ARCHIVÉ : Sommaire : Leçons de la crise du SRAS – Renouvellement de la santé publique au Canada

 


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Mandat du comité

Le Comité national consultatif sur le SRAS et la santé publique a été créé au début de mai 2003 par la ministre de la Santé du gouvernement du Canada, l'honorable A. Anne McLellan, à la suite de la flambée épidémique du Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Le Comité avait pour mandat de faire une « évaluation indépendante de la situation actuelle de la santé publique et des leçons retenues pour gérer les maladies infectieuses actuelles et futures. » Les membres du Comité représentaient une multitude de disciplines et de perspectives de l'ensemble du Canada. Plusieurs ont directement participé à la lutte contre le SRAS à différents titres. Nous avons examiné des documents sources, mené des entrevues et demandé à des experts-conseils d'effectuer des sondages, d'autres entrevues et des analyses pour mettre en lumière certains aspects de cette expérience. Le Comité a également fait appel à un expert en droit constitutionnel. Plus de 30 intervenants du secteur non gouvernemental et du secteur bénévole ont présenté des mémoires et des lettres fort utiles.

Le SRAS au Canada

Le SRAS est une maladie virale à transmission aérogène, apparemment causée par un nouveau coronavirus. Apparu en Chine en novembre 2002, le SRAS s'est répandu dans plusieurs pays en quelques semaines. Au cours de l'épidémie, environ 8 500 personnes dans le monde ont été diagnostiquées comme étant des cas probables de SRAS et 900 personnes sont décédées. Le SRAS reste difficile à diagnostiquer et à gérer car ses symptômes s'apparentent à ceux de nombreuses autres infections respiratoires. Le traitement a consisté principalement en une thérapie de soutien des patients, c'est-à-dire l'isolement, la prise de précautions pour contrôler l'infection dans les hôpitaux et le suivi et la mise en quarantaine des contacts. Le diagnostic était fondé sur le syndrome clinique, un lien avec des cas connus de SRAS et un processus d'exclusion. Les tests de laboratoire n'ont pas toujours été utiles pendant la phase aiguë de la maladie.

En dehors de l'Asie, c'est le Canada qui a été le plus touché par le SRAS. En août 2003, il y avait eu 438 cas probables et soupçonnés au Canada, dont 44 mortels. La majorité des cas de SRAS et tous les décès ont été concentrés à Toronto et dans la Région du Grand Toronto (RGT). Les professionnels de la santé ont payé un lourd tribut à la maladie : plus de 100 sont tombés malades et trois sont décédés.

Les responsables de la santé publique et les professionnels de la santé de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont accompli un travail admirable pour contenir le SRAS. Les professionnels de la santé qui ont soigné les patients étaient particulièrement vulnérables face à cette nouvelle maladie dangereuse et ont dû travailler dans des conditions physiques et psychologiques très éprouvantes. L'absence de certitude au sujet du diagnostic et du traitement n'a fait qu'ajouter aux difficultés. Le SRAS a imposé des exigences sans précédent sur le système de santé publique, mettant à l'épreuve la capacité régionale à contenir la flambée épidémique et à assurer la surveillance, la gestion de l'information et la prévention de l'infection.

Le Comité a rapidement constaté un grand nombre de problèmes systémiques dans la réponse au SRAS : absence d'une capacité d'appoint dans les systèmes cliniques et de santé publique, difficulté à faire faire rapidement des tests de laboratoire et à obtenir les résultats, absence de protocoles sur le partage des données ou de l'information entre les différents paliers de gouvernement, incertitudes au sujet de la propriété des données, insuffisance de la capacité à mener des enquêtes épidémiologiques, manque de coordination dans les processus administratifs entre les établissements et les administrations pour gérer la flambée épidémique et répondre à l'urgence, lacunes dans les protocoles de gestion de l'épidémie, de prévention de l'infection et de la surveillance des maladies infectieuses dans les établissements et faiblesse des liens entre le système des services de santé publique et les services individuels de santé, notamment les soins primaires et les soins en établissement et à domicile.

