normalement des médecins). L'obstacle le plus évident en ce qui concerne l'accès aux services pour les populations insuffisamment servies tient aux programmes de prévention et de dépistage précoce. Depuis qu'on a constaté que les services de prévention sont actuellement moins utilisés par les personnes à risque élevé ou les populations insuffisamment servies, on s'est rendu compte que de nouveaux modèles de services devraient être envisagés (Roos, et coll., 1999). Toutefois, des fonds n'ont pas été réacheminés pour financer ces approches ou les organismes communautaires qui ont de l'expérience dans ces programmes.
Hutchinson et Abelson (1996) proposent trois modèles pour la prestation de soins primaires par les médecins : rémunération à l'acte (modèle le plus courant au Canada actuellement), capitation et centres communautaires de santé. La rémunération à l'acte n'est pas considérée par bien des gens comme le mode de rémunération le plus efficace pour assurer l'inclusion des populations dans les programmes de prévention. Les porte-parole des médecins ont fait état des contraintes des barèmes d'honoraires actuels, qui ne tiennent pas compte de la complexité des soins aux groupes marginalisés (Pottie et coll., 2000). Les mêmes honoraires sont versés quel que soit le temps passé par le médecin avec le patient, ce qui pourrait ne pas l'inciter à accepter des cas complexes ou à utiliser des solutions comme les services d'un interprète professionnel.
Les modèles de capitation et de centres communautaires de santé ont tous les deux été proposés pour améliorer la participation aux programmes de prévention. Voici un bref aperçu des principales caractéristiques de ces deux modèles, au regard précisément des populations insuffisamment servies. (Signalons que la prestation de services par les centres communautaires de santé est une question de financement, tandis que la capitation est une modalité de paiement différente pour les médecins.)
Les Centres communautaires de santé (CCS) fournissent spécifiquement les services primaires dont une communauté a besoin. Les CCS sont des organismes sans but lucratif régis par un conseil d'administration principalement composé de membres de la communauté qu'ils servent. Les services sont dispensés par des équipes interdisciplinaires et les médecins reçoivent un salaire ou sont rémunérés par capitation (Regroupement canadien des associations de centres communautaires de santé). De par leur nature, les CCS sont bien placés pour satisfaire aux besoins des populations insuffisamment servies. Les services des CCS sont centrés sur le client, ce qui signifie qu'on peut lui consacrer plus de temps et des soins peuvent être dispensés à l'extérieur du centre; les centres s'engagent à rendre des comptes à la communauté. Par définition, un CCS se consacre à l'équité d'accès, si bien qu'il est mieux en mesure d'éliminer les difficultés linguistiques et culturelles inhérentes à la conception et à la gestion des programmes usuels. Certains centres communautaires de santé ont adapté leurs programmes et services aux besoins de tous les groupes insuffisamment servis dans leur communauté, tandis que d'autres ont adopté une approche bien précise ciblant, par exemple, la santé des femmes immigrantes ou des services de santé accueillants pour les gais.
Un système de rémunération à l'acte incite à maximiser le nombre de services, mais pas à accroître les services de prévention. Ainsi, la prévention se fait à l'occasion, lorsque le patient rend visite au médecin pour une autre raison (Hutchinson et Abelson, 1996). Il en a résulté que peu de gens profitent d'interventions préventives. Les personnes à risque, les personnes à faible revenu et les communautés d'immigrants sont particulièrement mal servies à cet égard (L.L. Roos et coll., 1999; Woloshin, 1997). Dans un système de rémunération basé sur la capitation, le revenu du médecin est basé sur le tarif payé par patient (honoraires fixés par tête) abstraction faite du nombre de visites. Différentes formules peuvent être employées pour calculer les honoraires par rapport à diverses populations. Il y a donc un incitatif à maintenir la population en santé dans un système de capitation. Il permet aussi plus de souplesse quant à la prestation des services et d'engager une fourchette plus variée de professionnels de la santé, ce qui correspondrait mieux aux besoins communautaires.
Il faut admettre cependant que la capitation pourrait créer des problèmes d'accès pour les personnes à risque et les personnes en mauvaise santé (Hurley et coll., 1999). Les incitatifs inhérents au système de capitation visent à minimiser les services, à fournir des services moins coûteux et à éviter les recours aux spécialistes. Les patients qui, pour certaines raisons, pourraient être considérés difficiles ou indésirables (parce qu'ils ne parlent par couramment une langue officielle ou ont été stigmatisés à cause de leur comportement, par exemple) sont susceptibles d'être encore plus mal servis, à moins que des garanties précises soient incorporées au système de capitation. Les régimes de soins gérés les plus rentables sont ceux qui évitent de traiter les patients malades (Kassirer et Angell, 1999). Il semble que la capitation géographique (comprenant tous les résidents d'un secteur donné) serait plus favorable aux populations insuffisamment servies que la capitation dite d'« inscription », où des stratégies sont employées pour dissuader les clients à risque élevé ou « difficiles » de se présenter (Hurley et coll., 1999; Closson et Catt, 1996).
Le transfert des responsabilités en matière de santé, dont il est question dans la partie deux, pourrait être bénéfique pour les communautés des Premières nations, car ces dernières auraient la possibilité d'élaborer et de gérer leurs propres programmes, et ainsi satisfaire aux besoins selon les méthodes jugées appropriées par la communauté.
Il y a néanmoins quelques réserves. Le noeud du problème est de savoir si les fonds actuels seront suffisants pour combler les lacunes dans les services de santé, à défaut de quoi le transfert deviendrait une manière de se débarrasser de ceux qui ont souffert les plus grandes injustices (Speck, 1989). Les programmes ne sont pas tous admissibles au transfert. Certains voient ceci comme une tentative par le gouvernement fédéral de se défaire de ses obligations de fiduciaire envers les peuples des Premières nations ou une contravention des droits fondamentaux aux soins de santé prévus par les traités. Il y a aussi le problème du recrutement de personnel qualifié. Il n'est pas facile de recruter des gens pour travailler dans les communautés isolées des Premières nations et on a grandement besoin de professionnels autochtones. Une formation et d'autres ressources sont requises pour faire en sorte que les communautés aient les compétences voulues pour planifier et administrer les programmes, de même que pour fournir les services.
Le transfert ne s'applique qu'aux communautés des Premières nations; il n'apporte aucune solution pour la majorité des Autochtones. Les services aux Autochtones vivant hors-réserve relèvent toujours des provinces et il faudrait trouver d'autres solutions pour aider cette population à surmonter les difficultés d'accès.
La réaction commune devant les problèmes d'accès est d'améliorer l'accès des clients. Ce n'est pas sans importance, mais ce n'est pas une approche qui amène nécessairement des changements politiques ou structurels, qui permettraient à tous les patients d'obtenir un traitement équitable. Notamment, la formation sur la diversité culturelle peut augmenter le nombre d'intervenants qui dispenseront des soins de manière appropriée et sensible, mais à moins que des politiques ne soient appliquées pour exiger certaines normes d'accessibilité, les services adaptés à la culture demeureront « facultatifs ». L'octroi de fonds dans le domaine de la santé ne comporte pas de conditions d'accès équitable, basé sur d'autres critères que l'absence d'obstacles d'ordre financier. C'est essentiellement le client qui a la charge de signaler les difficultés d'accès. Des initiatives doivent être prises pour instituer des mécanismes garantissant l'accès organisationnel.
Il faut entre autres une politique claire sur l'accès pour les populations insuffisamment servies. Une telle politique devrait porter sur : l'utilisation obligatoire d'interprètes formés; la formation et l'orientation des intervenants; des politiques en matière de personnel (politiques d'embauchage et inclusion de la compétence culturelle dans l'évaluation de rendement); mécanismes de responsabilisation communautaire. Des stratégies doivent être mises en place pour réexaminer et appliquer les politiques existantes.
L'accès organisationnel a trait à la participation des populations aux activités de planification et d'établissement des politiques. Les populations insuffisamment servies ont toujours été sous-représentées non seulement parmi les intervenants de services de santé, mais également parmi les universitaires, les chercheurs et les administrateurs. La représentation ethnique des conseils de santé communautaires et régionaux est faible (Richard et Jagielski, 1999, résumé) tout comme la véritable participation des consommateurs est limitée (Vandergang, 1996). L'une des premières questions à se poser pour améliorer l'accès des clients n'est pas « Que doit-on faire ? » mais « Qui devrait participer ? ».
Santé Canada a senti le besoin de prendre des initiatives de recherches conjointes en établissant des programmes de financement de recherches communautaires. Ces initiatives ont aidé certaines communautés insuffisamment servies à renforcer leurs capacités. Les Centres d'excellence pour la santé des femmes sont un exemple de programme exigeant un partenariat universitaire-communautaire dans les propositions de recherches. Plus d'initiatives du genre devraient être élaborées et appuyées.
Il y aurait lieu d'améliorer l'établissement de partenariats avec les organismes communautaires et l'élaboration de stratégies visant à leur donner plus de pouvoirs décisionnels dans tous les secteurs - maisons d'enseignement, établissements de santé et organismes régionaux et provinciaux. Les postes décisionnels, scientifiques et éducationnels ne sont pas encore assez représentatifs de la communauté. Il n'existe pas de garanties adéquates pour assurer ce niveau de participation dans le processus de réforme de la santé.
Partie 6 : Conclusion
Jusqu'à maintenant, les recherches sur l'accès aux services de santé au Canada ont surtout porté sur l'élimination des obstacles d'ordre financier et, dans une moindre mesure, les difficultés de répartition et d'offre. Les obstacles d'une autre nature auxquels sont confrontées les populations insuffisamment servies n'ont pas été étudiés à fond. Les concepts sont mal définis et les estimations sur la taille des populations et l'incidence des difficultés d'accès ne sont que préliminaires. Les recherches devraient donc se poursuivre. Elles devraient être planifiées et mises en oeuvre en collaboration avec les populations touchées et doivent tenir compte des contraintes des données et méthodes existantes, de même que de la complexité des facteurs qui interviennent dans les diverses formes d'insuffisances de services.
L'assurance-santé universelle a fait tomber bien des murs pour les populations mal servies au Canada. Les services n'ont jamais été refusés et on décèle peu de différences de traitement dues à l'appartenance à une population insuffisamment servie. Beaucoup d'obstacles sont causés par des difficultés linguistiques et culturelles, ou par l'attitude ou le manque de connaissances des intervenants. La rigidité des programmes, attribuable à l'importance accordée par le passé aux services de médecins et d'hôpitaux, ainsi que les structures de financement et systèmes de rémunération, font aussi obstacle à l'accès. En outre, l'accès aux services non assurés préoccupe bien des gens dans les groupes insuffisamment servis dont la situation économique est généralement faible. Beaucoup d'obstacles ont trait à l'accès aux programmes de prévention, de promotion de la santé et de dépistage, ce qui sous-entend que les populations insuffisamment servies font face à des obstacles importants à la santé, pas seulement aux services de santé.
Malgré ces multiples obstacles, beaucoup de solutions recommandées sont similaires. Bien que de nouveaux services semblent être nécessaires, il serait sans doute mieux avisé de changer la prestation des services. Un grand nombre des modifications mentionnées devraient améliorer la prestation des services à la population en général et elles sont déjà prioritaires dans la réforme de la santé. Il s'agit de responsabiliser davantage les maisons d'enseignement et les établissements de santé sur le plan social, d'améliorer la formation sur la diversité culturelle pour les professionnels de la santé, de définir des rôles pour de nouveaux intervenants dans le domaine, et d'employer davantage des méthodes de financement et de rémunération qui donnent la priorité aux programmes de prévention, de promotion et de participation communautaire.
Des stratégies particulières doivent être élaborées pour faire en sorte que les populations insuffisamment servies participent pleinement aux activités de planification et de recherches. Ceci revêt une importance particulière maintenant que l'évolution rapide du système de santé risque de créer pour les populations insuffisamment servies de nouvelles difficultés d'accès quant à l'équité des services.
Les changements apportés à la prestation des services de santé touchent tous les Canadiens et les Canadiennes, mais bien des gens dans les populations insuffisamment servies ne comprennent pas très bien les conséquences de ces changements et n'ont pas les ressources nécessaires pour négocier afin que leurs besoins soient satisfaits.
Glossaire
- Autochtone :
- Toute personne indigène ayant des ancêtres amérindiens du Canada, inuits ou métis, ce qui inclut tout Indien inscrit. Par population des Premières nations, il faut entendre les personnes inscrites en qualité d'Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens, dont les noms apparaissent dans le Registre des Indiens tenu par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. On emploie aussi, pour les décrire, le terme d'« Indiens inscrits ».
- Capitation :
- Système où la rémunération des médecins est proportionnelle au nombre de personnes inscrites sur leur liste respective, peu importe le nombre de consultations qu'ils donnent. S'oppose au système de rémunération à l'acte.
- Accès équitable :
- Prestation de services de santé consistant à donner la même chance à tous les citoyens de parvenir à un état de santé optimum.
- Syndrome d'alcoolisme foetal (SAF) :
- Ensemble de symptômes ou de défauts de naissance constatés chez un nourrisson dont la mère aura consommé de l'alcool pendant sa grossesse. L'effet de l'alcoolisme foetal (EAF) décrit la situation où seules certaines manifestations du SAF sont présentes.
- Hétérosexisme :
- Promotion de la supériorité de l'hétérosexualité en tant que norme sociale.
- Homophobie :
- Aversion (peur ou haine) pour les homosexuels.
- Immigrant :
- Personne qui est ou a été immigrante reçue au Canada (Statistique Canada). Un immigrant reçu est une personne à qui les services de l'immigration ont accordé le droit de vivre de façon permanente au Canada. Les réfugiés acceptés au Canada sont également des immigrants reçus. Les demandeurs du statut de réfugié n'ont pas le statut d'immigrant reçu, puisqu'ils sont en attente du statut de réfugié. Les immigrants récents sont arrivés au Canada depuis moins de cinq ans.
- Santé de la population :
- La santé d'une population est mesurée par des indicateurs d'état de santé et elle est influencée par l'environnement social, économique et physique, les pratiques de santé personnelle, la capacité de chacun et ses habiletés d'adaptation, de même que par les aspects génétiques, le développement dans la petite enfance et les services de santé offerts. L'approche axée sur la santé de la population vise à instaurer les conditions et les facteurs interdépendants qui influent sur la santé des personnes. Elle vise aussi à dépister tout écart systématique dans l'apparition de ces facteurs et conditions et à appliquer les connaissances obtenues à la formulation et à la mise en oeuvre de politiques et de mesures destinées à améliorer la santé et le bien-être des populations concernées. (Comité consultatif fédéral, provincial et territorial sur la santé de la population, 1999).
- Racisme :
- Conviction se traduisant par un comportement qui consiste, sur la base de caractéristiques biologiques, à supposer la supériorité inhérente d'un groupe de la population sur un autre. L'ethnocentrisme est la tendance à privilégier le groupe social auquel on appartient et à en faire le seul modèle de référence, notamment pour ce qui est de ses coutumes.
- Auto-évaluation en santé :
- Façon dont les personnes décrivent leur état de santé physique et mentale.
- Bispirituel :
- Autochtone attiré sur les plans émotionnel et physique par des personnes de son sexe ou des deux sexes. Le terme décrit également les Autochtones transsexuels.
- Région insuffisamment servie :
- Région géographique, habituellement rurale et éloignée, qui éprouve de la difficulté à recruter et à retenir un nombre suffisant de spécialistes de la santé pour répondre aux besoins de sa population, ou qui est mal servie dans certains services de santé.
- Population insuffisamment servie :
- Aux fins du présent document, s'entend des populations incluant les Autochtones, les minorités de langues officielles, les personnes ayant une orientation sexuelle différente de la majorité (gais, lesbiennes, bisexuels, bispirituels, transsexuels), les immigrants, les réfugiés, les groupes diversifiés sur le plan ethnique ou racial, les personnes handicapées, les sans-abri, les travailleurs et travailleuses du sexe, ainsi que les personnes à faible revenu.
- Service insuffisant :
- Probabilité accrue que des personnes, en raison de leur appartenance à un groupe donné : éprouvent des difficultés à obtenir les soins nécessaires; reçoivent moins de soins ou des soins de qualité inférieure; soient traitées différemment par le personnel soignant; reçoivent des traitements qui ne tiennent pas compte de leurs besoins ou soient moins satisfaites des services de santé offerts que la majorité des gens.
- Besoins de santé non satisfaits :
- Situation, pouvant ne survenir qu'une fois, où des soins de santé ne sont pas donnés bien que les besoins aient été constatés (Enquête nationale sur la santé des Canadiens).
- Minorités visibles :
- Font partie des minorités visibles les personnes autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche.(Loi sur l'équité en matière d'emploi, Canada).
Annexe A : Droit d'accès aux services de santé
Charte canadienne des droits et libertés
Deux articles de la Charte canadienne des droits et libertés semblent s'appliquer à la question du droit d'accès aux soins de santé. L'article 15 précise que :
« La loi ne fait exception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. »
Cet article exige donc que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes soient traités également. En outre, l'article 7 précise que :
« chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. »
C'est cet article qui s'appliquerait advenant qu'il soit démontré que l'absence d'accès a donné lieu à une perte de vie, de liberté ou de sécurité (Groupe de travail sur les soins de santé de l'Association du Barreau canadien, 1994). Un arrêt faisant jurisprudence, rendu par la Cour suprême du Canada en 1997, laisse entendre qu'un plaignant peut invoquer dans son recours l'existence d'obstacles non financiers ayant donné lieu à des normes inéquitables en matière de soins. Ainsi, l'affaire Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général, 1997) a représenté l'aboutissement d'une contestation relative à la langue, fondée sur la Charte. Les trois appelants, qui étaient sourds de naissance, auraient voulu bénéficier de services d'interprétation en American Sign Language. Ils soutenaient que la Loi sur les services de santé de la Colombie-Britannique allait à l'encontre des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et que le fait de ne pas leur avoir fourni des services d'interprétation en langage gestuel avait entravé leur capacité de communiquer avec le personnel soignant et, du même coup,
augmenté les risques d'erreur de diagnostic et de traitement inadapté. Elles estimaient, en outre, que cet obstacle à la communication (c.-à-d. le fait que l'hôpital ait cessé d'offrir les services d'interprétation en American Sign Language en 1990 à cause de réductions budgétaires), les avait exposés à des soins de qualité moindre. La cour a déterminé que les hôpitaux devaient fournir des services d'interprète aux sourds, mais elle ne s'est pas prononcée quant à l'inconstitutionnalité (en vertu de la Charte des droits et libertés) de l'absence de services d'interprétation dans des langues autres que les deux langues officielles.
« La possibilité que les demandes de services d'interprétation émanent de personnes ne parlant aucune des deux langues officielles, selon des paramètres constitutionnels nettement différents de ceux fondés sur la déficience, ne peut justifier l'atteinte aux droits constitutionnels des personnes souffrant de surdité [...]La preuve établit clairement que, en tant que groupe, les personnes atteintes de surdité reçoivent des services médicaux inférieurs à ceux reçus par les entendants. Comme la santé est un aspect central de la qualité de vie de tous les citoyens, la prestation de services médicaux de qualité inférieure aux personnes atteintes de surdité réduit nécessairement leur qualité de vie globale. Le gouvernement n'a tout simplement pas démontré que cet état de choses défavorable doit être toléré afin de réaliser l'objectif de limitation des dépenses dans le domaine de la santé. Autrement dit, le gouvernement n'a fait aucun « accommodement raisonnable ». (c'est nous qui soulignons). (Eldridge c. Colombie-Britannique, (Procureur général), 1997).
Loi canadienne sur les droits de la personne
L'objet de la Loi canadienne sur les droits de la personne est :
« de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l'état de personne graciée. » (Loi canadienne sur les droits de la personne).
La même loi précise, par ailleurs :
« constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public (...) d'en priver un individu ». Toutefois, une autre disposition traite directement des normes d'accessibilité dans le cas des personnes atteintes d'incapacité:«Le gouverneur en conseil peut, par règlement, établir au profit des personnes atteintes d'une déficience des normes d'accès aux services, aux installations ou aux locaux ».
Chaque province s'est dotée de sa propre législation en matière de droits de la personne, ce qui veut dire que les formulations varient. Par exemple, le Code du droit de la personne au Manitoba stipule :
Traduction « Afin de protéger ce droit, il est nécessaire de restreindre toute discrimination déraisonnable à l'endroit des particuliers (...) et de veiller à trouver un accommodement raisonnable pour ceux qui ont des besoins spéciaux ». (c'est nous qui soulignons).
Il semble donc que ceux qui estiment avoir fait l'objet d'une discrimination à cause de leur appartenance à certains groupes peuvent formuler une plainte en vertu de la Loi sur les droits de la personne. Toutefois, nul ne peut le faire à leur place, puisqu'il n'existe pas de mécanisme d'application ou d'évaluation permanente du respect des dispositions relatives aux droits de la personne. La notion d'« accommodement raisonnable » en matière d'accès aux soins de santé a rarement été disputée.
Loi sur le multiculturalisme canadien
En 1988, la Loi sur le multiculturalisme canadien sanctionnait le fait que la diversité multiculturelle est une des caractéristiques fondamentales de la
société canadienne. Elle était fondée sur l'égalité des chances, de participation, de contribution et de partenariat pour tous les Canadiens. Voici ce que le ministre du Multiculturalisme et de la Citoyenneté déclarait à l'époque :
« Le multiculturalisme [...] consiste à veiller à ce que les grandes institutions de notre vie nationale - nos services de police et de justice, nos services de santé et nos services sociaux, nos institutions culturelles et médiatiques et, par-dessus tout, le gouvernement lui-même - mettent à profit les talents de tous les citoyens ». (Multiculturalisme et Citoyenneté Canada, introduction).
La loi elle-même engageait le gouvernement du Canada :
« à promouvoir la participation entière et équitable des individus et des collectivités de toutes origines à l'évolution de la nation et au façonnement de tous les secteurs de la société, et à les aider à éliminer tout obstacle à une telle participation. » [3(1) c)].
Il n'est fait, cependant, aucune mention de l'engagement d'assurer un traitement et une protection équitables en matière d'accès aux services de santé et aux services sociaux.
L'adoption de la Loi sur le multiculturalisme canadien eu pour résultat de promo uvoir l'intérêt de tous à l'égard de la santé multiculturelle. À partir de la fin des années 1980, plusieurs projets et programmes - notamment ceux qui visaient à favoriser l'accès aux services - commencèrent à bénéficier d'un financement. C'est à la même époque qu'a été mis sur pied le Conseil canadien sur la santé multiculturelle, qui comportait plusieurs sections provinciales. Certains gouvernements provinciaux ont même créé des comités consultatifs chargés des questions de santé multiculturelle. Toutefois, il semble que cet intérêt se soit en grande partie dissipé au cours de la dernière décennie et que la volonté de réduire les dépenses a éclipsé la promotion du multiculturalisme. Plus important encore, très peu de changements ont depuis été apportés sur le plan politique au sein des institutions et dans les pratiques de santé.
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L'élimination des obstacles II : Honorer les valeurs canadiennes dans le système de la santé Extraits du rapport rédigé
Historique
Dans l'environnement actuel, diverses contraintes affectent les soins de santé de tous les Canadiens. En effet, les grandes réussites canadiennes en matière de soins de santé - l'universalité et l'accessibilité - sont de plus en plus menacées. Certains rapports, dont The Growing Gap: a report on the growing inequality between the rich and poor in Canada (Un écart qui grandit : un rapport sur les inégalités croissantes entre les riches et les pauvres au Canada) (The Centre of Social Justice, 1999), reflètent l'accroissement des inégalités au sein de notre pays. D'autres études canadiennes, telles que celle effectuée récemment par le CHEOS (Centre for Health Evaluation and Outcome Sciences) (Wood et al., 1999), ont démontré que de telles inégalités entraînent des états de santé médiocres et des décès « de causes évitables - soit des décès qui auraient pu être évités moyennant une intervention médicale appropriée ». Qui plus est, les personnes les plus vulnérables et marginalisées sont les mêmes auxquelles l'évolution rapide des soins de santé risque de porter préjudice.
Les professionnels de la santé, les organismes de santé et les leaders communautaires ont peu d'occasions de se rencontrer dans un contexte de collaboration et de mettre l'accent sur l'impact des changements proposés au système de santé sur les personnes les plus vulnérables ou marginalisées. Des partenariats sont nécessaires à la préservation et au développement de soins de santé qui tiennent davantage compte de la diversité dans notre société. Le projet Élimination des obstacles s'axe autour des inégalités grandissantes au pays et de la menace aux valeurs canadiennes d'universalité et d'accessibilité au centre des changements rapides qui affectent notre système de soins de santé.
Le projet Élimination des obstacles a vu le jour en 1997, se traduisant en un symposium national unissant des groupes communautaires, des organismes de santé, des professionnels et des organisations de tous les coins du Canada. Cette initiative avait pour but de promouvoir la collaboration et la coopération, tout en soulignant les besoins en ce qui a trait à la santé des communautés vulnérables et marginalisées. Le premier symposium national, Élimination des obstacles : Inclusion, diversité et équité sociale en matière de santé, s'est tenu à Toronto, Ontario, les 18, 19 et 20 juin 1998. (Vous trouverez de plus amples renseignements sur ce projet sur le site Web au www.obstacles.org). Le symposium a permis à plus de 250 personnes de l'ensemble du pays de se rencontrer afin de favoriser la reconnaissance des problèmes et besoins communs de ces groupes.
Le contenu du premier symposium et son évaluation attestent de son succès. Ainsi :
- plusieurs groupes de tous les coins du
- Canada se sont rencontrés pour étudier les questions de santé des communautés vulnérables et marginalisées ;
- des recommandations au système de santé d'intégrer et d'inclure les besoins des communautés vulnérables et marginalisées ont été entérinées ;
- les besoins diversifiés des Canadiens dans le contexte d'un système de santé financé publiquement ont été délimités.
Le symposium constitue une réelle initiative nationale, offrant la possibilité d'un dialogue, d'une compréhension et d'une approche nationaux quant aux questions des soins de santé des populations vulnérables et marginalisées au Canada. Malgré ses accomplissements, le symposium ne pouvait qu'amorcer le processus d'élimination des obstacles. Un suivi s'avérait essentiel pour développer et renforcer davantage la cohésion et la compréhension nationales. En outre, les évaluations du symposium de 1998 étaient unanimes sur la nécessité de tenir un second symposium.
À la suite du symposium Élimination des obstacles de 1998, le système de santé a rencontré de nouveaux défis :
- une disparité accrue entre les groupes socio-économiques supérieurs et inférieurs au pays ;
- chacune des provinces exerce une pression croissante sur le système de santé canadien afin de lui faire subir des réformes. À moins qu'une attention constante ne soit portée sur les questions d'inclusion et de diversité, il est probable que nous approchons d'un système de santé à deux vitesses ;
- le gouvernement fédéral travaille à l'établissement d'une entente nationale sur les questions sociales et de santé. Un dialogue entre les provinces s'avère nécessaire pour identifier les questions et les besoins spécifiques et communs aux provinces, en particulier en ce qui concerne les personnes qui souffrent des plus grandes inégalités en matière de santé - les groupes socio-économiques inférieurs, et les groupes vulnérables et marginalisés. Il est primordial que les systèmes de services de soutien social et de soins de santé discutent des obstacles existants pour ces groupes.
La reconnaissance par les provinces des questions d'inclusion, de diversité et d'équité sociale inhérentes au système de santé canadien est essentielle à l'observation des principes de la Loi canadienne sur la santé. C'était l'objectif et le thème du symposium Élimination des obstacles II.
Procédure
Deux composantes distinctes mais intégrées ont été entreprises afin de poursuivre le projet Élimination des obstacles :
Ateliers régionaux
De concert avec le Conseil canadien de la santé multiculturelle (CCSM), chaque région sanitaire a été invitée à participer à un atelier régional sur les thèmes de l'inclusion, de la diversité et de l'équité sociale. Les ateliers ont permis d'assurer la participation des organismes, des organisations et des professionnels de la santé locaux afin de :
- contribuer à la compréhension, à la coopération et à la coordination nationales relatives aux questions, par l'identification des problèmes provinciaux ;
- promouvoir et encourager la participation locale au projet.
Symposium national
Le symposium national Élimination des obstacles II s'est tenu à Vancouver, C.-B. au mois de mai 2000. Le thème - Honorer les valeurs canadiennes dans le système de la santé - mettait l'accent sur les principes de la Loi canadienne sur la santé : universalité, accessibilité, administration publique, intégralité et transférabilité. Par l'exploration de ces principes dans le contexte des besoins actuels, nous cherchions à bâtir sur la base du succès du système de santé canadien et à assurer sa continuité au nouveau millénaire.
Les objectifs du symposium Élimination des obstacles II étaient :
- bâtir sur le succès du symposium national de 1998 - Élimination des obstacles : Inclusion, diversité et équité sociale en matière de santé.
- unifier les initiatives provinciales en une perspective nationale.
- déterminer les questions méritant une attention plus approfondie.
- partager les initiatives couronnées de succès concernant l'inclusion, la diversité et l'équité sociale dans les soins de santé, et encourager les participants à suivre ces exemples.
Deux actions spécifiques découlent directement du symposium : la Déclaration sur les valeurs dans le système de santé au Canada, et la requête au gouvernement fédéral de créer un groupe de travail sur la diversité, l'inclusion et l'équité sociale. L'énoncé déclaratif a été développé au cours des discussions en assemblées plénières qui avaient lieu à la fin de chaque journée. En outre, l'ébauche de la déclaration était disponible aux participants pour une dernière vérification via le site Web. L'énoncé déclaratif se veut un aperçu des questions à étudier et des directions à prendre.
Il ne s'agit que des premières étapes au sein d'un système de santé dont l'évolution rapide ne fait qu'augmenter les inégalités dans notre pays. Il reste beaucoup de travail à faire, bien entendu. Sans une telle attention, la marginalisation dans les soins de santé augmentera au même rythme que les inégalités au Canada. Les actes et le suivi constituent un effort unifié afin de permettre d'aborder ces questions.
Conclusion
Pour réussir ces changements, nous devons nous armer de patience et faire preuve de persévérance. Le projet Élimination des obstacles devra continuer sur sa lancée. Nous devons maintenant solidifier le travail effectué et chercher des possibilités de participer à de nouvelles discussions sur les soins de santé.
Les réformes de la santé doivent porter une attention particulière aux personnes vulnérables et/ou marginalisées. Sinon, nous courons le risque de voir le système de santé canadien perdre sa qualité principale : la compassion. La compassion et l'inclusion constituent des composantes essentielles de l'identité canadienne.
Ralph Masi, Rédacteur, président - Comité pour l'élimination des obstacles II
Vancouver 2000 Déclaration sur les valeurs dans le système de santé au Canada
Le système canadien de soins de santé est l'un des plus renommés mondialement. Les valeurs intrinsèques, les politiques d'avenir et les dispositions légales spécifiques constituent des mesures de protection indispensables au système. La Charte des droits et libertés de la personne et la Loi sur le multiculturalisme contribuent au développement d'une société dans laquelle une pluralité de communautés culturelles vivent, travaillent et interagissent en harmonie. La Loi canadienne sur la santé participe au maintien d'un système qui bénéficie d'une reconnaissance internationale à titre de l'un des meilleurs systèmes de soins de santé à l'échelle mondiale.
L'engagement du pays envers ces lois a permis à tous les Canadiens de profiter d'une vaste gamme d'avantages sociaux. L'inclusion et la diversité font maintenant partie intégrante du développement continu dans tous les secteurs de la société. Toutefois, en dépit de notre réussite, ilyades signes clairs d'une inégalité croissante et d'un épuisement de notre engagement. La marginalisation augmentera si nous ne relevons pas ce défi.
Le maintien et le développement de la santé et du bien-être dans toutes les couches de la société exigent un engagement renouvelé envers la justice et l'équité sociale pour tous; cet engagement est fondamental pour l'élaboration, le financement, l'organisation et la prestation effective de tous les soins de santé. En outre, les soins de santé efficaces doivent inclure la promotion de la santé et la prévention des maladies.
Toute tentative de renouvellement de nos efforts doit se faire sous l'égide de la diversité et de l'inclusion. Il s'agit d'ailleurs de la seule façon d'assurer une démarche intégrée plutôt que fragmentée, ainsi qu'un développement efficace et durable.
PAR CONSÉQUENT, nous, membres du projet sur l'élimination des obstacles, invitons les gouvernement fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux, de même que les communautés de tous les horizons à réduire les inégalités dans le secteur de la santé en s'engageant envers les priorités suivantes :
Une démarche systématique et intégrée, y compris une gouvernance et une politique, doivent être élaborées à l'intention de tous les Canadiens afin de reconnaître le sexe et l'identité sexuelle, l'orientation sexuelle, la religion, le statut socio-économique, les incapacités physiques, l'état de santé mentale, le contexte ethnoracial ou les autres caractéristiques physiques ou culturelles. Tel que promis dans la Loi canadienne sur la santé, le même engagement doit être pris pour la séquence de soins pour tous. La priorité doit être accordée au développement d'une démarche systématique et intégrée pour les sans abris et les personnes sans documentation ni identification.
L'accessibilité aux services de santé doit être promue grâce à l'adaptation et à l'établissement de services de santé près des communautés qu'ils desservent. Des normes explicites en ce qui concerne l'inclusion, l'équité en matière d'emploi, la compétence culturelle et l'interprétation professionnelle dans le domaine de la santé sont nécessaires afin de refléter cet engagement.
On doit créer des occasions de promouvoir le réseautage, la collaboration et la coopération entre les professionnels de la santé et leurs communautés. Par ailleurs, tous les intervenants d'un bout à l'autre du pays doivent travailler de concert pour assurer la reconnaissance de la diversité et l'application de l'inclusion.
L'enseignement des sciences de la santé doit inclure un contenu obligatoire et évalué sur le développement des connaissances, des attitudes, des compétences et du jugement relativement aux besoins et aux soins des communautés vulnérables et marginalisées. Les programmes d'enseignement des sciences de la santé devraient également favoriser la reconnaissance des individus de contextes culturels différents. En outre, les difficultés financières ne devraient pas être un obstacle à l'admission dans une discipline quelle qu'elle soit.
Les communautés professionnelles et les organisations du domaine de la santé du Canada doivent jouer un rôle directeur dans la défense des soins de santé à l'intention des communautés vulnérables et marginalisées. La recherche est également nécessaire pour appuyer les politiques, les programmes et les pratiques afin de combler les besoins de notre société hétérogène.
Ensemble, nous sommes le Canada!
Programme
Les prochaines étapes
Afin de respecter notre engagement envers tous les Canadiens pour la reconnaissance de la diversité et l'application de l'inclusion dans les soins de santé, nous recommandons :
- La formation d'un Groupe de travail national afin d'offrir une orientation et un encadrement, et de guider le processus au niveau national, territorial et provincial en matière d'inclusion et de diversité dans la santé. Le Groupe de travail national doit comprendre des représentants des gouvernements, des organisations, des organismes, des patients et des professionnels de la santé.
- L'engagement de ressources humaines et financières pour promouvoir l'inclusion et la diversité au sein du système de soins de santé à tous les paliers gouvernementaux. Le financement de la structure doit permettre l'accès à l'éducation et le développement des ressources afin d'aider les organisations, les organismes et les professionnels de la santé à résoudre les problèmes d'inclusion et de diversité. Des postes prévus au budget doivent être mis sur pied à l'intention des spécialistes pour la planification et la prestation des services de soins de santé.
- La mise sur pied d'une unité d'intervention qui doit d'une part, établir un rapport sur les inégalités en matière de santé dans le pays et d'autre part, émettre des recommandations quant aux mesures spécifiques à prendre dans le cadre des ressources actuelles pour réduire ces inégalités.
- Le contrôle des compressions budgétaires effectuées en raison de l'augmentation des coûts à la suite de l'accroissement de l'institutionnalisme ou des maladies découlant de la perte des initiatives en matière de promotion de la santé et de prévention des maladies.
- L'élaboration des normes en matière de compétence culturelle pour les soins de santé, y compris les normes relatives aux pratiques et les considérations en matière d'administration, de politiques, d'enseignement, de prestation des services et d'évaluation.
- La création du site Web de Santé Canada afin de rassembler les renseignements sur les inégalités en soins de santé et pour accéder aux autres sites Web et ressources telles que les normes, les formations, les directives à l'intention des fournisseurs et les personnes-ressources des différentes communautés à travers le pays.
On peut obtenir des exemplaires du document complet en s'adressant à l'Élimination des obstacles II, bureau 406, 1017, avenue Wilson, Toronto, (ON) M3K 1Z1
Partie II - Langue et barrières en matière de soins de santé
Document 1
Rapport du Symposium sur l'interprétation en milieu de santé
24 novembre 2000, Montréal (Québec)
Préparé par Luc Rochefort
Janvier 2001
Table des matières
Document 2
Barrières linguistiques dans l'accès aux soins de santé
Sarah Bowen, B.A., M.Sc.
Certaines sections du présent rapport sont extraites du document:
Aspects méthodologiques et politiques de l'évaluation des services d'interprétation et d'accès linguistique en milieu médical (2000) par Sarah Bowen et docteur J.M. Kaufert, Department of Community Health Sciences, Université du Manitoba. Projet financé par le Programme de multiculturalisme du ministère du Patrimoine canadien.
L'auteure aimerait également souligner la contribution du docteur J.M. Kaufert dans la préparation de ce rapport.
Table des matières
- Introduction
- Aperçu de la problématique
- Le contexte canadien de la prestation de services
- Introduction
- Groupes touchés par les barrières linguistiques dans l'accès aux soins de santé
- Contexte historique et culturel en matière de langue et de prestation de services
- La Loi canadienne sur la santé : principes d'accessibilité, d'universalité et d'intégralité
- Droit aux services linguistiques dans les soins de santé
- Recherches sur la diversité et la santé au Canada
- Résumé
- Aperçu des méthodologies de recherche
- Les modèles de prestation de services d'interprétation
- Effets des barrières linguistiques sur l'accès des patients aux services et sur la qualité des soins
- Introduction
- Évaluation des besoins en matière de programmes d'accès linguistique
- Effets des barrières linguistiques sur l'accès initial aux services
- Acculturation
- Accès aux programmes de prévention
- Accès initial aux services de santé mentale, de réadaptation fonctionnelle et de conseils
- Autres différences sur le plan de l'utilisation initiale
- La recherche au Canada : les effets des barrières linguistiques sur l'accès initial
- Implications pour les intervenants canadiens : la recherche sur les barrières à l'accès
- Incidences des barrières linguistiques sur la qualité des soins
- Comment les barrières linguistiques influent-elles sur la santé et l'utilisation des services?
- Analyse des interactions intervenant-interprète-patient
- Établir des liens : la recherche sur la communication patient-intervenant
- Établir des liens : la recherche sur les connaissances en matière de santé
- Établir des liens : le temps requis pour une consultation
- Établir des liens : la continuité chez les intervenants et la régularité des sources de soins
- La « correspondance ethnique » entre le client et l'intervenant
- Résumé
- Autres conséquences des barrières linguistiques
- Conclusions et recommandations
- Glossaire
- Bibliographie
Sommaire
Le symposium qui s'est déroulé le 24 novembre 2000 réunissait divers membres d'institutions et d'établissements de santé ainsi que d'ordres professionnels. La rencontre avait pour objectif d'examiner les enjeux relatifs à l'interprétation en milieu social et de consolider les liens entre les divers acteurs concernés. La conférencière invitée était Madame Sarah Bowen qui reprenait les grandes lignes du document Aspects méthodologiques et politiques de l'évaluation des services d'interprétation et d'accès linguistique en milieu médical.
La diversité culturelle, ethnique et linguistique est importante au Canada. Par ailleurs, on estime à 2 % le nombre de personnes ne parlant aucune des langues officielles. Il peut s'agir de personnes sourdes, autochtones ou immigrantes. Cette barrière linguistique et culturelle a des conséquences majeures sur l'accessibilité et la qualité des services de santé. Elle conduit entre autres à l'isolement des individus, à des erreurs de diagnostic et à des traitements inappropriés. Elle se traduit aussi par une diminution de la compréhension et de l'observance du traitement de la part du patient, par une mauvaise utilisation des ressources et finalement par des coûts supplémentaires.
Une des solutions pour assurer un service équitable à tous consiste à engager un interprète afin de faciliter la communication entre le soignant et le soigné. Cependant, la qualité de l'interprète a elle aussi une incidence sur la qualité des soins. C'est pourquoi les institutions comme la Régie régionale de Montréal-Centre préconisent le recours à des interprètes formels, soit des professionnels de l'interprétation qui possèdent une formation adéquate. En effet, l'utilisation d'interprètes informels (bénévoles, membres de la famille ou amis des usagers, employés bilingues de l'établissement) comporte trop de risques de mauvaise compréhension, d'interférence, d'oubli, d'ajout, de changement de sens, de rupture de la confidentialité. Ces risques ont à leur tour des conséquences sur la qualité de l'intervention.
Toutefois, l'enjeu majeur de l'accessibilité aux services demeure économique. Même si la Cour suprême reconnaît qu'une communication efficace fait partie intégrante des services médicaux, aucune loi ne stipule à qui incombe la responsabilité de payer pour les services d'interprétation. Pourtant, tant les études canadiennes qu'américaines indiquent que les barrières linguistiques entraînent des coûts supplémentaires pour le système de santé. On réfère par exemple à une utilisation moindre des programmes préventifs et primaires, à une plus grande probabilité d'admission dans un hôpital, à un recours plus fréquent à l'urgence pour des traitements non effectués à temps. Madame Bowen identifie quatre types de coûts : les coûts immédiats (recours plus fréquent aux examens médicaux); les coûts à plus long terme (détérioration de l'état de santé) les coûts encourus par le patient et sa famille (temps perdu, perte de salaire, décès prématuré) et enfin les coûts sur les autres services assurés par l'état (éducation et justice).
Les participants au symposium ont identifié quelques pistes d'action et de réflexion. Tout d'abord, l'importance de définir des critères de formation et d'accréditation pour les interprètes et de former les intervenants à travailler efficacement avec eux. Deuxièmement, étant donné l'absence de législation, il serait judicieux de se pencher sur l'établissement de normes nationales. Des efforts de lobbying qui porteraient à la fois sur la certification de l'interprète, sur l'obligation du recours aux interprètes formels et sur le financement des services d'interprétation pourraient être initiés. Troisièmement, la collaboration entre les associations devrait se traduire par des pressions afin de conscientiser les décideurs sur l'importance de l'interprétation et de la disponibilité des fonds de recherche sur la question. En effet, on constate une absence de données en la matière. La recherche pourrait porter sur les coûts, sur les différents groupes susceptibles de profiter des services, sur la complexité de la situation, sur l'impact de l'absence de services, etc.
Les objectifs que se sont donnés les participants à cette rencontre sont d'augmenter la visibilité de la fonction d'interprète, de conscientiser et de sensibiliser la population, les organismes et les institutions aux avantages d'un service d'interprétation professionnelle. Un maillon essentiel Canada a été privilégié comme organisme coordonnateur du financement et de la communication de cet effort national à court terme. Les efforts du rayonnement national seront examinés au cours d'une prochaine rencontre d'ici un an.
Objectifs du symposium
Le symposium du 24 novembre 2000 avait pour objet :
- d'améliorer les services d'interprétation auprès des usagers;
- de mieux en comprendre les enjeux;
- de déployer les ressources nécessaires pour un lobbying national sur l'interprétation;
- de consolider les liens entre les divers organismes et établissements participant au symposium.
Des membres d'institutions et d'établissements de santé ainsi que des représentants d'ordres professionnels du domaine de la santé au Canada ont été invités à échanger sur le sujet. Vous en trouverez la liste en annexe.
Le contexte
L'accessibilité aux services de santé pour les communautés allophones, autochtones et malentendantes demeure un enjeu réel au Canada. En effet, elle est limitée par certaines barrières. Jalbert Note de bas de page a1, Gravel et Battaglini Note de bas de page a2 identifient entre autres les difficultés dites objectives (économiques, géographiques, linguistiques et administratives), la méconnaissance des ressources disponibles, les problèmes linguistiques et de communication et les facteurs liés à la culture.
La Loi canadienne sur la santé définit cinq critères d'équité et de qualité de services s'appliquant à l'ensemble des résidants et citoyens canadiens : l'intégralité, l'universalité, la gestion publique, la transférabilité et l'accessibilité. En ce sens, les services d'interprétation revêtent un intérêt capital en permettant la communication lors de la prestation de services. Toutefois, malgré l'importance de la fonction d'interprète, aucune norme ne régit les services d'interprétation d'un établissement à un autre et encore moins au niveau national.
Dans le réseau de la santé, l'interprète agit principalement comme intermédiaire. La circulation des informations entre les locuteurs, qui permet d'établir le diagnostic et le traitement appropriés reposent sur l'interprète. Ce dernier, en tant qu'instrument facilitant le processus de communication entre l'usager et l'intervenant, apparaît donc comme un outil privilégié d'intégration sociale. Son travail implique la notion d'assistance au même titre que le personnel des services sociaux et de santé (bien que son rôle soit considérablement différent). L'interprète est donc l'élément indispensable de l'intervention. Mais qu'entend-t-on par interprète ?
L'emploi du terme interprète recouvre plusieurs sens dans le système de santé et des services sociaux. Il réfère à la fois aux interprètes formels et informels. Les interprètes formels sont des professionnels de l'interprétation qui ont suivi des cours en ce sens ou qui ont passé des tests reconnaissant leurs compétences. Les interprètes informels sont des volontaires - amis ou membres de la famille des usagers, employés bilingues de l'institution ou bénévoles de la communauté. L'impartialité, la confidentialité et le non-filtrage d'informations, entre autres, font partie des règles pour l'interprète formel.
Toutefois, traduire n'est pas un acte simple, même pour un interprète formel, car s'il assure le passage d'un code à l'autre, il s'immisce aussi dans une relation, parfois dans l'intimité de cette relation. En ce sens, le recours à l'interprète modifie certains aspects de la pratique des intervenants.
Lorsqu'il s'agit d'interprète formel, cette relation est plus neutre. Lorsque l'interprète est informel, il est engagé dans une relation avec le client et il est difficile d'en faire abstraction pendant la communication. Dans l'interprétation des discours de l'intervenant et du client, il exerce une influence sur la situation de communication et sur le contenu même de l'intervention.
L'interprétation à l'intérieur de mon organisme s'effectue à l'aide des membres de la famille du client. Il s'agit plutôt d'une traduction mot à mot de la communication entre le médecin et le client. Cette situation amène des problèmes importants. Par exemple, un client s'est présenté à l'urgence car il avait mal au coeur (nausée) traduit par "heart problem". Ils ont fait venir le cardiologue ! Note de bas de page a3
En effet l'interprétation informelle comporte trop de problèmes potentiels qui risquent de priver les usagers d'une relation de communication adéquate avec les intervenants. C'est pourquoi les institutions comme la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre privilégient les interprètes formels et en recommande l'utilisation aux établissements de son territoire.
Le Montreal Children Hospital reçoit 3 500 requêtes pour les services d'interprétation par année. Avant, les interprètes étaient des employés sans formation parlant plusieurs langues. Maintenant, les employés reçoivent de la formation et acquièrent de l'expérience surtout sur le terrain. Ceux de la Banque d'interprètes de la régie reçoivent une formation plus complète. Pour des questions de professionnalisme, d'éthique et d'accessibilité, les interprètes informels sont rarement appropriés.
Barrières linguistiques : Impacts sur l'accès aux services de santé
Le texte qui suit est un résumé de la présentation de Sarah Bowen Note de bas de page a4. Les commentaires et les exemples apportés par les participants au symposium sont intégrés au texte en caractères italiques.
Introduction
Lorsque l'on observe la diversité culturelle, ethnique et linguistique canadienne, on comprend la nécessité d'améliorer l'accessibilité des services pour les immigrants et les réfugiés, les autochtones et les personnes malentendantes. En effet, le manque de communication a des conséquences majeures pour les individus : isolement, réponses imprécises et fragmentées, mauvaise utilisation des ressources et préjugés culturels. Même si l'ensemble des études démontre que ces groupes vivent sensiblement le même problème face réseau de la santé, les services leur en permettant l'accès se sont généralement développés de manière isolée.
Selon, Madame Bowen 17 % des immigrants au pays ont une langue maternelle autre que le français et l'anglais. Dix pour cent de la population immigrante utilise une langue non-officielle à la maison. Chez les Autochtones, 25 % d'entre eux ne parlent aucune des deux langues officielles du Canada. D'ailleurs au Canada,2%dela population se trouve dans l'impossibilité de communiquer en français ou en anglais. On estime d'ailleurs que ces chiffres devraient augmenter dans les prochaines années. L'accessibilité des services devient donc un enjeu important au niveau de l'équité et de la qualité.
Deux solutions sont envisagées. Premièrement, les établissements pourraient augmenter le nombre d'intervenants parlant plusieurs langues dans le but d'améliorer et de faciliter la communication lors de la prestation de services. Toutefois, cette solution est considérée comme transitoire car elle implique une grande disponibilité des intervenants concernés et nécessite de libérer ces derniers de leur tâche pour qu'ils se déplacent et interprètent. L'autre solution consiste à mettre en place des services d'interprétation professionnelle.
L'accessibilité aux services
Les distorsions communicationnelles entre les usagers et les intervenants peuvent provoquer des risques « d'incommunicabilité, d'erreurs de diagnostic, de traitements inappropriés, de diminution de la compréhension et de l'observance du traitement de la part du patient, d'inefficacité clinique, de satisfaction réduite chez le soignant comme le soigné, de séquelles attribuables à des fautes professionnelles, et de mortalité. » Note de bas de page a5 Les différences au niveau de la communication entre les cultures, les croyances et le statut social ajoutés à la barrière linguistique peuvent être des causes directes de mauvaise communication et de traitements inadéquats.
Le concept d'accessibilité
Madame Bowen a proposé le concept d'accès équitable (equitable access) : « fourniture de services de santé qui permettent un accès égal à tous les citoyens afin qu'ils atteignent une santé optimale. »
Les barrières linguistiques sont une entrave à l'équité. De plus, elles entraînent des diagnostics erronés, des traitements inappropriés, des problèmes de confidentialité, d'information, une mauvaise compréhension entre l'intervenant et l'usager, l'exclusion des recherches ainsi que des problèmes de droits d'accès aux services.
Ces barrières pourraient être surmontées par la mise en place de services d'interprétation faisant appel à des interprètes formels. Le problème majeur de l'accès aux services demeure cependant économique ; par exemple, si l'usager doit payer pour les frais de l'interprète... Qu'arrive-t-il lorsqu'un établissement dit à un client : vous devez trouver votre propre inter- prète ? L'accès équitable suppose que les frais d'interprétation ne soient pas imputés à l'usager.
La Loi canadienne sur la santé
Selon la Loi canadienne sur la santé, « la politique canadienne de la santé a pour premier objectif de protéger, de favoriser et d'améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d'ordre financier ou autre. » Il est à noter que le législateur n'a pas jugé à propos de définir les notions de « satisfaisant » ou d'« accès ». Par ailleurs, le concept d'accès satisfaisant est le plus souvent interprété comme l'absence de barrières financières explicites. On est donc loin ici des barrières linguistiques et culturelles.
Toutefois, dans une décision rendue en 1997, la Cour suprême du Canada a statué que les hôpitaux étaient tenus de fournir des interprètes à leurs patients sourds (Eldridge c. la Colombie-Britannique). Le plus haut tribunal du pays n'a pas tranché la question de savoir si la non-fourniture de services d'interprétation aux personnes parlant une langue non officielle constituait également une infraction à la Charte des droits et libertés. Note de bas de page a6 Cependant, la Cour suprême a reconnu qu'une communication efficace faisait partie intégrante de la prestation des services médicaux et que son absence résulterait en des soins inférieurs aux normes. Ces principes peuvent s'appliquer également aux autres personnes qui parlent une langue non-officielle.
Les enjeux reliés aux différents types d'interprètes
Plusieurs études indiquent que les risques de mauvaise compréhension sont plus élevés lorsque l'on fait appel à des interprètes informels, ce qui peut se révéler très dangereux dans le milieu médical, comme l'indique cette citation :
[Traduction] Le taux d'erreurs des interprètes non formés -incluant les proches et les membres de la familleest tellement élevé que dans certaines circonstances, leur utilisation est plus dangereuse que l'absence d'interprétation. La raison en est qu'ils donnent un faux sentiment de sécurité au client et à l'intervenant qui pensent que les propos sont retransmis fidèlement. Note de bas de page a7
Bruce Downing, de l'Université du Minnesota, traite de ces risques. L'interprète, lorsqu'il est incompétent, devient une entrave à la communication parce qu'il :
- ne comprend pas les questions de l'intervenant;
- ne connaît pas les termes techniques et demande continuellement des explications supplémentaires;
- effectue des mauvaises traductions d'idées et de mots;
- répond à la question à la place du client;
- fait part de ses opinions ou rompt la confidentialité;
- ne peut interpréter les réponses du client;
- interfère sérieusement dans la discussion en ajoutant, en oubliant ou en changeant le sens de l'information;
- ne suit pas le cours de la discussion.
Ce qui est d'ailleurs confirmé par les participants au symposium :
Si les interprètes ne sont pas à l'aise dans l'une des deux langues, ils deviennent une distraction plutôt qu'une aide.
Je travaille en psychiatrie au Centre hospitalier de St. Mary. Nous utilisons une banque d'interprètes non formés pour diverses raisons, probablement dû aux délais d'obtention d'un interprète formé. En fait, c'est plutôt une question de financement. Le problème auquel nous faisons face actuellement est le parti pris des interprètes utilisés : ils jugent, filtrent et donnent une mauvaise interprétation.
Plusieurs questions s'ajoutent à la dichotomie interprète formel et informel.
- Quand la présence d'un interprète est-elle nécessaire? À la demande de l'usager ? Si possible sur rendez-vous? À la demande de l'intervenant lorsqu'il voit que la communication est difficile ? Lorsque toute communication pourrait en bénéficier ?
- Le patient a besoin d'un interprète, mais comment lui faire part de cette nécessité ?
- Qui est responsable de mettre en place un système d'interprétation ? Qui est responsable de son financement et de son fonctionnement ?
Les caractéristiques des interprètes formels
Les interprètes formels sont choisis pour leur bilinguisme, leur connaissance des deux cultures en présence et généralement formés pour :
- connaître les termes et les sujets interprétés;
- connaître la terminologie spécialisée dans les deux langues;
- développer les qualités nécessaires pour être un interprète compétent;
- adhérer à l'éthique et respecter la confidentialité.
La formation est essentielle pour garantir le professionnalisme des interprètes qui deviennent médiateurs et support à la compréhension dans les relations tripartites. D'ailleurs, plus les intervenants côtoient des interprètes formés, plus ils leur font confiance, ce qui facilite leurs interventions.
Depuis quelques années, des programmes universitaires et collégiaux permettent d'étudier en interprétation. Généralement, l'accréditation s'effectue à l'intérieur même de l'établissement utilisateur.
Au-delà de la formation et de la compétence se pose le problème de la rémunération et du statut des interprètes.
Malgré leur formation poussée, les interprètes sourds de notre association Note de bas de page a8 se font difficilement engager. Il faudrait regarder les possibilités que la technologie nous propose par le biais des vidéos conférences.
Les interprètes du Multicultural Community Health Centre suivent majoritairement un programme de formation. Les interprètes de la région de Toronto peuvent vivre de leur métier.
Les conséquences des barrières linguistiques
Plusieurs études indiquent que les barrières linguistiques entraînent des coûts supplémentaires pour le système de santé au niveau de l'utilisation des services :
- une utilisation moindre des programmes préventifs et primaires;
- un recours moins fréquent aux services de dépistage de cancer;
- une plus grande probabilité d'admission dans un hôpital et d'attente dans les services d'urgence.
Une étude de 1999 Note de bas de page a9 démontre que les barrières linguistiques ont augmenté le coût moyen des visites chez le médecin de plus de 38 $ en frais d'analyse à cause d'une mauvaise communication, entraînant un diagnostic erroné, des tests inadéquats et un prolongement de la visite. L'étude démontre également que dans les salles d'urgence, l'attente pour les allophones peut augmenter de plus de 30 minutes quotidiennement aux États-Unis.
Les résultats des recherches sur la santé ont associé les barrières linguistiques à :
- un risque accru d'erreurs de diagnostic;
- des problèmes de qualité de soins signalés par les patients et par les intervenants;
- des différences de prescriptions (cancer, douleur, général);
- une multiplication des interventions invasives;
- une atténuation moins efficace des symptômes en soins palliatifs.
Madame Bowen cite une étude américaine selon laquelle les groupes hispaniques se sont fait prescrire moins de médicaments contre la douleur à cause de la barrière linguistique. L'étude stipule que la perception des intervenants à l'égard du groupe d'hispaniques diffère selon que ces derniers parlent ou non l'anglais. Les hispaniques unilingues espagnol étaient assimilés à des étrangers plutôt que reconnus comme citoyens américains. Les allophones en général sont victimes de présupposés à la fois de la part des intervenants et des chercheurs, ce qui biaise le résultat des recherches.
Les études établissent une corrélation entre le degré de satisfaction des patients, les résultats des traitements et le recours aux poursuites en justice contre les soignants. De nombreuses études ont documenté une diminution du degré de satisfaction des patients qui ont des difficultés à communiquer Note de bas de page a10,Note de bas de page a11, Note de bas de page a12, Note de bas de page a13 et leur réticence à retourner se faire soigner. Note de bas de page a14
Au Canada, l'analphabétisme en français et en anglais a également été lié à des taux d'hospitalisation plus élevés et à un plus grand nombre d'erreurs de prescription, de même qu'à une probabilité réduite que le patient se conforme aux instructions relatives à son congé d'hôpital. Note de bas de page a15 Note de bas de page a16 La non-conformité des patients aux traitements médicaux est due à une mauvaise compréhension entre le médecin et le client au niveau du diagnostic, du traitement et des instructions contenues dans la prescription. Les erreurs de médicamentation qui en découlent vont jusqu'à réduire la disposition des clients à consulter le médecin. Bien entendu, la satisfaction des clients est elle aussi affectée.
