ARCHIVÉ : Création d'un cadre mondial visant à tenir compte des besoins et des apports des aînés dans les situations d'urgence – Priorités quant aux mesures à prendre

 

12. Les participants du Colloque de Winnipeg ont profité des discussions en petits groupes pour définir les pratiques exemplaires, les lacunes et les priorités quant aux mesures à prendre. Les résultats de ces discussions sont regroupés sous sept thèmes généraux se rapportant aux aînés et aux mesures d'urgence et présentés dans les dernières sections du présent rapport. Les priorités concernent le besoin pour les gouvernements et les intervenants de changer la perception que l'on a des aînés, de mieux déterminer les besoins particuliers des aînés et y répondre, et de mieux cerner et mettre à profit les apports des personnes âgées dans les urgences et les sinistres.

Thème 1 : Éducation publique, sensibilisation et communication

13. Les situations d'urgence du passé nous ont montré qu'avant et pendant les crises, les systèmes de communication fonctionnent souvent mal. Les informations transmises au public sont dans ces circonstances peu nombreuses ou inexactes. Avant le déclenchement d'une urgence, l'information concernant les risques et la préparation en cas d'urgence peut ne pas atteindre certains segments donnés de la population, par exemple les personnes qui sont isolées et celles qui possèdent un faible niveau d'alphabétisation. Elle peut même exclure certaines autres personnes. Les aînés, parfois isolés et souffrant de difficultés cognitives, sont peut-être plus exposés.

Considérations

14. Il y a un besoin critique désensibiliser davantage les gens et d'accroître l'éducation publique au sujet des aînés et des mesures d'urgence, de la prévention et l'intervention au recouvrement. Cela nécessite la promotion d'une meilleure compréhension quant aux facteurs physiques, sociaux, environnementaux et économiques qui accroissent la vulnérabilité des personnes âgées, ainsi que la mise en place de politiques qui favorisent un vieillissement actif et en santé et soutiennent la capacité d'adaptabilité des aînés.

15. Les communications sont renforcées ou compromises par un large éventail de facteurs qui ont une incidence considérable sur la réaction aux messages. Parmi ces facteurs, mentionnons la culture et les croyances personnelles, la langue et le niveau d'instruction ainsi que les expériences vécues, la géographie, l'environnement politique et les niveaux de ressource. Besoin est de tenir compte de ces facteurs et de renforcer la capacité de mettre à jour et de diffuser de l'information claire et cohérente aux aînés et au grand public avant, pendant et après les urgences.

16. Il est particulièrement important de diffuser opportunément des informations exactes avant l'avènement d'une catastrophe. Il faut entre autres élaborer et adapter des messages destinés à influencer les personnes âgées, le public, les organisations donatrices et les organisations non gouvernementales (ONG), y compris les organismes humanitaires et les organismes de secours.

17. La façon dont les messages sont diffusés est également importante. Pendant une urgence, les systèmes classiques de communication publique connaissent parfois des dérangements et il faut pouvoir compter sur d'autres systèmes de rechange; l'utilisation d'un langage clair et de messages précis, cohérents et compréhensibles est de mise.

18. La collaboration et les partenariats jouent aussi un rôle dans la diffusion  d'informations exactes et opportunes en cas d'urgence. Ces partenariats doivent être de nature multidisciplinaire et multisectorielle, regroupant tous les secteur set tous les intervenants y compris la société civile. Il est particulièrement important d'inclure les aînés eux-mêmes, pour obtenir leurs conseils quant à la façon de les joindre dans les situations d'urgence et comment ils entendent recevoir les messages.

19. Les organisations peuvent travailler de concert à la diffusion novatrice et économique des messages. Les dirigeants communautaires, notamment les chefs religieux, peuvent jouer un rôle particulièrement important dans la transmission de l'information aux populations vulnérables.

