ARCHIVÉ : Chapitre 6 : Manuel de pratique sensible à l'intention des professionnels de la santé : Leçons tirées des personnes qui ont été victimes de violence sexuelle durant l'enfance – Lignes directrices : rencontres avec les patients ou patientes

 

Lignes directrices pour la pratique sensible : rencontres avec les patients ou patientes

Présentations et négociation des rôles

Dans tout milieu de santé, il importe de s'assurer que les premiers instants de la rencontre donnent le ton juste, compte tenu des préceptes de pratique sensible. En se présentant, en expliquant la nature du rendez-vous et en priant le patient ou la patiente d'indiquer sa préférence quant à la manière de l'aborder, le praticien ou la praticienne atteste du respect qu'il ou qu'elle porte à la personne tout en commençant à établir avec elle un rapport positif.

Par ailleurs, avant d'amorcer toute intervention, les pourvoyeurs et pourvoyeuses de soins de santé doivent sonder les attentes des clients et clientes au sujet des soins à dispenser. Pareille démarche instaure une relation fondée sur un partage bidirectionnel de l'information et du contrôle. En outre, elle permet au clinicien ou à la clinicienne de cerner rapidement de possibles appréhensions, lui évitant peut-être ainsi de déclencher des réactions négatives. Dans le cas de relations de santé de longue date, le réexamen périodique des rôles et des responsabilités se prête à la renégociation de certains éléments tout en traduisant une bienveillance et une compassion sincères.

Il importe de s'assurer que les premiers instants de la rencontre donnent le ton juste, compte tenu des préceptes de pratique sensible.

Section 4.2 Cinquième principe : partager le contrôle

Vêtements

Le besoin de se dévêtir est l'un des éléments illustrant le mieux les difficultés qu'éprouvent, dans un milieu de santé, les personnes ayant survécu à une agression sexuelle. Les praticiens et praticiennes tiennent souvent pour acquis que le patient ou la patiente se dévêtisse et enfile une jaquette pour examen médical. Par contre, pour maintes personnes ayant survécu à une agression sexuelle, le fait de se dévêtir pour les besoins d'une personne en situation d'autorité ravive le souvenir de mauvais traitements et éveille des sentiments d'impuissance, de vulnérabilité et de honte :

«Si je devais me dévêtir ... pour un [clinicien de sexe masculin] ... c'était pénible en raison de toute la question de la confiance, et je sentais la honte et le sentiment de culpabilité m'envahir ... Je me bats contre l'image du corps et parfois ... je me sens alors impuissant» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle)158.

Le retrait des vêtements s'inscrit dans les normes de soins relatives à certains examens. Cependant, dans le cadre des consultations liées au projet, les personnes ayant survécu à une agression sexuelle et les cliniciens et cliniciennes ont, d'une même voix, réclamé que tout praticien ou toute praticienne de la santé considère les mesures suivantes :

  • discuter des exigences de déshabillage avec le patient ou la patiente et collaborer avec la personne pour trouver une solution acceptable (p. ex., permettre le port de sous-vêtements tout au long de l'examen ou inciter le client ou la cliente à porter un vêtement court de son choix maillot de bain, culotte courte ou autre) ;
  • sortir de la salle pendant que le patient ou la patiente se change ;
  • fournir des jaquettes de différentes tailles, pouvant convenir aux personnes de toute corpulence, et indiquer au patient ou à la patiente si l'ouverture devrait se trouver à l'avant ou à l'arrière ;
  • éviter autant que possible les jaquettes de papier, dont l'extrême légèreté risque d'accentuer le sentiment de vulnérabilité des personnes ayant survécu à une agression sexuelle (comme l'ont largement souligné ces dernières dans le cadre du projet) ;
  • éviter de supposer qu'un homme n'éprouve aucun malaise à se montrer torse nu ;
  • s'assurer que le patient ou la patiente porte tous ses vêtements lors de certains échanges (p. ex., établissement du contact, évaluation des motifs de la visite ou revue des antécédents de santé) ;
  • s'il faut que le client ou la cliente se dévêtisse pour un examen ou une formalité, expliquer la suite des événements, préciser les vêtements à retirer et justifier la consigne, demander si la personne consent à respecter cette consigne (avant son exécution) et s'assurer de répondre complètement à toute question ;
  • en tout temps, n'exposer que la partie du corps devant être dénudée aux fins de l'intervention visée ;
  • recouvrir le corps du client ou de la clientèle dès que l'examen prend fin, de façon à minimiser la période d'exposition ;
  • au terme de l'examen ou de la formalité, attendre que le client ou la cliente ait remis tous ses vêtements avant de revenir pour dispenser un enseignement sanitaire, répondre aux questions (s'il y en a) et saluer la personne (cette mesure prend quelques minutes, mais met un terme à l'échange tout en permettant au client ou à la cliente de partir en se trouvant sur un pied d'égalité avec le praticien ou la praticienne).

Demandes de renseignements spécifiques à la tâche

On entend par demande de renseignements spécifiques à la tâche l'initiative qui consiste à prier le patient ou la patiente d'exprimer ses préférences et d'énoncer ses possibles réserves à l'égard d'un examen, d'une formalité ou d'une intervention en particulier. Pareille demande donne l'occasion au client ou à la cliente de fournir au pourvoyeur ou à la pourvoyeuse de soins de santé des renseignements pertinents à la situation courante, sans avoir à faire état d'épisodes passés de violence interpersonnelle. Le recours aux demandes de renseignements spécifiques à la tâche est indiqué pendant la rencontre initiale avec le patient ou la patiente, avant la conduite de tout nouvel examen ou toute nouvelle formalité ainsi qu'en tout temps si, par son langage corporel, la personne montre des signes de malaise ou de difficulté. Sans égard aux autres facteurs, il convient également d'en faire usage de temps à autre lors des échanges afin d'inviter régulièrement la personne à donner une rétroaction ou à faire part de tout problème.

Pour maintes personnes ayant survécu à une agression sexuelle, le fait de se dévêtir pour les besoins d'une personne en situation d'autorité ravive le souvenir de mauvais traitements et éveille des sentiments d'impuissance, de vulnérabilité et de honte.

Les demandes de renseignements spécifiques à la tâche reposent sur un ensemble de questions fermées ou ouvertes qui permettent au patient ou à la patiente de fournir toute précision qui lui semble pertinente. Voici un exemple de question fermée : « Avez-vous déjà eu du mal avec des examens ou des formalités semblables ? » En cas de réponse affirmative à une telle question, le praticien ou la praticienne pourrait enchaîner avec une question ouverte (p. ex., « que puis-je faire pour vous rendre la chose plus facile ? ») afin d'aider la personne à combattre son malaise. Avant le début de l'examen, il est recommandé d'inviter le patient ou la patiente à partager tout renseignement pertinent (p. ex., « avant que nous commencions, y a-t-il autre chose que je devrais savoir ? »).

Il peut sembler plus facile de partager de tels renseignements que de relater des sévices passés, mais la démarche risque quand même de s'avérer ardue pour les personnes ayant survécu à une agression sexuelle. Si le langage corporel du patient ou de la patiente révèle des signes de tension ou d'anxiété, le praticien ou la praticienne pourrait devoir poser des questions très précises (p. ex., « la mesure de votre pression sanguine vous procure-t-elle une sensation gênante ? » ou « cela vous indispose-t-il que quelqu'un touche vos genoux ? »). Aux cliniciens et cliniciennes, les personnes ayant survécu à une agression sexuelle et participé au projet lancent l'appel suivant :

«Soyez à l'affût d'indices flagrants : « vous me paraissez très anxieux ; y a-t-il quelque chose qui vous indispose ou dont je devrais être au courant ? »» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

De nombreux facteurs peuvent susciter l'inconfort ou piquer la sensibilité d'une personne lors d'une rencontre de soins de santé, et ces facteurs ne sont pas tous liés à des sévices passés. Par conséquent, bien que les demandes de renseignements spécifiques à la tâche soient de mise pour tout patient ou toute patiente, les cliniciens et cliniciennes devraient se garder de croire que les révélations spécifiques à la tâche soient nécessairement la marque de personnes ayant survécu à de mauvais traitements.