Les retombées (coûts)
S'il est difficile d'évaluer les coûts des services d'interprétation, quantifier les retombées financières de l'absence de ces services est une tâche complexe. Les chercheurs auraient tout intérêt à considérer les points suivants au cours de leurs prochaines études :
Les coûts immédiats liés à chaque contact avec le système de santé
Ces coûts incluent le temps du médecin ainsi que celui du réceptionniste, de l'interprète et des autres services de santé auxiliaires ou communautaires de même que les coûts des examens médicaux, des médicaments prescrits, des rendez-vous annulés et manqués. Il faut également prendre en compte les coûts du recours aux services d'urgence pour des traitements non effectués à temps.
Les coûts à plus long terme de tous les contacts avec le système de santé
Les effets des mauvais diagnostics, des retards d'accès aux services et de la faible observation des traitements par les patients ne sont pas toujours immédiatement apparents. Pour être valable, la mesure des coûts doit considérer l'incidence des effets à plus long terme tels les changements qui surviennent au niveau de l'utilisation des services, la détérioration de l'état de santé, la tendance à déroger au régime thérapeutique. Enfin les conséquences de l'exclusion de cette clientèle des protocoles de recherche doivent aussi être prises en compte.
Les coûts encourus par le patient et sa famille
Les coûts encourus par le patient ou par sa famille sont rarement examinés, qu'il s'agisse du temps perdu, de l'anxiété, des pertes de salaire (voir même d'emploi), des douleurs et des souffrances qui auraient pu être évitées, de la détérioration de l'état de santé ou du décès prématuré.
En plus des coûts directs sur la santé du patient, il faut considérer l'impact sur les autres membres de la famille et sur la société dans son ensemble.
Les coûts encourus par d'autres composantes du réseau de la santé, des systèmes judiciaire et d'éducation
La santé de la population a une incidence importante sur les coûts des autres services assurés par l'État. De moins bons résultats de traitement génèrent des coûts non seulement pour le système de santé lui-même, mais aussi pour l'économie, la famille et le milieu social. À une époque où l'on est de plus en plus sensibilisé à la complexité des interrelations entre les déterminants de la santé, ce sont des coûts qui doivent être pris en compte.
Quelques pistes de réflexion et d'action
Au niveau de l'éducation
Ce qui ressort des réflexions est l'importance de définir les critères de formation et d'accréditation.
Le Children's & Women's Health Centre of British Columbia utilise des interprètes formels et informels, mais aussi des membres bilingues de l'équipe. Nous n'avons pas encore de moyens appropriés et concrets pour évaluer les compétences des interprètes.
Cependant, en région, les interprètes ne sont pas toujours disponibles :
Le Service d'aide aux néo-canadiens forme ses interprètes. Le problème est de trouver des interprètes compétents dans une petite communauté comme la région de Sherbrooke et de former les intervenants avec lesquels ils travaillent.
Lors de la venue des réfugiés du Kosovo, nous n'avions pas vraiment d'interprètes.
Les professionnels de la santé doivent également former leurs membres sur l'importance de l'interprète, sur la collaboration avec celui-ci et sur les méthodes de travail permettant une meilleure coopération entre eux.
La formation des intervenants dans le but de créer une meilleure relation avec les interprètes est également essentielle.
Par ailleurs, il serait judicieux de profiter des tribunes que sont les congrès pour parler des enjeux de l'interprétation et de l'organisation des services. Ceci améliorerait la reconnaissance de la profession d'interprète par les pairs et par les intervenants qui ne voient pas toujours les avantages reliés à l'interprète formel. Les conférences sensibiliseraient les participants à l'impact de la coopération entre intervenants et interprètes.
Certains documents pourraient être diffusés plus largement comme Le Guide de l'infirmière de l'Ontario qui traite des aspects multiculturels.
Au niveau des politiques organisationnelles
Aucune loi ni orientation concrète ne régissent les services d'interprétation. Même s'il est possible pour les établissements d'établir des critères à respecter, il n'existe aucune norme nationale. Des efforts de lobbying doivent être initiés non seulement par les communautés bénéficiant des services d'interprétation, mais aussi par les institutions et les professionnels de la santé.
Il faut établir des standards au niveau national. La reconnaissance du métier d'interprète doit être justifiée par la formation, une certification de son statut et des politiques concrétisant sa reconnaissance dans le réseau de la santé. Il faut trouver de nouvelles avenues pour promouvoir le statut de l'interprète par un lobbying canadien. De plus, le Collège Royal des médecins et chirurgiens du Canada organise le projet PROMED afin d'améliorer la communication dans la relation médecin-client. Les efforts de lobbying devraient aller dans le même sens. La recherche de l'excellence passe par la recherché de la qualité.
L'utilisation des interprètes est indispensable si l'on veut garantir les droits d'accès aux soins de santé. Il faut aborder le problème au niveau national.
Au niveau du financement et du paiement des services
La législation canadienne n'est pas très claire sur l'obligation des établissements de santé de fournir ou de payer des services d'interprétation professionnelle à leur clientèle.
Au début des années soixante-dix, l'Université de Toronto offrait un certificat de deux ans en interprétation. La non-disponibilité d'emploi dans ce domaine a forcé l'université à fermer le programme. Au Canada, il n'existe aucune loi spécifique et aucune orientation concrète en ce qui concerne les services d'interprétation.
Pour cette raison, les établissements publics utilisent des interprètes formels et informels, chacun à leur façon.
L'Institut universitaire de gériatrie de Montréal utilise une banque de bénévoles pour effectuer le service d'interprétation. Nous utilisons aussi des membres de la famille et du personnel bilingue pour effectuer les tâches d'interprètes.
Au Grace Health Center for Children, Women & Families, nous avons des interprètes certifiés et formés sur le plan culturel et linguistique.
Au Québec, le ministère de la Santé et des Services sociaux et les régies régionales financent les banques d'interprètes et les établissements publics payent les services d'interprétation, lorsqu'ils y font appel. Toutefois, quelle que soit la province, le financement reste un problème.
Théoriquement en Colombie-Britannique, l'accès aux services d'interprétation est disponible à la population qui en fait la demande. Le problème se situe toujours au niveau du financement du service et du paiement des interprètes, il faut prouver l'augmentation de la demande pour obtenir des fonds.
Les cliniques privées quant à elles utilisent rarement les interprètes formés.
La recherche sur les poursuites potentielles permettrait de mieux mesurer la gestion du risque, ce qui à plus long terme pourrait aboutir à l'élargissement des services d'interprétation.
Au niveau de la collaboration entre les associations
Les membres doivent augmenter la pression auprès de leurs représentants pour conscientiser les dirigeants sur la nécessité des services d'interprétation. La contribution des interprètes à l'amélioration de la communication avec les usagers et des soins dispensés devrait faire partie intégrante des principes et de l'éthique des associations.
Par ailleurs, les associations de professionnels de la santé doivent s'entendre sur l'avenir des interprètes et ensuite faire pression sur les institutions et les gouvernements pour débloquer des fonds de recherche et un financement adéquat des services d'interprétation. La coordination entre les différentes associations canadiennes pourrait se dérouler sous l'égide d'une association comme Canadian Deafness Research and Training Institute ou Un maillon essentiel Canada.
Au niveau de la recherche
On constate un manque de données qui permettraient de justifier l'implantation de services d'interprétation. La Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre attend les statistiques concernant la langue maternelle des usagers et le pourcentage d'allophones qui fréquentent les CLSC. Il sera ensuite possible d'établir une corrélation entre ce pourcentage et la population totale de chaque territoire afin de mieux évaluer les besoins. Les organismes et les établissements devraient enregistrer à l'accueil les clients qui nécessitent la présence d'un interprète. Plusieurs projets de recherche pourraient être développés sur les coûts de l'établissement de services, sur les différents groupes susceptibles de profiter du service, sur la complexité de la situation, sur l'aspect culturel de la communication dans la santé, etc.
Outre les coûts exposés dans la présentation de Madame Bowen, les répercussions financières à long terme pourraient devenir un projet de recherche. Pour ce faire, un lobbying devrait s'établir au niveau national pour faire débloquer des fonds pour la recherche sur l'interprétation et son impact sur le réseau de la santé. La recherche de fonds ne devrait pas se limiter au gouvernement fédéral ou provincial, les institutions universitaires et les associations professionnelles devraient être également ciblées.
Les priorités retenues dans la synthèse du texte de Madame Bowen sont les suivantes :
- une analyse des approches canadiennes en vue d'établir des normes applicables aux établissements de santé. Aux États-Unis, des
initiatives majeures visent actuellement à définir des normes relatives à la compétence culturelle, y compris l'accès linguistique, mais
elles se situent dans le cadre de la législation, de la réglementation et des normes américaines. Les initiatives en cours au Canada
doivent être soutenues afin qu'elles se poursuivent; - une analyse plus détaillée devrait être faite sur la question des droits d'accès linguistique au Canada;
- il faudrait établir des lignes directrices à l'intention des chercheurs sur la complexité de la recherche dans ce domaine;
- enfin, le financement de projets de recherche devrait être augmenté.
Conclusion
Les participants au symposium se donnent comme mandat de contribuer au renforcement de l'accessibilité des services d'interprétation sur un plan provincial et national. Augmenter la visibilité de la fonction d'interprète, conscientiser et sensibiliser la population, les organismes et les institutions au service d'interprétation sont des objectifs que les participants s'engagent à poursuivre au niveau canadien.
Les actions à poser pourraient être d'exercer une pression sur les institutions, d'outiller les clients pour qu'ils deviennent leur propre porte-parole et d'utiliser les outils publicitaires nécessaires.
« Critical Link Canada- Un maillon essentiel Canada » a été privilégié comme organisme coordinateur du financement et de la communication de cet effort national à court terme.
Les quelques pistes de réflexion et d'action proposées lors de la rencontre permettront une étude plus approfondie sur la question.
Critical Link - Un maillon essentiel
Créée en 1992, Un maillon essentiel fut la voie par laquelle le premier congrès international sur l'interprétation en milieu communautaire put être organisé. Par le biais de son site Internet, Un maillon essentiel Canada , cet organisme a comme but de relier les interprètes à travers le Canada et à travers le monde. Partager les réflexions, les enjeux et les recherches sur l'interprétation en milieu social permet l'approfondissement du questionnement qui entoure ce domaine.
Le Congrès : Un maillon essentiel 3
Le 3e congrès international sur l'interprétation en milieu social se déroulera à Montréal du 22 au 26 mai 2001. Les attentes multiples et parfois contradictoires envers l'interprète social reflètent la complexité de cette profession. Les congressistes seront invités à se pencher entre autres sur le rôle des interprètes, la formation, l'évaluation des compétences, les conditions d'exercice et l'organisation de la profession. Pour de plus amples renseignements, visitez le site Internet du congrès, www.rrsss06.gouv.qc.ca/colloque/index2.html.
Prochaine rencontre
À la suite des réflexions apportées au cours de ce symposium, une nouvelle rencontre aura lieu d'ici un an afin d'examiner le rayonnement établi sur le plan national. De plus, un retour sur le 3e congrès international Un maillon essentiel pourra être utilisé dans le but d'ajuster les objectifs du symposium et les moyens utilisés à leur réalisation et leur résultat.
Liste des participants
- Abraham, Diana
- Ministère des Affaires civiques, de la culture et des Loisirs, Ontario
- Janczur, Axelle
- Multicultural Community Health Centre
- Auclair, René
- Conseil québécois d'agrément
- Karamehmedovic, Nina
- Surrey-Delta Immigrants Services Society
- Barclay, Suzanne
- Children's & Women's Health Centre of British Columbia
- Lang, Jean-Claude
- Bureau de la Commissaire aux plaintes, Santé et services sociaux
- Bowen, Sarah
- University of Manitoba
- MacDougall, Jamie
- Canadian Deafness Research and Training Institute
- Brazeau, Michel Dr
- Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada
- Madden, Robert
- Bureau de la Commissaire aux plaintes, Santé et services sociaux
- Clarke, Heather
- Centre universitaire de santé McGill (Hôpital de Montréal pour enfants)
- Martin, Jules Dr
- Conseil canadien d'agrément des services de santé
- Cormier, Lucille
- IWK-Grace Health Centre for Children, Women & Families
- PICHETTE, Suzanne
- Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, Centre hospitalier de St. Mary
- Eapen, Sucy Dr
- Conseil ethnoculturel du Canada
- Rochefort, Luc
- Consultant à la recherche
- GLASS, Kathy Dr
- Université McGill
- Saber-Freedman, Sara
- Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre
- Gordon, Xania
- Santé Canada
- Scully, Liz
- Association des interprètes en langage visuel du Canada
- Goulet, Caroline
- Service d'aide aux néo-canadiens
- Soucy, Olivette
- Institut universitaire de gériatrie de Montréal
- Hemlin, Isabelle
- Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre
- Truchon, Sylvie
- Ordre des infirmières et infirmiers du Québec
- Hicks, Susan
- Santé Canada
Notes
Introduction
Il y a une prise de conscience grandissante du fait qu'un certain nombre de populations sont mal desservies par le système de santé au Canada (Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population, 1999; Bowen, 2000). Ceux qui ne parlent pas l'une des langues officielles représentent un de ces groupes mal desservis. Dans certaines circonstances, des francophones vivant à l'extérieur du Québec ou des anglophones vivant au Québec peuvent être eux aussi confrontés à des difficultés similaires. Néanmoins, un nombre très restreint de recherches se sont penchées sur les répercussions des barrières linguistiques sur les résultats en matière de santé, l'utilisation des services, le niveau de satisfaction des patients ou les coûts généraux pour le système de santé ou pour la société.
Pour ceux qui ne parlent pas l'une des langues officielles, il est peu probable que le manque d'accès soit uniquement attribuable aux barrières linguistiques. Ceux qui ne parlent pas couramment le français ou l'anglais sont également susceptibles d'être mal desservis pour d'autres raisons. Ces personnes peuvent être arrivées récemment au Canada ou peuvent provenir de régions isolées. Elles peuvent subir de la discrimination parce qu'elles sont issues de la population autochtone ou d'une minorité visible ou encore être perçues comme déficientes en raison de la surdité. La pensée culturelle sur la santé et la maladie, les attentes vis-à-vis le système de santé et le rôle que doivent jouer les participants lors d'une rencontre médicale peuvent aussi différer de ceux des intervenants.
Des recherches menées dans un certain nombre de disciplines ont mis en relief l'importance de la culture sur la pensée et les comportements dans le domaine de la santé de même que sur les habitudes de communication. Comprendre et respecter les différences entre les cultures a été reconnu comme une pierre angulaire de la compétence culturelle. Les langues ne peuvent jamais être totalement comprises si elles sont isolées des autres facteurs culturels et ethniques. La langue et la culture sont inextricablement indissociables.
Cependant, bien qu'il soit simpliste et trompeur de présumer que toutes les difficultés d'accès émanent uniquement de l'absence d'une langue commune, à moins qu'il n'y ait communication, ces solutions de rechange à la compréhension ne seront pas connues. La langue est la base, la condition préalable à une compréhension plus approfondie. Nous savons que le salaire, le sexe, le niveau socio-économique, l'éducation et divers autres facteurs, tels que l'orientation sexuelle ou la présence d'une déficience, font également partie intégrante de la « culture » d'une personne. Néanmoins, sans une communication efficace, il est impossible d'évaluer cette hétérogénéité au sein de chaque groupe culturel ou ethnique, de même que les caractéristiques et les besoins des personnes.
La langue a été décrite comme la technologie la plus indispensable à la médecine, soit le principal instrument pour assurer sa pratique (Jackson, 1998). Selon les observations, s'il ne s'agissait pas de la langue, le travail des médecins et des vétérinaires serait pratiquement identique (Clark, 1983). D'établir une communication permet à toutes les parties présentes à une rencontre médicale de participer à l'exploration de la maladie ou des troubles médicaux et de déterminer d'un commun accord ces aspects de la « culture » du patient et des intervenants qui doivent être pris en ligne de compte lors du diagnostic et du traitement.
En comparaison avec les autres « technologies » médicales, il reste que les interventions mises de l'avant pour faciliter l'accès aux services linguistiques (telles que l'interprétation), comme les différentes questions de la communication entre les intervenants et le patient, ont fait l'objet de très peu de recherches (Kaplan et al., 1989).
Objectif et portée du rapport
Ce rapport a pour objectif de faire le survol des recherches actuelles qui décrivent les répercussions des barrières linguistiques sur l'accès et la qualité des services de santé, de même que sur le rôle que peuvent jouer les programmes d'accès aux services linguistiques dans l'abolition de ces barrières. Bien qu'il contienne des études réalisées dans d'autres pays, le présent rapport est conçu de manière à fournir une analyse des résultats de recherche d'un point de vue canadien et à évaluer les répercussions des découvertes sur la prestation de services de soins de santé au Canada. Le rapport présente un bref aperçu des nouveaux enjeux en lien avec les modèles de prestation de services, la formation des interprètes et les normes de service. Le rapport met toutefois l'accent sur l'évaluation des effets des barrières linguistiques sur l'accès aux services de soins de santé et sur la qualité des services reçus. Le rapport examine en outre un certain nombre d'effets indirects attribuables aux barrières linguistiques au sein du système de santé, notamment les questions de participation à la recherche, les conséquences pour les intervenants et les coûts des soins de santé.
L'objectif du présent rapport n'est pas d'explorer un certain nombre de sujets importants ayant trait à la prestation de services d'accès linguistique. Le rapport ne pass e pas en revue le vaste corpus de travaux portant sur la relation entre la langue et la culture. Les études de cas pouvant servir de base à une recherche empirique approfondie sur les effets des barrières linguistiques sont sous-représentées dans le présent rapport. Par ailleurs, le rapport ne contient pas de discussions sur les théories de l'interprétation ou d'analyses des différentes méthodes d'interprétation. Une autre limite du rapport est qu'il contient peu de recherches provenant de la zone « grise » de travaux non publiés. La majeure partie des travaux réalisés au Canada en relation avec les programmes d'accès aux services linguistiques se trouvent dans ce type de rapports.
Aperçu de la problématique
Approches pour étudier l'accès linguistique en milieu des soins de santé
De manière générale, on reconnaît qu'il existe deux approches de base pour étudier les barrières linguistiques à la communication attribuables à l'absence d'une langue commune entre le client et l'intervenant. La première est d'accroître le nombre de rencontres où le client et l'intervenant partagent la même langue (c.-à-d. le nombre de rencontres de « langue commune » ) tandis que la deuxième consiste à offrir des services d'interprétation sous une forme ou une autre.
Accroître la proportion de rencontres en milieu médical où l'intervenant et le patient partagent la même langue est souvent considéré comme la solution idéale. Selon de nombreux auteurs, l'interprétation ne pourra jamais être aussi satisfaisante qu'une communication directe, peu importe le niveau de compétence de l'interprète. Cette situation découle du désir des deux parties d'avoir une communication directe, sans médiateur, et de la reconnaissance du fait que même la présence d'une autre personne pendant la rencontre peut influer sur le rapport et sur le type de renseignements transmis.
L'augmentation du nombre de rencontres dans une langue commune peut être atteinte, soit :
- en augmentant le nombre d'intervenants maîtrisant d'autres langues, ou;
- en augmentant le nombre d'intervenants provenant de minorités linguistiques et s'exprimant dans une des langues officielles du pays.
Augmenter le nombre d'intervenants maîtrisant d'autres langues
Un certain nombre de stratégies différentes ont été proposées en vue d'accroître la proportion d'intervenants en milieu médical maîtrisant la langue d'une minorité linguistique.
Les stratégies d'équité en matière d'emploi encouragent l'embauche d'intervenants bilingues dans les professions de soins de santé. Ces stratégies peuvent mettre l'accent sur le recrutement dans les programmes professionnels de formation (initiatives de formation à la prestation de services) de membres de communautés sous-desservies ou sur la facilitation de l'embauche de professionnels qualifiés dans divers postes (initiatives d'embauche d'intervenants spécialisés). Des programmes spéciaux « d'accès » visant à faciliter le recrutement d'étudiants autochtones dans les programmes de formation des professionnels en soins de santé sont des exemples d'initiatives de formation à la prestation de services. Cependant, ce ne sont pas tous les membres des groupes visés qui possèdent la connaissance de la langue présumée. Au Canada, par exemple, un nombre relativement restreint d'étudiants autochtones inscrits dans ces programmes maîtrisent la langue d'une Première Nation. Les stratégies visant à faciliter l'octroi de permis pour les personnes ayant obtenu un diplôme en médecine à l'étranger sont des exemples d'initiatives d'embauche d'intervenants spécialisés. Historiquement, aucune de ces solutions n'a été approfondie au Canada. Cependant, depuis la Commission royale sur les peuples autochtones, d'importantes initiatives visant à recruter et former des professionnels de la santé autochtones ont été mises en oeuvre.
Bien que cette solution de rechange possède un important potentiel face au problème de la compétence culturelle dans les professions de soins de santé, elle ne peut à elle seule répondre complètement aux besoins d'accès linguistique :
- Dans de nombreuses villes canadiennes vivent différents petits groupes linguistiques ou ethniques. Il est donc impossible que les soins, même ceux de base, soient offerts à toutes les communautés par un intervenant issu du même groupe ethnique ou linguistique;
- Il existe une importante diversité au sein même des communautés ethnoculturelles. De jumeler des patients avec des intervenants du même groupe « ethnique » ou culturel peut en réalité contribuer à éveiller la méfiance si le patient et l'intervenant proviennent de deux différents horizons politiques, socio-économiques, religieux ou régionaux (Lin, 1983). Cette forme d'appariement peut également offrir un accès linguistique partiel en présence de dialectes différents. Les différences significatives de pensée et de pratique en matière de soins de santé propres au statut socio-économique ou à la région peuvent par ailleurs être ignorées;
- Alors que les communautés linguistiques minoritaires favorisent la prestation de services dans la langue maternelle du patient, une inquiétude a été soulevée à l'effet que les membres des communautés ne veulent pas être « ghettoïsés » en ayant pour choix uniquement un ou deux intervenants. Ce problème est particulièrement important au sein des petites communautés;
- La sécurité confidentielle et émotionnelle peut être une inquiétude lorsqu'un patient rencontre un intervenant de sa propre communauté, et plus particulièrement dans le cas des petites communautés et de celles divisées sur le plan politique;
- Les initiatives qui visent à accroître la représentation uniquement pour une ou plusieurs professions ne répondront pas à tous les besoins. Par exemple, les initiatives dont l'objectif est d'augmenter le nombre de médecins parlant une langue minoritaire sont inadéquates comme unique solution puisque l'accès à un médecin ne représente qu'un élément du système de soins de santé. L'accès complet au système de santé nécessite d'entrer en contact avec de nombreux intervenants différents (p. ex., infirmières, éducateurs en matière de santé, techniciens d'imagerie, dentistes, physiothérapeutes et psychologues).
Une autre approche visant à augmenter la proportion de rencontres en langue commune consiste à accroître la capacité linguistique des intervenants dans les langues non officielles par la prestation de services de formation linguistique. Aux États-Unis, certaines initiatives ont été mises de l'avant en vue d'encourager les intervenants à apprendre la langue des groupes minoritaires (Prince et Nelson, 1995; Binder et al., 1988; Koff et McGowan, 1999). L'efficacité de ces mesures n'a toutefois pas été adéquatement évaluée. Néanmoins, notre compréhension des limites de l'interprétation effectuée par des interprètes qui ne sont pas tout à fait bilingues suggère qu'un certain nombre de problèmes découlent d'une telle approche. Les chercheurs ont souligné les risques que pose la « fausse capacité linguistique » des intervenants qui, possédant seulement une connaissance limitée dans une deuxième langue, tentent tout de même de communiquer sans avoir recours à l'aide d'un interprète (Flores et al., 2000). Dans ce cas, l'intervenant peut croire qu'il comprend bien le patient, qu'il répond clairement aux questions et qu'il transmet les instructions de manière intelligible. Ces situations peuvent cependant occasionner des erreurs de communication sérieuses et dangereuses.
Augmenter le nombre de locuteurs d'une langue minoritaire qui maîtrisent l'anglais ou le français
Plutôt que d'élaborer des stratégies visant à accroître le nombre d'intervenants s'exprimant dans une langue minoritaire, on fait souvent valoir que l'accent devrait être mis de préférence sur l'aide à l'apprentissage de l'anglais ou du français pour les intervenants qui parlent une langue minoritaire. Cette approche semble être celle privilégiée au Canada pour répondre aux besoins d'accès linguistiques des nouveaux immigrants. Le manque de facilité à communiquer dans une langue officielle est perçu comme étant un problème de courte durée qui ne requiert pas de changements systématiques. Il est tenu pour acquis que les immigrants (qui, selon les attentes, apprendront l'anglais ou le français, selon la province d'établissement) maîtriseront en peu de temps l'une des langues officielles. On prévoit que le nombre de rencontres en langue commune augmentera à mesure que s'amélioreront les aptitudes linguistiques des nouveaux arrivants. Cependant, la formation dans une langue seconde et les autres services de soutien, conçus pour aider les nouveaux arrivants à s'adapter au Canada, sont offerts pour une période limitée. On pourra observer le même phénomène en ce qui a trait aux langues autochtones puisque de nombreux jeunes de ces communautés sont unilingues, en anglais ou en français, et que, selon certains, ces autres langues seraient en voie de mourir, ce qui aura pour conséquence dans l'avenir de réduire les besoins en services d'interprétation.
Certes, les nouveaux arrivants souhaitent généralement devenir indépendants et être en mesure de bénéficier du respect de la vie privée dans leurs interactions en milieu médical. Bon nombre d'entre eux apprennent à maîtriser l'anglais ou le français et n'ont plus à recourir aux services d'un interprète, même dans les situations où le service est offert. Il est aussi vrai de dire que de nombreux Autochtones possèdent de bonnes compétences dans une langue officielle.
Cela ne permet toutefois pas de répondre aux besoins d'accès aux services de santé des nouveaux arrivants considérés comme le groupe éprouvant les plus grands besoins (Kinnon, 1999). De plus, la réalité veut que, même après plusieurs années au Canada, un certain nombre d'immigrants ne maîtrisent pas bien l'anglais ou le français. Ces personnes sont plus susceptibles d'être des femmes avec des jeunes enfants, des aînés, des personnes peu instruites ou souffrant de traumatismes ou de désordres psychologiques (Stevens, 1993b; Jackson, 1998). On a également observé que ces mêmes groupes sont ceux dont les besoins en matière de services de santé sont le moins satisfaits. Selon de récentes études, même de nombreuses années après leur arrivée au pays, un certain nombre d'immigrants ne possèdent pas les connaissances linguistiques requises pour communiquer en anglais ou en français avec leurs intervenants. Un grand nombre de personnes sont capables de communiquer adéquatement pour ce qu'elles croient être des problèmes simples, mais sont incapables, dans une langue seconde, de comprendre des troubles plus complexes et de faire face à des situations hautement stressantes reliées à la santé (Stevens, 1993b; Bowen, 1999). Des observations similaires ont été faites dans d'autres pays (Jackson, 1998).
De plus, l'argument selon lequel le besoin pour des services d'accès linguistique diminuera au fil du temps ne tient pas compte de la réalité actuelle de nombreuses personnes issues des peuples autochtones ou inuits qui ne parlent pas couramment l'anglais ou le français, ou encore du droit des Premières Nations et des Inuits à conserver leur propre langue.
Alors que les services pour les malentendants ont souvent été offerts dans un contexte de services d'accès reliés à un « handicap », de nombreux malentendants n'entrevoient pas la surdité comme un handicap, mais plutôt comme une culture. À ce titre, ils souhaitent conserver à la fois leur culture et leur langage (Swanson, 1997; Witte et Kuzel, 2000). La prescription d'implants cochléaires pour les enfants malentendants fait reconnaître la surdité comme un handicap, et tenter d'intégrer les enfants malentendants à la culture « dominante » favorise l'accroissement du nombre de locuteurs d'une langue officielle.
Dispenser des services d'interprétation a
La deuxième approche importante dans l'augmentation de l'accès linguistique accepte le fait qu'il existe des barrières majeures à la communication entre de nombreux patients et intervenants. Alors que certaines personnes (ou communautés linguistiques spécifiques) peuvent acquérir la maîtrise d'une langue, et éventuellement ne plus avoir besoin de recourir aux services d'interprétation, on reconnaît que le besoin pour des services d'accès linguistique sera toujours présent pour certains membres de la société. C'est autour de cette approche que s'articulera le présent rapport.
Les fonctions de l'interprète peuvent prendre des formes multiples, et la diversité des modèles de programmes et des rôles joués par les interprètes ajoutent de nouvelles difficultés à la conception de modèles valides de recherche et d'évaluation. Premièrement, la personne qui agit comme interprète peut être un membre de la famille, un bénévole communautaire, un membre du personnel d'un établissement de santé, un intervenant en matière de santé ou un interprète professionnel. Le niveau de compétence de l'interprète non professionnel dans les langues officielles ou minoritaires peut varier selon ses connaissances du domaine pour lequel l'interprétation est demandée. Les interprètes bénévoles ou non professionnels peuvent avoir ou non reçu une formation sur les techniques d'interprétation ou sur l'éthique professionnelle. La nécessité de garder la confidentialité et de demeurer objectif, points sur lesquels on met l'accent dans les codes de conduite professionnelle en interprétation médicale, n'est que très peu souvent reconnue par les interprètes non professionnels.
Deuxièmement, le rôle attendu de l'interprète et le rôle qu'il joue réellement peuvent tous les deux varier. On peut s'attendre de l'interprète qu'il fasse une interprétation objective et neutre de la langue, une interprétation culturelle, la défense d'une cause ou qu'il prenne le rôle d'éducateur en matière de santé (Putsch, 1985). Cette gamme de modèles de services et de rôles, de même que ces variations en matière de compétence et de formation, contribuent à créer un défi de taille dans l'établissement de normes ou dans la comparaison des recherches entre programmes. De plus, on peut observer une variation majeure dans la prise de conscience de l'impact des barrières linguistiques chez les intervenants et dans leurs compétences à travailler avec les interprètes. Cette dernière variable influe également sur l'efficacité du processus d'interprétation. Les sections qui suivent feront un examen plus approfondi des risques reliés à l'utilisation d'interprètes non formés et non professionnels, des divers rôles joués par ces derniers et des modèles de prestation de services d'interprétariat.
Groupes d'intérêts dans les services d'accès linguistique
À l'heure actuelle, il existe dans le système de santé de nombreuses demandes variées qui, souvent, se font concurrence. Sur la question de l'accès linguistique, différents groupes d'intérêt peuvent soutenir des points de vue non conventionnels quant à la prestation de services linguistiques. Au nombre de ces groupes figurent des prestateurs de soins de santé, des administrateurs, des décideurs du gouvernement, des groupes de défense des droits de la personne, des communautés, des groupes de revendication ou de défense de l'intérêt des consommateurs, des établissements de formation, des entrepreneurs et des membres des Premières Nations, des immigrants et des malentendants. Certains peuvent présumer que tous les groupes d'intérêt ont une même préoccupation : l'amélioration de l'état de santé du client. Cependant, la diversité des groupes d'intérêt suggère que leurs préoccupations peuvent en réalité varier. Ces préoccupations peuvent être :
- de satisfaire à certaines conditions d'obtention de financement ou à certaines exigences légales (aux États-Unis, par exemple, il est parfois nécessaire d'assurer l'accès à des services linguistiques pour être admissible aux programmes d'aide financière fédéraux);
- de réduire une utilisation inappropriée ou le coût élevé du service;
- de protéger un organisme des responsabilités;
- d'améliorer les résultats des traitements pour les groupes défavorisés;
- d e recueillir des renseignements pour soutenir ou justifier les programmes déjà en place.
Ces différents intérêts dans l'élaboration des politiques ou des programmes conduisent à la fois à étendre et à limiter les services d'accès linguistique. Par exemple, les administrateurs peuvent préconiser une évaluation plus restreinte de modèles plus limités d'objectifs et de critères de résultats et mettre l'accent sur les coûts comme facteur de première importance. Les usagers du système de santé et les groupes de revendication peuvent pour leur part être plus enclins à favoriser une évaluation plus large fondée sur le droit à l'accès et aux résultats des traitements.
Initiatives pour la réforme de la santé et de la gestion des soins - Les initiatives de politiques qui mettent l'accent sur la « réforme de la santé » et sur la « gestion des soins » ont pour objectif de réduire les utilisations excessives et injustifiées du système de soins de santé. L'intention derrière de telles réformes est de limiter les coûts et de diriger les ressources de manière plus efficace. Les services d'interprétariat pourront par conséquent recevoir un soutien s' ils sont en mesure de démontrer qu'ils contribuent à réduire les coûts. L'attention particulière portée à l'augmentation de l'efficacité et à la réduction des coûts semble avoir été un facteur déterminant pour expliquer l'accroissement du nombre de recherches portant sur l'impact de l'accès linguistique aux États-Unis.
Peur des procédures et contestations judiciaires - La peur associée aux poursuites pour faute professionnelle et aux sanctions juridiques est un facteur majeur motivant la discussion sur les services d'interprétation aux États-Unis. Cette peur n'a pas été un facteur important au Canada, bien que l'inquiétude face aux poursuites pour faute professionnelle soit grandissante. De plus, les récentes poursuites ayant eu gain de cause en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés laissent supposer que les contestations judiciaires prendront dans l'avenir une plus grande importance (Champion, 2000).
Concurrence entre fournisseurs de soins de santé - L'adoption des soins gérés aux États-Unis a contribué à créer une situation où, en vue d'embaucher des membres additionnels, on offre des services spécifiques pour attirer certains groupes cibles. Cette mesure a eu pour conséquence que certains fournisseurs de soins gérés ont ciblé des patients dont les compétences en anglais étaient limitées afin de les inscrire à leurs programmes, et ont inclus des services d'accès linguistique au nombre des services offerts aux patients (Herreria, 1998). Un auteur souligne que, en plus du fait qu'il est bien vu de montrer une ouverture aux différences culturelles, les services d'interprétation peuvent être hautement bénéfiques pour l'hôpital sur le plan financier (Larson, 1997:20).
Les mêmes forces ne sont pas à l'oeuvre dans le système public canadien. Certains établissements (p. ex., les services basés sur les croyances religieuses) ont établi une relation traditionnelle de prestation de services avec des communautés linguistiques spécifiques. Cette situation varie toutefois selon les régions et les établissements. Bien qu'on s'attende à ce que les établissements de santé répondent aux besoins des patients de leur région, reste encore à savoir si le transfert des responsabilités pour les soins de santé aux autorités sanitaires régionales entraînera une plus grande sensibilisation aux besoins des minorités linguistiques.
Développement technologique -Le développement des technologies d'interprétation à distance (telles que les lignes téléphoniques linguistiques) a permis aux entrepreneurs de mettre au point un produit simple et facile d'accès que peuvent « comprendre » les intervenants en soins de santé. Il existe également un potentiel d'innovations en « télémédecine » qui permettraient d'abolir les barrières linguistiques pratiquement de la même façon que sont surmontées à l'heure actuelle les barrières de distance, les deux grâce à la prestation de services multilingues d'information en matière de santé et possiblement par une utilisation limitée des consultations à distance.
Lois sur les droits de la personne - Les lois sur les droits de la personne au Canada fournissent un cadre de travail à l'intérieur duquel les droits peuvent être contestés. Cependant, contrairement à certains autres pays où les lois prévoyant du financement pour faire tomber les barrières linguistiques et culturelles ont été un important facteur de changement (Perkins et Vera, 1998), cet aspect n'a pas encore fait figure de force majeure au Canada.
Le rôle de l'expérience de recherche - L'accent mis sur le contrôle des coûts dans le système de soins de santé a eu pour résultat d'augmenter le besoin de prendre des décisions fondées sur l'expérience. Jusqu'à tout récemment, on disposait d'un nombre restreint de recherches portant sur les effets des barrières linguistiques et des services d'accès linguistique pour encadrer l'élaboration de politiques et de programmes. Bien que la recherche en soit encore à ses débuts, plusieurs études importantes ont été menées au cours des dernières années. Ces études ont permis de prouver qu'il existe un lien entre les barrières linguistiques et les différences dans l'utilisation des services, les résultats en matière de santé, le niveau de satisfaction des patients, le « respect » du traitement, la participation à des recherches médicales, la protection des droits des patients et la compréhension du patient de ses maladies ou troubles médicaux. L'importance de ces observations augmente lorsque des liens sont établis avec des recherches connexes (p. ex., la communication patient-intervenant et l'alphabétisation dans une langue officielle).
L'objectif du présent rapport est de se pencher sur ces récentes recherches. L'environnement dans lequel une recherche est menée influence son déroulement de même que les résultats qui en découlent. Dans les sections qui suivent, nous explorerons un nombre varié d'hypothèses culturelles, de programmes d'action et de traditions d'évaluation. Ces facteurs ont eu une incidence sur l'élaboration des modèles de recherche et d'évaluation, sur les priorités de recherche et sur le type de données recueillies.
Questions et initiatives actuelles
Le centre d'intérêt de la recherche à ce jour a été de savoir si, et dans quelle mesure, les barrières linguistiques (et les programmes d'accès linguistique) ont une influence sur les patients, les intervenants et le système de soins de santé. En outre, il existe quatre questions connexes qui font présentement l'objet de recherches, soit la définition du rôle de l'interprète, l'élaboration de modèles de prestation de services les plus efficaces qui soient, la professionnalisation du rôle de l'interprète (abordant les questions de la formation, des normes et de l'accréditation) et l'évaluation économique des barrières linguistiques et des résultats des programmes. Voici un bref aperçu de chacune de ces questions.
Définir le rôle de l'interprète
Depuis plusieurs années un débat s'engage à savoir ce que l'on entend par « interprétation », comment définir la portée du rôle de l'interprète et si la « traduction » linguistique objective peut (ou devrait) être combinée à d'autres rôles (comme ceux d'interprète culturel, d'éducateur, de médiateur ou de conciliateur). Le débat a mis en évidence les questions fondamentales de prestation de services et ne peut facilement être résolu (Downing, 1995).
D'une part, les intervenants et les patients ont exprimé leurs inquiétudes quant à l'élargissement du rôle des interprètes linguistiques, qui pourrait englober des fonctions de conciliateur ou de médiateur culturel. Les professionnels veulent un contact direct avec leurs clients et éprouvent souvent un sentiment de malaise face à des rôles autres que celui de la transmission exacte d'un message. Un certain nombr e d'études de cas de la documentation descriptive, décrivant la distorsion, la censure et l'influence introduites par les interprètes non professionnels, rendent cette question légitime aux yeux des intervenants (Marcos, 1979; Downing, 1992). Ceux qui ont recours aux services d'interprétation peuvent également s'opposer à l'idée qu'ils ont besoin d'une aide autre que celle de l'interprétation linguistique et se dire capables d'effectuer leur propre « médiation culturelle ».
D'autre part, nombreux sont ceux qui reconnaissent « l'inégalité des pouvoirs » inhérente aux soins de la santé entre intervenants et clients.
Ces mêmes personnes reconnaissent également les risques qui peuvent découler d'une mauvaise communication, non pas simplement en raison du manque de compétences dans la langue dominante, mais aussi en raison des diverses hypothèses liées aux rôles, à la santé et à une communication adéquate (Putsch, 1985; Stevens, 1993b; Jackson, 1998).
Les rôles variés tenus par les interprètes, dans différents programmes et contextes, posent un défi majeur pour la recherche. On ne peut présumer, par exemple, que l'influence d'un conciliateur interprète linguistique culturel sera la même que celle d'un simple interprète qui se limite à une interprétation stricte de la langue (comme dans le cas d'une interprétation à distance par téléphone). De plus, les interprètes ne possèdent pas nécessairement un niveau d'expérience identique. Le rôle ou niveau de compétences de l'interprète est rarement pris en considération ou contrôlé dans les modèles de recherche, ce qui constitue une contrainte majeure pour beaucoup d'études entreprises à ce jour. Des recherches additionnelles seraient nécessaires en vue de déterminer l'influence du rôle et des diverses fonctions de l'interprète en milieu médical.
Modèles de prestation de services
Les modèles de prestation de services constituent une question connexe, bien qu'indépendante en soi. Les services d'interprétation offerts aux patients peuvent varier considérablement. Ces services peuvent être dispensés par :
- un membre de la famille ou un ami du client;
- un employé bilingue au sein du système de soins de santé;
- une personne provenant d'une banque communautaire de bénévoles offrant des services linguistiques;
- un interprète médical formé et employé par un établissement de santé;
- un auxiliaire avec des responsabilités en matière de santé, de sensibilisation ou d'éducation dont l'interprétation constitue une des fonctions;
- d'autres programmes ou services dont l'objectif est d'abolir les barrières linguistiques.
Tel qu'indiqué précédemment, bon nombre des méthodes actuelles pour franchir les barrières linguistiques dans le système de santé au Canada misent sur des « bénévoles » non professionnels et souvent non rémunérés. Ces solutions ne sont pas des « modèles » de service mais bien des solutions de fortune en l'absence de services officiels et définis. Les experts du domaine s'entendent cependant pour dire que les interprètes non professionnels posent un risque à la fois pour le patient et l'intervenant, risque qui dans plusieurs cas peut être plus grand que s'il n'y avait pas eu d'interprète. Un récent rapport du U.S. Office of Minority Health (1999) fait l'observation suivante :
[Traduction] « ... le taux d'erreurs des interprètes non-professionnels (y compris les membres de la famille et les amis) est suffisamment élevé pour affirmer que, dans certaines circonstances, d'avoir recours à un interprète pose un plus grand risque que dans le cas contraire. En effet, une telle situation donne à l'intervenant et au client une fausse assurance quant à l'exactitude de la communication. »
Il n'est cependant pas facile de déterminer quel est le modèle d'interprétation professionnelle le plus efficace dans une situation donnée. La diversité des milieux de pratique, les variations dans la taille des populations de locuteurs d'une langue non officielle, de même que les différences dans les mesures de soutien offertes dans des communautés spécifiques posent un défi de taille pour déterminer des modèles efficaces et abordables. Le « modèle » de prestation de services ne peut être facilement isolé de la définition du rôle de l'interprète. Les objectifs d'un programme particulier (que ce soit d'offrir des services de « traduction » de base ou de tenir un rôle de soutien dans la médiation culturelle), influenceront les attentes vis-à-vis le rôle de l'interprète et le modèle de prestation de services.
Professionnalisation du rôle de l'interprète
Bien que le recours à des interprètes nonprofessionnels demeure la norme dans de nombreux centres canadiens, on met présentement l'accent sur l'élaboration de normes de compétence et d'outils d'évaluation du rendement pour les interprètes. Cette initiative témoigne d'un mouvement vers la professionnalisation et l'accréditation des interprètes en milieu médical (Downing, 1997; Ozolins, 1998). Les interprètes rémunérés ne sont pas toujours des interprètes professionnels. Il existe des différences majeures dans la qualité de la formation offerte et dans le niveau des compétences que possèdent les interprètes au Canada, même lorsqu'ils sont employés à ce titre.
Dans d'autres professions de la santé, y compris la médecine (Friedson, 1970; Coburn et al., 1983) et les soins infirmiers (Olesen et Whittaker, 1968), on a documenté un processus en vertu duquel les professionnels de la santé ont tenté de légaliser et de légiférer une relation définie avec le client. Dans le cas de professions qui ont réussi à former une corporation (par l'établissement de lois, la mise en place de normes pratiques internes et l'adoption de codes d'éthique professionnelle), les clients et les praticiens sont en mesure d'interagir sur la base d'obligations définies de conduite et de réciprocité. Par exemple, les « lois médicales » provinciales confèrent aux médecins le pouvoir de poser de nombreux diagnostics primaires et de prescrire un grand nombre de traitements. Les lois définissent les rôles, établissent des normes de pratique et restreignent le rôle des autres professions et des praticiens en médecine parallèle (Coburn et al., 1983).
Cependant, ce modèle de professionnalisation n'est peut être pas le plus approprié pour mettre sur pied la « profession » d'interprète en milieu médical, et ce du fait que des professions telles que la médecine sont fondées sur une relation seul à seul avec le client. Par ailleurs, bien que les interprètes soient susceptibles de travailler à titre d'entrepreneurs privés, leur rôle d'intermédiaire entre les professionnels de la santé et les clients rend difficile l'obtention d'un statut de professionnel indépendant fondé sur des rencontres individuelles avec le client. En fait, les militants les plus résolus à la professionnalisation sont souvent ceux qui résistent le plus à appliquer au rôle de l'interprète les définitions qui caractérisent les relations de pouvoir indépendantes.
Évaluation économique des barrières linguistiques et des résultats des programmes
Bien que les questions entourant la définition des rôles, les modèles de prestation de services et les normes professionnelles aient été les préoccupations centrales de ceux qui travaillent dans le milieu, une autre question prend peu à peu une importance grandissante. Grâce à la plus grande sensibilisation quant aux coûts des barrières linguistiques, ilyaun intérêt croissant pour entreprendre une évaluation économique des services d'interprétation. Cependant, un nombre très limité de recherches ont été menées sur la question, et l'évaluation économique des soins de santé est en soi un secteur nouveau, quoiqu'en pleine expansion.
Ceux qui sont en faveur d'une amélioration de l'accès linguistique dans les soins de santé expriment souvent des préoccupations à l'égard de l'évaluation économique, craignant qu'on élude la question des droits aux services. Cependant, l'évaluation économique n'est qu'un élément du processus décisionnel, lequel devrait également comporter d'autres formes d'évaluation (efficacité, rendement et disponibilité) de même qu'une étude des questions d'éthique liées à la prestation de services. Il y a également des inquiétudes à l'effet que les chercheurs pourraient définir de manière trop restreinte les coûts et les conséquences attribués aux barrières linguistiques, entraînant ainsi une sous-évaluation des véritables coûts sociaux qui découleraient de l'absence de services d'accès linguistique.
Il y a une prise de conscience grandissante dans de nombreux pays quant à l'importance de la communication dans les domaines de l'accès aux services de santé et de la qualité des soins de santé, de même qu'un intérêt croissant pour la promotion de la recherche sur les conséquences des barrières linguistiques. Par exemple, les États-Unis ont entrepris une révision des normes nationales pour la prestation adéquate de soins de santé sur les plans linguistique et culturel. Ces normes répondent explicitement au droit des clients à un personnel ou à des services d'interprétation bilingues, l'accès à l'information dans leur langue, des normes professionnelles pour les interprètes et l'inclusion d'identificateurs linguistiques lors de la collecte de données. Ces normes sont basées sur la législation et les capacités de mise en application de la loi aux États-Unis et décrivent un niveau de service qui n'est certes pas encore offert aux minorités linguistiques canadiennes (Office of Minority Health, 1999). La Belgique s'est engagée à mettre sur pied un modèle de « médiation culturelle » pour l'interprétation en milieu médical et fait activement la promotion et la diffusion de la recherche (Verrept et Louckx, 1998). En Australie, une enquête publique s'est penchée sur le droit aux services d'interprétation dans les services juridiques et de soins de santé (Lawrie, 1999).
Au Canada, on note également un regain d'intérêt pour la question de l'accès linguistique aux soins de santé. Des conférences nationales sur l'interprétation communautaire ont été organisées à Toronto (1995) et à Vancouver (1998). Depuis la tenue de ces conférences, des groupes d'experts, des réseaux et des groupes d'intérêt sur Internet se sont penchés sur les questions de l'évaluation et de l'accréditation des interprètes au Canada, et certaines provinces, comme l'Alberta et le Québec, ont mis sur pied des programmes plus poussés. En mai 2001, le Canada sera l'hôte de la troisième conférence internationale Critical Links (l'interprétation communautaire).
En 1999, Santé Canada publiait Recherche sur la santé et l'immigration au Canada (Kinnon, 1999), et l'on prévoit que certaines recherches financées par l'entremise du Projet Métropolis contribueront à fournir des connaissances sur les questions de l'accès aux services de soins de santé. Kinnon soulignait le manque de recherches sur les effets du soutien au système de soins de santé pour les immigrants de même que les objectifs connexes pour l'amorce de nouvelles recherches dans ce domaine.
Une étude préliminaire, financée par le ministère du Patrimoine canadien (Bowen et Kaufert, 2000b), identifiait plusieurs questions cruciales d'éthique et de méthodologie associées aux recherches sur l'accès linguistique. Un rapport de Santé Canada, intitulé Accès aux soins de santé pour les populations insuffisamment servies du Canada, offrait un cadre de travail pour l'étude des barrières à l'accès pour un certain nombre de populations, y compris celles confrontées à des barrières linguistiques (Bowen, 2000).
Au Canada, peu de ressorts ou d'institutions de santé ont mis en place des politiques exigeant qu'une forme ou une autre de services d'accès linguistique soient offerte à tous les patients. Par ailleurs, chaque communauté pour qui l'accès linguistique constitue un problème est perçue de manière différente pour ce qui est du droit à l'accès linguistique. Les services destinés à des communautés spécifiques ont eu tendance à se développer indépendamment les uns des autres.
Un arrêt de principe en 1997 de la Cour suprême du Canada stipulait que les hôpitaux devaient fournir des services d'interprètes pour les patients sourds (Eldridge c. Colombie-Britannique [Procureur général], 1997). Cette reconnaissance qu'une communication efficace fait partie intégrante de la prestation de services de santé a permis d'attirer l'attention sur les droits d'autres minorités linguistiques du pays.
En novembre 2000, un symposium national d'une journée, C ommunication Barriers: Challenges and Responsibilities of Caregivers and Institutions, organisé par Santé Canada, a réuni des représentants provenant de divers secteurs : des intervenants en matière de santé, des représentants gouvernementaux, des représentants des Sourds et des immigrants et des fournisseurs de services d'accès linguistique. Le symposium a examiné l'incidence des barrières linguistiques sur les professionnels de la santé, a attiré l'attention précisément sur la question de l'interprétation en milieu médical et a mis l'accent sur le besoin d'une intervention coordonnée à l'échelle nationale pour la mise en place de normes, de programmes de formation et d'une certification pour les interprètes. Le symposium était par ailleurs d'avis qu'il fallait entreprendre des recherches canadiennes (Rochefort, 2000). On exprimait enfin un intérêt spécifique pour l'évaluation des répercussions des barrières linguistiques sur la santé et le recours aux services de santé.
Le contexte canadien de la prestation de services
Introduction
À bien des égards, les problèmes auxquels on doit faire face dans la prestation de services de santé pour ceux dont les compétences sont limitées dans une langue officielle peuvent sembler analogues d'un pays à l'autre. Certes, du point de vue des usagers des services de soins de santé, plusieurs des difficultés et des risques entourant la communication sont les mêmes. Dans de nombreux pays, il n'y a aucun service d'interprétation professionnelle en milieu médical. Parce que le système de santé n'est pas responsable de veiller à la communication entre le patient et l'intervenant, il incombe au patient de trouver, d'évaluer, de réserver et même de rémunérer l'interprète.
Il y a cependant une différence primordiale entre les systèmes de santé, de même qu'entre les pays. Bien que la majeure partie de la recherche et de l'évaluation entreprises dans d'autres pays puisse avoir d'importantes répercussions pour les Canadiens, chaque système de santé est le reflet de la culture politique, des valeurs sociales et morales et des impératifs économiques de la société qu'il dessert (Groupe de travail sur les soins de santé de l'Association du Barreau canadien, 1994:1). Cette section est donc conçue de manière à présenter un aperçu du contexte dans lequel se fait la prestation de soins de santé au Canada, de la compréhension faite des questions d'accès et d'équité pour les soins de santé et des méthodes d'élaboration des recherches sur l'accès linguistique.
Groupes touchés par les barrières linguistiques dans l'accès aux soins de santé
Au Canada, quatre groupes peuvent être touchés par les barrières linguistiques dans l'accès aux services de santé du fait que leur langue maternelle n'est pas une langue officielle b :
- les Premières Nations et les Inuits;
- les nouveaux arrivants au Canada (immigrants et réfugiés);
- les Sourds c
- selon le lieu de résidence, les locuteurs d'une langue officielle (français ou anglais).
La prestation de services d'accès linguistique de même que le droit à de tels services pour chacun des groupes sont le résultat de contextes historiques, juridiques et politiques distincts. Bien que les problèmes auxquels sont confrontés les patients puissent être les mêmes, il n'y a eu par le passé qu'un nombre très restreint de revendications communes ou même d'échanges d'expertise entre ces quatre groupes linguistiques.
Besoins en matière de santé des groupes linguistiques
Il y a des différences majeures dans l'état de santé et la prévalence aux handicaps des divers groupes. En effet, comme l'ont montré presque tous les indicateurs de santé, l'état de santé des Autochtones est inférieur à celui de la population canadienne en général (Santé Canada, 1999). Ces différences sont attribuables aux iniquités historiques et généralisées. À l'opposé, les nouveaux immigrants sont, règle générale, en meilleure santé que ceux nés au Canada et possèdent une plus longue espérance de vie générale de même qu'une plus grande espérance de vie sans incapacité (Chen, Wilkins et Ng, 1996; Chen, Ng, et Wilkins, 1996). Ce phénomène est souvent imputable au facteur d' « immigrants en bonne santé », c'est-à-dire que les personnes qui émigrent sont souvent en meilleure santé, plus jeunes et évaluées avant d'être acceptées au Canada. Au fil du temps, l'état de santé des immigrants tend à devenir semblable à celui des personnes nées au Canada. Bien que pour plusieurs cas, on attribue cette situation au fait que les immigrants sont exposés aux mêmes facteurs environnementaux que les personnes nées au Canada, on pourrait également penser qu'ils sont confrontés à des risques additionnels, comme la discrimination (Kinnon, 1999) ou qu'ils ont un accès réduit aux services de soins de santé. Au sein des immigrants, on observe des différences majeures dans l'état de santé selon le pays d'origine, le statut socio-économique et l'éducation (Dunn et Dyck, 2000). Règle générale, les réfugiés présentent un état de santé plus faible et des besoins de soins de santé plus élévés que les autres immigrants. Il est par ailleurs moins probable que les réfugiés maîtrisent l'anglais ou le français. Certaines données indiquent que l'état de santé des Sourds est plus faible, et ce bien qu'une étude ait démontré que les adultes atteints d'une surdité prélinguistique n'étaient pas plus à risque pour ce qui est de la mortalité (Barnett et Franks, 1999).
Similarités et différences entre les groupes
Peu de recherches se sont penchées sur les similarités ou les différences dans les répercussions des barrières linguistiques entre les quatre groupes. Plus particulièrement, la communauté des Sourds n'est pas normalement reconnue comme une minorité linguistique au même sens que les locuteurs d'autres langues minoritaires, bien que certains auteurs décrivent les similarités qui existent entre ces groupes (McEwen et Anton-Culver, 1988; Barnett, 1999). Au nombre des similarités, notons l'accès limité à l'information dans une langue officielle, l'exclusion des sources de renseignements « ambiantes », des rencontres peu fréquentes avec des médecins ou des intervenants en soins de santé provenant de leur propre groupe culturel et des barrières linguistiques à l'accès à des soins appropriés (Barnett, 1999). Une étude américaine a comparé les expériences de communication en milieu médical relatées par 119 immigrants, dont le niveau de compréhension de l'anglais était équivalent à un vocabulaire de niveau scolaire de quatrième ou cinquième, aux expériences de 22 Sourds. L'âge et le niveau d'éducation des deux groupes étaient similaires. On a posé aux participants diverses questions portant sur les communications avec leur médecin de même que des renseignements démographiques. Les auteurs ont constaté qu'il n'y avait aucune différence majeure entre les groupes dans leur capacité à identifier la terminologie médicale couramment employée ou dans leur évaluation du nombre de fois où ils n'ont pas compris leur médecin ou qu'ils ont dû poser des questions pour clarifier un point. Les réponses différaient toutefois de manière importante dans trois secteurs : les participants sourds étaient plus enclins à croire que leur médecin ne les avait pas compris, mais aussi moins portés à essayer de s'expliquer à nouveau. Ils tendaient également moins à se dire capables de parler au médecin dans leur langue courante (McEwen et Anton-Culver, 1988).
Contexte historique et culturel en matière de langues et de prestation de services
Le Canada s'est défini comme un pays bilingue et multiculturel. L'adoption en 1969 de la Loi sur les langues officielles accordait aux anglophones et aux francophones le droit de recevoir une gamme de services dans leur langue maternelle (Bastarache et al., 1987). Cependant, les francophones vivant à l'extérieur du Québec (et certains anglophones habitant au Québec) peuvent également être confrontés à des barrières linguistiques dans l'accès aux soins de santé dans leur langue maternelle, selon leur lieu de résidence (Martin, 1992). Il n'y a aucune loi spécifique rendant obligatoire la prestation de services dans une langue autre que les langues officielles, exception faite des poursuites criminelles.