Maladies infectieuses émergentes, mondialisation et bioterrorisme

Le SRAS n'est qu'un des exemples les plus récents de maladies infectieuses émergentes - des maladies nouvellement découvertes ou qui existaient déjà mais qui connaissent une recrudescence ou se propagent sur le plan géographique. Depuis 1973, on assiste à l'émergence de plus d'une trentaine de maladies auparavant inconnues associées à des virus et à des bactéries, dont le virus ébola (1977), la maladie du légionnaire ou légionellose (1977), l'E.coli 0157:H7, responsable du syndrome hémolytique et urémique (1982), le VIH/sida (1983), l'hépatite C (1989), la maladie de Creutzfeldt-Jakob (1996) et le H5N1 influenza A ou grippe aviaire (1997). L'infection du virus du Nil occidental est un exemple de maladie déjà connue mais dont la portée géographique s'étend. Et certaines maladies infectieuses connues comme la tuberculose resurgissent dans des populations vulnérables.

Selon les données de l'Organisation mondiale du tourisme, les postes frontière ont vu passer quelque 715 millions de touristes en 2002. Tout au long de l'histoire connue, la migration humaine a été le principal moyen de transmission des maladies infectieuses, mais les voyages plus nombreux et plus rapides sur des distances de plus en plus longues ont accéléré leur propagation.

Le risque d'une libération accidentelle ou intentionnelle d'agents biologiques, comme la libération intentionnelle des spores de la maladie du charbon aux États-Unis au cours de l'automne 2001, vient s'ajouter aux difficultés de la lutte contre les maladies émergentes et réémergentes.

La santé publique au Canada : organisation et compétences

Les fonctions de la santé publique sont multiples : protection de la santé (salubrité de l'eau et des aliments, hygiène de base), prévention des maladies et des blessures (vaccination et gestion des épidémies), évaluation de la santé de la population, surveillance des maladies et des facteurs de risque et promotion de la santé. Le système de santé publique a tendance à se situer à l'arrière-plan jusqu'à ce qu'une maladie inattendue comme le SRAS se déclare ou que le système de protection sanitaire fasse défaut comme lors de la contamination de l'eau à Walkerton, en Ontario en 2000 ou à North Battleford, en Saskatchewan en 2001. L'existence d'un système de santé publique efficace est essentielle pour préserver et améliorer l'état de santé des Canadiens, réduire les disparités en matière de santé et réduire les coûts des services de santé curatifs. La santé publique joue également un rôle fondamental dans la réponse aux catastrophes et aux urgences.

La prestation des services de santé publique de base est assurée au niveau municipal ou local, par l'intermédiaire de 140 unités de services sanitaires qui desservent des populations allant de 600 à 2,4 millions de personnes dans des zones qui ont de 4 à 800 000 kilomètres carrés. Le niveau d'organisation suivant est provincial ou territorial. Au niveau provincial ou territorial, le personnel planifie, administre les budgets, donne des conseils sur les programmes et offre une aide technique aux unités locales selon les besoins. La capacité des provinces ou des territoires à coordonner les organismes de santé locaux et à leur apporter un soutien technique varie considérablement d'une province à l'autre.

Deux modèles provinciaux sont dignes d'attention. La Colombie-Britannique a confié à son Centre for Disease Control, créé en 1997, la responsabilité de gérer la prévention et le contrôle des maladies infectieuses, y compris les laboratoires, à l'échelle de la province. En 1998, le Québec a mis sur pied l'Institut national de santé publique en transférant du personnel de plusieurs centres régionaux de santé publique et du Ministère. L'Institut administre les principaux laboratoires de santé publique et centres d'expertise. L'Institut du Québec a pour mandat la prévention, la promotion de la santé, des modes de vie sains, la santé au travail et la prévention des maladies chroniques ainsi que le contrôle des maladies infectieuses.

L'activité fédérale est concentrée à la Direction générale de la santé de la population et de la santé publique (DGSPSP) de Santé Canada. La direction générale a son administration générale à Ottawa et compte plusieurs bureaux régionaux dans tout le pays, notamment le Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, le Centre de prévention et de contrôle des maladies chroniques, le Centre des mesures et d'interventions d'urgence, le Centre de coordination de la surveillance et le Centre de développement de la santé humaine. La DGSPSP administre le Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg et le Laboratoire de lutte contre les zoonoses d'origine alimentaire de Guelph. D'autres directions générales de Santé Canada et d'autres ministères et organismes gouvernementaux jouent également un rôle en santé publique à divers degrés.