«Un excellent point de départ consiste à demander [à la personne] si elle a des réserves ou des craintes, sur le plan physique ou émotionnel» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

Le recours aux demandes de renseignements spécifiques à la tâche est indiqué pendant la rencontre initiale avec le patient ou la patiente, avant la conduite de tout nouvel examen ou toute nouvelle formalité ainsi qu'en tout temps si, par son langage corporel, la personne montre des signes de malaise ou de difficulté.

Par ailleurs, une femme propose ce qui suit aux cliniciens et cliniciennes :

«Posez d'abord ces questions : « quelles expériences avez-vous eues avec des dentistes [des médecins, des massothérapeutes, etc.] ? », « à quelle fréquence les consultez-vous ? », « quelles sont vos craintes ? »» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

Aux questionnaires servant à l'évaluation initiale, il est possible d'intégrer les demandes de renseignements portant sur les éléments qui piquent la sensibilité, suscitent un malaise ou posent problème. Certaines personnes ayant survécu à une agression sexuelle et participé au projet ont exprimé leur préférence pour une telle stratégie. À un patient ou une patiente qui exprime des réserves à l'endroit de certains éléments d'un examen, le praticien ou la praticienne peut proposer d'exposer ces réserves par écrit. Quelle que soit la méthode retenue, la cueillette de tels renseignements s'avère cruciale pour la prestation sensible de soins à tous les clients et clientes.

«[Ce qui serait] encore mieux ... c'est que lors de chaque visite au bureau [d'un praticien ou d'une praticienne] on nous fasse répondre à un court sondage ... demandant ... « cela vous indispose-t-il de vous dévêtir ou de vous faire toucher ? ». Il s'agirait d'une excellente pratique, car alors ils sauraient à qui ils ont affaire quand nous franchissons le seuil de la porte. Nous serions prêts la personne serait prête, forte de l'assurance ou de la conviction que le praticien ou la praticienne, médecin ou physiothérapeute, sait à peu près à quoi s'attendre. Ainsi, si la personne dit « heu, cela me gêne », ils sauraient ce qui se passe. Ils comprendraient ... Selon moi, ce serait formidable de procéder ainsi. Les deux parties auraient connaissance de la situation» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle)163p.93.

Remarque importante, le recours aux demandes des renseignements spécifiques à la tâche ne devrait pas se confiner aux seuls examens faisant appel au toucher. Pour nombre de personnes ayant survécu à une agression sexuelle, le toucher suscite des réserves. Cependant, d'autres interventions de soins de santé qui peuvent paraître inoffensives aux cliniciens et cliniciennes (p. ex., se tenir debout derrière la personne pendant l'examen, prendre son pouls, mesurer la pression sanguine ou plonger une main enflée dans l'eau glacée) risquent de gêner les patients ou patientes ou de déclencher chez eux des réactions pénibles.

Section 6.7 Le toucher

Les praticiens et praticiennes doivent savoir que, même s'ils demandent des renseignements spécifiques à la tâche avant la conduite d'un examen, certaines personnes risquent d'être incapables de verbaliser leurs réserves avant d'avoir établi de bons rapports avec leur pourvoyeur ou pourvoyeuse de soins de santé. En outre, la volonté ou la capacité de verbaliser des réserves spécifiques à la tâche dépend parfois du stade de guérison atteint par la personne ayant survécu à une agression sexuelle. Ainsi, certains éléments de l'examen seront plus ou moins bien tolérés selon la période.

Le recours aux demandes des renseignements spécifiques à la tâche ne devrait pas se confiner aux seuls examens faisant appel au toucher.

Section 4.2 Huitième principe : comprendre la guérison non linéaire

Les cliniciens et cliniciennes devraient éviter de supposer qu'une personne ait divulgué toutes ses réserves spécifiques à la tâche lors d'échanges précédents. Si elles ont subi un conditionnement poussant à la passivité ou à la soumission à l'endroit d'interlocuteurs ou d'interlocutrices en situation d'autorité, les personnes ayant survécu à une agression sexuelle pourraient avoir besoin de permissions et d'encouragements constants pour en venir à exprimer leurs réserves de façon régulière. Il y aurait lieu d'observer le langage corporel pour y déceler tout signe susceptible de révéler les difficultés qu'éprouve la personne tremblements, réflexes d'appréhension, contraction des muscles, variation du mode de respiration, rougissement, larmes, dissociation (c.-à-d. attitude d'une personne défoncée, distante ou absente) ou autre :

«Nous lançons des signaux ... pour dire que nous avons été violentés ... Je lançais des signaux, mais je ne crois pas que les autres étaient vraiment à l'écoute ou captaient le message ... [J'avais] des mouvements de recul et m'écriais souvent : « que faites-vous ? »» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle)143p.252.

En présence de signaux manifestes, le praticien ou la praticienne devrait d'abord expliquer au patient ou à la patiente qu'il serait bon de se détendre, car cela rend l'examen ou la formalité plus facile, puis demander son aide pour trouver une approche différente relative à l'élément qui pose problème (p. ex., « cela vous aiderait-il d'avoir un miroir pour voir ce que je fais ? »). Il est crucial d'aborder ainsi les malaises visibles qu'éprouve la personne afin d'établir et d'entretenir de bons rapports. En faire firisquerait de miner le sentiment de confiance et de sécurité.

Il y aurait lieu d'observer le langage corporel pour y déceler tout signe susceptible de révéler les difficultés qu'éprouve la personne.

Il y a moyen de documenter les réserves ou les préférences spécifiques à la tâche en décrivant la sensibilité de la personne ou les difficultés qu'elle éprouve sans jamais faire état de possibles sévices passés. Au moment de décider des éléments à inscrire au dossier du patient ou de la patiente, le praticien ou la praticienne devrait s'interroger sur ce qu'aurait à savoir d'autres cliniciens ou cliniciennes pour dispenser les meilleurs soins possibles. Si un élément sensible spécifique à la tâche n'est révélé que par une réaction indésirable du patient ou de la patiente à la suite d'un aspect de l'examen ou du traitement, le praticien ou la praticienne devait noter sans tarder la réaction imprévue. Ses notes devraient inclure tant des renseignements objectifs (le qui, le quoi, le quand, le où, le comment et le combien) que de l'information subjective (déclarations du patient ou de la patiente et d'autres personnes à propos de l'événement).

Tableau 2 - Aperçu des demandes de renseignements spécifiques à la tâche

On entend par demande de renseignements spécifiques à la tâche l'initiative qui consiste à prier le patient ou la patiente d'exprimer ses préférences et d'énoncer ses possibles réserves à l'égard d'un examen, d'une formalité ou d'une intervention en particulier. Pareille demande donne l'occasion au client ou à la cliente de fournir au pourvoyeur ou à la pourvoyeuse de soins de santé des renseignements pertinents à la situation courante, sans avoir à faire état d'épisodes passés de violence interpersonnelle.

  • Recourir à un ensemble de questions fermées ou ouvertes qui permettent au patient ou à la patiente de fournir toute précision qui lui semble pertinente
  • Voici un exemple de question fermée à poser d'entrée de jeu : «
  • Avez-vous déjà eu du mal avec des examens ou des formalités semblables ? »

En cas de réponse affirmative, enchaîner par une question ouverte, par exemple :

  • « Que puis-je faire pour vous rendre la chose plus facile ? »
  • Avant le début de l'examen, donner encore une fois au patient ou à la patiente l'occasion de partager des renseignements qui lui semblent pertinents :
  • « Avant que nous commencions, y a-t-il autre chose que je devrais savoir ? »
  • En cas de malaise apparent, formuler une nouvelle demande de renseignements spécifiques à la tâche. Par exemple :
  • « Vous semblez vous crisper à chaque fois que je me tiens derrière vous. Cela vous indispose-t-il que quelqu'un se tienne ainsi ou touche votre dos ? »

Si le patient ou la patiente répond par l'affirmative :

