ARCHIVÉE - Leçons à retenir : Réponse de l’Agence de la santé publique du Canada et de Santé Canada à la pandémie de grippe H1N1 de 2009

 

3. Constatations

3.6 Intervention fédérale dans les communautés des Premières nations vivant dans des réserves

Contexte

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada, en collaboration avec les provinces, fournit les services de soins de santé aux communautés des Premières nations vivant dans des réserves, que ce soit dans le cadre d’une prestation directe des services ou d’un financement consenti grâce à des accords de contribution conclus avec des organismes des Premières nations chargés d’offrir les services de santé. La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits fournit les soins de première ligne dans les postes de soins infirmiers des communautés des Premières nations vivant dans les réserves éloignées et isolées.

Lors d’une pandémie, c’est la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits qui offre les services de santé aux communautés des Premières nations vivant dans les réserves. Cela comprend l’aide à l’élaboration, à la mise à l’essai et à la révision des plans pandémiques. De concert avec les provinces, la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits est aussi chargée de distribuer et d’administrer les vaccins et les antiviraux, de signaler les effets secondaires de l’immunisation et du traitement et de donner des renseignements et des conseils adaptés sur le plan culturel aux travailleurs de la santé dans les réserves.

Bien que leurs conditions s’améliorent, les personnes des Premières nations vivant dans les réserves habitent parfois dans des maisons inadéquates et elles sont plus exposées aux maladies chroniques comme le diabète et la tuberculoseNote de bas de page 49. Une étude réalisée en septembre 2009 révélait que, même si le quart des personnes des Premières nations vivant dans les réserves connaissaient au moins un cas confirmé de grippe H1N1, d’autres états de santé tels que le diabète, le cancer, l’usage du tabac, de l’alcool et de la drogue les préoccupaient davantageNote de bas de page 50. D’autres facteurs influant sur les efforts d’intervention face à la pandémie dans les collectivités éloignées et isolées comprennent : les grandes distances à parcourir jusqu’aux hôpitaux pour recevoir des soins de courte durée, les taux élevés de grossesse et, dans quelques collectivités, l’accès limité à l’eau courante. Ces collectivités éloignées ont habituellement plus de difficulté à profiter rapidement de toute la gamme des services de santé.

La perception publique de l’intervention du portefeuille de la Santé au sein des communautés des Premières nations durant la pandémie a été forgée par la couverture médiatique de trois événements importants :

1. Dans les premiers stades de la pandémie au printemps 2009, on a observé une forte incidence d’infections, de cas graves et de décès chez les Autochtones du Manitoba

2. Les médias nationaux ont fait grand cas des représentants du gouvernement fédéral qui ont passé des jours à se demander s’il fallait ou non envoyer des distributeurs de désinfectant pour les mains à base d’alcool, parce qu’on s’inquiétait de la haute teneur en alcool du produit

3. Enfin, la réaction a été très négative lorsqu’un grand nombre de housses mortuaires ont été livrées dans certaines réserves à l’automne 2009.

Les premiers stades de l’intervention de Santé Canada ont connu quelques difficultés, mais plusieurs pratiques, modifications et activités mises en place à la fin du printemps et au début de l’été 2009 ont permis d’améliorer l’intervention de l’automne. Par exemple, après l’expédition de plusieurs housses mortuaires dans certaines réserves à l’automne 2009, Santé Canada a apporté plusieurs modifications pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise. Les processus d’approvisionnement sont maintenant soumis à des mesures de contrôle centralisées qui fixent les quantités maximales et signalent les commandes inhabituelles. En outre, le personnel régional revoit les habitudes de commande et les niveaux d’approvisionnement en faisant des visites régulières sur le terrain.

De manière générale, les personnes des Premières nations ont été en mesure de prendre des précautions contre le virus H1N1. En septembre 2009, presque 7 Autochtones sur 10 (68 %) vivant dans les réserves ont indiqué qu’ils avaient déjà pris des mesures pour se protéger contre la maladie, précisant le plus souvent que la meilleure façon de le faire était de se laver les mainsNote de bas de page 51.