Dans certaines régions, les langues autochtones sont spécialement reconnues comme des langu es protégées (Bastarache et al., 1987). Avant 1999, les langues autochtones avaient un statut spécial dans les Territoires du Nord-Ouest et, depuis la création du Nunavut, l'Inuktituk est devenu une langue gouvernementale officielle. Les systèmes d'administration et de prestation de services fédéraux, tels que la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de Santé Canada, ont fourni certains services d'interprétation aux communautés du Nord de même qu'à certains patients nécessitant des soins tertiaires dans des hôpitaux urbains. Alors que 80 à 90 pour cent des Autochtones de l'Est du Canada maîtrisent une langue officielle, un pourcentage important d'Autochtones vivant dans les villes de l'Ouest peuvent ne pas posséder les capacités linguistiques suffisantes pour communiquer dans une langue officielle lors d'une rencontre médicale. Les Autochtones en milieu urbain n'ont pas été considérés comme un groupe prioritaire pour les services d'interprétation offerts par la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits. Malgré tout, les programmes de certains hôpitaux, tels que ceux de Winnipeg, Brandon, Thompson et Regina, répondent aux besoins des Autochtones nécessitant des services d'accès linguistique. De ces Autochtones, on compte un grand nombre de personnes des communautés des Premières Nations et des communautés inuits qui se rendent dans les centres urbains pour y subir des traitements. La sensibilisation grandissante aux droits des Premières Nations, l'augmentation du nombre de programmes de santé autogérés et les pressions exercées par les organisations politiques des Premières Nations contribuent à une plus grande sensibilisation à l'égard de l'accès linguistique et culturel aux soins de santé destinés aux Autochtones. Cette situation permet de créer un contexte fort différent de prestation de services comparativement à celui des immigrants s'exprimant dans une langue minoritaire.
La majeure partie de la communauté des Sourds au Canada emploie le langage ASL ( Langage gestuel américain ) pour communiquer, quoique le langage des signes québécois (LSQ) soit également utilisé. Bien que la communauté des Sourds se soit dissociée des autres groupes handicapés pour faire reconnaître la culture des Sourds, la prestation de services d'interprétation visuelle pour cette communauté a suivi un chemin différent de celui de la défense des droits des handicapés. Ces droits sont clairement stipulés dans la législation canadienne sur les droits de la personne, et un arrêt de principe de la Cour suprême du Canada (Eldridge C. Colombie- Britannique [Procureur général], 1997) a déterminé que le fait de ne pas fournir un interprète lorsque cela est nécessaire pour communiquer efficacement dans un cadre de prestation de services de soins de santé constituait une infraction au sens de la Charte canadienne des droits et libertés (Stradiotto, 1998).
Langues des « immigrants »
Contrairement à d'autres pays, en l'occurrence les États-Unis, les barrières linguistiques auxquelles font face les immigrants au Canada sont généralement considérées comme des problèmes pour les « nouveaux arrivants plutôt que pour les « minorités ». Bien que les problèmes touchant les « minorités » soient plus susceptibles d'être perçus sous l'angle des droits des groupes marginalisés ou différents sur les plans racial et ethnique, ceux auxquels sont confrontés les « nouveaux arrivants » sont considérés comme limités dans le temps et davantage associés à l'adaptation des nouveaux arrivants qu'aux barrières inhérentes à l'intérieur de systèmes sociaux. Par conséquent, il n'est pas surprenant de constater que dans de nombreuses villes, ce sont des « agences pour l'établissement des immigrants » ou les groupes ethnoculturels eux-mêmes qui offrent la majorité ou l'ensemble des services d'interprétation. Cependant, de nombreux services d'établissement sont financés uniquement pour fournir des services dont la priorité est d'aider les immigrants à s'installer pendant une certaine période après leur arrivée. Ces groupes ou agences ne possèdent par ailleurs pas l'expertise en matière de santé, pas plus que le pouvoir ou les ressources financières qui permettraient de répondre aux besoins d'accès aux soins de santé des nouveaux arrivants. Malheureusement, dans la majorité des cas, les services communautaires d'interprétation offerts par l'intermédiaire des agences d'aide aux immigrants n'ont pas encore été intégrés aux services de soins de santé et ne reçoivent pas de fonds réservés à la santé. Cette marginalisation s'est traduite par une mise en commun restreinte de l'expertise entre les services d'établissement et les services de santé, un financement limité pour la prestation de services, la formation ou la recherche, de même que par une incidence plutôt faible sur l'élaboration de politiques. Pour les immigrants, l'accès linguistique aux soins de santé est demeuré une question de « règlement de cas » et non de santé en dépit du fait que de nombreux immigrants aient besoin d'aide pendant de nombreuses années, voire toute leur vie, pour communiquer avec les intervenants.
La Loi canadienne sur la santé : principes d'accessibilité, d'universalité et d'intégralité
Le système de santé canadien réaffirme la promesse du gouvernement à l'égard de l'abolition des barrières financières aux soins de santé. La Loi canadienne sur la santé prévoit la couverture médicale universelle pour tous les citoyens. « La politique canadienne de la santé a pour premier objectif de protéger, de favoriser et d'améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d'ordre financier ou autre »( Loi canadienne sur la santé, 1984). Le Canada s'engage donc à ce que les personnes demeurent en santé et à les traiter si elles deviennent malades. Trois des cinq principes clés de la Loi canadienne sur la santé sont donc particulièrement pertinents dans le présent contexte : accessibilité, universalité et intégralité.
La Loi canadienne sur la santé exige des provinces qu'elles « offrent les services de santé assurés selon des modalités uniformes et qu'elles ne fassent pas obstacle, directement ou indirectement, et notamment par facturation aux assurés, à un accès satisfaisant par eux à ces services ». C'est le principe d' accessibilité. Cependant, puisque le terme accès n'est pas défini, il n'est pas clair que cela constitue un accès satisfaisant. Souvent, l'accès est simplement défini comme l'absence d'obstacles financiers explicites (tels les frais d'utilisation). « La condition d' universalité suppose qu'au titre du régime provincial d'assurance-maladie, cent pour cent des assurés de la province ont droit aux services de santé assurés prévus par celui-ci, selon des modalités uniformes. La condition d' intégralité suppose qu'au titre du régime provincial d'assurance-maladie, tous les services de santé assurés fournis par les hôpitaux, les médecins ou les dentistes sont assurés, et lorsque la loi de la province le permet, les services semblables ou additionnels fournis par les autres professionnels de la santé. » Tous les services qui sont « médicalement nécessaires pour le maintien de la santé, la prévention des maladies, le diagnostic ou le traitement des blessures, maladies ou invalidités » sont compris.
Actuellement, les services d'interprétation en milieu médical ne sont pas jugés comme médicalement nécessaires. Ils sont plutôt considérés comme des services complémentaires et ne sont pas universellement assurés.
Droit aux services linguistiques dans les soins de santé
Les revendications ayant trait au droit à l'accès linguistique dans les soins de santé au Canada sont principalement basées sur des interprétations de la Charte canadienne des droits et libertés,la Loi canadienne sur les droits de la personne, les lois en matière de droits de la personne des provinces et des territoires, la Loi canadienne sur la santé, les lois provinciales sur la santé et le Code criminel du Canada. (Le texte du rapport intégral contient une discussion détaillée de ce sujet.)
Recherches sur la diversité et la santé au Canada
La façon dont nous comprenons les répercussions de la langue, de la culture, des classes, du racisme et de la pauvreté sur les services de santé et sur l'état de santé dépend largement de nos attentes en tant que société. Ces attentes déterminent également quelles sont les données importantes à recueillir et quels sont les secteurs de recherche prioritaires. En retour, ces recherches alimentent nos croyances au sujet de la culture, de l'origine ethnique, des classes et de la pauvreté.
Il existe des différences majeures en ce qui a trait à la recherche entre les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. Aux États-Unis, l'accent a été mis sur les variables que sont la race ou l'origine ethnique et leur influence sur l'état de santé et les habitudes d'utilisation des usagers, quoiqu'il y ait eu diverses interprétations de ce que représentent ces variables (Krieger et Fee, 1994b; Goodman, 2000). Au Royaume-Uni, on a accordé une plus grande importance à la classe sociale, modifiant ainsi la façon de procéder à la cueillette de données et à la recherche (Krieger et Fee, 1994a).
Au Canada, en raison du caractère unique de l'histoire et de la culture, on s'est préoccupé davantage des inégalités en matière de santé et de l'accès aux services de santé en fonction du revenu et, dans une moindre mesure, de la région (urbaine ou rurale; province ou territoire). Les recherches menées au Canada ont mis davantage l'accent sur les différentes habitudes d'utilisation selon le « revenu » plutôt que sur les différences relatives à la langue, à la culture ou à l'origine ethnique et ce, parce que le régime d'assurance-maladie au Canada a été conçu de façon à abolir les barrières financières à l'accès au régime de soins de santé. La cueillette de données au Canada témoigne de ces priorités. Les données canadiennes sur l'état de santé et l'utilisation des services ne mentionnent normalement pas l'origine ethnique d (Robinson, 1998; Sheth et al., 1997). L'orientation des recherches menées au Canada vise une stratégie d'évaluation axée sur l'accès aux services selon le revenu. Cette priorité n'est pas accidentelle, mais plutôt attribuable à la façon dont nous nous percevons en tant que nation et à notre compréhension des éléments qui ont une incidence sur la santé.
Le Canada s'est volontairement défini comme un pays multiculturel, et a reconnu et encouragé la sensibilisation aux différences culturelles. On a fait la promotion de la « mosaïque » culturelle canadienne, souvent sans faire une analyse critique des sources d'inégalités. Cette situation a conduit à la création d'un corpus de recherches mettant l'accent sur les croyances et les pratiques de groupes ethniques spécifiques, mais presque jamais sur la race. Comme dans de nombreux pays, ilyaeuune confusion quant au sens du mot « race » en recherche. La définition de la race a évolué de manière progressive, d'une catégorie biologique à la compréhension de son importance à titre de concept social (Krieger et Fee, 1994a; Goodman, 2000). Il y a également un intérêt croissant pour la recherche quant aux effets de la discrimination sur la santé (Krieger, 1999, 2000).
Les recherches ont également été influencées par les approches de compétence culturelle adoptées par le système de santé et la société en général. Alors que l'attention est parfois portée aux changements culturels dont l'objectif est de garantir des soins adéquats sur le plan de la culture (p. ex., intervenants biculturels, prestation de services d'interprétation ou mise sur pied de ressources culturelles), d'autres approches mettent plutôt l'accent sur la prestation de séances de « sensibilisation aux cultures » destinées aux intervenants. Cette approche préconise souvent l'apprentissage d'éléments culturels spécifiques par l'intervenant (contribuant souvent à l'entretien de stéréotypes envers les groupes ethniques et à la négligence notamment des questions de sexe et de socio-économie) plutôt que l'acquisition de compétences qui permettraient de faciliter les communications interculturelles (Stevens, 1993b; Carrillo et al., 1999; Hamilton, 1996).
Un résultat indirect de cet objet de recherche a été d'attribuer les différences dans les comportements aux croyances traditionnelles sous-jacentes des divers groupes ethniques, tout en négligeant les caractéristiques de la « culture de la santé » pouvant créer des barrières structurelles aux soins équitables et l'importante diversité au sein d'un groupe ethnique particulier.
[Traduction] « Le prétexte de la culture pour expliquer tout ce qui est perçu comme émotif, irrationnel ou illogique dans le comportement du patient est courant dans la documentation sur le multiculturalisme et la santé. Le patient et son identité culturelle deviennent alors la préoccupation principale. L'attention est alors détournée d'autres acteurs et facteurs, et la culture devient alors simplement un autre moyen de jeter le blâme sur la victime. » (Kaufert, 1990).
Résumé
Les recherches réalisées à l'étranger, tant sur les conséquences des barrières linguistiques que sur les stratégies pour abolir ces barrières, ne peuvent pas nécessairement s'appliquer de manière générale au contexte canadien. Toute évaluation de leur applicabilité doit tenir compte du contexte historique, politique et culturel dans lequel les services sont offerts et les recherches menées.
Les services destinés aux divers groupes qui ont besoin de services d'accès linguistique au Canada ne sont pas coordonnés et sont mis en oeuvre par une panoplie d'institutions et de groupes communautaires. Le droit à l'accès linguistique diffère également d'un groupe à l'autre. L'absence de législation obligeant spécifiquement d'offrir des services d'interprétation en milieu médical a contribué au fait que le système de santé ne soit pas tenu responsable de la prestation de tels services.
Certaines garanties visant l'accès aux soins de santé dans la législation canadienne, de même que des dispositions plus générales en matière de droits de la personne dans la Charte des droits et libertés, suggèrent que le droit à l'accès linguistique pour les locuteurs d'une langue non officielle puisse être contesté. Cela dit, ilyapeu de dispositions exigeant l'application obligatoire de l'accès linguistique. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral exerce un contrôle à cet égard et met en application le droit des personnes d'accéder aux institutions publiques sans discrimination à l'égard de la langue (Perkins et Vera, 1998). Au Canada cependant, le soutien du gouvernement fédéral pour veiller à la mise en application des dispositions existantes a été plutôt timide. Malgré les mesures législatives, telle la Loi canadienne sur la santé, il semble qu'il y ait des différences majeures d'une province et d'un territoire à l'autre quant au niveau des services d'accès offerts aux personnes confrontées à des barrières linguistiques. Les carences sur le plan de l'application des lois en la matière expliquent sans doute le nombre très restreint de contestations présentées devant les tribunaux. Le contexte culturel de la prestation de services linguistiques au Canada pourrait également être un facteur faisant obstacle aux contestations.
Jusqu'à tout récemment, les tribunaux de première instance au Canada ont toujours adopté une approche prudente dans la défense des droits des minorités linguistiques. En revanche, le jugement rendu dans l'arrêt Eldridge a permis une analyse plus poussée des questions d'accès, pouvant mener à une interprétation dépassant le seul droit des personnes sourdes à communiquer avec les intervenants du milieu des soins de santé. Comme le démontrent les recherches sur lesquelles nous nous pencherons plus loin dans le présent rapport, certains éléments sembleraient indiquer que l'absence de services d'accès linguistique entraînerait une prestation de services de soins de santé de qualité inférieure pour les locuteurs d'une langue non officielle.
Aperçu des méthodologies de recherche
Les questions de recherche ayant trait à l'accès linguistique peuvent suggérer une méthodologie qualitative ou quantitative. Les méthodes qualitatives, telles que les entrevues ou les groupes de discussion, abordent des questions comme : Quels types de problèmes les barrières linguistiques contribuent-elles à créer? ou Comment les patients ou les intervenants font-ils face à ces barrières? Ces méthodes sont recommandées lorsque la connaissance du sujet est peu approfondie. Les méthodes quantitatives sont appropriées pour évaluer des théories ou déterminer l'importance d'un sujet d'intérêt. Elles demandent une bonne connaissance des questions et sont employées afin de répondre à des questions telles que : Quel est le nombre de patients confrontés à des barrières linguistiques? ou De quelle manière les personnes confrontées à ces barrières linguistiques diffèrent-elles dans l'utilisation de services spécifiques de celles qui n'ont pas à y faire face? Ces deux méthodologies ne sont pas mutuellement exclusives et, dans la majorité des cas, l'utilisation de plusieurs méthodes est recommandée afin de décrire les problèmes et pour élaborer et évaluer des théories pertinentes.
Les recherches descriptives réalisées par le passé, telles que les recherches fondées sur des études de cas, ont permis d'illustrer les risques relatifs à l'utilisation d'interprètes non professionnels de même que les répercussions pour les patients. Grâce à une plus grande sensibilisation, une plus grande attention a été portée à la mesure des effets, et les autres méthodologies de recherche ont atteint un niveau de maturité. Les données administratives sont employées afin de comparer l'utilisation et les résultats en matière de santé. Des enquêtes menées auprès d'un large bassin de population sont analysées en vue d'identifier les différences d'utilisation dans le milieu médical ou de l'état de santé en fonction de l'origine ethnique ou des capacités linguistiques. L'élément le plus important a été l'augmentation du nombre d'études conçues précisément en vue de comparer les groupes linguistiques en fonction de certains résultats (de l'utilisation des services aux différences dans les méthodes de pratique des médecins) tout en établissant un contrôle pour un certain nombre de variables pouvant engendrer une certaine confusion. Des analyses à plusieurs variables ont permis d'étudier les effets des barrières linguistiques et de contrôler certaines autres variables (p. ex., l'âge, la gravité de la maladie, la situation sur le plan des assurances, l'origine ethnique, le revenu, l'éducation) qui pourraient également influer sur les résultats mesurés. Cette façon de procéder a permis aux chercheurs de « démêler » les effets multiples de l'origine ethnique, de la langue et de la situation économique.
Un certain nombre de principes de méthodologie de recherche peuvent s'appliquer à tous les secteurs de la santé. Bien que la présentation de ces principes de recherche de manière approfondie ne soit pas l'objet de la présente recherche, nous tenons à souligner certains points qui pourraient de manière précise s'appliquer aux questions d'accès linguistique.
Avant d'amorcer un projet de recherche, il est essentiel d'entreprendre une étude de la documentation disponible dans les secteurs connexes. Cette façon de procéder peut non seulement mettre au fait le chercheur des découvertes importantes qui pourraient guider sa recherche (et éviter de dédoubler les recherches déjà menées), mais aussi fournir des indications importantes quant au type de recherche le plus approprié pour ce sujet d'étude. Il est primordial d'être en mesure d'établir un cadre aux questions de recherche et de choisir une méthodologie appropriée. Si les méthodes quantitatives sont utilisées, toutes les interventions de même que les indicateurs de résultats doivent être définis. Des mesures valides et fiables doivent par ailleurs être élaborées.
Toutes les variables pouvant avoir une incidence sur les résultats doivent être clairement identifiées et contrôlées. Dans le domaine de l'accès linguistique et des soins de santé, il existe de nombreuses variables qui peuvent être interposées et confondues. Parmi elles figurent les facteurs démographiques (situation socio-économique, sexe, éducation ou origine ethnique), le type de maladie ou sa gravité, la source habituelle des soins de santé du client, de même que le style de pratique et l'expérience de l'intervenant. On présume souvent que la prestation de services d'accès linguistique est la clé ou la seule intervention d'intérêt, ce qui peut mener à l'erreur. Par exemple, certaines études ont démontré que le fait que le patient soit simplement accompagné d'une autre personne peut améliorer les résultats du traitement (Kaufert et al., 1999). Un autre principe est à l'effet que les sujets des interventions de recherche soient similaires et qu'aucun biais ne doit exister quant à l'utilisation ou non de certains services. Les échantillonnages biaisés (établissements, intervenants, interprètes ou patients) peuvent se présenter facilement et ainsi influer sur les résultats.
Les recherches ayant trait à l'accès linguistique sont assujetties aux mêmes principes d'éthique que toutes les autres formes de recherche sur la santé. Tous les chercheurs en matière de santé travaillant avec des sujets humains doivent respecter les lignes directrices de la Politique inter-conseils (Conseil médical du Canada, 1998) et obtenir une approbation des commissions d'éthique spécifiques dans les établissements avec lesquels ils sont affiliés. Par ailleurs, on s'attend de plus en plus à ce que, dans la mesure du possible, on obtienne le consentement de la communauté. Ceci est particulièrement important lorsqu'il s'agit des Premières Nations et des Inuits (Kaufert et Kaufert, 1998). Il peut être plus difficile d'obtenir un tel consentement dans les communautés ethnoculturelles constituées de plusieurs sous-groupes et n'ayant aucun représentant élu (Bowen, 1999).
Le lecteur est invité à se reporter au texte intégral du présent document pour y trouver une vue d'ensemble détaillée des catégories générales de la méthodologie de recherche, y compris la recherche descriptive, les méthodes d'enquête, l'analyse secondaire des données, les méthodes expérimentales et l'évaluation économique. Le texte comprend une description de la méthodologie, des exemples d'études effectuées à l'aide de cette méthodologie, et traite des possibilités qu'ouvre chaque méthodologie pour la recherche plus poussée en matière d'accès linguistique. Le document intégral donne aussi un aperçu des défis auxquels font face les chercheurs lors de l'évaluation des effets des barrières linguistiques et fournit un survol des variables dont on devrait tenir compte. Cela inclut une discussion des questions soulevées par la définition et la mesure des barrières linguistiques.
Les données indiquent que les recherches relatives à l'accès linguistique en sont encore au premier stade du développement (Puebla Fortier et Shaw-Taylor, 1999). Comme le suggère la présente section, ilyade nombreux défis à relever dans la conception et l'évaluation des questions de recherche portant sur l'accès linguistique aux soins de santé. Bon nombre de ces défis sont liés au nombre, à la complexité et à l'interaction des variables qui doivent être prises en considération lors de l'élaboration d'un projet de recherche.
Au Canad a, l'absence d'un système coordonné d'interprétation en milieu médical et d'obligations visant à fournir des services professionnels d'interprétation aux locuteurs d'une langue non officielle explique en partie le fait qu'il y ait très peu de recherche dans ce domaine. Peu de chercheurs possèdent une expérience dans le domaine, et l'isolement des problèmes d'accès linguistique dans le cadre des principaux projets de recherche a fait en sorte qu'un nombre très restreint de recherches ont abordé cette problématique. Certains problèmes particuliers de méthodologie posent également un défi pour l'utilisation de certaines méthodes de recherche. Plusieurs méthodologies ont montré un bon potentiel pour l'approfondissement de la recherche dans ce secteur. Toutefois, l'utilisation de ces méthodes comporte de nombreuses limites qui sont liées à la présence de barrières linguistiques et culturelles de même qu'à la disponibilité des données devant être résolument abordées.
Les modèles de prestation de services d'interprétation
Les interprètes en soins médicaux n'ont été reconnus que récemment à titre de professionnels essentiels pour la prestation de soins de santé aux patients qui ne parlent pas une langue officielle (Jackson, 1998). Avec la sensibilisation accrue aux risques liés aux barrières linguistiques et à l'interprétation incorrecte, les fournisseurs des services et les défenseurs des droits des patients exigent de plus en plus de recherches sur les modèles de prestation de services d'interprétation. Au fur et à mesure que la sensibilisation à la nécessité de la compétence en matière d'interprétation s'accroît, l'on comprend de plus en plus qu'il soit nécessaire de faire la distinction entre les différents « types » d'interprètes et de cerner les problèmes qui peuvent survenir lorsque l'on a recours à des interprètes. Les questions sur la nature de la recherche sous cet aspect comprennent notamment les volets suivants : la définition du rôle de l'interprète; les modèles de prestation de services; les effets des interprètes sur la communication; les normes de prestation de services (formation, accréditation et évaluation).
Le rôle de l'interprète
Le rôle de l'« interprète médical » (même lorsqu'il n'est question que des « interprètes professionnels » ) est mal défini. La responsabilité principale d'un interprète consiste à permettre de surmonter la barrière linguistique entre des personnes parlant des langues différentes afin qu'elles puissent communiquer librement entre elles (Downing, 1995), mais il n'y a pas de consensus sur la meilleure façon d'y arriver. Un interprète peut être considéré comme un travailleur communautaire bilingue; dans ce cas, l'interprétation n'est qu'une partie d'un rôle plus vaste - y compris la défense des droits ou la médiation culturelle. À l'opposé, on retrouve ceux qui considèrent que les interprètes médicaux font partie de la même catégorie que les interprètes judiciaires ou de conférence; dans ce cas, l'on s'attend à ce que leur rôle se limite à la transmission exacte de messages. Ce débat met en évidence la complexité à la fois du rôle des interprètes et du défi qui consiste à « mesurer » l'apport des interprètes dans la prestation des services médicaux.
En raison de l'absence de consensus, les attentes quant au rôle de l'interprète sont souvent contradictoires (Kaufert et Koolage, 1984). Cependant, peu de recherches ont porté sur les effets de l'interprétation sur les interprètes eux-mêmes, et, souvent, la planification ou la recherche ne tiennent pas compte de leur point vue. Il semble qu'en raison du fait que les interprètes sont considérés comme des « processeurs de langage » neutres, leur expérience passe souvent inaperçue. Souvent, les interprètes affirment que leur rôle est stressant, frustrant et qu'ils manquent de soutien (Esperon-Rayson et al., 1991; Loutan et al., 1999). En outre, les interprètes interviennent souvent dans le cadre de communications pénibles et conflictuelles, lesquelles peuvent les affecter personnellement (particulièrement dans les cas de traumatismes ou de mauvais traitements). Ce problème est particulièrement vrai pour les interprètes appartenant à des communautés de réfugiés, dont bon nombre ont vécu des expériences semblables à celles des patients pour lesquels ils dispensent de l'interprétation (Tribe, 1999; Loutan et al., 1999; Bowen, 1999). Dans d'autres cas, on a recours aux interprètes afin qu'ils donnent du soutien affectif non seulement aux clients, mais également aux intervenants. Ils peuvent également se sentir responsables des échecs dans les diagnostics et les soins (Stevens, 1993b).
Il est essentiel que ceux qui planifient et administrent les programmes d'interprétation comprennent la complexité de la tâche d'interprétation, les rôles auxquels s'attendent les intervenants, les clients et les interprètes, et la façon dont la « culture » des soins de santé peut faire obstacle à l'équité des soins. Il a été constaté qu'on sollicite souvent l'assistance des interprètes - même lorsque le patient parle une langue officielle - afin d'aider à la médiation quant aux attentes culturelles tant du client que de l'intervenant, et pour offrir soutien et réconfort au patient (Hemlin et Mesa, 1996; Kaufert et al., 1998).
En dépit de l'absence de consensus sur ce que le rôle de l'interprète devrait être, il est généralement accepté que l'interprétation efficace ne doit pas se limiter simplement aux « mots ». L'interprétation doit également pouvoir permettre d'interpréter le sens et de préciser les malentendus pouvant découler des différences entre les cultures des deux participants à l'échange médical (Dias et O'Neill, 1998). Ainsi, on reconnaît que la culture du patient va au-delà de son origine ethnique. Les valeurs et croyances personnelles ainsi que les expériences antérieures peuvent être ou ne pas être semblables à celles des autres membres de la communauté ethnique du client. Il est également nécessaire d'expliquer et de « traduire » la culture du système médical - le langage technique (qui exclut souvent les non-spécialistes), les hypothèses et les pratiques médicales, ainsi que les droits et les attentes des patients (Jackson, 1998).
Les modèles de prestation de services
Les approches courantes de la prestation de services d'interprétation au Canada ont été décrites dans la deuxième partie. Bon nombre d'entre elles reposaient sur le recours à la famille ou aux amis ou, de façon ponctuelle, à des interprètes non professionnels. Dans cette partie, nous nous concentrerons sur les modèles de prestation de services d'interprétation par des interprètes ayant reçu une formation ou qui sont des interprètes professionnels. Une grande partie de la recherche sur les effets des barrières linguistiques et la prestation de l'interprétation a permis de cerner les risques liés au recours à des membres de la famille ou à des interprètes ponctuels, non professionnels. Cependant, la recherche sur l'efficacité des différents modèles de prestation de services professionnels est limitée. Le texte intégral du présent rapport brosse un tableau de plusieurs modèles de prestation de services professionnels avec leurs points forts et leurs limites.
Incidence de services d'interprétation sur la communication et l'utilisation des services
Un certain nombre d'études ont permis de cerner des différences quant à l'utilisation, la satisfaction et le respect du traitement entre les patients parlant couramment ou non une langue officielle.
Cependant, rares sont celles où l'on a tenté de comparer directement les patients ayant des interprètes professionnels à leur disposition et ceux qui n'y avaient pas accès.
Peu d'études ont comparé différents modèles de services d'interprétation. Kuo et Fagan (1999) ont réalisé un sondage auprès de patients hispanophones et de médecins résidents sur leur expérience et leur satisfaction quant à diverses méthodes d'interprétation linguistique (ami ou membre de la famille, interprète hospitalier professionnel, employé de l'hôpital n'étant pas interprète, interprète par téléphone, et médecin maîtrisant la langue maternelle du patient). Les taux de satisfaction quant à chaque méthode variaient considérablement entre les membres des deux groupes. Le taux de satisfaction quant aux interprètes professionnels des médecins résidents et des pati ents était le plus élevé, mais les patients étaient plus satisfaits de l'utilisation de membres de la famille et d'amis, et moins satisfaits de l'interprétation par téléphone que ne l'étaient les médecins résidents. Des différences ont également été remarquées entre les deux groupes en ce qui concerne les caractéristiques qu'ils jugeaient importantes chez un interprète. Les médecins résidents jugeaient que la disponibilité et la compréhension des coutumes et des croyances étaient importantes, tandis que les patients considéraient que la familiarité personnelle, le fait qu'ils soient du même sexe qu'eux, et la capacité de l'interprète de leur donner de l'assistance après la consultation étaient plus importants (Stevens, 1993b).
Dans le cadre d'une étude canadienne sur la clientèle, les professionnels de la santé et les interprètes travaillant auprès de la Banque interrégionale d'interprètes à Montréal, un sondage a été réalisé auprès de 288 travailleurs de la santé quant à leurs attentes face aux interprètes et leur satisfaction des services des interprètes fournis par la Banque interrégionale comparativement aux services des interprètes bénévoles (Mesa, 1997). Les intervenants en santé et la clientèle ont exprimé des niveaux de satisfaction très différents quant aux interprètes professionnels par rapport aux interprètes bénévoles, préférant les interprètes professionnels à plusieurs égards dont leurs compétences en interprétation et leur professionnalisme (p. ex., le respect de la confidentialité). Cette étude a révélé des différences beaucoup plus importantes quant à la satisfaction face aux interprètes bénévoles et professionnels que dans le cadre de l'étude menée par Kuo et Fagan (1999) décrite précédemment. Cependant, le taux de réponse plus faible de la part des participants et le fait qu'ils savaient que l'étude consistait en une évaluation de la satisfaction face à un programme spécifique peuvent avoir biaisé la sélection et les réponses.
La formation des interprètes
Au Canada, l'accent a davantage été mis sur la formation et la reconnaissance professionnelle de l'interprétation gestuelle que des autres langues minoritaires (Bird et McDonald, 1998). Les procédures d'agrément des traducteurs, des interprètes judiciaires et des interprètes de conférence ont également été plus perfectionnées que ce ne fut le cas pour l'interprétation dite « communautaire ». De nombreux programmes de formation des interprètes sont offerts au Canada, qu'il s'agisse de programmes pilotes ponctuels (Stevens, 1993) ou de cours donnés dans le cadre de certificats et de diplômes reconnus. Un sondage réalisé en 1997 a permis de relever sept programmes de formation des interprètes au Canada qui préparent les interprètes pour le milieu des soins de santé (Roat et Okahara, 1998). Tous les programmes, sauf un, intégraient la formation des interprètes médicaux aux programmes d'interprétation communautaire. Presque tous les programmes au Canada forment simultanément des interprètes dans diverses langues, à l'exception des programmes destinés aux locuteurs de l'inuktitut du Nunavut et du Nunavik. Le Collège de l'Arctique du Nunavut (Penney et Sammons, 1995) et le département de l'éducation des adultes de la Commission scolaire Kativik (CSK) offrent des programmes de formation en interprétation aux interprètes inuits. Le programme de la CSK offre des modules de base dans les domaines de l'éducation, des services sociaux, du droit et de la médecine, et comprend des modules supplémentaires sur un certain nombre de matières, dont la santé mentale (Raymond, 2001).
La formation a été élaborée à l'échelle régionale et provinciale, et des différences importantes ont été notées entre les provinces (Steyn, 1994). L'Ontario a adopté un modèle d'« interprétation culturelle », et certaines provinces ont mis en oeuvre des activités visant l'élaboration de normes et de services provinciaux (Affiliation of Multicultural Societies and Services Association of British Columbia, 2000). Dans d'autres provinces, peu d'attention a été portée à l'élaboration de normes, et les programmes d'interprétation ne sont offerts que par l'entremise d'organismes spécialisés (Stevens, 1993b). Bien que des programmes de formation aient été élaborés dans bon nombre de provinces et de territoires, il y a eu relativement peu de coordination et d'échange d'information entre les programmes (Dubienski, 1998).
Lors d'un symposium national sur l'accès linguistique aux soins de santé, l'impasse de la formation des interprètes et de l'emploi a été mise en évidence (Rochefort, 2000). En raison de l'absence de normes et de politiques exigeant des interprètes professionnels, la demande pour des interprètes professionnels est faible (bien que le besoin ne le soit pas). Par conséquent, pour de nombreux programmes de formation des interprètes, le nombre d'étudiants est insuffisant pour que les cours soient offerts de façon régulière, puisque les étudiants sont peu susceptibles de payer pour des cours lorsqu'ils ne sont pas certains d'obtenir de l'emploi dans ce domaine. Un examen de la Banque interrégionale d'interprètes à Montréal à permis de constater que le revenu annuel des interprètes était de 1 587 $ en moyenne (Mesa, 1997). Le manque d'interprètes ayant reçu une formation contribue à faire en sorte que l'on continue de faire appel à des interprètes non professionnels. Les participants ont recommandé que l'on élabore une stratégie concertée à l'échelle nationale, visant à promouvoir l'avènement de politiques favorisant le recours aux interprètes médicaux, la formation et l'établissement de normes dans ce domaine.
L'analyse DACUM est une initiative à la base des travaux réalisés présentement en vue de l'établissement et l'évaluation de normes déontologiques à l'intention des interprètes médicaux. Au départ, elle a été commandée par la Massachusetts Medical Interpreters Association (MMIA) et dirigée par la Dre Maria Paz Avery pour le compte du Educational Development Center Inc. (MMIA, 1996). Le DACUM (Developing a Curriculum) est une méthode d'analyse du travail du travail dans le secteur des professions et des techniques. Ce procédé est également utilisé au Canada pour définir les compétences exigées des interprètes.
Le DACUM s'est révélé un outil de développement utile à la définition de plusieurs rôles dans le milieu médical, et l'élaboration de normes est très prometteuse pour ce qui est de préciser l'une des variables de la recherche en interprétation (c.-à-d. le contrôle de la variable de la compétence des interprètes).
Un défi supplémentaire lié à l'établissement des normes réside dans la nécessité de l'élaboration de normes et de la formation pour les intervenants qui travaillent comme interprètes. Même si l'interprétation est faite de façon compétente, l'on ne peut atteindre une qualité optimale de communication si le fournisseur des soins de santé n'est pas conscient de la nécessité de travailler efficacement avec des interprètes et s'il ne possède pas les compétences nécessaires pour ce faire. Les intervenants appartenant à de nombreuses professions du milieu de la santé ont reconnu ce fait et élaboré des lignes directrices précises leur permettant de travailler avec des interprètes (Phelan et Parkman 1995; Smart et Smart, 1995; Massachusetts General Hospital Interpreter Office, 1998; Poss et Beaman, 2000).
L'accréditation et l'évaluation
La problématique de l'accréditation est étroitement liée à celle de la formation. L'accréditation comprend généralement un test de compétence s'ajoutant aux cours suivis et, ainsi, elle constitue un mécanisme permettant d'assurer des normes équivalentes pour un ensemble de programmes de formation. Il est important que l'accréditation soit coordonnée à l'échelle nationale, et que le processus tienne compte tant de la complexité que de la portée du rôle de l'interprète. L'évaluation de la qualité correspond à la mesure continue de la compétence et du rendement, et sa responsabilité incombe à l'organisme employeur. Peu de recherches ont porté sur l'évaluation de la qualité du travail des interprètes.
Priorités en matière de recherche
Plusieurs administrations sollicitent de l'aide pour détermine r le modèle de prestation de services le plus efficace. La recherche est donc nécessaire sur deux plans. L'un concerne l'évaluation comparative des différentes formes d'interprétation, au moyen de l'évaluation des patients et des intervenants et de l'évaluation de contenu de l'exactitude de l'interprétation. Le deuxième consiste en l'évaluation économique des modèles pour un établissement en particulier. Les établissements, les villes et les régions présentent des différences considérables en ce qui concerne le nombre de consultations médicales nécessitant des services d'interprétation, et le nombre de langues dans lesquelles ces services sont requis. Un défi d'ordre pratique est alors soulevé : celui de concevoir des modèles qui sont à la fois acceptables et rentables dans diverses situations. L'élaboration de modèles adéquats constitue un défi particulier dans un pays comme le Canada, où une population relativement petite est répartie sur un vaste territoire. Même si la majorité des locuteurs de langues non officielles vivent essentiellement dans quelques grandes villes canadiennes, la plupart des petites villes comportent également une faible proportion de leur population devant composer avec des barrières linguistiques. Dans les régions du Nord, il peut arriver que les intervenants soient des « locuteurs d'une langue minoritaire », et le patient ainsi que la plupart des membres de la communauté peuvent alors communiquer principalement dans une langue autochtone.
Le potentiel de la télémédecine en ce qui concerne l'accès linguistique aux services de santé n'a pas été suffisamment exploré. Cette technologie, maintenant utilisée au Canada pour surmonter les obstacles liés à la distance, semble particulièrement utile lorsque le diagnostic dépend de la culture et de la langue, comme par exemple en psychiatrie. La vidéoconférence a obtenu un degré élevé d'acceptation auprès des patients dans divers milieux. Elle peut également être utile dans certaines situations bien définies, si un intervenant de la même origine est disponible dans une autre ville. Cependant, cette solution ne repose pas sur des interprètes, puisqu'elle constitue une stratégie qui accroît le nombre de consultations où la congruence linguistique est assurée.
Une approche plus prometteuse mais qui exige d'autres recherches réside dans la création de rôles pour des travailleurs de la santé communautaires bilingues qui pourraient dispenser de l'interprétation dans le cadre de leurs fonctions (Stevens, 1993; Jackson, 1998).
Résumé
Force est de constater à la lecture du présent texte, que la preuve des effets négatifs des barrières linguistiques sur l'accès aux soins de santé et la qualité des soins est telle que l'on se doit de s'attaquer résolument aux questions d'ordre pratique touchant l'élaboration de normes déontologiques et de modèles adéquats de prestation de services en fonction du contexte canadien.
Tandis que le débat sur la façon dont le rôle de l'interprète devrait être défini se poursuit, ilyaun consensus suffisant sur les compétences de base pour que celles-ci constituent le fondement des programmes de formation. Bien qu'il y ait de nombreux modèles de prestation de services au Canada, la disponibilité et la qualité des services varient considérablement. Certaines initiatives ont déjà vu le jour en ce qui concerne l'établissement de normes déontologiques, mais il est nécessaire qu'elles soient étendues et coordonnées à l'échelle nationale. La formation doit préparer les interprètes à remplir un ensemble de rôles et elle doit également être exigée pour les intervenants qui travaillent avec des interprètes. La recherche est également nécessaire pour déterminer les modèles de services d'interprétation les plus appropriés en tenant notamment compte de la répartition de la population canadienne.
Effets des barrières linguistiques sur l'accès des patients aux services et sur la qualité des soins
Introduction
Dans la partie qui suit, nous faisons état des recherches actuelles sur l'impact des barrières linguistiques et sur les programmes d'accès linguistique abordés sous les angles suivants : évaluation des besoins en matière de programmes d'accès linguistique; effets des barrières linguistiques à l'accès initial aux services; effets des barrières linguistiques sur la qualité des soins; conséquences des barrières linguistiques pour la santé et l'utilisation des services.
Il importe de noter que bon nombre des études commentées dans les sections qui suivent ont été réalisées dans d'autres pays. On doit donc user de prudence en généralisant leurs résultats au contexte canadien. De nombreuses études sur l'accès linguistique ont été réalisées aux États-Unis, en partie en raison de l'intérêt qu'ont les organismes de gestion de soins (HMO) à analyser toute question qui touche à l'efficacité des coûts. À la différence du Canada, les États-Unis n'ont pas de régime d'assurancemaladie universelle. Par conséquent, toute étude américaine de la problématique de l'accès reflétera le fait que beaucoup de répondants font face à des barrières financières à l'obtention de services de santé.
Par ailleurs, un grand nombre des études de l'accès linguistique aux États-Unis ont visé avant tout la population hispanique, qui constitue de loin la plus importante minorité linguistique du pays. Il s'agit d'une population très diverse, composée d'Américains nés aux États-Unis et d'immigrants de toute une série de pays (dont une proportion non négligeable de « sans-papiers » qui font face à des barrières à l'accès supplémentaires). Les études publiées sont en grande partie centrées sur les langues des immigrants. On a accordé moins d'attention en Amérique du Nord aux personnes qui parlent les langues autochtones et aux personnes sourdes. Le présent rapport reflète cette réalité. Comme le reconnaissent les auteurs, beaucoup d'études comportent des limitations - qu'il s'agisse de la taille des échantillons, de biais possibles dans la sélection des participants ou de l'absence volontaire ou involontaire de données sur des variables potentiellement confusionnelles (p. ex., le niveau de scolarité ou le statut socio-économique) et d'ajustements pour en tenir compte. De plus, on remarque une grande latitude entre chercheurs dans la manière de définir et de mesurer la présence d'une barrière linguistique. On omet souvent de noter si un interprète était présent et (ou) de caractériser sa compétence. Ceci étant dit, nous n'en disposons pas moins d'un certain nombre d'études bien conçues qui donnent des résultats cohérents.
Évaluation des besoins en matière de programmes d'accès linguistique
La première étape du développement de modèles appropriés en vue de s'attaquer aux barrières linguistiques consiste à obtenir une évaluation précise des besoins. Cela comprend
- l'estimation du nombre de personnes qui ont besoin d'interprétation pour accéder aux services de santé et
- l'estimation de la proportion de ceux qui ont besoin de services d'interprétation médicale et qui arrivent à les obtenir.
Besoins en services d'interprétation
On évalue à 17 % la proportion de Canadiens dont la langue maternelle est autre que l'anglais ou le français. Environ 10 % de la population parle une langue « non officielle»àla maison. Au moment de leur arrivée au Canada, 42 % des immigrants ne parlent ni français ni anglais (Marmen et Corbell, 1999). Cette proportion est plus forte dans beaucoup de populations de réfugiés. Le quart des Autochtones déclarent avoir une langue maternelle autre que l'anglais ou le français (Statistique Canada, 1998). Cette proportion s'élève à 90 % à Nunavut, où 26 % des Inuits sont unilingues (Penney, 1994). Selon l'Association des sourds du Canada, 300 000 personnes sourdes dépendent du langage gestuel américain (ASL) pour communiquer, sur un total de 1,2 million de personnes sourdes ou malentendantes (Wood, 2001). Il est possible que les francophones hors Québec (environ 3 % des Canadiens vivant à l'extérieur du Québec déclarent que le français est la langue d'usage à la maison) et les anglophones vivant au Québec (10,5 % de la population québécoise) se heurtent à des barrières semblables (Bird et McDonald, 1998). On a assisté au Canada à une augmentation (d'environ 2 % au cours de la dernière décennie) du nombre de résidents qui ne parlent ni l'une ni l'autre des langues officielles. La place croissante qu'occupent l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine comme sources d'immigrants a contribué à cette plus grande diversité culturelle et linguistique.
Nous savons que le nombre de Canadiens qui ont besoin d'un interprète pour obtenir des services de santé est d'au moins 1 sur 50 (Marmen et Corbell, 1999). Or, la limite supérieure de cette proportion est beaucoup plus difficile à déterminer. Il est possible qu'elle soit aussi élevée qu'une personne sur dix - soit la proportion des Canadiens qui parlent une langue non officielle à la maison. Le pourcentage variera de façon importante entre les villes et les régions, et il sera plus élevé dans les villes où les immigrants sont nombreux, ou dans les régions du nord où les Autochtones forment une partie importante de la population.
Le nombre de personnes nécessitant des services d'accès linguistique dépendra également du domaine des services de santé. Par exemple, dans une région où la plupart des jeunes Autochtones parlent l'anglais ou le français comme langue maternelle, l'accès aux services de santé aux mères et aux enfants ne sera pas nécessairement entravé par des barrières linguistiques, bien qu'il puisse y avoir des barrières culturelles et systémiques à l'équité des soins.
Approches de la recherche récente
Il semble y avoir peu d'études destinées à déterminer les besoins d'ensemble en matière de services d'accès linguistique. De nombreuses études ont été réalisées au niveau des institutions, mais elles contiennent souvent des estimations non validées et ne sont pas toujours publiées. Souvent, on a recours à une enquête soit auprès des intervenants soit auprès des patients (McEntee, 1993; Andrea et Renner, 1995; Cross-Cultural Health Care Program, 1996; Drennan, 1996; Leman, 1997; Rader, 1998; Bischoff et al, 1999). Beaucoup d'évaluations institutionnelles ne font l'objet que d'une diffusion interne ou locale.
Au Canada, les méthodes les plus utilisées pour évaluer les besoins au niveau des communautés semblent être les évaluations de besoins, les groupes de réflexion et les consultations avec des représentants des communautés. Il se dégage systématiquement de ces consultations que les communautés d'immigrants et de réfugiés, les personnes sourdes et un grand nombre d'Autochtones (en particulier des membres des Premières Nations) considèrent que l'interprétation lors des rencontres médicales est une priorité (Stevens, 1993b; Stephenson, 1995; Association des infirmières et infirmiers du Canada, 1995; Calgary Multicultural Health Care Initiative, 2000). Cependant, il est important de noter, particulièrement dans le cas des communautés d'immigrants, que la proportion de la population nécessitant des services peut varier considérablement aussi bien entre les différentes communautés ethnoculturelles que dan s le temps. Bien que les besoins d'interprétation soient restés assez constants dans les communautés d'immigrants, les langues les plus en demande sont souvent liées aux tendances actuelles en matière d'immigration (Cross Cultural Health Care Project, 1995).
Proportion des personnes faisant face à des barrières linguistiques qui reçoivent des services
L'évaluation du besoin d'un interprète se fait à partir de l'expérience d'un ou de plusieurs participants à une interaction médicale. L'évaluation de la proportion des patients qui nécessitent des services d'accès linguistique et les reçoivent dans les faits est compliquée par la difficulté à définir ce qu'on entend par « interprète ». Seules quelques études d'évaluation des besoins ont cherché à différencier entre les types d'interprètes. Souvent, tous les types d'interprète sont considérés comme équivalents qu'il s'agisse d'un membre de la famille, d'un bénévole communautaire, d'un membre du personnel non médical de l'hôpital ou d'un interprète professionnel. Certains chercheurs notent le type d'interprétation fournie alors que d'autres omettent de le faire, et le type d'interprète employé n'est pas toujours une variable dans l'analyse. Les résultats montrent qu'on a souvent omis de faire appel à des interprètes même quand on en avait besoin (Baker et al., 1996; Stevens, 1993b; Ebert & Heckerling, 1995; Hornberger et al., 1997) ou qu'on a eu recours à une interprétation ponctuelle. Ainsi, dans leur étude de 1996, Baker et ses collègues ont trouvé que des interprètes ont été employés dans 26 % des cas, mais que dans 22 % des autres cas, on ne les a pas employés même si le patient estimait en avoir besoin. Quand l'anglais du patient et l'espagnol de l'intervenant étaient inadéquats, on n'a pas fait appel à des interprètes dans 34 % des cas. De plus, 87 % des patients qui n'ont pas eu droit à un interprète ont estimé qu'il aura fallu en utiliser un. Cette étude a également relevé le type d'interprète employé (infirmière/infirmier 28 %; médecin 22 %; autres personnes à l'urgence 16 %; interprète professionnel 12 %; membres de la famille 12 %; commis de l'hôpital 11 %).
Implications pour les services de la santé au Canada
Nous disposons de peu d'évaluations rigoureuses de la prévalence de barrières linguistiques dans les rencontres médicales au Canada. Les tentatives effectuées pour en arriver à des estimations sont généralement fondées sur des extrapolations à partir des estimations pour la population générale ou d'estimations produites par un établissement donné. Les estimations fondées sur les données démographiques puisent entre autres dans les analyses des statistiques sur le nombre d'immigrants admis au Canada, les rapports des programmes d'anglais ou de français langue seconde ou des écoles publiques, les enquêtes locales ou les consultations avec des répondants de la communauté. Plusieurs établissements ont réalisé des évaluations locales, et d'autres sont en train de se donner des stratégies d'estimation des besoins. Deux des méthodes employées consistent à relever et à suivre les préférences linguistiques des patients actuels ou à compiler les demandes de services d'interprétation.
Au Canada, étant donné que ni l'ethnicité ni la langue ne sont codées régulièrement dans les données administratives des systèmes de santé, on ne peut pas faire une analyse secondaire de ces données à des fins d'estimation. Les recensements et les enquêtes sur les activités des ménages recueillent des données sur l'usage des langues, mais ces données n'ont pas encore été employées pour faire des estimations préliminaires des besoins non satisfaits de services d'interprétation médicale. Les données sur l'immigration pourraient fournir des informations utiles sur le nombre de personnes arrivant au Canada en fonction de leur langue maternelle et sur leur capacité de parler anglais ou français. Toujours est-il que de tels chiffres se révèlent moins utiles dans le temps en raison des migrations entre les provinces et les territoires, des taux incertains d'acquisition de langues secondes, et de l'accroissement naturel de la taille de la communauté. e Les chiffres sur les nombres et les langues maternelles des élèves d'anglais langue seconde peuvent également donner une certaine idée, mais ils sous-estimeront les besoins de ceux qui sont au Canada depuis plus longtemps et de ceux qui, pour diverses raisons, ne suivent pas de cours de langue.
La recherche dans ce domaine doit viser avant tout à aider les intervenants en santé et les communautés à élaborer des modèles de services d'accès linguistique. Il est nécessaire, non seulement d'obtenir une évaluation précise du nombre de rencontres entre personnes sans langue commune, mais aussi de déterminer les types d'interprètes employés lors de ces rencontres, les raisons pour lesquelles l'interprétation n'a pas été assurée, les méthodes de contrôle de la qualité appliquées aux interprètes membres du personnel, les compétences des interprètes, la formation reçue, les méthodes d'évaluation, la présence de politiques linguistiques, la collecte de données, et les méthodes de coordination des services (Cross Cultural Health Care Project, 1995).
Il est essentiel que la recherche soit pancanadienne. Ceci dit, les méthodes de recherche mises au point dans d'autres contextes pourraient servir à baliser les initiatives canadiennes dans ce domaine.
Effets des barrières linguistiques sur l'accès initial aux services
Les barrières linguistiques ont été associées à des taux d'utilisation des services plus élevés et plus bas. L'analyse des données sur l'utilisation en association avec la maîtrise linguistique indique que certaines des différences observées pourraient être attribuables à des effets différentiels
- des barrières linguistiques à l'accès initial et
- des barrières à la communication qui influent sur le diagnostic et le traitement (Bowen, 2000).
Les premières empêchent une personne de se présenter pour être examinée et soignée, tandis que les secondes affectent la qualité des soins obtenus. Les recherches indiquent qu'il existe une tendance générale à une participation plus faible à de nombreux programmes de prévention et de dépistage chez les personnes qui font face à des barrières linguistiques. Une participation plus forte a été signalée par certaines urgences et pour des examens supplémentaires commandés pour remédier à une communication inadéquate.
Il est important de noter que l' utilisation peut être déterminée soit par le patient soit par l'intervenant. C'est le patient qui, le plus souvent, prend l'initiative du premier contact avec le système. Par contre, l'envoi en consultation chez un spécialiste, les tests diagnostiques, les visites de suivi et la prescription de produits pharmaceutiques sont déterminés par l'intervenant. Même la participation aux programmes de prévention peut être déclenchée par le médecin (plutôt que par le patient) au cours d'une visite ordinaire ou autre.
La présente section sera centrée sur les barrières à l'accès initial.
Un concept clé lié à la recherche sur les tendances en matière d'utilisation est celui de «l'acculturation ». Ce concept décrit le processus par lequel les personnes qui arrivent dans une nouvelle société en viennent à adopter de plus en plus ses croyances, ses valeurs et ses pratiques et à ressembler davantage aux autres membres de la société d'accueil. D'aucuns soutiennent que plus les individus deviennent « acculturés»àla culture nord-américaine par exemple, plus il est probable qu'ils aient des croyances, des pratiques et des habitudes d'utilisation relatives à la santé qui sont semblables à celles de la population dans son ensemble. Dans beaucoup d'études, on a supposé que la langue était une mesure de l'acculturation et non la première variable d'intérêt. Or, comme on le verra dans les sections qui suivent, les études récentes semblent indiquer que la maîtrise de la langue pourrait être le facteur déterminant.
Des différences importantes dans l'utilisation des programmes de prévention en fonction de la connaissance d'une langue officielle (ou de la congruence linguistique) ressortent systématiquement dans les études. Le phénomène est présent dans un grand éventail de conditions et se manifeste de manière assez uniforme. La plupart des études se sont concentrées sur les programmes de dépistage tels que les mammographies ou les tests de dépistage du cancer du col utérin pour lesquels existent souvent de bonnes données.
Rares sont les études nord-américaines publiées qui traitent spécifiquement de l'impact de la langue sur l'utilisation des programmes de prévention. Il existe toutefois deux autres types d'études qui présentent des pistes intéressantes : les études qui comparent différents groupes ethniques et font apparaître la langue comme facteur explicatif possible ou probable des différences; et les études qui comparent différents groupes ethniques, mais qui ne mesurent pas ou ne prennent pas en considération la maîtrise de la langue de manière distincte de la « culture ».
Plusieurs études ont été consacrées à l'utilisation des programmes de dépistage du cancer (Fox et Stein, 1992; Naish et al., 1994; Solis et al., 1991; Marks et al., 1987). Ainsi Fox et Stein (1991) ont étudié l'utilisation du dépistage par mammographie par les différents groupes raciaux et ethniques aux États-Unis en faisant une enquête téléphonique bilingue à composition aléatoire auprès de plus de 1 000 femmes. Ils ont trouvé que la variable qui prédisait le plus puissamment que les femmes de tous les groupes raciaux avaient subi une mammographie était le fait que leurs médecins en avaient discuté avec elles. La probabilité pour les femmes hispaniques que leurs médecins leur aient parlé du dépistage mammographique était faible, comparativement aux femmes noires ou blanches.
L'accès aux services de santé mentale et de conseils constitue un aspect particulièrement préoccupant de l'utilisation des interprètes. En plus des barrières générales au premier contact, il existe d'autres problèmes liés aux différences culturelles dans la prestation des services, à la communication des préoccupations, aux croyances relatives à la maladie mentale ou aux problèmes affectifs, et à la confidentialité. Même quand les patients sont déjà en contact avec le système de santé, ils peuvent être amenés à attendre avant de chercher à se faire soigner pour des problèmes de santé mentale en raison de barrières linguistiques, et qu'ils sous-utilisent les services de santé mentale (Groupe canadien chargé d'étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés, 1988; Nyman, 1991; Trauer, 1995; Stuart et al, 1996; Roberts et Crockford, 1997). Ilyade nombreuses barrières à l'accès aux ressources pour les victimes de violence familiale et d'agression sexuelle. Les intervenants des programmes de conseils psychologiques ne font souvent aucun effort particulier pour assurer l'accès linguistique et préfèrent diriger les clients vers des organismes d'« aide » génériques tels que les organismes qui fournissent des services d'établissement généraux aux immigrants. Il en résulte un service de qualité inférieure pour ceux qui ne parlent pas une des deux langues officielles.
Les études ont fait ressortir que les barrières linguistiques ont pour corollaires : des examens physiques généraux moins fréquents (Hu et Covell, 1986); moins de visites chez le médecin (Derose et Baker, 2000); une plus faible probabilité d'avoir une source de soins régulière (Weinick et Krauss, 2000). Les patients indiquent également que la langue constitue une entrave importante à l'accès aux soins (Davanzo, 1992; Chak et al., 1984).
Les administrateurs et les chercheurs concentrent une bonne partie de leur attention sur les besoins urgents ou naissants, mais il existe des barrières initiales à l'accès dans une foule d'autres domaines qui peuvent être moins évidentes. La liste comprend les barrières à la promotion de la santé et des ressources éducatives, l'éducation et les conseils relatifs au VIH/sida, la participation aux cours de premiers soins ou de RCP, l'accès aux soins d'urgence, les services après les heures d'ouverture habituelles, les services de pharmacie et l'accès à tout un éventail de services de santé mentale, de conseils et de réadaptation fonctionnelle.
Le Canada semble accuser un retard par rapport aux États-Unis pour ce qui est de la recherche spécifiquement consacrée à l'accès linguistique, et les études emploient souvent une définition vague de la « langue » en combinaison avec des facteurs ethniques et autres. Beaucoup de ces études semblent dire que la langue est un facteur explicatif des différences d'utilisation. Cependant, ces différences sont plus fréquemment attribuées à des différences de croyances culturelles et (ou) à un statut socio-économique plus bas.
Le système canadien de soins de santé à accès universel présente un certain nombre d'avantages pour la recherche dans le domaine de la santé. À la différence des études effectuées aux États-Unis, il n'est pas nécessaire d'apporter des ajustements pour tenir compte de l'assurance-maladie. L'assurance-maladie universelle signifie aussi que les données de comptabilisation des actes pour tous les résidents par province ou territoire sont centralisées; des initiatives sont d'ailleurs en cours pour accroître l'uniformité des rapports produits par les provinces et territoires.
La recherche canadienne indique que les femmes autochtones et certains groupes de femmes immigrantes ont moins de chances d'avoir subi une mammographie ou un test de dépistage du cancer du col utérin (Hislop et al, 1996; Matuk, 1996a; Gentleman et Lee, 1997; Grunfeld, 1997; Sent et al, 1998; Maxwell et al, 2001).
Woloshin et al. (1997) ont analysé les données sur les réponses concernant l'utilisation des examens des seins, des mammographies et des analyses des frottis vaginaux recueillies lors de l'Enquête sur la santé en Ontario de 1990. Parmi les répondantes d'une ville, 10 % étaient des non-anglophones (6 % étant des francophones et 4 % des allophones). Les auteurs de l'étude ont trouvé que les francophones avaient de manière significative moins de chances de subir un examen des seins ou une mammographie. Les femmes dont la langue maternelle n'était ni l'anglais ni le français avaient moins de chances d'obtenir une analyse des frottis vaginaux. Ces résultats persistaient même quand on apportait des ajustements pour tenir compte de facteurs sociaux et économiques tels que le contact avec le système de santé, et de diverses mesures de la culture. Les auteurs ont noté que les foyers ne parlant ni anglais ni français étaient exclus de l'enquête, ce qui réduisait les différences entre les répondants parlant une langue officielle et les répondants parlant une autre langue.