20. Il est nécessaire d'améliorer la qualité de l'information sur laquelle la planification et les mesures d'intervention sont fondées. À cette fin, il faut subdiviser les données sur les mesures d'urgence par âge et par sexe afin de présenter un tableau plus exact des personnes les plus vulnérables, des besoins en matière de services et de programmes ainsi que de l'efficacité des mesures d'intervention. De plus, il faut améliorer la consignation, le suivi, le partage et l'utilisation des données parmi tous les intervenants afin de faciliter l'analyse des efforts engagés parle passé dans les situations d'urgence et de renforcer les capacités d'intervention futures.

21. Les priorités quant aux mesures à prendre

  1. Élaborer des stratégies et des plans de communication visant à sensibiliser davantage et à éduquer le public au sujet des mesures d'urgence et des aînés grâce à la formulation de messages clés destinés aux médias, aux politiciens et aux autres intervenants importants.
  2. Élaborer des stratégies d'éducation publique et de sensibilisation interactives pour les aînés afin d'accroître leurs connaissances au sujet des catastrophes, renforcer leurs moyens de préparation aux sinistres, d'auto-assistance et d'auto protection, enfin, améliorer leur capacité à faire un apport direct aux mesures de recouvrement et d'intervention grâce à la fourniture d'efforts personnels et d'entraide.
  3. Veiller à ce que les aînés et les personnes ouvrant auprès d'eux puissent avoir facilement accès aux connaissances spécialisées et aux ressources disponibles dans la collectivité. Les ressources devraient inclure des lignes directrices sur les pratiques exemplaires que l'on peut consulter par des moyens électroniques tels que les portails Web intégrés lorsque cela est faisable; elles doivent cependant comprendre des moyens de rechange pour exécuter les mesures de façon ininterrompue durant les urgences.
  4. Établir des coalitions aux niveaux national et local pour assurer l'éducation en cas de sinistre, et leur accorder la souplesse nécessaire pour diffuser de l'information spécifique adaptée aux besoins et aux conditions locales. Ces coalitions devraient inclure les réseaux dans le domaine du vieillissement, être inter-reliés et pouvoir transmettre des messages cohérent set uniformes.
  5. Accroître la sensibilisation et la compréhension parmi toute la population quant au fait que les personnes âgées pauvres sont particulièrement vulnérables, surtout pendants les urgence set les catastrophes.
  6. Donner une attention spéciale à l'éducation des jeunes enfants en matière de préparation aux urgences, afin de les sensibiliser davantage et de leur fournir les connaissances, les compétences et les ressources pour qu'ils puissent s'adapter comme il convient aux situations d'urgence et aux catastrophes à toutes les étapes de la vie et faire un apport.

Leçon à apprendre en matière de préparation aux urgences auprès des aînés du Japon : Le grand tremblement de terre de Hanshin-Awaji

Le grand tremblement de terre de Hanshin-Awaji qui a ébranlé Kobe et la préfecture de Hyogo au Japon le 17 janvier 1995 a causé 6 533 morts, 43 792 blessés et détruit ou endommagé 510 000 habitations. Les personnes âgées comptaient pour la plus grande proportion des morts. Mais des aînés ont également fait une contribution durable à l'édification de collectivités plus sécuritaires et sont aujourd'hui membres du musée pour la réduction des catastrophes (Disaster Reduction Museum) créé à Kobe, au Japon, où des aînés bénévoles livrent et partagent leurs récits de survie et de capacité de récupération.

