Considérations entourant la divulgation au public d’éclosions et de cas de maladies infectieuses
Document préparé par le Groupe consultatif en matière d'éthique en santé publique de l'Agence de la santé publique du Canada
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- Introduction
- Déterminer s'il faut divulguer publiquement l'existence de cas ou d'éclosions et décider de la quantité d'informations à divulguer
- Déterminer la manière de divulguer les informations
- Considérations entourant la procédure
- Évaluation
- Annexe : Analyse des considérations éthiques liées à la divulgation publique des données de surveillance dans le contexte des éclosions du point de vue de la santé publique
Introduction
La communication des risques pour la santé du public canadien est un aspect essentiel de la réponse aux épidémies, tout comme la diffusion de conseils pour la prévention des risques. Ce document expose les considérations éthiques auxquelles il faut réfléchir pour établir un juste équilibre entre, d'une part, la protection de l'identité des personnes, des collectivités, des organisations et des entreprises et, d'autre part, la protection de la santé publique par la divulgation publique d'informations au sujet des cas de maladies transmissibles à déclaration obligatoire et sur les foyers de ces maladies. Ces considérations tiennent compte du fait que les décideurs travaillent souvent avec des informations incomplètes en constante évolution et qu'ils doivent tenir compte des meilleures données probantes disponibles au moment de leur prise de décisions et agir en conséquence. Parmi les valeurs et principes directeurs, on trouve le respect des personnes et des collectivités, le devoir d'agir pour le bien commun, le devoir d'atténuer les risques de préjudice (y compris les préjudices physiques, psychologiques, sociaux, juridiques et économiques), la justice, la confiance, la transparence, l'obligation redditionnelle et la responsabilité.
L'approche visant à déterminer s'il convient de divulguer publiquement des cas ou une éclosion dans une collectivité, une organisation ou une entreprise et à décider de la quantité d'informations à divulguer comprend 3 éléments :
- la clarification des objectifs;
- l'évaluation de la menace pour la santé des personnes et des collectivités;
- la divulgation publique d'informations.
1. Clarifier les objectifs
Lorsqu'on envisage de divulguer publiquement l'existence de cas ou d'une éclosion dans une collectivité, une organisation ou une entreprise, ou lorsqu'on détermine la quantité d'informations à divulguer, il est important d'établir clairement les objectifs de santé publique que l'on poursuit en divulguant ces informations au public.
- Quels sont les objectifs de santé publique de la divulgation?
- Quels sont les intérêts et les objectifs des personnes, collectivités, organisations ou entreprises concernées?
- Quels sont les préjudices que nous essayons d'éviter?
- Quelle est la probabilité que la divulgation atteigne ces objectifs?
2. Évaluer la menace pour la santé de la population
L'évaluation de la menace pour la santé de la population repose sur la collecte et l'examen de preuves scientifiques relatives à l'ampleur et à la nature de la menace.
- Quelles sont les répercussions potentielles de l'éclosion ou de l'événement sur la santé publique?
- Quelle est l'ampleur de l'éclosion ou de l'événement?
- Où se produit-il?
- Combien de personnes sont touchées?
- Certains groupes sont-ils plus à risque?
- Y a-t-il un risque important de propagation?
- Quelles sont l'incidence et la prévalence de l'infection dans la population considérée?
- Quelle est l'urgence de la menace pour la santé?
- Quelle est la durée prévue de la menace pour la santé?
- Quelle est la gravité de la menace pour la santé, si elle se concrétise?
- Est-ce que l'éclosion ou l'événement est de nature inhabituelle ou inattendue?
3. Divulguer publiquement les informations
Dans la plupart des cas, la divulgation n'est pas fondée sur une seule décision; elle s'appuie plutôt sur une série de décisions prises au fil du temps.