C'est un fait reconnu que la participation aux programmes de prévention est liée au statut socio-économique même lorsque l'admissibilité est universelle. La recherche a accordé une attention particulière aux croyances et aux pratiques culturelles qui peuvent agir en tant que barrières à la participation, et au concept de « l'acculturation ».
Nous disposons de moins d'études sur l'effet des barrières linguistiques sur l'accès à l'information sur la promotion de la santé et la prévention de la maladie. Ces initiatives se situent en grande partie à l'extérieur du système de santé en tant que tel et dépendent fortement de la langue en raison de leur nature « éducative ». Les études réalisées dans ce domaine n'en fournissent pas moins des signes qu'il existe des barrières réelles en éducation sanitaire.
Une étude portant sur les pratiques de détection du cancer du sein chez des femmes sud-asiatiques (Choudrey et al., 1998) a révélé que l'auto-examen des seins était pratiqué par un plus faible pourcentage des femmes dans l'échantillon que dans la population générale. Les auteurs ont aussi noté que les barrières semblaient se situer au niveau de la langue et de l'ignorance de la culture occidentale plutôt qu'au niveau de quelque attitude négative que ce soit à l'égard des pratiques.
Fitch et al (1997) ont effectué une étude auprès de 513 adultes plus âgés à l'aide du Cancer Knowledge Survey for Elders (enquête sur les connaissances relatives au cancer chez les aînés). Les auteurs ont trouvé que la proportion des répondants non anglophones qui ont donné des réponses inexactes était plus grande que celle des répondants anglophones, et cela pour toutes les questions. L'enquête n'a pas tenu compte d'autres facteurs démographiques, mais elle représente une source d'informations importantes sur les mécanismes par lesquels la maîtrise linguistique peut, en influant sur l'accès à l'information sur la santé, retarder le diagnostic d'une maladie grave.
Edwards (1994) a consacré une enquête prospective longitudinale aux prédicteurs de la participation à des cours prénatals chez les femmes immigrantes. Deux variables se sont dégagées comme prédicteurs significatifs de l'assistance de femmes qui allaient être mères pour la première fois : la maîtrise auto-évaluée de l'anglais ou du français, et l'âge maternel. Les femmes qui ont évalué leur maîtrise de la langue officielle comme excellente ou très bonne avaient sept fois plus de chances de déclarer avoir participé à des cours.
Il existe d'autres études canadiennes qui semblent indiquer que la langue peut contribuer à faciliter ou à entraver l'accès aux services. Beaucoup de ces études reposent sur des échantillons de taille plus restreinte et n'ont pas mesuré le facteur « langue » directement (Majumdar et al., 1995; Roberts et Crockford, 1997; Matuk, 1996b).
Plus convaincants sont les propos que tiennent systématiquement les usagers des services de santé eux-mêmes, dans le cadre de consultations communautaires. Les barrières linguistiques sont systématiquement mentionnées comme une barrière importante, sinon la plus importante, aux services, tant au Canada qu'à l'étranger (Stevens, 1993b; Stephenson, 1995).
Il existe des indications assez solides pour dire que les Canadiens qui ne parlent pas une des langues officielles font face à d'importantes barrières à l'accès initial aux services de santé. Cependant, en raison de l'assurance-maladie universelle, il est peu probable que ces barrières aient une incidence sérieuse sur l'accès pour les personnes qui sont gravement malades ou blessées. Le Canada offre un cadre unique pour l'évaluation de l'importance relative des barrières financières comparativement aux autres barrières à l'accès, et on ne peut pas supposer que les barrières linguistiques aient le même impact sur l'accès que dans des pays sans régime d'assurance-maladie universelle. Il est important que les études futures se penchent sur les effets de la connaissance de la langue officielle, tout en tenant compte des divers facteurs liés à l'ethnicité, au statut d'immigrant, au statut socio-économique et à la scolarité.
Les stratégies visant à faciliter l'accès doivent également reconnaître que les barrières à l'accès ne se limitent pas aux soins dispensés par un médecin ou dans un hôpital. Une plus grande attention doit être accordée aux barrières à l'accès aux programmes de prévention, particulièrement aux programmes de promotion de la santé, qui servent à diffuser de l'information sur la santé et à prévenir des problèmes de santé futurs.
Incidences des barrières linguistiques sur la qualité des soins
Les recherches mentionnées dans la présente section couvrent une série de dimensions différentes : études de cas; différences dans le traitement donné aux patients en raison de barrières linguistiques; résultats cliniques; satisfaction des patients; compréhension et « observance » de la part des patients; et normes éthiques applicables aux services de santé.
Nous avons trouvé peu d'études centrées spécifiquement sur les barrières linguistiques comme le principal facteur influant sur les soins. Par contre, nous disposons d'un plus grand nombre d'études qui semblent indiquer que la langue peut contribuer de façon importante à ce que divers groupes ethniques aient une expérience différente des services de santé.
Les études de cas sont la source d'informations la plus complète sur l'éventail des problèmes liés à la qualité des soins qui peuvent découler des barrières linguistiques. Nous n'en ferons pas un compte rendu ici, mais il est à noter que ce sont les études de cas qui ont été les premières à mettre en lumière les problèmes découlant des barrières linguistiques et qu'elles ont proposé des orientations pour la recherche future. Ces rapports non seulement illustrent à travers des exemples concrets les effets des barrières linguistiques sur la qualité des soins, mais ils présentent aussi le contexte dans lequel les services sont offerts, et ils éclairent les mécanismes d'action négative sur les soins. On y documente de nombreux exemples de diagnostics retardés, de mauvais diagnostics, d'envois en consultation inappropriés et de situations dans lesquelles on a omis d'expliquer l'état du patient ou le traitement recommandé, d'assurer la confidentialité ou d'obtenir le consentement éclairé du patient (Bowen et Kaufert, 2000a; Haffner, 1992; Holden et Serrano, 1992; Stevens, 1993b; Flores et al, 2000).
Aux États-Unis, on accorde de plus en plus d'attention à la question des inégalités selon l'ethnicité ou la race dans la prestation des services de santé et concernant l'état de santé des gens. Lors d'une recension complète des écrits réalisée par Mayberry et al. (1999) grâce à une subvention de la Henry B. Kaiser Foundation, on a trouvé des différences significatives dans la qualité des soins et l'état de santé entre groupes ethniques ou raciaux qu'on ne pouvait attribuer ni aux différences de revenu, de scolarité, de style de vie ou d'assurance ni à d'autres facteurs. Force est de conclure qu'il existe dans le système de santé américain des inégalités liées à l'ethnicité. On ne peut supposer que ces résultats s'appliquent au Canada, car la présence d'un système de santé à accès universel financé par l'État élimine de nombreuses sources d'inégalité, et le climat culturel et politique n'est pas le même. Bien que les différences entre groupes ethniques en ce qui concerne l'état de santé et l'utilisation des services sur l'initiative du patient aient attiré l'attention des chercheurs au Canada, ilyaeu historiquement peu d'études visant à déterminer s'il y a des différences sur le plan du traitement en fonction de l'ethnicité. En même temps, comme on n'a presque pas étudié la question au Canada, on ne peut pas non plus supposer que des inégalités liées à l'ethnicité n'existent pas. Les chercheurs canadiens qui se sont intéressés à la question de l'équité ont surtout étudié les différences sur les plans de l'état de santé et de l'utilisation des services en se servant d'indicateurs socio-économiques. Cependant, une étude a trouvé que les membres de groupes ethniques au Québec, même s'ils avaient des taux d'utilisation des services médicaux semblables aux autres groupes, avaient davantage recours aux services spécialisés et de diagnostic (Blais et Maiga, 1999). Toutefois, dans cette étude, la langue n'était pas une variable controlée.
Il y a moins d'informations sur les effets précis des barrières linguistiques sur le traitement reçu. Les recherches documentaires citées dans le texte intégral de ce rapport donnent à penser que les barrières linguistiques peuvent se traduire par: une plus forte probabilité d'admission à l'hôpital (Lee et al., 1998); une utilisation accrue des tests diagnostiques (Hampers et al, 1999); une probabilité plus faible d'un rendez-vous pour effectuer un suivi (Sarver et Baker, 2000); une probabilité plus faible que le traitement de la douleur soit adéquat (Cleeland et al., 1997; Chan et Woodruff, 1999; Todd et al., 1993); et des différences quant à la prescription de médicaments (Brown et al., 1999; Gill et al., 1995). Certains domaines tels que les suivants présentent des risques particuliers : santé mentale, sexualité et santé reproductive, toxicomanie, violence familiale et services touchant la réadaptation fonctionnelle et les invalidités.
Quelques études seulement ont examiné les différences quant aux résultats cliniques en relation avec les barrières linguistiques malgré le fait que les études laissent supposer qu'il existe de nombreux effets intermédiaires - retards mis à chercher à se faire soigner, mauvais diagnostics, traitements inappropriés, compréhension et observance réduites, lésions causées par une faute professionnelle - qui pourraient affecter les résultats cliniques.
Une des indications les plus frappantes des conséquences cliniques des barrières linguistiques est décrite dans une étude de LeSon et Gershwin (1996) sur de jeunes adultes asthmatiques âgés de 20 à 34 ans. Le but de cette étude (et d'une étude complémentaire sur des patients pédiatriques) était de déterminer les facteurs de risque pour l'intubation. Les auteurs ont employé l'intubation comme un marqueur prédicteur de mortalité. En effectuant une analyse multivariée pour déterminer les effets de chacune des variables (statut socio-économique et autres facteurs par ex.) tout en maintenant constants les effets des autres variables, les chercheurs ont trouvé que plusieurs des covariables étaient statistiquement significatives : les patients qui faisaient face à des barrières linguistiques (définies comme une incapacité à parler l'anglais) avaient plus de 17 fois de chances d'être intubés que les patients présentant les mêmes caractéristiques qui pouvaient s'exprimer couramment en anglais. D'autres études ont exploré les rapports entre les barrières linguistiques et les complications médicamenteuses (Ghandi et al., 2000); les résultats cliniques de patients hypertensifs et diabétiques (Perez-Stable et al., 1997); et les résultats cliniques tels que déclarés par les patients (Flores et al., 1998).
La satisfaction du patient est la mesure la plus reconnue et la plus largement employée de l'efficacité de la communication entre intervenants et patients (Kaplan et al, 1989). C'est aussi un résultat des soins, et certains considèrent qu'elle est fortement corrélée avec la qualité de ceux-ci. On s'attendrait à ce que les personnes qui n'ont pas de langue commune avec leurs intervenants soient moins satisfaites des soins qu'ils obtiennent, et la plupart des études qui ont abordé la question confirment que c'est effectivement le cas.
Plusieurs études ont examiné différents aspects de la satisfaction du patient à l'égard des soins. Ces études montrent que les patients qui ne parlent ni l'anglais ni le français sont généralement moins satisfaits des soins qu'ils reçoivent (Carasquillo et al., 1999; Baker, Hayes et Fortier, 1998; Morales et al., 1999; David et Rhee, 1998; Hu et Covell, 1986).
L'« observance » de la part du patient est un aspect de la problématique qui apparaît dans les études comme étant affecté par l'accès linguistique. On penserait spontanément que les patients qui avaient plus de difficulté à comprendre leur médecin seraient moins portés à respecter les indications thérapeutiques qu'ils en reçoivent. C'est ce qui semble être le cas, non seulement à cause des difficultés évidentes à obtenir des informations exactes, mais aussi parce qu'une bonne communication peut être une source de motivation, de réconfort et de soutien, et une occasion de clarifier les attentes (Kaplan et al, 1989).
Un examen des études révèle des différences systématiques et significatives dans la compréhension et l'observance quand une barrière linguistique est présente. En cas de barrière, les patients : sont plus enclins à dire que les effets des médicaments ne leur ont pas été expliqués (David et Rhee, 1998); sont moins susceptibles de se souvenir de leur diagnostic et de leurs instructions de congé d'hôpital (Crane, 1997); sont moins susceptibles de rapporter qu'ils ont compris leur diagnostic et leur traitement (Baker et al., 1996). Il est également moins probable que les patients diabétiques seront à même de surveiller tout seuls leur glycémie (Karter et al., 2000) ou que les patients asthmatiques sauront maintenir les concentrations sanguines thérapeutiques au niveau voulu pour maîtriser leur asthme (Manson, 1988).
Les données sur les effets des barrières linguistiques sur le respect des rendez-vous sont contradictoires. Gruzd et al (1986) ont effectué une analyse multivariée de 25 prédicteurs indépendants du non-respect des rendez-vous. Ils ont trouvé que la langue était l'une des six variables significativement associées au respect des rendez-vous, alors que la race (ou l'ethnicité) ne l'était pas. Ceci confirme le résultat obtenu par Manson (1988). Dans une étude de moindre envergure, Enguidanos et Rosen (1997) n'ont trouvé aucune association significative entre la langue et le respect des rendez-vous, mais il est possible que leurs résultats aient été affectés par la faible taille de l'échantillon et le fait que les chercheurs n'aient pas apporté d'ajustement pour tenir compte du type de maladie du patient et de la gravité des symptômes. Sarver et Baker (2000) n'ont eux aussi trouvé aucune différence au niveau de l'observance même si le nombre de rendez-vous de suivi donnés par des médecins variait selon la compétence linguistique.
Il existe aussi des preuves assez convaincantes que la qualité des soins obtenus par ceux qui ne parlent pas couramment une des langues officielles est affectée par l'inobservation des normes éthiques de la part des intervenants en santé. La compromission du caractère éthique des soins peut prendre trois formes : a) ne pas fournir des soins conformes à la norme appliquée aux soins donnés à d'autres patients, b) ne pas protéger la confidentialité des patients, et c) ne pas assurer adéquatement le consentement éclairé des patients aux traitements qu'ils subissent.
Divers rapports des autorités publiques indiquent que les patients qui ne parlent pas une des langues officielles ne reçoivent pas des soins de la même qualité au Canada (Tang, 1999). Les exemples les plus spectaculaires de mauvais diagnostics entraînant des lésions ou la mort mis à part, les études montrent qu'en dépit des meilleures intentions des intervenants, les patients qui ne parlent pas une des langues officielles risquent, au jour le jour, d'être moins protégés en termes d'application des normes éthiques que les patients anglophones ou francophones.
L'obtention du consentement éclairé est une norme absolument essentielle à la prestation de soins conformes à l'éthique. Cela exige une communication ouverte et fréquente. Quand le patient et l'intervenant ne parlent pas la même langue, il est impossible d'obtenir un consentement éclairé. En outre, le recours à des interprètes sans formation porte atteinte au respect de la confidentialité, qui est pourtant un élément essentiel d'une prestation de qualité.
Cela est particulièrement préoccupant dans des domaines sensibles comme la santé mentale et la santé des fonctions reproductives. L'utilisation de membres de la famille comme interprètes risque de perturber les relations familiales normales et d'exposer les enfants à des séquelles psychologiques (Haffner, 1992; Jacobs et al., 1995; Stevens, 1993b).
Comment les barrières linguistiques influent-elles sur la santé et l'utilisation des services?
La recherche décrite dans les sections qui précèdent a cerné des différences quant aux traitements, aux résultats, à la satisfaction et à l'« observance » entre les patients qui font face à des barrières linguistiques à l'accès aux soins et les patients pour qui ces barrières n'existent pas. Le moment est venu de se poser la question suivante : comment les barrières linguistiques agissent-elles pour produire ces effets?
Une approche de l'élucidation des mécanismes qui conduisent aux effets susmentionnés consiste à examiner des textes narratifs qui correspondent à des processus d'interprétation réels (Marcos, 1979; Ebden et al., 1998; Flores et al., 1999; Downing, 1992).
Marcos (1979) a réalisé une étude de patients psychiatriques sinophones et hispanophones et de leurs intervenants. L'auteur a tenté de définir les modes de distorsion associés à l'entrevue avec interprète en observant des entrevues avec trois types d'interprètes différents, soit des infirmiers psychiatriques expérimentés en psychiatrie clinique, des aides-infirmiers et des parents du patient. L'auteur mentionne que tous étaient parfaitement bilingues mais omet de préciser s'ils possédaient quelque autre qualification que ce soit. L'analyse du contenu des enregistrements sur audiocassette des entrevues a été effectuée par un psychiatre anglophone avec l'aide d'un interprète. L'auteur relève trois grands types de distorsions : des distorsions liées à la compétence linguistique et à la capacité de traduire de l'interprète, des distorsions liées au manque de connaissances en psychiatrie de l'interprète, et des distorsions liées aux attitudes de l'interprète. L'étude donne des exemples précis de chacun des trois types de distorsion. Un exemple du type de distorsion qui peut survenir en cours d'interprétation est illustré par la manière dont l'interprète a rendu la réponse du patient à la question de savoir s'il y avait quelque chose qui le dérangeait :
Patient : « Je sais...je sais que Dieu est avec moi. Je n'ai pas peur, ils ne peuvent pas m'atteindre. [pause]. Je porte ce nouveau pantalon et je me sens protégé, je me sens bien, je n'ai plus de maux de tête. »
Interprète : « Il dit qu'il n'a pas peur, il se sent bien, il n'a plus de maux de tête. » (p. 173)
L'étude conclut que les cliniciens qui évaluent des patients non anglophones en se servant d'un interprète sont exposés à des distorsions systématiques et cliniquement importantes liées à l'interprète, des distorsions qui peuvent donner lieu à de sérieuses erreurs de compréhension de l'état mental du patient.
Dans son analyse des rencontres médicales interprétées, Downing (1992), professeur et chercheur en linguistique à l' University of Minnesota, a présenté une autre démonstration des risques qu'on court en employant des interprètes non formés ou bénévoles. Un de ses exemples - une rencontre entre une infirmière praticienne, un patient et le fils du patient agissant à titre d'interprète - présente plusieurs types d'incommunication. Dans une conversation qui ne compte que 25 échanges, Downing a relevé les formes d'incommunication suivantes :
- l'interprète n'a pas compris la question de l'infirmière et n'a pas demandé des éclaircissements (4 fois);
- l'interprète a interrompu la dynamique de l'entrevue en demandant à l'infirmière de reformuler ce qu'elle venait de dire ou en demandant qu'elle explique le sens de tel ou tel mot (4 fois);
- l'interprète a commis des erreurs d'interprétation parce qu'il ne comprenait pas suffisamment bien certains mots et certaines expressions idiomatiques (5 fois);
- l'interprète a répondu lui-même à une question sans même tenter d'interpréter la question ou sa réponse en anglais pour le patient (6 fois);
- l'interprète a donné ses propres opinions ou des renseignements sur le patient sans qu'on le lui demande (5 fois);
- l'interprète a omis d'interpréter une question, obligeant le patient à essayer de deviner le sens de la question et d'essayer d'y répondre (4 fois);
- l'interprète a omis d'interpréter une réponse donnée par le patient (6 fois);
- l'interprète a sérieusement déformé le message en cours d'interprétation en ajoutant des informations (2 fois), en omettant des informations (4 fois) ou en changeant le sens (7 fois);
- la réponse que l'infirmière a reçue du patient était la réponse à une question autre que celle qu'elle a posée, sans qu'elle le sache (2 fois).
Ces analyses donnent une idée à la fois de la fréquence et des types d'erreurs commises pendant le processus d'interprétation. Elles montrent clairement les risques inhérents à l'utilisation d'interprètes non formés, d'interprètes ad hoc ou de membres de la famille, et elles mettent en garde les intervenants contre les conséquences possibles des erreurs de traduction. Certaines analyses permettent également de cerner des différences dans les communications dans des situations où aucun interprète n'est disponible.
On peut avoir un point de vue plus vaste sur l'incidence possible des barrières linguistiques sur les résultats des traitements en passant en revue la recherche sur la communication patient-intervenant. Il est généralement admis que la relation patient-intervenant est établie au moyen de l'utilisation efficace du langage. La communication est au centre de l'exercice de la médecine (Woloshin, 1995). D'après des revues de la documentation (Kaplan et al., 1989; Stewart, 1995; Stewart et al., 1999, 2000), il existe un lien entre la qualité de la communication patient-intervenant et les résultats des traitements du patient. En plus des effets plus visibles sur la satisfaction et le respect des régimes posologiques, il a été constaté que la qualité de la communication a un effet positif général sur les résultats concrets des traitements du patient dans les faits, tels la douleur, le rétablissement, l'anxiété, l'état fonctionnel et les mesures physiologiques de la pression sanguine et des taux de glucose. Kaplan et al. (1989) décrivent trois procédés de communication de base liés à l'amélioration des résultats des traitements : la quantité d'information échangée, le contrôle du dialogue par le patient, et le rapport établi. Tous ces procédés sont compromis lors d'entretiens discordants sur le plan linguistique (Betancourt et al., 1999). Ces procédés peuvent également être affectés lorsque l'on a recours à un interprète (Rivadeneyra et al., 2000).
Bien que la recherche sur la communication patient-intervenant indique les façons dont les barrières linguistiques peuvent avoir une incidence sur les résultats des traitements, la satisfaction et le respect des traitements, les patients qui ne maîtrisent pas une langue officielle sont souvent exclus des recherches sur la communication patient-intervenant et les effets des barrières linguistiques sur la relation patient-intervenant n'ont pas été bien explorés.
Une autre source d'information sur l'incidence possible de la langue sur les résultats des traitements est la documentation sur les connaissances en matière de santé. La recherche récente a mis en évidence la corrélation entre l'alphabétisation et l'état de santé ainsi que les résultats des traitements (Sarginson, 1997; Perrin, 1998). Un lien a été établi entre l'analphabétisme et un état de santé plus faible, des taux plus élevés d'hospitalisation (Baker et al., 1997; Baker et al., 1998), et une moins bonne compréhension de la condition physique et des maladies (Williams et al., 1998; 1998a). Les patients analphabètes sont moins susceptibles de comprendre les directives quant aux autorisations de sortie, et présentent plus souvent des erreurs de médication en raison de l'incapacité de lire les étiquettes d'ordonnances (Baker, 1999). L'alphabétisation est également un facteur influant sur la capacité de bénéficier de l'information sur la promotion de la santé ou sur la prévention des maladies (Sarginson, 1997). Il est important de noter que bien qu'il y ait une corrélation entre l'analphabétisme et un bas niveau d'instruction. Le manque de connaissances en matière de santé est également observé parmi les personnes qui ont un niveau d'instruction plus élevé et qui ne parlent pas couramment une langue officielle.
Une récente étude sur l'emploi du temps comparant le temps passé par les médecins avec des patients ne parlant pas anglais et des patients anglophones dans un hôpital américain a permis de constater qu'il n'y avait aucune différence significative quant au temps que les médecins passent à prodiguer des soins aux deux groupes. Cependant, un nombre important de médecins estimaient qu'ils consacraient plus de temps aux visites de patients non anglophones (Tocher et Larson, 1999). Les études de ce genre mènent à penser que la qualité des soins est affectée d'une autre façon : il faut du temps supplémentaire pour communiquer lorsqu'on utilise un interprète. Si l'intervenant en soins accorde autant de temps à tous les patients, ceux qui doivent communiquer par l'intermédiaire d'un interprète recevront probablement des soins de moindre qualité. S'il n'y a pas suffisamment de temps pour communiquer, l'évaluation verbale sera peut-être remplacée par des tests diagnostiques.
La question des effets de l'absence de sources de soins régulières (comme par exemple les médecins de famille) sur la santé soulève de plus en plus de préoccupations dans bien des pays, y compris au Canada. L'absence d'un médecin régulier entraîne un état de santé moins bon ainsi que des différences quant aux habitudes d'utilisation des services; elle a également été associée à la présence de barrières linguistiques (Weinick et Krauss, 2000). Une étude Canadienne menée récemment (Talbot et al., 2001) a révélé que ceux qui avaient vécu au Canada moins de quatre ans (le groupe le plus susceptible de faire face à des barrières linguistiques) étaient deux fois plus susceptibles de ne pas avoir de médecin régulier.
Il a été avancé que les patients peuvent avoir plus confiance dans les intervenants ayant la même origine ethnique qu'eux (Santé Canada, 1998; Saha et al., 2000). De nombreuses études ont permis de constater que les taux d'utilisation et de satisfaction étaient plus élevés lorsqu'il y avait correspondance ethnique entre le patient et l'intervenant (Flaskerud, 1986; 1990; Ahmad et al., 1989; 1991; Snowden et al., 1995; Silove et al., 1997; Jerrell, 1998). La congruence linguistique a été proposée à titre d'explication pour cela.
Résumé
Dans la présente partie, nous avons examiné l'incidence des barrières linguistiques sur la qualité des soins de divers points de vue :
- le traitement que les clients reçoivent après s'être présentés pour obtenir des soins;
- la santé du client;
- la compréhension du patient et le respect du traitement par celui-ci;
- la satisfaction du patient;
- les normes éthiques applicables aux services de la santé.
Au Canada, bien que beaucoup de recherches aient été réalisées sur les différences dans les traitements en fonction du statut socio-économique (Dunlop et al., 2000), la recherche sur les différences dans les traitements en fonction de l'origine ethnique et la maîtrise d'une langue est pratiquement inexistante. La recherche réalisée dans d'autres pays indique qu'il peut y avoir des inégalités dans le traitement en fonction de l'origine ethnique (Todd et al., 1993; Cleeland et al., 1997; Mayberry et al., 1999), mais aucune recherche similaire n'a été réalisée au Canada. En outre, la mesure dans laquelle les barrières linguistiques peuvent entrer en ligne de compte en ce qui concerne les différences observées quant au traitement entre les groupes ethniques n'est pas clairement définie.
Certaines sources indiquent qu'au Canada, ceux qui ne maîtrisent pas une langue officielle pourraient être plus susceptibles d'être aiguillés vers des spécialistes ou de subir des tests de diagnostic (Blais et Maiga, 1999). Cela est conforme à des recherches réalisées dans d'autres pays, lesquelles indiquent que dans certaines situations les intervenants peuvent « compenser » les barrières linguistiques en ayant plus recours aux évaluations faites en laboratoire ou par des spécialistes (Tocher et Larson, 1998; Karter et al., 2000). Cependant, on constate nettement qu'au Canada, comme dans d'autres pays, les personnes faisant face à des barrières linguistiques reçoivent des services et une qualité de traitement différents dans les domaines de la santé mentale et du counseling (Groupe canadien chargé d'étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés, 1988).
La question à savoir si le traitement prodigué aux patients est affecté par les barrières linguistiques nécessite beaucoup plus de recherche. En l'absence de recherche sur les questions du traitement équitable, l'on ne peut supposer qu'il n'existe pas d'iniquités. D'ici à ce que des recherches portant spécifiquement sur le Canada soient réalisées, les différences quant au traitement dans d'autres pays devraient être interprétées avec prudence. Souvent, la recherche réalisée dans un pays ne peut être généralisée à un autre pays en raison des différences de culture, d'histoire, et des systèmes de prestation des soins de santé.
De plus, il existe peu de preuves directes des effets des barrières linguistiques sur l'état de santé. Cependant, il est utile d'établir des liens entre la recherche sur les barrières linguistiques et la documentation sur la communication patient-intervenant et l'alphabétisation en matière de santé; deux domaines de recherche étroitement liés. Ce domaine de recherche a permis de constater clairement qu'il existe un lien entre une mauvaise communication patient-intervenant et un taux d'alphabétisation plus faible dans la ou les langues officielles. On peut présumer que les effets sur les résultats des traitements attribuables aux différences dans la communication sont les mêmes entre les pays.
La satisfaction des patients a fait l'objet d'un plus grand nombre de recherches. Les barrières linguistiques sont associées de manière constante à une moins grande satisfaction du patient quant aux soins. La mesure dans laquelle les résultats des autres pays quant à la satisfaction des patients peut être généralisée au Canada n'est pas clairement définie, encore une fois en raison des différences entre les systèmes de soins de santé. L'étude de plusieurs programmes révèle que les immigrants ont souvent une perception extrêmement positive du système de santé canadien, et expriment des taux de satisfaction très élevés. Les différences quant à la satisfaction semblent plus étroitement liées à la classe sociale, les personnes appartenant à des classes plus privilégiées exprimant la plus grande satisfaction (Bowen, 1999).
Parallèlement à cela, la plupart des études sur les immigrants au Canada, comme celles réalisées dans d'autres pays, indiquent que l'une des barrières à l'accès, et peut-être même la barrière la plus importante, selon les nouveaux arrivants réside dans le manque d'interprètes ou d'intervenants bilingues (Stevens, 1993b; Stephenson, 1995; Calgary Multicultural Health Care Initiative, 2000). La recherche canadienne indique également que la satisfaction est beaucoup plus grande face aux interprètes professionnels que face aux interprètes bénévoles. Un sondage réalisé par la Banque interrégionale d'interprètes à Montréal auprès de 68 clients indique que 76 % des clients préfèrent traiter avec un interprète professionnel lorsqu'ils consultent du personnel médical; 88 % avaient plus confiance en l'exactitude de l'interprétation dispensée par des interprètes professionnels et 83 % avaient plus confiance en la discrétion d'un interprète professionnel (Mesa, 1997). Cela indique que même si de nombreux nouveaux arrivants apprécient les services de santé en général, leur satisfaction face à des consultations spécifiques peut être faible. Par conséquent, la recherche sur ce sujet nécessite une évaluation prudente de ces deux aspects de la satisfaction.
La satisfaction des Autochtones face aux soins est souvent faible. Cependant, plusieurs données indiquent qu'il existe des différences quant à l'accès et aux soins liés aux barrières géographiques, à la confusion face à la compétence provinciale ou fédérale en matière de santé des Autochtones, et à une certaine méfiance face aux services de santé en fonction des antécédents et des expériences personnelles de discrimination (Association des infirmières et infirmiers du Canada, 1995; Aboriginal Health and Wellness Center, 1997; O'Neil et al., 1988; O'Neil et al., 1999). Bien que l'on estime que les barrières linguistiques augmentent l'insatisfaction, l'incidence des barrières linguistiques sur l'insatisfaction n'est pas claire.
La recherche indique que les barrières linguistiques ont une incidence négative sur la compréhension par les patients de leur état et du traitement prescrit et, par conséquent sur l'observance du traitement par le patient. Cela est conforme à la documentation générale sur la communication patient-intervenant, qui fournit des preuves solides à l'effet que la communication affecte l'adhésion au traitement par le patient (Stewart et al., 1999). Il n'y a pas de raison de conclure que les résultats liés au respect du traitement et à la communication seraient très différents au Canada par rapport à d'autres pays. On peut cependant supposer que l'adhésion au traitement est plus élevée au Canada dans une certaine mesure, puisque la couverture universelle supprime bien des obstacles financiers à l'adhésion à un traitement prescrit.
Les programmes canadiens ont nettement démontré que les patients qui ne parlent pas une langue officielle ne reçoivent pas le même niveau de soins du point de vue éthique que les autres Canadiens. Des études de cas réalisées partout au pays, relevées tant dans la documentation publiée que dans la documentation non officielle, mettent l'accent sur le fait que leses services de santé canadiens n'assurent pas un consentement éclairé et ne respectent pas la confidentialité et la vie privée des patients qui font face à des barrières linguistiques.
En plus de la recherche sur la communication intervenant-patient et les connaissances en matière de santé, trois autres domaines de recherche sont liés à l'accès linguistique. La recherche sur la correspondance ethnique de l'intervenant et du client, la recherche sur l'importance d'un intervenant régulier, et la recherche liée au temps consacré à l'interaction entre le patient et l'intervenant peuvent également fournir des indications utiles sur l'importance des barrières linguistiques quant à la santé.
On ne peut supposer que les barrières à la qualité des soins auxquelles font face les personnes sourdes, les immigrants ou les Autochtones sont équivalentes. La plupart des études sur lesquelles porte la présente rétrospective visent essentiellement les communautés d'immigrants. Il faudrait réaliser d'autres recherches afin de déterminer si les effets des barrières linguistiques auxquelles fait face un groupe linguistique particulier peuvent être généralisés aux autres groupes linguistiques.
Autres conséquences des barrières linguistiques
Les barrières linguistiques, et l'absence de programmes pour les surmonter, ont d'autres répercussions indirectes, mais aussi importantes notamment en ce qui concerne :
- la recherche et le développement des connaissances en matière de santé;
- les intervenants du milieu de la santé;
- les coûts de la prestation des services de soins de santé.
Il est connu que les recherches cliniques et les recherches sur les services de santé tendent à sous-représenter les minorités ethniques, plus spécialement celles qui ne possèdent pas les compétences requises dans une langue officielle (Hazuda, 1996; Ren et Amick, 1998; Larson, 1994). Dans une étude des enquêtes originales portant sur les rapports entre patient-intervenant, les chercheurs ont observé que seulement 22 % de ces études incluaient des personnes ne maîtrisant pas l'anglais, et que ces études semblaient souvent l'avoir fait de manière accidentelle plutôt que systématique (Frayne et al., 1996).
L'exclusion des recherches entraîne des répercussions tant économiques qu'en matière de santé. Le risque associé à certaines maladies et affections de même que la réaction à des médicaments spécifiques ne sont là que deux des secteurs où l'on peut observer des différences sur le plan racial ou ethnique. L'exclusion de certains groupes ethniques des recherches biomédicales peut par conséquent vouloir dire que les résultats des études ne peuvent pas être généralisés à l'ensemble de la population (Harrison, 1994; Cotton, 1990). Les exclusions spécifiques aux compétences linguistiques peuvent également empêcher une évaluation exacte de la véritable efficience des traitements (par opposition à l'efficacité) parce qu'elles ne tiennent pas compte de l'incidence des difficultés linguistiques sur la compréhension et l'observance du traitement. De plus, cette façon de faire empêche les membres de groupes linguistiques minoritaires de tirer avantage de traitements de pointe pour des maladies comme le cancer (Kaluzny et al., 1993; Roberson, 1994; Giuliano et al., 2000).
Les barrières à la communication entraînent un stress supplémentaire de même qu'un niveau de satisfaction moins élevé face au travail. La présence d'un interprète pose des problèmes à l'établissement d'une communication et d'un rapport de qualité équivalente. (Rivadeneyra et al., 2000). Travailler en collaboration avec un interprète peut être une chose frustrante. En effet, les intervenants peuvent douter de l'utilité de leur travail avec le patient et éprouver un inconfort à rencontrer des patients lorsqu'il y a une barrière linguistique (Kline et al., 1980; Hoyt et al., 1981). Le recours à un interprète prend davantage de temps qu'une communication directe et souvent les frais de services pour ce temps supplémentaire ne sont par remboursés à l'intervenant (p. ex., les médecins). Les barrières linguistiques peuvent aussi présenter un défi à l'apprentissage des étudiants en médecine et des médecins résidents (Chalabian et Dunnington, 1997). Les intervenants peuvent aussi éprouver un plus haut niveau de stress en essayant de respecter les normes d'éthique lors de la prestation de soins de santé, y compris les codes de déontologie de leurs professions respectives. Les barrières linguistiques à l'exactitude du diagnostic et au consentement éclairé peuvent également placer l'intervenant devant un plus grand risque de poursuites (Schneiderman, 1995). Certaines études portant sur le niveau de satisfaction ou de mécontentement du patient quant à la communication entre le patient et le médecin traitant indiquent que les plaintes déposées contre les médecins concernent habituellement des problèmes de communication, et non pas des questions de compétence (Rozovsky et Rozovsky, 1982; Stewart et al., 1999).
Les premières preuves portent à croire que les barrières linguistiques peuvent avoir d'importantes répercussions sur les coûts des soins de santé en raison de leurs conséquences sur l'utilisation des services et le résultat des traitements. Cependant, le potentiel de réduction des coûts découlant du recours à des interprètes professionnels n'a jamais été adéquatement évalué. Le texte du rapport intégral passe en revue un certain nombre d'études visant à évaluer le coût des barrières linguistiques, ainsi que les limites des recherches entreprises jusqu'à présent.
Conclusions et recommandations
Effets des barrières linguistiques
Il existe des preuves convaincantes que les barrières linguistiques ont des impacts négatifs sur l'accès aux services de santé. Les patients font face à des barrières importantes à l'accès aux programmes de promotion et de prévention. Diverses études indiquent aussi qu'ils se heurtent à d'importants obstacles au premier contact avec les services de santé dans un certain nombre de situations. Bien que le nombre d'études consacrées à la question au Canada soit limité, leurs résultats concordent avec ceux des études réalisées dans d'autres pays.
Exception faite des services de santé mentale et des services de conseils, rien ne prouve à l'heure actuelle que les patients au Canada qui font face à des barrières linguistiques voient leur accès limité aux soins recommandés par leurs médecins diminué en raison de ces barrières. Il existe même des indices limités selon lesquels, dans certains cas, les Canadiens dont la maîtrise d'une des langues officielles est plus faible font une plus grande utilisation des services de spécialistes et des services de diagnostic. Cependant, la présence de barrières linguistiques semble nuire aussi bien à l'accès initial aux soins pour troubles psychosociaux qu'à la qualité de ces soins. La recherche sur cette question doit se poursuivre.
Dans de nombreux cas, les droits à la confidentialité et au consentement éclairé des patients qui ne parlent pas une langue officielle ne sont pas protégés et ces derniers ne bénéficient pas de la protection des mêmes normes éthiques en matière de soins que les autres patients. Peu d'études ont été réalisées au Canada sur les différences de traitement selon la race ou l'origine ethnique du patient. D'après les données actuellement disponibles, il semblerait qu'au Canada, la langue a une plus grande incidence que l'ethnicité sur l' accès initial aux soins de santé des immigrants, et peut-être même sur leur état de santé. Voici donc un autre aspect de la problématique qui nécessite un sérieux effort de recherche.
En plus d'avoir des effets directs sur l'accès des patients aux services de santé et sur la qualité des soins, les barrières linguistiques ont un impact négatif sur l'efficacité et la satisfaction des intervenants en santé. L'exclusion des personnes qui parlent des langues autres que les langues officielles des études cliniques et de la recherche sur les services de santé nuit à la généralisabilité des résultats des études et au développement des connaissances.
Les données disponibles indiquent que la fourniture de services d'accès linguistique pourrait procurer des avantages à plusieurs des parties intéressées, dont :
- les patients/clients (diagnostics améliorés, élimination de certaines interventions inutiles, meilleurs résultats cliniques et satisfaction accrue);
- les intervenants (moins de frustration, risque réduit de fautes professionnelles);
- les administrateurs (responsabilité réduite et efficacité accrue);
- le système de santé (utilisation plus approprié des services et résultats cliniques améliorés);
- la société en général (meilleure santé et plus grande productivité de tous les citoyens).
Malgré les risques que les barrières linguistiques posent à l'accès aux services de santé et la qualité des soins, et les avantages que des services d'accès linguistique pourraient procurer aux patients et aux intervenants, la responsabilité d'assurer l'accès linguistique a été peu assumée par le système de santé. Il a été observé que même si les intervenants comprennent intuitivement ou explicitement les risques liés aux barrières linguistiques pour les patients et pour eux-mêmes, ils peuvent trouver qu'il est plus commode de ne rien faire pour résoudre le problème de l'accès linguistique en l'absence d'exigences et d'obligations imposées de l'extérieur (U.S. Office of Minority Health, 1999). Bien que l'accessibilité soit un principe fondamental du système de santé du Canada, l' accès a jusqu'à maintenant été le plus souvent défini comme l'absence de barrières financières explicites à l'obtention de soins. À l'exception des services d'interprétation pour les patients sourds, il n'existe au Canada aucune obligation précise d'employer des interprètes professionnels.
Autant il est vrai que la désignation de la santé comme une responsabilité provinciale ou territoriale rend la définition d'une réponse nationale plus difficile, autant il faut élaborer des normes nationales et coordonner la recherche et la formation. Il faut aussi coordonner les stratégies d'accroissement de l'accès linguistique et les autres initiatives visant à remédier aux inégalités d'accès aux services de santé.
Défis actuels
La fourniture d'interprètes en santé professionnels est une condition essentielle mais non suffisante de l'accès équitable aux services de santé. La fourniture d'interprètes ne dispense pas les services de santé de leur obligation de promouvoir un éventail d'initiatives destinées à accroître la diversité linguistique et culturelle au sein des professions de la santé. On ne peut offrir un véritable accès aux services de santé en misant uniquement sur les interprètes pour jeter un pont communicationnel vers des services qui ne sont pas toujours culturellement éclairés ou sensibles (Stevens, 1993a; James, 1998; Doyle et Visano, 1987).
Il faut fournir des efforts constants pour accroître la sensibilité sociale des services de santé et la compétence culturelle des intervenants (Cappon et Watson, 1999). Trop souvent, on voit les différences de communication et de culture comme des problèmes qui se situent du côté des communautés minoritaires et que les interprètes médicaux peuvent aider à « surmonter ». Ainsi, on peut attribuer les problèmes d'accès aux caractéristiques des communautés plutôt qu'à des barrières systémiques à l'intérieur du système de santé. La présupposition selon laquelle la non-participation des communautés culturelles aux programmes de prévention s'explique par des « croyances culturelles » plutôt que par des barrières structurelles est un exemple de ce genre d'attitude. L'absence de réponse de la part du système de santé aux besoins d'accès linguistique des clients est un signe que ces changements systématiques demeurent nécessaires. Si l'on ne s'attaque pas à aux plus larges aspects de l'inégalité d'accès, la fourniture de services linguistiques n'aura pas l'effet recherché. Et inversement, sans accès linguistique, l'objectif plus large de l'équité sera plus difficile à atteindre.
Il faut consacrer plus d'efforts à développer des rôles qui assurent une interprétation et une promotion culturelles, et des initiatives précises en matière de santé qui répondent aux besoins des communautés (Stevens 1993b, Vissandjee et al. 1998b). Pour assurer une utilisation appropriée des interprètes au sein des institutions, il faut une politique imposant l'utilisation d'interprètes, assortie de modalités de suivi et d'évaluation. La formation des intervenants au travail avec les interprètes est un volet essentiel de la formation en compétence culturelle et devrait faire partie de tous les programmes de formation en santé. On doit voir les interprètes comme des membres de l'équipe médicale et pas simplement comme des « décodeurs linguistiques ». « L'in visibilité » relative des besoins et des points de vue des interprètes dans la recherche sur l'interprétation en dit long sur le rôle marginal dans lequel ils ont été confinés jusqu'à maintenant.
Évidemment, la fourniture d'interprètes médicaux n'est pas le remède le plus approprié à toutes les barrières à l'accès linguistique. On peut penser en particulier aux activités de promotion de la santé, qui seraient sans doute le plus efficacement réalisées par des intervenants bilingues, qu'ils soient professionnels ou paraprofessionnels. Il faut aussi accorder une plus grande attention au développement de ressources multilingues dans plusieurs domaines : promotion de la santé, orientation des services de santé, informations sur les maladies et les affections, et instructions relatives aux soins. De plus, le développement d'une plus grande variété de documents d'information de qualité rédigés dans un anglais et un français compréhensibles à tout le monde accroîtrait l'accessibilité des informations relatives à la promotion de la santé et aux soins pour les nombreuses personnes dont la maîtrise des langues officielles est limitée (Robinson et Miller, 1996; Gordon, 1996). Une telle approche améliorerait la communication avec l'ensemble de la clientèle par la même occasion.
Les études réalisées dans d'autres pays peuvent dans bien des cas être utiles aux décideurs et aux chercheurs canadiens. Cependant, la prudence est de mise à plusieurs égards à quiconque voudrait en généraliser les résultats. Il peut exister divers mécanismes qui influent sur l'accès aux spécialistes ou à des soins plus intensifs dans un pays à régime d'assurance-maladie universel comparativement aux pays où tous sont loin d'avoir la même couverture d'assurance. Si un examen de la recherche américaine sur l'ethnicité montre que les minorités ethniques reçoivent moins de soins requis (Mayberry et al., 1999), rien ne prouve qu'il en va de même pour le Canada. D'autres facteurs liés à l'histoire, à la culture, à l'organisation des services de santé et à la densité de la population dans un pays donné peuvent aussi avoir une incidence sur les résultats. Même si nous disposons de preuves solides que les résultats généraux concernant la communication entre intervenants et patients, l'accès initial aux services, l'observance et la compréhension du traitement de la part du patient et la participation à la recherche sont semblables d'un pays à l'autre, il nous faut d'autres recherches effectuées ici au Canada sur les différences dans les traitements prodigués après l'évaluation des patients et sur la satisfaction générale de ceux-ci dans le cadre de leurs rapports au sein du système de soins de santé.
Une bonne partie de la recherche américaine n'a qu'une valeur limitée pour le Canada parce qu'elle est centrée sur la population hispanique (hispanophone) et que la recherche sur d'autres groupes linguistiques minoritaires plus petits reste insuffisante. Même si rien ne permet de conclure que les barrières linguistiques seraient moins grandes pour d'autres groupes linguistiques (et elles pourraient être plus grandes dans biens des cas), la réponse à ces barrières peut varier d'une communauté à l'autre. On doit accorder une attention particulière à la validation des instruments qu'on propose aux groupes culturellement diversifiés lorsqu'on cherche à mesurer la satisfaction des patients ou les perceptions relatives à l'état de santé et aux besoins en matière de santé.
Il est aussi essentiel d'approfondir la recherche canadienne qui a attiré l'attention sur le rôle du statut socio-économique comme déterminant de l'état de santé des usagers et des profils d'utilisation des services. La recherche dans d'autres pays conclut souvent que les non-anglophones sont moins riches que les gens qui parlent la langue officielle. Les données canadiennes semblent abonder dans le même sens - les personnes ayant une invalidité (y compris les personnes sourdes), les immigrants nouvellement arrivés (mais non établis) et les peuples autochtones tendent à être plus pauvres que les autres Canadiens. D'autre part, des études récentes font ressortir l'interaction complexe entre l'ethnicité, le statut socio-économique et la santé. Cependant, le statut socio-économique n'explique pas toutes les différences sur le plan de la santé entre les groupes ethniques (Krieger, 1999; Mayberry et al., 1999). Comme le dit à diverses reprises le présent rapport, la recherche semble indiquer que la connaissance d'une langue officielle est en soi un déterminant de la santé, en interaction éventuelle avec l'ethnicité et le statut socio-économique. Il s'agit d'une variable qui doit définitivement être incorporée aux études futures.
Même si en général, les immigrants ne signalent pas plus de besoins non satisfaits en matière de santé que la population en général, deux fois plus d'immigrants à faible revenu que d'immigrants à revenus élevés déclarent avoir des besoins non satisfaits (Chen, Ng et Wilkins, 1996). Étant donné la corrélation entre les faibles revenus et la faible compétence linguistique dans l'une ou l'autre ou les deux langues officielles, d'autres études seront nécessaires pour déterminer si les barrières linguistiques à l'accès peuvent contribuer, à part de l'incidence du revenu de la clientèle, à un moins bon état de santé. Kinnon (1999), qui a également noté que l'accès est un domaine où la distinction entre immigrants récents et immigrants de longue date est critique, recommande fortement qu'on procède d'autres études pour examiner le manque d'accès et le besoin de services appropriés.
Il existe un certain nombre de programmes d'interprétation au Canada, mais leur envergure, leurs ressources, leurs modèles de prestation de services et leur capacité d'assurer la qualité de leurs services varient considérablement. Il faut d'autres études pour développer des modèles appropriés compte tenu de la répartition de la population canadienne. Certains de ces modèles doivent être adaptés aux régions à faible densité et à grande diversité de personnes qui parlent des langues non officielles.
Les stratégies visant à accroître l'accès linguistique aux services de santé ne doivent pas se limiter aux problèmes d'accès aux médecins ou aux rendez-vous à l'hôpital. L'investissement dans la santé de la population à long terme de la population doit reposer sur le principe que l'accès aux programmes de promotion et de prévention est important aussi et que les stratégies doivent répondre aux besoins des clients et des intervenants qui travaillent dans toute une série de professions et de contextes différents. Les stratégies doivent également s'articuler autour des besoins des clients plutôt que des besoins des institutions.
La recherche a mis au jour les effets négatifs des barrières linguistiques non seulement sur les soins dispensés par les médecins et les hôpitaux mais aussi sur les soins de longue durée, l'orthophonie et l'ergothérapie, les services-conseils et de réadaptation fonctionnelle, les soins infirmiers communautaires, les services de pharmacie, les services d'urgence et d'ambulance, la participation aux cours de réanimation cardiopulmonaire, l'accès aux services après les heures de travail, les services de prévention et d'intervention contre les agressions, les soins à domicile et les services de promotion et de prévention en santé (p. ex., cours prénatals, sensibilisation à la prévention et au traitement du cancer, éducation et conseils relatifs au VIH/sida), et le soutien aux soignants des personnes âgées et handicapées. Par conséquent, une stratégie complète de lutte contre les barrières linguistiques doit tenir compte des barrières à toute une variété de services et faire correspondre la forme du service au besoin. Cela pourrait signifier, par exemple, offrir des services d'interprétation par téléphone aux urgences et l'interprétation en personne pour un rendez-vous fixé à l'avance, faire appel aux intervenants bilingues pour les activités de promotion de la santé et augmenter le nombre d'outils d'information multilingues et en langue claire à l'intention des patients.
Il est essentiel qu'on élabore des normes pour les institutions, les intervenants et les interprètes, y compris des normes relatives à la formation des interprètes et à la collaboration intervenants-interprètes, une politique spécifiant les situations qui requièrent l'emploi d'interprètes professionnels et des processus d'agrément coordonnés pour les interprètes et les institutions. À cela doit s'ajouter un effort conjugué en vue de développer des modèles de services d'interprétation appropriés compte tenu de la répartition de la population canadienne.
La promotion de la fourniture de services d'interprétation médicale au Canada s'appuie sur deux forces à l'heure actuelle. La première puise dans les droits des patients et la volonté d'assurer des soins de qualité à tous les patients. Il a été démontré que les barrières linguistiques ont un effet négatif sur la santé et la satisfaction des patients et sur leur droit à des services de qualité égale. D'aucuns y voient une raison suffisante pour justifier les services d'accès linguistique et estiment qu'il n'y a pas lieu d'appliquer une analyse des coûts et des avantages à des questions qui relèvent de l'éthique et du droit aux soins.
Le deuxième argument, celui de l'efficacité par rapport au coût, a par le passé été considéré comme une contrainte limitant la fourniture des programmes d'accès linguistique. Le raisonnement était simple : les programmes comme les services d'interprétation ne faisaient qu'ajouter des coûts au système de santé sans procurer de vrais avantages économiques. Cependant, au fur et à mesure qu'on a accumulé des données sur les coûts et les avantages, il est devenu clair que les services d'accès linguistique peuvent produire des économies sur le plan des coûts tant pour le système de santé que la société dans son ensemble. Le mouvement en faveur de la diminution des coûts des services de santé peut donc donner une impulsion au développement de stratégies de lutte contre les barrières linguistiques. Par exemple, dans un hôpital des États-Unis, la combinaison d'une étude des effets des barrières linguistiques et d'un mandat de réduction des coûts a donné lieu à une restructuration novatrice qui a permis de réaffecter quelques postes existants à un nouveau modèle de participation proactive multilingue (Corso, 1997). Au Canada aussi, on s'intéresse de plus en plus à l'idée d'entreprendre des analyses des coûts et des avantages des programmes d'accès linguistique.
L'évaluation économique des services d'interprétation en santé présente deux défis. Le premier défi tient au fait que l'évaluation économique des services de santé en est à ses premiers pas. Aucune méthodologie n'a encore été suffisamment développée pour évaluer avec précision les « coûts » des diverses interventions en santé. L'autre défi est posé par la complexité de la tâche de définir et de mesurer les intrants et les extrants des différentes interventions, y compris la définition même de la fonction d'interprète.
S'il semble généralement possible de mesurer les coûts (intrants) des programmes (ou de leur absence), en mesurer les effets (« avantages » ou « extrants ») est beaucoup plus difficile. L'exercice peut aboutir à plusieurs résultats différents, et beaucoup d'interventions ont des effets qui mettent du temps à se manifester. On est souvent insuffisamment sensibilisé aux coûts potentiels à long terme pour le patient et sa famille, pour la société en général ou même pour l'ensemble du système de santé (au niveau des services communautaires, des soins de longue durée ou des services préventifs, par exemple). De plus, les systèmes de collecte de données actuels n'incluent pas les informations nécessaires pour réaliser des estimations des coûts. Il faut développer la collaboration entre les chercheurs et les fournisseurs de services d'accès linguistique.
Par ailleurs, il faut réaliser l'évaluation économique des programmes d'interprétation dans le cadre d'un processus complet d'évaluation et de planification. Une telle évaluation comporterait aussi la détermination de l'efficacité des interventions et l'analyse des responsabilités éthiques.
Recommandations
L'auteure fait les recommandations suivantes basées sur la présente étude documentaire :
- étudier la possibilité d'inclure dans la collecte de données sur le système de santé des données sur la maîtrise des langues officielles de la part des patients;
- inclure, lorsque possible, la maîtrise d'une des langues officielles en tant que variable d'analyse dans la recherche sur les services de santé. Il faudrait toujours inclure cette variable lorsque l'ethnicité est un des facteurs étudiés;
- inclure dans l'analyse des propositions de recherche en santé une évaluation de l'admissibilité à participer des personnes ne maîtrisant pas une des langues officielles et promouvoir l'inclusion des minorités linguistiques dans les recherches cliniques et dans les recherches portant sur les services de santé;
- concevoir des stratégies visant à accroître la sensibilité des chercheurs médicaux aux effets de l'exclusion des minorités linguistiques dans les recherches en santé ainsi qu'aux questions méthodologiques et éthiques liées à la réalisation de recherches en santé avec des participants ayant une faible maîtrise d'une langue officielle;
- établir, auprès des professionnels de la santé, des programmes de sensibilisation à l'importance de la profession d'interprète et de la communication patient-intervenant. Promouvoir la formation sur les effets des barrières linguistiques et sur le travail avec les interprètes en tant qu'éléments de la formation préalable des professionnels;
- concevoir des stratégies ayant pour but de promouvoir la diffusion de la recherche sur l'accès linguistique chez les décideurs et les planificateurs de services de santé;
- élaborer des stratégies pour aider les communautés et les institutions à développer des modèles de prestation de services adaptés à la diversité des milieux où l'interprétation est requise;
- concevoir une stratégie de recherche nationale coordonnée afin de favoriser la compréhension de l'impact des barrières linguistiques sur l'utilisation des services de santé et l'état de santé des Canadiens;
- établir un centre d'échange centralisé sur l'information et la recherche sur les barrières linguistiques et les programmes d'accès linguistique au Canada;
- élaborer une stratégie nationale de formation et de reconnaissance professionnelle des interprètes médicaux et de création de normes en matière de prestation de services :
- élaborer des normes nationales d'exercice et des modèles de prestation de services adaptés à l'environnement canadien;
- coordonner les stratégies de formation et de reconnaissance des interprètes;
- inclure et coordonner des stratégies pour les langues officielles, autochtones, visuelles et des immigrants.
Résumé
Il a été démontré que les barrières linguistiques ont des effets négatifs sur l'accès aux soins de santé, la qualité des soins, les droits des patients, la satisfaction des patients et des intervenants et, surtout, sur les résultats des traitements des patients. Malgré le caractère universel de l'assurance-maladie, les patients qui ne maîtrisent pas l'anglais ou le français n'ont peut-être pas accès à la même qualité de soins que les autres Canadiens. Il existe aussi des preuves que les barrières linguistiques constituent un facteur d'inefficacité du système de santé.
Le présent document se veut un point de départ en vue d'un dialogue ultérieur entre les fournisseurs de programmes d'accès linguistique, les administrateurs de services de santé, les décideurs et les chercheurs au Canada. Il est à espérer qu'il encouragera une collaboration plus poussée, le développement de programmes et la recherche au Canada sur l'accès linguistique aux services de santé.
Glossaire
- Analyse à plusieurs variables :
- Ensemble de techniques utilisées lorsque les effets de plusieurs variables sont étudiés en même temps.
- Autochtone :
- Toute personne indigène du Canada descendante des peuples amérindiens, inuits ou métis d'Amérique du Nord, y compris les personnes inscrites au registre des Indiens. Par Premières Nations, on fait référence aux personnes dont le nom est inscrit au registre des Indiens mis à jour par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
- Auto-description :
- La description faite par les personnes de leur propre état de santé physique ou mental.
- Immigrants :
- « Il s'agit des personnes ayant le statut d'immigrants reçus au Canada ou l'ayant déjà eu à un moment donné » (Statistique Canada). Un immigrant reçu est une personne à laquelle les autorités canadiennes de l'immigration ont accordé le droit de vivre au Canada en permanence. La notion d'immigrant reçu comprend à la fois les personnes qui ont immigré volontairement au Canada et les réfugiés qui ont été forcés de quitter leur pays d'origine.
- Intégrité institutionnelle :
- Communautés capables d'offrir un large éventail de services de santé, sociaux, éducatifs, économiques et culturels par l'intermédiaire d'intervenants provenant d'un même horizon. Dans ce type de communautés, la personne peut avoir accès dans sa langue maternelle à tous les services ou à la majorité d'entre eux.
- Interprétation :
- Pour les besoins du présent rapport, le terme interprétation fait référence au processus par lequel un message parlé ou gestuel dans une langue donnée est transposé, avec le même sens, dans une autre langue. Les deux formes courantes d'interprétation sont l'interprétation simultanée et l'interprétation consécutive. Lors d'une interprétation simultanée, le message est livré presque instantanément après le message original. C'est la forme que prend généralement l'interprétation de conférence. L' interprétation consécutive suppose l'interprétation de segments d'une conversation avec un décalage entre le message original et sa forme transposée. L'interprétation peut aussi être qualifiée de directe lorsque l'interprète est présent lors de la rencontre ou être effectuée à distance ( p. ex., lorsqu'on a recours aux technologies de communication). L'interprétation du langage gestuel américain ( ASL) est le plus souvent effectuée en direct et simultanément, tandis que les autres interprétations en milieu médical sont généralement consécutives et directes. Cependant, le développement des technologies de communication a permis d'augmenter le nombre d'interprétations simultanées à distance.
