Section 4 : Évaluation du programme du Service de santé publique du Canada offert par l’Agence de la santé publique du Canada – Conclusions et recommandations

4. Conclusions et recommandations

La synthèse et l’analyse des constatations de la présente évaluation ont permis de tirer des conclusions quant à la pertinence et au rendement du programme du Service de santé publique du Canada. Par conséquent, trois recommandations ont été formulées à l’intention de la haute direction de l’Agence de la santé publique du Canada.

4.1Conclusions

4.1.1Pertinence

Bien que les données empiriques récentes soient limitées, il existe des lacunes couramment acceptées au chapitre des capacités en santé publique au Canada. Plus particulièrement, il y a des disparités régionales dans les capacités en santé publique à l’échelle du pays. Les régions dont les besoins en la matière sont reconnus comprennent les régions du Nord (territoires) et de l’Est (provinces de l’Atlantique) du Canada ainsi que les régions rurales et éloignées de toutes les provinces. Dans ces régions, les besoins spécifiques en matière de capacités sont souvent liés au recrutement et au maintien en poste de professionnels de la santé publique formés. Les besoins les plus courants selon la profession comprennent les besoins en épidémiologistes, en personnel infirmier et en analystes des politiques. Ensemble, ces lacunes constituent des pénuries critiques dans le système de santé publique canadien et elles pourraient contribuer à une capacité réduite d’intervenir en cas d’événement touchant la santé publique. Il demeure donc nécessaire de combler les lacunes relatives aux capacités en santé publique au Canada.

Le renforcement des capacités du Canada en santé publique est un rôle approprié pour le gouvernement fédéral et l’Agence de la santé publique du Canada. Bien que les provinces et les territoires soient les principaux responsables de leurs besoins respectifs en matière de ressources humaines et de capacités, leurs capacités limitées peuvent affecter l’ensemble du système de santé publique. Dans une telle situation, le gouvernement du Canada peut, à juste titre, décider de jouer un rôle de soutien. De façon générale, le rôle de l’Agence de la santé publique du Canada dans la prise en charge des besoins du pays en matière de capacités en santé publique reflète et appuie sa propre mission, à savoir « promouvoir et protéger la santé de tous les Canadiens grâce au leadership, à des partenariats, à l’innovation et aux interventions en santé publique ». De façon similaire, le rôle de l’Agence de la santé publique du Canada englobe les éléments suivants : collaboration intergouvernementale en matière de santé publique; facilitation de l’adoption d’approches nationales en santé publique; mesures et interventions d’urgence; prévention et contrôle des maladies chroniques et infectieuses. L’Agence remplit ce rôle par l’intermédiaire des activités du Service de santé publique du Canada. Le programme du Service de santé publique du Canada ne semble pas constituer une duplication du rôle des autres intervenants. Cependant, ce programme pourrait chevaucher le Programme canadien d’épidémiologie de terrain, en particulier s’il accorde une plus grande priorité aux activités de formation et de perfectionnement des agents de santé publique qu’au renforcement des capacités des organismes.

Le renforcement des capacités du pays en santé publique est une priorité pour le gouvernement du Canada et l’Agence de la santé publique du Canada, et il fait partie de trois des orientations stratégiques de l’Agence pour les cinq prochaines années, comme l’indiquent les documents stratégiques de l’Agence : leadership en matière de promotion de la santé, de prévention des maladies et de protection de la santé; capacité accrue en santé publique et leadership scientifique; et amélioration des mesures et interventions d’urgence.

4.1.2Rendement

Le programme du Service de santé publique du Canada a réalisé des progrès en vue de l’atteinte de son résultat intermédiaire qui consistait à aider à combler les lacunes en santé publique des organismes d’accueil participants. Le travail accompli par les agents de santé publique a fourni aux organismes une capacité accrue de mener leurs activités fondamentales courantes en santé publique et de réaliser les projets prioritaires autodéterminés qu’ils avaient auparavant été incapables de mener à terme, ainsi qu’une capacité accrue d’intervenir en cas d’événement lié à la santé publique. De même, le travail accompli par les étudiants a contribué à combler les lacunes des organismes sur le plan des capacités organisationnelles en leur permettant d’entreprendre différents projets qui n’auraient autrement pas pu être réalisés dans les délais souhaités.