Pour déterminer s'il convient de divulguer publiquement l'existence de cas ou d'une éclosion dans une collectivité, une organisation ou une entreprise, ou pour déterminer la quantité d'informations à divulguer, il est important de prendre en compte les avantages et les inconvénients potentiels de la divulgation. Fournir des informations peut instaurer la confiance, permettre aux personnes et aux collectivités de prendre des mesures pour protéger leur santé et prévenir la propagation de la maladie. Cependant, la divulgation publique d'informations peut également porter préjudice à des personnes, des groupes, des collectivités, des organisations ou des entreprises. Toute mesure prise par les autorités de santé publique, y compris la divulgation d'informations qui pourraient identifier des personnes, des groupes, des organisations ou des entreprises, doit être proportionnelle au risque pour la santé.
L'identification et l'évaluation des avantages et inconvénients potentiels et des options doivent être éclairées par la communication avec les collectivités.
Les décisions doivent également favoriser la cohérence. Ainsi, on doit éviter de traiter un groupe particulier de manière différenciée afin d'éviter la stigmatisation et la discrimination. Si la cohérence ne peut être assurée, le traitement différencié doit s'appuyer sur des justifications éthiquement défendables.
Déterminer s'il faut divulguer publiquement l'existence de cas ou d'éclosions et décider de la quantité d'informations à divulguer
- Quel est le niveau de compréhension et d'inquiétude du public concernant l'éclosion?
- Disposons-nous de suffisamment de connaissances sur l'éclosion pour communiquer avec le public?
- Ces informations peuvent-elles être communiquées efficacement au public?
- À quoi ressemble une communication efficace dans ce cas?
- Quels sont les avantages et les inconvénients de la divulgation publique de ces informations au public (incluant les préjudices physiques, psychologiques, sociaux, juridiques et économiques pour les personnes, les collectivités, les organisations et les entreprises)?
- Quelles mesures seront prises pour garantir que les informations seront divulguées de manière à éviter la stigmatisation et la discrimination et à prendre en considération des facteurs comme les barrières linguistiques ou les incapacités?
- Ces informations aideront-elles les gens à comprendre les risques d'infection qu'ils courent?
- Ces informations aideront-elles les gens à connaître les mesures qu'ils peuvent prendre pour éviter l'infection et, à la lumière des risques pour eux et pour les autres, à déterminer s'ils souhaitent prendre de telles mesures?
- Ces informations aideront-elles les prestataires de services de santé ou les collectivités provinciales, territoriales ou locales à maintenir le bien-être de la population et à atténuer efficacement les risques et les effets de l'infection?
- Ces informations pourraient-elles contribuer à engendrer un climat de peur parmi les gens, en particulier s'ils estiment ne pas avoir la capacité de protéger efficacement leur santé et celle des autres?
- La divulgation publique de l'information pourrait-elle compromettre la protection de la vie privée et de l'anonymat des personnes qui ont contracté la COVID-19 et, par conséquent, les exposer à la stigmatisation, aux préjugés, à la discrimination, à des risques pour leur réputation, à de la souffrance ou à des pertes économiques?
- Les informations, notamment les identifiants démographiques ou géographiques ou les informations sur les organisations ou les affiliations, pourraient-elles contribuer à la stigmatisation ou à la discrimination de collectivités ou de groupes de personnes, à la perte de prestige, à des atteintes à la réputation, à des pertes économiques ou à de la souffrance physique, psychologique ou sociale?
- Est-il possible d'atteindre les objectifs de santé publique sans divulguer publiquement des informations qui pourraient potentiellement identifier des personnes, des collectivités, des organisations et des entreprises?
- La divulgation publique des informations réduira-t-elle la probabilité que les gens, les groupes ou les collectivités se soumettent aux tests ou se présentent pour recevoir des soins?
Déterminer la manière de divulguer les informations
- Qui a le pouvoir de divulguer les informations au public?
- Qui prendra l'initiative de divulguer les informations?
- Les médecins hygiénistes municipaux, régionaux, provinciaux ou fédéraux?