- Langage clair :
- Langage simple, clair et direct employant les mots de la langue courante. L'objectif visé par l'emploi d'un langage clair est de rendre l'information accessible, plus spécialement pour les personnes dont le niveau d'alphabétisation ou les compétences linguistiques sont faibles.
- Minorité visible :
- Font partie des minorités visibles les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche. (Loi sur l'équité en matière d'emploi, Canada).
- Rapport des cotes :
- Rapport entre deux cotes. Cotes fait référence au rapport de probabilité entre l'incidence et la non-incidence d'un événement.
- Sourd :
- Lorsque le mot sourd est écrit avec une lettre majuscule, comme dans Sourd, on fait référence à la communauté culturelle à laquelle appartiennent les personnes sourdes. Bon nombre d'entre elles sont atteintes d'une surdité prélinguistique et, bien qu'elles puissent apprendre à lire ou à écrire l'anglais ou le français, ces langues sont acquises à titre de langues secondes. À l'opposé, les mots sourd ou surdité (avec un « s » minuscule) font référence à un manque de capacité auditive. Tous les sourds ne sont pas membres de la communauté des Sourds et n'utilisent pas tous le langage gestuel.
- Sous desservi ou insuffisamment servi :
- Augmentation de la possibilité qu'une personne, en raison de son appartenance à une certaine population, doive faire face à des difficultés pour obtenir les soins requis, reçoive moins de soins ou des soins de moindre qualité, observe des différences dans le traitement offert par le personnel de soins de santé, reçoive un traitement qui ne répond pas à ses besoins ou soit moins satisfaite de la qualité des services de santé.
- Traduction renversée :
- Processus par lequel le matériel original est traduit dans une langue cible, puis traduit à nouveau par un autre traducteur dans la langue originale. Cette méthode est employée afin de veiller à l'exactitude de la traduction lorsque les chercheurs ne maîtrisent pas les deux langues dont il est question.
- Validité :
- Degré de justesse des conclusions d'une étude.
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a Pour les besoins du présent rapport, le terme interprétation fait référence au processus par lequel un message parlé ou gestuel dans une langue donnée est transposé, avec le même sens, dans une autre langue. Le terme traduction signifie le passage par écrit d'une langue à une autre. Les deux formes courantes d'interprétation sont l'interprétation simultanée, lorsqu'elle est effectuée presque instantanément après le message original. C'est aussi la forme que prend généralement l'interprétation de conférence. L'interprétation consécutive suppose l'interprétation de segments d'une conversation avec un décalage entre le message original et sa forme transposée. L'interprétation peut également être qualifiée de directe lorsque l'interprète est présent lors de la rencontre ou être effectuée à distance (p. ex., lorsqu'on a recours aux technologies de télécommunication). L'interprétation du « American Sign Language (ASL) » est le plus souvent effectuée en direct et simultanément tandis que les autres interprétations en milieu médical sont consécutives et directes. Cependant, le développement des technologies de communication a permis d'augmenter le nombre d'interprétations simultanées à distance.
b Le présent rapport met l'accent sur les personnes qui doivent faire face à des barrières linguistiques du fait que leur langue maternelle n'est pas une langue officielle. Il reconnaît également que de nombreux locuteurs d'une langue officielle dont le niveau d'alphabétisation est faible sont aussi confrontés à des « barrières linguistiques », principalement p our les documents écrits.
c Lorsque le mot sourds est écrit avec une lettre majuscule, comme dans Sourds, on fait référence à la communauté culturelle à laquelle appartiennent les personnes Sourdes. Bon nombre d'entre elles sont atteintes d'une surdité prélinguistique et, bien qu'elles puissent apprendre à lire ou à écrire l'anglais ou le français, ces langues sont acquises à titre de langues secondes. Par contre, les mots sourds ou surdité (avec un « s » minuscule) font référence à un manque de capacité auditive. Tous les sourds ne font pas partie de la communauté des Sourds ni n'utilisent le language des signes, la principale préoccupation de la présente discussion. Bien que les personnes ayant des diffucultés auditives font aussi face à des barrières de communication, cet aperçu s'intéresse principalement aux barrières qui se dressent devant les Sourds.
d Les Premières Nations (statut découlant d'un traité) sont une exception à cette classification. Il existe de nombreux renseignements quant à l'état de santé et à l'utilisation des soins de santé des membres des Premières Nations (mais pas sur les Autochtones de manière générale) parce que certaines données indiquent le statut d'Autochtone. L'attention récemment portée à l'état de santé des Autochtones a soulevé certaines questions à savoir si les données devraient comporter certains renseignements quant à l'origine ethnique.
e Les enfants de parents qui ne parlent pas une des langues officielles n'augmenteront pas forcément le nombre de personnes qui ont besoin d'interprétation, mais ils augmenteront le nombre d'interactions dans lesquelles on a besoin d'un interprète.
Partie III Barrières reliées à des groups particuliers de la population
Accès aux soins de santé : réflexions sur la santé et le bien-être des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles au Canada
Bill Ryan, Shari Brotman, Bill Rowe
École de service social - Université McGill, Centre des études appliquées sur la famille avec la collaboration d'EGALE, Égalité pour les gais et les lesbiennes
Mai 2000
Table des matières
- Remerciements
- Résumé
- En un coup d'oeil
- Tenir compte des gais, des lesbiennes et des bisexuel(le)s : obstacles méthodologiques nuisant à leur inclusion dans la recherche sur la santé
- Les barrières quant à l'accessibilité des soins et services de santé
- Les problèmes de santé répertoriés chez les gais, lesbiennes et bisexuel(le)s
- Le peu d'information sur les problèmes de santé dans la communauté gaie autres que ceux du VIH-sida
- Les clientèles oubliées dans les écrits scientifiques
- Les personnes provenant des communautés ethnoculturelles : ce que l'on sait
- Recommandations
- Notes en bas de page
Document 2
Rapport sur la rencontre nationale de chercheur(e)s canadien(ne)s dans le champ de la santé des gais, lesbiennes, bisexuels et bispirituels
Bill Ryan et Shari Brotman
École de travail social de McGill, Montréal
16 mars 2001
Note: L'emploi du masculin dans ce texte est sans discrimination; il sert uniquement à en simplifier la lecture.
Table des matières
Document 3
Rapport sur la promotion de la santé et la diffusion d'information au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes
Résumé du document original rédigé pour : La Division des systèmes de santé Direction générale de la promotion et des programmes de la santé Santé Canada, Ottawa
Avril 2000
Table des matières
Rapport de l'atelier de planification stratégique sur la promotion de la santé au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes
Ottawa, Canada
23 et 24 mars 2001
Remerciements
Nous tenons à souligner la collaboration de l'organisme EGALE et des nombreuses personnes qui nous ont permis d'établir des contacts, ainsi que la générosité des hommes et femmes qui ont participé aux groupes de réflexion de tout le pays, nous racontant leurs histoires et expériences personnelles.
Nous remercions également tous les membres de l'équipe de recherche :
Yves Jalbert, pour sa contribution à la recension de la littérature
Irène Demczuk
Marcie Gibson
Amanda Grenier
Natalie Lloyd
Pierre Thériault
Résumé
De la mi-janvier jusqu'au 31 mars 2000, le Centre des études appliquées sur la famille de McGill a réalisé une étude des questions d'accès aux services de santé qui se posent pour les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles Note de bas de page b1. Une vaste revue de la littérature scientifique et communautaire a été menée selon les perspectives distinctes des femmes et des hommes. Cette revue a permis de documenter les connaissances que nous possédons actuellement sur la santé et les services de santé offerts aux personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles par une étude de comptes rendus de recherche et de rapports communautaires Note de bas de page b2. Les objectifs de cette revue étaient de déceler les lacunes dans la littérature et de cerner les domaines où il fallait étoffer la littérature sur la recherche, en ce qui concerne ces groupes Note de bas de page b3. Les domaines prioritaires concernent :
- les besoins en soins de santé et en services sociaux des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles,
- les problèmes d'accès aux soins de santé et services sociaux liés au fait d'être gais, lesbiennes, bisexuel(le)s et bispirituel(le)s.
La deuxième activité du projet consistait à réunir des groupes de réflexion formés de personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles et de personnes qui les soutiennent, pour discuter des soins de santé et des services sociaux dans des contextes différents. Cinq groupes de réflexion ont donc été mis sur pied : deux chez les personnes bispirituelles - sur lesquelles l'information fait cruellement défaut dans la documentation - dans un cadre urbain, qui comprenaient des représentants d'autochtones des villes et des réserves et leurs alliés en matière de services de santé; un groupe d'hommes et un groupe de femmes dans un cadre urbain de taille moyen; et enfin un groupe d'hommes et de femmes dans un cadre rural. Ces groupes de réflexion ont permis aux chercheurs de valider la documentation recensée grâce à la revue de la littérature, de dégager une perspective canadienne et de prendre en considération le point de vue des autochtones et des personnes vivant en milieu rural.
Pour moi, la santé, c'est avoir tout ce dont on a besoin pour vivre une vie pleine et énergique [...] se sentir soutenu par son milieu, ce qui englobe tout, depuis le milieu de travail jusqu'au foyer, en passant par les contacts avec les médecins généralistes [...] plus que la simple acceptation, la prise de conscience des [...] obstacles systémiques [...] la simple idée que nos besoins et notre place dans le monde sont acceptés, accueillis, soutenus. [f3 L 251-269]
J'ai eu des patients... L'un d'eux est une femme qui a eu un accident de moto. Lorsque sa compagne l'a appris, elle s'est précipitée à l'urgence. Elle s'est présentée et a demandé à voir sa compagne. Comme l'infirmière demandait s'il existait un lien de parenté, elle a répondu qu'elles vivaient ensemble. L'infirmière a dit:«Je suis désolée, mais vous ne pouvez pas la voir. » Elle était vraiment indignée, mais elle est allée s'asseoir dans la salle d'attente. On en était presque au changement de quart. Elle a donc attendu que les infirmières soient remplacées. Elle s'est présentée à une nouvelle infirmière:«Je suis venue voir une telle. » Interrogée au sujet du lien de parenté, la visiteuse a répondu:«Je suis sa tante. » Elle a été aussitôt admise. Y a-t-il quelque chose de plus humiliant? [f4 L 97-108]
... Lorsqu'on est dans une réserve, on est un autochtone, mais, lorsqu'on en sort, on est comme tout le monde. On perd cette qualité. Au bout d'un moment, cela finit par laisser des traces. C'est comme perdre ce caractère spécial qui tient à l'appartenance à une collectivité. Cela est très fort. [f2 L 490-498]
Je me suis rendue un jour dans un centre de santé communautaire... J'ai vu le médecin écrire en caractères d'imprimerie, au début de mon dossier : LESBIENNE ».
Les groupes de réflexion ont abordé divers sujets se rapportant aux perceptions qu'on peut avoir de la bonne santé et des soins de qualité, aux obstacles à la bonne santé et aux soins, aux services et à la façon dont les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles utilisent leurs ressources pour trouver les dispensateurs de soins voulus et des soins de qualité. L'information ainsi recueillie reflète un large éventail d'expériences dont celles des personnes qui s'affirment, des personnes qui ont éprouvé des difficultés à obtenir des soins et qui, bien que citoyens canadiens, se sentent exclues du système des soins de santé et des services sociaux. Les participants qui étaient des personnes de deux esprits, vivaient à la campagne ou appartenaient à des collectivités ethnoraciales Note de bas de page b4 étaient encore moins bien servis que la majorité des participants.
Ces discussions nous ont permis de documenter les stratégies adoptées pour faire face et résister qu'adoptent des douzaines d'hommes et de femmes qui ont la profonde conviction qu'une homophobie et un hétérosexisme actifs et passifs sont encore largement présents dans la société en général et dans leurs collectivités en particulier, dans l'éducation des spécialistes de la santé et des services sociaux, dans la définition des services et des politiques des établissements de santé et de services sociaux, ainsi que dans le processus d'accréditation et les lignes directrices des associations professionnelles au Canada. Les participants estiment que l'exclusion et le manque de sécurité dans leurs collectivités et dans le système de santé et de services sociaux ont des effets directs sur leur santé (mentale et physique) et leur capacité d'obtenir les services voulus. En général, ils sont d'avis que le système de santé et de services sociaux doit être adapté pour répondre aux besoins des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles et que les fournisseurs de services de santé doivent commencer à s'attaquer à ces problèmes dans leur pratique, en adaptant leur savoir, en ayant de meilleures communications avec leurs patients ou clients et en améliorant l'accès aux services. Ils ressentent le besoin d'établir des partenariats regroupant des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles, des collectivités et le système de santé pour instaurer ces changements. Plus particulièrement, les participants affirment qu'il incombe aux personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles les plus privilégiées ou qui savent davantage s'affirmer de se faire les défenseurs de la majorité de la collectivité qui ne peut se défendre seule. Ainsi, s'affirmer, s'afficher ouvertement est considéré comme un point de départ pour obtenir de bons soins de santé et parvenir à un bon état de santé physique et psychologique.
Des recommandations touchant tout un éventail de questions (dont l'adaptation et l'expansion des services, la sensibilisation des spécialistes et la création d'espaces sains) ont été formulées pour tirer profit de l'élan acquis pendant cette recherche et faire en sorte que l'exclusion ressentie par la vaste majorité des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles concernant leurs soins de santé et services sociaux puisse s'atténuer.
Vous le savez, mes amis blancs ont toujours moins de mal avec le système médical que mes amis des Premières nations que j'accompagne à l'hôpital. Une amie m'a demandé de l'accompagner parce que je suis de race blanche. C'est atroce... Chaque fois qu'on est davantage poussé dans les marges, il est de plus en plus difficile de naviguer dans système. Ilyade moins en moins de médecins prêts à vous soutenir dans votre droit de faire votre chemin dans le système. [f4 L 597-607]
Je me suis dit que je devais avoir des hallucinations... Tous ceux qui ouvrent mon dossier voient maintenant cela. Si une femme se présente là et si le médecin est la première personne à qui ce secret est révélé, cela est indiqué en grandes lettres au début de son dossier. Je n'en parle à personne d'autre. Je ne retournerai jamais dans ce centre, même si j'étais à l'article de la mort et si c'était le seul endroit où je peux avoir de l'aide. C'est ce genre de problème qui se présente. [f1 L 956-965]
Chaque fois que vous allez voir par exemple votre médecin généraliste, vous pouvez le sensibiliser à certaines de vos difficultés, aux problèmes qui surgissent dans votre milieu. Qu'y a-t-il de neuf dans la littérature? Qu'a-t-il fait lui-même? Qu'a fait l'association médicale pour lui donner de l'information? [f3 L 663-668]
Il m'a fallu 50 ans pour en arriver là. Je pense que, pendant 50 ans, je n'ai pas été en bonne santé. À 50 ans, je me suis vraiment transformé en une personne saine. Pourquoi? Parce que je suis sorti de cet horrible silence, de ce qui était une vraie prison que j'avais moi-même construite. Je n'étais pas en très bonne santé. Pour moi, cette affirmation de tout mon être était la chose juste à faire. [f3 L 225-231].
Je pense à l'accès [...] aux espaces culturels et aux manifestations culturelles où il n'y a pas que la douleur... Je veux me retrouver dans un groupe. Je ne veux pas forcément me retrouver dans un groupe qui parle de traumatismes. Il peut y avoir dans ma vie un moment et un lieu pour cela, mais [...] aussi pour ma santé mentale, je m'isole... J'ai des besoins en santé mentale qui sont directement liés au fait que j'ai deux esprits. Il faut des espaces collectifs sains, des espaces propices. [f1 L 1571-1586]
En un coup d'oeil
Tenir compte des gais, des lesbiennes et des bisexuel(le)s : obstacles méthodologiques nuisant à leur inclusion dans la recherche sur la santé
- Les études sur la santé des gais et lesbiennes définissent rarement l'homosexualité ou le lesbianisme.
- I l est impossible de valider l'incidence d'un quelconque pourcentage de gais et lesbiennes dans la société, compte tenu des méthodes employées dans la recherche et le risque élevé de stigmatisation vécu par cette minorité qui constitue un frein important à son identification.
- La stigmatisation vécue par les gais et lesbiennes limite sérieusement leur capacité de s'identifier auprès des intervenants de la santé et des services sociaux.
- La stigmatisation vécue par les gais et lesbiennes limite aussi sévèrement la possibilité de mener des recherches auprès de larges échantillons fiables et représentatifs de la diversité réelle des gais et lesbiennes.
- Les échantillons des études sur la santé des gais et lesbiennes sont composés principalement de personnes blanches, de classe moyenne, scolarisées, ayant des revenus moyens ou supérieurs, vivant en milieu urbain, fréquentant les bars gais et s'identifiant comme gais ou lesbiennes.
- Les bisexuel(le)s sont peu représenté(e)s dans les échantillons et ne représentent que 10 % et moins des échantillons. De plus, peu d'informations pertinentes semblent découler des études au sujet des bisexuel(le)s et ce, à cause de leur faible représentativité statistique.
Les barrières quant à l'accessibilité des soins et services de santé
Les barrières liées à la sortie (coming out)
- Le processus de sortie semble être une étape cruciale dans la vie des gais et lesbiennes.
- L'hétérosexisme des intervenants et l'inconfort vis-à-vis son orientation sexuelle peuvent être des obstacles quant à l'accessibilité des gais, lesbiennes et bisexuel(le)s aux soins de santé.
- Le dévoilement de son orientation sexuelle à un intervenant de la santé semble engendrer des malaises et des craintes justifiées si l'on en juge par les attitudes souvent négatives dont font part les intervenants face à l'homosexualité de leur patient(e).
- Le dévoilement de l'orientation sexuelle est favorisé par la mise en place d'un climat de confiance et de sécurité dans la relation entre le médecin et son client ou sa cliente.
- Le non-dévoilement de l'orientation sexuelle se traduit souvent par un sentiment d'aliénation chez la personne qui consulte.
- Le dévoilement de l'orientation sexuelle semble plus ardu chez les gais et lesbiennes provenant des communautés culturelles ou handicapé(e)s.
- Il importe pour les intervenants de la santé de connaître ce qu'est le processus de découverte de l'orientation sexuelle et d'identifier où se situe la personne dans son cheminement vers l'acceptation de son homosexualité afin de mieux la soutenir.
- L'intervenant de la santé ne doit pas assumer que tou(te)s ses patient(e)s sont hétérosexuel(le)s et il doit être prêt à s'ouvrir à la diversité des orientations sexuelles.
- La relation entre le client gai ou la cliente lesbienne et l'intervenant de la santé doit être marquée par la confiance, la compréhension et l'acceptation de l'homosexualité.
- Il semble important pour les intervenants de la santé de connaître ce qu'est le processus de sortie ainsi que de savoir où se situe la personne dans son cheminement et comment elle assume son orientation sexuelle.
- Les hommes gais semblent peu enclins (ou favorables) à consulter un intervenant de la santé hétérosexuel.
- Chez les hommes, la sortie ( coming out )ou le dévoilement de son orientation sexuelle à son intervenant de la santé semble engendrer une satisfaction plus grande au sujet des soins reçus par le patient gai mais est souvent accompagnée d'une attention plus particulière quant aux maladies transmissibles sexuellement et au sida par l'intervenant de la santé
- Les pratiques sexuelles peuvent être un frein quant à la consultation médicale chez les gais
Les barrières liées à l'homophobie et l'hétérosexisme des intervenants de la santé
- L'homophobie ou la lesbophobie et l'hétérosexisme sont des barrières à l'accessibilité des soins et services de santé pour les gais et les lesbiennes.
- Le milieu des soins de santé semble être imprégné d'un discours médical hétérosexiste et parfois homophobe.
- L'orientation sexuelle reste encore une source de discrimination, d'ostracisme, d'opprobre et de stigmatisation pour les patient(e)s gais et lesbiennes.
- Le milieu des soins de la santé semble encore entretenir des préjugés et des stéréotypes à l'égard des gais et des lesbiennes.
- Certains intervenants de la santé semblent être plus homophobes et hétérosexistes que d'autres.
- Le domaine du VIH-sida semble être la voie d'accès privilégiée à de l'information sur l'homosexualité pour les intervenants de la santé.
- L'homosexualité est encore intrinsèquement liée à la problématique du sida et elle semble avoir accentué l'homophobie chez certains intervenants de la santé.
- L'homophobie est présente dans la relation patient(e) gai ou lesbienne et intervenant de la santé mais aussi dans les relations entre intervenants de la santé.
- Les psychiatres semblent être les intervenants de la santé qui sont les plus réticents à reconnaître l'homosexualité comme n'étant pas une maladie mentale.
- Les lesbiennes semblent développer des stratégies de protection afin de faire face à un milieu des soins de santé hostile, sexiste, homophobe, hétérosexiste et raciste.
Les barrières liées à la formation des intervenants de la santé
- Les intervenants de la santé ne semblent pas formés à colliger de façon adéquate les informations nécessaires pour venir en aide aux gais et aux lesbiennes.
- Les intervenants de la santé semblent souvent confondre l'identité et les comportements sexuels.
- La qualité des soins reçus par les gais et les lesbiennes semble être affectée par le fait que l'intervenant(e) de la santé connaît ou non l'orientation sexuelle du client ou de la cliente.
- Les intervenants de la santé semblent être mal préparés à faire face à des patients gais et des patientes lesbiennes.
- Les intervenants de la santé gais ou lesbiennes semblent mieux comprendre la réalité et la santé gaie et lesbienne.
- Les attitudes des intervenants de la santé face au lesbianisme sont dans bien des cas négatives et affectent indubitablement la relation patiente / intervenant(e).
- Les questionnaires médicaux et le questionnement des intervenants de la santé semblent hétérosexistes et concernent principalement la contraception et les relations hétérosexuelles.
- L'intervenant de la santé privilégié par les lesbiennes semble être une femme ayant la même orientation sexuelle.
- L'intervenant de la santé de sexe masculin semble être l'individu le moins encourageant et le moins apte à répondre adéquatement aux besoins des lesbiennes.
- Les lesbiennes semblent plus à l'aise de consulter un praticien si elles peuvent être accompagnées de leur conjointe, d'une amie ou d'un représentant des patients.
- Les lesbiennes semblent se tourner vers les médecines alternatives car les intervenants font montre, selon elles, d'une meilleure connaissance de la santé lesbienne.
- Certains intervenants de la santé croient encore que les lesbiennes sont un groupe à haut risque quant à la transmission du VIH.
- Les intervenantes de la santé lesbiennes semblent elles aussi confrontées à la discrimination, à l'hétérosexisme et à l'homophobie dans leur milieu de travail et ce, particulièrement durant leur formation.
- Les intervenants de la santé reçoivent peu de formation sur l'homosexualité durant leur scolarité et conséquemment, ils ont souvent peu de connaissances sur les aspects théoriques et psychosociaux reliés à l'homosexualité.
- Les psychiatres semblent adopter les théories biogénétiques pour expliquer l'homosexualité.
- Les intervenants de la santé semblent vouloir de la formation sur l'homosexualité
Les problèmes de santé répertoriés chez les gais, lesbiennes et bisexuel(le)s
La santé des lesbiennes
- Les lesbiennes ne semblent pas présenter de différence significative avec leurs pairs hétérosexuelles au sujet des problèmes gynécologiques.
- Les lesbiennes semblent souffrir plus fréquemment de vaginites et de menstruations irrégulières que leurs pairs hétérosexuelles.
- Plusieurs lesbiennes ont déjà eu dans le passé des relations hétérosexuelles et ce, sans méthode contraceptive ou utilisation du condom.
- Le dépistage des maladies transmissibles sexuellement, du cancer du sein et du col semble être souvent négligé par les lesbiennes ou par leur praticien.
- Les lesbiennes semblent moins à risque de contracter le VIH que leurs pairs hétérosexuelles.
- Les lesbiennes semblent se tourner davantage vers les médecines alternatives.
La consommation de drogues et d'alcool
- Les études où les auteurs concluent que les gais et les lesbiennes présentent des taux de toxicomanie ou d'alcoolisme plus élevés doivent être interprétées avec prudence à cause de problèmes rattachés à la conception, à la partialité de l'échantillonnage et aux incohérences dans la définition des termes.
- La consommation abusive d'alcool et de drogues chez les gais et lesbiennes peut être reliée à l'homophobie, à la dépression et au processus de sortie.
- La consommation abusive d'alcool et de drogues semble être un facteur relié à la violence conjugale chez les gais et lesbiennes.
- La consommation de drogues semble diminuer avec l'âge.
- Les gais et les lesbiennes ne reçoivent pas de services adéquats de la part des programmes de traitement des toxicomanies offerts à la population en général.
La santé mentale
- Les gais et lesbiennes semblent s'engager dans certains comportements à risque tels que le tabagisme, la consommation abusive d'alcool et de drogues et le sexe non sécuritaire.
- Les gais et lesbiennes semblent être plus à risque pour la dépression, les idéations suicidaires, la confusion relative à leur orientation sexuelle, et les crimes motivés par la haine.
- Ces problèmes de santé mentale sont directement attribuables à l'opprobre et à la honte associés à la vie dans une société homophobe.
La violence conjugale, sexuelle et homophobe
- Le contrôle homophobe semble être un facteur associé à la violence conjugale chez les gais et lesbiennes.
- La violence homophobe semble un phénomène très présent aux États-Unis et peu étudié au Canada.
- Les lesbiennes semblent se faire agresser davantage dans leur résidence.
La parentalité chez les gais et les lesbiennes
- Les familles de gais et lesbiennes sont invisibles dans les statistiques nationales américaines (et canadiennes).
- Les gais ou les lesbiennes deviennent parents le plus souvent à la suite de relations hétérosexuelles antérieures.
- Les législations américaine et canadienne semblent empêcher ou défavoriser l'adoption chez les couples et individus gais et lesbiens.
- Plusieurs lesbiennes désirent avoir des enfants et l'insémination artificielle semble être la méthode la plus utilisée.
- La discrimination semble présente dans les cours prénatals, le suivi médical, les cliniques de fertilité, la fréquentation d'autres couples hétérosexuels, les communautés gaie et lesbienne, la famille, la société, etc.
- Les lesbiennes semblent davantage satisfaites des services des sages-femmes que de ceux des médecins.
- Les hommes gais qui souhaitent devenir pères biologiques se heurtent à des obstacles uniques et concluent souvent des arrangements inédits, par exemple le partage des responsabilités parentales.
Le peu d'information sur les problèmes de santé dans la communauté gaie autres que ceux du VIH-sida
- Plusieurs maladies semblent affecter davantage les gais que les hétérosexuels particulièrement certaines maladies transmissibles sexuellement et le sida.
- La recherche sur la santé des gais semble être axée principalement sur la problématique du sida.
- Les subventions de recherche ne semblent réservées qu'à la santé sexuelle des gais laissant ainsi de côté tous les autres aspects de la réalité gaie.
- La recherche sur la santé sexuelle des gais semble actuellement prédominer.
- Les problèmes sociaux et de santé les plus souvent répertoriés chez les gais semblent être davantage associés à la phase de
" sortie " et de " pré-sortie ". - Peu d'études nous informent sur les taux d'incidence et de prévalence des problèmes sociaux et de santé répertoriés chez les gais.
- Les connaissances sur la santé des gais après la " sortie " semblent limitées au processus de vieillissement.
- Les problèmes sociaux et de santé des gais semblent fortement reliés au processus de sortie, au style de vie adopté par les gais ou encore aux comportements sexuels.
- Ilyaun manque flagrant d'études comparatives entre la santé des hommes gais et celle des hommes hétérosexuels.
La transmission du VIH et le sida chez les lesbiennes
- Les lesbiennes sont encore souvent considérées comme étant à haut risque de contracter le VIH à cause de leur association avec le milieu gai sans aucune référence aux réalités épidémiologiques.
- Les lesbiennes séropositives ont été infectées soit par relations sexuelles non protégées avec des hommes soit par échanges de seringues contaminées.
- La transmission du VIH de femme à femme semble peu probable et seulement quatre cas ont été recensés chez les lesbiennes aux États-Unis.
Les clientèles oubliées dans les écrits scientifiques
Les personnes vivant en milieu rural : ce que l'on sait
- Les gais et lesbiennes vivant en milieu rural semblent invisibles et sont confrontées à un environnement hostile et homophobe laissant peu de place à l'épanouissement de leur identité.
- Rester inconnu(e)s et invisibles en milieu rural semble être le moyen de survie des gais et lesbiennes ou une façon de confronter la non-acceptation, la discrimination, l'oppression et parfois, la violence physique et psychologique.
- Les gais et lesbiennes vivant en milieu rural souffrent d'isolement social et géographique.
- En milieu rural, le concept de communauté gaie est inexistant; en revanche, le concept de communauté de liaison est très présent.
Les personnes âgées : ce que l'on sait
- Les analyses démographiques réalisées sur les personnes âgées ne peuvent différencier les gais, les lesbiennes et les bisexuel(le)s.
- Les gais et lesbiennes âgé(e)s semblent inexistant(e)s non seulement dans la société et les médias mais aussi dans la communauté gaie.
- Les milieux ruraux et urbains n'offrent pas les mêmes réseaux de soutien, ce qui peut affecter la vie des gais et lesbiennes âgé(e)s.
- Les personnes gaies âgées semblent en meilleure position que leurs pairs hétérosexuels quant à la stigmatisation reliée au vieillissement puisqu'ils ont déjà expérimenté la stigmatisation associée à leur orientation sexuelle.
- Peu d'informations pertinentes sur les comportements des lesbiennes âgées sont disponibles.
- Les lesbiennes âgées ne semblent pas utiliser les mêmes termes que leurs pairs plus jeunes pour s'identifier.
- Les lesbiennes âgées semblent recevoir peu de soutien de leur communauté lesbienne.
- Les lesbiennes âgées qui ont fait leur sortie expérimentent le vieillissement différemment de leurs pairs qui sont encore dans le placard.
- La ménopause semble un phénomène peu abordé dans les études lesbiennes.
- Les lesbiennes âgées semblent confrontées à plusieurs mythes et stéréotypes.
- La cohorte des gais âgés de 40 à 50 ans d'aujourd'hui est peut-être plus réduite que celles des cohortes passées ou futures à cause de l'épidémie du sida.
- Les gais âgés semblent davantage confrontés à l'âgisme et au rejet de la part de leurs pairs plus jeunes.
- Le contact avec la communauté gaie semble favoriser l'adaptation psychosociale des gais âgés au processus de vieillissement.
Les jeunes : ce que l'on sait
- Il semble que le terme " jeunes gais et lesbiennes" puisse s'appliquer à différentes strates d'âge et couvrir les 14 à 30 ans.
- Les gais et lesbiennes de moins de 30 ans et les adolescent(e)s gais et lesbiennes ne semblent pas être des clientèles ciblées en recherche gaie et lesbienne.
- Les jeunes gais et lesbiennes semblent invisibles et ignorés par la société, la santé publique et la recherche.
- Les problèmes sociaux et de santé des jeunes gais et lesbiennes semblent intrinsèquement liés au processus de sortie et à leur propre acceptation de leur homosexualité.
- Les jeunes gais et lesbiennes semblent avoir davantage de problèmes de santé émotionnelle, sociale et physique que leurs pairs hétérosexuels à cause du processus de sortie.
- Comparativement à leurs pairs plus âgés, les jeunes gais et lesbiennes ont davantage de difficulté à négocier l'isolement et la stigmatisation associées à l'identité homosexuelle.
- Le suicide semble très présent dans la vie des jeunes gais et lesbiennes en processus de sortie.
- Le milieu scolaire ne semble pas offrir un environnement sécuritaire pour les jeunes gais et lesbiennes.
- Les principales sources d'information sur l'homosexualité pour les jeunes gais et lesbiennes se limitent à la télévision et au ouï-dire.
- Les jeunes gais et lesbiennes semblent accorder une attention particulière au droit à la confidentialité provenant des intervenants de la santé.
- Les intervenants de la santé ne sont pas portés à informer les jeunes de leur droit à la confidentialité et cette situation semble être un frein pour les jeunes gais et lesbiennes quant au dévoilement de leur orientation sexuelle.
- Les barrières à l'accessibilité aux soins de santé répertoriées par les gais et lesbiennes sont le langage inapproprié des intervenants, l'absence ou la présence de questions sur l'histoire socio-sexuelle, l'absence de matériel éducatif et préventif s'adressant aux jeunes gais et lesbiennes dans les lieux de santé, les réponses des intervenants, le non-respect de la confidentialité, la méconnaissance de l'homosexualité chez les adolescents et la présence de l'hétérosexisme.
- Les jeunes gais et lesbiennes semblent préférer consulter un(e) intervenant(e) ayant la même orientation sexuelle (l'âge, le genre et l'ethnie doivent aussi correspondre à leur réalité).
Les personnes provenant des communautés ethnoculturelles : ce que l'on sait
- Les connaissances sur les gais et lesbiennes provenant des communautés ethnoculturelles sont très limitées.
- Les gais et lesbiennes provenant des communautés ethnoculturelles semblent confrontées à l'hétérosexisme, à l'homophobie et au racisme.
- Les gais et lesbiennes provenant des communautés ethnoculturelles souffrent d'isolement à cause du rejet de leur communauté d'appartenance mais aussi de la communauté lesbienne.
- Les gais et lesbiennes provenant des communautés ethnoculturelles sont sous-représentées dans les échantillons.
- Les études s'intéressant aux gais et lesbiennes provenant des communautés ethnoculturelles sont surtout américaines et reflètent peu la réalité canadienne.
- Les gais et lesbiennes provenant des communautés ethnoculturelles sont eux aussi confrontés au processus de sortie, mais dans un contexte d'acculturation et de racisme.
- Les connaissances en matière de santé gaie chez les gais et lesbiennes provenant des communautés ethnoculturelles sont absentes, et peu ou pas d'informations sont disponibles sur leurs rapports avec le milieu des soins et des services de santé.
Les autochtones : ce que l'on sait
- Les gais et lesbiennes provenant des communautés autochtones sont peu étudiées.
- Les informations sur les gais et lesbiennes autochtones proviennes surtout des traditions orales, d'articles de journaux, de magazines, de poèmes, d'essais ou de romans.
- Il semble que la majorité des langues autochtones aient un terme pour désigner les individus qui ne se considèrent ni homme ni femme.
- Les termes bispirituel ou personne bisprituelle semblent être plus acceptables pour plusieurs autochtones que les termes berdache , amazone ou gai/lesbienne/ bisexuel(le).
- La colonisation et le christianisme semblent être responsables de l'exclusion des bi-spirituel(le)s de certaines communautés autochtones.
- Les gais et lesbiennes autochtones semblent confronté(e)s à la discrimination, à l'homophobie, à la stigmatisation et au rejet de leur propre communauté mais aussi de la communauté gaie.
- Comme gai ou lesbienne, il semble être difficile de vivre dans sa réserve mais la vie en milieu urbain présente aussi ses écueils.
- Il n'existe peu ou pas de services et de ressources pour les gais et lesbiennes autochtones en milieu urbain ou dans les réserves.
Recommandations
Les recommandations qui suivent découlent de la recension des lacunes et des difficultés décelées dans les recherches, au Canada et à l'étranger, sur l'accès aux services de santé pour les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles, ainsi que des expériences documentées de ces groupes et des personnes qui les soutiennent qui ont participé aux échanges des groupes de réflexion. Chacune de ces recommandations suppose la nécessité d'une collaboration entre les fournisseurs de soins de santé, les décideurs et les collectivités de personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles.
1. Sensibilisation et formation des dispensateurs de soins de santé et de services sociaux
Par le passé, le rôle des professions de la santé et des domaines connexes (surtout la médecine, les sciences infirmières, la psychiatrie, la psychologie, la sexologie et le travail social) a été lié à la pathologisation, les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles étant considérés comme des déviants. Ces professions et ceux qui les enseignent ont donc aujourd'hui pour mission spéciale de corriger les torts ainsi causés.
- Que les facultés, dans tout le Canada, reconnaissent que l'insuffisance de la formation concernant les problèmes de santé des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles a marginalisé davantage ces personnes et les a exposées à de plus grands risques en matière de santé.
- Que ce manque de formation concernant la santé et le bien-être de ces personnes soit corrigé par le contenu des cours, la recherche et les consultations menées auprès d'elles.
2. Éducation permanente des dispensateurs de soins de santé et de services sociaux
Les spécialistes déjà en fonction se sont fait inculquer des préjugés au sujet des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles ou bien ont reçu leur formation à l'époque où le discours de la pathologisation a été remplacé par un silence total.
- Qu'un programme semblable à celui du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec soit mis en place aux niveaux provincial et national, programme qui vise à corriger les préjugés à l'égard des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles et à adapter les services à leurs besoins.
- Que les associations professionnelles au Canada soient sensibilisées à la désaffection ressentie par les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles à l'égard de leur système et de leurs dispensateurs de soins de santé, afin que ces associations mettent en oeuvre des politiques et des programmes de formation visant à sensibiliser leurs membres.
- Que les organisations de services de santé représentant les collectivités et spécialistes autochtones soient sensibilisées aux besoins des personnes bispirituelles dans leurs localités et en milieu urbain.
3. Adaptation des services aux besoins des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et des bispirituelles
Les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles ont les mêmes préoccupations que tous les Canadiens en matière de santé et de bien-être. Ils ont toutefois un autre défi à relever, soit affronter les mauvais traitements que le système de santé leur a réservés par le passé et leur réserve encore aujourd'hui. Cela les a amenés à se méfier des services de santé et sociaux.
- Que les établissements publics de santé et de services sociaux commencent à évaluer leur « état de préparation » à fournir des services de santé accueillants pour les divers groupes de personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles. Il faut prendre des initiatives pour abolir les obstacles systémiques, institutionnels et individuels qui empêchent de donner des services appropriés et attentionnés.
- Que des services spécialisés répondant aux besoins particuliers de ces personnes en matière de santé et de services sociaux soient mis en place et soutenus, comme auxiliaires du système de santé public. Ces services peuvent comprendre ce qui suit, sans y être limité : aider les jeunes qui sont en train de déclarer leur orientation sexuelle, aider les parents des jeunes gais, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles, aider parmi ces derniers ceux qui sont parents, offrir de l'information et de la formation pour sensibiliser la collectivité plus large (écoles, facultés, fournisseurs de services de santé, etc.), services d'hygiène mentale, organisations pour personnes âgées, programmes de prévention du suicide, etc.
- Que les organismes du domaine de la santé et des services sociaux soient sensibilisés au fait que les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles ont un degré variable de malaise lorsqu'ils tentent d'obtenir des services. Beaucoup présument, à cause de cette expérience, qu'ils doivent se cacher ou dissimuler leur orientation sexuelle dans leurs contacts avec les établissements et les dispensateurs de soins de santé et de services sociaux s'ils veulent obtenir des soins adéquats et équitables. Les politiques et services qui tiennent compte de ce fait et visent expressément à rejoindre ces populations font beaucoup pour calmer ces craintes et bâtir la confiance.
4. Élaboration de la politique
L'absence de lignes directrices fédérales et provinciales sur la santé des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles a contribué à créer des obstacles qui entravent l'accès à des services de santé accueillants pour ces groupes et a freiné leur mise en place.
- Que le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file dans la définition des pratiques exemplaires concernant la santé et le bien-être des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles. Cela comprend la présentation aux ministres provinciaux de la Santé de recommandations sur l'adaptation des services et l'aide aux établissements et dispensateurs de services par l'élaboration de programmes de formation, de guides et d'autres documents sur la santé et les services de santé de ces groupes qui puissent s'appliquer dans l'ensemble des provinces et territoires et à l'échelon fédéral.
- Que le gouvernement fédéral soutienne les initiatives de recherche et les projets pilotes portant sur l'accès aux soins et la prestation des services à ces groupes.
5. Recherche
Par le passé, la recherche a servi à confirmer les préjugés, à élucider les causes et à vérifier les traitements des « déviances ». Plus récemment, elle s'est limitée aux hommes gais et bisexuels, pour parvenir à mieux comprendre les vecteurs de la pandémie du VIH. Il y a peu de recherche, voire aucune, sur la vie des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles, l'impact de la stigmatisation, l'adaptation des services, les conséquences de l'homophobie dans les services de santé ou le mode de vie de ces personnes au Canada. C'est particulièrement vrai dans le cas des lesbiennes et des bisexuelles, ainsi que des personnes bispirituelles.
Recherche sur la santé et le bien-être des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles
- Que ceux qui financent la recherche soient encouragés à étudier la question de la santé et du bien-être de ces personnes et celle de l'accès aux soins.
- Que des recherches se fassent sur les relations entre ces personnes et les dispensateurs et organismes de soins et de services sociaux.
- Que des recherches se fassent en partenariat avec ces personnes à toutes les étapes des initiatives de recherche.
- Recherche sur la santé et le bien-être des lesbiennes et des bisexuelles
- Que des recherches soient encouragées et financées sur la situation des lesbiennes et des femmes bisexuelles au Canada, population qui a été largement négligée et à qui manquent gravement les contacts que les gais ont établis avec les dispensateurs de soins au cours des deux dernières décennies.
- Que des recherches soient entreprises sur les différences entre les gais et les hommes bisexuels d'une part et les lesbiennes et femmes bisexuelles d'autre part, leur conception de la santé, leurs relations avec les dispensateurs de soins et le développement de leurs réseaux.
- Que des recherches soient entreprises pour mieux documenter les expériences des lesbiennes et femmes bisexuelles des collectivités « ethnoraciales » en ce qui concerne la santé et l'accès aux soins.
- Que les recherches tiennent compte des expériences et des besoins des femmes.
Recherche sur la santé et le bien-être des personnes bispirituelles
- Que des recherches soient entreprises pour mieux documenter la vie et l'expérience des personnes bispirituelles, leurs relations avec leurs collectivités et la santé et le bien-être.
- Qu'il soit explicitement tenu compte des personnes bispirituelles dans la formulation de toute politique, dans les cadres de recherche, dans les documents de vulgarisation ou les programmes de sensibilisation conçus pour améliorer l'accès aux soins pour les personnes gaies, lesbiennes et bisexuelles.
- Que les recherches comprennent une analyse des conséquences passées et actuelles de la colonisation des collectivités autochtones.
Recherche sur la santé et le bien-être des hommes gais et des hommes bisexuels
- Que la recherche sur les questions de santé chez les hommes gais ne se limite pas à l'épidémiologie et aux vecteurs explicites de l'infection par le VIH, mais englobe également un intérêt pour le vécu des gais et des bisexuels, l'impact de l'homophobie et de l'hétérosexisme dans leur vie, leurs relations avec leur milieu et leurs services de santé en général.
- Que des recherches soient entreprises pour mieux documenter les expériences des hommes gais et bisexuels des collectivités « ethnoraciales » en ce qui concerne la santé et l'accès aux soins.
- Que les recherches tiennent compte des expériences et des besoins des bisexuels.
6. La place des transgenderistes et transsexuels
Un thème qui est revenu périodiquement dans l'étude est l'absence officielle de tout discours sur les transgenderistes et les transsexuels. Les participants des groupes de réflexion ont exprimé leur consternation devant le fait que le processus n'englobait pas les transgenderistes et les transsexuels, et la revue de la littérature a fait ressortir l'absence de données sur leur vie et leurs relations avec les collectivités plus larges des gais et des lesbiennes.
- Que, pour donner suite à cette étude, un groupe de réflexion se réunisse pour documenter la question de l'accès aux soins pour les transgenderistes et les transsexuels au Canada.
- Que les chercheurs soient encouragés à pousser leur étude au-delà des aspects chirurgicaux et psychiatriques du transgenderisme et du transsexualisme pour considérer les personnes en cause, leur vie, leurs expériences, leurs relations avec les services de santé en général, y compris les services de santé mentale.
- Que, après des discussions avec cette collectivité et avec son consentement, une décision collective soit prise sur les initiatives subséquentes, pour savoir si elles doivent englober les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles, bispirituelles, transgenderistes et transsexuelles.
7. Bâtir à partir du projet : une initiative de phase II
Qu'une deuxième phase du projet soit entreprise, les objectifs étant les suivants :
- Explorer plus à fond les expériences des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles (ou tous ces groupes en plus des transgenderistes et transsexuels) dans tout le Canada en créant des groupes de réflexion à plusieurs autres endroits au Canada.
- Élargir les recherches pour y englober les expériences de ceux qui ne sont pas représentés dans le projet en cours ou sont sous-représentés, par exemple les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles qui ne sont pas affirmées complètement et ceux qui habitent dans des localités isolées et éloignées. Pour ce faire, on pourra utiliser un programme de recherche orientée qui sera conçu pour le Web avec l'appui des médias des gais et lesbiennes.
- Reprendre les mesures prises à la première phase pour rejoindre les personnes bispirituelles avec les personnes gaies, lesbiennes et bisexuelles des groupes
« ethnoraciaux » en contactant des personnes clés qui peuvent faciliter l'édification de la confiance pour constituer des groupes de réflexion dans plusieurs collectivités. - Créer un guide des pratiques exemplaires concernant la santé et le bien-être des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles à l'intention des dispensateurs de services, des établissements et des associations professionnelles de tout le Canada, guide qui comprendrait une évaluation de leur « état de préparation » à offrir des services accueillants pour ces personnes.
- Élaborer un programme de formation analogue à celui en usage au Québec pour le rendre disponible dans d'autres provinces.
- Créer et mettre à l'essai un modèle de cours universitaire sur « La bonne santé et les soins attentifs aux personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles » qui serait à la disposition des établissements d'enseignement de l'ensemble du Canada.
- Que ces initiatives soient prises parallèlement à la mise sur pied d'un groupe de travail national sur la santé et le bien-être des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et bispirituelles.
Notes en bas de page
Introduction
Ce document rapporte le déroulement d'une rencontre d'une journée réunissant des chercheurs, des praticiens et des militants impliqués dans la recherche sur la santé des gais, lesbiennes, bisexuels et bispirituels a (GLBB) au Canada. Vingt participants de tout le Canada, représentant des organismes communautaires, académiques et de santé publique, étaient réunis à l'École de travail social de l'université McGill à Montréal. Le but de la rencontre était d'entamer un processus interdisciplinaire et intersectoriel ainsi que d'encourager le développement et l'articulation de priorités nationales pour la recherche sur la santé des GLBB et les soins de santé. Les participants ont discuté de leur travail actuel, échangé quant aux champs de recherche et d'action présents et à venir sur la santé des GLBB, exploré des lacunes du savoir concernant la santé et les soins de santé des GLBB, et partagé leurs expériences au sujet des divers environnements où ils et elles interviennent.
Le présent rapport est conçu comme un travail évolutif (« work in progress »). Son objectif est de servir de point de départ à un dialogue entre chercheurs, praticiens et militants de tout le Canada au sujet des champs de recherche prioritaires sur la santé et le bien-être des GLBB et de leurs communautés. À cause de contraintes temporelles et financières, seul un petit groupe a pu participer à la rencontre d'un jour, et influencer ainsi le profil de ce rapport. Les participants à la rencontre souhaitent encourager d'autres personnes engagées envers la recherche et la pratique en santé des GLBB à regrouper leurs efforts pour créer des priorités de recherche nationales pour la santé des GLBB en prenant connaissance des enjeux présentés ici et en y répondant, ajoutant ainsi leur voix à ce document de travail.
À cette fin, les organisateurs vont distribuer ce rapport initial aussi largement que possible pour encourager la discussion, la réflexion critique, les partenariats et l'appropriation quant à un « plan de recherche en santé des GLBB » par les GLBB eux-mêmes et leurs communautés, en tant que principe fondamental des initiatives de recherche. Nous espérons que ce document sera continuellement adapté, dans un processus constant, de façon à ce que les diverses voix et perspectives des GLBB et de leurs communautés dans tout le pays soient représentées. Ce processus d'élaboration d'une initiative nationale sur les priorités de recherche en santé des GLBB peut servir à renforcer la capacité de la communauté de faire avancer les connaissances et d'influencer les politiques nationales et régionales de santé publique pour atteindre l'objectif plus vaste d'une équité dans les soins de santé des GLBB au Canada.
Contexte
Jusqu'a récemment, au Canada et aux États-Unis, il existait peu de documentation sur les besoins en santé et les expériences des gais, lesbiennes, bisexuels et bispirituels (GLBB) hors du domaine de la prévention et du traitement du SIDA pour les hommes gais et bisexuels. Il en résulte que les praticiens et les décideurs en soins de santé connaissent très peu soit la globalité des questions de santé et de bien-être des GLBB, soit la meilleure façon de développer pour eux des services sociaux et de santé appropriés, pertinents, et pro-actifs. De plus, si les communautés de gais, lesbiennes, bisexuels et bispirituels peuvent puiser dans beaucoup d'information anecdotique et d'expériences personnelles quant aux enjeux de santé et de soins de santé qu'elles affrontent, elles ont peu de données vérifiées grâce auxquelles plaider en faveur de l'adaptation des systèmes et institutions de santé à leurs besoins. Cette situation est significativement plus difficile au Canada, où le soutien à la recherche sur la santé des GLBB, et conséquemment, la documentation à ce sujet fait presque entièrement défaut.
L'absence de documentation quant aux besoins généraux des GLBB en santé est liée à l'oppression passée et actuelle qu'ils et elles affrontent dans l'ensemble de la société ainsi que, particulièrement, dans les institutions de service social et de santé. Parce que les GLBB ont été historiquement définis comme des malades mentaux en termes médicaux, le système de soins de santé a été l'un des principaux secteurs où le contrôle sur leur vie s'est exercé. Ainsi, les professionnels de la santé ont souvent reçu la tâche de « guérir » les GLBB de leur attirance homosexuelle dite malsaine en usant de méthodes comme la thérapie par électrochocs ou aversion. La recherche en santé sur les GLBB, là où elle existait, était utilisée comme renfort à l'efficacité et à la pertinence de ces interventions. À cause de ce contexte historique, il n'est guère étonnant que les GLBB aient des relations teintées de méfiance avec la recherche en santé et le système de santé et de service social.
Quoique beaucoup de choses aient changé au cours des vingt dernières années quant à la définition de l'homosexualité en tant que pathologie dans le système sociosanitaire, les professionnels des soins de santé, les institutions, les décideurs et les chercheurs continuent de marginaliser les GLBB. Au mieux, le système de soins de santé et de service social a tenté de créer un semblant de « neutralité » en politique, pratique, et recherche en santé, le tout basé sur la conviction idéologique que les soins de santé doivent être accessibles à tous, sans égard à l'orientation sexuelle, et que les services de soins de santé sont en meilleure posture quand ils sont développés sans considération envers une clientèle particulière. Toutefois, selon les expériences qu'en ont fait les GLBB, cette inattention à l'orientation sexuelle peut être aussi néfaste, surtout dans un environnement encore marqué par l'homophobie et l'hétérosexisme. En termes de documentation et de recherche, cette neutralité a entraîné l'oubli presque total de l'orientation sexuelle en tant que variable légitime dans les études sur la santé et l'accès aux soins de santé.
La pression croissante des communautés de GLBB sur les décideurs, pourvoyeurs et chercheurs en soins de santé a provoqué des changements marginaux. Les GLBB, à la fois comme consommateurs de soins de santé et comme professionnels dans ce domaine, continuent d'exprimer leur résistance aux pratiques homophobes et hétérosexistes en documentant les injustices passées et présentes, en créant de nouvelles avenues pour l'articulation de meilleures politiques et pratiques, ainsi que d'un savoir-faire quant à la santé des GLBB et des enjeux de soins de santé. Les militants des mouvements VIH/SIDA, des organismes de santé pour gais et lesbiennes ainsi que pour la santé des femmes ont aidé à canaliser l'énergie et à cibler le savoir-faire sur les besoins en santé des gais, lesbiennes, bisexuels et bispirituels. Au Canada, ilyaun intérêt croissant pour la santé et les soins de santé des GLBB. Il existe cependant des problèmes significatifs qui limitent la capacité des militants, chercheurs et praticiens canadiens en santé, à mettre de l'avant une consigne nationale quant à la santé des GLBB et à leur accès aux soins de santé. Sans s'y limiter, ceux-ci comprennent :
- la rareté de la recherche canadienne (publiée et non-publiée) sur la santé et les soins de santé des GLBB;
- le fait que plusieurs des initiatives de recherche soient entreprises sous l'égide de petites agences locales à base communautaire aux ressources trop limitées pour une divulgation nationale. Ces études ne parviennent pas aux revues de santé académiques et cliniques puisque les liens entre recherche communautaire et recherche universitaire sont souvent faibles;
- peu d'occasions de rencontre et d'échange de savoir-faire pour les praticiens et chercheurs canadiens en santé des GLBB;
- le manque d'infrastructure de soutien pour le développement de groupes de travail nationaux sur la santé des GLBB;
- le manque de développement de communication/partenariat entre les initiatives à base communautaire et à base universitaire;
- le manque de soutien bien ciblé pour la recherche en santé des GLBB et dans les disciplines connexes, dans les milieux académiques et sociosanitaires;
- le manque de fonds dédiés au soutien de la recherche en santé des GLBB;
- l'absence d'initiatives de militantisme/lobbying au niveau national en ce qui touche la santé et les soins de santé des GLBB.
Ces lacunes ont un impact significatif sur la capacité des militants et des chercheurs de communiquer les uns avec les autres, de développer des partenariats, d'entreprendre des projets de recherche, et enfin de renforcer leur savoir-faire en santé des GLBB. Il en résulte un développement lent et irrégulier de l'amélioration des pratiques dans le domaine de la santé.
Un cadre pour la santé
Cette initiative définit la santé selon une perspective large qui inclut les composantes physiques, psychologiques, émotionnelles, sociales et spirituelles qui contribuent à la santé et au bien-être. La définition de l'Organisation mondiale de la santé b est très près du concept idéologique de santé tel que compris dans le contexte actuel. Il importe particulièrement d'identifier la santé comme un amalgame large et holistique quand on considère la vie et les expériences des GLBB. Tenir compte de l'expérience d'être gai, lesbienne, bisexuel ou bispirituel nécessite une vision large de la santé dans une société homophobe où des enjeux comme « la sortie » (coming out), la communauté d'appartenance et la gestion de l'oppression sont contextualisés comme des enjeux de santé mentale. L'usage de cette perspective facilite l'intégration d'une analyse des impacts de l'homophobie, de l'hétérosexisme et de la marginalisation de la santé et la vie des GLBB, ainsi que de la nécessité de considérer une aide physique, émotionnelle, sociale, spirituelle et psychologique au moment de formuler des recommandations de changement, en accord avec la théorie de la santé des populations et avec l'adaptation de déterminants de santé pour des populations particulières. Au fil de ce rapport, les termes « santé », « soins de santé » et « livraison de service social », « accès à la santé », « pratique » et « politique » devraient être compris comme étant inclusifs, à moins d'autres précisions.
Objectif de la rencontre
Cette rencontre de chercheurs sur la santé et les soins de santé des GLBB a tenté une amorce de prise en compte des besoins en santé et service social des communautés GLBB au Canada, et du développement de recherches à faire, de façon générale. Son but était de favoriser un processus d'exploration créatrice face à la question du meilleur moyen de créer et de soutenir un environnement capable de nourrir un savoir-faire en santé et en soins de santé des GLBB au Canada. Cela inclut le développement d'une masse critique de chercheurs et de prati- ciens en soins de santé bien soutenus par les institutions académiques et gouvernementales et qui seraient motivés par les multiples intérêts et soucis des communautés GLBB de tout le pays. Ceci faciliterait le développement d'une reconnaissance des enjeux qu'affrontent les GLBB et contribuerait aux initiatives de politiques et de pratiques qui soutiennent leur santé et bien-être ainsi que les entreprises en recherche et pratique. La rencontre devait commencer le processus de la construction d'un programme national sur la santé et les soins de santé des GLBB en rassemblant des participants en recherche sur la santé des GLBB de tout le Canada. Les secteurs de discussion comprenaient :
- les initiatives actuelles canadiennes quant à la santé des GLBB;
- la litt érature américaine actuelle en santé portant sur les GLBB;
- la création de voies de collaboration pour la santé et les soins de santé des GLBB (incluant le développement d'une conférence nationale et d'un journal canadien dédiés à la santé des GLBB);
- le développement d'un centre national sur la recherche en santé des GLBB;
- la coordination d'un point de diffusion pour la recherche universitaire et communautaire;
- la détermination des lacunes actuelles des initiatives de recherche canadiennes;
- la détermination des variations régionales dans les initiatives de recherche/pratique;
- le survol du contexte actuel pour ce qui est d'entreprendre des recherches sur les GLBB;
- la création d'une entité nationale de défense de la santé et des soins de santé des GLBB;
- la recherche de partenaires éventuels parmi les agences en divers endroits du pays;
- le développement d'un groupe national interdisciplinaire de chercheurs/ praticiens sur la santé des GLBB.
Cette rencontre était le premier pas d'un processus de consultation, de recherche, et de choix de priorités lié aux enjeux de santé des GLBB au Canada. Cette première étape a permis la consultation initiale des communautés, des chercheurs, et de Santé Canada, et a attiré l'attention sur certains aspects spécifiques à étudier par la suite. La rencontre a souligné l'idée qu'un processus plus vaste est nécessaire afin d'éclaircir, de spécifier, et mettre de l'avant pour les Canadiens la recherche sur la santé et les besoins de santé des GLBB.
La rencontre se divisait en deux parties. La première ciblait le partage des projets récents de recherche/pratique et/de travail en cours. Dix participants ont présenté les résultats des initiatives de recherche ou de pratique auxquelles ils ou elles participaient. Celles-ci sont citées en annexe. La seconde partie de la journée était dédiée à une exploration ouverte des enjeux, tels que ceux qui sont liés aux aspects suivants : les contextes de travail, les zones de priorité en recherche, le développement de partenariats, l'inclusion/exclusion de divers GLBB dans le développement de la recherche, la relation entre la recherche et l'action, la recherche fondée sur la pratique, les idées pour des collaborations, etc.