Les données recueillies aux fins de l’évaluation indiquent aussi que le programme du Service de santé publique du Canada a réalisé des progrès en vue de l’atteinte de son résultat intermédiaire qui consistait à accroître la capacité des organismes partenaires de répondre à leurs besoins en santé publique. Les superviseurs des organismes d’accueil ont déclaré que les agents de santé publique avaient aidé leur organisme en lui permettant de tirer profit de leurs compétences techniques, par exemple en ce qui concerne la surveillance épidémiologique et l’analyse, la préparation de rapports de haute qualité, le réseautage, de même que la prestation de formation au personnel de l’organisme. Les agents de santé publique ont également contribué au transfert de connaissances en partageant les enseignements tirés de leurs affectations précédentes dans d’autres organismes.

Bien que les organismes aient bénéficié du travail accompli par les agents de santé publique, cette capacité accrue pourra vraisemblablement être perdue, dans certains cas, lorsque l’agent sera affecté à un autre organisme, à moins que des efforts délibérés soient déployés durant le mandat de l’agent pour assurer le maintien de cette capacité accrue.

Des progrès ont aussi été réalisés en vue de l’atteinte du résultat intermédiaire visant à créer un bassin d’agents de santé publique capables de participer à diverses interventions en santé publique, y compris des mobilisations. Les agents de santé publique ont travaillé à des projets dans divers domaines de la santé publique, ont assisté à des séances de formation en groupe en vue de se préparer à d’éventuelles mobilisations et, dans certains cas, ont eu l’occasion de participer à une mobilisation.

De façon similaire, le programme a également réalisé des progrès en vue de l’atteinte du résultat intermédiaire concernant le perfectionnement des agents de santé publique. Bien que le programme n’ait pas encore établi de plan de formation officiel sur les compétences de base ou de documents connexes sur la mesure du rendement, les agents de santé publique, actuels et anciens, ont déclaré avoir acquis des connaissances et des compétences transférables à la suite de leur affectation dans les organismes. De plus, les étudiants ont satisfait aux exigences applicables à l’obtention de leur diplôme d’études supérieures en santé publique et ont acquis de l’expérience en ce qui concerne le travail en santé publique dans le Nord.

Bien que le programme ait réalisé des progrès en vue de l’atteinte des résultats intermédiaires actuellement prévus dans l’ébauche de son modèle logique, l’évaluation a permis de déterminer qu’il reste des enjeux importants en ce qui concerne la conception générale et la prestation du programme. De nombreux intervenants ne comprennent pas bien les résultats attendus et les principes théoriques du programme. Par conséquent, le processus de sélection des organismes et de jumelage semble avoir fait en sorte que les organismes d’accueil choisis ne représentent pas les régions du pays où les besoins en matière de capacités en santé publique sont les plus importants, comme l’ont souligné les principaux représentants provinciaux et territoriaux durant la collecte des données. De plus, le manque de souplesse en ce qui a trait à la durée des affectations des agents de santé publique et les exigences relatives à la rotation des agents ont eu des conséquences négatives sur les résultats du programme pour les organismes d’accueil et les agents. L’obligation de changer d’organisme a aussi nui au maintien en poste des agents de santé publique.

Enfin, d’autres enjeux restent à surmonter. À ce titre, soulignons la collaboration et l’échange de connaissances limités entre les participants au programme du Service de santé publique du Canada et les employés de l’Agence de la santé publique du Canada qui travaillent dans des domaines connexes. La collaboration pourrait favoriser l’échange de connaissances et l’établissement de partenariats entre les secteurs de programme, ce qui contribuerait à améliorer l’efficience et l’efficacité de la prestation des activités du programme. Finalement, aucune stratégie de mesure du rendement n’a été mise en place pour aider le Bureau de la pratique en santé publique à surveiller les progrès réalisés et pour contribuer à la prise de décisions concernant le programme et, par conséquent, les données sur le rendement pourraient avoir été mieux utilisées pour évaluer le programme et adapter son rendement dans l’ensemble.

4.2Recommandations

4.2.1Résultats escomptés

L’Agence de la santé publique du Canada a pour objectif de renforcer les capacités en santé publique au Canada en offrant divers programmes de services sur le terrain. Chacun de ces programmes vise une composante ou un élément précis du système de santé publique et emploie sa propre approche pour renforcer les capacités. Bien que l’Agence s’efforce actuellement de définir et de décrire en quoi consistent l’effectif et les capacités en santé publique, au moment de la collecte des données, cette terminologie ne semblait pas être comprise de façon uniforme à l’échelle de l’Agence. Par conséquent, la façon précise dont le programme du Service de santé publique du Canada complète les autres efforts déployés par l’Agence dans ce domaine n’est pas clairement énoncée.