Dans une perspective constitutionnelle, la santé publique est essentiellement une responsabilité provinciale. Mais le gouvernement fédéral a le pouvoir de légiférer sur certains aspects de la santé publique en raison des pouvoirs qu'il exerce notamment en matière de droit pénal, de questions d'intérêt national pour le maintien de « la paix, l'ordre et le bon gouvernement », des dispositions sur la quarantaine et les frontières nationales et le trafic sur le commerce de nature interprovinciale ou internationale. Mais au-delà de la répartition officielle des pouvoirs, la structure F/P/T canadienne est caractérisée par une source de tension : la responsabilité administrative incombe essentiellement aux niveaux provincial et territorial alors que la capacité fiscale, et par conséquent le pouvoir de dépenser, est concentrée au niveau fédéral. À l'heure actuelle, par exemple, Ottawa ne transfère pas aux autres gouvernements des fonds réservés à la santé publique. La DGSPSP administre un programme de subventions et de contributions de 200 millions de dollars par an qui est destiné aux organisations non gouvernementales et à but non lucratif.

Capacité et financement de la santé publique

De nombreuses voix se sont élevées depuis une dizaine d'années pour demander le renforcement de la structure de santé publique au Canada. Par exemple, à la fin de 1993, face à la propagation mondiale du VIH, Santé Canada mettait sur pied un groupe d'experts sur les questions liées aux maladies infectieuses émergentes. Ce groupe du « Lac Tremblant » a recommandé « une stratégie nationale de surveillance et de contrôle des infections nouvelles ou qui resurgissent », le soutien et l'amélioration de « l'infrastructure de la santé publique nécessaire à la surveillance, au diagnostic rapide en laboratoire et aux interventions opportunes en cas d'infections nouvelles ou qui resurgissent », une coordination et une collaboration pour « élaborer un programme national de recherche axé sur les infections nouvelles ou qui resurgissent », une stratégie nationale d'immunisation, « un système centralisé de rapports électroniques de laboratoire à l'appui du contrôle des infections humaines et non humaines », « la capacité et la souplesse nécessaires pour faire enquête sur les flambées éventuelles d'infections nouvelles ou qui resurgissent au Canada ». Une décennie plus tard, nous formulons des recommandations très semblables dans notre rapport.

En 1998, le juge Horace Krever lançait un appel général pour améliorer la santé publique dans son rapport « Commission d'enquête sur l'approvisionnement du sang au Canada ». Dans un rapport F/P/T sur la capacité en santé publique, préparé à la demande de la Conférence F/P/T des sous-ministres de la Santé, et qui leur a été présenté en juin 2001, on soulignait les faiblesses de l'infrastructure de santé publique au Canada, on montrait du doigt les disparités dans les capacités d'une province à l'autre, on exprimait des craintes au sujet du peu de priorité accordée aux stratégies de prévention à long terme des maladies et des blessures, des faiblesses au niveau des ressources humaines en santé publique et des difficultés croissantes de recrutement et de maintien en poste. En 2002, la Commission Romanow recommandait une stratégie nationale d'immunisation, une stratégie de l'activité physique et un renforcement des programmes de prévention. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présidé par le sénateur Michael Kirby, a également présenté un rapport en 2002. Le comité sénatorial demandait que le gouvernement fédéral engage un montant de 125 millions de dollars par an destiné à la prévention des maladies chroniques. Il citait également l'incohérence du financement, la piètre coordination entre les diverses compétences et un manque général d'imputabilité et de leadership et recommandait un financement supplémentaire de 200 millions de dollars par an pour améliorer l'infrastructure de santé publique au Canada.