Rapport des discussions
Cette section rapporte les thèmes et les idées qui ont émergé du forum ouvert de l'après-midi. Ces thèmes/ idées se divisent en gros en trois catégories distinctes. La première est liée au contexte de travail des chercheurs en santé des GLBB, particulièrement quant à l'accès aux subventions, aux difficultés concernant les possibilités de publication et de soutien de la recherche sur les GLBB dans le cadre académique. Le second thème englobe les réflexions des participants sur les principes ou la philosophie d'orientation qui doivent être soulignés dans le développement de la recherche sur la santé des GLBB. Enfin, le troisième thème porte sur les zones de priorité de recherche déterminées par les participants, incluant les perspectives qu'elles doivent comprendre.
Un environnement pour la recherche portant sur les GLBB
Au fil de la journée, les participants ont réfléchi sur l'environnement dans lequel ils entreprennent des recherches sur la santé des GLBB, que ce soit en contexte académique ou communautaire. Plusieurs participants ont discuté des défis qu'ils affrontent dans le développement et la production de leurs recherches dans ce domaine et ont décrit un environnement pouvant varier du soutien à l'hostilité. Les chercheurs de centres gais et lesbiennes ont parlé du soutien qu'ils et elles reçoivent de leurs collègues et de membres de la communauté dans le développement et la recherche en santé des GLBB. Pour les chercheurs universitaires, la discussion a visé le manque de soutien de la part de leurs collègues et de leurs facultés pour la recherche dans ce domaine. Les participants du contexte universitaire ont fait part d'expériences au cours desquelles ils ont affronté homophobie et/ou hétérosexisme, y compris : le vandalisme de biens privés, des pressions négatives quant à la mise sur pied de recherches et d'enseignement dans le domaine, et des commentaires discriminatoires reçus en tant qu'auteurs lors du processus de révision d'un manuscrit devant être publié.
Les participants, du domaine communautaire ou universitaire, ont discuté du manque de soutien financier destiné à la recherche sur la santé des GLBB, à la fois du côté du gouvernement et des fondations privées. Le résultat de ce manque de soutien financier est une capacité communautaire amoindrie pour évaluer et développer des programmes ainsi que des difficultés accrues quand il s'agit de défendre des changements politiques et institutionnels pouvant améliorer la santé et le bien-être des GLBB. De plus, beaucoup de l'aide reçue jusqu'à maintenant a été acheminée par des initiatives liées au VIH. Ceci implique que l'angle selon lequel la recherche est entreprise est limité à la catégorie des « hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes » dans le contexte de la prévention du VIH. Les participants ont souligné que la santé des lesbiennes et les enjeux plus vastes de la santé des hommes gais sont par conséquent pratiquement ignorés. Ainsi, les chercheurs qui considèrent de plus larges enjeux en santé des GLBB sont très peu subventionnés.
Enfin, tous les participants ont discuté de l'isolement qu'ils ressentent dans leur propre contexte. Les participants ont indiqué le besoin de considérer le climat dans lequel les enjeux GLBB sont discutés comme un facteur central pouvant contribuer à l'isolement. Ils ont aussi souligné que l'expérience liée à l'isolement est considérablement plus forte pour la minorité ethno-culturelle et les GLBB qui sont souvent exclus des initiatives académiques et communautaires. Les participants ont recommandé des rencontres, des conférences, un site Web, et un centre de diffusion national afin de tenir compte des barrières, du climat hostile, et d'améliorer l'incorporation/légitimisation du savoir. Les participants ont aussi insisté sur le besoin d'alliances communautés et universités pour réduire l'isolement, accroître la prise de la recherche sur le réel et assurer l'inclusion de multiples programmes dans les milieux académiques. Ceci a été perçu comme un redressement historique essentiel pour réparer l'exclusion et la marginalisation qu'affrontent encore divers GLBB et leurs communautés quant à la recherche sur leur santé.
Les citations suivantes, extraites de la discussion, éclairent les expériences des participants et leur perception au sujet des environnements actuels de la recherche touchant les GLBB :
Selon mon expérience des dernières années, avec le travail que je fais, nous ne sommes pas à l'abri de la discrimination... c'est plutôt le contraire, comme nous ne savons tous. Nous recevons tout un éventail de réactions de la part des gens... en partant de la personne qui vandalise ma porte après une entrevue donnée aux médias, jusqu'au plus passif « si vous êtes impliqué dans ce genre de travail... rappelez-vous : il peut vous être retiré, car ce n'est pas quelque chose que l'école ou l'université trouve important ». Vous devez donc effectuer ce travail en plus du reste, ou à côté de ce que l'on attend de vous normalement et dans un environnement qui présente beaucoup de risques...
Je pense qu'en tant qu'organisme nous pouvons combler une lacune lorsqu'il s'agit d'isolement, en invitant les communautés à partager ce qu'elles ont avec nous, ainsi qu'en leur donnant des possibilités d'inscrire leur travail dans un modèle de recherche efficace et constructif.
Il y a cette impression qu'il ne s'agit pas d'une zone de recherche légitime, et qu'il faut la cacher sous quelque chose d'autre, et la faire approuver discrètement... nous avons tous connu cela de diverses façons... et cette rencontre est l'une des premières à ce sujet, je crois, qui ait été financée en dehors du VIH quant aux fonds gouvernementaux, ce qui est encourageant, mais, historiquement, nous n'avons pas pu le faire.
Ma propre recherche... ce qu'elle révèle... une préoccupation beaucoup plus grande du côté du climat et du silence dans les discussions sur les enjeux des gais et lesbiennes, et sur comment les choses se passent, ce qui est extrêmement subtil... l'une des choses que nous devrions comprendre vraiment est le fonctionnement réel de l'hétérosexisme, au lieu d'assumer comment nous en sommes arrivés là... parce que parfois des interventions bienveillantes peuvent être dirigées vers la mauvaise cible... ainsi la formation n'est peut-être pas la clef, peut-être que par exemple, les politiques et les infrastructures doivent être visées d'abord... Je ne dis pas de ne pas faire ceci ou cela, mais que nous avons besoin de recherche qui observe, qui identifie en quelque sorte et documente et nomme les relations sociales qui influencent l'éducation professionnelle et les services sociaux.
L'autre chose qui me préoccupe est l'absence de voix des lesbiennes et des chercheures lesbiennes. Je suis aussi d'accord sur le fait que je pense cela pas seulement selon l'angle de l'histoire du financement lié au VIH mais aussi du point de vue de la prévention et du manque de privilèges. C'est souvent plus difficile pour les lesbiennes de « sortir » dans un contexte académique et de travailler sans en subir les conséquences. Alors notre façon de nous entraider et, spécifiquement, de soutenir les chercheures lesbiennes et les gens du secteur académique, et de faire en sorte que ces gens travaillent et vivent dans des environnements positifs, a selon moi de l'importance.
Principes directeurs
Une grande partie de la discussion au cours du forum ouvert a ciblé les principes ou philosophies nécessaires au développement de la recherche sur la santé des GLBB. Les participants ont insisté pour que des enjeux comme la représentation, la collaboration, l'orientation théorique et politique, ainsi que les processus de recherche participative soient considérés comme centraux dans toutes les entreprises de recherche sur les enjeux de santé des GLBB. Les participants ont aussi souligné le caractère essentiel de la définition initiale de la méthode de recherche à appliquer avant qu'il soit possible de discuter des zones de priorité de recherche, de façon à assurer que la recherche ne soit pas perçue comme oppressive et facteur d'exclusion par les GLBB. La discussion s'est centrée sur les philosophies et les processus utilisés par les personnes présentes dans leur propre recherche et sur les initiatives de pratique qui insistent sur les idées suivantes : les processus participatifs de la recherche actuelle sont nécessaires pour redresser des pratiques de recherche en santé oppressives dans lesquelles les GLBB étaient vus comme des « malades »; l'établissement d'un lien de confiance avec les individus est essentiel au processus de recherche; la recherche devrait être liée aux efforts de changement social et politique en santé et dans d'autres domaines; de nombreux GLBB de partout ont été dramatiquement sous-représentés dans la recherche sur leur santé, à la fois comme participants et comme chercheurs. Les enjeux qu'affrontent divers GLBB doivent être considérés comme des principes directeurs de façon à reconnaître leurs droits à l'auto-identification et à l'autodétermination.
Pour ce qui est de l'auto-identification, les participants ont souligné l'importance d'observer les façons de désigner et de définir les communautés dans l'initiative actuelle. Il est important de rester ouvert au changement et de considérer les étiquettes d'identité comme étant des concepts fluides et changeants de façon à ne pas restreindre le champ d'étude ou exclure des gens et/ou des communautés en train de se définir ou à influencer les priorités de recherche. Une plus ample discussion/collaboration avec des communautés GLBB de multiples horizons a été suggérée. On a aussi insisté sur le fait que pour plusieurs communautés, le processus de création, définition et mise en partenariat de la recherche prend du temps et que l'établissement de confiance entre chercheurs, sujets de recherche et communautés est semé de conflits et de contradictions. Il importe de respecter le rythme et le processus et de toujours agir avec respect lorsqu'on travaille avec des gens et des communautés marginalisés.
Les participants ont aussi discuté l'inclusion des transgenderistes et transsexuels dans l'initiative actuelle. On a mis l'accent sur le développement d'un processus trans -positif et perçu comme solidaire des communautés trans .Iln'yapaseu de conclusion quant à l'ajout des enjeux de recherche en santé des transgenderistes et transsexuels au programme. Nous espérons qu'une autre discussion sera provoquée par le dialogue portant sur le rapport préliminaire, et qu'elle inclura les moyens d'assurer une solidarité avec celles et ceux qui travaillent en recherche en santé des transgenderistes et transsexuels de façon à promouvoir le soutien financier et les efforts de changement social.
En ce qui concerne les résultats de la recherche sur l'action sociale, les participants ont spécifiquement suggéré que les efforts de changement visent les niveaux micro-mezzo- macro, ce qui inclut : des changements dans les politiques sociosanitaires, l'inclusion de programmes avec ressources et apprentissage dans les écoles et les agences professionnelles et de régie ainsi que le changement des politiques, pratiques et attitudes dans les institutions et organismes publics de soins de santé, de service social et d'éducation. L'amélioration de la diffusion de l'information (particulièrement des résultats produits par des initiatives communautaires) a été décrite comme un pilier des efforts de changement social.
La liste suivante contient des idées émises par les participants, sans ordre de priorité :
Diversité
- le travail sur l'égalité implique l'exploration des différences;
- l'auto-identification, à cause du grand nombre de catégories et d'étiquettes;
- la lucidité quant aux voix à inclure;
- plus de communication avec la population (surtout les groupes autochtones);
- une attention à la terminologie;
- un besoin de clarté sur l'inclusion des bispirituels, autochtones - assez de confiance dans ce terme ?
- le rythme et le processus;
- ne pas prendre le savoir pour acquis;
- une lucidité quant à la spécificité des groupes;
- la reconnaissance de la diversité au Canada;
- la reconnaissance de l'autodétermination des communautés;
- la reconnaissance des enjeux des transgenderistes et transsexuels, et la solidarité avec ces groupes;
- quelques désaccords sur l'inclusion des enjeux trans, à cause de différences significatives, d'enjeux spécifiques à ces populations.
Lier la recherche à l'action sociale
- il faut des politiques, des activités de niveau mezzo et micro;
- il faut que les enjeux soient inclus dans l'énoncé de mission des écoles;
- le changement des attitudes - comment y arriver ?
- l'éducation des populations GLBB, militer pour soi;
- la formation;
- la diffusion d'information de base aux professionnels;
- l'éducation des communautés;
- se centrer sur le militantisme;
- l'apprentissage et éducation des adultes;
- se centrer sur la formation universitaire;
- les organismes régulateurs - fixer et améliorer leurs normes;
- une approche globale.
Les participants ont eu des idées nombreuses et variées, ainsi que des suggestions quant aux principes directeurs pour la recherche. La section suivante résume quelques énoncés émis dans cette partie de la discussion :
Une autre chose est de renforcer l'infrastructure des organismes communautaires, pour que les gens qui s'y trouvent acquièrent des compétences de recherche appropriées, et puissent collaborer de façon significative avec des chercheurs qui ont un rôle plus académiquement légitimé comme tel(le)s... et ce renforcement de l'infrastructure, je veux dire le fait de dépenser en continu, avec des subventions opérationnelles et ainsi de suite, cela en fait partie.
Je pense que c'est vraiment important, pour considérer la santé des gais, lesbiennes, bisexuel(le)s, bispirituel(le)s, qu'il y ait une priorité d'égalité entre gais, lesbiennes, bisexuel(le)s et bispirituel(le)s... parce que, c'est facile, surtout à cause de l'aide historique et de la priorité de la prévention du VIH parmi les hommes gais et bisexuels... que l'argent continue de couler de ce côté. Je pense que c'est important qu'il y ait des engagements explicites envers l'équité et une priorité envers la santé des lesbiennes, des femmes bisexuelles et des bispirituel(le)s...
L'une des choses à propos des communautés marginalisées est que nous devons trouver des pistes créatives, et devenir des résistants et des survivants. Alors il y a beaucoup de ce que l'on décrit, chez nous, comme un savoir indigène. C'est ce que l'on sait, que l'on a appris par expérience, ou grâce à des mentors. Ce sont les pratiques que nous avons, le savoir qui n'est pas légitimé par les cadres des politiques provinciales, fédérales ou de service, c'est pourquoi selon moi nous regardons ces listes... Je crois que nous avons l'occasion dans le cadre de la recherche de puiser dans ce savoir indigène, qui est enraciné culturellement et qui est diversifié, et nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres autour de ça... Je crois que la notion de compréhension de nous-mêmes comme chercheurs et nos communautés comme sites d'apprentissage, pour que nous comprenions fondamentalement que les gais et lesbiennes qui essaient d'accéder au monde et à la santé, que ce soit grâce à des pairs ou des systèmes ou n'importe quoi... c'est fondamentalement une réflexion d'apprentissage et un processus stratégique. Donc, si l'on commence à comprendre notre travail et la recherche que nous produisons comme une part d'un site d'apprentissage... une part d'un organisme vivant, je pense que nous pouvons aller plus loin.
... nous sommes tous ici pour faire des changements, et nous pouvons publier parmi les meilleurs travaux de recherche, mais nous devons nous assurer que des changements en résultent; en faisant participer la communauté et sans perdre de vue le « comment passer à l'action? ». Alors ce n'est pas seulement de la recherche, mais aussi de l'action... et que ce soit en éducation ou en développant la communauté ou n'importe quoi... de garder ça à l'esprit. (citation)
Les enjeux prioritaires pour la recherche
On a suggéré plusieurs zones de priorité pour la recherche future. C'est important de noter que les participants ne considèrent pas cette liste comme un « programme définitif de recherche ». Au lieu de cela, cette liste devrait provoquer d'autres discussions sur des thèmes, des zones de concentration et les lacunes actuelles en recherche. Aussi, plusieurs des suggestions de cette liste ne sont pas liées aux zones de recherche mais vise plutôt des zones par lesquelles la recherche peut être soutenue ou améliorée. Par exemple, les participants ont discuté du besoin d'amélioration des environnements afin d'encourager la recherche inter- provinciale et la collaboration interdisciplinaire, la diffusion et le marketing de la recherche, et de former les futurs praticiens en santé qui feront davantage reconnaître l'importance de la santé des GLBB en tant qu'enjeu de pratique et de recherche.
Des lacunes en recherche sur la santé des GLBB ont été cernées. Par exemple, les participants ont déclaré que, s'il existe de la documentation sur l'impact de l'homophobie et de l'hétérosexisme sur la santé, il y a beaucoup moins d'information disponible sur des critères de qualité de la pratique. Ilyaun besoin de cibler ce qui fonctionne et comment d'adapter/transformer la pratique. Une autre zone identifiée est centrée sur la recherche qui tient compte de l'expérience de professionnels quant à la « sortie ».
Les participants ont décrit diverses méthodologies qui pourraient faciliter un plus vaste éventail de discussions et d'implication communautaire à partir de la base, y compris la recherche-action et les modèles participatifs.
La liste suivante provient des participants, sans ordre de priorité :
Susciter l'appui à la recherche en santé des GLBB
- à cause de l'isolement, il faut des rencontres, un site Web, un centre de diffusion national;
- formation améliorée des professionnels, enseignants et étudiants;
- il faut que les écoles incluent les enjeux des GLBB dans le curriculum à tous les niveaux;
- étudier le climat de discussion des enjeux GLBB;
- recherche sur les relations sociales qui façonnent l'éducation;
- soutien financier des organismes;
- renforcement de l'infrastructure des organismes des GLBB (hausse et constance des subventions);
- le IRSC doit participer;
- collaboration accrue entre communautés et universités;
- publication;
- mise en réseau;
- multi-disciplinarité accrue;
- mentorat amélioré;
- développement de modules éducatifs;
- plus de partenariats entre professionnels et communautés;
- il faut créer un journal sur les enjeux de santé des GLBB ;
- rencontres internationales;
- cibler l'action;
- il faut avoir un coordinateur national;
- bottin national des professionnels;
- rencontres annuelles;
- ressources accrues;
- collaboration multi-centres;
- présentation de la recherche;
- il faut des données pour le développement des politiques;
- il faut une compréhension commune entre groupes d'intérêts;
- clarifier les rôles en développement de projets;
- influencer et éduquer les décideurs, subventionneurs, etc.;
- remettre en question le programme du gouvernement;
- affirmer l'importance des enjeux des GLBB;
- créer des documents de discussion.
Les oublis actuels en recherche
- cibler les villes, villages et communautés rurales moins peuplées;
- le vieillissement;
- l'expérience des professionnels;
- les pratiques exemplaires;
- l'engagement des jeunes;
- l'inclusion des facteurs ethno-culturels;
- un fonds de prévention/intervention;
- une approche en santé de la population;
- des méthodes pour promouvoir l'inclusion des anciens exclus, y compris l'usage d'autres façons de bâtir le savoir dans les communautés;
- passer du SIDA à la promotion de la santé.
Les citations suivantes identifient les zones discutées quant aux enjeux de recherche prioritaires :
L'une des choses qui je l'espère pourrait nous servir de fondation est d'obtenir des instituts de recherche en santé du Canada l'accueil d'un corps de chercheurs GLBB, et la mise en priorité fondamentale de l'orientation sexuelle pour la recherche en santé... peut-être que nous pourrions commencer aujourd'hui à organiser quelque chose qui pousserait le IRSC à enfin subventionner notre travail.
Je pense que nous devrions vraiment accroître notre rôle comme mentors, quelle que soit notre discipline, que l'on soit chercheur ou décideur, ou clinicien ou universitaire...Je trouve que mes collègues veulent se renseigner, mais ils veulent savoir à qui s'adresser. Et ce qui nous aiderait selon moi beaucoup serait de tenter d'établir, comme un centre de diffusion, un bottin national de gens comme nous et d'autres personnes qui effectuent le travail, qui seraient prêts à être mentors ou à faire une conférence si on le leur demande, ou ce genre de travail de promotion. Alors je pensais en quelque sorte à une façon de concrétiser ça, et, si nous développions un genre de forum pour ce bottin, d'avoir différentes catégories sous lesquelles s'engager... soit en donnant une conférence, soit en accueillant un appel téléphonique à propos d'une question particulière ou d'un enjeu... Alors, je pense que c'est quelque chose de faisable et qui pourrait vraiment aider à consolider nos efforts.
Une autre idée qui m'est venue serait... de valider et de reconnaître et de puiser dans les méthodologies de recherche participatives qui ont été développées par les centres de santé des femmes, en prévention du VIH et par le travail lié au VIH avec des communautés marginalisées au cours des 15-20 dernières années, et aussi par le travail en développement international. Puiser dans les méthodologies développées comme ça... parce que nous parlerons beaucoup des enjeux à considérer, mais peu des méthodologies... et donc étendre ces méthodologies et reconnaître ce qui a été fait avant par les gens qui travaillent au sein des communautés... souvent directement reliées à la santé des « queers », sans nécessairement en avoir le titre.
Je pense qu'il y a une grande différence entre changer de comportement et changer d'attitude, et que les politiques peuvent aussi délimiter les comportements, ce qui je crois mérite d'être exploré... parce que je ne pense pas que les institutions académiques aient vraiment considéré l'enjeu des comportements acceptables ou appropriés dans leurs politiques, et que nous devrions au moins être capables de documenter ça et de voir où les gens vont avec. Je pense que vous pouvez avoir un comportement correct sans avoir une bonne attitude ou une attitude correcte, mais que si vous vous comportez adéquatement à l'occasion, vous changez aussi d'attitude à la longue. J'aimerais voir une sorte de développement de modules éducatifs qui considèrent non tant l'enjeu du savoir que les enjeux des attitudes que nous voulons que les centres académiques considèrent. Et j'aimerais voir une extension des cours interdisciplinaires VIH/SIDA ou que d'autres cours soient financés ou développés ... lesquels impliqueraient le genre d'objectifs que Santé Canada avance dans sa Réforme des soins de santé de première ligne... l'activité interdisciplinaire ... que nous ayons une vraie interdisciplinarité. Je veux dire qu'ilyaun beau mélange autour de cette table, mais que si vous retourniez à l'école de travail social ou d'infirmerie ou à la faculté de médecine... combien de cours seraient interdisciplinaires ? Alors, j'aimerais voir des vrais modules bien financés qui aient une base interdisciplinaire, pour ce qui est du système d'éducation.
J'ai une autre mission, c'est d'essayer dans d'autres universités, essayer de développer un nouveau réseau, un réseau de recherche... ils sont capables et veulent travailler avec des organismes communautaires, mais n'ont pas l'idée de publier leurs travaux. Je pense qu'il y a une nouvelle façon, un nouveau paradigme à faire ensemble, et je crois que nous aurons une bonne année. Je crois que la tendance est favorable. Alors peut-être, je ne sais pas si à Québec ou à McGill ce serait possible, mais à l'UQAM je pense qu'ils sont plus ouverts à cette approche. Alors, je pense que les universitaires devraient travailler pour faire progresser ce genre de reconnaissance... alors la contrepartie de cela si vous travaillez dans la communauté, c'est que vous n'avez pas le temps de publier, et que vous ne comptez pas. Alors je pense que pour développer ce partenariat ... et c'est vraiment important les enjeux de santé des gais, je crois... nous devons soutenir la passation du savoir, mais pas nécessairement de façon scientifique. Mais vraiment, vous rendez-vous compte de tout ce que nous avons appris ce matin ? et nous n'en savons rien, parce que nous n'avons pas le temps de publier ! Alors, je pense que nous devons nous mettre au travail.
Je pense que nous devons être vraiment prudents pour que la recherche ne finisse pas par se faire seulement dans les communautés les plus peuplées, parce que je crois que la réalité de la vie dans les Prairies et les Maritimes est substantiellement différente de celle de Toronto, de Montréal, ou de Vancouver.
... l'une des choses auxquelles nous devons travailler, qui je pense doit être une priorité, est le lobbying et l'éducation des concepteurs de politiques et des décideurs, les gens qui contrôlent les cordons de la bourse. Je suis d'accord pour que l'on connaisse le programme du gouvernement, mais je crois qu'il faut changer ce programme. Je suis fatigué d'effectuer un travail que je dois faire passer par la porte d'en arrière, parce que vous ne pouvez pas bien travailler comme ça ! Vous avez toujours sur le dos des agents de projet, qui vous soutiennent bien, en effet, mais qui ont aussi des gens sur le dos et ça va jusqu'au ministre. Alors je pense que l'une de nos premières initiatives doit être le lobbying et l'éducation de ceux qui prennent les décisions et tiennent les cordons de la bourse dans ce pays, qu'il s'agit d'un enjeu d'une importance significative et qu'il faut s'en occuper maintenant.
Prochaines étapes et recommandations
Les participants ont trouvé que cette rencontre était en quelque sorte un succès sur plusieurs plans. D'abord et avant tout, les participants ont déclaré que cette occasion de rencontrer d'autres chercheurs, praticiens et militants de tout le pays travaillant en recherche sur la santé des GLBB a facilité la constitution de nouveaux réseaux et d'une nouvelle collaboration et réduit l'isolement. Pour plusieurs personnes, c'était une première occasion de partager en collaboration avec des pairs oeuvrant dans des domaines interdisciplinaires et cela a renforcé, pour les participants, la nécessité de créer plus d'occasions de la sorte afin d'avoir une rétroaction et d'explorer des idées communes/divergentes.
Plusieurs participants ont commenté le fait que c'était la première fois qu'ils et elles participaient à une rencontre nationale sur la santé des GLBB organisée dans une autre perspective que celle du VIH. Cela a créé plus de place pour la considération des enjeux de santé des lesbiennes et a permis une discussion plus vaste des enjeux de santé pour les hommes gais.
Les participants ont aussi exprimé leur satisfaction d'avoir pu échangé des idées entre chercheurs anglophones et francophones. On a reconnu qu'il fallait travailler davantage à l'inclusion des gens de couleur et bispirituels à la discussion afin d'être plus équitable et d'assurer l'inclusion de divers enjeux en santé des GLBB dans la formulation des priorités de recherche.
Nous espérons que ce document pourra servir à réunir de l'information d'autant de sources que possible, y compris de chercheurs universitaires et de militants communautaires afin d'assurer des priorités reflétant les questions des régions, du genre, de l'ethnicité, de la race, des handicaps, de l'âge et d'autres enjeux liés à la diversité au sein des communautés de GLBB.
À cette fin, les participants ont résolu de distribuer une première version du rapport aussi largement que possible. Les participants se sont engagés à soutenir ces efforts soit en envoyant les adresses de courriel de collègues qui devraient en recevoir un exemplaire pour le commenter, soit en acheminant le document directement. Tous seront encouragés à donner une rétroaction sur le contenu. Nous espérons aussi diffuser ce rapport sur le site Web du Projet Interaction de l'École de travail social de McGill pour favoriser la collaboration et la révision.
Les participants ont établi que ce document de travail devrait être utilisé pour commencer à influencer le programme de politiques publiques de recherche en santé afin qu'il reflète davantage les préoccupations et enjeux qu'affrontent les GLBB et leurs communautés. Par exemple, il peut servir à réclamer le développement d'un journal canadien sur la santé des GLBB et à affirmer la nécessité de la part des instituts de recherche en santé du Canada de considérer l'orientation sexuelle parmi leurs mandats et leurs priorités pour le financement de la recherche. Bill Ryan et Shari Brotman, en tant qu'organisateurs de la rencontre, ont reçu le mandat de promouvoir l'intérêt envers ces enjeux en se basant sur les échanges de cette rencontre d'un jour et de continuer de discuter du processus et des résultats éventuels avec Santé Canada.
Les participants ont suggéré de continuer le dialogue et le processus de mise en réseau parmi les chercheurs en santé des GLBB, ainsi que parmi les praticiens et militants, par le développement d'une agence ou d'un groupe de travail national qui pourrait planifier des rencontres nationales et régionales sur la recherche en santé des GLBB. Cela maintiendrait l'élan donné par cette journée. À cette fin, les enjeux suivants ont été énoncés :
- trouver un nom pour ce groupe de travail;
- créer un énoncé de mission;
- clarifier ses objectifs;
- entreprendre le développement stratégique au plan national.
Des discussions continueront à se faire entre participants, organisateurs et Santé Canada afin d'identifier des façons de favoriser le développement d'un tel groupe de travail national dédié à la recherche en santé des GLBB.
En conclusion, nous souhaitons remercier celles et ceux qui ont contribué aux discussions de cette rencontre nationale et accueillir les gens qui se joignent à nous dans la révision de ce document. Nous espérons que vous le lirez attentivement et y ajouterez vos perspectives en nous fournissant de la rétroaction quant au processus, au contexte de soutien et aux zones prioritaires pour la recherche.
Pour nous rejoindre :
Si vous voulez être inscrit sur une liste pour plus ample communication/diffusion de l'information, veuillez nous envoyer un courriel ou une lettre avec vos nom, adresse, numéro de téléphone, adresse de courriel, affiliation et zones de recherche/pratique/militantisme sur la santé et les soins de santé des gais, lesbiennes, bisexuels et bispirituels.
Veuillez envoyer vos commentaires/suggestions/ information à :
Bill Ryan et Shari Brotman Initiative de recherche en santé des gais, lesbiennes, bisexuels et bispirituels
a/s École de travail social de McGill
3506, rue University, Salle 300
Montréal (Québec)
Canada H3A 2A7
shari.brotman@mcgill.ca
Annexe I : Les participants
Ce qui suit est une liste des affiliations et zones d'intérêt des participants qui ont assisté à la journée de rencontre de Montréal.
Barry Adams :
Département de sociologie et d'anthropologie, Université de Windsor. Barry est membre du Groupe national de référence en santé des hommes gais. Il donne un cours en études gaies et lesbiennes à l'Université de Windsor, et a beaucoup travaillé sur la question des mouvements des gais et lesbiennes dans le monde, et ainsi que sur le VIH et le SIDA, enjeux tous deux liés au vécu avec le VIH et à la prévention.
Jane Allen :
Coalition SIDA de la Nouvelle-Écosse. La Coalition SIDA a une longue expérience en recherche à base communautaire et est actuellement en processus d'établissement d'un programme de recherche sur la santé des hommes gais à Halifax.
Brent Bauer :
Candidat au doctorat, Département de science politique, Université de Montréal. Brent est membre du conseil de direction de Égale, et responsable du Comité de recherche. Égale s'intéresse de plus en plus à un engagement envers les enjeux en santé et en éducation et a été partenaire de l'étude Access to Care menée par Bill Ryan et Shari Brotman.
Ian Bowmer :
Faculté de médecine, Université Memorial. Ian se préoccupe surtout des maladies infectieuses et a passé beaucoup de temps, dans sa pratique principale, avec des personnes porteuses du VIH. Il est aussi l'actuel doyen de l'Université, et s'intéresse aux approches d'enseignement interdisciplinaire et à l'introduction au curriculum d'aspects de la santé qui sont normalement exclus. Il participe à plusieurs programmes, en termes d'approches thérapeutiques et de soins autonomes, programmes soutenus par Santé Canada.
Shari Brotman :
École de travail social, Université McGill. Shari est professeure adjointe à l'École. Elle effectue surtout de la recherche sur l'accès aux soins de santé et les communautés marginalisées, incluant les communautés de GLBB et les minorités « ethno-raciales ». Elle s'intéresse aussi au vieillissement des gais et lesbiennes, à la fois quant aux aînés et à leurs fournisseurs de soins. Elle a fait de la recherche sur la formation de l'identité parmi les lesbiennes identifiées ethniquement et s'intéresse donc aux aspects de répression de l'identité et d'oppression multiple.
Tony Caines :
Santé publique de Toronto. Tony est membre du Groupe de référence national pour la revitalisation de la santé des hommes gais qui considère la prévention du VIH dans le contexte plus vaste de la santé des gais. À la Santé publique de Toronto, il s'intéresse actuellement à la réorganisation et à la restructuration de leur position en prévention du VIH. De plus, il s'occupe de l'inclusion des gens de couleur dans les entreprises de recherche.
Michael Chervin :
Coordinateur, Diplômé de 2e cycle en développement économique communautaire, Université Concordia. Michael préside le Projet Interaction, une initiative gaie/lesbienne/bisexuelle/bispirituelle de l'École de travail social de McGill et a été actif auprès des communautés ethno-culturelles dans le cadre du projet Séro-Zéro, qui est un organisme de prévention du VIH pour les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes et des hommes gais.
Bill Coleman :
Psychologue, Contrôle MTS/SIDA, Société du Centre de contrôle des maladies en C.-B. Bill travaille à la clinique depuis approximativement 10 ans. Il a participé à la AIDS Impact Conference il y a deux ans à Ottawa et fait partie d'un groupe de recherche à base communautaire à Vancouver.
Michel Dorais :
École de service social, Université Laval. Michel est professeur à l'École de service social de l'Université Laval. Il travaille surtout en études des genres et en études queer et a aussi travaillé 10 ans avec Bill Ryan dans l'équipe d'adaptation des services sociaux pour clients homosexuels et bisexuels.
John Fisher :
Directeur, Égale. Égale est un groupe national au service des lesbiennes, des gais, bisexuels et transgenderistes de tout le pays. Les enjeux qui touchent les membres d'Égale vont de la violence et du suicide à l'accès général à la santé, au mieux-être, au VIH, etc... et ce groupe s'intéresse beaucoup au soutien du développement de la recherche pour aider à répondre aux besoins de leurs membres.
Gens Hellquist :
Directeur exécutif, Services de santé des gais et lesbiennes, Saskatoon. Gens siège au Groupe de référence national, comité qui est en train de préparer un rapport pour Santé Canada sur les stratégies de prévention du VIH dans le contexte plus vaste des enjeux de santé de la communauté des hommes gais. Services de santé des gais et lesbiennes de Saskatoon accueillent une conférence nationale sur la santé des gais et lesbiennes à Saskatoon pendant le week-end de la Fête du Travail 2001. Les intérêts de Gens sont la livraison des services et les enjeux de recherche touchant ces prestations. Il s'intéresse aussi aux enjeux d'identité.
Karine Igartua :
Département de psychiatrie, Université McGill, Karine est co-directrice médicale de M.U.S.I.C. (McGill University Sexual Identity Centre), la seule clinique psychiatrique canadienne vouée à la promotion de la santé mentale des patients gais, lesbiennes et bisexuel(le)s. Le centre se consacre aux soins cliniques, à la recherche et à la formation de professionnels de la santé. L'intérêt de recherche principal de Karine est l'impact de l'homophobie intériorisée sur la santé.
Danielle Julien :
Département de psychologie, Université du Québec à Montréal. Le champ de Danielle est la psychologie de la famille. Elle a étudié les relations de couple pendant les 10 dernières années, particulièrement les couples gais et lesbiens. Elle s'intéresse maintenant aux enjeux de famille; les relations de ces couples avec leurs propres familles d'origine, et leurs propres enfants. Elle est particulièrement intéressée par les nouvelles générations du « Gaibé Boom »; quels sont les liens, surtout le contexte de développement de ces enfants, et les questions de genre qui y sont rattachées, et aussi l'impact des enfants pour les gais et lesbiennes dans leurs relations avec leurs propres familles.
Fiona Meyer :
Travailleuse sociale, chercheure, éducatrice en diversité. Native Women's Shelter, Tracom Crisis Centre, Québec. Fiona a fait des recherches sur les besoins en santé et en services sociaux des personnes bispirituel(le)s. Elle se sert de la vidéo, du conte, du masque, du théâtre et des arts pour le bien-être communautaire. Récemment, elle animait un atelier pour le Urban Aboriginal AIDS Awareness Program qui utilisait les arts pour explorer le thème de « prendre soin de nous-mêmes/ prendre soin du monde ». Elle siège au comité directeur du Projet Interaction, initiative gaie/lesbienne/bisexuelle/bispirituelle de l'École de travail social de McGill.
Brian O'Neill :
École de travail social et d'études de la famille, Université de Colombie-Britannique. La recherche de Brian a surtout porté sur les enjeux gais de l'éducation au travail social. Il s'intéresse aussi à l'accès des hommes gais aux services sociaux et de santé et a commencé à y travailler.
Joanne Otis :
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal. Joanne a travaillé auprès de la communauté gaie depuis 1995. Elle oeuvre surtout au Projet Oméga et travaille avec Bill Ryan à l'évaluation du projet Safe Spaces.
Allan Peterkin :
Psychiatrie et médecine communautaire/ familiale, Université de Toronto. Allan est basé au Mt Sinai Hospital, à la clinique des HIV-Related Concerns. Il s'agit de la plus ancienne clinique psychothérapie du pays pour les gens qui vivent avec le VIH et leurs familles. Il pratique aussi la psychiatrie générale et il a donc une pratique privée avec beaucoup de clients gais et lesbiennes.
Brenda Richard :
École de travail social, Université Dalhousie. Brenda intervient surtout dans le domaine de la violence et des crimes commis à l'encontre des gais et lesbiennes, et aussi dans le domaine de la violence au sein des relations. Elle s'intéresse beaucoup dans les époques historiques; les années 20, 30 et 40 et l'ère McCarthy, en termes d'impact de ces époques sur la promotion d'images particulières de la personne, et sur les conséquences de ces images, non seulement pour les gens à qui on les imposait, mais aussi pour ceux qui étaient responsables de leur promotion.
Pierre Tremblay :
Chercheur indépendant associé avec Richard Ramsey (Université de Calgary). Pierre est spécialisé dans la question des problèmes du suicide des jeunes hommes gais et bisexuels. Il prépare actuellement trois rapports, deux sur les effets du harcèlement par rapport au suicide, et un sur le parallèle entre l'homosexualité et l'abus sexuel au cours de l'enfance.
Susan Hicks et Xania Gordon :
Division des stratégies en matière de ressources humaines en santé, Directiongénérale de la politique de la santé et des communications, Santé Canada. Observatrices.
Bill Ryan :
École de travail social, Université McGill. Les intérêts de Bill se situent surtout dans le domaine de la sexualité, de l'orientation sexuelle, des soins de santé, de la prévention du VIH, du développement des politiques et des soins, et du travail social international. Il fait de la formation et de la recherche quant aux enjeux de l'orientation sexuelle depuis 15 ans.
Helen Slade :
Coordinatrice en santé de la communauté, Services de santé, Université de Toronto. Helen travaille avec des étudiants en Services de santé. Cette faculté de l'Université de Toronto tente de faire avancer et d'améliorer les services aux étudiants GLBB et à la grande communauté « questionnante » de l'université.
Annexe II: Résumé des présentations
La matinée de la rencontre était réservée aux présentations de recherche. Plusieurs des chercheurs invités ont présenté projets actuels ou récents et leurs résultats, concernant divers aspects des enjeux de santé des gais, lesbiennes, bisexuels, et bispirituels (GLBB) au Canada. Les conférenciers comprenaient :
Barry Adams , qui a discuté des résultats de sa recherche sur les hommes gais qui ont des relations sexuelles non protégées, sur les raisons de ce comportement, et les conséquences possibles;
Shari Brotman , qui a brièvement décrit quatre initiatives éducatives et de recherche qu'elle et Bill Ryan ont entreprises sur l'accès aux soins de santé des gais, lesbiennes, bisexuels et bispirituels et de leurs communautés, y compris un projet visant spécifiquement le vieillissement des gais et lesbiennes;
Michael Chervin , qui a présenté les activités du programme du Projet Interaction, une initiative pour gais, lesbiennes, bisexuels et bispirituels de l'École de travail Social de McGill;
Michel Dorais , qui a parlé de son nouveau livre, « Mort ou Fif », qui est le résultat de sa recherche sur le problème des tentatives de suicide relié aux adolescents gais au Québec;
Karine Igartua , qui a présenté les données de sa recherche reliant l'homophobie intériorisée à la dépression et à l'anxiété dans des échantillons cliniques et communautaires;
Danielle Julien , qui a discuté, dans le cadre du counseling familial, des enjeux propres aux hommes gais et aux lesbiennes;
Fiona Meyer , qui a parlé de l'histoire unique et des besoins actuels des individus bispirituels ainsi que de l'impact de l'homophobie et de l'hétérosexisme sur ces individus;
Joanne Otis , qui a discuté des résultats de la cohorte OMÉGA (sur les relations sexuelles entre hommes à Montréal);
Allan Peterkin , qui a décrit son travail en thérapie narrative auprès de groupes et d'individus porteurs du VIH;
Bill Ryan , qui a passé en revue le programme de formation du Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec en vue d'adapter la pratique aux besoins des clients gais, lesbiennes et bisexuels;
Pierre Tremblay , qui a présenté des données liant le harcèlement (visant la race, le genre et l'orientation sexuelle) et l'orientation sexuelle aux tentatives de suicide chez les jeunes gais et lesbiennes.
a De nombreux vestiges indiquent que les peuples autochtones, avant la colonisation et le contact avec les cultures européennes, croyaient en l'existence de trois genres: mâle, femelle et mâle-femelle, ou ce que l'on nomme maintenant le genre " bispirituel ". Le concept du genre " bispirituel " est lié à la reconnaissance actuelle des gais, lesbiennes, bisexuels et transgenristes d'origine autochtone. Les personnes bispirituelles, traditionellement, étaient très estimées dans leurs communautés. L'arrivée des Européens a imposé des valeurs et des points de vue étrangers à la spiritualité, à la vie de famille et aux traditions autochtones. L'opinion des églises missionnaires quant à la sexualité, par exemple, a créé de nombreux nouveaux tabous. Pour plusieurs tribus nord-américaines (mais pas toutes), de nombreuses traditions, y compris celle de la bispiritualité, ont été éliminées, ou du moins contraintes à la clandestinité. Le terme " bispirituel ", d'usage ancien, est maintenant revendiqué par de nombreux gais, lesbiennes, bisexuels et transgenristes autochtones pour rappeler l'époque pré-européenne où les personnes bispirituelles étaient honorées. (Meyer, Goodleaf and Labelle, 2000).
b Selon l'Organisation mondiale de la santé, " la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et pas seulement l'absence de maladie ou d'infirmité. Il s'agit de la capacité d'un individu ou d'un groupe, d'une part, de réaliser ses aspirations et de satisfaire ses besoins et, d'autre part, de changer ou de s'adapter à son environnement".
Sommaire
Introduction
Le Canadian Centre on Minority Affairs Inc (CCMA), lié par contrat à Santé Canada, a mené à bien la présente étude portant sur la promotion de la santé et la diffusion d'information au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes. Le CCMA est un organisme non gouvernemental qui s'emploie à promouvoir le développement social et à mettre sur pied des initiatives de responsabilisation pour les secteurs intéressés de la communauté canadienne noire et des Caraïbes. On estime à 504 290 la population noire du Canada. Cette communauté est désavantagée au plan économique et mal desservie en matière de soins de santé.
L'étude avait pour objet de livrer un aperçu préliminaire des enjeux et des besoins de la communauté noire et des Caraïbes en matière de soins de santé. Ses objectifs précis étaient les suivants :
- Retracer et analyser à fond les documents publiés et inédits sur les besoins en matière de santé de la communauté noire et des Caraïbes, particulièrement sur l'accès à la santé;
- Recueillir des données et de l'information, par le biais de consultations, sur les questions entourant l'accès aux soins de santé et leur prestation à la communauté canadienne noire et des Caraïbes;
- Produire un rapport final renfermant des recommandations appropriées à l'intention de Santé Canada.
Méthodologie
Compte tenu de la nature préliminaire de l'étude, nous avons opté pour des méthodologies qualitatives. Nous avons procédé à une analyse bibliographique des ouvrages portant sur les besoins de la communauté noire et des Caraïbes et consulté 32 personnes et organismes clés (voir l'annexe A). En raison de restrictions budgétaires, nous avons limité l'analyse et les consultations aux communautés de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse, c'est-à-dire que nous n'avons pas étudié l'ensemble de la population canadienne noire et des Caraïbes.
Les 32 informateurs clés ont été choisis pour leur connaissance et leur compréhension des questions de santé touchant la communauté noire et des Caraïbes. Pour les entrevues, nous avons utilisé un questionnaire normalisé et nous avons ensuite, à des fins d'analyse, réparti les données recueillies dans des catégories normalisées. Deux chercheurs étaient responsables des travaux. Nous avons en outre communiqué avec des conseils régionaux de santé de l'Ontario et des organismes de la communauté noire de Halifax afin de créer des liens et d'obtenir de l'information sur leurs activités.
Conclusions de l'étude
L'étude a révélé que certains facteurs de risque sociaux comme le racisme, l'adaptation à une nouvelle société et les attentes non comblées constituent les principales sources de stress au sein de la Communauté.
On reconnaît la grande influence du stress sur la santé mentale et sur d'autres maladies. La discrimination systémique au sein des établissements de soins de santé et le manque de services adaptés à la culture entravent l'accès aux soins de santé des membres de la Communauté. En outre, les ressources des grands organismes bénévoles n'ont pas été mises à leur disposition.
Selon les plus récentes données de recensement, la communauté noire et des Caraïbes est désavantagée au plan économique. Les effets sur la santé de cette position désavantageuse sont aggravés par la discrimination systémique exercée dans les établissements de soins de santé et par le fait que les services de santé ne tiennent pas compte des caractéristiques physiques et culturelles uniques de la Communauté. En outre, en mettant l'accent sur l'aspect linguistique des soins de santé offerts aux communautés multi- culturelles, on a tendance à ne pas tenir compte des besoins de la population noire et des Caraïbes.
Les informateurs de la Communauté ont insisté sur le fait que leurs membres, parce qu'ils ne sont pas familiarisés avec le système de santé du Canada, ne l'utilisent pas de la façon la plus efficace possible. Ils croient également que la tendance à se fier aux remèdes maison et à ne solliciter des soins médicaux qu'en cas de maladie grave expliquent en partie la sous-utilisation du système de santé par les membres de la Communauté. L'influence des croyances spirituelles sur les approches vis-à-vis de la prévention et du traitement qui ressort de l'analyse documentaire et des consultations indique la nécessité de tenir compte de ce facteur dans l'élaboration de projets de soins de santé. L'analyse documentaire indique que trop peu d'études quantitatives et qualitatives ont porté sur la santé de la communauté canadienne noire et des Caraïbes. Les résultats mettent aussi en lumière les besoins spéciaux des différents segments de la Communauté, comme les adolescents, les jeunes, les adultes et les aînés, en matière d'information et de services de soutien pour un meilleur mode de vie, de santé mentale, d'examens médicaux, de soins prolongés, etc.
Des organismes ont été créés dans le but de répondre aux besoins de la communauté noire et des Caraïbes en matière d'information et de services de santé. La plupart manquent cependant de ressources et ont donc de la difficulté à assurer des services efficaces et bien coordonnés. Certains informateurs ont établi un parallèle entre cette situation et celle de la communauté autochtone, qui a reçu des fonds pour répondre à ses besoins.
Il ressort des consultations auprès des informateurs qu'un grand nombre de questions et problèmes de santé se répercutent grandement sur la Communauté.
Selon les informateurs, il faudrait prendre les mesures suivantes pour régler les problèmes de santé au sein de la communauté noire et des Caraïbes :
- Effectuer des recherches qualitatives et quantitatives sur les caractéristiques démographiques de la population ainsi que sur les prérequis socio-environnementaux, l'état de santé au sein de la Communauté et les besoins en matière de programmes et de services;
- Mettre sur pied des réseaux de collaboration et établir un inventaire des compétences ainsi qu'une base de données de recherche propres à la Communauté;
- Fournir de l'information aux professionnels de la santé sur la culture, les croyances et les valeurs de la population noire et des Caraïbes qu'ils servent;
- Accroître la représentation des Noirs dans le secteur de la santé;
- Effectuer des démarches adaptées à la culture afin de sensibiliser et d'informer davantage les gens sur la prévention et le traitement des problèmes de santé;
- Inclure des membres de la Communauté dans le processus de décision stratégique;
- Renforcer les capacités de la Communauté grâce à la responsabilisation et aux soutiens institutionnels.
Recommandations
Les recommandations qui suivent reposent sur les conclusions de l'analyse documentaire effectuée et des consultations tenues auprès d'informateurs clés de la communauté noire et des Caraïbes.
- Assurer la participation de la communauté noire et des Caraïbes au processus d'élaboration des politiques en matière de soins de santé.
- Renforcer la capacité des organismes de la communauté noire et des Caraïbes, afin de les rendre plus aptes à répondre de façon efficace et coordonnée aux besoins de la Communauté. Les organismes ainsi renforcés seraient mieux en mesure de collaborer aux initiatives visant à améliorer la santé des membres de la Communauté. Cela accroîtrait la viabilité des initiatives.
- Fournir du soutien et des ressources aux organismes afin de les aider à mettre en branle des projets locaux qui soient conformes aux priorités en matière de santé de la communauté noire et des Caraïbes.
- Accorder à un organisme le financement nécessaire pour accroître sa capacité organisationnelle à intervenir au nom de la Communauté :
- en défendant ses intérêts et ses opinions;
- en lui fournissant une tribune nationale;
- en se mettant en rapport avec les autres parties intéressées et ommunautés du Canada;
- en mobilisant la participation et l'intervention au chapitre de la santé au sein de la communauté noire et des Caraïbes.
Introduction
Antécédents
Le Canadian Centre on Minority Affairs Inc (CCMA), lié par contrat à Santé Canada, a mené à bien la présente étude portant sur la promotion de la santé et la diffusion d'information au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes. Le CCMA est un organisme non gouvernemental qui s'emploie à promouvoir le développement social et à mettre sur pied des initiatives de responsabilisation pour les secteurs intéressés de la communauté canadienne noire et des Caraïbes.
Aux fins de la présente étude, la communauté canadienne noire et des Caraïbes est constituée des personnes d'ascendance noire établies au Canada depuis plusieurs générations, des immigrants des Caraïbes et leurs enfants, des immigrants africains et leurs enfants et des personnes de descendance africaine venues s'établir au Canada à partir d'autres pays. D'après les données du Recensement de 1991, la population noire du Canada se chiffre à 504 290. À cause notamment de questions de définition, on estime toutefois que les effectifs recensés en Ontario et au Québec sont inférieurs de 40 % à la réalité (McGill Consortium for Ethnicity and Strategic Social Planning, 1998). En raison du nombre d'immigrants venus principalement des Caraïbes, la population de la Communauté a doublé au cours des 20 dernières années. La Communauté noire et des Caraïbes est plus jeune que l'ensemble de la population canadienne. C'est à Halifax que l'on retrouve le plus fort pourcentage de personnes âgées de race noire.
La population d'immigrants noirs est concentrée à Toronto et à Montréal. Halifax compte le pourcentage le plus élevé de Noirs nés au Canada. À Toronto, les personnes qui se sont jointes à la Communauté ont surtout immigré des Caraïbes jusqu'à la période de 1988 à 1991, au cours de laquelle un grand nombre d'Africains se sont établis à Toronto (Canadian Centre on Minority Affairs, 1999). La population noire et des Caraïbes de Toronto est estimée à 172 000 d'après les données de Statistique Canada, mais elle pourrait être en réalité de 247 000 compte tenu de la sous-déclaration (Canadian Centre on Minority Affairs, 1999).
La population noire du Canada se chiffre à 504 290. À cause notamment de questions de définition, on estime toutefois que les effectifs recensés en Ontario et au Québec sont inférieurs de 40 % à la réalité.
Selon Statistique Canada, la communauté noire et des Caraïbes constitue 25 % de la population de minorité raciale de Toronto et la deuxième communauté de minorité raciale de la ville.
Le pourcentage de familles monoparentales est plus élevé au sein de la population noire que dans l'ensemble de la population canadienne. Mais en dépit d'une pauvreté plus marquée occasionnée par leur situation monoparentale, ces familles comptent sur l'aide sociale dans une plus faible mesure que les autres se trouvant dans une situation similaire. Au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes, en raison des tendances migratoires, la proportion de femmes est beaucoup plus élevée qu'au sein de l'ensemble de la population canadienne. Un plus fort pourcentage de la population de la Communauté est constitué de jeunes de moins de 15 ans, tandis que la proportion de gens de 65 ans et plus est inférieure à la norme canadienne.
Ils sont en outre plus touchés par le chômage et un plus fort pourcentage vit sous le seuil de la pauvreté. Dans l'ensemble, les Noirs ont tendance à être plus désavantagés que les autres minorités raciales et à se trouver dans une situation économique bien moins reluisante que celle de l'ensemble de la population (McGill Consortium for Ethnicity and Strategic Social Planning, 1998).
Malgré des niveaux de scolarité en général similaires à ceux de la population canadienne et plus élevés dans le cas des immigrants, les Noirs sont sous-représentés dans les emplois les plus lucratifs.
Afin d'aider à mieux comprendre les répercussions d'un système de santé intégré, plus précisément sur la communauté noire et des Caraïbes, le CCMA a mené à bien une étude et une analyse préliminaires de la question. Le mandat de cette étude était axé sur la recherche effectuée en Ontario et en Nouvelle-Écosse. Elle s'est déroulée de février à mai 2000.
Malgré des niveaux de scolarité en général similaires à ceux de la population canadienne et plus élevés dans le cas des immigrants, les Noirs sont sous-représentés dans les emplois les plus touchés par le chômage et un plus fort pourcentage vit sous le seuil de pauvreté.
Méthodologie
L'étude a fait appel à une analyse bibliographique des ouvrages portant sur les besoins en matière de santé de la Communauté ainsi qu'à des consultations avec des personnes et organismes clés au fait des questions relatives à la santé et des enjeux connexes (voir l'annexe A). Nous avons également approché des conseils régionaux de santé de l'Ontario et des organismes de la communauté noire de Halifax afin de créer des liens et d'obtenir de l'information sur leurs activités.
Analyse documentaire
Nous avons procédé à un examen poussé des documents publiés et inédits portant sur les besoins en matière de santé de la communauté noire et des Caraïbes. Cette analyse documentaire a mis l'accent sur les sources canadiennes d'information de la fin des années 1980 à nos jours. Nous avons effectué des recherches manuelles aussi bien qu'électroniques en ayant recours aux techniques de branchement.
La bibliographie se trouvant à la fin du rapport renferme une liste des sources d'information consultées.
Analyse documentaire
L'analyse documentaire effectuée dans le cadre de la présente étude a consisté en une recherche poussée de sources publiées et inédites d'information sur la santé et les questions connexes touchant la communauté canadienne noire et des Caraïbes (voir l'annexe A). L'analyse documentaire a révélé un manque de données quantitatives et l'existence d'une quantité restreinte d'information qualitative sur les questions de santé qui touchent la communauté canadienne noire et des Caraïbes, contrairement à ce qui est le cas pour la communauté noire des États-Unis, sur laquelle on retrouve une foule de renseignements. Au Canada, on met l'accent sur la santé multiculturelle et on a tendance à ne pas beaucoup s'attarder aux questions qui touchent la communauté noire et des Caraïbes.
L'analyse inclut des travaux de recherche descriptive et évaluative fournissant de l'information sur les questions suivantes :
- les barrières culturelles à l'accès au système de santé par la communauté noire et des Caraïbes;
- les facteurs de risque socio-environnementaux présents au sein de la société et des établissements de soins de santé;
- la santé de la communauté noire et des Caraïbes.
Les documents sur la santé multiculturelle indiquent que des obstacles à l'accès peuvent provenir des différences entre les normes et valeurs culturelles d'une communauté et celles du système de santé qui est offert à ses membres. Ces documents mettent en lumière les différences linguistiques ainsi que celles observées entre les cultures orientale et occidentale.
Ceci tend à exclure les problèmes reliés à la discrimination raciale, linguistique et culturelle parmi les populations francophones et anglophones, les cultures africaines se rapportant aux immigrants originaires des Caraïbes, d'Afrique et des afro-Canadiens (Masi, Mensah et McLoed, 1993). La litérature concernant la santé des différentes ethnies fait référence aux différentes questions relatives à la communication du système de santé canadien n'étant pas reliées aux divergeance linguistiques (Bhimari et Acorn, 1998). L'emphase mise sur les modes de communication directs et indirects, considérée comme de l'information confidentielle, ainsi que le langage non-verbal, influence ces échanges inter-culturels et furent indentifiés comme obstacles à l'accessibilité aux soins de santé par les minorités.
La discrimination systémique se reflète dans la composition des effectifs et le choix des décideurs, de même que dans l'adoption d'approches et de pratiques conçues pour servir une population homogène. En outre, les attitudes et le manque de compétences interculturelles des personnes qui offrent des soins à l'intérieur du système ont une incidence négative sur la qualité des soins assurés aux clients de groupes minoritaires. (Bhimari et Acorn, 1998).
Les documents sur la santé multiculturelle mettent en lumière les différences linguistiques ainsi que celles observées entre les cultures orientale et occidentale. Cet éclairage a tendance à exclure les diverses questions liées à la discrimination raciale, aux différences linguistiques et culturelles entre anglophones et francophones et à la culture africaine qui touchent de près les personnes immigrées des Caraïbes et de l'Afrique ainsi que les Noirs nés au Canada.
Communauté noire et des Caraïbes
Il ressort des ouvrages multiculturels que les croyances influent aussi bien sur la décision de demander de l'aide (à quel moment, pour quel motif, à quel endroit) que sur celle de suivre ou non les conseils reçus (Bhayana, 1994). Les documents portant précisément sur les valeurs et les normes de comportement des personnes originaires des Caraïbes (Glasgow et Adaskin, 1990; Kendall, 1989) indiquent que les membres de la communauté noire et des Caraïbes attribuent à la maladie des causes à la fois spirituelles et physiques. Par conséquent, beaucoup de ces personnes ne vont pas chez le médecin en cas de maladie bénigne ou pour des examens périodiques. À leurs yeux, les hôpitaux sont des endroits où l'on meurt et ils les évitent à moins d'une urgence.
Les cliniques et les centres de santé sont mieux perçus. Les normes culturelles entourant la vie privée entrent également en jeu lorsqu'il s'agit de divulguer de l'information aux professionnels de la santé, de discuter de questions intimes ou de dévoiler certaines parties du corps pour un examen.
Il semble que beaucoup d'immigrants des Caraïbes et de l'Afrique ne soient pas familiarisés avec les rôles et fonctions des intervenants du système de santé du Canada. Il leur est en outre difficile de communiquer avec le personnel en raison des différences au niveau de la langue, de l'accent, de la façon de désigner les parties du corps et les maladies et des moyens de communication. Les médecins et autres intervenants semblent incapables de tirer de l'information de clients des Caraïbes et de l'Afrique, qui ont tendance à employer un style de communication indirect qui ne leur est pas familier. Les auteurs des études recommandent le recours à des pictogrammes à des fins de communication (York Community Services, 1999; Centre for Addiction and Mental Health Research, 1999 et 2000; Murty, 1998).
