Défaire les liens entre la pauvreté et la violence faite aux femmes: Un guide de ressources – Approches

Approches

Introduction

Les stratégies présentées dans la section précédente du guide ont été conçues, planifiées et mises en œuvre par des groupes fournisseurs de services selon leur compréhension des causes profondes de la pauvreté et de la violence et de l'incidence de ces dernières sur les femmes. Bien que des services de counselling et de soutien soient essentiels pour aider les femmes maltraitées à devenir indépendante sur le plan psychologique de manière à pouvoir surmonter la violence, le soutien personnel doit être combiné à une réponse communautaire qui tient compte des obstacles systémiques qui isolent les femmes et qui les empêchent de quitter des situations de violence.

Comme il en sera question, les approches communautaires nécessitent une perspective intégrée et holistique dans le cadre de laquelle il faut travailler avec d'autres pour accroître la sensibilisation à l'égard de la violence et aborder les dynamiques fondamentales de l'inégalité qui en sont la cause.

La présente section présente quelques approches qu'utilisent les groupes pour orienter l'analyse, la planification et la mise en œuvre des stratégies. Elles ont ceci en commun qu'elles concernent la collaboration pour lutter contre la violence faite aux femmes et la pauvreté dans leurs collectivités. Ces approches doivent servir d'outils pour orienter la façon de travailler avec les femmes et l'ensemble de la collectivité pour créer des conditions à la fois systémiques et personnelles qui aident les femmes à briser le cycle de la pauvreté et de la violence. Ces approches s'inspirent de l'expérience et des connaissances des groupes et des mouvements féministes, des initiatives de développement communautaire et des Autochtones.

Une approche féministe

Il n'y a pas de définition unique du féminisme… Ce qui nous unit en tant que mouvement est le désir de transformer nos collectivités, nos organismes et même le monde en des endroits sécuritaires et justes.

Source : Smith (2003), p. 9.

Le féminisme est un cadre théorique pour comprendre la violence faite aux femmes qui a orienté, pendant de nombreuses décennies, les approches aux services destinés aux femmes maltraitées au Canada. Le féminisme prend ses racines dans la perspective fondamentale que la violence faite aux femmes découle d'un rapport de force inégalitaire entre les hommes et les femmes.

Grâce au féminisme, notre compréhension de la violence a évolué pour traduire une meilleure reconnaissance des entrecroisements complexes de sexe, de race et de classe et le fait que cela marginalise davantage certaines femmes, notamment les Autochtones, les femmes de couleur, les immigrantes et les réfugiées, les femmes sans abri, pauvres ou vivant en milieu rural, les femmes ayant une déficience et les lesbiennes.

L'approche féministe présentée ci-dessous a été élaborée il y a plus de 10 ans par le Comité régional de coordination contre la violence faite aux femmes d'Ottawa. Elle constitue encore aujourd'hui un outil utile pour les femmes qui s'intéressent à l'approche féministe pour offrir des services aux femmes victimes de violence. Le comité de coordination, qui s'appelle maintenant la Coalition d'Ottawa contre la violence faite aux femmes (COCVFF), offre également un certain nombre de principes féministes plus récents : la violence faite aux femmes est une question de droits à l'égalité, les fournisseurs de services doivent concevoir activement des services inclusifs plutôt que des services qui respectent simplement les différences, et le concept de « choix » devrait tenir davantage compte des obstacles sociaux et économiques qui empêchent les femmes d'avoir accès à des services.




Convictions de base sous-tendant les services à l'intention des femmes maltraitées

Convictions de base sous-tendant les services à  l'intention des femmes maltraitées
Texte équivalent

Convictions de base sous-tendant les services à l'intention des femmes maltraitées

  • Accountability
  • Accessibility
  • Choice
  • Equality
  • Responsibility
  • Respect for Differences
  • Women-Positive