Ce qui a bien fonctionné

Le virus H1N1 était présent dans certaines collectivités des Premières nations au début de la pandémie (mai 2009). Les expériences de la première vague ont éclairé plusieurs processus et activités de prise de décisions pour la préparation et l’intervention employées dans la seconde vague. La nature de la pandémie dans les collectivités des Premières nations était telle que l’on ne pouvait pas réellement distinguer la seconde vague de la première, et l’aide de Santé Canada a été nécessaire de façon continue pendant toute la période de la pandémie de grippe H1N1. Ainsi donc, l’intervention a dû être modifiée et adaptée à l’évolution de la situation.

Beaucoup de communautés des Premières nations disposaient de plans de lutte contre la pandémie

Les efforts de planification en cas de pandémie sont financés depuis 2006 dans les communautés des Premières nations vivant dans les réserves. On estime que 80 % des collectivités avaient en place des plans de lutte contre la pandémie au début de la crise. À l’automne 2009, 98 % des collectivités avaient leurs plans et 87 % avaient testé sur maquette au moins une composante de leurs plans, comme les plans de vaccination de masse.

Durant la crise de la grippe H1N1, les représentants de Santé Canada ont continué à donner des conseils sur l’élaboration des plans de lutte contre la pandémie et/ou des précisions sur le sujet, comme le jumelage des collectivités semblables. Dorénavant, Santé Canada pourrait envisager l’examen de tous les plans de lutte contre la pandémie pour voir s’ils peuvent être adaptés et mis à l’échelle de divers scénarios pandémiques.

Les cliniques de vaccination dans les réserves ont généralement connu du succès

Dans l’ensemble, les séances de vaccination tenues à l’automne 2009 dans les communautés des Premières nations vivant dans les réserves ont bien fonctionné. Le taux de vaccination a atteint 64 %, soit environ 20 % de plus que dans le reste de la population canadienne.

Étant donné la pénurie continuelle de professionnels de la santé et les plus fortes demandes sur le système de santé, les ressources de santé communautaire étaient parfois débordées. Cela a réduit la capacité d’instaurer des plans communautaires de vaccination de masse. Santé Canada a envoyé d’autres infirmières, médecins et pharmaciens dans trois régions. D’autres collectivités ont reçu des ressources d’appoint de leur système de santé provincial. Encore une fois, il faudrait intégrer aux futurs plans de lutte contre la pandémie les leçons apprises sur les processus et les activités ayant pris place durant cette période.

Des antiviraux étaient préalablement distribués (prépositionnés) dans les communautés éloignées et isolées pour la deuxième vague et de l’équipement de protection individuelle a été acheté

Le Programme des services de santé non assurés de Santé Canada intégrait des médicaments antigrippaux dans son formulaire standard. Parallèlement, Santé Canada et les provinces ont collaboré au printemps et à l’été 2009 pour veiller à ce que des antiviraux soient mis en réserve dans les collectivités isolées et éloignées ou près de celles-ci. Cette activité a été cruciale, en particulier pour les personnes des Premières nations vivant dans les réserves. L’accès immédiat aux antiviraux peut réduire la possibilité d’une maladie grave. Durant la crise de la grippe H1N1, cette stratégie peut avoir réduit le besoin pour certains individus des Premières nations d’être transportés vers des établissements de soins tertiaires pour y recevoir des soins de courte durée. On devrait tenir compte de cette pratique dans les futurs travaux de planification pandémique.

En mai 2009, suite à la propagation du virus H1N1, Santé Canada a mis en place sa modeste réserve d’équipement de protection individuelle, au Drug Distribution Centre d’Edmonton, et dans plusieurs postes de soins infirmiers communautaires et autres établissements de santé des communautés des Premières nations vivant dans les réserves pour l’ajouter à l’équipement habituel de protection individuelle déjà disponible.

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits a acheté d’autres fournitures de protection personnelle pour répondre aux besoins immédiats et à long terme des travailleurs de la santé des communautés des Premières nations vivant dans les réserves. On a gardé les fournitures et l’équipement dans deux entrepôts distincts afin de pouvoir les distribuer rapidement aux collectivités. Ces dernières pouvaient en commander chaque mois selon les instructions soulignées dans la procédure d’emploi de l’équipement de protection individuelle contre le virus H1N1.