Le régime alimentaire est considéré comme un élément central de la santé des membres de la communauté noire et des Caraïbes. Le régime traditionnel des gens des Caraïbes est fait d'aliments riches en amidons, en gras, en sucre et en sel, souvent frits. Ils croient toutefois aux bienfaits d'une alimentation équilibrée à base de viande, d'hydrates de carbone, de fruits et de légumes. Les études indiquent cependant que les immigrants sont habituellement en bonne santé au moment de leur arrivée au Canada, mais que leur état se détériore à la longue. On attribue cela principalement au fait qu'ils remplacent leur régime traditionnel par des aliments cuisinés à forte teneur en gras (Vissandjee et al, 1999; Bhayana, 1994).
La structure familiale est un autre aspect de la culture qui semble avoir un impact sur l'accès de la Communauté aux soins de santé. Dans le cas des immigrants originaires des Caraïbes et de l'Afrique, l'absence du soutien assuré par la famille élargie à une cellule familiale (monoparentale ou biparentale) la rend vulnérable aux tensions et aux pressions socio-environmentales.
À leurs yeux, les hôpitaux sont des endroits où l'on meurt et ils les évitent à moins d'une urgence. Les cliniques et les centres de santé sont mieux perçus.
Facteurs de risque socio-environnementaux
Il ressort des ouvrages consultés que la communauté noire et des Caraïbes est soumise à un niveau élevé de stress. Les principales sources de ce stress sont le racisme, l'adaptation à une nouvelle société et les attentes non comblées. On reconnaît l'importance du facteur stress en santé mentale et son influence sur d'autres maladies (Perrin, 1998). La Communauté semble également exposée à divers facteurs institutionnels liés au manque de représentation au sein des organismes, aux lacunes des professionnels de la santé sur le plan de la connaissance de la culture et à d'autres barrières systémiques.
Facteurs de risque sociaux
La discrimination flagrante, déguisée et systémique à l'endroit des Noirs a été bien documentée (Isaac, Barbara, 1991). Au sein de la communauté noire et des Caraïbes, le fait d'avoir à faire face à des préjugés raciaux et à de la discrimination constitue une importante source de stress (Isaac, 1991; Kendall, 1989; Groupe canadien chargé d'étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés, 1988). Le racisme affecte également la qualité et la nature des soins de santé offerts à une communauté (Bhimani et Acorn, 1998).
Les principales sources de stress sont le racisme, l'adaptation à une nouvelle société et les attentes non comblées. On reconnaît l'importance du facteur stress en santé mental et son influence sur d'autres maladies.
Parmi les autres sources de stress au sein de la communauté noire et des Caraïbes, mentionnons les conséquences de l'immigration, comme le fait pour une famille monoparentale de se débrouiller sans le soutien de la famille élargie ou encore les difficultés dans la relation parent-enfant. Il n'est pas non plus facile pour les parents de s'adapter à la façon canadienne d'éduquer les enfants et les enfants ont des problèmes à l'école (Dapaah-Opoku, 1995; Isaac, 1991). Quant aux aînés venant des Caraïbes, ils vieillissent dans un contexte culturel différent du leur (Glasgow et Adaskin, 1990).
En outre, leur sagesse et leur expérience ne s'avèrent plus pertinentes dans le contexte canadien, de sorte que l'on ne fait plus appel à leurs conseils. Il ressort de l'analyse documentaire que les tensions entre générations, combinées aux effets de la migration, peuvent rendre une cellule familiale plus vulnérable à la maladie physique ou aux problèmes de santé mentale (Bhayana, 1954).
Les aînés ne reçoivent pas suffisamment de services adaptés à leurs besoins et ne sont pas au courant de ce qui est offert à l'ensemble de la population âgée (Isaac, 1991; Ministère des Affaires civiques de l'Ontario, 1991). Les questions de langue, d'alphabétisation et de transport influent sur la capacité des aînés à fonctionner efficacement (Multiculturalism, Aging and Seniors, 1989).
Les problèmes parent-enfant et les difficultés d'ordre scolaire que connaissent les adolescents et les jeunes se manifestent par l'isolement, la dépression et des comportements agressifs qui peuvent les conduire au sein du système correctionnel, puis du système pénal (Isaac, Barbara, 1991). Les responsabilités de parent unique, les conflits parent-enfant et la violence familiale causent beaucoup de stress à bien des femmes de la communauté noire et des Caraïbes (Vissandjee et al, 1999; Mathew et Carter, 1997).
La discrimination institutionnelle reçoit peu d'attention compte tenu de tout l'accent qui est placé sur les formes plus délibérées et flagrantes de racisme.
Beaucoup d'hommes de la Communauté souffrent de dépression et d'isolement parce qu'ils sont chômeurs ou sous-employés. Il arrive fréquemment que des hommes et des femmes soient déçus dans leurs attentes professionnelles parce qu'ils occupent un emploi qui ne correspond pas à leur niveau de scolarité, de formation ou d'expérience. (Isaac, 1991; Centre for Addiction and Mental Health Research, 1999 et 2000; York Community Services, 1999). Selon les documents publiés, beaucoup de Noirs travaillent de longues heures dans plus d'un emploi, occupent les quarts de travail les moins populaires et sont victimes de fréquentes mises à pied (Kendall, 1989). Des études portant sur les répercussions du travail par postes indiquent qu'il accroît les risques de blessures et peut occasionner des problèmes de digestion et des troubles cardiaques (Women's College Hospital, 1998).
Outre le stress, le fait de vivre dans un logement public de mauvaise qualité en raison d'un faible revenu (voir le point 1.1) est source de frustration et de désespoir et diminue la marge de manœuvre (Isaac, 1991; Kendall, 1989). Plus de la moitié des réfugiés somaliens vivent dans un logement public ou subventionné (Opoku-Dapaah, 1995).
Par ailleurs, la large part du revenu consacrée au logement privé fait qu'il en reste moins pour l'achat d'aliments nutritifs (Isaac, 1991; Glasgow et Adaskin, 1990).
Établissements de soins de santé
La discrimination institutionnelle est reflétée dans la faible représentation des Noirs au sein des effectifs du secteur de la santé, particulièrement aux niveaux décisionnels. Cette situation se répercute sur la prestation de soins appropriés à la Communauté (Morton, 1999; Doyle et Visano, 1987). Certains sont d'avis que la discrimination institutionnelle reçoit peu d'attention compte tenu de tout l'accent qui est placé sur les formes plus délibérées et flagrantes de racisme.
Bon nombre d'établissements semblent manquer d'information sur les caractéristiques culturelles et raciales de la population du secteur qu'ils desservent. On cite par exemple le cas de femmes éthiopiennes qui ont demandé des soins à la toute fin de leur grossesse et qui se sont heurtées à un refus de la part de dispensateurs de soins (Centre for Addiction and Mental Health, 1999 et 2000), ou encore celui de conseillers en services sociaux et de professionnels de la santé qui s'avèrent incapables de servir leurs clients efficacement parce qu'ils ne comprennent pas leurs antécédents.
Une autre barrière à l'accès aux soins de santé pour la communauté noire et des Caraïbes est le manque d'information en langues africaines et la pénurie de traducteurs professionnels. Ce sont en général des employés de soutien ou des enfants qui jouent le rôle d'interprètes. Cette pratique est jugée inappropriée et inefficace et considérée comme une barrière à l'accès aux services (Lee, 1994).
La santé de la Communauté est en outre affectée par le financement insuffisant des organismes qui s'emploient à répondre à ses besoins. Selon les études réalisées, la communauté ethnique du Canada joue un rôle important dans la mise en place de réseaux formels et informels de soutien et dans l'accès à ces réseaux (Doyle et Visano, 1987; Kobayashi et Moore, 1998). Le système de santé est perçu comme une structure à deux paliers formée d'une part d'organismes en vue bien financés et d'autre part d'organismes ethno-culturels ne bénéficiant pas d'un financement adéquat (Davis, 1990).
La documentation renferme des recommandations en faveur de changements institutionnels et du soutien des organismes communautaires. On recommande notam- ment de rattacher des conditions explicites au financement des organismes bénévoles pour s'assurer que les populations et les organismes ethno-culturels reçoivent de l'aide, de même que de donner du soutien opérationnel aux organismes qui desservent une clientèle ethno-culturelle.
Le système de santé est perçu comme une structure à deux paliers formée d'une part d'organismes en vue bien financés et d'autre part d'organismes ethnoculturels ne bénéficiant pas d'un financement adéquat.
État de santé de la communauté noire et des Caraïbes
L'examen des publications portant sur les maladies et problèmes de santé des membres de la Communauté met en lumière certaines lacunes au niveau de l'information quantitative sur la prévalence, de même que l'accès insuffisant à des ressources connexes en soins de santé.
VIH/sida
Il ressort d'une étude récente que la majeure partie des décès causés par le VIH/sida au sein de la population homosexuelle surviennent chez les hommes nés dans les Caraïbes. On estime qu'en Ontario, 300 hommes originaires des Caraïbes sont infectés par le VIH et beaucoup d'autres risquent de le devenir faute d'interventions ciblées pertinentes et adaptées à la culture (Remis et Whittingham, 1999). Les femmes de l'Afrique et des Caraïbes sont elles aussi à risque, comme l'indique le taux élevé d'infections mère-nourrisson. Selon les déclarations informelles volontaires, 70 % des cas de transmission du VIH par la mère au nourrisson au cours des dernières années mettaient en cause des femmes originaires de l'Afrique ou des Caraïbes (Remis et Whittingham, 1999).
D'après les documents consultés, le taux d'infection par le VIH est 20 fois plus élevé au sein de la communauté des Caraïbes et 60 fois plus élevé au sein de la communauté africaine que chez les utilisateurs hétérosexuels de drogues non-injectables de l'Ontario. Il semble que le pourcentage d'infection soit élevé au Canada. Les approches conventionnelles vis-à-vis de la prévention ne semblent pas fonctionner (Simms, 1996). L'opinion religieuse selon laquelle le VIH/sida est une punition infligée par Dieu est véhiculée dans la musique populaire des Caraïbes. En outre, le VIH/sida est co nsidéré comme une maladie des homosexuels de race blanche qui est peu susceptible de toucher les femmes et les « mâles ». Ces attitudes homophobes sont également perpétuées dans la musique populaire des Caraïbes.
Nos recommandations sont les suivantes :
- Inclure la population africaine et des Caraïbes dans la Stratégie nationale sur le SIDA, comme la population autochtone qui a obtenu la priorité dans la dernière stratégie;
- Élaborer des lignes directrices sur les tests de détection des anticorps anti-VIH, l'usage du condom et la notification des partenaires qui soient adaptées à la communauté africaine et des Caraïbes;
- Mener à bien d'autres études visant à définir les déterminants psychologiques, sociaux et comportementaux de la transmission du VIH en ce qui a trait aux infections propagées au Canada.
On estime qu'en Ontario, 300 hommes originaires des Caraïbes sont infectés par le VIH et beaucoup d'autres risquent de le devenir faute d'interventions ciblées pertinentes et adaptées à la culture. Les femmes de l'Afrique et des Caraïbes sont elles aussi à risque.
Anémie à hématies falciformes
L'anémie à hématies falciformes est une maladie héréditaire du sang qui touche les personnes originaires de l'Afrique, de la Méditerranée, de l'Amérique centrale et du Sud et du Sud de l'Inde (La Société de l'anémie à hématies falciformes du Canada; Serjeant, 1992; Bowman et Murray,1990).
L'Association de l'anémie à hématies falciformes estime que le trait drépanocytaire est présent chez une personne noire sur 10 et qu'environ 50 000 membres de la Communauté pourraient en être porteurs. Au Canada, contrairement à ce qui est le cas aux États-Unis, il n'existe aucune donnée récente sur la prévalence. Les porteurs du trait drépanocytaire ne montrent pas de symptômes d'anémie à hématies falciformes. Celle-ci se manifeste lorsqu'un enfant reçoit le gène de ses deux parents qui sont porteurs. On estime qu'un enfant noir sur 400 naît avec l'anémie à hématies falciformes. Il importe de souligner que malgré le peu de sources canadiennes d'information sur cette maladie, la recherche documentaire a révélé une gamme de sources; il s'agit surtout de protocoles américains de dépistage et de traitement.
Lupus
Le lupus est une maladie auto-immune qui affecte les personnes d'origine africaine (Women's College, 1997). Il s'agit d'un trouble incurable caractérisé par une agression de l'organisme par son propre système immunitaire. Selon Lupus Canada, 50 000 Canadiens en sont affectés. Le lupus touche surtout les femmes de 20 à 40 ans. Il existe plusieurs associations vouées au problème en Ontario, et au moins une en Nouvelle-Écosse, mais elles ne semblent pas concentrer leurs efforts sur la communauté noire et des Caraïbes. Contrairement aux associations américaines, celles du Canada n'incluent pas l'origine ethnique dans l'information qu'elles recueillent sur les personnes atteintes ( Lupas Canada).
Diabète
Selon les publications, les personnes de descendance africaine sont plus susceptibles que les autres de développer le diabète et de souffrir de complications comme la cécité, les atteintes rénales et l'amputation des membres inférieurs (Pride, mars 2000; Pride, 13-19 avril 2000; Canadian Diabetes Association). Les femmes de plus de 65 ans semblent particulièrement à risque.
Le régime alimentaire traditionnel des Caraïbes, à teneur élevée en gras, en sel, en sucre et en amidons, est considéré comme le principal facteur de développement de la maladie et de détermination de sa gravité (Pride, 13-19 avril 2000). Le passage des aliments traditionnels aux aliments canadiens cuisinés constitue un autre facteur déterminant (Simms, 1996; http://www.diabetes.ca). L'Association canadienne du diabète effectue actuellement des recherches visant à établir un lien entre la maladie et les changements qu'apportent les immigrants à leur alimentation après leur arrivée au Canada (Pride, mars 2000). Aucune recherche ne porte toutefois précisément sur les aliments des Caraïbes et les habitudes alimentaires de la Communauté.
Les personnes de descendance africaine sont plus susceptibles que les autres de développer le diabète et de souffrir de complications comme la cécité, les atteintes rénales et l'amputation des membres inférieurs.
Maladies cardiovasculaires et AVC
Selon la Fondation des maladies du cœur du Canada, 23 000 Canadiens meurent chaque année de maladies cardiovasculaires et d'AVC (http://www.hsf.ca). Le diabète et l'hypertension sont, selon elle, des facteurs de risque associés aux maladies cardiovasculaires et aux AVC. Le diabète a une incidence de grande à extrême sur la communauté noire et des Caraïbes (voir le point 2.3.4), mais nous n'avons trouvé aucune étude canadienne sur l'hypertension au sein de la Communauté.
Une étude financée par la Fondation des maladies du cœur sur les maladies cardiovasculaires et les AVC chez les femmes a révélé que les femmes noires et de l'Asie du Sud présentent à cet égard des risques plus élevés que les autres femmes (Fondation des maladies du cœur du Canada, 1998). Néanmoins, rien n'indique que l'origine ethnique fasse partie des données normalement recueillies sur la prévalence de ces maladies. Si l'on se fie au site Web de la Fondation, l'accent est plutôt placé sur les données relatives au sexe et à l'âge.
Cancer
Nous n'avons trouvé rien de précis sur la prévalence du cancer au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes. Les statistiques américaines indiquent toutefois un taux de prévalence élevé chez la population noire des États-Unis (Washington, 2000). Nous n'avons pas trouvé non plus d'information qualitative sur le cancer de la prostate chez les hommes noirs du Canada. Nous avons retracé une seule étude traitant du cancer du sein chez les femmes noires (Black Women's Health Program, 1999). Cette étude était axée sur les questions de dépistage.
Les pratiques préventives qui prévoient des mesures de dépistage et un suivi à long terme ne sont peut-être pas indiquées pour la population noire et des Caraïbes (Simms, 1996). Simms laisse entendre qu'il y a lieu d'examiner les stratégies actuelles de prévention et de les réviser en tenant compte des normes culturelles. Tel qu'indiqué dans une étude sur la santé des nouveaux immigrants, les stratégies de prévention devraient refléter les perceptions de la prévention et de la santé (Vissandje et al, 1999). Les études montrent que la participation aux programmes de dépistage du cancer du sein par les groupes de diverses cultures demeure faible en dépit de la diminution des obstacles linguistiques et de l'accroissement des efforts de sensibilisation (Bottorff et al, 1999).
Grossesse
L'analyse documentaire n'a révélé l'existence d'aucune étude quantitative sur le poids à la naissance ou la mortalité infantile au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes. Une recherche qualitative effectuée par une étudiante à la maîtrise en soins infirmiers a mis en lumière l'existence de comportements racistes et non adaptés à la culture chez les professionnels de la santé d'hôpitaux de la Nouvelle-Écosse (Touch Base, mars 2000). Tel qu'il a été mentionné précédemment, on estime qu'un nourrisson noir sur 400 est atteint d'anémie à hématies falciformes. Il y a également des besoins à combler du côté de la prestation de soins appropriés aux femmes africaines dont les organes génitaux ont été mutilés et qui donnent naissance à un enfant (Kendall, P. R., 1992).
En outre, la présence du sida au sein de la communauté hétérosexuelle donne lieu à la naissance d'enfants déjà porteurs de la maladie (voir le point 2.3.1). Ces préoccupations reposent toutefois sur des estimations et non sur de réelles études quantitatives.
Incapacités physiques
Selon les publications, certains problèmes de santé comme le diabète et l'hypertension contribuent à la perte de vision et de mobilité chez les membres de la communauté noire et des Caraïbes (Pride, 13-19 avril, 2000 : 14). Nous n'avons trouvé aucune information sur le soutien offert à ces personnes. Comme en ce qui a trait aux autres problèmes de santé des membres de la Communauté, nous n'avons pu retracer aucune donnée sur la prévalence des incapacités.
Santé mentale
Dans les documents consultés, on établit un lien entre les troubles de santé mentale observés au sein des populations multiculturelles du Canada d'une part à la discrimination, d'autres sources de stress ou la névrose post-traumatique d'autre part (Groupe canadien chargé d'étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés, 1988; Dapaah-Opoku, 1995).
Bien que la recherche n'ait pas encore permis d'établir de liens de causalité entre la discrimination et les troubles mentaux, il est difficile de concevoir que l'expérience implacable du rejet n'ébranle pas la santé mentale d'un individu.
Groupe canadien chargé d'étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés, 1988
Il ressort des écrits que les membres de la communauté canadienne noire et des Caraïbes accusent des niveaux élevés de stress et que les réfugiés de la Communauté ont fortement tendance à être déprimés (Lee, 1994; York Community Services, 1999; Centre for Addiction and Mental Health Research, 1999 et 2000). L'intérêt croissant que soulèvent les études portant sur la névrose post-traumatique rejoint directement l'expérience des membres de la communauté noire.
Bien que la recherche n'ait pas encore permis d'établir de liens de causalité entre la discrimination et les troubles mentaux, il est difficile de concevoir que l'expérience implacable du rejet n'ébranile pas la santé mentale d'un individu.
De façon générale, les immigrants sont réticents à faire appel à des services de santé mentale en raison des stigmates qui s'y rattachent, de la fierté familiale et de la crainte de l'expulsion. En outre, ils ne connaissent pas suffisamment les services offerts et ne possèdent pas les compétences requises pour y accéder (Lee, 1994). Cette réalité s'applique également à la communauté noire et des Caraïbes. Cette dernière sous-utilise les services de santé mentale et le processus de diagnostic n'est pas adapté aux réalités culturelles. De plus, il y a pénurie de professionnels de la santé mentale de race noire (Isaac, 1991; Groupe canadien chargé d'étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés, 1988).
Il ressort des écrits que les problèmes de santé mentale des membres de la communauté noire et des Caraïbes ont tendance à être diagnostiqués tardivement et que la majorité des personnes recevant des soins ont d'abord passé par les services policiers. On attribue la nature tardive des diagnostics aux croyances entourant les causes de la maladie mentale. Au sein de la Communauté, on croit parfois que le destin, certaines forces surnaturelles, l'hérédité ou le fait de « trop étudier » est cause de maladie mentale ou de « troubles nerveux ». Par conséquent, les gens ont tendance à s'adresser à des guérisseurs, à des chefs religieux ou à des amis proches pour trouver remède à leurs problèmes de santé mentale (Glasgow et Adaskin, 1990; Groupe canadien chargé d'étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés, 1988).
On attribue aussi le report du traitement aux évaluations biaisées. Certains stéréotypes couramment rattachés aux Noirs, comme la nonchalance, la léthargie, le manque de motivation et l'agressivité, sont également des symptômes classiques de dépression. Par conséquent, il arrive que le comportement des Noirs qui ressentent ces symptômes soit, à tort, jugé « normal ». Par ailleurs, il semble que ces évaluations biaisées donnent lieu à des diagnostics de schizophrénie plus fréquents chez les Noirs que chez les Blancs (Groupe canadien chargé d'étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés, 1988).
Bien que les écrits fassent mention à plusieurs reprises des conséquences du racisme sur la santé mentale, aucune étude n'a été effectuée dans le but d'en évaluer l'impact sur la santé physique et mentale.
Certains stéréotypes couramment rattachés aux Noirs, comme la nonchalance, la léthargie, le manque de motivation et l'agressivité, sont également des symptômes classiques de dépression. Par conséquent, il arrive que le comportement des Noirs qui ressentent ces symptômes soit, à tort, jugé « normal ».
Consultations
Dans le cadre de la présente étude, nous avons consulté 32 informateurs, c'est-à-dire 20 représentants d'organismes et 12 personnes bien informées de la communauté ontarienne et néo-écossaise noire et des Caraïbes (voir l'annexe A). Nous avons utilisé un questionnaire normalisé pour réaliser les entrevues en tête-à-tête avec ces informateurs. Les questions, pour la plupart ouvertes, portaient sur les points suivants :
- facteurs influant sur les comportements favorisant la santé;
- état de santé de la Communauté
- obstacles à l'accès aux services et à l'information;
- recommandations de mesures à prendre.
Comportements favorisant la santé
Selon les informateurs, la structure familiale, les croyances culturelles au sujet de la santé et les attitudes propres?à chaque sexe exercent une grande influence sur les comportements favorisant la santé des membres de la communauté noire et des Caraïbes. À leur avis, les dispensateurs de soins de santé devraient tenir compte de ce? facteurs lorsqu'ils livrent de l'information et des services à la Communauté.
Structur? familiale?
On compte un grand nombre de familles monoparentales au se?n de la communauté noire et des Caraïbes. D'après les informateurs, cette situation découlerait à la fois de facteurs historiques, de l'établissement au Canada et des schèmes entourant l'immigration au Canada. Ils soulignent qu'un grand nombre de parents seuls manquent de temps pour aller chez le médecin et ont de la difficulté à payer les médicaments. Par conséquent, beaucoup de familles se fient aux remèdes maison et ne consultent un médecin qu'en cas de maladie grave. Il est donc rare que leurs membres subissent un examen de santé.
Les familles monoparentales ont également tendance à vivre plus de stress, ce qui affecte aussi bien les enfants que les adultes. En plus des familles mono-parentales habituelles, on retrouve aussi, particulièrement en Nouvelle-Écosse, des familles dont le chef est la grand-mère. Cette situation se produit lorsqu'un fils ou une fille, quittant le pays, confie ses enfants à leur grand-mère. Bon nombre de ces personnes âgées ont de la difficulté à communiquer avec les médecins, qui emploient une terminologie qu'elles ne comprennent pas.
Les informateurs soulignent en outre que les familles de la communauté noire et des Caraïbes, peu importe leur structure, comptent sur les femmes du ménage pour fournir de l'information sur la santé. Comme l'a déclaré l'un d'eux, « en éduquant la fille, c'est le ménage qu'on éduque; en éduquant le garçon, c'est l'individu ». Les dirigeants religieux sont aussi considérés comme des sources fiables d'information sur les questions de santé.
En éduquant la fille, c'est le ménage qu'on éduque; en éduquant le garçon, c'est l'individu.
Croyances au sujet de la santé et de la maladie
La plupart des informateurs laissent entendre que les croyances devraient entrer en ligne de compte dans le diagnostic et le traitement des membres de la Communauté, précisant qu'au sein de celle-ci, la santé physique et la santé spirituelle sont liées. On croit par exemple qu'une bonne santé spirituelle conduit à une bonne santé physique et que la mauvaise santé a des causes divines. La prière, la lecture de la Bible ou du Koran et la consultation de guides religieux et spirituels sont des réactions courantes à la maladie. Il en va de même pour les remèdes familiaux et les herbes médicinales, qui ont tendance à être les premiers recours en cas de signes de maladie. Un grand nombre de gens ne font donc appel aux conseils d'un médecin que si ces autres méthodes ne donnent aucun résultat.
Même indépendamment de cette confiance dans la religion ou les remèdes à base de plantes, les membres de la Communauté ont en général tendance à attendre d'être malades avant de consulter. Les informateurs soulignent les résultats de recherches actuelles montrant que très peu ont un médecin de famille. Prenons par exemple les femmes enceintes, qui attendent à la toute fin de leur grossesse pour voir un médecin parce qu'être enceinte n'est pas considéré comme un état qui nécessite une attention médicale. Selon les informateurs, il arrive en outre que certains ne dévoilent pas entièrement leur état de santé et leurs antécédents familiaux aux professionnels de la santé. Beaucoup de membres de la Communauté estiment que les questions de santé sont personnelles et privées.
Attitudes propres à chaque sexe
On a montré à des femmes des régions rurales comment s'administrer ellesmêmes un test de Papanicolaou. Cette méthode s'est avérée aussi efficace que les prélèvements effectués par des professionnels de la santé.
Selon les informateurs, les femmes ont tendance à se faire traiter plus facilement que les hommes. Certaines pratiques culturelles peuvent toutefois les empêcher d'accéder aux soins de santé. Les musulmanes, par exemple, ne laisseraient pas un médecin ou un technicien de sexe masculin pratiquer sur elles un examen gynécologique ou un examen des seins. Dans certaines régions de l'Afrique, on forme des infirmières dans ce but. Les informateurs sont d'avis que des femmes devraient être disponibles au besoin pour pratiquer les examens des seins et les tests de Papanicolaou.
Il ressort des consultations que beaucoup de femmes des Caraïbes, même si la religion ne leur impose aucune restriction, ne se sentent pas à l'aise d'exposer leur corps à des professionnels de la santé. De par leur culture, les gens des Caraïbes sont souvent timides et secrets lorsqu'il s'agit de leur corps et ils ne désignent pas par leur nom biologique certaines parties de leur anatomie.
L'un des exemples fournis par les informateurs est celui d'un projet de recherche sur le dépistage du cancer du col utérin, dans le cadre duquel on a montré à des femmes des régions rurales des Caraïbes comment s'administrer elles-mêmes un test de Papanicolaou. Cette méthode s'est avérée aussi efficace que les prélèvements effectués par des professionnels de la santé.
Un autre facteur à considérer est l'excision ou la mutilation génitale des femmes (MGF), telle qu'on la désigne au Canada. Les informateurs ont différentes opinions sur les effets de cette pratique sur les femmes et la perception qu'elles ont ensuite de leur corps. Ceux qui viennent de pays de l'Afrique où l'on pratique l'excision ne la considèrent pas comme un problème; d'autres sont d'avis qu'à la suite d'une telle mutilation, les femmes sont embarrassées et évitent les soins de santé qui nécessitent des examens gynécologiques.
Certaines informatrices ont en outre indiqué que les médecins blancs de sexe masculin ne prennent pas leurs préoccupations au sérieux et ne règlent pas leurs problèmes adéquatement. D'après elles, ces médecins entretiennent le stéréotype selon les femmes noires sont fortes et ont un seuil de douleur élevé.
Les informateurs mentionnent que les hommes ont souvent tendance à ne pas faire appel aux services de santé aussi facilement que les femmes. Par fierté masculine, un grand nombre ne subissent pas d'examens de santé. Ils évitent entre autres l'examen de la prostate, qu'ils considèrent comme une trop grande intrusion dans leur intimité.
État de santé de la communauté noire et des Caraïbes
Selon les organismes et les particuliers consultés pour la présente étude, l'état de santé de la communauté noire et des Caraïbes est influencé par des déterminants de la santé comme le racisme, les co nditions socio-environnementales et les obstacles à l'accès aux soins formels et institutionnels. En outre, divers problèmes de santé affectent la Communauté (voir le tableau 1). Ces points sont abordés dans les parties qui suivent.
Déterminants de la santé
Racisme et conditions socio-environnementales
Tous les informateurs mentionnent l'effet négatif du racisme sur certains déterminants de la santé comme l'estime de soi, la scolarité, l'emploi, le revenu, le logement et le niveau de vie. Ce facteur contribue aux taux élevés de décrochage scolaire, au sous-emploi des professionnels immigrants, au chômage, à la stagnation professionnelle et aux faibles niveaux de revenu. Les attentes professionnelles déçues et la perte de leur statut minent l'estime de soi de bien des hommes adultes. Le faible revenu empêche par ailleurs les membres de la Communauté de se payer un logement adéquat et de manger des aliments sains et nutritifs. Selon les informateurs, vivre avec le racisme est également source de stress.
L'alphabétisation pose un problème au sein de la Communauté. D'après les informateurs, la capacité de lecture des enfants qui fréquentent l'école et des personnes âgées est restreinte.
Aux dires d'un informateur de Halifax, avant 1956, l'éducation n'était accessible en Nouvelle-Écosse que jusqu'en huitième année et les membres de la Communauté ont dû « se battre avec les autorités » pour obtenir des changements.
Le racisme a un effet négatif sur certains déterminants de la santé comme l'estime de soi, la scolarité, l'emploi, le revenu, le logement et le niveau de vie.
Soins formels et institutionnels
Les informateurs signalent en outre que les membres de la Communauté ne connaissent pas suffisamment les ressources en santé qui sont disponibles au Canada. Beaucoup ne savent pas où s'adresser et quelles question à poser pour avoir accès à ces services. En outre, bien des membres de la Communauté ne sont pas conscients de leur droit d'obtenir une deuxième opinion ou de changer de médecin de famille; en fait, certains ne savent même pas qu'ils ont droit aux services d'un médecin de famille.
Les informateurs parlent du système de santé comme d'un système à deux paliers au sein duquel les contacts, les connaissances et le niveau de revenu déterminent combien de temps il faudra attendre pour subir des tests ou rencontrer des spécialistes. À Toronto, les coupures pratiquées dans le secteur de la santé et la fermeture d'hôpitaux qui entretenaient des liens avec la Communauté diminuent les chances de cette dernière de participer aux décisions. De l'avis des informateurs consultés, davantage de programmes et de services sont offerts à la population noire dans les établissements où des Noirs siègent au sein du conseil et font partie des effectifs.
Bon nombre des répondants ont souligné la piètre qualité ou l'absence de services de santé à l'intention des Noirs, particulièrement dans la région de Halifax. À cet endroit, il n'y a pas d'hôpitaux dans les secteurs périphériques, où l'on retrouve un fort pourcentage de Noirs, et ces derniers ont difficilement accès au réseau de transport public pour se rendre en ville subir des traitements. Même les unités sanitaires mobiles, sauf dans certains cas d'exception, ne ciblent pas les communautés noires des quartiers périphériques. Une situation similaire prévaut à Windsor. Les unités mobiles sont des « cliniques sur quatre roues » exploitées par des professionnels de la santé. Elles servent surtout aux examens des seins et aux soins dentaires.
Les compressions dans la santé ont mené à la fermeture du seul hôpital du secteur ouest de la ville, où résident un grand nombre de membres de la communauté noire. En outre, des informateurs nous ont appris que dans certains hôpitaux de Toronto, on a tendance à soumettre automatiquement les Africains à des tests de dépistage de la tuberculose et du VIH/sida alors que cela ne se fait pas avec la clientèle des autres groupes.
Devant ces obstacles institutionnels à l'obtention de services de santé de qualité, certaines personnes des Caraïbes et de l'Afrique se rendent dans leur pays d'origine pour y recevoir des soins médicaux.
Devant ces obstacles institutionnels à l'obtention de services de santé de qualité, certaines personnes des Caraïbes et de l'Afrique se rendent dans leur pays d'origine pour y recevoir des soins médicaux.
Maladies chroniques
Diabète
Soixante-dix pour cent des particuliers et des représentants d'organismes consultés dans le cadre de l'étude indiquent que le diabète a des conséquences allant de graves à extrêmes sur la communauté noire et des Caraïbes (voir le tableau 1). Selon ces informateurs, le diabète, aussi appelé la « maladie du sucre » ou bad blood , affecte surtout les hommes et les femmes de plus de 35 ans. Son incidence élevée sur les plus de 50 ans est attribuée au manque de sensibilisation et d'information sur la maladie et à la tendance à se fier aux remèdes maison. Ainsi, beaucoup de diabétiques ne se font traiter que tardivement. « Beaucoup sont morts sans même savoir qu'ils étaient atteints de la maladie. » (Informateur, East Preston, Halifax). Quelques informateurs s'inquiètent de l'incidence du diabète juvénile.
Problème | Faibles % | Croissantes % | Modérées % | Extrêmes % | Graves % |
---|---|---|---|---|---|
Les pourcentages ayant été arrondis, il se peut que leur somme dépasse 100 %. Notes de bas de page du Tableau 1
Source : Canadian Centre on Minority Affairs Inc, 2000. Consultations auprès d'informateurs de la Communauté. |
|||||
Diabète | 5 | 20 | 5 | 50 | 20 |
Cœur / AVC | 4 | 19 | 29 | 19 | 29 |
Hypertension | 9 | 19 | 19 | 24 | 48 |
Arthrite | 10 | - | 10 | 50 | 30 |
Asthme Tableau 1 note de bas de page * | 29 | - | - | 57 | 14 |
VIH/sida | 30 | 15 | 10 | 30 | 15 |
Lupus | 39 | 22 | 11 | 11 | 17 |
Anémie falciforme | 35 | 15 | 10 | 20 | 20 |
Cancer du sein | 11 | 17 | 22 | 11 | 39 |
Cancer de la prostate | 18 | 18 | 18 | 28 | 18 |
Alcoolisme | - | 19 | 13 | 31 | 37 |
Narcomanie | 22 | 11 | 5 | 28 | 33 |
Tabagisme | - | 25 | 25 | 19 | 31 |
Dépression | - | - | 35 | 25 | 40 |
Schizophrénie Tableau 1 note de bas de page ** | - | - | 25 | 38 | 38 |
Incapacités physiques | 29 | 6 | 35 | 12 | 18 |
Troubles d'apprentissage | 25 | - | 12 | 19 | 44 |
Grossesse | 29 | 7 | 14 | 21 | 29 |
Les informateurs considèrent que les traitements fondés sur le respect du Guide alimentaire canadien ne sont pas adaptés à la culture. Selon eux, bien des gens ont de la difficulté à suivre un régime qu'ils ne comprennent pas ou qui ne leur paraît pas alléchant. Un autre problème est la nécessité de suivre des recettes et de mesurer les ingrédients avec précision, étant donné que les mets des Caraïbes et de l'Afrique se préparent habituellement sans consulter de recette. À ce propos, les informateurs suggèrent ce qui suit :
- effectuer une recherche sur les habitudes alimentaires de la communauté noire et des Caraïbes;
- effectuer une recherche sur la valeur nutritive des aliments
originaires de l'Afrique et
des Caraïbes; - mettre sur pied un programme visant à montrer lesquels de ces aliments sont bons pour la santé;
- modifier le Guide alimentaire canadien.
Les traitements fondés sur le respect du Guide alimentaire canadien ne sont pas adaptés à la culture.
Maladies cardiovasculaires et AVC
Moins de la moitié des informateurs considèrent que les maladies cardiovasculaires et AVC ont une incidence grande ou extrême sur la communauté noire et des Caraïbes (voir le tableau 1). Près de 20 % indiquent toutefois que ces problèmes sont de plus en plus préoccupants. La population touchée est celle des hommes et des femmes de 30 à 50 ans.
On attribue la cardiopathie à l'alimentation des membres de la Communauté, qui est dite « riche en gras et en sel », « faite d'huile et de gras » et qui renferme « beaucoup d'aliments gras ». Les informateurs sont en outre d'avis que le mode de cuisson des aliments - souvent en haute friture avec du saindoux ou d'autres huiles - est un facteur de causalité. Ils associent également les maladies cardiovasculaires et AVC aux facteurs suivants :
- l'hypertension, un problème fréquent dans la Communauté;
- le stress causé par l'exposition au racisme;
- le stress occasionné par l'obligation d'avoir plus d'un emploi pour soutenir la famille et maintenir son niveau de vie;
- la pauvreté;
- le manque d'exercice;
- l'hérédité et les facteurs génétiques.
Les informateurs sont aussi d'avis que la Communauté n'est pas suffisamment informée et sensibilisée au sujet de la cardiopathie. Selon eux, « la population noire n'est pas ciblée, seule la classe moyenne de race blanche l'est » dans les efforts de sensibilisation et de prévention.
Toujours selon les informateurs, les patients noirs et des Caraïbes sont des candidats par excellence pour certains traitements extrêmes comme les triples pontages. En outre, bien des médicaments administrés à des Noirs peuvent avoir sur eux des effets secondaires.
Les informateurs sont aussi d'avis que la Communauté n'est pas suffisamment informée et sensibilisée au sujet de la cardiopathie. Selon eux, « la population noire n'est pas ciblée, seule la classe moyenne de race blanche l'est » dans les efforts de sensibilisation et de prévention.
Hypertension
Selon 72 % des informateurs, l'hypertension a des conséquences allant de graves à extrêmes sur la communauté noire et des Caraïbes. Il semble que les membres de la Communauté, même s'ils sont conscients de faire de l'hypertension ou de la « pression », ne prennent pas la chose au sérieux. Les gens ne semblent pas savoir que cela peut atteindre les reins et que l'hypertension est directement liée aux maladies cardiovasculaires et AVC. Les informateurs attribuent ce manque d'information au fait « l'on donne des pilules aux gens sans les renseigner »
Les informateurs sont portés à croire que bien des gens ne se font pas traiter « parce que le personnel des établissements n'est pas comme eux ».
Selon les informateurs, l'hypertension découle du stress causé par « le fait d'être Noir au Canada », de l'affrontement des stéréotypes et de l'adaptation à un nouveau pays et une nouvelle culture. Le chômage et la pauvreté sont également sources de stress, surtout en Nouvelle-Écosse.
Au moins la moitié des ménages vivent du stress. Les enfants prennent du Ritalin et les mères, du Prozac.
Informateur, East Preston, Halifax
Les informateurs sont portés à croire que bien des gens ne se font pas traiter « parce que le personnel des établissements n'est pas comme eux ».
Les régimes comportant des aliments salés (viandes et poissons en conserve, par exemple), des aliments en conserve et des aliments vides contribuent aussi à la prévalence de l'hypertension au sein de la Communauté. Selon les informateurs, « il faut sensibiliser davantage les hommes et les femmes, dès le jeune âge, à l'alimentation et à la lecture des étiquettes de produits alimentaires ». Le poids excessif et le manque d'exercice, particulièrement chez les hommes, favorisent l'hypertension, qui est également perçue comme un problème « qui court dans les familles ».
On traite l'hypertension surtout avec des médicaments. Il semble cependant que les médicaments d'ordonnance actuels ne permettent pas de contrôler le problème chez les femmes noires. Beaucoup d'essais de médicaments sont fondés sur les populations européennes et n'incluent aucun groupe de population noire. Les informateurs recommandent des examens de santé réguliers incluant une vérification de la fonction rénale.
Il faut sensibiliser davantage les hommes et les femmes, dès le jeune âge, à l'alimentation et à la lecture des étiquettes de produits alimentaires.
Autres maladies chroniques
Selon les informateurs, l'arthrite, l'asthme, l'hépatite et les maladies transmises sexuellement ont un effet perceptible sur la communauté noire et des Caraïbes. Quatre-vingt pour cent de ceux qui mentionnent l'arthrite considèrent que ses conséquences vont de graves à extrêmes (voir le tableau 1). C'est l'ostéoarthrite chez les jeunes femmes et les aînés qui est mentionnée le plus fréquemment. On l'attribue à l'absence de lait et de fromage dans l'alimentation. Selon les informateurs, l'intolérance au lactose est fréquente chez les Somaliens, qui ne consomment pas de soya en remplacement. Ils jugent par ailleurs que les comprimés de lactose, qui leur permettraient de consommer des produits laitiers, sont trop coûteux. Un autre facteur mis en lumière est la tendance à la scoliose, une incurvation de la colonne vertébrale, observée chez les Noirs. Le vieillissement et les changements hormonaux qu'il occasionne pour les femmes sont également mentionnés. Il semble que les Noirs ne soient pas considérés comme un groupe exposé à l'ostéoporose, étant donné qu'ils ne correspondent pas au profil habituel des personnes atteintes : peau claire, petite ossature et vie sédentaire.
Les Noirs ne sont pas considérés comme un groupe exposé à l'ostéoporose, étant donné qu'ils ne correspondent pas au profil habituel des personnes atteintes : peau claire, petite ossature et vie sédentaire.
La maladie de Paget, qui provoque un œdème articulaire et une détérioration des os, est fréquente chez les Noirs. Les personnes atteintes ont de la difficulté à marcher. Selon les informateurs, des médecins ont indiqué qu'il n'existe encore aucun traitement à cette maladie étant donné qu'elle n'affecte pas la population majoritaire.
Selon les informateurs, l'asthme a également des conséquences graves ou extrêmes pour la Communauté (voir le tableau 1). Un enfant sur dix serait aux prises avec ce problème dans une garderie de East Preston, à Halifax. Il y a aussi des jeunes et des aînés qui sont touchés, et le problème cause des décès. À East Preston, on tient tous les quatre mois une clinique pour les asthmatiques.
La mauvaise qualité de l'air ambiant et les polluants atmosphériques contribuent à l'existence du problème au sein de la Communauté. Les informateurs nous ont fait savoir qu'une étude sur l'asthme chez les Noirs de la Nouvelle-Écosse est actuellement menée à bien par une équipe de chercheurs qui ne compte aucun représentant de la communauté noire.
L'hépatite B et C ont une incidence modérée sur la Communauté, particulièrement sur les Somaliens et les autres nouveaux arrivants. Selon les informateurs, les membres de la communauté noire et des Caraïbes sont également touchés par les problèmes suivants : les maladies transmises sexuellement, comme la gonorrhée, surtout chez les nouveaux arrivants et chez les étudiants de niveau collégial et universitaire; le glaucome; l'anémie chez les femmes par la présence de fibromes; la tuberculose, surtout chez les nouveaux arrivants; la sclérose en plaques; la sarcoïdose; la leucémie, particulièrement chez les jeunes; et les varices.
Les conséquences de la mutilation génitale des femmes sont également source de préoccupation et les informateurs estiment que la Communauté devrait pouvoir régler cette question d'une manière qu'elle juge convenable.
VIH/sida
Moins de 50 % des informateurs qualifient de grave ou d'extrême le problème du VIH/sida au sein de la communauté noire et des Caraïbes (voir le tableau 1). L'évaluation varie d'une région à l'autre. Les informateurs de la Nouvelle-Écosse ont tendance à considérer le problème comme peu préoccupant; beaucoup déclarent ne connaître qu'une seule personne atteinte ou n'en connaître aucune. Un informateur néo-écossais a toutefois indiqué que « le sida est très répandu et le problème semble s'aggraver même si les gens n'en parlent pas et si la Communauté l'ignore ». Les informateurs de l'Ontario ont tendance à trouver le problème plus prévalent.
La Communauté est au courant de l'existence du sida et du VIH mais ne croit pas que cela pose un problème. Elle n'est pas assez informée et la sexualité est un sujet dont on ne discute pas ouvertement.
Informateur, Toronto
De l'avis des informateurs, le VIH/sida est entouré de peur. Ils relatent à ce propos des histoires de personnes abandonnées par la Communauté parce qu'elles étaient atteintes, décrivant le sida comme un sujet tabou.
D'après les résultats d'une étude menée récemment à Toronto, le groupe des homosexuels de race noire serait le troisième en importance à être affecté par le sida. Les statistiques recueillies auprès d'un hôpital de Toronto indiquent également qu'un fort pourcentage des nourrissons porteurs du sida est de mère noire, ce qui montre de toute évidence que le sida se transmet entre hétérosexuels au sein de la Communauté. Les informateurs disent s'inquiéter du fait qu'il n'y a pas suffisamment de dépistage chez les femmes enceintes, et ce malgré que l'Ontario ait adopté en 1998 une politique obligeant les médecins à soumettre ces dernières à un test de détection du VIH/sida. Moins de 50 % des femmes subissent en fait ce test car les médecins n'ont pas le temps de donner le counseling qui fait partie du processus.
Les informateurs de l'Ontario sont d'avis qu'à l'exception du travail de la Black Coalition for AIDS Prevention, « il se fait peu de choses pour informer et éduquer la communauté noire et des Caraïbes au sujet du sida et du VIH ». Ceux de Hamilton signalent que les femmes noires ne sont pas à l'aise avec le fait que le AIDS Network met l'accent sur les homosexuels. Ils indiquent en outre que l'aide disponible pour l'achat de médicaments coûteux est limitée et qu'il n'y a pas d'argent pour la prévention.
Les informateurs de l'Ontario sont d'avis qu'à l'exception du travail de la Black CAP, « il se fait peu de choses pour informer et éduquer la communauté noire et des Caraïbes au sujet du sida et du VIH ».
Anémie à hématies falciformes et lupus
Les informateurs considèrent que l'anémie à hématies falciformes et le lupus ont une incidence sur la communauté noire et des Caraïbes. De façon générale, ils ont tendance à mieux connaître l'anémie à hématies falciformes, dont 40 % qualifient l'impact de grave à extrême (voir le tableau 1). Les répondants de la Nouvelle-Écosse jugent les conséquences de la maladie moins sérieuses que ceux de l'Ontario. Selon eux, il ne se fait aucun dépistage du trait drépanocytaire en Nouvelle-Écosse et seules les personnes qui en font la demande subissent un test. En outre, les médecins de la province ne savent pas comment traiter l'anémie à hématies falciformes.
En Nouvelle-Écosse, on préconise le dépistage, particulièrement chez les femmes enceintes. Mais il n'y a ni recherche, ni service, ni diagnostic.
Informateur, East Preston, Halifax
Selon les informateurs de l'Ontario, des tests de dépistage de l'anémie à hématies falciformes sont offerts. Les femmes enceintes subissent ces tests, mais ça n'est pas le cas de bien des gens. Un professionnel de la santé souligne que beaucoup d'enfants ontariens sont touchés. À Windsor, aucun traitement n'est offert et les patients sont envoyés à Détroit. Les informateurs de l'endroit remettent en question cette pratique.
On ne tient pas compte des Noirs. Pourquoi devrions-nous nous battre alors que nous payons des impôts? Nous devrions recevoir des soins.
Informateur, Windsor
Le lupus est qualifié de « tueur méconnu » qui touche les jeunes femmes noires. Un répondant était à lui seul au courant de quatre cas récents.
Selon les informateurs, le lupus est en général mal diagnostiqué.
En outre, la recherche est jugée insuffisante pour documenter les effets de la maladie sur les jeunes femmes noires.
Je connais des gens chez qui la maladie n'a jamais été diagnostiquée. On n'entend pas parler du lupus et les médecins ne nous disent rien.
Informateur, Halifax
En Nouvelle-Écosse, on préconise le dépistage, particulièrement chez les femmes enceintes. Mais il n'y a ni recherche, ni service, ni diagnostic.
Cancer
Cancer du sein
D'après la moitié des informateurs consultés dans le cadre de l'étude, le cancer du sein a des conséquences graves ou extrêmes sur la communauté noire et des Caraïbes (voir le tableau 1). Selon certains, l'incidence du cancer du sein est élevée chez les femmes noires. Parmi les facteurs qui y contribuent, on retrouve le tabagisme et le stress.
En Nouvelle-Écosse, une unité mobile offre des services de dépistage à la communauté noire de Halifax par le biais d'une clinique pour les femmes située à East Preston. Malgré le fait que cette clinique ait été « bien accueillie », « beaucoup de femmes noires ne se présentent pas aux examens de dépistage parce qu'elles ne veulent pas qu'on les touche ». La modestie les empêche de montrer leur poitrine à des étrangers. Elles sont également réticentes à discuter de questions personnelles avec des inconnus.
L'incidence du cancer du sein est élevée chez les femmes noires.
Les informateurs soulignent que des jeunes femmes aussi bien que des femmes âgées sont touchées et qu'un grand nombre en meurent. À leur avis, la règle relative au dépistage chez les 50 ans et plus n'est pas appliquée aux femmes de race noire. Selon certains, le cancer du sein « n'est détecté chez les femmes noires qu'à l'état grave puisque ces femmes ne découvrent une tumeur qu'une fois qu'elle est devenue énorme ». Ils s'interrogent donc sur le bien-fondé de se fier aux tumeurs en tant qu'indicateurs précoces. En ce qui a trait au traitement, certains critiquent celui qui est réservé aux femmes noires par les médecins blancs. Il semble, selon eux, que ces dernières doivent se battre à propos de tout et qu'elles ne soient pas correctement aiguillées vers des spécialistes. Un informateur résume la situation en ces mots :
Les femmes noires trouvent difficile de défendre leur cause auprès d'un système qu'elles ne comprennent pas et qui ne les comprend pas. Elles finissent par s'en éloigner.
Informateur, Hamilton
Certains informateurs soulignent de façon particulière le manque de compréhension de la physiologie des femmes noires lorsqu'il est question de radiothérapie ainsi que de la tendance de ces dernières à développer de grosses tumeurs. Selon eux, la science ne comprend pas l'influence de ces facteurs et il faudrait mener une étude sur le cancer du sein et le cancer du col de l'utérus chez les femmes de race noire, de même qu'accroître la sensibilisation et l'information afin de faciliter le dépistage précoce et la formation de groupes de soutien pour les personnes atteintes.
Cancer de la prostate
Quarante-six pour cent des informateurs considèrent que le cancer de la prostate a des conséquences graves ou extrêmes sur la communauté noire et des Caraïbes (voir le tableau 1). Un grand nombre connaissent plusieurs personnes atteintes de ce type de cancer ou qui en sont mortes. Ils soulignent que les stéréotypes entourant la virilité des hommes noirs, de même que leur « ego », leur fierté et une attitude plutôt « macho », les empêchent de subir des examens de la prostate. Selon certains, l'incidence du cancer de la prostate sur les hommes noirs ne fait pas l'objet de recherches suffisantes.
Les informateurs recommandent que les hommes de 18-20 ans se fassent examiner la prostate au lieu d'attendre d'être malades. À l'heure actuelle, « c'est à la personne que revient l'initiative étant donné que ce test ne fait pas partie des examens de routine ».
Une autre recommandation a trait à la nécessité d'informer les Noirs et de les encourager à subir un test de dépistage du cancer de la prostate. Selon certains informateurs, il existe un nouveau test qui ne comporte pas d'examen rectal.
En Nouvelle-Écosse, l'African Men's Health Group de Halifax, mis sur pied dans le but d'informer les hommes noirs sur le cancer de la prostate, a reçu une subvention de la Société canadienne du cancer pour effectuer des démarches de sensibilisation auprès de la Communauté. Le Club Lions de East Preston a pour sa part invité des conférenciers à livrer de l'information sur la maladie.
L'incidence du cancer de la prostate sur les hommes noirs ne fait pas l'objet de recherches suffisantes.
Toxicomanie
Alcoolisme
Selon 68 % des informateurs consultés, l'alcoolisme a des conséquences allant de graves à extrêmes (voir le tableau 1).
J'ai visité le centre de traitement de Windsor. Les hommes et les femmes de race noire sont un des groupes les plus touchés par la maladie.
Informateur, Toronto
Comme le précisent les informateurs, la consommation d'alcool est tolérée au sein de la communauté noire et des Caraïbes. Elle est perçue comme un moyen de socialiser avec les amis et l'abus d'alcool n'est pas considéré comme une maladie. Les informateurs soulignent que « l'abus d'alcool » est un problème qui touche aussi bien les adolescents que les adultes. Même dans la communauté somalienne, où cela est interdit par la religion islamique, les gens boivent ouvertement. On retrouve des « buveurs solitaires » au sein de la communauté noire et des Caraïbes, surtout chez les hommes de 50 ans et plus. Le problème est attribué à la frustration liée au fait « d'être très scolarisé et de se retrouver au chômage ou sous-employé ». L'alcool est utilisé comme mécanisme d'adaptation. L'alcoolisme est également perçu comme une « maladie cachée » chez les femmes noires. Les informateurs soulignent également les répercussions méconnues de la maladie sur la vie familiale.
Narcomanie
La narcomanie est considérée comme une préoccupation grave ou extrême par 61 % des informateurs clés (voir le tableau 1). Elle englobe la consommation de marijuana, de hachisch, de crack, de cocaïne et de médicaments d'ordonnance. Beaucoup d'informateurs ont aussi parlé du khat ,ou miraa , une sorte de feuille de tabac que mâchent les Somaliens.
Selon les informateurs, les jeunes des écoles et universités consomment de la marijuana. « Ils fument tous les jours, considérant la marijuana comme une herbe bonne pour leur santé. » Les jeunes adultes (18 à 35 ans) et les membres d'âge moyen de la Communauté consomment plutôt du crack et de la cocaïne. On retrouve parmi ces personnes les femmes de 20 à 50 ans dont la dépendance demeure cachée. Les informateurs soulignent la nécessité de diffuser de l'information sur les effets nuisibles des drogues, y compris du khat .
Les informateurs soulignent la nécessité de diffuser de l'information sur les effets nuisibles des drogues, y compris du Khat.
Tabagisme
Selon la moitié des informateurs, le tabagisme pose un problème grave ou extrême au sein de la Communauté (voir le tableau 1). Il touche les jeunes, parfois à peine âgés de 12 ans, les personnes âgées, les hommes et les femmes, y compris les femmes enceintes. Le tabagisme est accepté socialement et n'est pas perçu comme un grave problème de santé qui peut provoquer le cancer ou des maladies pulmonaires. Il est considéré comme un moyen de soulager le stress.
Santé mentale
De l'avis de 65 % des informateurs, la dépression a des conséquences allant de graves à extrêmes (voir le tableau 1). Elle touche surtout les hommes et les femmes de 22 à 55 ans, ainsi que les personnes âgées isolées. Elle est attribuée aux possibilités restreintes d'emploi, aux problèmes avec le système scolaire, aux problèmes dans la relation parent-enfant, au choc culturel et aux attentes déçues. Les informateurs font mention d'études des communautés éthiopienne et somalienne selon lesquelles les attentes déçues et la perte du statut comptent parmi les facteurs qui contribuent à l'incidence élevée des problèmes de santé mentale chez les hommes de ces deux populations. Le fait d'avoir à composer avec le racisme au Canada et les répercussions de la guerre ou de la torture contribuent en outre grandement à la dépression au sein de la communauté noire et des Caraïbes.
Selon les informateurs, la dépression n'est pas perçue comme « une affaire de Noirs » et le mot lui-même n'est pas très répandu dans la Communauté. Bon nombre de gens ne sont pas soumis à un diagnostic ou le sont tardivement. Par conséquent, « ils peuvent se retrouver dans un établissement psychiatrique ou à l'urgence ». Les Noirs ayant des problèmes de santé mentale ont aussi tendance à aboutir dans le système criminel et non en traitement. L'une des autres conséquences identifiées de la dépression est « le taux élevé de suicide chez les Éthiopiens, les Érythréens et les Somaliens de sexe masculin. »
La schizophrénie fait également partie des problèmes de santé mentale soulevés par les informateurs (voir le tableau 1), qui mentionnent aussi le manque de professionnels en psychiatrie de race noire. Par ailleurs, les médicaments auraient des effets secondaires désagréables sur les hommes noirs. Le Centre for Addiction, à Toronto, mène actuellement à bien une recherche sur la santé mentale au sein de la communauté éthiopienne. Les informateurs soulignent toutefois l'absence de chercheurs noirs à l'Institut.
Bon nombre de gens ne sont pas diagnostiqués ou le sont tardivement. Par conséquent, « ils peuvent se retrouver dans un établissement psychiatrique ou à l'urgence ». Les Noirs ayant des problèmes de santé mentale ont aussi tendance à aboutir dans le système criminel et non en traitement.
Incapacités
Selon les informateurs, les incapacités physiques ont une incidence faible à modérée sur la communauté noire et des Caraïbes (voir le tableau 1). Les aînés de la Communauté semblent être les plus touchés par des pertes de vision ou d'audition causées par le vieillissement ou par des complications liées au diabète. Certaines incapacités découlent aussi de blessures professionnelles et d'accidents d'automobile.
Les informateurs croient qu'au sein de la Communauté, bien des personnes ayant une incapacité n'ont pas les moyens de s'offrir un fauteuil roulant ou d'autres types d'aides. Il arrive que les familles renvoient leurs enfants ayant une incapacité dans leur pays d'origine parce qu'elles ont de la difficulté à s'occuper d'eux au Canada. Certains organismes communautaires, comme Women's Health in Women's Hands, de Toronto, ciblent les personnes ayant une incapacité physique, mais la Communauté n'a pas accès aux ressources des organismes nationaux bénévoles.
Soixante-trois pour cent des informateurs estiment que les troubles d'apprentissage ont des conséquences graves ou extrêmes sur la communauté noire et des Caraïbes (voir le tableau 1). Ils s'inquiètent de l'étiquette de personne en difficulté d'apprentissage donnée aux enfants noirs.
Selon eux, une bonne partie du problème est causée par le racisme et l'interprétation culturelle fautive des comportements. Il arrive aussi que les troubles d'apprentissage ne soient pas décelés en raison des postulats entourant les aptitudes des enfants noirs. Les informateurs soulignent en outre qu'en cas de difficultés telles la dyslexie ou un trouble déficitaire de l'attention, les parents ne reçoivent ni information, ni soutien.
La Communauté n'a pas accès aux ressources des organismes nationaux bénévoles.