« Huit ans après le grand tremblement de terre de Hanshin-Awaji, les aînés de Nagata, un district qui a été profondément touché par la catastrophe, se sont mis à organiser des séances de narration à l'intention des groupes d'étudiants en excursions. Les élèves du primaire et du premier cycle du secondaire n'ont pas connu l'expérience du grand tremblement de terre de Hanshin-Awaji, ou ils l'ont vécue alors qu'ils étaient très jeunes et n'en ont donc aucune mémoire. Des enfants venus d'autres régions comptaient parmi l'auditoire et apprenaient ce qui s'était réellement produit dans le district de Nagata lors du grand tremblement de terre de Great Hanshin-Awaji, comment les gens s'y sont pris devant le sinistre, les sentiments qu'ils ont éprouvés alors et les sentiments qui les animent aujourd'hui. Grâce à ces récits, les enfants qui n'ont jamais vécu un tremblement de terre fort découvrent la puissance que peuvent receler ces phénomènes et ils ont la motivation de songer à la nécessité de se préparer aux catastrophes et de trouver des moyens de s'en sortir quand un sinistre se produit. » (Traduction libre)

Source: Hutton, D., Older People in Emergencies: A Framing Document for Policy and Program Development. Troisième version préliminaire préparée pour l'Organisation mondiale de la santé, 2006.


Thème 2 Stratégies pour l'intégration de l'apport des aînés dans les urgences

22. Il est important de reconnaître les capacités et la contribution que les aînés font au quotidien et dans les situations d'urgence. Or, les personnes âgées sont en général exclues des plans et des programmes d'urgence. Une véritable participation des aînés garantirait la détermination de leurs besoins particuliers et l'intégration de ces derniers dans l'analyse, la programmation et l'évaluation des services. Elle pourrait en outre apporter l'aide critique et le soutien nécessaire à l'atténuation des conséquences d'une crise pour les personnes et les familles tout en facilitant le recouvrement et la réadaptation de l'ensemble de la collectivité.

Considérations

23. Dans les catastrophes et les urgences, les personnes âgées apportent un soutien essentiel aux familles en assurant par exemple l'entretien continu des enfants et le soutien du revenu. Au sein de leurs communautés, les aînés peuvent fournir un leadership important dans les projets de secours et de réadaptation, où ils assument souvent un rôle de premier plan dans la mobilisation des ressources humaines et financières. La contribution des femmes âgées s'avère souvent importante lorsqu'il s'agit de prendre soin des enfants et des orphelins, notamment l'obtention et la préparation d'aliments nutritifs et l'entretien des refuges.

24. Les aînés doivent participer intégralement à toutes les phases de la préparation aux urgences. Il s'agit notamment de la planification collective en vue de l'atténuation des catastrophes, le repérage et l'identification des personnes les plus vulnérables, la définition des besoins individuels et collectifs, et l'élaboration de solutions axées sur la communauté pour le recouvrement et le rétablissement des moyens de subsistance.

25. La production de revenu est particulièrement importante et représente une grande priorité pour les personnes âgées à la suite d'un sinistre. L'expérience démontre que les aînés jouent souvent un rôle de tout premier ordre dans le maintien et (ou) le rétablissement de la stabilité au sein de leurs familles et de leurs communautés.

26. Les priorités quant aux mesures à prendre

  1. Élaborer des plans et des stratégies visant à engager les aînés dans les processus de planification d'urgence touchant l'ensemble de la collectivité et dans toutes les étapes de la gestion des urgences.
  2. Mettre en place des processus de dialogue inclusifs qui s'appuient sur les ONG, là où souvent les gens se rassemblent naturellement pour rejoindre les personnes âgées qui sont vulnérables et pour leur apporter l'aide nécessaire et assurer leur protection. Ces organisations devraient inclure les organismes religieux, humanitaires et de secours ainsi que d'autres organisations de la société civile.
  3. Élaborer des procédures de gestion des urgences qui incluent la participation directe des aînés quand il s'agit de repérer les personnes âgées pendant les urgences et les catastrophes, d'identifier celles qui sont les plus vulnérables, d'évaluer les besoins individuels et collectifs et de prendre part aux analyses et évaluations d'impact à la suite des urgences.
  4. Bâtir la capacité d'afflux de volontaires susceptibles de participer aux efforts de préparation aux urgences dans les collectivités, en incluant les professionnels à la retraite et les professionnels en formation, les chefs de file au sein de la communauté des aînés et les bénévoles âgés.
  5. Mobiliser et solidifier la volonté du milieu politique en vue d'instaurer un environnement adapté qui favorise et renforce la participation des personnes âgées avant, pendant et après les urgences et les catastrophes.