Services à l'intention des femmes maltraitées

  • Services directs
  • Coordination des politiques et des services
  • Formation et perfectionnement
  • Sensibilisation communautaire
  • Action sociale
  • Èvaluation
  • Le droit de toutes les personnes de vivre dans un milieu sans violence est un droit humain fondamental.
  • Il est essentiel de comprendre et de dénoncer les situations d'abus de pouvoir et de domination pour mettre fin à la violence dans la famille.
  • Le réseau de services doit se pencher sur la question de la violence, qu'il s'agisse de la violence faite aux personnes individuellement ou de la violence systémique, afin de créer une collectivité non violente.
  • Les agressions psychologiques, émotives, sexuelles, physiques, et financières faites aux femmes constituent des problèmes sociaux et de santé majeurs. Les femmes devraient avoir accès à de l'aide appropriée pour toutes ces formes de mauvais traitements.
  • La violence faite aux femmes n'est pas une question d'intimité familiale, mais un crime qui exige que les coupables, et non les victimes, soient tenus responsables de la violence.
  • Les femmes qui ont des besoins additionnels (âge, langue, culture, déficience, pauvreté, situation géographique ou orientation sexuelle) ont besoin de services sensibilisés à ces besoins et qui peuvent y répondre.
  • Les enfants qui voient leur mère être maltraitée sont victimes d'agression eux-mêmes. Intercéder pour le développement de services appropriés pour ces enfants et l'assurer est essentiel pour répondre à leurs besoins et à ceux de leur mère.
  • Les femmes peuvent prendre le contrôle des aspects personnels de leur vie pourvu qu'elles aient des choix réels, des renseignements précis et l'occasion d'être des partenaires égales dans tous les aspects de la société.
  • Une approche communautaire coordonnée et complète à la prestation de services est essentielle pour offrir les choix susmentionnés et répondre aux nombreux besoins des femmes et des enfants victimes de violence.
  • Mettre fin à la violence dans la famille est la responsabilité de tout le monde. Les gouvernements, les entreprises, les groupes de bénévoles et les fournisseurs de services doivent s'engager dans l'éducation du public et dans des activités qui contribuent au changement social.
  • Les survivantes de la violence sont des partenaires essentielles dans l'élaboration des services, l'éducation du public et le changement social.
  • Les services utiles aux femmes maltraitées et à leurs enfants doivent rendre compte de leurs décisions aux femmes qui les utilisent ainsi qu'au personnel, aux bénévoles et à la collectivité.

Source : Comité régional de coordination contre la violence faite aux femmes (1993), p. 11.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec la COCVFF, 312, avenue Parkdale, Ottawa (Ontario), K1Y 4X5; téléphone : 613 725 3601; télécopieur : 613 725 3605; courriel : contact@octevaw-cocvff.ca; site Web : octevaw-cocvff.ca

Une approche axée sur le développement communautaire

Le développement communautaire s'entend généralement d'un processus permettant aux gens qui partagent une situation géographique, une identité, un intérêt ou un problème commun d'unir leurs efforts pour améliorer la qualité de vie au sein de leur collectivité. Autrefois, on ne considérait le développement communautaire que sur le plan économique sans tenir compte des aspects non matériels de la vie des gens. Le concept a évolué. En effet, on le comprend souvent comme étant un processus qui permet aux membres de la collectivité de s'engager activement dans l'amélioration de leur qualité de vie en termes d'accès à des possibilités économiques, de respect de leurs droits et de leur participation aux décisions qui auront une influence sur leur vie.

L'un des problèmes les plus difficiles que doit régler la famille en ce début du vingt et unième siècle consiste à recréer les collectivités pour qu'elles permettent le bien-être de leurs membres.

Source : Bopp et Bopp (2006), p. 3.

Au cours des dernières années, les initiatives de développement communautaires ont mis l'accent sur la réduction de la pauvreté. Les militants et militantes ont reconnu que les approches de développement communautaire pour les femmes à faible revenu qui ont été maltraitées doivent aborder non seulement les obstacles personnels et économiques qu'elles doivent surmonter, mais également les obstacles physiques, humains et sociaux comme l'accès à des soins aux enfants et aux aînés, à des logements sécuritaires, à des renseignements, à des compétences, à des capacités, à la santé, à des réseaux sociaux et à des organismes.

L'approche des moyens de subsistance durables

L'approche des moyens de subsistance durables a été élaborée par le Women and Economic Development Consortium (WEDC) en 2001 en s'appuyant sur les travaux du ministère britannique du Développement international British et de l'Institute for Development Studies de l'université de Sussex. Elle « tient compte de la perspective croissante selon laquelle le travail dans le domaine du développement économique avec les femmes à faible revenu nécessite une approche globale tout en respectant la diversité et la complexité de leur vie. Elle explore les dimensions de leurs moyens de subsistance, leur contexte de vulnérabilité, leurs stratégies de constitution d'avoirs et les étapes qu'elles franchissent lors de leur transformation vers des moyens de subsistance durables. » [Traduction libre] (Murray et Ferguson, 2001, p. 3).

L'approche des moyens de subsistance durables est un cadre holistique reposant sur l'avoir pour comprendre la pauvreté et le travail lié à la réduction de la pauvreté. Elle est attrayante parce qu'elle peut servir de large cadre conceptuel ou d'outil pratique pour concevoir des programmes.