Il y a eu une bonne coopération entre Santé Canada, l’Agence de la santé publique du Canada, le ministère des Affaires indiennes et du Nord, les provinces et les dirigeants des Premières nations

Plusieurs activités qui ont eu lieu durant l’été et l’automne 2009 ont démontré la coopération entre toutes les parties. Le Groupe de travail sur les collectivités éloignées et isolées du Comité de coordination en cas de pandémie a été mis sur pied pour élaborer et adapter les présentes lignes directrices nationales dans le but « d’assurer une intervention fédérale, provinciale et territoriale plus efficace et coordonnée en cas de grippe pandémique dans les communautés éloignées et isolées dans le contexte de l’éclosion de grippe H1N1. ». Le groupe de travail comptait 25 membres représentant l’Assemblée des Premières nations, les gouvernements provinciaux et territoriaux, le Conseil des directeurs des services sociaux d’urgence, le Conseil des gestionnaires des mesures d’urgence de la santé et le gouvernement fédéralNote de bas de page 52. Cela a permis de créer un cadre pour une intervention concentrée et coordonnée pour lutter contre la grippe H1N1 et pour établir des liens en vue de consultations futures de ce genre.

En outre, d’autres activités comme la signature d’un Protocole de communication en septembre 2009 entre Santé Canada, Affaires indiennes et du Nord Canada et l’Assemblée des Premières nations visaient à mieux coordonner les activités de communication (dont les communications concernant l’accès à l’eau et au transport pour des fins de santé publique). Cette activité a également vu la présentation d’un Sommet virtuel sur la grippe H1N1 dans les collectivités des Premières nations, qui a contribué à mieux définir les pratiques de contrôle de l’infection pour les Premières nationsNote de bas de page 53 Note de bas de page 54.

De surcroît, les activités de communication ont permis d’établir des contacts pour distribuer l’information aux collectivités des Premières nations. On a envoyé des avis et des affiches aux coopératives, aux bureaux des conseils de bande, aux magasins nordiques et aux centres d’amitié. Une fois affichée et distribuée, l’information importante sur la santé était fournie aux dirigeants de 1 400 organismes de santé autochtones comme les groupes de santé communautaire, les pavillons de ressourcement, les centres d’accès à la santé, les centres de traitement de la dépendance et les postes de soins infirmiersNote de bas de page 55.

Les contreparties provinciales de la santé publique ont fourni un support continu aux régions des Premières nations et des Inuits couvertes par Santé Canada, de même qu’aux communautés des Premières nations, que ce soit pour l’achèvement ou l’essai des plans pandémiques, la mise en place rapide d’antiviraux ou la distribution efficace des vaccins aux cliniques de vaccination de masse.

En dernier lieu, les organismes autochtones nationaux représentant les intérêts des Premières nations, des Inuits et des Métis du Canada ont été une composante essentielle des plans de relations stratégiques de l’Agence de la santé publique, auxquels a contribué la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Même s’il fallait clarifier les rôles et les responsabilités de la communication habituelle avec ces groupes, la collaboration avec les organismes autochtones nationaux a joué un rôle significatif dans la stratégie de mobilisation des intervenants tout le long de la pandémie de grippe H1N1.

Santé Canada a nommé un conseiller médical principal pour superviser l’intervention contre la grippe H1N1 dans les réserves

Un certain nombre de changements opérationnels ont été apportés à l’été 2009 pour simplifier l’intervention face au virus H1N1. On a créé un groupe opérationnel à cet effet et clarifié les rôles et les responsabilités. Cela a permis d’améliorer l’intervention durant la seconde vague. On a de plus nommé un conseiller médical principal pour diriger l’intervention auprès des communautés des Premières nations vivant dans les réserves (autorité responsable), et le sous-ministre adjoint de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits en est resté l’administrateur financier. Cette nomination a donné de la crédibilité à l’autorité médicale pour les discussions tenues tant au sein du gouvernement fédéral que dans les communautés des Premières nations. Le conseiller médical principal a aussi amélioré les relations avec les médias et la communication avec les Canadiens au sujet de l’intervention du gouvernement fédéral auprès des personnes des Premières nations vivant dans les réserves.

Ce qui mérite d’être amélioré

Après la crise de la grippe H1N1, le degré de préparation dans les réserves a augmenté considérablement. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour aider à préparer les collectivités des Premières nations à affronter d’autres pandémies ou urgences de santé publique.

