ARCHIVÉE - Évaluation formative de l’Initiative canadienne de vaccin contre le VIH

 

Résumé

L’Initiative canadienne de vaccin contre le VIH (ICVV) (appelée l’« Initiative ») est une collaboration horizontale entre divers ministères et agences du gouvernement du Canada et la Fondation Bill et Melinda Gates, dirigée par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC). L’évaluation a été effectuée entre mai et août 2009 par Goss Gilroy Inc., au nom de l’ASPC. Cette évaluation était une exigence du Cadre intégré de gestion et de responsabilisation axé sur les résultats (CGRR) et du Cadre de vérification axé sur les risques (CVAR), selon lesquels une évaluation à mi-mandat devait être faite avant la fin de la troisième année de l’Initiative (2010). L’évaluation porte sur les progrès de l’Initiative jusqu’à la date de l’évaluation et vise à établir s’il y a lieu d’apporter des modifications à la conception, à la réalisation et à l’orientation des activités. La méthodologie comprend notamment l’étude des principaux documents du programme, des entrevues réalisées au téléphone ou en personne auprès de vingt intervenants internes travaillant au Secrétariat de l’ICVV et dans divers ministères fédéraux participant à l’Initiative (Agence canadienne de développement international, Industrie Canada, Instituts de recherche en santé du Canada, l’ASPC, et Santé Canada), et des entrevues téléphoniques auprès de vingt intervenants externes du Canada ou de l’étranger possédant une expertise particulière dans des domaines connexes à l’ICVV.

L'ICVV a pour objectif de mobiliser les ressources tant au pays qu’à l’étranger afin de contribuer aux efforts déployés à l’échelle mondiale pour hâter la mise au point de vaccins de prévention du VIH qui soient sûrs, efficaces, abordables et accessibles dans le monde entier. Le programme de l'ICVV comporte quatre volets :

  • Découverte et recherche sociale
  • Installation pilote de fabrication à petite échelle de vaccins contre le VIH en vue d’essais cliniques par lots1
  • Renforcement de la capacité de procéder à des essais cliniques et réseaux
  • Questions stratégiques et réglementaires, dimensions sociale et communautaire

Un cinquième volet du programme, celui de la planification, de la coordination et de l’évaluation des activités, relève des attributions dévolues au Secrétariat de l’ICVV.

Le Secrétariat, intégré à l’administration de l’ASPC, est chargé de la coordination de la mise en œuvre de l’Initiative dans les cinq ministères et organismes fédéraux participants ─ (Agence canadienne de développement international (ACDI) Agence de la santé publique du Canada (ASPC) Industrie Canada (IC) Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et Santé Canada (SC) ─ et des relations avec la Fondation Bill et Melinda Gates.

Les crédits affectés à l’Initiative totalisent 139 millions de dollars, soit 85 millions de dollars en nouveaux fonds, 26 millions de dollars en crédits redirigés de l’enveloppe budgétaire accordée à l’Initiative fédérale de lutte contre le VIH/sida au Canada, parrainée par l’Agence de la santé publique du Canada, et 28 millions de dollars provenant de la Fondation Bill et Melinda Gates. À l’origine, l’ICVV devait être réalisée sur un horizon de cinq ans, mais les prévisions actuelles sont à l’effet que les sommes prévues seraient déboursées plutôt sur une période de neuf ans. Or, aucune disposition n’a été prise pour la poursuite de l’Initiative au-delà du calendrier initial de cinq ans.

Pertinence

L’ICVV est bien adaptée pour répondre aux besoins et aux priorités établies à l’échelle internationale, notamment dans le cadre du Plan stratégique scientifique (PSS) de 2005 élaboré par l'Entreprise mondiale pour un vaccin contre le sida (Global HIV Vaccine Enterprise). Elle donne au gouvernement du Canada les outils pour renforcer la capacité canadienne dans ce domaine et participer de cette manière aux efforts reconnus de la communauté mondiale en vue de mettre au point un vaccin contre le VIH. L’ICVV s’inscrit également dans les programmes réalisés par le Canada tant au pays que sur la scène internationale. Sur le plan national, l’Initiative est en lien avec les autres activités canadiennes dans le domaine de la lutte contre le VIH/sida et s’inscrit dans le soutien du Canada à la mise en place d’un milieu de recherche de classe mondiale dans le domaine de la santé, en particulier axé sur la recherche et la mise au point de vaccins.