Source : Eric Leviten-Reid, conseiller, Caledon Institute of Social Policy (disponible en anglais seulement)

Cette nouvelle perspective de constitution d'avoirs ne met pas l'accent sur ce qui manque aux femmes vivant dans la pauvreté, mais sur les avoirs ou les pierres angulaires qu'elles peuvent investir pour devenir plus autonomes et atteindre leurs objectifs (Murray et Ferguson, 2001, p. 3). Il s'agit d'un modèle de constitution d'avoirs global et mul- tisectoriel qui tient compte des dimensions financières, humaines, physiques, personnelles et sociales de la vie des femmes.

Le diagramme des cinq éléments fondamentaux des avoirs présente les composantes d'une approche à l'égard du développement communautaire fondée sur les avoirs. Les éléments fondamentaux mettent en évidence les différents aspects de la vie des femmes et les secteurs où elles se butent à des obstacles ainsi que les facteurs dont il faut tenir compte dans le cadre de tout effort visant à réduire la pauvreté.

Les cinq éléments fondamentaux des avoir
Texte équivalent

Les cinq éléments fondamentaux des avoirs

Capital financier

  • Revenu tiré de l'activité productive (emploi/travail indépendant)
  • Finances/épargnes disponibles
  • Entrée régulière d'argent provenant de :
    • Transfert du gouvernement
    • Famille
    • Cadeaux
    • Appui non financier
  • Cote de solvabilité
  • Accès au crédit

Capital humain

  • Compétences (techniques et interpersonnelles)
  • Connaissances
  • Habileté
  • Employabilité et capacité de gain
  • Bonne santé
  • Qualités de chef

Capital social

  • Coopération
  • Réseaux, connexité
  • Soutien de la famille
  • Amitiés
  • Relations fondées sur la confiance/échanges
  • Partnerariat et collaboration
  • Participation au contexte politique

Capital personnel

  • Motivation
  • Estime de soi
  • Confiance en soi
  • Connaissance de soi
  • Santé émotionnelle
  • Affirmation de soi
  • Spiritualité

Capital naturel

  • Soin des enfants/aînés
  • Logement sécuritaire
  • Énergie propre, à prix abordable
  • Information
  • Accès aux services bancaires et connexes
  • Besoins fondamentaux de consommatrice, p. ex. épicerie locale et autres services
  • Transport à prix abordable
  • Outils et équipement
  • Ressources naturelles
  • Qualité de l'air et de l'eau

Le cadre des moyens de subsistance durables est un outil pratique pour parler des différentes dimensions et des différents niveaux d'action. À l'aide de ce cadre, les organismes qui travaillent auprès de femmes à faible revenu peuvent les aider à bâtir leurs avoirs. Eko Nomos, une entreprise canadienne, a raffiné le modèle pour qu'il soit plus accessible et s'applique davantage au contexte canadien (voir Ekonomos disponible en anglais seulement) Un large éventail de groupes communautaires ont trouvé qu'il s'agissait d'une ressource utile pour réfléchir à leur travail.

Pour de plus amples renseignements, consulter les feuillets de renseignements sur les moyens de subsistance durables (Sustainable Livelihoods Guidance Sheets) du ministère du Développement international, à l'adresse www.dfid.gov.uk. (disponible en anglais seulement)

Le développement communautaire du point de vue autochtone

…le cercle représente l'ensemble des gens. Tous en font partie, personne n'en est exclu. Nuire à une personne, c'est nuire à tous; l'honneur de l'un est l'honneur de tous.

Phil Lane Sr., un aîné de la tribu des Sioux de Yankton Source : Bopp et Bopp (2006), p. 23.

Certains autochtones se tournent vers la roue médicinale traditionnelle pour comprendre le processus de développement communautaire. La roue médicinale est un ancien symbole qui représente une vision du monde (une façon de voir et de connaître) et les enseignements qui s'y rattachent. Le cercle signifie que dans la vie, tout est interrelié. Tout ce qui se produit relativement à une partie a une incidence sur toutes les autres parties.

Un des enseignements uniques de cette approche est que les dimensions spirituelles du développement humain sont aussi importantes que d'autres domaines du développement (mental, émotif et physique).