- Les représentants politiques?
- Quel ordre de gouvernement?
- Ces intervenants peuvent-ils collaborer avec les personnes, les collectivités ou les entreprises concernées pour en faire des partenaires de la divulgation?
- La méthode, le calendrier et les détails entourant la divulgation
publique sont-ils conformes aux pratiques établies?
- Les collectivités sont-elles au courant de ces pratiques?
Une fois que la décision a été prise de divulguer publiquement les données ou les informations recueillies en vertu des lois sur la santé publique
- Quelles autres mesures les autorités de santé publique peuvent-elles prendre pour dissiper les idées fausses, interpréter les informations sensibles et atténuer les risques pour les personnes, les collectivités, les groupes, les organisations et les entreprises?
- Comment les autorités de santé publique peuvent-elles adapter leur message pour que la population ait une meilleure compréhension du niveau de risque?
- Comment pouvons-nous avertir les personnes, les collectivités ou les entreprises qui seront identifiées ou qui risquent d'être identifiées?
- Pourra-t-on faire appel de la décision des autorités de santé publique?
Considérations entourant la procédure
Le décideur qui divulgue publiquement l'existence de cas ou d'éclosions doit :
- avoir le pouvoir de le faire;
- reconnaître que la situation évolue et qu'elle a des répercussions différentes sur divers groupes de personnes, et prendre la décision en se basant sur les preuves les plus récentes et les plus crédibles;
- assumer la responsabilité de la décision;
- être prêt à réexaminer les décisions en fonction de l'évolution des informations (réactivité).
Évaluation
Les autorités de santé publique doivent également évaluer les effets de la divulgation afin de pouvoir surveiller les effets intentionnels et non intentionnels et d'en tirer des enseignements pour les décisions futures.
Annexe : Analyse des considérations éthiques liées à la divulgation publique des données de surveillance dans le contexte des éclosions du point de vue de la santé publique
1. Principes directeurs
Les dimensions éthiques fondamentales établies dans le Cadre pour la réflexion et la prise de décisions fondées sur l'éthique en santé publique Note de bas de page 1 et les valeurs et principes éthiques énoncés dans le Cadre d'éthique en santé publique : Guide pour la réponse à la pandémie de COVID-19 au Canada Note de bas de page 2 constituent de précieux conseils pour aborder ces questions. Les éléments ci-dessous sont particulièrement pertinents.
- Le respect des personnes et des collectivités, qui implique la reconnaissance du fait que toutes les personnes ont une valeur inconditionnelle et que, à ce titre, elles sont dûment prises en considération et respectées. Le respect des personnes inclut aussi le respect de l'autonomie, c'est-à-dire la reconnaissance de la capacité et de l'intérêt des personnes à faire des choix pour leur propre destin. Le respect des collectivités implique que l'on tente d'éviter la stigmatisation de groupes ou de collectivités et que l'on se préoccupe du bien-être des générations futures.
- La bienfaisance, ou le devoir des autorités de santé publique d'agir pour le bien-être des personnes et de la population.
- La non-malfaisance, qui implique l'obligation soit d'éviter de causer un préjudice à autrui, soit d'atténuer le risque de préjudice, de sorte que tout préjudice, ainsi que le risque que ce préjudice se produise, soit moindre en proportion des avantages recherchés et des besoins comblés.
- La justice renvoie à l'obligation de traiter les personnes avec la même attention et le même respect et de réduire autant que possible les inégalités dans la répartition des fardeaux et des avantages liés à l'initiative de santé publique.
- La confiance correspond à la foi et à la confiance que les personnes, les groupes et le public entretiennent envers les institutions de santé publique, en particulier à l'égard de leur fiabilité, de leur intégrité et de leur bonne volonté.
- La transparence consiste à agir de manière à ce que les parties prenantes soient mises au courant, de manière complète, précise et opportune, des décisions qui sont prises, ainsi que des motifs et des critères appliqués. La transparence et l'honnêteté contribuent à instaurer la confiance, qui est essentielle au succès des initiatives de santé publique.