Certains intervenants externes ont émis des réserves au sujet de l’équilibre entre les efforts consentis aux divers volets de l’ICVV, signalant à cet égard l’importance de poursuivre dans la voie de la recherche fondamentale et de l’élaboration d’un cadre juridique régissant les essais cliniques du vaccin. Par ailleurs, l’établissement de l’ICVV à titre d’initiative horizontale a permis au gouvernement du Canada d’intégrer le financement de divers ministères et organismes fédéraux et de favoriser ainsi la concertation entre les divers partenaires. Les volets de l’ICVV sont également judicieusement articulés en fonction des forces relatives du Canada dans le domaine des vaccins contre le VIH et cadrent avec l’architecture d’activités de programme des ministères et organismes fédéraux participant à l’Initiative. Toutefois, la conception de l’Initiative ne précise pas comment les ministères et organismes fédéraux participant à l’Initiative doivent travailler ensemble et de concert afin d’atteindre les objectifs de l’ICVV.

Constats de l’évaluation pour chacun des volets de l’ICVV

À l’exception de certains travaux effectués par le Secrétariat de l’ICVV sur le plan de l’élaboration des politiques, l’essentiel des activités de l’Initiative est réalisé par le secteur sans but lucratif – notamment par les milieux universitaires et de la recherche et les ONG vouées à la lutte contre le VIH/sida. Les quatre volets de l’ICVV sont fortement tributaires des paiements de transfert, par le biais d’accords de subvention ou de contribution conclus avec des universitaires, des chercheurs et des ONG. Il y a parfois eu des délais considérables dans le processus de prise de décision et de mise en place de certains de ces paiements de transfert. Il en est résulté une certaine frustration au sein du milieu concerné en raison d’une absence apparente de progrès dans la contribution du Canada aux efforts déployés à l’échelle mondiale pour mettre au point un vaccin contre le VIH. En outre, on s’est demandé si l’Initiative pourrait atteindre les résultats voulus dans le délai établi à l’origine.

Non seulement y a-t-il eu des retards dans la mise en œuvre de chacun des volets, mais les activités de certains volets n’ont pas produit à ce jour les résultats escomptés. On note une réponse mitigée aux propositions sollicitées dans le cadre du Fonds des initiatives communautaires, cette situation étant attribuée à une faible participation du milieu dans les questions relatives à la recherche d’un vaccin contre le VIH. L’ASPC a dorénavant rajusté son approche et travaille avec les organismes de lutte contre le VIH de manière à renforcer leur participation à ce volet de l’Initiative.

De manière générale, la plupart des intervenants internes et externes étaient d’avis qu’il y avait lieu de revoir l’équilibre entre les efforts consacrés aux divers volets de l’ICVV, notamment l’accent mis sur le volet Installation pilote de fabrication à petite échelle de vaccins contre le VIH en vue d’essais cliniques par lots après l’échec d’un vaccin prometteur à l’automne 2007. Ils estimaient qu’il aurait fallu miser principalement sur la recherche fondamentale et les découvertes en même temps que sur les aspects réglementaires, ces deux aspects étant essentiels, avec les autres volets, pour assurer l’accessibilité au vaccin à l’échelle mondiale.

Planification, coordination et évaluation

Les opinions des intervenants au sujet des communications internes et externes de l’Initiative étaient partagées. D’un côté, les intervenants externes ont apprécié l’ampleur des consultations menées auprès d’eux en février 2008 sur les programmes de financement. Par contre, ils se sont dits frustrés par la lenteur dans la mise en œuvre des subventions et ont déploré l’absence apparente de communication ou de transparence quant à l’état d’avancement et aux processus d’approbation des demandes de subvention, de la prise de décision et du processus décisionnel interne.

Les intervenants internes ont généralement jugé positivement la coordination à l’interne de l’Initiative, signalant en particulier la mesure dans laquelle le Secrétariat avait adapté ses façons de faire de manière à répondre aux besoins des comités interministériels. Ils ont toutefois signalé des lacunes au niveau de la capacité de certains ministères et organismes gouvernementaux à pleinement participer à l’ICVV, de même que des problématiques inhérentes à toute initiative horizontale, notamment sur le plan de la concertation de ministères et organismes gouvernementaux ayant des mandats, des priorités et des programmes différents.

En dépit des liens démontrés entre les volets de l’Initiative et l’architecture d’activités de programme2 des ministères et organismes gouvernementaux participants, des intervenants internes ont relevé un degré de convergence variable entre certains volets de l’ICVV et le mandat de leur propre ministère ou organisme gouvernemental. À leur avis, il en résulte qu’il existe peu de preuves tangibles d’une réelle collaboration entre les ministères et organismes gouvernementaux participants. Ils signalent de plus les différences au niveau des exigences relatives aux programmes de ces ministères et organismes, compliquant d’autant la concertation dans la prise des décisions. Les retards observés dans la mise en œuvre des quatre volets de l’Initiative sont, dans une certaine mesure, attribuables aux problématiques au niveau du processus d’approbation entre les divers ministères et organismes gouvernementaux.