Le modèle de la roue médicinale

« Tout sous le même toit »

Le modèle de la roue médicinale
Texte équivalent

Le modèle de la roue médicinale

Mental

  • Dominant Thinking Patterns
  • Politique et administratif
  • Schémas de pensée dominants
Affectif
  • Relations humaines
  • Social
  • Environnement social

Physique

  • Environnement physique et économique
  • Environnement économique
  • Environnement économique et écologique
Spirituel
  • Vie culturelle et spirituelle
  • Culturel et spirituel
  • Environnement culturel

Dans cette approche, le développement humain et communautaire signifie ce qui suit :

  1. Le développement de la personne en ce qui concerne les dimensions, mentales, émotives, physiques et spirituelles.
  2. Le développement de la famille et de petits groupes en ce qui concerne les schémas de pensée dominants, les relations humaines, le milieu physique, l'économie ainsi que la vie culturelle et spirituelle.
  3. Le développement de la collectivité en ce qui concerne sa vie politique et administrative, économique, sociale, culturelle et spirituelle. Le contexte mondial dans lequel a lieu le développement humain et communautaire, contexte qui inclut l'environnement politique et bureaucratique, social, économique ainsi que l'environnement culturel dominant.
  4. Le contexte mondial dans lequel a lieu le développement humain et communautaire, contexte qui inclut l'environnement politique et bureaucratique, social, économique ainsi que l'environnement culturel dominant.

Le diagramme présente quatre grandes catégories de développement en œuvre simultanément. Chaque niveau affecte tous les autres niveaux.

Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter : Bopp, Michael et Bopp, Judie (2006). Recreating the World: A Practical Guide to Building Sustainable Communities, Cochrane, Four Worlds Press, p. 21-34. Cette publication est disponible auprès de : Four Worlds Press, P.O. Box 395, Cochrane, ALTA; téléphone : 403 932 0882; télécopieur : 403 392 0883; courriel : anyone@fourworlds.ca; site Web : www.fourworlds.ca (disponible en anglais seulement).

Principes inuits relatifs au ressourcement et à la coopération

Pauktuutit Inuit Women of Canada a récemment élaboré un guide qui s'appuie sur une approche holistique pour prévenir les mauvais traitements dans les collectivités inuites. Il comprend des connaissances et de la sagesse traditionnelles qui pourraient être utiles aux personnes et aux groupes cherchant à lutter contre la violence dans leur collectivité. Six principes directeurs de connaissances inuites traditionnelles servent de fondement aux pratiques en matière de counselling, et des mesures à prendre servent de guide relativement à des actions communes efficaces pour prévenir les mauvais traitements et favoriser le ressourcement. Voici ces principes :

Mise en pratique des principes inuits de ressourcement

Piliriqatigiinngniq - Travailler en collaboration dans un intérêt commun Ce principe suppose la connaissance du rôle d'une personne au sein de la famille, de la collectivité ou d'une organisation ainsi que de porter des jugements et de prendre des décisions qui profitent à l'ensemble plutôt qu'à quelques personnes.

Avatikmik Kamattiarniq - Bien-être de l'environnement On peut interpréter ce principe comme étant une interdépendance saine et équilibrée des dimensions mentales, physiques et spirituelles de la personne, de la famille et de la collectivité.

Pijittsirarniq - Service aux autres et leadership

Ensemble, ces concepts contribuent au bien commun et ne sont pas mutuellement exclusives, mais font partie du même idéal de sagesse dans la culture inuite.

Pilimmaksarniq - Habilitation

Les Inuits peuvent et devraient utiliser toutes les sources de renseignements appropriés, les recueillir et les utiliser pour redresser les torts sociaux et spirituels et pour créer une société inuite forte et équilibrée.

Qanuqtuurunnarniq - Ingéniosité et adaptabilité

Les Inuits peuvent être très créateurs, souples et axés sur les solutions.

Aajiiqatigiinngniq - Coopération et consensus

Le processus de ressourcement inuit ne fonctionne que dans la mesure où il est réciproque, basé sur l'opinion et les contributions des clients et des conseillers, des chefs et des membres de la collectivité, chacun reconnaissant la valeur du point de vue de l'autre. Par conséquent, les solutions, obtenues par voie de consensus, sont solides.

Source : Pauktuutit Inuit Women of Canada (2006). National Strategy to Prevent Abuse in Inuit Communities, and Sharing Knowledge, Sharing Wisdom: Guide to the National Strategy, p. 5-6.

Cette stratégie et le guide sont disponibles en Inuktitut et en anglais auprès de Pauktuutit Inuit Women of Canada en composant le numéro sans frais 1 800 667 0749 ou le 613 238 3977. On peut également les télé- charger à partir du site Web Pauktuutit Inuit Women of Canada

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