  • « Que puis-je faire pour vous rendre cette partie de l'examen plus facile ? »
  • Les demandes de renseignements spécifiques à la tâche sont susceptibles de rassurer les personnes ayant survécu à une agression sexuelle qui nient éprouver un malaise, mais dont le langage corporel affirme tout le contraire. Expliquer qu'il serait préférable que le patient ou la patiente se détende pour la conduite de l'examen et demander son aide pour trouver une approche différente relative à l'élément qui pose problème. Par exemple :
  • « Cela vous aiderait-il d'avoir un miroir pour voir ce que je fais ? »

Section 8.7 Questions d'ordre juridique et questions relatives à la tenue de dossiers

Suggestions générales visant les examens

Conformément au quatrième principe (« partager l'information »), les pourvoyeurs et pourvoyeuses de soins de santé devraient éviter de supposer qu'un patient ou une patiente comprenne ses comportements et connaisse les motifs qui l'animent. Ainsi, il est important que les praticiens et praticiennes commentent au fur et à mesure le déroulement des examens ou formalités en expliquant la nature et le bien-fondé des gestes posés. En outre, il est crucial de réitérer l'appel à poser des questions :

«J'ai remarqué que, souvent, le praticien ou la praticienne que tu consultes suppose tout naturellement que tu partages une partie de son savoir concernant son travail ... Et pourquoi en serait-il ainsi ? Je n'ai pas reçu de formation à cette fin, ce qui rend la situation très frustrante ! Et l'autre qui me pense informée» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle)143p.255.

Il est crucial de réitérer l'appel à poser des questions.

Bien qu'ils puissent paraître familiers aux cliniciens et aux cliniciennes, les établissements de santé constituent des milieux étranges et terrifiants pour de nombreuses personnes ayant survécu à une agression sexuelle. Le simple fait d'y être risque d'ébranler la capacité de ces personnes de poser des questions ou de verbaliser leurs besoins une réalité qu'on ne soulignera jamais assez :

«Je me sens très [silence], presque effrayé. Jusqu'à un certain point, j'éprouve le syndrome de la « réaction de combat ou de fuite », et je serais prêt à bondir sur mes pieds pour me précipiter vers la sortie. Je sais que cela découle de problèmes qui remontent à l'enfance. Néanmoins, ces sentiments m'envahissent au point où je ne n'arrive plus à penser aux motifs de ma visite, aux questions que je veux poser au clinicien ou à la clinicienne. J'en oublie même quel jour nous sommes» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

Bien qu'elles exigent de consacrer un certain temps à la pratique sensible des examens ou des traitements, les stratégies suivantes s'avèrent importantes à l'établissement de bons rapports fondés sur un sentiment de confiance et de sécurité. À long terme, elles permettent peut-être même de gagner du temps :

  • passer en revue les antécédents de santé avant de prier le client ou la cliente de se dévêtir en vue de l'examen physique ;
  • demander au patient ou à la patiente de dresser une liste de questions et de préoccupations pour chaque rendez-vous à venir, en vue d'apaiser son sentiment d'anxiété ;
  • inviter la personne à poser des questions tout au long de la rencontre ;
  • prévoir assez de temps pour aider la personne à bien comprendre le travail qui est fait ;
  • tenter de trouver un juste équilibre entre la méthode qui consiste à proposer des termes pour décrire les symptômes (« diriez-vous que votre douleur est vive et localisée ou sourde ; qu'elle s'accompagne de battements douloureux ou qu'elle est constante ? ») et celle qui consiste à inciter le patient ou la patiente à trouver son propre vocabulaire (cette question s'avère particulièrement importante du fait que de nombreuses personnes ayant survécu à une agression sexuelle ont appris à ignorer leur corps et doivent prendre plus de temps pour décrire leurs symptômes) ;
  • ne pas insister sur les sujets qui semblent gêner la personne ou sur les questions auxquelles elle peine à répondre, et y revenir plus tard ;
  • recourir à une formule écrite de consentement éclairé rédigée dans un langage facile à comprendre, dénué d'abréviations, de jargon et de termes scientifiques ;
  • faire comprendre à la personne qu'elle peut retirer son consentement en tout temps sans risque de sanction ;
  • porter une attention particulière au langage susceptible de calmer l'anxiété du patient ou de la patiente (p. ex., demander à la personne de se changer plutôt que de se dévêtir, faire référence à la table d'examen plutôt qu'au lit et parler de sous- vêtements plutôt que de petites culottes ).

Section 6.6 Consentement éclairé

Annexe F Rédaction des formules de consentement dans un langage clair et simple (exemple compris)

Ressources et ouvrages recommandés Sites Web consacrés à l'usage d'un langage clair et simple

Tout au long de l'examen physique :

  • éviter d'abuser des questions fermées et des questions par oui on non (une personne ayant une déficience intellectuelle pourrait être tentée de donner des réponses qui plaisent au clinicien ou à la clinicienne ; par ailleurs, du fait que les personnes handicapées courent un risque particulièrement élevé de subir des violences pendant l'enfance, le clinicien ou la clinicienne qui traite ce genre de client ou de cliente devrait porter une attention spéciale aux signaux non verbaux) ;
  • éviter d'approcher le patient ou la patiente dans son dos et s'abstenir de faire des mouvements rapides ou imprévus, car certaines personnes sont portées à sursauter facilement ;
  • aviser le patient ou la patiente avant de délaisser une partie de son corps pour s'attarder à une autre ;
  • expliquer le bien- fondé de l'examen de parties du corps autres que celles où se manifestent des symptômes ;
  • inciter la personne à demander une pause ou à exiger que le traitement soit ralenti ou interrompu si elle doit dissiper un malaise ou calmer un sentiment d'anxiété ;
  • avertir le patient ou la patiente si l'examen ou la formalité risque d'être désagréable et collaborer avec la personne pour minimiser son inconfort en lui demandant de donner une rétroaction et en y réagissant, et ce, tout au long de la procédure (p. ex., demander « comment vous sentez-vous ; peut-on continuer ? » ; en cas de réponse négative, faire une pause jusqu'à ce que le travail puisse reprendre) ;
  • éviter de donner des assurances spécieuses ou trompeuses qui traduisent du dédain ou une méconnaissance des craintes de la personne (p. ex., ne pas dire « faites- moi confiance » ou « n'ayez crainte, tout ira bien », mais plutôt « je sais que c'est pénible ; que puis-je faire pour vous rendre la chose plus facile ? »).

Bien qu'elles exigent parfois un certain temps, ces stratégies s'avèrent importantes à l'établissement de bons rapports fondés sur un sentiment de confiance et de sécurité. À long terme, elles permettent peut-être même de gagner du temps.

La question du temps

Dans le cadre des consultations menées aux fins du projet, la plupart des personnes ayant survécu à une agression sexuelle ont dit reconnaître les contraintes de temps imposées aux praticiens et praticiennes de la santé. Affirmant n'exiger aucun traitement particulier, ces personnes ont cependant joint leur voix à celle des praticiens et praticiennes participants en vue de formuler trois suggestions susceptibles d'assurer une utilisation plus efficace du temps disponible :

  • dès l'amorce d'un rendez-vous ou d'une rencontre, informer le client ou la cliente du temps disponible et négocier conjointement le meilleur usage à faire de cette ressource (en milieu clinique, le praticien ou la praticienne de la santé pourrait dire « nous avons quinze minutes pour ce rendez-vous : à quoi devrions-nous nous attarder ? » ou « nous avons quinze minutes et j'entends ... y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez ou dont vous auriez besoin ? » ; au service des urgences d'un hôpital, le praticien ou la praticienne pourrait plutôt dire « mon nom est ..., infirmière [ou infirmier], et je vais veiller sur vous. Nous sommes très occupés aujourd'hui, alors vous devrez attendre au moins une heure avant de consulter un médecin ou une médecin ... Je dois maintenant obtenir quelques renseignements de votre part. Par la suite, je passerai toutes les quinze minutes environ pour vérifier votre état. Si vous avez besoin de moi, n'hésitez pas à appuyer sur le bouton d'appel » ;
  • tâcher autant que possible d'éviter les interruptions assistant ou assistante, collègue, téléavertisseur, téléphone cellulaire, BlackBerry, appel téléphonique ou autre (là où huit à dix minutes de travail ininterrompu suffiraient, le praticien ou la praticienne que l'on dérange sans cesse aura peut-être besoin de vingt minutes pour s'attarder au patient ou à la patiente et atteindre l'objectif de l'échange) ;
  • miser sur la communication verbale et non verbale pour démontrer l'attention et l'intérêt portés au patient ou à la patiente (p. ex., le praticien ou la praticienne de la santé qui réalise l'entrevue en se tenant debout, la main sur la porte du bureau, ou qui quitte brusquement et sans explication pour répondre à un appel téléphonique fait comprendre à la personne qu'elle n'est pas l'objet central de son attention).