Travailler et apprendre auprès des aînés : La crise libanaise

En 2006, le conflit israëlo-libanais éclata au Liban et dans le nord d'Israël. Au cours d'une période de 33 jours en juillet et août, plus d'un millier de civils libanais ont été tués et près de 5 000 blessés. Près d'un million de personnes ont été déplacées de leur maison. Réagissant à la crise, l'association philantrophique Makassed de Beyrouth a ouvert 10 écoles dans la capitale afin de satisfaire aux besoins essentiels et humanitaires de plus de 3 500 personnes déplacées. Les aînés ont joué un rôle important dans le succès de cet effort.

« À l'école 'Ali bin Abi Taleb' de Beyrouth, les personnes déplacées vivaient de façon enjouée, malgré les peines du conflit. L'école avait accueilli environ 185 personnes déplacées de tous les âges : des nourrissons, des enfants, des femmes, des aînés et quelques jeunes hommes. Chaque matin, on répartissait les travaux domestiques. Les travailleuses sociales de l'association Makassed accompagnaient les enfants dans la cour et organisaient diverses activités pour eux : narration, peinture faciale, leçons de dessin, lecture. Les femmes plus jeunes devaient nettoyer les lieux à tour de rôle. Les femmes plus âgée savaient la tâche de préparer les repas. Toutes ces activités se terminaient avant midi. Après un repos bien mérité, les personnes déplacées passaient l'après-midi ensemble, se promenaient dans les rues avoisinantes, et certaines d'entre elles faisaient les achats nécessaires. Les vieux s'asseyaient dans un coin et discutaient de la situation politique, animés d'un optimisme de tous niveaux. Les vieilles dames rassemblaient les enfants et leur racontaient la vie d'antan dans le village.

D'autres centres d'accueil ont tôt adopté cette façon de s'organiser et de distribuer les tâches. Les aînés ont fourni un soutien important aux enfants déplacés et à leurs jeunes mamans anxieuses. Les personnes âgées leur ont assuré surveillance, soins et conseils. » (Traduction libre)

Source: Hutton, D., Older People in Emergencies: A Framing Document for Policy and Program Development. Troisième version préliminaire préparée pour l'Organisation mondiale de la santé, 2006.


Thème 3 : Garantir l'accès aux services essentiels et aux mesures de protection

27. Dans les sinistres, les personnes les plus vulnérables ont besoin d'avoir accès à un large éventail de services essentiels à leur survie. Il s'agit notamment des abris de secours, du carburant, des aliments et de la nutrition, du transport et des services de santé. Or, les aînés sont souvent laissés de côté dans la gestion des urgences, en partie parce que l'on présume que leur famille et leur collectivité veilleront à leurs soins et à leur mieux-être. Par exemple, les personnes âgées sont rarement incluses dans les évaluations nutritionnelles, les décisions touchant les exigences alimentaires ou la conception des programmes alimentaires, alors qu'elles ont des besoins nutritionnels bien particuliers. De plus, les aînés sont souvent écartés des projets de développement des capacités et de subsistance, ce qui les expose davantage à l'indigence et à la marginalisation. Enfin, l'isolement et la subjugation des personnes âgées, en particulier les femmes, augmentent leur risque de connaître l'abandon, les mauvais traitements et la violence.

Considérations

28. Les organisations humanitaires et autres ONG ouvrant dans la préparation aux urgences tiennent souvent compte des besoins des personnes âgées dans le contexte global des personnes vulnérables; elles ne possèdent pas les compétences spécialisées particulières pour répondre aux besoins et aux circonstances spécifiques des aînés. Parallèlement, les organisations donatrice sont tendance à engager des dépenses relativement petites pour les programmes conçus précisément pour les aînés dans les urgences (Wells, 2005).

