Recommandations pour le dépistage du cancer colorectal

Le travail du Comité national a reçu l'appui de Santé Canada. Les recommandations sont celles du Comité national et ne sont ni appuyées ni sanctionnées par Santé Canada.

Réduire la mortalité associée au cancer colorectal au Canada grâce au dépistage

En 1998, à la suite de discussions avec des experts et des intervenants du Canada, Santé Canada a mis sur pied le Comité national sur le dépistage du cancer colorectal, qui était composé de membres de toutes les provinces et de toutes les organisations clés concernées. Le mandat du comité était d'examiner la portée et les enjeux du dépistage du cancer colorectal (CCR) dans la population et de faire une série de recommandations finales pour le Canada. Pendant son mandat de 2 ans, le Comité a examiné des données probantes provenant d'essais comparatifs randomisés (ECR) et de modélisations statistiques. Il a également revu les recommandations et les rapports d'autres pays ayant entrepris des évaluations similaires ainsi que l'information fournie par des experts. Tout au long du processus, on a incité les membres du Comité à déterminer les problèmes et les lacunes relatifs aux données et aux connaissances sur lesquels ils devraient recevoir un complément d'information pour être en mesure de formuler leur série de recommandations finales. (Un document connexe, le Rapport du Comité national sur le dépistage du cancer colorectal, présente l'information d'ordre technique examinée pendant les 2 ans). Le Comité national en est arrivé à un consensus et a élaboré ses recommandations sur le dépistage du CCR dans la population canadienne.

Données probantes, information et enjeux pris en considération pour les recommandations

En se fondant sur les données provenant des ECRNote de bas de page 1-4, le Comité national a conclu qu'il existait des preuves suffisantes selon lesquelles la recherche de sang occulte dans les selles effectuée à des fins de dépistage du cancer colorectal pourrait réduire de 15 % à 33 % la mortalité attribuable à ce type de cancer dans la population cible composée des personnes âgées de 50 à 74 ans. Comme on a estimé que le nombre de décès attribuables au cancer colorectal en 2001 serait de 6 400 au Canada et que la majorité surviendrait chez les Canadiens de 50 ans et plus, le Comité national croit que le dépistage du cancer colorectal pourrait profiter énormément à la population. Toutefois, le Comité a également reconnu que le dépistage du CCR comportait certains risques et entraînerait des coûts associés à la renonciation d'une autre option.

Parmi les divers tests qui ont été utilisés pour le dépistage, à ce jour, seule la recherche de sang occulte dans les selles (RSOS) s'est avérée efficace comme test initial de dépistage dans les ECR. Utilisée de façon exclusive, elle n'entraîne en soi que des risques négligeables. Cependant, le suivi faisant appel à la coloscopie (pratique courante dans la plupart des ECR) entraîne un risque faible mais mesurable de complications sérieuses. La réalisation d'un test complémentaire est importante car la RSOS donne parfois des résultats faussement positifsNote de bas de page 5. Grâce au Modèle sur la santé de la population (POHEM) mis au point par Statistique Canada, on a estimé que 75 décès et 611 perforations pourrait résulter d'une coloscopie diagnostique pendant un programme de dépistage bisannuel qui aurait débuté au Canada en 2000 et se terminerait en 2009. Par contre, on obtiendrait une réduction d'environ 16,7 % (ou 7 740 décès) de la mortalité due au CCR grâce au dépistage bisannuel pendant la même période. À l'échelle individuelle, la probabilité de décès causé par le CCR au cours de la vie passerait de 0,29 % à 0,19 % pour une personne qui participerait à toutes les activités d'un programme de dépistage bisannuel à partir de 50 ans jusqu'à l'âge de 74 ans. Le risque de décès attribuable à la coloscopie au cours de la vie serait de 0,005 % pour la même personne.

Manifestement, ces estimations sont difficiles à vérifier ou à quantifier à l'échelle de la population, car la plupart des études faisant état de complications de la coloscopie sont menées auprès de groupes de patients parmi lesquels certains présentent des symptômes. Les risques associés au dépistage dans une population saine sont si faibles qu'ils sont difficiles à estimer à partir des ECR menées à ce jour. Néanmoins, le Comité national a conclu que même si les bienfaits dépassent nettement les risques, toute personne qui envisage un dépistage au moyen de la RSOS devrait être informée avant le dépistage initial des risques et des bienfaits et donner son consentement éclairé.

Pour qu'un test de dépistage ait un impact dans la population, la fréquentation du programme de dépistage (participation) par la population cible doit être suffisante; par conséquent, le Comité national a évalué dans quelle mesure la RSOS serait acceptée par la population. Il a conclu que l'information sur les taux de participation qui pourraient être anticipés dans un programme de dépistage bisannuel était très peu abondante ou nulle. Jusqu'à maintenant, dans les ECRNote de bas de page 1-4, la participation au test de dépistage initial (RSOS) a varié de 53 % à 67 % dans les populations non volontaires, et entre 38 % et 46 % des populations invitées ont subi tous les tests recommandés de dépistage et de diagnostic. Cependant, les taux de participation aux ECR, dans lesquels l'efficacité du test est douteuse par définition, pourraient être différents des taux qu'on pourrait observer s'il était établi que le test offre des bienfaits sur le plan de la mortalité.