Compte tenu des différences dans les systèmes comptables, il est difficile de donner une idée précise des dépenses actuelles consacrées à la santé publique au Canada. Nous estimons que les dépenses totales en santé publique au Canada (2002-2003) se situent entre 2 et 2,8 milliards de dollars, selon la définition utilisée. Le total des dépenses de santé en 2002 s'élevait à 112,2 milliards de dollars pour les secteurs public et privé réunis et à 79,4 milliards de dollars pour le seul secteur public. La santé publique représente donc 1,8 à 2,5 % des dépenses totales de santé et 2,6 à 3,5 % des dépenses publiques. Les dépenses provinciales varient, mais les méthodes de comptabilité aussi.

Modèles internationaux

L'Australie et les États-Unis sont des fédérations dont la division constitutionnelle des pouvoirs s'apparente à celle du Canada. Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis jouissent d'une réputation internationale d'excellence en santé publique. Plus de 2 000 des 8 600 employés équivalents temps plein des CDC travaillent à l'extérieur de l'administration centrale à Atlanta, notamment dans 47 services de santé des États.

Connus surtout pour leurs enquêtes sur les épidémies, les CDC sont en fait une énorme agence de santé publique dont une bonne partie du budget est destinée à tout un système de subventions et de transferts fédéraux aux États et aux municipalités à l'appui de l'infrastructure de santé publique. Les CDC collaborent avec les États pour fixer les normes et les surveiller. Ils administrent un système national d'alerte et de surveillance, un projet national de perfectionnement et d'éducation permanente pour les praticiens de la santé publique et le personnel de laboratoire ainsi qu'un réseau d'information sur la santé publique. Le National Public Health Laboratory System des CDC élabore des politiques et établit des partenariats public/privé pour améliorer et accélérer le rapport des résultats de laboratoire.

En Australie, le gouvernement fédéral assume la moitié des coûts des services de santé publique - 30 % par des dépenses directes et 22 % par des transferts aux États et aux territoires. Les activités conjointes de santé publique sont coordonnées par le biais d'un National Public Health Partnership sous les auspices des ministres fédéral, étatiques et territoriaux de la Santé. Les priorités du partenariat sont bien établies : améliorer les pratiques en santé publique, établir des systèmes d'information en santé publique, examiner et harmoniser les lois sur la santé publique, mettre en ouvre les projets d'un groupe de travail sur la santé publique, renforcer la capacité de recherche et de développement en santé publique, améliorer la coordination des stratégies nationales en santé publique et élaborer des normes pour l'exécution des stratégies de base en santé publique. Les transferts fédéraux sont effectués au moyen des Public Health Outcome Funding Agreements, qui comportent des exigences sur le plan des cibles et des rapports. Un programme national pour l'éducation et la recherche en santé publique finance les institutions tertiaires australiennes afin d'améliorer l'enseignement et la formation postuniversitaire.

Les États-Unis et l'Australie, de même que le Royaume-Uni, possèdent tous une chaîne cohérente de moyens d'action, allant de la législation aux objectifs et priorités nationales en passant par des stratégies et des programmes nationaux pour soutenir l'infrastructure de santé publique (y compris les ressources humaines), des moyens pour conclure des accords entre les parties intéressées et des programmes de financement spécifiques. Il existe des cibles quantifiables, des calendriers et des mécanismes de reddition de comptes. Par contre, le Canada n'a pas d'objectifs nationaux ni de stratégie connexe en matière de santé pas plus que de programmes de transfert du gouvernement fédéral pour faciliter la mise en ouvre d'une stratégie nationale.

Une nouvelle agence canadienne de santé publique

Dans le cadre fédéral actuel, les professionnels de la santé publique sont regroupés au sein d'un très grand ministère ayant une culture largement axée sur les processus visant à répondre aux questions politiques du jour. Le fait de confier ces fonctions à une agence indépendante donnerait plus de crédibilité et d'indépendance aux activités fédérales en santé publique et donnerait plus de souplesse en termes d'emplois et de partenariats avec les ONG. Cette agence pourrait favoriser une culture F/P/T concertée enracinée dans une expertise partagée entre les professionnels de la santé publique. La création d'une agence ne peut pas dépolitiser les interactions entre les compétences, mais elle peut réduire les possibilités de voir la santé des Canadiens prise en otage en cas de désaccord juridictionnel entre les paliers de gouvernement. Nous recommandons par conséquent que le gouvernement du Canada crée une nouvelle agence canadienne de santé publique, dirigée par un médecin hygiéniste en chef du Canada.