Tout au long du projet, les participants et participantes ont répété que les échanges de courte durée constituaient le principal obstacle à la mise en oeuvre des préceptes de pratique sensible, et ce, en raison des pressions concrètes imposées par les contraintes de temps. Lors des consultations, les personnes ayant survécu à une agression sexuelle et les praticiens et praticiennes de la santé ont prôné la multiplication des efforts en faveur de l'intégration des principes pour la pratique sensible dans les échanges de courte durée, attendu qu'une telle intégration exige un engagement ferme de même qu'une bonne dose d'ingéniosité.

Les cliniciens et cliniciennes sont priés de veiller à bien connaître toutes les sources de renseignements appropriées à propos du consentement éclairé.

Consentement éclairé

Élément important de la responsabilité qu'exercent les praticiens et praticiennes à l'égard de leurs clients et clientes, l'obtention d'un consentement éclairé en vue de la conduite d'examens ou de traitements repose sur un cadre dont la gestion relève autant de la Loi que des ordres professionnels et des organismes d'attribution des permis. Les cliniciens et cliniciennes sont priés de veiller à bien connaître toutes les sources de renseignements appropriées à propos du consentement éclairé. Ce dernier suppose une explication des ennuis de santé ainsi que la formulation de recommandations visant à aborder le problème. Ces recommandations doivent donner lieu à un échange portant sur la nature des traitements, sur leurs bienfaits et les risques physiques et effets secondaires qui s'y rattachent ainsi que sur les autres lignes de conduite possibles et les conséquences probables de l'inaction. Dans maints milieux de santé, les formules de consentement écrit comptent parmi les outils utilisés pour obtenir le consentement éclairé. Le cas échéant, les pourvoyeurs et pourvoyeuses de soins de santé sont priés de rédiger ces formules dans un langage clair et simple.

La présente section souligne les dimensions du consentement éclairé qui s'avèrent particulièrement pertinentes aux personnes ayant survécu à une agression sexuelle. Du fait que ces personnes aient été exposées tôt dans leur vie à la transgression des limites, il est primordial que les praticiens et praticiennes portent une attention particulière à l'obtention d'un consentement qui va au-delà des formules uniformes et s'intègre en permanence à leur travail auprès des patients et patientes :

«Quand j'étais enfant ... tu pouvais dire oui [consentir à une chose], mais Seigneur, tu ignorais ... que tu te retrouverais ailleurs et que tu y connaîtrais un tel sort ! Alors c'est là que tu vas» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

Annexe F Rédaction des formules de consentement dans un langage clair et simple (assorti d'un exemple rédigé par une personne ayant survécu à une agression sexuelle, dans le but d'aider les patients et patientes à bien comprendre)

Dans bien des cas, chaque élément distinct d'un examen ou d'une formalité doit faire l'objet d'un consentement :

«Un consentement permanent [est requis]. Je ne donne pas de consentement général pour qu'on me touche» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

Cela dit, la nature du consentement peut varier selon les circonstances. Certains hommes ont fait valoir que s'enquérir de leur degré d'acceptation revenait à demander leur consentement une fois l'examen enclenché. Pour d'autres personnes ayant survécu à une agression sexuelle, une fois la relation de confiance établie, il n'était pas nécessaire que le praticien ou la praticienne demande sans cesse le consentement pour chaque élément de la procédure :

«À mesure que se resserre notre lien de confiance, l'autre personne franchit un stade où elle n'a plus à me le demander. Et moi je franchis un stade où je puis dire « vous n'avez plus à me demander la permission ; je vous fais maintenant confiance, car je sais que vous ne me ferez aucun mal » ... Mais dans certains cas les praticiens et praticiennes de la santé doivent demander la permission pour que ces stades soient atteints» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

En toute circonstance, il incombe au praticien ou à la praticienne de veiller à ce que le patient ou la patiente soit tout à fait au courant et consente à la suite des événements.

La participation d'autres personnes à tout examen ou toute formalité exige un consentement supplémentaire. Il est important de s'enquérir de la participation d'étudiants ou d'étudiantes en l'absence de ces derniers. Par ailleurs, même lorsque le client ou la cliente a consenti au préalable à ce que des étudiants ou étudiantes prennent part à des formalités précises, on doit toujours vérifier le consentement à la participation des mêmes individus à de nouvelles activités, surtout s'il s'agit d'examens délicats. Parfois, le patient ou la patiente accepte qu'un étudiant ou une étudiante assiste à une partie de l'examen, mais pas à l'examen tout entier :

Elle m'a simplement dit ... qu'elle serait accompagnée d'un étudiant ou d'une étudiante qui l'aiderait à retirer l'emballage. Elle ne m'a pas demandé la permission ... Selon moi, un étudiant ou une étudiante qui participe ainsi reçoit un privilège, et il faut quand même respecter les sentiments du patient ou de la patiente à propos de cette présence (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

En toute circonstance, il incombe au praticien ou à la praticienne de veiller à ce que le patient ou la patiente soit tout à fait au courant et consente à la suite des événements :

«Au retour [de la praticienne], tout juste avant [de poursuivre le traitement], elle m'a demandé : « êtes-vous à l'aise avec cette situation ? », « est- ce que ça va ? », « comprenez-vous ce que je fais ? » Cela a tellement facilité les choses ! Parce que si tu te sens bien, voilà que tout à coup le malaise peut s'installer ... Alors elle m'a donné l'occasion de parler et de l'informer si soudain je devais changer d'idée et me sentir indisposée, peu importe la raison. J'avais le sentiment d'être aux commandes. J'avais l'impression d'avoir le dernier mot à propos de la suite des événements» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle)143p.254.

On ne peut sous-estimer la responsabilité du clinicien ou de la clinicienne en ce qui touche la surveillance de la communication verbale et non verbale provenant du client ou de la cliente ainsi que la suite à donner à cette communication. Certaines personnes ayant survécu à une agression sexuelle s'efforcent de surmonter l'apprentissage, pendant leur enfance, de la passivité à l'endroit des symboles d'autorité :

«Selon moi, il ne suffit pas de simplement dire « à tout moment si vous êtes mal à l'aise ... » parce que quelqu'un peut répliquer « bien, je comprends » et ne jamais rien dire ... car on nous apprend carrément à ne rien dire. Nous ne posons tout simplement pas de questions. Je sais qu'il existe bien des gens comme moi qui diraient « reçu cinq sur cinq », puis se tairaient peu importe la suite. Alors je crois que le praticien ou la praticienne de la santé rendrait un grand service à ces personnes en vérifiant et en contre-vérifiant. Pas nécessairement à chaque minute, mais peut-être lors de chaque passage à une étape délicate du travail qui s'effectue. Contre-vérifier tout simplement. « Comment ça va ? Je vais maintenant faire quelque chose de différent. En tout temps, si vous êtes mal à l'aise, dites-le-moi, et nous verrons ce qu'il y a moyen de faire » » (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

Quelle que soit sa nature ou la catégorie de praticiens et de praticiennes en cause, le toucher risque d'être source d'anxiété.

Pour réunir les conditions propices au maintien constant d'un consentement éclairé, les praticiens et praticiennes doivent :

  • laisser assez de temps au patient ou à la patiente pour explorer ses craintes, poser des questions et décider s'il est acceptable ou non d'aller de l'avant ;
  • demander le consentement pour chaque élément d'un examen ou d'un traitement ;
  • obtenir le consentement avant d'inviter des étudiants ou étudiantes à observer la personne ou à travailler auprès d'elle ;
  • garder à l'esprit qu'il incombe au clinicien ou à la clinicienne de s'assurer que le client ou la cliente maintienne vraiment son consentement ;
  • réagir à la communication verbale et non verbale que présente le client ou la cliente au moment où s'éclaire le consentement.