Grossesse
La moitié des informateurs sont d'avis que les problèmes entourant la grossesse et l'accouchement ont une incidence grave ou extrême sur la Communauté (voir le tableau 1). Selon ceux de l'Ontario, beaucoup de femmes de la Communauté ont tendance à ne pas prendre les soins prénatals ou postnatals au sérieux, particulièrement s'il ne s'agit pas de leur premier enfant. De plus, il semble que les cours de préparation à l'accouchement ne soient pas adaptés à la culture. Les informateurs font état de problèmes d'insuffisance de poids du nourrisson à la naissance et de décès de la mère de toxémie.
Les informateurs soulignent qu'en raison du manque de sensibilisation aux réalités culturelles, les femmes noires vivent de mauvaises expériences au moment de l'accouchement. Ils parlent plus précisément de professionnels de la santé qui ne tiennent pas compte de la douleur ressentie par les patientes lors des procédures courantes entourant l'accouchement, en les préparant par exemple pour une perfusion intraveineuse ou en recousant des tissus déchirés. Les informateurs attribuent ce manque de sensibilité aux croyances des professionnels de la santé selon lesquelles la peau noire est « résistante » et les Africaines accouchent sans douleur et connaissent intuitivement le processus de la naissance. Par conséquent, il arrive souvent qu'on ne leur donne ni d'explications sur l'accouchement proprement dit, ni la possibilité de poser des questions sur les soins postnatals.
Les informateurs se préoccupent de l'approche à adopter avec les femmes africaines ayant subi une excision ou une mutilation des organes génitaux (MGF). Selon eux, c'est le cas de 90 % des Somaliennes, des Éthiopiennes et des Soudanaises. Or les professionnels de la santé du Canada n'ont pas d'expérience dans la prestation de soins à ces femmes aux organes génitaux mutilés. Les informateurs s'inquiètent notamment du grand nombre de césariennes pratiquées sur des femmes qui avaient déjà accouché de façon naturelle dans leur pays d'origine. Women's Health in Women's Hands, un organisme communautaire, a conçu un dépliant afin d'informer les professionnels de la santé sur la façon de dispenser des soins aux femmes enceintes ayant subi une MGF.
La moitié des informateurs sont d'avis que les problèmes entourant la grossesse et l'accouchement ont une incidence grave ou extrême sur la Communauté.
Questions d'accès aux soins
Il ressort des consultations que bon nombre d'établissements et d'organismes n'offrent pas à la communauté noire et des Caraïbes des soins adaptés à sa culture. D'après les informateurs, la population noire est la moins bien servie au sein du système de santé.
Hôpitaux
La plupart des informateurs rapportent que de façon générale, les hôpitaux de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse font peu d'efforts pour rejoindre la communauté noire et des Caraïbes.
Selon eux, la majeure partie des hôpitaux ne dispense des services appropriés que lorsque les patients ou leurs proches l'exigent. Les informateurs expriment des réserves au sujet de l'habitude d'avoir recours à des enfants comme interprètes.
Les hôpitaux dotés de conseils consultatifs communautaires et d'effectifs provenant de divers groupes ethniques sont plus sensibles aux réalités culturelles. Certains ont assoupli leur politique afin d'autoriser les visites de membres de la famille élargie. Le manque de compréhension des cultures noires demeure toutefois problématique.
Centres de santé
Selon les informateurs de Halifax, un seul centre de santé offre aux Noirs des soins adaptés à leur culture. À Windsor, aucun service n'est destiné précisément aux Noirs de la région, bien que le centre de santé desserve les familles à faible revenu et les adolescents du quartier de la ville où est concentrée la population noire. À Toronto, plusieurs centres de santé dispensent des soins adaptés à la culture. Les informateurs soulignent que si de tels services sont assurés, c'est parce que des Noirs font partie du conseil d'administration ou des effectifs des organismes en cause.
Certains informateurs soulignent le fait que la communauté autochtone, dont le profil de santé est similaire à celui de la communauté noire et des Caraïbes, a reçu des fonds pour ouvrir en régions urbaines des centres de santé qui répondent à ses besoins. Ce financement couvre les frais de mise sur pied et de fonctionnement des centres.
La communauté autochtone, dont le profil de santé est similaire à celui de la communauté noire et des Caraïbes, a reçu des fonds pour ouvrir en régions urbaines des centres de santé qui répondent àa ses besoins.
Organismes bénévoles
D'après les informateurs, quelques organismes nationaux bénévoles interviennent directement auprès de la communauté noire et des Caraïbes. Ainsi, en Nouvelle-Écosse, la Société canadienne du cancer a traduit certaines de ses publications en langue éthiopienne et a conçu des brochures représentatives d'un éventail de groupes. L'African Men's Support Group, à Halifax, a par ailleurs reçu des fonds de la Société canadienne du cancer pour diffuser de l'information sur le cancer de la prostate. Un certain travail se fait également du côté de la Société canadienne de l'ouïe et de Centraide.
Plusieurs organismes communautaires bénévoles de la Nouvelle-Écosse et de l'Ontario sont actifs au sein de la Communauté. Avec un budget restreint, ils organisent des conférences sur l'accès aux soins de santé, interviennent auprès de la Communauté, prônent la reconnaissance des titres de compétence des professionnels de la santé qualifiés de l'étranger, effectuent des recherches sur certains problèmes de santé précis et tiennent des cliniques sur diverses questions de santé.
Mesures à venir
Les informateurs ont suggéré que les dispensateurs de soins de santé prennent des mesures pour rendre leurs services plus accessibles, insistant sur la nécessité d'effectuer des recherches dans le but de fournir des données précises aux décideurs. Ils ont aussi formulé des suggestions entourant la sensibilisation et la formation des professionnels de la santé au sujet de la communauté noire et des Caraïbes, de même que la mise sur pied d'initiatives visant à informer cette dernière. Ils ont présenté des recommandations au sujet des types de politiques, de formation et de renforcement des compétences qui s'avèrent nécessaires pour établir le fondement d'une communauté en santé.
Questions d'accès
Ils ne peuvent pas maintenir les mêmes programmes alors que la population change.
Informateur, Toronto
Les informateurs considèrent que l'accès aux services de santé est un besoin dont la réponse nécessite l'intervention des dispensateurs de soins et suggèrent entre autres ce qui suit :
- accroître la représentativité des Noirs au sein du personnel en embauchant davantage de professionnels de la santé de la communauté noire et des Caraïbes;
- permettre aux médecins en provenance de l'Afrique et des Caraïbes de se recycler en vue de pratiquer au Canada au lieu de déménager aux États-Unis, où ils sont autorisés à exercer;
- apprendre à connaître la communauté noire et des Caraïbes de chaque zone desservie;
- intervenir directement auprès de la
- Communauté en passant par les institutions en place, comme les lieux de culte, où elle se rassemble;
- dispenser aux membres de la Communauté des traitements et des services qui tiennent compte de leurs besoins;
- offrir les services de santé dans les secteurs où vivent et travaillent les membres de la communauté noire et des Caraïbes.
Selon les informateurs, les jeunes et les adultes de la Communauté ont besoin des services suivants :
- Les adolescents et les jeunes de la Communauté ont besoin d'avoir accès à des services de contrôle des naissances, d'hygiène et de mentorat. Les jeunes femmes ont aussi besoin de services d'avortement et de garde d'enfants;
- Les adultes des deux sexes semblent avoir besoin de services de santé mentale et de counseling sur la violence familiale. Les hommes adultes auraient également besoin de services de counseling sur les relations et les valeurs familiales. Quant aux besoins particuliers des femmes, ils incluent le dépistage du cancer du sein, le traitement du lupus et la consultation pour dépression post-natale;
- On recommande expressément la mise sur pied d'institutions et de services de soins prolongés pour les aînés de la Communauté.
Les informateurs considèrent que l'accès aux services de santé est un besoin qui nécessite une intervention.
Recherche
D'après les informateurs consultés dans le cadre de l'étude, il y aurait lieu d'adopter une approche globale vis-à-vis de la recherche sur l'état de santé de la communauté canadienne noire et des Caraïbes. La recherche devrait prévoir :
- la collecte de données visant à démontrer le besoin à l'aide de faits et de statistiques sur les maladies et problèmes de santé;
- la détermination et l'explication des lacunes en matière de services;
- l'examen des répercussions du racisme sur la santé des membres de la Communauté.
Les informateurs ont insisté sur la nécessité de financer adéquatement la recherche et de faire appel à des chercheurs noirs. À l'heure actuelle, « on finance des groupes de Blancs pour qu'ils fassent des recherches sur les Noirs » (Informateur, Halifax). Le Congress of Black Women constitue une exception; il a reçu une petite subvention pour effectuer une enquête sur les questions de santé auprès des ménages de Halifax.
Il y aurait lieu d'adopter une approche globale vis-à-vis de la recherche sur l'état de santé de la communauté canadienne noire et des Caraïbes.
Éducation
Tout au long des consultations, les informateurs ont souligné la nécessité d'informer et de sensibiliser les dispensateurs de soins de santé et de renseigner la Communauté. Ils suggèrent que le processus commence par les étudiants en santé.
On pourrait organiser à l'intention des étudiants des ateliers sur la culture et le contexte social de la communauté noire et des Caraïbes. Le personnel des organismes de soins de santé devrait également être sensibilisé à la culture de la Communauté.
Organismes de soins de santé
Selon les informateurs, il est nécessaire que les organismes de soins de santé connaissent les caractéristiques démographiques, la culture et les besoins en matière de santé de la communauté noire et des Caraïbes. Ils suggèrent que l'on effectue des recherches pour s'assurer de fournir de l'information exacte sur la Communauté.
L'information relative aux caractéristiques démographiques devrait inclure les points suivants :
- données démographiques;
- emploi, chômage et sous-emploi;
- niveau de vie;
- réalisations et succès.
L'information relative à la culture devrait inclure les points suivants :
- valeurs;
- style de vie;
- mythes, croyances et tabous;
- terminologie liée à la maladie;
- interprétations de la maladie;
- habitudes alimentaires;
- valeur nutritive des aliments traditionnels.
Quant à l'information relative à la santé de la Communauté fournie aux organismes de soins de santé, elle devrait inclure les points suivants :
- questions propres à la Communauté;
- information sur les problèmes de santé particuliers à la Communauté, comme l'anémie à hématies falciformes;
- information sur les problèmes de santé généraux qui ont une grande incidence sur la Communauté, comme le diabète et l'hypertension;
- différentes réactions physiologiques aux médicaments et à d'autres traitements comme la radiothérapie;
- obstacles à l'accès de la Communauté aux services de santé.
Ils suggèrent en outre la mise sur pied d'un comité consultatif chargé de conseiller Santé Canada sur ce qui s'avère nécessaire au moment de concevoir et de mettre en œuvre des programmes pour la communauté noire et des Caraïbes.
Démarches auprès de la Communauté
Selon les informateurs, les dispensateurs de soins de santé devraient sensibiliser et informer la communauté noire et des Caraïbes par les moyens suivants :
- traduire des brochures et divers documents dans d'autres langues;
- mettre en branle des programmes visant à informer la Communauté sur les questions de santé-àce propos, on a suggéré d'utiliser une approche similaire à celle du Bureau de lutte contre le sida et de former des membres de la Communauté aux prises avec un problème particulier afin qu'ils fournissent de l'information sur le sujet;
- organiser chaque mois des ateliers ou des séances d'information à l'intention des membres de la Communauté et les annoncer dans les médias communautaires;
- donner de l'information sur la santé dans les écoles;
- faciliter la formation de groupes de soutien au sein desquels les gens se sentent libres de discuter ouvertement de santé avec les membres de leur communauté.
Les informateurs sont en outre d'avis qu'il y a lieu de fournir aux jeunes et aux adultes de la Communauté de l'information précise sur :
- la nutrition et les choix de vie sains;
- les approches holistiques vis-à-vis de la médecine;
- l'assurance-médicaments;
- les cliniques sans rendez-vous pratiquant des examens physiques complets;
- la stérilité causée par l'avortement;
- les renseignements médicaux simplifiés.
En outre, les informateurs suggèrent d'informer les femmes sur la façon de composer avec les maladies chroniques et les conséquences de la mutilation des organes génitaux ou de l'excision.
Mettre en branle des programmes visant à informer la Communauté sur les questions de santé.
Politiques
En ce qui a trait aux politiques, les informateurs prônent :
- l'envoi par Santé Canada d'une directive demandant aux organismes de santé qui en reçoivent du financement de faire en sorte d'éliminer les barrières systémiques et d'intégrer à leurs services les besoins de la communauté noire et des Caraïbes;
- la mise en place d'une structure de financement qui tienne compte des besoins de la Communauté;
- l'élaboration d'un vaste plan d'action touchant la santé au sein de la communauté noire et des Caraïbes.
Mettre en place une structure de financement qui tienne compte des besoins de la Communauté.
Renforcement de la capacité
Stratégie nationale
Les informateurs consultés au cours de la présente étude sont d'avis qu'il est nécessaire d'adopter une stratégie nationale reposant sur les priorités définies en matière de santé au sein de la communauté noire et des Caraïbes. Selon eux, cette stratégie nationale devrait tenir compte de ce qui a été fait et de ce qu'il y a lieu de faire pour renforcer la capacité des organismes qui desservent déjà la Communauté. Ils croient que l'élaboration d'une stratégie qui intègre les besoins en matière de santé de la communauté noire et des Caraïbes nécessiterait un engagement à long terme de Santé Canada ainsi que la participation de la Communauté au processus décisionnel.
Adopter une stratégie nationale reposant sur les priorités définies en matière de santé au sein de la Communauté.
Centre de gestion de la santé
Les informateurs recommandent la création d'un centre ayant pour mandat :
- de mener à bien des recherches sur les soins de santé destinés à la communauté noire et des Caraïbes et d'en communiquer le fruit;
- de recueillir et de diffuser de l'information provenant de sources communautaires de tout le Canada;
- de créer et tenir à jour un répertoire des professionnels en soins de santé de la Communauté, afin de faciliter l'accès à leurs compétences;
- de concevoir de l'information sur la santé à l'intention de la Communauté et d'en coordonner la diffusion;
- de créer des partenariats avec les organismes de santé et les gouvernements;
- de concevoir une formation adaptée à la culture pour les dispensateurs de services de santé;
- de défendre les intérêts de la communauté noire et des Caraïbes en ce qui a trait aux questions de santé.
Responsabilisation de la Communauté
Les informateurs recommandent d'accroître la sensibilisation et l'information sur les questions de santé au sein de la communauté noire et des Caraïbes. Ils soulignent le fait que les membres de la Communauté doivent prendre en charge leur propre santé et en assumer la responsabilité. Les approches qu'ils suggèrent vis-à-vis de l'information sur la santé sont les suivantes :
- Avoir recours à des personnes ayant une large influence sur la Communauté pour lui diffuser l'information (p.ex., les chefs religieux);
- Effectuer les démarches d'information et de sensibilisation là où les gens se rassemblent;
- Donner une formation à des personnes aux prises avec certains problèmes de santé particuliers afin qu'elles puissent en parler à la Communauté.
Les informateurs suggèrent en outre que l'on s'efforce d'encourager les membres de la Communauté à faire carrière dans la santé, que ce soit en augmentant le nombre d'inscription dans les écoles de médecine ou en utilisant des modèles de rôle noirs ou des Caraïbes pour illustrer les possibilités qui s'offrent.
Les informateurs recommandent d'accroître la sensibilisation et l'information sur les questions de santé au sein de la Communauté.
Conclusions et recommandations
L'analyse documentaire et les consultations avec des informateurs clés de la communauté noire et des Caraïbes ont mis en lumière quantité de lacunes sur le plan des services et de l'information qui se répercutent sur la santé des membres de la Communauté. L'étude montre également que cette dernière est exposée aussi bien aux problèmes de santé qui lui sont propres qu'à d'autres plus généraux. En outre, ilyades lacunes aux chapitres de l'accès aux services de santé, de la prestation d'information, de l'inclusion dans la recherche et de la réalisation de recherches axées précisément sur la Communauté.
Les recommandations de l'étude mettent l'accent sur des solutions stratégiques qui misent sur les ressources communautaires et qui abordent la question du financement requis pour soutenir la mise en place de programmes et de projets efficaces, adaptés aux besoins et bien coordonnés.
Conclusions
Déterminants de la santé
D'après les conclusions de l'étude, le stress accroît grandement les risques pour la santé au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes. La discrimination sous toutes ses formes systémique, flagrante ou voilée - compte parmi les principales sources de stress. Les problèmes avec le système scolaire et les conflits parent-enfant causent par ailleurs du stress aux parents et aux enfants. Le sous-emploi compte tenu du niveau de scolarité et de l'expérience de la personne occasionne du stress aux hommes et aux femmes adultes concernés. Quant aux aînés, qui doivent s'adapter au fait qu'ils ne sont plus les chefs du ménage, ils se retrouvent souvent isolés. Tous ces facteurs ajoutent au stress, qui est reconnu comme un important facteur de causalité dans la maladie mentale et les autres types de maladie.
Les données de Statistique Canada (voir le point 1.1) montrent clairement la position désavantageuse dans laquelle se trouvent les membres de la communauté noire et des Caraïbes par rapport aux autres communautés de minorité raciale et à l'ensemble de la population canadienne. La santé de la Communauté est particulièrement affectée par le grand nombre de familles monoparentales qui se débrouillent sans le soutien de la famille élargie. Cette situation résulte principalement des tendances entourant l'immigration en provenance des Caraïbes et de l'Afrique. Les écrits consultés aussi bien les informateurs clés abordent cette question et ses conséquences sur la santé et l'accès aux soins de santé.
L'impact sur la santé de la position économique désavantageuse des membres de la Communauté est aggravé par la discrimination systémique qui règne au sein des établissements et des services de santé, qui négligent d'en reconnaître les caractéristiques physiques et culturelles uniques. En mettant l'accent sur l'aspect linguistique des soins de santé offerts aux communautés multiculturelles, on a également tendance à ne pas tenir compte des besoins de la communauté noire et des Caraïbes.
Ne connaissant pas suffisamment le système de santé du Canada, les membres de la Communauté ne l'utilisent pas de la façon la plus efficace possible. Cette sous-utilisation du système s'explique aussi en partie par la tendance à se fier aux remèdes maison et à ne faire appel aux services médicaux qu'en cas de maladie grave.
Le fait que l'influence des croyances spirituelles sur les approches en matière de prévention et de traitement soit soulignée dans les écrits et qu'elle ait été mentionnée lors des consultations indique la nécessité d'en tenir compte au moment de concevoir des projets en soins de santé. Il y a lieu également de diffuser de l'information sur la santé afin de corriger les croyances erronées entourant les causes de la maladie.
Des organismes communautaires ont été créés dans le but de répondre aux besoins de la communauté noire et des Caraïbes, mais il leur est difficile d'intervenir efficacement étant donné qu'ils ne disposent pas des ressources financières et autres qui leur permettraient de mettre en place l'infrastructure nécessaire pour mieux servir la Communauté.
État de santé
Selon les informateurs et les documents consultés, les principaux risques pour la santé auxquels est exposée la Communauté sont le diabète, l'hypertension, l'arthrite, les troubles d'apprentissage, la dépression et les problèmes connexes de santé mentale, l'alcoolisme et la narcomanie, les maladies cardiovasculaires et le cancer. En ce qui a trait au VIH/sida, les écrits font état de l'avènement d'une crise majeure au sein de la communauté noire et des Caraïbes, mais moins de 50 % des informateurs considèrent que ce problème y a des répercussions graves ou extrêmes. La santé mentale pose un défi particulier compte tenu du fait qu'elle est liée aux problèmes du racisme, de la discrimination et du manque d'opportunités. L'analyse documentaire et les consultations mettent également en lumière certains diagnostics tendancieux ainsi que l'administration de traitements inappropriés. La dépression semble être un phénomène répandu qui touche les personnes de tous les âges et des deux sexes. Les incapacités ont tendance à être liées aux effets du diabète sur la vue et la mobilité. Il y a pénurie d'information détaillée sur la prévalence de ces problèmes de santé au sein de la Communauté. On considère que le stress est un facteur de causalité dans tous les cas. Le régime alimentaire joue par ailleurs un grand rôle dans le diabète, l'hypertension et l'arthrite. Il s'avère nécessaire de diffuser de l'information sur la prévention et le traitement de tous les problèmes reconnus.
La Communauté est également exposée aux troubles qui affectent les personnes originaires de l'Afrique, comme l'anémie à hématies falciformes et le lupus. Néanmoins, les professionnels de la santé n'utilisent pas de façon systématique les protocoles de dépistage et de traitement.
Accès aux soins et diffusion d'information
Les écrits portant sur la santé multiculturelle renvoient fréquemment au fait que bien des communautés ethniques n'ont pas suffisamment accès aux soins de santé. Les consultations menées nous ont toutefois permis de recueillir de l'information précise sur l'accès aux soins par les membres de la communauté noire et des Caraïbes. Selon les informateurs, il s'agit du groupe le plus mal servi du système de santé. Les hôpitaux, sauf exception, ne font rien pour répondre aux besoins de la Communauté en matière d'information et de services. Les centres de santé, particulièrement à Toronto, semblent s'y employer davantage. Quant aux organismes bénévoles, ils ne font qu'amorcer leur intervention directe auprès de la Communauté.
La discrimination systémique entrave sérieusement l'accès et la diffusion d'information. Au sein des organismes de santé, elle se reflète dans l'habitude de ne pas tenir compte des caractéristiques culturelles ou physiques des personnes noires et des Caraïbes, d'exclure les membres de la Communauté des postes décisionnels et de donner une faible priorité aux problèmes de santé propres à la Communauté. Cela se manifeste aussi dans la recherche et les essais de médicaments, qui ne font appel à aucun échantillon substantiel de la population noire et des Caraïbes.
Au cours des consultations, les informateurs ont indiqué la nécessité d'accroître l'information et la sensibilisation de la Communauté sur le régime alimentaire, le système de santé, les maladies chroniques, le cancer, l'accouchement, le VIH/sida, la toxicomanie et la santé mentale. En matière de services, les besoins se situent no tamment au niveau du dépistage du trait drépanocytaire et des services aux aînés.
Les écrits et les consultations mettent en lumière la nécessité d'éduquer et de former les professionnels de la santé sur la culture, les caractéristiques physiques et les problèmes de santé particuliers de la population noire et des Caraïbes.
Politiques et renforcement de la capacité
D'après les consultations avec les particuliers et les représentants d'organismes, il semble y avoir des lacunes sur le plan des politiques liées aux besoins en matière de santé de la communauté noire et des Caraïbes. Il y a lieu d'adopter des politiques afin d'éliminer la discrimination systémique et de répondre aux besoins de la Communauté. Il faut aussi adopter une stratégie nationale qui reflète les priorités de la Communauté en matière de santé, de même qu'un mécanisme d'application de cette stratégie. Pour concevoir un tel véhicule, il faudra renforcer la capacité d'un organisme communautaire afin qu'il devienne partenaire des organismes de soins de santé et intervienne directement auprès de la Communauté.
Mesures à venir
La présente étude a permis de cerner un large éventail de questions de santé qui touchent la communauté noire et des Caraïbes. Les mesures qui suivent sont suggérées dans le but de régler ces questions.
- Effectuer des recherches qualitatives et quantitatives sur les caractéristiques démographiques de la population ainsi que sur les prérequis socio-environnementaux, l'état de santé au sein de la Communauté et les besoins en matière de programmes et de services;
- Mettre sur pied des réseaux de collaboration et établir un inventaire des compétences ainsi qu'une base de données de recherche propres à la Communauté;
- Fournir de l'information aux professionnels de la santé sur la culture, les croyances et les valeurs de la population noire et des Caraïbes qu'ils desservent;
- Accroître la représentation des Noirs dans le secteur de la santé;
- Effectuer des démarches adaptées à la culture afin de sensibiliser et d'informer davantage les gens sur la prévention et le traitement des problèmes de santé;
- Inclure des membres de la Communauté dans le processus de décision stratégique;
- Renforcer les capacités de la Communauté grâce à la responsabilisation et aux soutiens institutionnels.
Recommandations
Les recommandations qui suivent reposent sur les conclusions de l'analyse documentaire effectuée et des consultations tenues auprès d'informateurs clés de la communauté noire et des Caraïbes.
Élaboration de politiques
1. Assurer la participation de la communauté noire et des Caraïbes au processus d'élaboration des politiques en matière de santé, ce qui :
- pourrait inclure la définition des enjeux stratégiques, l'examen des politiques en vigueur et l'évaluation des politiques;
- nécessiterait la mise en place d'un mécanisme de consultation pour faciliter le processus.
Renforcement de la capacité
1. Renforcer la capacité des organismes de la communauté noire et des Caraïbes, afin de les rendre plus aptes à répondre de façon efficace et coordonnée aux besoins de la Communauté. Les organismes ainsi renforcés seraient mieux en mesure de collaborer aux initiatives visant à améliorer la santé des membres de la Communauté. Cela accroîtrait la viabilité des initiatives et nécessiterait :
- la prestation d'une aide au secteur communautaire pour l'établissement de relations efficaces et à long terme avec les autres organismes de santé;
- la prestation d'aide pour le renforcement de la capacité organisationnelle et institutionnelle d'organismes en mesure d'intervenir au nom de la Communauté et de faciliter la diffusion d'information sur la santé;
- la prestation d'aide en vue d'accroître la capacité de la Communauté à :
- mener à bien des recherches et en diffuser les résultats,
- recueillir l'information et la diffuser aux particuliers et aux familles,
- faciliter l'accès aux compétences spécialisées en créant et en tenant à jour un répertoire des professionnels de la santé de la communauté noire et des Caraïbes,
- concevoir et coordonner des programmes d'éducation en matière de santé pour la Communauté,
- concevoir une formation adaptée à la culture pour les professionnels de la santé,
- intervenir sur les questions liées à la santé de la communauté noire et des Caraïbes;
- l'encouragement des organismes bénévoles de santé à conclure des partenariats avec des organismes de la communauté noire et des Caraïbes.
Mise sur pied de projets
1. Fournir du soutien et des ressources aux organismes afin de les aider à mettre en branle des projets locaux qui soient conformes aux priorités en matière de santé de la communauté noire et des Caraïbes :
- projets prévoyant des méthodes et des mécanismes qui permettent de fournir de l'information quantitative et qualitative sur la santé et les questions connexes à la communauté noire et des Caraïbes;
- projets portant sur la prestation des services de santé à la communauté noire et des Caraïbes;
- projets qui permettent de rejoindre la communauté noire et des Caraïbes afin de l'informer sur la santé et de la sensibiliser davantage aux questions de la prévention, du traitement et de l'accès au système de santé;
- projets qui fassent mieux connaître aux professionnels de la santé les croyances de la communauté noire et des Caraïbes en matière de santé, les caractéristiques physiques des Noirs et les protocoles de traitement des problèmes particuliers de cette communauté;
- projets qui permettent de sensibiliser davantage les écoles aux problèmes de santé susceptibles d'affecter l'aptitude à apprendre des enfants de la communauté noire et des Caraïbes, comme l'anémie à hématies falciformes ou l'effet du manque d'oxygène sur la mémoire;
- projets qui abordent les problèmes de santé émergents, comme le VIH/sida, l'asthme, les maladies cardiovasculaires et AVC et les maladies transmises sexuellement, en tenant compte de la communauté noire et des Caraïbes;
- projets qui favorisent la collaboration et l'établissement de relations dans le but d'effectuer des recherches, de concevoir des approches en matière de prévention et de traitement tenant compte des différences culturelles et d'améliorer l'accès aux ressources disponibles;
- projets qui permettent de définir et de développer les meilleures pratiques dans les domaines suivants : nutrition adaptée à la culture, valeur nutritive des aliments de l'Afrique et des Caraïbes, régimes pour la population noire et des Caraïbes et révision du Guide alimentaire canadien pour tenir compte de la diversité culturelle du Canada;
- projets liés aux méthodes de dépistage et de prévention du cancer du sein et du col de l'utérus, compte tenu de l'inefficacité des pratiques actuelles;
- projets visant à concevoir des méthodes de dépistage et des traitements appropriés pour les autres problèmes de santé physique et mentale de la Communauté;
- projets qui améliorent la relation entre la Communauté et les principaux organismes de santé dans le but de faciliter sa participation aux décisions.
Intervention
1. Accorder à un organisme le financement nécessaire pour accroître sa capacité organisationnelle à intervenir au nom de la Communauté :
- en défendant ses intérêts et ses opinions;
- en lui fournissant une plate-forme nationale;
- en se mettant en rapport avec les autres parties intéressées et communautés du Canada;
- en mobilisant la participation et l'intervention au chapitre de la santé au sein de la communauté noire et des Caraïbes.
Bibliographie
Projet sur la promotion de la santé et la diffusion d'information au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes
La présente bibliographie renferme des ouvrages sur les questions de santé qui touchent la communauté canadienne noire et des Caraïbes. Elle contient des sources canadiennes pour la période de 1990 à 2000, de même que des sources pertinentes de la fin des années 1980. Les sujets abordés sont notamment la santé multiculturelle, les croyances et valeurs culturelles, les facteurs de risque sociaux et les problèmes de santé de la Communauté.
Santé multiculturelle
Les publications que renferme cette partie portent sur les questions de santé multiculturelle qui touchent la communauté noire et des Caraïbes.
- Fondation de la recherche sur la toxicomanie. Ethnicity: Issues for alcohol and drug abuse, prevention and treatment. Bibliographie disponible à l'adresse www.arf.org. Mise à jour en décembre 1997
- Bhayana, Hhooma. « Healthshock ». Dans Women
- Health Sharing, Enakshi Dua, Maureen Fitzgerald, Linda Gardner, Darien Taylor et Lisa Wyndels, éds. Publié par Women's Press. 1994
- Bhimani, Rafiq et Sonia Acorn. « Managing within a culturally diverse environment ». L'Infirmière canadienne 94(8) 32-34. Septembre 1998
- Davis, Christine. A study of barriers encountered by members of ethnic minority groups in accessing programs and services for disabled persons. Office des personnes handicapées. 1990
- Doyle, Robert et Livy A. Visano. « Inequalities within the service delivery systems: A case of cultural insensitivity ». Courants 4(3):3-5. 1987
- Lee, Christina. « Not Quite a Refugee ». Dans
- Women Health Sharing, Enakshi Dua, Maureen Fitzgerald, Linda Gardner, Darien Taylor et Lisa Wyndels, éds. Publié par Women's Press. 1994
- Multiculturalism, Aging and Seniors, Ontario
- Network. Multiculturalism, Aging and Seniors. Report of an open forum (1989)
- Murty, Mano. « Healthy living for immigrant women: a health education community outreach program ». Journal de l'Association médicale canadienne, 1998: pp. 385-387
- Ministère des Affaires civiques de l'Ontario. Elder abuse in selected ethnocultural communities in Ontario. 1992
- Peel District Health Council. Cultural diversity and aging workshop report. 1998
- Toronto District Health Council. Long-term care populations in Toronto. 2000
- Vissandjee, Bilkis et al. « Les nouvelles immigrantes et la santé ». L'Infirmière canadienne, avril 1999 (95)4: 35-41
Valeurs et croyances culturelles
Les publications ci-après renferment de l'information sur les valeurs et les croyances relatives à la santé de la population noire et des Caraïbes. Elles donnent un bon aperçu de la façon dont les valeurs familiales, les habitudes alimentaires traditionnelles et les croyances au sujet de l'origine, de la prévention et du traitement des maladies ainsi que de la naissance et la mort influent sur l'utilisation du système de soins de santé du Canada.
- Dapaah-Opoku, Edward. Adaptation of Ghanian Refugees in Toronto. Chercheur universitaire au doctorat, Centre d'études sur les réfugiés, Université York. Toronto : York Lanes Press
(1993) - Dapaah-Opoku, Edward, Somali Refugees in Toronto: A profile. Chercheur universitaire au doctorat, Centre d'études sur les réfugiés, Université York. Toronto : York Lanes Press (1995)
- Glasgow, J, H. et E. Adaskin. « The West Indians ». Dans Cross-cultural Caring: A Handbook for Health Professionals in Western Canada. Nancy Walker Morrison et Elizabeth Richardson (éds.). Vancouver : University of British Columbia Press (1990)
- Kendall, PRW. The Caribbean Community in Toronto. Service de santé publique, Ville de Toronto, Health and Advocacy Section (1989)
Facteurs de risque sociaux et questions d'accès aux soins de santé
Cette partie porte sur les facteurs économiques, sociaux et institutionnels qui influent sur la santé de la communauté noire et des Caraïbes et sur son accès aux soins.
- Doyle, Robert et Livy A. Visano. A time for action: Access to health and social services for members of diverse cultural and racial groups in Metropolitan Toronto (rapports 1 et 2). Social Planning Council of Metropolitan Toronto. 1987
- Fraser, Rose. Building black women's capacity on health. 1997 Issac, Barbara. Exploratory study of health needs in the Black community. Service de santé publique, Ville de Toronto. 1991
- Kendall, PRW. Pilot Study of the health and social needs of the Somali community in Toronto. Service de santé publique, Ville de Toronto. 1992
- Kobayashi, Audrey et Eric Moore. Des enfants immigrants en santé : une analyse démographique et géographique. 1998
- Mathew, Sylvia et Maxine Carter. A non-shelter response to violence: An alternative model. 1997
- Matsuda, Atsuko et Sorenson. « Ethnic identity and social service delivery: Some models examined in relation to immigrants and refugees from Ethiopia ». Revue canadienne de service social 6(2):255-268. Report on the Intercultural community of the Black Community.1991
- McGill Consortium for Ethnicity and Strategic Social Planning. Canadian Black communities demographics project. 1997
- Metropolitan Toronto. Demographic analysis of the African Canadian community in Metropolitan Toronto. 1996 North End Community Health Centre. Our time reclaiming our health: Self-empowerment training for Black women. 1998
- Perrin, Burt. Effets du niveau d'alphabétisme sur la santé des Canadiens et des Canadiennes : étude de profil. Santé Canada, Division de l'élaboration et de la coordination des politiques, Direction générale et la promotion et des programmes de la santé. 1998
- Silvera, Makeda. « Black Women Organize for Health ». Dans Women Health Sharing, Enakshi Dua, Maureen Fitzgerald, Linda Gardner, Darien Taylor et Lisa Wyndels, éds. Publié par Women's Press. 1994
- Simms, Glenda. Aspects of Women's Health. Canada-U.S.A. Women's Health Forum. 1996
- Touch Base. « Fight racism in health care ». Nova Scotia's Multicultural & International News Monthly 2(5), 2000
- Women's College Hospital. « When day and night are reversed: shift work and your health ». Women's Health Matters. 1998
Maladies auto-immunes et génétiques
Les ouvrages ci-après traitent des troubles qui affectent la communauté noire et des Caraïbes et renferment de l'information sur l'accès des membres de la Communauté aux ressources du système de santé du Canada.
- Bureau des services d'information et d'éducation sur le sida. La prévention et l'éducation en matière de SIDA dans les communautés ethnoculturelles : compte rendu des réunions nationales de consultation. Décembre 1989 et janvier 1990
- Bownman, James E. et Robert F. Murray. Genetic variations and disorders in people of African origin. 1990
- La Société de l'anémie à hématies falciformes du Canada. Anémie à hématies falciformes. http://www.familyvilla ge.wise.edu/lib scd.htm
- La Société de l'anémie à hématies falciformes du Canada. L'anémie à hématies falciformes, une maladie à vaincre : informez-vous.
- Lupus Canada. Bulletin. http://www.lupuscanada.org
- Lupus Society of Hamilton. http://www.bestnet.org/~lupus/
- Serjeant, Graham. R. Sickle cell disease. Toronto : Oxford University Press. 1992
- Remis, Robert S. et Elaine P. Whittingham. The HIV/AIDS epidemic among persons from HIV-endemic countries in Ontario, 1981-1998 Situation report. (1999)
- Women's College Hospital. Women's Health Matters 3(10): 1-2. 1997
Maladies chroniques
Les publications ci-dessous renferment de l'information sur l'incidence de maladies chroniques comme le diabète, l'hypertension, les maladies cardiovasculaires et AVC, sur la communauté noire et des Caraïbes.
- Association canadienne du diabète. Information sur le diabète. http://www.diabetes.ca
- Fondation des maladies du coeur du Canada. Information et recherche sur les maladies du coeur et les AVC. http://www.hsf.ca
- Fondation des maladies du coeur du Canada. Les maladies du coeur et les accidents vasculaires cérébraux chez les femmes. 1990
- Pride. Caribbean chapter of the Canadian Diabetes Association now a reality. 2000
- Pride. Suffering from diabetes? Help is on the horizon. 2000
- Weksler, Marc E. « Obesity and diabetes: research points to genetic connection ». Geriatrics 52 (2):57-64. 1997
Cancer
Les publications suivantes traitent du cancer du sein et de la prostate au sein de la communauté des Caraïbes, de même que de l'accès de la Communauté aux soins de santé connexes.
- Black Women's Health Program. Breast cancer action Nova Scotia: Bridging the gaps. 1997
- Bottorff, Joan L. et al. « Breast health practices and South Asian women ». L'Infirmière canadienne, 95 (9): 24-27. 1999
- Société canadienne du cancer. http://www.cancer.ca
Santé mentale
La présente partie traite des problèmes de santé mentale, tels les troubles psychologiques et la toxicomanie, au sein de la communauté noire et des Caraïbes. Les publications examinées mettent en lumière les questions culturelles et raciales relatives au diagnostic et à l'accès au traitement.
- Across Boundaries: An ethnoracial mental health centre http://www.web.net/~acbound/
- Alexander Sharon, 1990. « Norms and Differences of Cultural Groups in Drug Abuse Education ». Substance Abuse Curriculum Resources: Concepts. Sharon Alexander, éd., p. 323-338. Victoria, C.-B.
- Association canadienne pour la santé mentale, Handbook on Cross-Cultural Counselling. 1995
- Groupe canadien chargé d'étudier les problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés. Puis, la porte s'est ouverte : problèmes de santé mentale des immigrants et des réfugiés. 1988
- Centre de toxicomanie et de santé mentale. Needs assessment for Ethiopian immigrants in Toronto. Haile Fenta, coordonnateur de la recherche. 1999
- Centre de toxicomanie et de santé mentale. Pathways and barriers to mental health care for Ethiopian immigrants in Toronto. Haile Fenta, coordonnateur de la recherche. 2000
- Halton-Peel District Health Council. The Halton-Peel Addiction Treatment Plan for Integrated Services. 1999
- Louden, Delroy. The epidemiology of depressive symptomatology and parental bonding in West Indian adolescents. Thèse inédite. 1991
- Paniagua, Freddy. Assessing and treating culturally diverse clients. Sage Publications. 1998.
- Stanley, Sue. « Ethnicity and mental health: Research and policy issues ». Journal of Social Issues 48(2):187-205. 1992
- York Community Services. Needs assessment for Somali immigrants in Toronto. 1999
Annexe A
Liste des organismes et des particuliers consultés
Organismes
- Darcy Gray African Men's Health Group Halifax (Nouvelle-Écosse)
- Steve Benton African Men's Health Group Halifax (Nouvelle-Écosse)
- Scholastica Lyanga Conseil d'administration Windsor Women Working with Immigrant Women Windsor (Ontario)
- Esther Tharao Women's Health in Women's Hands Toronto (Ontario)
- Joyce Ross Directrice générale East Preston Day Care Centre Halifax (Nouvelle-Écosse)
- Abukar Moalim York Community Services Toronto (Ontario)
- Dr Haile Fenta Centre for Addiction and Mental Health Toronto (Ontario)
- Ileen Howell Markham Caribbean Association Markham (Ontario)
- Agatha Mason Lawrence Heights Community Health Centre Toronto (Ontario)
- Dolly Williams Représentante régionale Congrès des femmes noires du Canada Halifax (Nouvelle-Écosse)
- MaryAnne McKinnon-Rodrigues Directrice générale Metropolitan Immigrant Services Association Halifax (Nouvelle-Écosse)
- Joanne Henderson-White Metropolitan Immigrant Services Association Halifax (Nouvelle-Écosse)
- Juanita Smith Directrice générale Black Coalition for AIDS Prevention Toronto (Ontario)
- Denise Brooks Directrice générale Hamilton Urban Core Community Health Centre Hamilton (Ontario)
- Jemell Moriah Cornwallis Baptist Church Halifax (Nouvelle-Écosse)
- Brian Kersey Windsor Urban Alliance Windsor (Ontario)
- Joanne Veldhorst London Intercommunity Health Centre
Particuliers
- Susan Edmonds Infirmière en psychiatrie (retraitée) East Preston Halifax (Nouvelle-Écosse)
- Judith Miller Physiothérapeute Windsor (Ontario)
- Mathew Thomas Preston Area Board of Trade Halifax (Nouvelle-Écosse)
- Bruce Peterkin Professionnel de la santé Hamilton (Ontario)
- Bonnie Williams Halifax (Nouvelle-Écosse)
- Lorraine Thomas Coordonnatrice du Disabilities Program The Hospice Windsor (Ontario)
- Mavis Appiah Étudiante en soins infirmiers Windsor (Ontario)
- Khadija Ali Adjointe, Intergenerational Project Windsor Women Working with Immigrant Women
- Maxine Carter Consultante en santé Hamilton (Ontario)
- Dr Patrice Miller Windsor (Ontario)
- Dr Dana Watson Hamilton (Ontario)
- LaFerne Clarke Directrice générale Big Sisters of Kitchener-Waterloo Kitchener (Ontario)
L'Atelier de planification stratégique
Résumé
Le Canadian Centre on Minority Affairs (CCMA), avec l'aide financière de Santé Canada, a organisé et tenu une réunion nationale sur les préoccupations en matière de santé de la population canadienne noire et des Caraïbes.
En fondant la discussion sur son étude de 2000 intitulée Promotion de la santé et diffusion d'information au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes, le CCMA a réuni des organismes de santé et de charité, des universitaires, des organismes bénévoles, des organismes culturels ainsi que des fournisseurs de services communautaires qui s'intéressent tous aux besoins en matière de santé de la communauté canadienne noire et des Caraïbes.
L'objectif général de la réunion était d'améliorer la sensibilisation aux problèmes de santé particuliers de la population canadienne noire et des Caraïbes et de déterminer s'il existait un intérêt commun pour poursuivre une action en collaboration en matière de promotion de la santé au sein de cette population.
La réunion a couvert des problèmes de santé précis particulièrement pertinents pour la population noire et des Caraïbes, tels que le cancer de la prostate, l'hypertension, le diabète et l'anémie falciforme, ainsi que des problèmes systémiques, tels que le racisme, les obstacles à la santé, les indicateurs d'état de santé, les facteurs de risque et l'accès aux soins de santé, et certains problèmes essentiels, tels que la santé des femmes, la santé des hommes, les priorités de recherche, le financement, les déterminants culturels, le statut socio-économique de même que la participation et la création de capacités.
En résumé, la réunion a établi qu'il existait une très grande nécessité de traiter de la promotion de la santé au sein de la population canadienne noire et des Caraïbes de même qu'un grand mérite (ainsi qu'un intérêt) à travailler en collaboration dans l'ensemble du pays afin d'apprendre, de partager des expériences, des connaissances et de l'information, de même que pour élaborer des stratégies nationales d'action qui seront mises en place à l'échelon local, régional ou national et qui amélioreront la santé actuelle et future de la communauté visée.
La réunion a mandaté un petit groupe de travail pour qu'il accomplisse les prochaines démarches telles que décrites dans un plan préliminaire d'action et un plan de travail précis.
Contexte
En 2000, le CCMA a dirigé une étude, menée en Nouvelle-Écosse et en Ontario, sur les problèmes de santé préoccupants de la population canadienne noire et des Caraïbes.
Le rapport, intitulé Promotion de la santé et diffusion d'information au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes, recommandait : d'entreprendre des actions dans le domaine de la recherche sur les déterminants de la santé et sur l'état de santé; d'éduquer et de former les fournisseurs de services au sujet des conditions culturelles, physiques et communautaires de la communauté canadienne noire et des Caraïbes; d'élaborer une approche politique cohérente avec les besoins de santé de cette communauté; de créer des capacités dans le secteur, afin de dispenser des services culturellement adaptés, de même que dans la communauté, afin d'établir des partenariats avec les fournisseurs de soins de santé et les chercheurs; d'augmenter la représentation de la communauté noire et des Caraïbes dans le secteur; de fournir un soutien et des ressources, afin d'aider les organismes à entreprendre des projets locaux, régionaux et nationaux cohérents avec les besoins de santé et les priorités de la communauté noire et des Caraïbes; enfin, d'accorder un appui aux activités partisanes réalisées au nom de la communauté.
À la suite de discussions avec Santé Canada, un financement a été rendu disponible pour qu'une petite réunion des intervenants représentatifs concernés soit tenue afin de donner suite aux recommandations du rapport grâce à une discussion sur l'action à entreprendre en collaboration dans le contexte national.
Participants
Une vaste gamme de personnes et d'organismes ont assisté à la réunion. Ils représentaient les organismes de prestation de services, les groupes culturels, les universitaires, les organismes de santé nationaux et le gouvernement. Une liste des participants est présentée plus loin dans le présent document.
Objectifs
Les objectifs de l'atelier étaient centrés sur l'amorce du processus de déplacement de l'information du document de recherche vers la communauté des organismes concernés ainsi que sur les premières démarches à entreprendre pour réaliser une action en collaboration visant à améliorer la santé de la population canadienne noire et des Caraïbes. Les objectifs originaux consistaient à :
- augmenter la sensibilisation des participants au sujet de la santé de la population canadienne noire et des Caraïbes;
- discuter des résultats du rapport intit ulé Promotion de la santé et diffusion d'information au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes avec les principaux intervenants, dont les fournisseurs de soins de santé, les organismes nationaux, les experts communautaires, les universitaires et les gouvernements;
- établir des priorités parmi les recommandations du rapport, qui traitent des préoccupations en matière de santé de la communauté canadienne noire et des Caraïbes;
- fixer des orientations stratégiques pour les recommandations prioritaires et à commencer l'élaboration des objectifs, l'établissement des responsabilités et la rédaction d'un plan de travail;
- préparer un rapport final incluant une ébauche de plan de travail.
Résultats prévus
Il était espéré que la réunion produirait les résultats suivants :
- une réunion des principaux intervenants afin de discuter de la santé de la communauté canadienne noire et des Caraïbes;
- un rapport final sur la structure de la réunion, le processus et les résultats, qui serait présenté à Santé Canada;
- des recommandations d'orientations stratégiques afin d'améliorer la santé de la communauté canadienne noire et des Caraïbes, recommandations reliées à l'accès aux soins de santé et à la prestation de services.
Discussion
La réunion s'est déroulée en trois parties.
- Durant la première partie, on a cherché à augmenter le niveau général de sensibilisation à propos des problèmes de santé et des recommandations contenues dans le rapport intitulé Promotion de la santé et diffusion d'information au sein de la communauté canadienne noire et des Caraïbes.
- Au cours de la seconde partie, les participants ont placé ces problèmes de santé dans un contexte stratégique, en décrivant les causes sous-jacentes de certains problèmes d'accès aux soins de santé et de certaines questions reliées à la capacité inadéquate; ils ont donné des exemples du travail accompli dans la communauté et ils ont présenté de l'information sur le financement disponible afin de traiter des problèmes d'ensemble aussi bien que des problèmes de santé spécifiques.
- Enfin, la troisième partie a consisté à donner aux participants, grâce à des séances en petits ateliers, une occasion de définir les problèmes et d'élaborer des stratégies d'actions en collaboration qui permettraient de traiter tant des questions systémiques que des problèmes pratiques liés à la prestation des services. Ensuite, les participants se sont réunis de nouveau en plénière pour évaluer l'information émise par les petits groupes, établir les indicateurs de santé qui serviraient de fondement à une action concertée dans l'avenir et établir des priorités d'action.
Le présent document sommaire ne fournit que le rapport détaillé des résultats de la discussion, tels qu'ils sont issus de l'échange d'information effectué au cours des deux premières parties de la réunion ainsi que les orientations stratégiques générales données par la réunion et qui seront adoptées par le CCMA.
Résultats
La réunion a produit un certain nombre de suggestions concernant les possibilités futures d'actions en collaboration et de soutien. Sous la direction générale du CCMA, un petit groupe de travail effectuera les prochaines démarches pour donner un suivi aux orientations issues de la réunion.
Facteurs qui agissent sur la santé des Noirs
La réunion a présenté au groupe de travail les facteurs d'influence ci-dessous ainsi que tous les mécanismes éventuels pouvant diriger ou influencer l'orientation future du travail en matière de soins de santé prodigués à la population canadienne noire et des Caraïbes:
- Il faut que le système de santé agisse dans le cadre des compétences partagées entre les gouvernements fédéral/provinciaux et territoriaux et que les municipalités aient également un rôle à jouer;
- L'accès à des soins adéquats, à une bonne santé et à la promotion de la santé ainsi que le piètre état de santé chronique qui existe chez beaucoup de membres de la communauté noire et des Caraïbes sont très directement liés à la situation socioéconomique et au niveau d'alphabétisation;
- La santé optimale est façonnée par des impératifs culturels qui agissent sur l'nteraction de la personne avec le système de soins de santé (comment, si elle le fait, la personne approche les praticiens en santé, ses attitudes envers le système de santé officiel, son suivi permanent des conseils médicaux, les soins donnés aux membres de sa famille et la compréhension du système de soins de santé par rapport à ses problèmes de santé particuliers, à ses préoccupations, à sa situation socio-économique, à son alphabétisation, tant réelle que médicale, et à ses croyances culturelles et attitudes; la capacité du système de soins de santé de prodiguer des soins adéquats, dans une langue appropriée; le racisme dans l'allocation du financement de la recherche, dans la prestation de services et dans la conception);
- Les soins de santé prodigués à la communauté canadienne noire et des Caraïbes sont énormément affectés par ce qui est perçu comme du racisme systémique dans l'ensemble du secteur;
- Il existe des problèmes de santé particuliers aux femmes, de même qu'aux hommes, et ceux-ci sont reliés non seulement à des maladies particulières, mais aussi à des attitudes et comportements imposés culturellement et qui nuisent à une bonne santé;
- Les déterminants de la santé sont beaucoup amplifiés par le stress que subissent les personnes par suite de la violence physi que et mentale dans la famille et du racisme dans la société;
- Aucune approche visant à améliorer les soins de santé prodigués à la population canadienne noire et des Caraïbes ne peut être efficace sans être holistique, c'est-à-dire sans qu'elle intègre tous ces facteurs, et la justice sociale exige que l'on adopte cette approche.
Questions prioritaires
La réunion a établi les priorités suivantes, pour ce qui est de la mise en oeuvre d'actions visant à améliorer la santé :
- l'établissement d'un réseau national sur la santé des Noirs;
- la création d'un programme national de santé et l'action en vertu de ce programme;
- le financement d'initiatives de santé;
- la recherche sur les problèmes de santé et la population cible.
En outre, les domaines suivants ont été établis comme faisant partie de la stratégie d'ensemble qui vise à répondre aux besoins en matière de soins de santé de la communauté noire et des Caraïbes :
- la création d'une base de données nationale;
- l'établissement de partenariats;
- la représentation et le lobbying;
- la mise sur pied d'un groupe de réflexion;
- la surveillance et le suivi de la recherche, des tendances et des statistiques de santé;
- l'information, les communications et l'éducation.
Après avoir déterminé les problèmes et établi des stratégies pour résoudre ces problèmes, les trois sous-groupes ont fait les commentaires suivants :
- Ils voulaient s'assurer de la nomination d'un comité de travail, pour qu'il commence à planifier la mise sur pied d'une organisation ou réseau national sur la santé des Noirs avant la fin de la réunion;.
- La première mesure à prendre serait la formation d'un groupe de travail devant accomplir des tâches précises; éventuellement, ce groupe de travail deviendrait le groupe consultatif national sur la santé des personnes noires et des Caraïbes;
- L'information, la communication et l'éducation sont considérées comme des priorités, non seulement pour la population canadienne noire et des Caraïbes, mais aussi pour les services de santé, les secteurs de recherche et les gouvernements;
- Un bulletin sur la santé pourrait constituer un moyen de créer des liens entre les secteurs et le pays;
- Une base de données fournirait une source proactive d'information pour la communauté et les professionnels de la santé et de la recherche en santé sur les questions de santé et sur les praticiens et les organismes communautaires ayant des pratiques exemplaires à partager et à diffuser.
À la suite de la présentation de l'Institut de recherche en santé du Canada (IRSC), les participants ont manifesté un grand intérêt non seulement pour élaborer une méthodologie d'action sur le programme national de recherche, mais aussi pour créer un Institut sur la santé des Noirs dans l'IRSC.
La responsabilisation de même que l'élaboration de mécanismes pour s'assurer de cette responsabilisation sont également vues comme importantes, non seulement en ce qui a trait au programme de recherche, mais aussi pour que les décideurs s'assurent que les besoins de la communauté noire et des Caraïbes sont comblés.
On a grandement discuté de l'alphabétisation, non seulement de la capacité de lire et d'écrire par rapport à la santé, mais aussi de l'élaboration d'une information culturellement adéquate, de la formation et de la prestation des services, pour que les professionnels de la santé puissent travailler dans le langage culturel de ceux qui bénéficient de leurs services.
La question d'aider les personnes canadiennes noires et des Caraïbesà«se valoriser elles-mêmes » est sous-jacente à certains des obstacles à l'accès aux soins de santé; des questions comme l'estime de soi, l'attitude macho, l'auto-éducation et l'affirmation de soi ont été jugées pertinentes. La population noire et des Caraïbes a besoin d'apprendre à s'affirmer davantage lorsqu'elle communique avec les services de santé et lorsqu'elle définit ses problèmes de santé.
Une partie des discussions sur la responsabilisation et l'accès a porté sur les façons d'influer sur les politiques des établissements ainsi que sur leurs processus d'allocation de ressources de même que d'en arriver à ce que des personnes noires et des Caraïbes siègent aux conseils décisionnels.
Un programme de recherche efficace et complet devrait inclure une partie sur les façons suggérées de surveiller et de suivre les problèmes de santé tels que le cancer de la prostate, le diabète, le cancer du sein, l'hypertension, l'anémie falciforme, le VIH/sida, le lupus et la tuberculose (qui est tellement liée à la pauvreté).
Le rôle des syndicats comme soutiens et interlocuteurs par rapport aux questions relatives à la santé des Noirs a aussi été mentionné comme étant une question à discuter.
Échéances
Comme le groupe de travail doit commencer à oeuvrer dans tous les domaines déterminés, la réunion a fixé les échéances générales suivantes, que le groupe de travail doit essayer de respecter :
- former immédiatement un petit groupe de travail pour entreprendre les prochaines démarches du travail;
- au cours des trois prochains mois, établir les contacts nécessaires à travers le pays afin de devenir représentatifs des intérêts les plus importants ainsi que de toutes les régions où les besoins de santé de la population noire et des Caraïbes sont préoccupants et élaborer un document sur les options relatives à l'établissement d'un réseau national sur la santé des personnes canadiennes noires et des Caraïbes;
- d'ici six mois, donner une rétroaction au groupe de base sur l'établissement d'un réseau, sur l'élaboration d'une base de données, sur les options possibles afin de préparer un programme national de santé et de l'influencer, sur la disponibilité du financement d'initiatives de santé et sur une méthode de détermination des besoins de recherche sur les problèmes de santé et la population cible;
- d'ici les six prochains mois, préparer un document de planification pour la First National Black Health Conference [première conférence nationale sur la santé des Noirs];
- tenir la conférence dans un an environ, au moment du lancement du réseau national sur la santé des Noirs.
Commentaires d'évaluation
Tous les commentaires d'évaluation reçus, sauf un, ont indiqué que l'atelier a été très efficace ou extrêmement efficace pour améliorer la sensibilisation des participants aux questions relatives à la santé de la communauté noire et des Caraïbes. Tous les répondants, sauf deux, ont affirmé avoir compris les objectifs de la réunion et avoir eu une occasion adéquate de participer. Même si la plupart des répondants croient qu'on a traité des questions pertinentes et que la réunion a été très informative, plusieurs ont indiqué avoir compris qu'étant donné les limites de temps, il sera nécessaire de traiter d'autres sujets dans le futur.
Parmi les autres suggestions, mentionnons celles d'inviter une plus vaste sélection d'organismes à une future réunion, de consacrer plus de temps au traitement de problèmes de santé particuliers ainsi que d'élargir l'étude du CCMA afin de couvrir d'autres régions du pays. Les autres questions à traiter dans le futur comprennent : le leadership au sein de la communauté noire, la pauvreté en tant que facteur agissant sur la santé, une base de données nationale, et le réseautage. On a demandé un suivi serré du travail commencé.
Liste des participants
Brooks, Denise
Hamilton Urban Core Community Health Centre
Providence, Bert
Bloor/Gladstone Library Literacy for East Toronto
Oliver, Karl
West Indian Social and Cultural Society
Thomas, Barbara
Jamaican Canadian Association
Otto, Judith
Coordonnatrice des bénévoles, Black Coalition for AIDS Prevention
Johnson, Eunadie
Women's Health in Women's Hands
Aitkens, Andrew
Association canadienne de santé publique
Engdasaw, Abebe
Association canadienne de santé publique
Marks, Alan
Association canadienne du diabète
Lawrence, Derek
Coordonnateur pour l'Ontario, Réseau canadien sur le cancer de la prostate
Salah, Ebyan
Somalian-Canadian Institute of Research and Development
Charles, Keith
Fonds des bourses d'études pour les Canadiens de race noire
Kalumba, Jayne
Canadian African Women's Organization
Gray, Darcy
African Male Health Network
Casavant, Nina
Women and Children's Health
Henry, Carol
College of Pharmacy and Nutrition University of Saskatchewan