Rapport de L’administrateur en chef de la santé publique sur l’état de la santé publique au Canada 2008
Dr David Butler Jones
L'administrateur en chef de la santé publique du Canada
Un message de l’administrateur en chef de la santé publique du Canada
Voici le premier rapport annuel de l’administrateur en chef de la santé publique. Sa parution constitue un moment important dans l’histoire de la santé publique au Canada. L’objet de ce rapport, et de ceux qui suivront, est de traiter de divers aspects de la santé de la population aussi bien que d’étudier une question ou un thème précis. Il servira à définir certaines questions clés liées à la santé publique et à examiner la façon de les aborder. Il vise à informer les Canadiens et à favoriser les discussions sur les nombreux facteurs qui contribuent à la bonne santé et sur ce qu’on peut faire, individuellement et collectivement, pour améliorer la santé publique au Canada.
Il existe de nombreuses définitions de la santé publique, mais j’aime y voir « les efforts concertés déployés par une société pour améliorer la santé et le bien être de la population et réduire les inégalités en la matière ». Cela revient à dire que différents secteurs de la société œuvrent de concert pour le bien de tous et de chacun. La santé publique englobe les programmes, services, règlements et politiques qui sont mis en place par les gouvernements, le secteur privé et les organismes à but non lucratif dans le souci de garder l’ensemble de la population en bonne santé. Il s’agit aussi d’une façon de réfléchir sur les problèmes et d’envisager des solutions. L’objectif fondamental est de comprendre et d’agir sur les facteurs à l’origine de la maladie ou de la santé en se posant des questions comme celles ci : « Quelles sont les causes d’un mauvais état de santé? » ou « Comment faire pour agir sur ces causes avant qu’elles ne créent des problèmes? »
Les soins de santé, quant à eux, sont axés sur nos besoins personnels et sur ce que nous pouvons faire pour recouvrer la santé ou améliorer notre état de santé. Les soins de santé et la santé publique sont complémentaires et nécessaires pour rester en bonne santé.
Le poste d’administrateur en chef de la santé publique du Canada a été établi en 2004, parallèlement à la création de l’Agence de la santé publique du Canada. Ces mesures ont été prises, en partie, à la suite de l’éclosion du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) de 2003.
L’administrateur en chef de la santé publique remplit une double fonction, ce qui est exceptionnel au sein d’un gouvernement. Il agit tout d’abord à l’échelon du sous-ministre dans la fonction publique fédérale, en dirigeant l’Agence de la santé publique et en conseillant le ministre de la Santé sur les questions de son ressort et sur la mission de l’Agence. Parallèlement, il communique directement avec les Canadiens sur les grands sujets de la santé publique. L’une de ses attributions à ce titre est de faire chaque année un compte rendu sur l’état de la santé publique au Canada.
Voici donc le premier de ces rapports annuels. L’Agence publiera un rapport distinct plus tard cette année afin d’aborder les progrès réalisés depuis l’éclosion de SRAS.
Parmi les bonnes nouvelles figure le fait que la majorité des Canadiens jouissent d’une santé physique et mentale bonne ou excellente. Nous vivons plus longtemps et nous avons grandement amélioré notre santé collective depuis un peu plus d’un siècle.
Les mauvaises nouvelles sont que tous les aspects de la santé ne s’améliorent pas et que tous les Canadiens ne profitent pas au même titre de ces progrès. Par exemple, le nombre de cas d’obésité et de diabète augmente au Canada et, si nous ne corrigeons pas la situation, les enfants d’aujourd’hui pourraient être les premiers dans l’histoire du Canada à avoir une espérance de vie plus courte que leurs parents.
Notre but est de rester en bonne santé le plus longtemps possible. S’il est important de prolonger la vie de quelques mois ou années, il est essentiel de raccourcir le nombre d’années de maladie ou d’invalidité. La plupart d’entre nous voient cette question sous l’angle de la qualité de vie, mais nous devons aussi la considérer sous un autre aspect. Les personnes dont la santé est précaire pèsent lourdement sur les systèmes de santé et de soutien social. Cela allonge l’attente pour obtenir des soins médicaux et accroît les coûts pour l’ensemble des contribuables canadiens. Ce phénomène présente également d’autres inconvénients pour la société, notamment les taux élevés d’absentéisme et la baisse de la productivité au travail, sans compter les effets physiques et emotionnels, ainsi que socioéconomiques de la maladie sur les personnes touchées et leur famille. Une population en santé contribue à une saine économie.
Alors que nous nous efforçons de rester en bonne santé aussi longtemps que possible, il est important de noter que, si certaines affections sont liées à notre patrimoine génétique, force nous est de constater que les Canadiens qui sont bien logés, consomment des aliments de qualité, bénéficient d’un bon niveau de scolarité, détiennent un emploi, perçoivent des revenus suffisants pour combler leurs besoins essentiels, adoptent des comportements plus sains et jouissent d’une meilleure santé.