Gouvernance et mesure du rendemen

Les mécanismes de gouvernance (le Secrétariat de l’ICVV et les comités interministériels) ont généralement été efficaces, bien que selon les entrevues avec les intervenants et après examen des procès-verbaux, il semblerait que le Comité de direction interministériel n’ait pas été suffisamment proactif et ne se préoccupe pas suffisamment des orientations stratégiques.

L’ASPC et le Secrétariat ont beaucoup accompli au cours de la première année et demie de l’Initiative. Le Secrétariat s’est doté des effectifs requis et son rôle a évolué en fonction des besoins de l’Initiative. Il existe néanmoins des besoins à combler au sein du Secrétariat sur le plan de sa capacité technique. Par ailleurs, le Secrétariat a assumé un plus grand leadership et beaucoup appris au niveau de la gestion de l’Initiative – notamment en ce qui a trait à ses interactions avec les ministères et organismes gouvernementaux participants. Il a su adapter sa stratégie de communication interne de manière à mieux répondre aux besoins des divers partenaires.

Une stratégie de mesure du rendement a été mise en place lors de l’approbation de l’ICVV. Cependant, certaines des activités prévues dans cette stratégie n’ont pas été entièrement réalisées, et cela pourrait présenter des difficultés pour la réalisation de l’évaluation suivante. De plus, le modèle logique de l’Initiative ne précise pas nommément la relation entre les divers volets de l’ICVV et, par conséquent, ne contribue pas au renforcement des synergies entre les ministères et organismes gouvernementaux participants.

Recommandations

À partir de ces constats, il est recommandé :

  1. que le Comité de direction interministériel profite de l’occasion qui lui est donnée par la recommandation du gouvernement du Canada et de la Fondation Bill et Melinda Gates de ne pas procéder à la réalisation du volet Installation pilote de fabrication à petite échelle de vaccins contre le VIH en vue d’essais cliniques par lots, de revoir la nature et la portée de l’Initiative et, pour chacun des ministères et organismes gouvernementaux participants, de revoir leur engagement envers l’Initiative et leur rôle respectif dans le cadre de celle-ci, ainsi que le rôle de la Fondation Bill et Melinda Gates;
  2. que le Comité de direction interministériel cherche à prolonger l’Initiative au-delà de l’exercice 2012-2013, en s’assurant que l’Initiative dispose de la souplesse voulue pour que son action demeure cohérente au fil des ans et en lien avec les efforts déployés à l’échelle mondiale pour trouver un vaccin contre le VIH;
  3. que, dans le cadre du réexamen de la nature et de la portée de l’Initiative, le Comité de direction interministériel précise clairement les attentes et les échéances en ce qui a trait aux réalisations respectives attendues des ministères et organismes gouvernementaux participants, afin de corriger les facteurs ayant contribué jusqu’à présent aux retards dans la mise en œuvre de l’Initiative;
  4. que le Comité de direction interministériel mette en place des mécanismes favorisant une communication efficace avec les intervenants externes, tant par le biais du site internet de l’ICVV que par des communications claires émanant des ministères et organismes gouvernementaux participants;
  5. que le Comité de direction interministériel revoit le cadre de gouvernance de l’ICVV, notamment celui du Comité de direction interministériel, de manière à s’assurer qu’il dispose de l’autorité et de la capacité nécessaires pour assurer le leadership interministériel requis;
  6. que le Secrétariat, en concertation avec le Comité interministériel chargé de la mise en œuvre du programme, examine le cadre de gestion du rendement de l’ICVV de manière à s’assurer de sa pertinence continue et que les responsabilités respectives de chacun des ministères et organismes gouvernementaux participants y soient clairement précisées pour tous les volets de l’Initiative; s’assurer que le modèle logique précise les liens entre les divers volets et les réalisations attendues; et s’assurer que le cadre de gestion du rendement est mis en œuvre de manière à fournir suffisamment de données pour permettre une évaluation suivante convenable de l’ICVV.

  1. Le 19 février 2010, la décision de ne pas procéder à l’établissement d’une telle installation a été annoncée conjointement par le gouvernement du Canada et la Fondation Bill et Melinda Gates. Au moment d’achever la rédaction de ce rapport, l’équipe chargée de l’évaluation de l’ICVV a été mise au courant de la recommandation formulée à cet effet. Toutefois, les données nécessaires à l’évaluation de l’Initiative avaient alors déjà été recueillies. Consulter à cet effet le site http://www.chvi-icvv.gc.ca/index-fra.html consulté en avril 2010.
  2. L’architecture des activités de programme est un « inventaire d’activités qui lie de manière logique tous les programmes d’un ministère à ses résultats stratégiques ». « Politique sur la Cadre de gestion des ressources et des résultats », Lydia Scratch, Division des affaires politiques et sociales, Bibliothèque du Parlement, le 23 août 2005, p. 1

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