29. Il existe peu d'instruments juridiques qui tiennent compte des personnes âgées comme un groupe vulnérable distinct, alors que les politiques et pratiques dans le domaine humanitaire traitent des aînés de diverses façons et à divers niveaux : certains codes de pratique et lignes directrices s'adressent particulièrement aux besoins des aînés dans les situations d'urgence (par exemple, les lignes directrices sur les pratiques exemplaires, Older people in disasters and humanitarian crises: Guidelines for best practice [HAI et UNHCR,2003]). Toutefois, les instruments juridiques et les cadres d'orientation demeurent des moyens essentiels pour sensibiliser les gens quant à l'importance d'aider les personnes âgées dans les urgences, de promouvoir le développement et l'utilisation de normes courantes pour évaluer les progrès et le rendement, et d'assurer la protection des personnes vulnérables.

30. Dans le contexte des instruments et cadres juridiques, il est également important d'élaborer des plans d'action généraux afin d'assurer que les services essentiels et les mesures de protection sont en place. Ces plans doivent inclure la participation des aînés à toutes les phases de la gestion des urgences, intégrer directement les enjeux associés aux urgences dans les politiques institutionnelles et dans les politiques générales en vigueur, et, enfin, comprendre une méthode intergénérationnelle qui tient compte des besoins et de l'apport des différents groupes d'âge et qui fait fond sur des stratégies d'entraide.

31. Il faut engager un effort spécial pour repérer et identifier les personnes âgées les plus vulnérables dans une situation d'urgence, parce qu'elles rencontrent souvent des obstacles structurels, voire même discriminatoires, quant à l'accès aux services essentiels et à l'aide. Il importe également de faire participer directement les aînés dans l'évaluation de leurs besoins, dans l'établissement des priorités et dans la décision quant aux mesures d'intervention appropriées, car la recherche laisse entendre qu'il pourrait exister des écarts entre la perception qu'ont les personnes âgées de leurs besoins et celle des organismes d'aide et de secours (par exemple, l'étude de 1999 portant sur les pratiques des organismes humanitaires [Wells, 2005]).

32. Lorsque les collectivités et les ressources sont étirées en raison d'une urgence, les personnes âgées sont particulièrement exposées à des risques de violence et de mauvais traitement et nécessitent des mesures de protection spéciales. C'est surtout le cas des femmes dont la vulnérabilité augmente souvent dans les moments de catastrophes et dans les conflits. Les mauvais traitements envers les aînés prennent des formes multiples, notamment la discrimination, les sévices physiques et psychologiques, l'exploitation financière et la violation des droits fonciers.

33. Les réseaux dans le domaine du vieillissement peuvent être intégrés de façon efficace dans la fourniture des services essentiels et des mesures de protection.

34. Les priorités quant aux mesures à prendre

  1. Faire participer et habiliter les personnes âgées en respectant rigoureusement le droit international et en favorisant la mise en application de politiques et de pratiques en vue d'assurer aux aînés les services essentiels, l'aide et la protection dans les urgences et les catastrophes.

Répondre aux besoins des personnes âgées dans l'ouest du Darfour

Depuis le déclenchement de la violence au Darfour en 2003, plus de 2 millions de personnes ont été déplacées et presque 300 000 sont mortes de maladie ou de famine. Selon les estimations, environ 8 p. 100 des gens qui sont actuellement dans des camps sont des personnes âgées, la plupart d'entre elles vivant seules. Une évaluation effectuée en 2004 par HelpAge International a constaté que 45 p. 100 des personnes déplacées n'ont pas d'abri adéquat et 61 p. 100 souffraient de maladies chroniques non traitées.

Devant la crise, HelpAge International a mis en place des programmes dans sept camps au Soudan. L'exécution de ces programmes a été capitale non pas seulement pour réduire la souffrance parmi les aînés mais aussi pour élever leur statut social au sein de leurs communautés.