Le toucher

«Je consulte rarement les médecins. J'y vais seulement en cas d'absolue nécessité et pour mes examens physiques. Je réagissais par dissociation, c'était la seule façon pour moi de m'adapter ... à chaque fois qu'on me touchait » (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

Lors des consultations réalisées aux fins du projet, la plupart des personnes ayant survécu à une agression sexuelle ont fait valoir que toute forme de toucher risquait d'éveiller l'anxiété. Ce commentaire vaut pour le toucher provenant de tous les groupes de praticiens et de praticiennes exerçant leur métier dans un large éventail de situations, qu'il s'agisse par exemple de mesurer la pression sanguine, de prendre un échantillon sanguin ou d'effectuer un examen physique complet :

«Le toucher est pénible à subir, mais mon seuil de tolérance s'élève lorsque je me sens en sécurité» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

De l'avis des personnes ayant survécu à une agression sexuelle et participé au projet, il est primordial que le praticien ou la praticienne s'explique avant et pendant le contact, car il en va du sentiment de sécurité du patient ou de la patiente :

«[Il est utile] d'avoir de l'information et de savoir à l'avance qu'on va nous toucher ; ainsi nous sommes moins surpris quand survient le contact» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle)158.

S'ils comprennent la dynamique de la violence et reconnaissent certaines des difficultés que soulève, en matière de contact physique, l'expérience des personnes ayant survécu à une agression sexuelle, les praticiens et praticiennes de la santé seront plus à même d'élaborer des stratégies relatives aux interventions fondées sur le toucher :

«Les gens avaient l'habitude de me toucher, et cela me replongeait dans l'expérience des violences sexuelles et physiques du passé ... Les praticiens et praticiennes de la santé qui remarquent un certain mouvement de recul chez leurs patients ou patientes devraient tenter d'en connaître la cause» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

Il peut être pénible, pour certaines personnes ayant survécu à une agression sexuelle, de composer avec un clinicien ou une clinicienne qui a recours au toucher pour expliquer un problème de santé ou effectuer un traitement :

«[Certains cliniciens et cliniciennes] croient automatiquement avoir le feu vert pour procéder. « Bien, nous allons nous attarder ... à ces muscles [avec contact] ... parce qu'il faut renforcer ceci, car il en résulte cela et ... » Il n'y a là aucune intention [de procéder à des attouchements] ... Une fois rentré chez moi et calmé un peu, [je] réfléchis et me dis qu'ils [n'ont rien fait] de mal sur le plan sexuel. Mais néanmoins, quand la première réaction se déclenche, il devient très difficile de s'adapter à la situation. Cela éveille une foule de souvenirs ... et tu oublies complètement ce que tu es venu faire là» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

D'autres témoignages recueillis auprès de personnes ayant survécu à une agression sexuelle font état de leur souci constant de sonder les intentions de l'individu qui touche, d'évaluer la qualité de ce contact et de réagir à la situation :

«Si tu trouves en présence de [travailleurs ou travailleuses de la santé] qui font preuve d'agressivité ... dans la manière dont ils te touchent, alors le sentiment d'intimidation est immédiat, et l'insécurité s'installe » (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

Il n'existe pas de mode de toucher universel pouvant convenir à tout client ou toute cliente. Un contact délicat conviendra à certaines personnes, mais sera perçu par d'autres comme un geste suggestif :

«En ce qui touche la délicatesse du toucher, un contact ferme, mais non agressif, serait souhaitable. Trop délicats, les contacts risqueraient d'être vus comme des avances sexuelles» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

En dépit de la peur et de l'anxiété ressenties par nombre d'entre elles, les personnes ayant survécu à une agression sexuelle et participé au projet ont souligné les effets positifs du toucher :

«À des fins de guérison, je crois que le toucher ... a sa place, selon ma propre expérience, et il aide à rebâtir la confiance» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

Du fait que les contacts physiques représentent un enjeu fondamental pour les personnes ayant survécu à la violence sexuelle à l'endroit d'enfants, les praticiens et praticiennes de la santé devraient, avant et pendant toute rencontre exigeant le recours au toucher :

  • reconnaître que, pour de nombreuses personnes ayant survécu à la violence sexuelle à l'endroit d'enfants, le toucher n'a jamais rien de banal ;
  • informer les patients et patientes de la nature et du bien-fondé des contacts liés à tout examen ou toute formalité ;
  • faire preuve de sensibilité à l'égard de la nature et du dessein de tout contact et échanger avec les patients et patientes de leurs réactions à différentes formes de toucher ;
  • établir un contexte où les personnes sont libres d'articuler leurs réactions au toucher et d'explorer l'apport de ce dernier à la guérison.

Examens et formalités visant le pelvis, le sein, les organes génitaux ou le rectum

D'après les témoignages recueillis, l'examen du pelvis et du sein (chez la femme) et l'examen des organes génitaux et du rectum (chez l'homme) sont les deux étapes les plus pénibles d'un examen physique. Certaines personnes ayant survécu à une agression sexuelle et participé au projet ont évoqué les flashbacks que ces procédures pouvaient déclencher en elles :

«Cela peut déclencher ... des sueurs nocturnes, de vives douleurs rectales et d'inexplicables accès d'anxiété» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

D'autres sont absolument incapables de tolérer ces examens :

«Je ne crois pas que je laisserais qui que ce soit me toucher maintenant ... personne ne pourrait me faire un examen interne. Non ! Je refuse de revivre une telle vulnérabilité » (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

Selon les participantes et participantes des études, les praticiens et praticiennes devraient d'abord décrire le déroulement normal de l'examen, puis demander au patient ou à la patiente s'il y aurait lieu d'apporter de quelconques ajustements :

Vous savez, ils veulent mesurer ta pression sanguine, et je leur dis « vous feriez mieux d'effectuer au préalable le test de PAP, sans quoi les résultats seront alarmants ! Après le test, ma pression sanguine se rétablira » (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

«En étant si tendue à propos de cette formalité, il m'était très difficile de parler en général des autres éléments de l'examen ou de répondre aux questions concernant la grossesse ou d'autres sujets du genre ... Le rituel des questions et réponses précède toujours l'examen physique proprement dit, et je me sentais très stressée, paralysée en quelque sorte. Je crois n'avoir jamais vraiment donné de renseignements à cause de cela. Il aurait peut-être été préférable d'effectuer d'abord l'examen, de s'en débarrasser pour qu'ensuite je retrouve mon aplomb ... Ou alors me faire accompagner, ce que je n'ai jamais fait. Je suppose que cela aurait [facilité les choses]» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

Il n'existe aucune stratégie simple pouvant convenir à toute situation.

Parce qu'il n'existe aucune stratégie simple pouvant convenir à toute situation, il importe :

  • de recourir aux demandes de renseignements spécifiques à la tâche avant l'examen afin de prendre connaissance des difficultés à prévoir et de négocier avec la personne pour trouver des méthodes susceptibles de minimiser son malaise ;
  • de commenter au fur et à mesure les gestes qui sont posés ;
  • de porter attention aux signes non verbaux de détresse (p. ex., contraction des muscles, réflexes d'appréhension, attitude d'une personne défoncée, rougissement du visage, larmes ou bégaiement) et de demander au client ou à la cliente de donner une rétroaction à propos des méthodes susceptibles de rendre la situation moins pénible ;
  • de minimiser la période pendant laquelle la personne est maintenue dans une position où elle peut se sentir dominée ;
  • de recouvrir les parties de corps ne faisant pas l'objet d'un examen ;
  • de permettre au patient ou à la patiente de vêtir les parties de son corps qui ne sont pas visées par l'examen (p. ex., le torse, les bras ou les pieds) ;
  • d'offrir au client ou à cliente un miroir permettant d'observer le déroulement de l'examen ou du traitement ;
  • dans certains cas, de suggérer à une patiente tendue d'insérer elle-même le spéculum afin qu'elle puisse exercer un certain contrôle sur l'intrusion ;
  • si possible, de procéder à l'examen du pelvis de façon à ce que la tête et le haut du corps de la femme soient légèrement surélevés, comme suit :

«Cela faisait dix-huit mois que je consultais [ma médecin de famille]. Je remettais sans cesse mon examen physique, et elle l'a remarqué. Elle soulevait sans cesse la question et me rappelait d'agir, jusqu'au jour où j'ai avoué ma peur de me retrouver sur le dos, vêtue d'une simple jaquette de papier. Elle a répondu que rien n'interdirait que je sois partiellement assise tout au long de l'examen, notamment pour l'examen du pelvis. Maintenant elle offre cette possibilité à toutes ses patientes. Elle m'a révélé que notre conversation avait été importante pour elle » (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle)158.

