Sommaire : Violence familiale et itinérance : Analyse documentaire – Analyse documentaire

Sommaire

La présente analyse documentaire propose un survol des connaissances actuelles sur la relation qui existe entre la violence familiale et l'itinérance. Nous décrirons d'abord les différentes catégories d'itinérance relevées dans la littérature, en soulignant les difficultés que posent les définitions lorsque l'on essaie d'obtenir une évaluation juste de l'importance de l'itinérance au Canada.

Même si l'évaluation du nombre d'itinérants se limite en grande partie au calcul du nombre de personnes utilisant les refuges pour sans-abri, il est largement reconnu que cette population ne représente qu'une fraction du nombre total d'itinérants. Un grand nombre des femmes qui fuient un conjoint violent cherchent refuge dans des maisons pour femmes victimes de violence, mais ce n'est pas le cas de la majorité; elles demeurent plutôt chez des amis ou des membres de leur famille, où elles effectuent de courts séjours chez l'un et chez l'autre, pour retourner finalement à la maison, dans leur environnement original de violence. Les victimes de violence familiale représentent une portion importante de l'itinérance cachée ou relative.

Des recherches ont permis de documenter l'évolution du profil démographique de la population itinérante; elle est en effet composée de plus en plus de femmes, de familles, de jeunes et d'enfants, qui sont d'ailleurs souvent désignés comme les « nouveaux » sans-abri. Mentionnons également que les taux de violence familiale et d'itinérance sont plus élevés chez les femmes autochtones que chez les non-Autochtones. Selon des études menées dans plusieurs villes canadiennes, les femmes autochtones sont surreprésentées au sein de la population itinérante.

Pour expliquer l'émergence de ces nouvelles catégories de sans-abri, on a invoqué entre les taux élevés de violence familiale dont ces groupes sont victimes; des recherches ont d'ailleurs commencé à examiner le rôle possible de l'éclatement de la famille et celui des traumatismes et des expériences négatives vécues durant l'enfance.

Bon nombre d'études menées au Canada et ailleurs ont démontré que la prévalence de la violence familiale n'est pas seulement plus forte chez les personnes sans-abri, mais qu'elle est en fait exceptionnellement élevée. De façon plus précise, des études ont révélé des taux de violence élevés durant l'enfance des personnes itinérantes – plus particulièrement chez les femmes et les jeunes filles. Cette association a été observée à un nombre suffisant de reprises pour que certains chercheurs en viennent à considérer la violence familiale comme l'une des principales causes de l'itinérance. Par ailleurs, les personnes qui fréquentent les refuges reconnaissent de plus en plus que leur itinérance est principalement attribuable à la violence familiale.

Il existe, de plus, des preuves que les habitudes d'itinérance sont liées à la nature, à la sévérité et à la durée de la violence subie par les victimes alors qu'elles étaient enfants. Par exemple, les femmes qui sont sans domicile, de façon chronique ou répétitive, ont beaucoup plus souvent des antécédents de violence physique et sexuelle que le reste de la population. De même, il existe une forte corrélation entre l'utilisation des refuges et la sévérité et la fréquence de la violence à laquelle elles ont été exposées à la maison.

Étant donné les effets psychosociaux de la violence familiale sur les victimes, les services offerts par le personnel des refuges sont d'une importance cruciale pour que les victimes se rétablissent et qu'elles évitent plus tard d'autres relations violentes. Il est toutefois reconnu que l'obtention d'un logement permanent, à prix abordable, constitue un élément préalable au rétablissement.

Les résultats des recherches soulignent également la relation qui existe entre les conditions de logement et la violence familiale; en effet, de piètres conditions de logement peuvent être une source de stress interpersonnel, de conflit et de violence. Il n'est donc pas surprenant que les femmes qui habitent dans des logements publics en milieu urbain, soient plus nombreuses à subir des actes de violence de la part de leurs proches. On considère également que l'accès à des logements subventionnés et à des refuges d'urgence à court terme est essentiel pour diminuer le nombre de femmes victimes de violence aux mains de leurs conjoints et pour promouvoir la sécurité, l'autonomie et l'auto-suffisance des femmes.

Le manque de logements abordables est l'un des obstacles qui empêchent les femmes victimes de violence et leurs enfants de se « reprendre en main » après avoir effectué de courts séjours dans des refuges pour femmes victimes de violence familiale. Selon les tendances observées dans une grande ville canadienne, que les femmes éprouveraient de plus en plus de difficulté à accéder à un logement subventionné lorsqu'elles quittent un refuge. Les données de Statistique Canada révèlent que près du tiers des victimes qui ont fui leur foyer demeurent sans-abri ou ont très peu de stabilité sur le plan du logement, et ce, pendant des périodes prolongées.

Chez les jeunes, les conséquences de la violence familiale sont manifestes dans leur expérience ultérieure de la vie itinérante. Les jeunes sans-abri qui ont fui un environnement familial violent sont plus vulnérables à la victimisation que les autres jeunes itinérants. Cette situation est particulièrement prononcée chez les jeunes filles, et plus précisément chez les jeunes femmes qui ont été victimes d'abus sexuels dans leurs familles.

Lorsque la séparation avec les parents est plus difficile sur le plan affectif, les adolescentes et les adolescents doivent compter davantage sur leurs pairs, qui leur fournissent l'information et le soutien nécessaires à leur socialisation et à leur survie dans la rue. Les réseaux sociaux marginaux et les comportements à risque élevé les rendent plus vulnérables à une victimisation grave, et ils peuvent se trouver de nouveau agressés et exploités. Cette nouvelle victimisation et des relations coercitives viennent renforcer ce que les jeunes ont appris au sein de leurs familles. Il est très difficile de renverser ce processus. Les services offerts à cette population doivent être multisectoriels, innovateurs et particulièrement sensibles à leurs besoins.

La présente analyse documentaire met en lumière des questions qui devraient faire l'objet de recherches plus approfondies. Nous devons acquérir une meilleure compréhension des liens qui existent entre les mauvais traitements subis durant l'enfance et les problèmes ultérieurs d'itinérance chronique ou à répétition. De la même façon, les associations entre les placements dans les services d'aide à l'enfance et les habitudes ultérieures d'itinérance à répétition méritent un examen plus étroit. La surreprésentation des femmes autochtones au sein de la population des sans-abri justifie aussi, tout particulièrement, la réalisation d'autres recherches. De même, il faut s'assurer que les chercheurs se penchent sur les conditions particulières des membres de populations précises, notamment les membres des communautés ethnoculturelles, les personnes handicapées et les personnes vivant en régions rurales ou éloignées.

Il est également nécessaire de recueillir plus d'information sur les différents types de refuges et les besoins à long terme en matière de logement des femmes victimes de violence, et d'examiner le degré de collaboration qui devrait exister entre les différents types de refuges. Enfin, il faudrait mener des recherches sur les taux d'utilisation et d'efficacité des recours juridiques offerts au Canada pour retirer les agresseurs de leur milieu familial.

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