  • Des comités d'aînés ont été mis sur pied afin de défendre les besoins et les droits des personnes âgées, d'agir comme point de référence pour les autres organisations humanitaires et de coordonner les services d'approche auprès des personnes plus vulnérables.
  • Un réseau de travailleurs de la santé communautaire a été établi dans chacun des camps afin d'assurer aux aînés des services d'approche et des soins de base.
  • Un système d'ambulances entraînées par des ânes a été mis en place pour transporter les personnes âgées à leurs rendez-vous médicaux.
  • En partenariat avec le Programme alimentaire mondial, des paniers à provision nutritifs supplémentaires ont été distribués aux personnes âgées qui couraient un risque de malnutrition ou qui s'occupaient de plusieurs dépendants.
  • Dans un des camps, un centre de nutrition social a été créé afin de fournir aux personnes âgées vulnérables des repas cuits sur place trois fois par semaine.
  • Des centres d'activités sociales ont été mis sur pied pour permettre aux personnes âgées de se retrouver ensemble, d'échanger des nouvelles et des récits et de faire du bricolage traditionnel, une façon de rétablir leurs sens de la collectivité.
  • Pour accroître l'auto suffisance chez les personnes âgées, HelpAge International a financé une coopérative de cordonniers, une boulangerie, le repeuplement des bétails, et l'organisme a distribué des graines de semence et des outils de jardinage. (Traduction libre)

Source : Hutton, D., Older People in Emergencies: A Framing Document for Policy and Program Development. Troisième version préliminaire préparée pour l'Organisation mondiale de la santé, 2006.


Thème 4 : Maintien des services de santé

35. Dans les situations d'urgence, les personnes âgées peuvent avoir d'énormes difficultés à gérer leurs maladies et états chroniques préalables. Les services de soutien et les soins à domicile peuvent être interrompus, le matériel médical essentiel comme les générateurs d'oxygène ou les ventilateurs peuvent tomber en panne, et les établissements de santé peuvent avoir subi des dommages ou être surchargés par les blessés graves et les personnes qui sont incapables de gérer leurs conditions de santé ou dont l'état de santé s'est aggravé en raison de la catastrophe. Ces problèmes peuvent prendre plus d'ampleur dans les milieux ruraux ou éloignés, où l'accès à toutes formes de soins de santé est souvent plus limité que dans les milieux urbains.

Considérations

36. La santé constitue l'une des principales préoccupations des personnes âgées dans les urgences, tout comme la sécurité matérielle. La bonne santé est un pilier du vieillissement actif et en santé, et elle contribue à la capacité des aînés de gagner leur vie, de demeurer indépendant et d'exercer un contrôle sur leur propre vie. Dans les urgences, la santé et le bien-être pourraient être compromis dans la mesure où les difficultés associées au vieillissement telles que la mobilité réduite, la faiblesse des capacités sensorielles et cognitives, sont accentuées par d'autres problèmes comme le risque de malnutrition, la gestion des maladies chroniques, les invalidités et les difficultés à faire face au traumatisme qu'est l'urgence et aux menaces à la santé mentale.

37. Les gens doivent savoir mieux se préparer aux urgences et gérer leur santé en cas de crise. Il s'agit notamment de se procurer des quantités suffisantes de médicaments et de s'assurer un accès aux soins et à l'équipement de santé. Cependant, il importe également que les fournisseurs de soins, surtout les aidants de première ligne, et les responsables de la gestion des urgences connaissent les besoins sanitaires des aînés vulnérables : ils doivent connaître l'effet des catastrophes sur l'aggravation des risques pour la santé, ils doivent être en mesure d'identifier et de traiter les aînés vulnérables dans les crises, et ils doivent avoir accès aux normes et protocoles utiles en matière d'intervention et de fourniture de soins.