La structure la mieux adaptée pour l'agence canadienne de santé publique serait celle d'une agence de services prévus par un texte législatif analogue à l'agence canadienne d'inspection des aliments, aux Instituts de recherche en santé du Canada ou à Statistique Canada. Le médecin hygiéniste en chef du Canada serait le directeur exécutif de la nouvelle agence fédérale et rendrait compte directement au ministre fédéral de la Santé. Le médecin hygiéniste en chef du Canada publierait également un rapport annuel sur l'état de santé de la population et le système de santé publique.

La portée des mandats des agences, centres et instituts de santé publique varie largement à travers le monde. Il est encore trop tôt pour que le Comité recommande précisément quels programmes et activités inclure, autrement que de manifester son appui à une organisation forte et inclusive. Il faut plutôt procéder à un examen systématique de la portée du mandat de la nouvelle agence. La question des difficultés que représente la santé des Premières nations et des Inuits doit faire partie de l'établissement du mandat et de sa portée.

La centralisation de l'agence en un seul endroit serait perturbateur pour le personnel et ne permettrait pas de tirer pleinement profit des possibilités de partenariat entre les autorités provinciales, territoriales et municipales. Nous recommandons plutôt une extension sélective des activités à Ottawa, Winnipeg et à d'autres endroits, ainsi qu'un transfert délibéré de certaines fonctions de base dans d'autres régions du Canada. On devra tenter de co-implanter les centres de l'agence fédérale avec des centres provinciaux et régionaux d'excellence en santé publique. Les activités dans ces endroits se renforceraient mutuellement et contribueraient à favoriser une culture F/P/T commune axée sur la protection de la santé des Canadiens.

Nous recommandons également que la nouvelle agence entreprenne en priorité l'élaboration concertée d'une stratégie nationale de santé publique. Cette stratégie devrait comprendre des cibles spécifiques en matière de santé, des critères concernant les progrès à réaliser et des mécanismes concertés pour optimiser le rythme des progrès. Pour élaborer la stratégie nationale, la nouvelle agence doit non seulement collaborer avec les autorités provinciales et territoriales et d'autres ministères et organismes fédéraux, mais consulter largement les parties intéressées dans le milieu de la santé en général. Le programme actuel de transfert aux ONG doit être également revu et harmonisé avec la stratégie nationale.

Le Comité recommande également la création rapide d'une commission consultative nationale de santé publique pour conseiller le médecin hygiéniste en chef du Canada sur les moyens les plus efficaces de créer et de mettre en ouvre la stratégie nationale de santé publique. Le processus de nomination doit favoriser la collaboration pancanadienne en faisant participer les réseaux et les comités consultatifs F/P/T existants. Les membres seraient nommés pour des mandats limités par le ministre fédéral de la Santé.

Bon nombre des fonctions de base de la nouvelle agence peuvent simplement découler d'un transfert des activités et des capacités actuelles. Les fonctions de base actuelles de la DGSPSP représentent un coût d'environ 187 millions de dollars par an (budget de 2002). Si on ajoute les subventions et contributions existantes, on obtient 225 millions de dollars, une estimation approximative du coût actuel des fonctions de base de la Direction générale. Environ 75 millions de dollars des coûts de fonctionnement des autres directions générales de Santé Canada pourraient également être intégrés au mandat de la nouvelle agence, soit un total de 300 millions de dollars des dépenses de 2002.

Le Comité a recommandé que les fonctions de base actuelles soient élargies de façon à pouvoir investir davantage dans les domaines suivants : systèmes de surveillance des maladies, capacité de préparation aux urgences sanitaires et de réponse aux épidémies, vaste programme prioritaire de perfectionnement des ressources humaines en santé publique, augmentation des dépenses en recherche, amélioration des laboratoires fédéraux, partenariats de renforcement de la capacité avec les laboratoires provinciaux et les laboratoires d'hôpitaux en attendant d'autres investissements F/P/T et activités actuellement relativement négligées comme la santé environnementale, la santé mentale, la prévention des blessures et l'éthique en santé publique.