- L'obligation redditionnelle et la responsabilité font référence au fait qu'une organisation, un groupe ou une personne doit répondre devant autrui de la nature et de la qualité des décisions prises.
Les lignes directrices de l'OMS sur les considérations éthiques dans la surveillance de la santé publique Note de bas de page 3 (WHO guidelines on ethical issues in public health surveillance) établissent quatre considérations éthiques qui revêtent une importance particulière pour la surveillance de la santé publique [traduction] :
- Le bien commun. « La surveillance est justifiée, fondamentalement, lorsqu'elle s'impose pour le bien de tous Note de bas de page 4 ».
- L'équité. « La surveillance de la santé publique peut aider à la quête d'équité, puisqu'elle permet de déceler les problèmes particuliers des populations défavorisées […] et de cerner les causes de différences injustes en matière de santé Note de bas de page 5 ».
- Le respect des personnes. « On peut dire qu'entreprendre une surveillance de la santé publique est, en soi, une expression du respect des personnes. Cela exige en outre de veiller à ce que les données relatives aux personnes et aux groupes soient protégées et que les risques de préjudices soient réduits au minimum Note de bas de page 6 ».
- La bonne gouvernance est soumise à un certain nombre de considérations éthiques, à savoir l'obligation redditionnelle, la transparence et l'engagement communautaire Note de bas de page 7 .
2. Objectifs de santé publique associés à la divulgation publique des informations
Dans le cadre de la réponse à la COVID-19, les données sur les cas sont recueillies, analysées, interprétées et intégrées dans divers produits de surveillance, puis elles sont communiquées et viennent éclairer les mesures de santé publique Note de bas de page 8 . La première étape pour établir le juste équilibre entre les différents intérêts (incluant la demande d'informations sur les cas de COVID-19, le respect de la vie privée et la prévention de la stigmatisation) consiste à clarifier les objectifs de santé publique de la divulgation publique des informations tirées de la surveillance. La divulgation publique d'informations tirées de la surveillance des cas ou des éclosions de COVID-19 au grand public peut servir à :
- aider les gens à comprendre le niveau de risque posé par la COVID-19 afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées et prendre des mesures pour se protéger et protéger les autres contre l'infection;
- faire preuve de transparence par un partage avec la population des informations relatives au SRAS-CoV-2 et aux cas de COVID-19 que les autorités de santé publique ont recueillies;
- établir la confiance, par l'illustration du fait que les autorités de santé publique mènent leurs activités de surveillance et d'intervention avec toute la diligence requise.
La question se pose donc de savoir quelle est la probabilité que la divulgation publique des éclosions dans des communautés ou organisations particulières ou l'inclusion de certains éléments d'information dans les rapports de surveillance permettent d'atteindre ces objectifs. La transparence qui en ressort peut contribuer à renforcer la confiance de la population à l'égard des autorités de santé publique et de leur capacité à remplir leur mission de protection de la santé de la population. Toutefois, l'évaluation des effets de la divulgation d'informations sur la capacité des personnes à protéger leur santé et celle des autres sera différente pour chaque élément d'information considéré.
3. Considérations éthiques liées à la divulgation publique de l'information
3.1 La valeur de l'information
Un élément essentiel de la surveillance, lié à sa valeur sociale et à sa finalité, est la diffusion de ses résultats à ceux qui ont besoin de les connaître pour prendre les mesures nécessaires ou déployer des réponses Note de bas de page 9 . En effet, la ligne directrice no 13 de l'OMS sur les questions éthiques dans la surveillance de la santé publique stipule que [traduction] « les résultats de la surveillance doivent être communiqués efficacement aux publics cibles concernés Note de bas de page 10 ». Parmi les publics cibles concernés, il peut y avoir les responsables communautaires, les organisations de santé publique, les prestataires de soins de santé, les décideurs politiques, les membres d'une collectivité et le public.