Section 6.3 Demandes de renseignements spécifiques à la tâche

Position du corps et proximité

Dans le cadre du projet, les hommes et femmes ayant survécu à une agression sexuelle ont fait état des difficultés qu'ils éprouvaient à se retrouver partiellement nus dans certaines positions, dominés par un clinicien ou une clinicienne portant tous ses vêtements. Les praticiens et praticiennes de la santé peuvent aborder la question de la position comme toute autre dimension de l'examen ou du traitement, à savoir en expliquant le bien-fondé de la position à adopter, en obtenant le consentement de la personne, en étant à l'affût de signes de détresse manifestée par cette dernière et en donnant des commentaires au fur et à mesure :

[Je devais reposer sur le ventre] et cela m'indisposait sérieusement. En fin de compte, sans donner d'explication je lui ai dit : « je n'y arrive pas, je ne peux rester sur le ventre ; pouvons- nous procéder autrement ? » [À cela il a répondu] « heu, oui, vous pouvez vous redresser le torse ». Ainsi il y avait possibilité de choix (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

«Je n'aime pas sentir quelqu'un debout derrière moi, mais [s'il le faut] ... L'explication revêt une grande importance» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

D'autres participants et participantes ont évoqué le malaise ressenti lorsque le clinicien ou la clinicienne devait adopter certaines positions ou se placer très près d'eux, notamment pour examiner les yeux, les oreilles et la cavité buccale ou pour effectuer des traitements comme un ajustement vertébral.

Les praticiens et praticiennes de la santé peuvent aborder la question de la position comme toute autre dimension de l'examen ou du traitement, à savoir en expliquant le bien-fondé de la position à adopter, en obtenant le consentement de la personne, en étant à l'affût de signes de détresse manifestée par cette dernière et en donnant des commentaires au fur et à mesure.

Grossesse, travail, accouchement et post-partum

«[La grossesse] est une [période] de grande vulnérabilité ... pour les femmes ayant subi des sévices sexuels. Pour ma part, j'avais un peu peur, ne sachant trop ce qui en ressortirait. Par exemple, je risquais d'avoir des flashbacks pendant le travail» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

La procréation est une expérience profonde pour la plupart des femmes. Cette aventure risque cependant de s'avérer particulièrement pénible pour les femmes ayant des antécédents de violence sexuelle pendant l'enfance. Dans leur ouvrage intitulé When Survivors Give Birth, Penny Simpkin et Phyllis Klaus décrivent la grossesse en ces termes150p.33 :

«Une période de changements monumentaux pour les femmes une étape où se croisent le passé, le présent et l'avenir, un moment d'ouverture et de vulnérabilité. La grossesse contribue à éveiller des souvenirs d'enfance et à remuer des événements passés. Le présent évoque un paradoxe qui oppose l'exaltation d'une nouvelle vie à la peur et à l'anxiété » [traduction].

Selon Simpkin et Klaus, certaines femmes ayant survécu à une agression sexuelle perçoivent la grossesse comme un indice de « normalité ». À mesure que leur corps se transforme pour accueillir une nouvelle vie, ces futures mères développent une nouvelle confiance personnelle et interpersonnelle. Pour d'autres femmes, par contre, l'expérience de la grossesse éveille le souvenir de violences sexuelles pendant l'enfance. Dans le récit de son histoire, Christine40, une femme ayant survécu à l'inceste, déclare n'avoir eu aucun souvenir conscient de ses mauvais traitements avant la naissance de son troisième enfant. Après coup, la découverte de ses sévices lui a permis de comprendre les difficultés éprouvées lors de chacune de ses grossesses : ses pleurs apparemment sans raison à la suite de chaque consultation prénatale ; ses violentes nausées et violents vomissements ; ses lentes et interminables périodes de travail alors que l'enfant était en retard ; ainsi que ses graves épisodes de dépression postnatale. En outre, cette violence expliquait chez elle une vie entière de honte et de méfiance à l'égard du corps, un immense besoin de contrôle ainsi qu'une lutte incessante contre la dépression. Christine a gardé souvenir de la bienveillance des praticiens et praticiennes qui l'ont soignée pendant et après ses grossesses, bien qu'aucun d'entre eux ne l'ait jamais interrogée à propres de possibles antécédents de mauvais traitements.

Certaines recherches ont observé que, par rapport aux femmes dépourvues d'antécédents de violence sexuelle pendant l'enfance, les femmes ayant survécu à une agression sexuelle : hésitaient davantage à aborder leurs besoins de santé ; entretenaient de moins bonnes relations avec les aidants et aidantes ; éprouvaient plus d'anxiété et de peur à l'égard du travail et de l'accouchement ; faisaient plus souvent état d'expériences de naissance décevantes ; étaient plus souvent traumatisées ou retraumatisées par ces expériences ; souffraient plus souvent de troubles psychologiques pendant la période post-partum ; et éprouvaient de plus grands ennuis en ce qui touche l'allaitement naturel et l'exercice du rôle parental76,84,93,129,133,147,150,180,182.

Certaines recherches ont observé que les femmes ayant survécu à une agression sexuelle : hésitaient davantage à aborder leurs besoins de santé ; entretenaient de moins bonnes relations avec les aidants et aidantes ; éprouvaient plus d'anxiété et de peur à l'égard du travail et de l'accouchement ; faisaient plus souvent état d'expériences de naissance décevantes ; étaient plus souvent traumatisées ou retraumatisées par ces expériences ; souffraient plus souvent de troubles psychologiques pendant la période postpartum ; et éprouvaient de plus grands ennuis en ce qui touche l'allaitement naturel et l'exercice du rôle parental.

Dans le monde occidental, les soins prénataux « de qualité » reposent sur de fréquents rapports avec des praticiens et praticiennes de la santé médecins, infirmières et infirmiers, sages-femmes ou sages-hommes, techniciens ou techniciennes en ultrasonographie, personnel de laboratoire et autres. Par ailleurs, ces soins prévoient de nombreux examens, tests, formalités et traitements qui risquent de s'avérer pénibles pour les personnes ayant survécu à une agression sexuelle. Debra Hobbins84 dresse la liste suivante d'expériences périnatales susceptibles d'éveiller le souvenir de violences sexuelles subies pendant l'enfance :

  • le déshabillage ;
  • l'exposition ou l'examen des parties génitales ;
  • les côtés de lit surélevés ;
  • la contention ou le confinement sur un lit au moyen de dispositifs (tels qu'un cordon de moniteur f tal, une ceinture, un brassard de tensiomètre ou un masque à oxygène) ;
  • la sédation (analgésiques) ;
  • les demandes d'aide ignorées ou traitées tardivement.

Pareille liste démontre à quel point il importe de s'enquérir des antécédents de violence et de mauvais traitements lors de l'interrogatoire mené auprès de toute patiente ou tout patient :

«Je craignais que les soins ne conviennent pas, car [l'équipe] n'était pas au courant pendant ma première grossesse. Tous étaient dans le noir le plus complet. Personne ne m'a demandé quoi ce soit, et j'étais mal à l'aise d'en parler en raison de ma situation. Je n'avais pas cette voix me donnant les moyens de revendiquer, de dire : « eh bien, voici ce qu'il me faut, voici mon parcours, je dois savoir que vous comprenez, je dois pouvoir compter sur vous si mon esprit se ferme »» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

Une sage-femme praticienne ayant participé à la seconde étude réalisée dans le cadre du projet a expliqué qu'elle consacrait parfois les deux ou trois premières consultations prénatales à un simple échange avec ses clientes, attendant que ces dernières leur fassent part du moment où elles seraient prêtes à subir un examen physique. Soucieuse de minimiser les formalités invasives et les possibles éléments déclencheurs, cette praticienne s'en tenait aux interventions qui s'imposent et s'efforçait de faire preuve de souplesse (p. ex., en permettant aux femmes d'exécuter elles-mêmes certaines formalités comme l'écouvillage).