Outre ces éléments fondamentaux, deux facteurs sont particulièrement importants : sentir que l’on détient une certaine maîtrise ou influence sur sa propre vie et son avenir, et aimer, être aimé et avoir une famille, des amis et d’autres liens sociaux qui nous donnent le sentiment d’appartenir à un ensemble plus vaste. En effet, la santé n’est pas seulement physique – si des personnes vous témoignent de l’affection et si vous en témoignez aux autres, si vous faites un travail qui vous plaît, si vous savez lire, écrire et fonctionner dans la société, vous êtes en meilleure santé. Ce n’est pas un hasard si les bénévoles, qui donnent beaucoup d’eux mêmes et sont engagés dans leur collectivité, sont globalement en meilleure santé et plus heureux que les autres personnes.
Nos choix, notre travail, nos amis et notre mode de vie ont une influence donc sur notre état de santé. Bien qu’il s’agisse de questions personnelles, ces choix sont souvent façonnés et limités par notre milieu et par les circonstances. Ces facteurs forment, avec d’autres, ce que l’on appelle les déterminants sociaux de la santé et ils sont essentiels pour nous aider à comprendre et à améliorer la santé des Canadiens.
Il importe de savoir comment ces déterminants introduisent des écarts sur le plan de la santé, puisque l’espérance de vie n’est pas la même chez tous les Canadiens. Certains groupes présentent un taux plus élevé de mortalité infantile, de blessure, de maladie et de dépendance. D’autres sont davantage touchés par l’obésité et le surpoids. Ces écarts sont appelés inégalités en matière de santé.
Il semble donc justifié que les déterminants de la santé et la façon dont ils contribuent aux inégalités en matière de santé constituent le thème de ce premier rapport. D’une certaine manière, le contenu du document n’est pas nouveau et ne devrait causer aucune surprise. En revanche, beaucoup seront étonnés par l’ampleur des inégalités qui subsistent dans l’un des pays les plus riches du monde, doté d’un des systèmes de santé et de soutien social les plus avancés qui soient. Comment est-il possible, alors que nous n’avons jamais joui d’un état de santé aussi bon dans l’ensemble, que tant de Canadiens ne profitent pas encore des effets de cette amélioration?
J’ai cherché ici à mieux faire comprendre ces inégalités et à proposer des moyens de les atténuer. La raison en est simple : je dirais que la santé générale d’une société se mesure à celle du groupe qui en est le plus dépourvu. Nous ne pouvons évaluer notre santé et notre bien être collectifs en nous fondant uniquement sur les personnes qui n’ont aucun problème. Nous ne pouvons non plus nous baser sur les moyennes, car elles masquent des écarts importants entre les deux extrêmes. Nous devons aussi penser aux laissés-pour-compte, aux personnes dont l’état de santé est déficient, aux analphabètes, aux sans-abri et à ceux qui ne touchent que très peu ou pas de revenus.
Le présent rapport met en évidence une variété de projets et de programmes actuellement implantés à l’échelle nationale et internationale qui accomplissent déjà des progrès. Voici quelques exemples simples : une initiative destinée à venir en aide aux femmes enceintes en difficulté; un accord tripartite visant à améliorer le sort d’une communauté du centre-ville; une organisation vouée à rompre le cycle de la pauvreté en procurant un logement abordable aux familles à faible revenu; des programmes qui aident les enfants à se préparer à l’école et à atteindre leur plein potentiel; une ville dans laquelle les jeunes vulnérables et démunis reçoivent un soutien au niveau scolaire, social et financier et où une unité sanitaire mobile vient en aide aux femmes immigrantes. Il existe des solutions et elles ne sont pas forcément compliquées : de nombreux efforts sont déjà déployés pour apporter des réponses.
En résumé, les inégalités en matière de santé sont fondamentalement des inégalités sociales que nous pouvons aplanir par des politiques publiques et des actions individuelles et collectives. Comme aucun secteur de la société n’est épargné, chaque personne ou organisation peut apporter sa contribution. Étant donné que nous déterminons notre santé par le type de société que nous choisissons de créer, chacun de nous a un rôle à jouer dans ce projet collectif et stimulant, c’est à dire un Canada en meilleure santé!
Dr David Butler Jones
L’administrateur en chef de la santé publique du Canada
Le Dr David Butler-Jones est le premier administrateur en chef de la santé publique du Canada. En sa qualité de médecin, il a travaillé au Canada et fourni des avis aux professionnels à l’étranger dans les domaines de la santé publique et de la médecine clinique. Il est professeur à la Faculté de médecine de l’Université du Manitoba et professeur clinicien au Département de santé communautaire et d’épidémiologie de l’Université de la Saskatchewan. Le Dr David Butler-Jones a par ailleurs occupé les fonctions de médecin hygiéniste en chef de la Saskatchewan et a œuvré pour un certain nombre d’organismes de santé publique, notamment à titre de président de l’Association canadienne de santé publique et vice président de l’American Public Health Association. Il a reçu en 2007 un doctorat honorifique en droit de la Faculté des sciences de la santé de l’Université York en reconnaissance de ses réalisations en santé publique.
Détails de la page
- Date de modification :