Finalement, le Comité national a reconnu que toute recommandation sur le dépistage du CCR dans la population aurait des conséquences sur les ressources. Ces dernières peuvent être différentes d'une province à l'autre, et les stratégies provinciales pourraient devoir en tenir compte. Les principales conséquences ont trait aux coûts de la consultation médicale initiale avant le dépistage au moyen de la RSOS et à la disponibilité des ressources pour la coloscopie et d'autres analyses diagnostiques de suivi, tels le lavement baryté en double contraste ou la sigmoïdoscopie à sonde souple, dans certaines régions géographiques. En se fondant sur les taux de participation au dépistage initial et au dépistage subséquent de 67 % et de 93 % respectivement parmi les Canadiens âgés de 50 à 74 ans, le POHEM a estimé qu'un programme de dépistage bisannuel au moyen du RSOS entraînerait des économies de 11 907 $ par année de vie gagnée. On a signalé dans la littérature que le dépistage du CCR chez les personnes à risque moyen est aussi rentable que le dépistage des autres types de cancerNote de bas de page 6. Les coûts par année de vie gagnée ont été estimés à 20 000 $US et se situent dans les intervalles des programmes de dépistage courants jugés rentablesNote de bas de page 7.

Le Comité national insiste fortement sur la nécessité de procéder à une révision régulière et périodique des nouvelles techniques de dépistage du CCR. En outre, le Comité tient à souligner l'importance de la recherche continue sur le CCR et de l'évaluation des interventions en matière de prévention du CCR.

Recommandations finales

En raison des éléments susmentionnés, le Comité national fait les recommandations suivantes :

  1. Le dépistage du cancer colorectal devrait être offert à tous les Canadiens. Si l'on veut s'assurer d'un dépistage de grande qualité dont les bienfaits soient les plus importants possible et les risques potentiels réduits au minimum, on devrait idéalement implanter un tel programme dans un cadre bien organisé et structuré et tenir compte des éléments suivants :
    1. information claire, concise et compréhensible pour les patients et les médecins sur les risques et les bienfaits du dépistage et sur l'exécution du test;
    2. consentement éclairé après consultation personnelle du médecin de famille ou de son équivalent;
    3. protocoles et marches à suivre normalisés, avec un seul test de dépistage initial et des options en ce qui concerne le suivi;
    4. suivi et évaluation systématiques de toutes les invitations pour participer au dépistage (si on y a eu recours), de la fréquence des tests, des résultats (y compris les taux de résultats faussement positifs et faussement négatifs), du suivi et des résultats.
  2. On devrait consacrer au dépistage les ressources qu'on juge appropriées. En raison de la disparité des ressources humaines et financières, les provinces pourraient choisir d'introduire graduellement le dépistage organisé, dans la mesure où leur permettent leurs ressources.
  3. En se fondant sur les données probantes actuelles, le Comité national recommande en outre que :
    1. le dépistage soit offert à une population cible composée d'adultes de 50 à 74 ans et que le test initial se fasse au moyen des plaquettes Hemoccult II non réhydratées ou l'équivalent;
    2. le dépistage se fasse au moins tous les 2 ans, considérant que le dépistage annuel entraînerait une légère diminution du taux de mortalité par rapport au dépistage bisannuel, mais qu'il exigerait des ressources plus considérables;
    3. les tests positifs soient suivis d'une coloscopie ou encore d'un lavement baryté ou d'une sigmoïdoscopie à sonde souple s'il y a lieu (p. ex., choix du patient ou accessibilité des services).
  4. Le Comité national croit que les bienfaits du dépistage l'emportent sur les risques et que des programmes de dépistage de grande qualité dans la population peuvent réduire la mortalité attribuable au CCR. Comme le dépistage comporte cependant des risques, notamment la mort, il importe que les éléments suivants soient mis en œuvre pour protéger les droits des Canadiens et pour maximiser les bienfaits du dépistage :
    1. consentement éclairé initial comportant une sensibilisation aux risques et aux bienfaits de toute la série de tests de dépistage et non pas seulement du test initial;
    2. campagnes de sensibilisation du public et matériel promotionnel, entre autres de l'information sur la prévention primaire et sur les symptômes, visant à informer le public que le dépistage est offert. Ces mesures devraient compléter et non pas remplacer la consultation de médecins de première ligne;
    3. grande priorité accordée à l'assurance de la qualité et à la surveillance, notamment à l'établissement des critères justifiant l'endoscopie, de façon à réduire au minimum les risques potentiels;
    4. éducation active des patients et des médecins pendant que les ressources sont mises en œuvre, mais report du recrutement actif organisé dans l'attente des résultats du dépistage initial, c.-à-d., assiduité, taux de complications, etc. dans le contexte canadien;
    5. procédures d'évaluation continue pour s'assurer que le dépistage systématique ne se poursuivra que s'il est possible de maintenir un taux de participation et un degré de sécurité suffisants dans le contexte canadien. Il est important de définir des taux de participation dans les programmes et les évaluations menés dans la population;
    6. activités continues de recherche pour la mise au point de nouveaux tests de dépistage du CCR et d'évaluation de ces tests.

Ces recommandations représentent l'opinion générale du groupe, à l'exception de celle d'un participant. Ce participant croit qu'il n'est pas indiqué d'implanter un programme de dépistage dans la population s'il existe une possibilité de préjudice sérieux. Les autres participants, tout en reconnaissant que cette possibilité était réelle, ont jugé que les bienfaits possibles l'emportaient sur le risque. Par conséquent, l'opinion de la majorité était que cette information devrait être fournie aux personnes pour qu'elles puissent prendre elles-mêmes une décision éclairée.

Les recommandations sont le fruit du consensus de l'ensemble des membres du comité; elles ne sont pas nécessairement approuvées par leurs organisations respectives. (L'annexe A présente la liste des membres du Comité national.)


Références

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