Les principes de respect des personnes, de respect de leur autonomie et de bienfaisance viennent appuyer l'argument selon lequel les autorités de santé publique devraient fournir au public autant d'informations que nécessaire afin de permettre aux personnes de prendre des décisions éclairées sur les risques auxquels ils sont prêts à s'exposer et sur les mesures qu'ils souhaitent prendre pour protéger leur santé ainsi que celle d'autres personnes susceptibles d'être affectées par leurs actions.
Il se peut que les collectivités et la population en général veuillent avoir accès à une quantité considérable d'informations afin de comprendre une menace pour la santé, d'en déterminer la provenance et d'éliminer ou de réduire les risques pour leur santé autant que possible. Ce désir d'information n'équivaut pas à une nécessité ou à un droit d'accès à l'information. Si les personnes et les collectivités peuvent faire valoir un droit à l'autodétermination et à la protection de la santé, ces droits ne sont pas absolus et peuvent entrer en conflit avec les droits des personnes à la vie privée ainsi qu'avec les intérêts des collectivités affectées en matière de protection contre les préjudices, la discrimination et la stigmatisation.
Les autorités de santé publique ont le pouvoir de recueillir et de divulguer des informations sans consentement afin de s'acquitter de leurs responsabilités en matière de protection de la santé, notamment dans le cadre du contrôle et de la prévention des maladies infectieuses. Ce faisant, elles doivent faire preuve de discernement et rester responsables devant le public. Elles ne peuvent justifier une dérogation aux droits et intérêts des personnes et de certaines collectivités que lorsqu'il existe un risque grave pour la santé publique et que la diffusion d'informations contribue à protéger la santé publique Note de bas de page 11 . Les lignes directrices de l'OMS sur les questions éthiques dans la surveillance de la santé publique stipulent que [traduction] « les cadres éthiques pour le partage [des données] devraient respecter les personnes en garantissant que seules les données nécessaires à l'atteinte d'un objectif de santé publique légitime et suffisamment important sont partagées [et] que les données ne sont pas partagées plus largement que nécessaire Note de bas de page 12 […] » La décision de divulguer publiquement la présence d'une éclosion dans une collectivité ou une organisation ou d'inclure des éléments d'information particuliers devrait donc être guidée par des considérations liées aux effets potentiels de ces éléments d'information sur la santé publique.
La valeur de l'information réside également dans le fait qu'elle contribue à instaurer la confiance envers les organisations de santé publique, un élément essentiel au succès des initiatives de santé publique. La confiance du public dépend de la perception selon laquelle les autorités de santé publique sont honnêtes, ne cachent pas d'informations précieuses sur les risques pour la santé et fournissent suffisamment d'informations pour permettre aux gens de protéger leur santé. Néanmoins, l'instauration de la confiance auprès de certains membres de la société ne doit jamais se faire au détriment des intérêts fondamentaux des autres membres.
Dans le cadre de la pandémie actuelle, les messages des autorités publiques sont soumis à une concurrence considérable d'autres sources d'information, de mésinformation et de désinformation. Il s'agit notamment de publications dans les médias sociaux et d'autres sources en ligne. Dans ce contexte, il est très probable que tout vide laissé par les autorités publiques sera comblé par d'autres intervenants. Les autorités de santé publique doivent donc soupeser ces considérations lorsqu'elles déterminent s'il convient de divulguer des informations au public, la quantité d'informations à fournir et le mode de présentation aux médias et au grand public qui réduira le risque de préjudice. Une question clé consiste à savoir si la divulgation des informations accroîtra la confiance du public à l'égard de l'exactitude et de la valeur positive des systèmes de surveillance et de déclaration.