Les données probantes recueillies aux fins de l’évaluation indiquent que les objectifs du programme du Service de santé publique du Canada ne sont pas clairs ou bien compris par l’ensemble des intervenants du programme. Bien des facteurs pourraient expliquer cette situation. Premièrement, les responsables du programme ont davantage traité des activités relatives à la grippe aviaire et aux pandémies, incluant du même coup moins de renseignements sur le but précis et la raison d’être du programme du Service de santé publique du Canada. Deuxièmement, il existe peu de documents détaillés (stratégiques et descriptifs) au sujet du programme. Troisièmement, il n’existe pas de modèle logique, approuvé par la direction, résumant les principes théoriques du programme. Un modèle logique a été fourni pour les besoins de la présente évaluation; cependant, il était incomplet, car les deux résultats finaux du programme étaient toujours en cours d’élaboration au moment de la réalisation de l’évaluation. Enfin, le modèle logique énonce les résultats généraux du programme (immédiats, intermédiaires et finaux), mais il n’indique pas clairement les intrants, les activités et les extrants du programme. De plus, le modèle logique ne renferme pas de résultats clairement définis. Par exemple, le résultat final visant à « renforcer les capacités en santé publique » est interprété différemment par les divers intervenants du programme.

Ce manque de clarté dans les principes théoriques du programme a eu des répercussions négatives sur la prestation du programme et, par le fait même, sur sa capacité d’atteindre les résultats les plus appropriés pour l’Agence dans le contexte des autres programmes de services sur le terrain.

Recommandation 1

Dans le contexte des orientations et des efforts stratégiques de l’Agence visant à renforcer les capacités en santé publique, déterminer, articuler et communiquer les résultats attendus du programme.

4.2.2Conception et prestation

Parce que les résultats attendus du programme ne sont pas clairement énoncés, le modèle de prestation du programme n’est pas assorti d’une approche stratégique claire, cohérente et bien comprise. Les critères de sélection utilisés pour évaluer les demandes présentées par les organismes sont le meilleur exemple de cette lacune. Ces critères ne sont pas bien définis et ont subi de nombreuses révisions depuis la création du programme. De plus, ils semblent paradoxaux, étant donné que le modèle actuel de prestation du programme n’appuie peut-être pas l’atteinte des deux résultats intermédiaires. Les critères de sélection des organismes ne semblent pas non plus refléter ou appuyer toutes les activités décrites dans le mandat initial du programme (p. ex. capacité d’appoint), et ils ne sont peut-être pas liés aux priorités actuelles du programme.

Les critères de sélection des organismes ont également contribué, en partie, au fait que les organismes sélectionnés ne semblent pas représenter les régions du pays où les besoins perçus en matière de santé publique sont les plus importants. Bien que les coordonnateurs régionaux aient consulté les intervenants provinciaux, territoriaux et locaux par le biais du processus de demande de propositions afin de cerner leurs besoins et priorités en matière de capacités, les commentaires formulés par les principaux représentants provinciaux et territoriaux donnent à penser que le programme ne rejoint toujours pas les régions des provinces et des territoires ayant les plus grands besoins. Les affectations actuelles d’agent de santé publique reflètent les besoins en matière de capacités en santé publique liés à la profession (épidémiologistes, personnel infirmier en santé publique, analystes des politiques); cependant, elles ne reflètent pas les disparités régionales reconnues (collectivités du Nord, provinces de l’Atlantique, régions rurales et éloignées). De plus, la majorité des affectations réalisées jusqu’à présent ont eu lieu dans de grands centres urbains, ce qui va à l’encontre des commentaires formulés par les informateurs clés, selon lesquels la priorité devrait être accordée aux régions rurales et éloignées.

De façon similaire, la durée actuelle des affectations et les exigences relatives à la rotation des agents de santé publique n’appuient peut-être pas l’atteinte des résultats attendus du programme. Par exemple, l’obligation d’affecter les agents de santé publique à un autre organisme après la période prévue de deux ans a fait en sorte que certains organismes d’accueil sont restés aux prises avec des travaux non terminés, et que leurs besoins en matière de capacités sont toujours présents. De même, l’obligation de changer d’organisme après deux ans a eu une incidence négative sur les résultats concernant l’apprentissage et le perfectionnement des ASP, et a ralenti la création d’un bassin durable d’agent de santé publique en raison des difficultés liées au maintien en poste des agents.