38. Les faits montrent que certains aînés ont plus de ressort que les jeunes dans les situations d'urgence parce qu'ils ont une plus grande expérience de la vie. Mais tout à la fois, il est clair que la perte, le déplacement et les traumatismes associés aux urgences peuvent s'avérer des facteurs de stress cumulatifs et interactifs et avoir des conséquences très négatives pour la santé et le bien-être des personnes âgées. Il est donc nécessaire de mieux comprendre les besoins des aînés en matière de santé mentale et d'y répondre, en commençant par la recherche de meilleures méthodes pour évaluer et identifier celles d'entre elles qui sont particulièrement traumatisées et en assurant un suivi au moyen d'équipes multidisciplinaires de soignants, afin d'assurer diverses solutions d'intervention. Une difficulté majeure au chapitre des interventions en santé vient du fait que les personnes âgées peuvent cacher leurs vulnérabilités par crainte de se voir marginalisées et isolées par leur famille, les intervenants et la collectivité.

39. Il faut mettre en place des plans de continuité des activités1, normalisés dans une certaine mesure à toutes les étapes du système de santé et d'une étape à l'autre, notamment les soins de première ligne, les cliniques et les hôpitaux ainsi que les installations de soins à domicile et de soins de longue durée. Par exemple, on doit continuer de fournir les services médicaux et les traitements nécessaires -dialyse et médicaments, entre autres - pendant toute la durée de l'intervention à la suite d'une catastrophe. Ces plans doivent prévoir ce qui suit : des normes en matière de soins et des pratiques exemplaires en ce qui a trait aux questions comme les stratégies de triage et l'accès aux dossiers médicaux; la fourniture continue des soins et l'accès à des équipes interdisciplinaires de soins; des simulations, des essais et des évaluations périodiques.

40. Dans les situations de catastrophe, des pannes d'électricité peuvent perturber le partage de renseignements importants sous forme de dossiers médicaux - et de réseaux de santé électroniques. Il est essentiel de mettre en place des solutions de rechange pour assurer que les renseignements de santé accompagnent le patient tout en respectant la vie privée de l'intéressé.

41. Étant donné que les gouvernements sont systématiquement surchargés dans les urgences que les organisations humanitaires et autres organismes de secours disposent de peu de ressources, les collectivités et les organisations de la société civile jouent un rôle de premier ordre pour maintenir les liens entre les personnes âgées et les services de santé importants. Il peut s'agir d'apporter le soutien et d'entretenir les rapports qu'assurent normalement les membres de la famille et les amis ou d'offrir des services de défense et d'approche aux personnes âgées ou en leur nom.

42. Les priorités quant aux mesures à prendre

  1. Mettre en place des plans de continuité des activités à l'intention des pourvoyeurs de soins et des fournisseurs publics et privés. Ces plans doivent couvrir la gamme complète du système de santé, depuis les soins de première ligne jusqu'aux soins palliatifs, être mis à l'épreuve de temps à autre et actualisés afin de tenir compte des nouveaux besoins en matière de santé et des nouvelles capacités des collectivités. Par exemple, les plans de continuité des opérations doivent prendre en compte les plans d'urgence personnalisés mis en place dans les régions où habitent les personnes âgées; ils doivent prévoir la création d'équipes multidisciplinaires qui fourniront sans interruption des soins et de l'aide dans les situations d'urgence; et ces plans doivent inclure des simulations régulières d'alerte en cas d'urgence afin d'en assurer l'efficacité dans des situations réelles d'urgence et de catastrophe.
  2. Créer et maintenir des réseaux dans le domaine du vieillessement qui favorisent la participation des aînés eux-mêmes et qui relient directement le milieu de la gestion des urgences et les planificateurs en matière de santé, les décideurs, les chercheurs et les fournisseurs.
  3. Effectuer des analyses environnementales périodiques et systématiques qui permettront de définir les priorités et de déterminer les pratiques exemplaires en matière d'interventions sanitaires d'urgence destinées aux personnes âgées.
  4. Élaborer des lignes directrices et des modèles pour décrire les niveaux minimums de services et de soins de santé qu'il faut assurer dans les situations d'urgences et dans les catastrophes.
  5. Élaborer des plans visant le soutien et les services de soins à domicile, avec la participation active des aînés. Ces plans doivent prévoir l'évaluation des besoins et des solutions de rechange en matière de soutien et de soin savant qu'une crise ne se produise, ainsi que des plans d'évacuation d'urgence.
  6. Appuyer la recherche qualitative et quantitative sur les besoins des aînés en matière de santé mentale dans les situations d'urgence, en vue de trouver des applications pratiques et d'orienter les fournisseurs et les professionnels des services et des soins de santé dans les interventions.
  7. Faire des investissements dans diverses mesures de promotion de la santé et dans des politiques et des programmes visant la santé des populations et la santé publique. Ces mesures doivent tenir compte du fait que le vieillissement actif et en santé constitue la principale stratégie pour développer la capacité de résistance chez les aînés et améliorer leur qualité de vie ainsi que pour renforcer les moyens dont ils disposent pour se préparer aux conséquences des urgences et des catastrophes, pour s'y adapter et trouver des solutions.