Élaborer un encadrement portant sur les aspects logistiques de la mise en œuvre des plans de lutte contre la pandémie

Les représentants de Santé Canada ont remarqué que, même si les plans de lutte contre la pandémie étaient en place, il semblait régner une certaine confusion autour de certains aspects logistiques des plans durant l’intervention; confusion à laquelle il faudra peut-être réfléchir. Nous avons donc besoin de directives sur le moment d’activer les plans pour savoir, par exemple, quand et dans quelles circonstances une collectivité devrait lancer certaines activités. Comme les collectivités des Premières nations sont diversifiées et réparties dans tout le pays, les directives devraient être assez précises pour permettre à une collectivité d’activer son plan au moment le plus opportun pour celle-ci.

Assurer la disponibilité en temps utile de l’encadrement en santé publique destiné aux communautés des Premières nations

Selon une étude menée auprès des communautés des Premières nations en septembre 2009, certaines pratiques de contrôle de l’infection prêtaient à confusion. En effet, la majorité des personnes vivant dans les réserves croyaient que le désinfectant pour les mains était plus efficace que le lavage des mains avec du savon ordinaire et de l’eau pour se protéger contre le virus H1N1. Pour ajouter à la confusion, on semblait se demander si le vaccin saisonnier protégeait de ce virusNote de bas de page 56.

Des directives limpides sur l’emploi de désinfectant pour les mains à base d’alcool en tant que moyen efficace de contrôler l’infection n’ont été émises qu’après un incident très publicisé au sujet du retard dans la livraison du désinfectant pour les mains commandé au Manitoba à l’été 2009. Les intervenants avaient aussi demandé des directives sur l’usage des masques, des blouses et des analgésiques, de même que sur les risques et les avantages des vaccins, pour aider les gens à prendre des décisions éclairées. Enfin, une approche coordonnée des différents gouvernements concernant les directives sur les antiviraux a été nécessaire très tôt dans la pandémie. Pour diminuer la confusion et assurer l’adoption des mesures de santé publique appropriées, il est essentiel d’élaborer rapidement des directives de prévention et de contrôle en matière de soins cliniques de prévention de l’infection et de les transmettre aussitôt aux travailleurs de la santé et à la population.

Répondre aux problèmes locaux grâce aux porte-parole régionaux

Afin d’assurer la cohérence des messages du gouvernement fédéral aux médias, le ministre de la Santé, l’administrateur en chef de la santé publique et le conseiller médical principal de Santé Canada étaient les principaux porte-parole. Toutefois, les représentants de Santé Canada ont évoqué les difficultés causées par l’absence de porte-parole régionaux de Santé Canada pour aborder les préoccupations locales durant la pandémie. On devrait songer à utiliser des porte-parole régionaux de Santé Canada durant une pandémie pour permettre à des employés régionaux qualifiés et formés, qui connaissent bien les conditions locales et qui ont des relations établies, de répondre publiquement aux questions soulevées dans leur région.

Faire tomber les barrières au déplacement des professionnels de la santé durant un phénomène de santé publique

Pour aider les régions et les communautés des Premières nations à tenir les séances de vaccination de masse, la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits a fourni un personnel d’appoint à des collectivités de la Saskatchewan, du Manitoba et de l’Ontario. Cependant, presque tous les bénévoles de la vaccination étaient autorisés en Ontario et avaient donc besoin d’une autorisation intergouvernementale. Pour régler le problème durant la crise H1N1, on s’est entendu avec les gouvernements de la Saskatchewan et du Manitoba pour qu’ils reconnaissent les autorisations de l’Ontario pour la vaccination seulement et pendant une période limitée. Un service spécial aux Ressources humaines a expédié ces ententes, et des arrangements spéciaux ont été pris pour faciliter les voyages. Reconnaissant que les cliniques de vaccination de masse auront besoin d’une capacité de pointe en cas de futures pandémies, il faudrait réduire les obstacles au mouvement des professionnels de la santé entre les provinces et les territoires afin d’optimiser la capacité d’intervenir rapidement et efficacement lors d’une crise de santé publique.

Les défis posés par la surveillance sont traités dans la section 3.1 (Surveillance, science et recherche). Par ailleurs, les responsables de Santé Canada travaillant dans ce domaine ont soulevé plusieurs questions sur la conduite des opérations, telles que les rôles et les responsabilités et la capacité de pointe, qui sont traitées dans la section 3.9 (Conduite des opérations).

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