En énonçant une orientation stratégique claire et en élaborant les processus opérationnels connexes nécessaires, le programme sera en mesure d’utiliser ses ressources afin d’atteindre plus efficacement ses résultats prioritaires. Le fait de fixer une exigence selon laquelle les organismes d’accueil doivent disposer d’une solide capacité de mentorat afin de faciliter le perfectionnement professionnel des agents de santé publique pourrait également contribuer à l’atteinte de ces résultats.

Recommandation 2

Examiner et réviser les pratiques opérationnelles actuelles, y compris les méthodes de sélection des organismes, de rotation et d’établissement de la durée des affectations, afin de favoriser l’atteinte des résultats voulus.

4.2.3Efficience et économie

Mesure du rendement

Le programme du Service de santé publique du Canada ne dispose pas d’une stratégie officielle de mesure du rendement lui permettant de surveiller les progrès réalisés et de contribuer à la prise de décisions concernant le programme. Ce problème est exacerbé par l’absence d’un modèle logique détaillé, approuvé par la direction, et d’un document connexe décrivant clairement les principes théoriques du programme.

Une quantité limitée de données sur le rendement ont été recueillies au sujet des résultats du programme, et les données recueillies au sujet des activités et des extrants semblent incohérentes et irrégulières. Les lacunes dans les données sur le rendement ont compliqué la mesure et l’évaluation des progrès réalisés par le programme en vue de l’atteinte de ses résultats concernant les agents de santé publique, les étudiants et les organismes d’accueil. De plus, il n’y a aucune preuve attestant que les données sur le rendement recueillies ont déjà été utilisées pour éclairer la prise de décisions stratégiques ou de décisions relatives au programme du Service de santé publique du Canada.

Des activités prometteuses sont en cours, ce qui donne à penser qu’une stratégie de mesure du rendement plus complète sera élaborée pour le programme du Service de santé publique du Canada. Par exemple, le programme travaille à l’élaboration d’un modèle logique plus complet et plus détaillé qui énoncera clairement les principes théoriques du changement proposé. Bien qu’il s’agisse là de signes positifs d’une fonction de mesure du rendement plus efficace, les travaux futurs devront être réalisés de façon exhaustive (consignation des extrants et des résultats liés aux affectations d’agent de santé publique et aux stages d’étudiants), selon une théorie du changement claire, être intégrés systématiquement dans les opérations, et être utilisés activement dans les pratiques de gestion en vue de l’évaluation et de l’ajustement du rendement.

Collaboration

Depuis la création du programme du Service de santé publique du Canada en 2006, le personnel a entrepris des discussions afin d’échanger de l’information et de collaborer avec certains secteurs du Bureau de la pratique en santé publique et d’autres collègues de l’Agence de la santé publique du Canada au sujet de travaux connexes.

Il y a eu une collaboration importante avec les agents régionaux, y compris des partenariats visant à offrir diverses occasions de formation aux agents de santé publique et à d’autres employés de l’Agence de la santé publique du Canada qui travaillent dans des domaines connexes. La relation de travail établie entre les employés du programme du Service de santé publique du Canada travaillant au bureau de la région de la capitale nationale et ceux des divers bureaux régionaux de l’Agence de la santé publique du Canada a joué un rôle clé dans la prestation efficace du programme, et les liens permanents entre ces bureaux ont été un élément essentiel de la conception et de la prestation de ce programme.

La collaboration avec d’autres secteurs de l’Agence est minime. Par exemple, il y a très peu de collaboration et d’échange de connaissances entre les agents de santé publique et étudiants et les employés de l’Agence de la santé publique du Canada travaillant dans des domaines similaires, et les agents de santé publique ne saisissent pas bien les occasions d’établir des liens avec des spécialistes de certains dossiers de l’Agence de la santé publique du Canada, qui pourraient les soutenir dans les activités menées dans le cadre leur affectation.

On ne connaît pas les répercussions que pourrait avoir cette lacune sur la capacité de l’Agence de la santé publique du Canada d’atteindre les objectifs établis pour le programme du Service de santé publique du Canada de la façon la plus efficiente possible. On estime qu’un niveau plus élevé d’intégration et de collaboration permettrait de tirer un meilleur parti des connaissances et d’améliorer l’efficacité du programme.

Recommandation 3

Maximiser les occasions d’améliorer le rendement du programme en :

  • a)renforçant la méthode de mesure du rendement du programme afin de mieux orienter le processus       décisionnel du programme;
  • b)organisant des activités de collaboration et d’échange de connaissances au sein de l’Agence de la santé
          publique Canada.

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