Ces activités exigeront des hausses progressives du budget pour les fonctions de base. Les dépenses supplémentaires devraient atteindre 200 millions de dollars par an sur trois à cinq ans. Une partie de ces fonds destinés aux fonctions de base irait aux partenaires externes, par exemple à l'appui de programmes de recherche avec les Instituts de recherche en santé du Canada (ISRC), les salaires du personnel fédéral détaché dans les organismes de santé publique provinciaux et territoriaux, sur le modèle des CDC, et la création de nouveaux partenariats avec les universités, les établissements et les ONG pour le perfectionnement des ressources humaines.

Financement fédéral pour le renouvellement de la santé publique au Canada

La présence renforcée du gouvernement fédéral en santé publique, par l'intermédiaire de la nouvelle agence dotée d'une plus grande capacité interne et externe, ne serait pas suffisante pour combler les lacunes mises en évidence pendant la crise du SRAS. La santé publique est d'abord une affaire locale. Les provinces et les territoires à leur tour doivent financer, appuyer et coordonner les activités locales au moyen de leurs propres organismes et ministères. La maîtrise du SRAS a été clairement le fait des efforts locaux et provinciaux en Ontario et en Colombie- Britannique. Toutefois, même une grande amélioration du soutien technique et des enquêtes sur les épidémies par l'agence fédérale ne sera pas d'une grande utilité si la capacité locale et régionale d'intervention est insuffisante. L'infrastructure de santé publique doit être renforcée à tous les niveaux, d'où la nécessité d'un financement fédéral réservé qui n'est pas assuré actuellement.

La santé publique ne figurait pas directement dans les deux Accords F/P/T sur la santé de septembre 2000 et de février 2003. Le premier Accord prévoyait 23,4 milliards de dollars de nouveaux fonds du gouvernement fédéral sur la période de six ans allant de 2000-2001 à 2005-2006. Le deuxième prévoyait 34,8 milliards de dollars (30,9 milliards de nouveaux fonds) en fonds du gouvernement fédéral sur la période de cinq ans allant de 2003-2004 à 2007-2008. Alors que des milliards de dollars ont été réservés aux services individuels de santé, les deux Accords ont prévu plus de 20 milliards de dollars de transferts non réservés qui pourraient être utilisés en partie par les autorités provinciales et territoriales pour améliorer l'infrastructure de la santé publique.

La disponibilité de ces fonds ne fait que donner plus de poids à notre hypothèse voulant que toute nouvelle dépense fédérale en santé publique doit s'accompagner d'une dépense correspondante de la part des provinces et territoires. Or, sans financement fédéral réservé à la santé publique, les dépenses des provinces et territoires seront consacrées, comme toujours, aux services individuels de santé, et des possibilités d'effet de levier et de coordination seront perdues.

À défaut de nouveaux transferts du fédéral, on pourrait avancer que le gouvernement fédéral devrait simplement adopter une loi qui imposerait aux provinces et aux territoires des obligations en matière de surveillance des maladies ou d'urgences sanitaires. On peut en effet invoquer le droit constitutionnel pour demander une plus grande intervention du fédéral en santé publique. Mais une loi fédérale qui viserait le recrutement de personnel dans les provinces et territoires ou régirait unilatéralement leurs activités donnerait lieu à des mandats non financés et à des confrontations F/P/T sur le plan politique et juridique.

Par conséquent, suivant les modèles australien et américain, le Comité recommande un ensemble complet d'ententes et de processus de financement destinés à faciliter la collaboration F/P/T. Ces transferts ont pour but de créer un système de santé publique intégré à plusieurs niveaux, lié par des accords intergouvernementaux et une législation ou une réglementation harmonisée.