Les principes et les lignes directrices pour la pratique sensible énoncés dans le Manuel de pratique jettent des bases utiles en vue de la prestation de soins périnataux. Les praticiens et praticiennes de la santé qui collaborent étroitement avec les femmes tout au long de la grossesse, de la naissance et de la période post-partum sont invités à lire l'ouvrage de Simpkin et Klaus, When Survivors Give Birth 150, pour obtenir des directives plus précises et plus détaillées concernant la prestation de soins sensibles et respectueux.

De nombreuses personnes ayant survécu à une agression sexuelle ont un mal énorme à tolérer les pratiques liées à la santé bucco-dentaire et aux soins du visage.

Santé bucco-dentaire et soins du visage

Bien que les lignes directrices pour la pratique sensible s'avèrent pertinentes à tout type de praticien ou de praticienne, certaines questions particulières se posent dans le cas des personnes qui dispensent des soins visant la bouche, la mâchoire et le visage. Les enfants sont parfois soumis à des violences sexuelles buccales, et c'est pourquoi de nombreuses personnes ayant survécu à une agression sexuelle ont du mal à tolérer les pratiques liées à la santé bucco-dentaire et aux soins du visage, notamment la position qu'elles doivent adopter pendant les traitements, la proximité du clinicien ou de la clinicienne ainsi que l'odeur et la sensation que laissent certains produits gants en latex, alcool éthylique et autres :

«Trop de choses à la fois dans ma bouche ... On me demande de tenir la bouche ouverte trop longtemps, car c'est exactement ce qu'il faut faire quand quelqu'un t'oblige à avoir des contacts sexuels buccaux, comme quand t'es enfant, parce que ta bouche est trop petite» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

Les praticiens et praticiennes de la santé qui collaborent étroitement avec les femmes tout au long de la grossesse, de la naissance et de la période post-partum sont invités à lire l'ouvrage de Simpkin et Klaus, When Survivors Give Birth150, pour obtenir des directives plus précises et plus détaillées concernant la prestation de soins sensibles et respectueux.

Ainsi, il devient particulièrement pertinent de connaître les antécédents de violence d'un patient ou d'une patiente devant recevoir des soins bucco- dentaires ou des soins du visage :

«Comme je prévoyais qu'une certaine formalité m'occasionne [des difficultés], j'ai dit « vous devriez savoir que j'ai survécu à une agression sexuelle et ... c'est peut- être en partie pourquoi je réagis ainsi ! » ... Alors si j'ai une réaction psychotique pendant qu'il me joue dans la bouche, il sera mieux informé et connaîtra davantage le défiqui l'attend» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

Section 7.6 Éléments déclencheurs et dissociation

Les soins bucco-dentaires risquent de raviver les sentiments d'impuissance et de vulnérabilité éprouvés pendant l'enfance par les personnes ayant survécu à une agression sexuelle :

«Vous n'avez aucun contrôle parce que vous êtes dans le fauteuil, votre bouche est gelée, et vous êtes plus ou moins à la merci de cette personne » (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

En aidant la personne ayant survécu à une agression sexuelle à se sentir aux commandes lors du traitement, le praticien ou la praticienne participe à l'apaisement des peurs inspirées par les sévices passés tout en favorisant une meilleure collaboration pendant la procédure. Comme mentionné précédemment, la pratique qui consiste à partager l'information et à demander la permission avant d'entreprendre les traitements contribue souvent à atténuer les sentiments d'anxiété et d'impuissance qu'éprouve le patient ou la patiente.

«[Le dentiste] expliquait son travail étape par étape. Il disait « maintenant je vais nettoyer vos dents » ou « maintenant je vais vaporiser un peu d'eau sur cette dent, qui vous paraîtra peut-être un peu sensible ». Sans faire de zèle, il décrit chaque geste qu'il pose. Ainsi j'ai une image précise de ce qu'il cherche à accomplir et des prochains gestes qu'il va poser. Et cela s'est avéré extrêmement utile» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle)158.

En aidant la personne ayant survécu à une agression sexuelle à se sentir aux commandes lors du traitement, le praticien ou la praticienne s'attaque aux peurs que traîne cette personne en raison des sévices subis par le passé tout en posant les jalons d'une conformité accrue pendant la procédure.

Bien qu'elles puissent sembler répétitives aux yeux des praticiens et praticiennes, les pratiques qui consistent à donner de fréquentes explications et à obtenir le consentement à chaque étape revêtent une grande valeur pour les patients et patientes rongés par l'appréhensivité. En outre, il est utile de s'enquérir du sentiment d'aise de la personne, de donner suite à tout indice fourni par un langage corporel négatif ainsi que de convenir des signes à faire de la main pour demander (au besoin) l'arrêt de la procédure.

«La plupart du temps [le dentiste dit] « vous connaissez les signaux, n'est-ce pas ? », et je réponds « ouais ! », et toujours il passe en revue les signaux ... « Vous faites ceci pour signifier oui, et cela pour signifier non. Et voilà le geste à poser pour arrêter »» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle)156p.1280.

Dans le cas de nombreux patients et patientes, il serait utile de programmer des pauses lors des rendez-vous ou, dans la mesure du possible, de prévoir deux brèves rencontres plutôt qu'un seul rendez-vous de longue durée.

«[Quand j'ai dit à mon dentiste que j'éprouvais des difficultés ce jour-là, il a répondu] « eh bien, que puis-faire pour vous ? », « êtes-vous à l'aise dans ce fauteuil ? », « aurons-nous à prévoir d'autres pauses aujourd'hui ? » ... Cet homme fait preuve d'un respect tout à fait incroyable. Il est formidable» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

Section 6.3 Demandes de renseignements spécifiques à la tâche

Par ailleurs, pour certaines personnes ayant survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance, il est pénible de se retrouver au fond d'un fauteuil de dentiste dont le dossier est incliné, au-dessous d'un praticien ou d'une praticienne qui travaille tout près :

«Je me sentais vraiment coincé dans le fauteuil, en situation très vulnérable vous savez, vous êtes là sur le dos, la bouche ouverte. Pour moi, le traumatisme que j'ai vécu a été provoqué en grande partie alors que j'étais sur le dos ... alors [d'avoir un travailleur ou une travailleuse de la santé] ... au-dessus de moi, je trouve cela très menaçant» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

Dans ce genre d'intervention, le patient ou la patiente se retrouvera tôt ou tard en position couchée. Néanmoins, l'échange de renseignements et l'obtention du consentement devraient survenir pendant que la personne est encore assise en position verticale. Par ailleurs, le patient ou la patiente acceptera peut-être plus facilement d'adopter la position couchée si le praticien ou la praticienne lui explique sans cesse le bien-fondé de chaque man oeuvre et lui donne l'occasion d'observer en partie le déroulement du traitement au moyen d'un miroir.

Dans le cadre des études, les personnes ayant survécu à une agression sexuelle ont aussi décrit le malaise suscité par des objets évoquant le souvenir de préservatifs ou d'autres articles ayant servi à infliger de mauvais traitements :

«Pour moi, les dentistes, [c'est] le cauchemar absolu, même lorsque je connais une bonne journée ! Voici pourquoi. De un, leurs gants ont l'odeur de préservatifs ... Je perds conscience de l'ici-maintenant ... et me revoilà replongée dans l'histoire [de mon agression] ... et je n'ai plus affaire au dentiste» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle)156p.1280.

Le recours aux gants est impératif. Cependant, il y aurait lieu de songer à des gants faits de vinyle ou d'autres substances afin d'aider les patients et patientes qui semblent appréhender tout particulièrement l'odeur ou la sensation que laisse le latex.

Convaincues d'être vilaines ou indignes, de nombreuses personnes ayant survécu à une agression sexuelle craignent de faire l'objet de jugements sévères. Par conséquent, au moment d'exposer les choix de traitements à des patients ou patientes ayant négligé leurs dents, les praticiens et praticiennes de la santé bucco-dentaire doivent essentiellement faire preuve de sollicitude et éviter de se montrer trop catégoriques.