3.2 Éviter ou atténuer les risques de préjudice
La surveillance de la santé publique et la divulgation de l'information sur les éclosions ou les cas sont positivement justifiées par l'appel à la notion de bien commun. Les principes de non-malfaisance, de justice et de respect des personnes et des collectivités exigent que les décideurs prennent en compte les risques ou fardeaux qui pourraient découler de la transmission d'éléments d'information particuliers au public et que ces décideurs prennent des mesures pour éviter ou atténuer ces fardeaux et ces risques de préjudices. Comme le note l'Organisation mondiale de la santé [traduction] : « d'une part, la connaissance peut manifestement outiller les gens; d'autre part, elle peut conduire à des préjudices, à la stigmatisation ou à la discrimination » Note de bas de page 13 . Les autorités de santé publique doivent donc examiner attentivement les risques de préjudices pour les personnes et les collectivités Note de bas de page 14 .
De nombreuses caractéristiques de la pandémie de COVID-19 qui sévit actuellement sont une source de préoccupation à cet égard :
- les connaissances sur le SRAS-CoV-2 et la COVID-19, y compris sur la transmission du virus, ont évolué au fil du temps et continuent d'évoluer;
- la COVID-19 peut avoir de graves conséquences sur la santé des personnes qui l'ont contractée;
- l'efficacité des interventions préventives est incertaine;
- les mesures d'intervention de santé publique varient d'une province et d'un territoire à l'autre et font l'objet de débats et de critiques de la part du public.
Cette incertitude considérable et l'évolution des connaissances peuvent saper la confiance dans la science, dans son application et dans les mesures des autorités de santé publique, qui s'appuient sur les avis scientifiques. En outre, la durée des mesures de restriction est telle que ces mesures ont des répercussions considérables sur le bien-être physique, mental, social et économique de nombreuses personnes. Dans ces circonstances, il est possible que la divulgation publique de certains éléments d'information contribue à exposer des personnes ou des groupes à des risques de préjudices, en particulier si des personnes ou des groupes peuvent être perçus à tort comme responsables de la propagation de la COVID-19 dans une collectivité.
Pour atténuer les préjudices potentiels liés à la divulgation publique des éclosions ou des cas, on pourrait avertir les personnes, les groupes ou les collectivités de la divulgation afin qu'ils soient prêts et puissent prendre des mesures pour éviter la stigmatisation. La possibilité de faire appel de la décision de l'autorité de santé publique avant la divulgation ou, au moins, de participer aux décisions concernant la méthode et le moment de la divulgation pourrait également aider à atténuer le risque de préjudice et à réduire le fardeau ou la perception de fardeau.
Afin de prendre en compte de manière proactive les besoins liés à la santé publique et les risques de préjudices pour des collectivités ou des groupes particuliers, il est important d'avoir des contacts avec les collectivités touchées tout au long de l'élaboration et de la mise en œuvre d'une intervention de santé publique. Les approches communautaires contribuent à instaurer la confiance, améliorant ainsi les chances de succès des interventions de santé publique. Elles permettent également de cerner les besoins, les préoccupations et les intérêts particuliers entourant l'intervention de santé publique (incluant la divulgation publique d'informations), ainsi que d'autres options d'approches visant à atteindre les objectifs de santé publique. Pour ce faire, lorsque la divulgation publique d'informations est susceptible d'engendrer un risque de stigmatisation envers certains groupes, il convient d'envisager de travailler avec ces groupes afin de concevoir des stratégies de communication qui pourraient atténuer ce risque.
3.3 Choisir des moyens moins intrusifs
Outre l'examen des risques et des avantages potentiels de la divulgation publique d'éléments d'information particuliers, il est important d'évaluer si des mesures moins intrusives ou des approches moins conventionnelles pourraient être utilisées pour atténuer les risques, répondre aux préoccupations potentielles et atteindre les objectifs de santé publique énoncés. Cela peut inclure la non-divulgation d'informations susceptibles d'identifier des personnes, des groupes ou des collectivités, sauf en cas d'absolue nécessité. Il peut également s'agir de trouver d'autres mesures qui pourraient être prises pour dissiper les idées fausses, aider à interpréter les informations sensibles et atténuer les risques pour les collectivités, les groupes ou les personnes.