Leçon à apprendre de la France : La vague de chaleur de 2003

La vague de chaleur qui s'est abattue sur l'Europe en 2003 a causé la mort de plus de 30 000 personnes [...]. En France, le mercure est monté à 40 degrés Celsius ou plus, et des milliers de personnes âgées ont péri dans les maisons de repos et dans les établissements de soins. Bien que le pays soit doté de l'un des meilleurs régimes de santé au monde, il n'avait pas prévu de plan en cas de chaleur extrême et a donc souffert « d'un manque de préparation, de l'insuffisance du matériel de refroidissement dans les maisons de soins et dans les installations hospitalières ainsi que de l'absence d'une définition claire des rôles des organismes concernés » [...]. Ces problèmes ont été accentués par l'insuffisance de financement et d'effectifs dans de nombreuses maisons de repos, ce qui a empêché d'assurer une surveillance adéquate et de prodiguer les soins qu'il faut aux résidents les plus vulnérables. Bon nombre des décès constatés chez les aînés qui sont morts dans leur propre résidence vivaient seuls, dans des appartements peu coûteux situés aux étages supérieurs d'édifices où la chaleur était plus forte; parmi les causes courantes de ces décès, figurait l'échec des autorités à identifier ces personnes à risque, à les informer des moyens de confronter la chaleur et à leur fournir des mesures de survie comme de l'eau potable en bouteille, des blocs-glace et de l'équipement de refroidissement.

Dans la foulée de la canicule, la France a entrepris de grandes réformes en vue de protéger les personnes âgées. Il s'agit notamment de fournir des fonds aux maisons de retraite pour qu'elles installent des climatiseurs et d'embaucher le personnel qu'il faut. On a également confié aux conseils de district la responsabilité d'établir des registres de personnes à risque, et on a élaboré et mis en application des lignes directrices en matière d'intervention à l'intention des hôpitaux et des secouristes volontaires [...]. (Traduction libre)

Source : Hutton, D., Older People in Emergencies: A Framing Document for Policy and Program Development. Troisième version préliminaire préparée pour l'Organisation mondiale de la santé, 2006.


1 La planification de la continuité des activités est un processus de planification proactive qui permet d'assurer la fourniture des services ou produits essentiels pendant une période de dérangement. Un plan de continuité des activités comprend des plans, des mesures et des dispositions assurant la prestation continue de services et de produits essentiels, ce qui permet à l'organisation de recouvrer ses installations, ses données et ses biens, ainsi que la détermination des ressources nécessaires pour soutenir la continuité des activités, dont le personnel, l'information, l'équipement, les ressources financières, les conseillers juridiques, la protection de l'infrastructure et les locaux (Sécurité publique Canada, 2005).

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