En matière de santé bucco-dentaire, la négligence apparente est un autre enjeu dont il faut tenir compte. Pareille négligence s'observe souvent chez des patients ou des patientes qui ont peur des traitements ou qui ne valorisent pas systématiquement leur corps ou leur personne et n'y portent pas toujours l'attention voulue. De tels cas donnent parfois lieu à une accumulation de craintes. Ainsi, en dissuadant les patients ou patientes de se faire soigner, la crainte des traitements inspire un sentiment de honte qui risque d'alimenter la peur de sanctions fondées sur la négligence :

«Au moment de traiter mes dents, ils diront : « Oh ! Vous avez été négligent. Vous auriez dû venir nous consulter plus tôt »» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle)156p.1280.

Les patients et patientes s'attendent à recevoir, comme il se doit, une évaluation réaliste de leur santé bucco-dentaire. Cependant, ils risquent d'avoir du mal à accepter un sombre pronostic qui leur serait donné concernant un état qui, traité plus rapidement, aurait sans doute pu être évité. Convaincues d'être vilaines ou indignes, de nombreuses personnes ayant survécu à une agression sexuelle craignent de faire l'objet de jugements sévères. Essentiellement, au moment d'exposer les choix de traitements, les praticiens et praticiennes de la santé bucco-dentaire doivent faire preuve de sollicitude et éviter de se montrer trop catégoriques. Plutôt que de réprimander les patients et patientes, ils devraient s'enquérir de la manière de les aider à bien soigner leurs dents attitude propice à l'établissement d'un lien de confiance avec eux.

Dans le cadre du projet, les personnes ayant survécu à une agression sexuelle ont fait valoir que la santé bucco-dentaire posait un défipour nombre d'individus, mais que la collaboration avec les praticiens et praticiennes en vue de surmonter conjointement les obstacles donnait souvent lieu à des expériences positives :

«Il ... ne fait pas fi de ce que je lui dis. Il fait preuve de compassion ... Il m'a écoutée. Il s'est penché sur mon état ... Quand il a terminé ... je me sens franchement bien. Vous savez, il est si doux et gentil, sa voix est si douce. Ouais, il est vraiment étonnant» (témoignage d'une femme ayant survécu à une agression sexuelle).

Afin d'alléger autant que possible le fardeau qu'imposent la santé bucco-dentaire et les soins du visage à de nombreuses personnes ayant survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance, les praticiens et praticiennes sont encouragés :

  • à procéder à l'échange initial de renseignements et à l'obtention du consentement pendant que la personne est encore assise en position verticale ;
  • à utiliser des gants faits de vinyle ou d'autres substances pour traiter tout patient ou toute patiente qui éprouve une appréhension pour l'odeur ou la sensation que laisse le latex ;
  • à définir des signaux de la main pour réclamer l'arrêt du travail, à promouvoir l'emploi de tels signaux et à toujours y réagir dans les moindres délais ;
  • à partager l'information avec le patient ou la patiente, et ce, de façon continue ;
  • à se soucier sans cesse du sentiment d'aise du patient ou de la patiente en vérifiant fréquemment son état et en procédant à des demandes de renseignements spécifiques à la tâche ;
  • à donner suite à tout langage corporel négatif ;
  • à programmer des pauses lors des rendez-vous ou à prévoir deux brèves rencontres plutôt qu'un seul rendez-vous de longue durée ;
  • à donner au patient ou à la patiente l'occasion d'observer en partie le déroulement du traitement au moyen d'un miroir ;
  • à faire preuve de sollicitude envers tout patient ou toute patiente ayant négligé sa santé bucco-dentaire, à éviter les jugements trop catégoriques à son endroit et à collaborer avec la personne pour qu'elle soigne mieux ses dents.

Les protocoles de santé stricts qu'applique couramment le système de santé dans les prisons ont pour effet de réduire fortement la probabilité qu'une personne ayant survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance réclame des soins.

Section 6.3 Demandes de renseignements spécifiques à la tâche

Soins dispensés dans le système correctionnel

La proportion de personnes ayant survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance est plus élevée dans le système correctionnel qu'au sein de la population générale. Parmi les femmes constituant la population carcérale, les taux de prévalence de la violence sexuelle pendant l'enfance varient entre quarante-sept et quatre-vingt-dix pour cent97,151,161 alors que parmi les hommes, ils fluctuent plutôt entre quarante et cinquante-neuf pour cent (violence sexuelle et/ou physique)91,130.

Deux des hommes ayant pris part au projet étaient détenus dans un établissement fédéral au moment de leur entrevue. Ces hommes ont décrit l'insécurité liée à la prestation de soins de santé, du fait que le milieu carcéral n'offre pas d'espace privé et qu'il soit difficile d'y maintenir le secret professionnel, mais aussi en raison des procédures réglementaires imposées par le système de santé dans les prisons. Il est tout naturel de devoir appliquer des protocoles de santé stricts ; toutefois, ces derniers ont vraisemblablement pour effet de réduire fortement la probabilité qu'une personne ayant survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance réclame des soins :

«[Lorsque j'ai consulté la clinicienne pour obtenir un médicament topique sans ordonnance contre les hémorroïdes, elle] a voulu me faire subir un examen physique ... J'ai pensé « non, ce n'est pas nécessaire » ... Elle a refusé de me donner le médicament ... [en affirmant] « si vous refusez [de me laisser vous examiner], alors je ne peux rien vous donner, et je supposerai que vous n'avez rien qui cloche »» (témoignage d'un homme ayant survécu à une agression sexuelle).

Des problèmes semblables semblent se poser pour les femmes ayant survécu à une agression sexuelle, à en croire les travaux de Pamela Dole50, une médecin ayant exercé dans le système correctionnel des États-Unis. Bien que d'autres recherches soient encore justifiées, les cliniciens et cliniciennes qui exercent dans le système carcéral sont priés de se pencher sur les pratiques courantes dans ce milieu et de chercher des solutions en vue d'y introduire les principes et les lignes directrices pour la pratique sensible.

Fin de l'examen physique

Au moment de clore tout échange, il est indispensable que les praticiens et praticiennes fassent sentir aux patients et patientes qu'ils sont sur le même pied qu'eux. La marche à suivre pour y parvenir varie selon le milieu :

  • en milieu clinique ou dans un bureau, voir les patients et patientes avant leur départ, mais après qu'ils aient enfilé tous leurs vêtements, afin de dispenser un enseignement sanitaire ;
  • en milieu hospitalier, laisser les patients et patientes qui gardent leur costume d'hôpital recouvrer leur sang-froid et leur permettre de se sentir reconnus comme personnes à part entière (p. ex., leur offrir une poignée de main et les saluer) ;
  • quel que soit le milieu, inviter une dernière fois les patients et patientes à poser des questions et, si cela convient, exposer brièvement le programme des rencontres à venir.

Questions pour stimuler la réflexion

  • Certaines de mes pratiques actuelles pourraient-elles paraître insensibles aux personnes ayant survécu à une agression sexuelle ? Quels changements faudrait-il apporter ?
  • Comment puis-je adapter ma propre pratique pour intégrer telle ou telle ligne directrice ?
  • Certaines des lignes directrices semblent- elles irréalistes ou irréalisables dans le cadre de ma pratique ? Y aurait-il d'autres façons de mettre en oeuvre ces lignes directrices ?
  • Quel est mon engagement envers l'intégration de ces lignes directrices dans mes pratiques de base et dans les pratiques de base des personnes qui m'aident dans mon travail ? Que signifie cet engagement pour mes clients et clientes ?
  • Ai-je conscience de la communication non verbale du malaise de mes clients et clientes ? Ai-je l'habitude de donner suite aux signes de malaise ?
  • Ai-je conscience de l'existence, dans ma collectivité, de ressources à qui je puisse recommander des personnes ayant survécu à une agression sexuelle pour qu'elles obtiennent des soins dépassant le cadre de ma pratique ? Cette information est-elle à portée de main ?

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