3.4 La valeur de la transparence et de la cohérence
La transparence et la cohérence dans la prise de décisions contribuent à instaurer la confiance à l'égard de la réponse de santé publique à la COVID-19. La cohérence dans la prise de décisions est également importante dans la mesure où elle reflète la valeur accordée à l'égalité et montre un respect égal pour les divers groupes de personnes et collectivités. Lorsqu'il est question de divulgation publique au sujet des éclosions ou des cas, les autorités de santé publique doivent établir des principes clairs concernant les informations qu'elles communiqueront, la manière dont elles communiqueront ces informations et les intermédiaires par lesquels elles passeront. Le fait de s'appuyer sur des pratiques cohérentes en ce qui concerne ces trois éléments peut réduire le risque de stigmatisation et de discrimination. La cohérence entre les différents ordres de gouvernement et les différentes administrations, bien que difficile, favorise également la confiance.
Notes de bas de page
- Note de bas de page 1
-
Agence de la santé publique du Canada, Cadre pour la réflexion et la prise de décisions fondées sur l'éthique en santé publique, Ottawa, 2017, en ligne : Gouvernement du Canada <https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/corporate/transparency/corporate-management-reporting/internal-audits/audit-reports/framework-ethical-deliberation-decision-making/pub-fra.pdf>.
- Note de bas de page 2
-
Agence de la santé publique du Canada, Cadre d'éthique en santé publique : Guide pour la réponse à la pandémie de COVID-19 au Canada, Ottawa, 2020, en ligne : <https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/2019-nouveau-coronavirus/reponse-canada/cadre-ethique-guide-reponse-pandemie-covid-19.html>.
- Note de bas de page 3
-
Organisation mondiale de la santé, WHO guidelines on ethical issues in public health surveillance , Genève, 2017, en ligne : <https://www.who.int/ethics/publications/public-health-surveillance/en/> (anglais).
- Note de bas de page 4
-
Ibid. , p. 21.
- Note de bas de page 5
-
Ibid.
- Note de bas de page 6
-
Ibid., p. 21 et 22.
- Note de bas de page 7
-
Ibid., p. 22.
- Note de bas de page 8
-
Plusieurs provinces ont déclaré l'état d'urgence sur leur territoire et s'appuient sur les pouvoirs conférés par leur législation en matière de gestion des urgences pour décider des mesures de réponse à la COVID-19 et les mettre en œuvre. D'autres ne l'ont pas fait et s'appuient sur les pouvoirs prévus par leur législation en matière de santé publique pour effectuer la surveillance et le suivi des maladies.
- Note de bas de page 9
-
Agence de la santé publique du Canada et Direction de l'évaluation de Santé Canada, Évaluation de la fonction de surveillance au sein de l'Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, Agence de la santé publique du Canada, 2013, en ligne : <https://www.canada.ca/fr/sante-publique/organisation/mandat/a-propos-agence/bureau-evaluation/rapports-evaluation/evaluation-fonction-surveillance-sein-agence-sante-publique-canada.html>.
- Note de bas de page 10
-
Supra note 3, p. 41.
- Note de bas de page 11
-
Groupe de travail sur la grippe pandémique (Pandemic Influenza Working Group) du centre conjoint d'études bioéthiques (Joint Centre for Bioethics) de l'Université de Toronto, Stand on Guard for Thee : Ethical considerations in preparedness planning for pandemic influenza, Toronto, Université de Toronto, 2005, en ligne : <http://www.jcb.utoronto.ca/people/documents/upshur_stand_guard.pdf> (anglais), p. 13.
- Note de bas de page 12
-
Supra note 3, p. 43.
- Note de bas de page 13
-
Ibid. p. 41.
- Note de bas de page 14
-
Ibid. p. 34.
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