Le Comité a explicitement rejeté l'idée de transferts passifs sans imputabilité ou d'un financement global susceptible de devenir une source de désaccord F/P/T. Nous favorisons plutôt une stratégie de dépolitisation dans laquelle le financement fédéral est transmis par la nouvelle agence aux autorités provinciales, territoriales et municipales et qui cible les programmes et les activités conformément aux accords conclus entre les professionnels de la santé publique. Le Comité croit fermement que l'impact de la nouvelle agence dépendra en très grande partie de sa capacité à utiliser les fonds du gouvernement fédéral pour appuyer les organismes de santé publique de première ligne (locaux), provinciaux et territoriaux. En l'absence d'une capacité à financer ou co-financer les programmes avec les gouvernements et organismes qui exercent une responsabilité constitutionnelle de base en matière de santé publique, la nouvelle agence fédérale sera presque certainement considérée comme un programme de création d'emplois sans intérêt doté d'experts techniques plus à l'aise à travailler entre eux que compétents pour soutenir un travail sérieux de première ligne. Et en l'absence d'un financement fédéral réservé suffisamment important, l'infrastructure de santé publique du Canada restera un ensemble disparate et fragile.

Le Comité a donc recommandé trois programmes de transfert dont le montant total augmentera sur plusieurs années pour atteindre 500 millions de dollars par an : 300 millions de dollars par an destinés à un Programme de partenariats en santé publique, afin d'établir une capacité générale en santé publique aux niveaux local et municipal, 100 millions de dollars par an destinés à la surveillance et au contrôle des maladies transmissibles, en mettant l'accent sur la capacité au niveau provincial et territorial ou de deuxième ligne, et 100 millions de dollars par an pour renforcer la Stratégie nationale d'immunisation actuellement sous-financée. Ces fonds pourraient être réunis et gérés en vertu de l'Entente-cadre sur l'union sociale, ce qui donnerait aux responsables fédéraux, provinciaux et territoriaux plus de souplesse pour cibler les transferts de manière à répondre aux besoins des provinces et des territoires et à respecter le plan stratégique national en santé publique.

Lutte contre les maladies transmissibles et gestion des urgences sanitaires

La surveillance de la santé comprend le suivi et la prévision des phénomènes ou déterminants importants de la santé au moyen de la collecte permanente de données pertinentes et la diffusion de rapports, d'avis, d'alertes et d'avertissements selon les besoins. Dans les rapports de 1999 et de 2002, le vérificateur général a été très critique à l'égard de la concertation F/P/T pour la surveillance des maladies infectieuses et la gestion des épidémies. Malgré quelques progrès, ces préoccupations - concernant la détection des risques de maladies infectieuses émergentes et la communication des alertes au sujet de ces risques - ont été encore soulignées par l'expérience du SRAS.

Le Comité a donc recommandé que les gouvernements F/P/T renforcent le plus tôt possible les programmes de surveillance, en ciblant d'abord les maladies transmissibles puis les maladies non transmissibles et les déterminants pertinents de la santé de la population. Ces programmes de surveillance doivent être accompagnés d'investissements à court terme à l'appui du contrôle des infections en milieu hospitalier.

Certaines questions juridiques en matière de surveillance exigent également une attention immédiate. La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) entrera en vigueur le 1er janvier 2004. Il n'est pas certain que cette loi s'applique aux professionnels de la santé. Dans la mesure où elle s'applique, elle risque de remettre en question les activités de surveillance des maladies qui ne posent pas de risque particulier pour la vie privée en raison des restrictions qu'elle impose à l'égard de la collecte sans consentement des renseignements. L'application de cette loi au secteur de la santé exige donc un examen urgent, aboutissant à une loi fédérale séparée sur la protection des renseignements sur la santé, des modifications à la loi ou un règlement explicatif.

La collaboration F/P/T concernant les mesures et l'intervention d'urgence est plus avancée que pour la surveillance de la santé et la gestion des flambées épidémiques. Cette collaboration est le résultat des attaques terroristes tragiques perpétrées aux États-Unis en septembre 2001. Depuis mars 2002, un réseau F/P/T de mesures et d'interventions d'urgence travaille à certaines questions comme le leadership et la coordination, la capacité d'appoint, la formation et l'éducation, l'infrastructure de surveillance et de détection (y compris les laboratoires), les fournitures et la communication. Nous avons recommandé l'accélération du soutien aux activités du réseau en insistant sur la lutte contre les maladies transmissibles.

Le Comité estime urgent une planification multijuridictionnelle afin de créer des protocoles intégrés de gestion des épidémies, suivie par une formation pour tester les protocoles et assurer le niveau suffisant de préparation pour gérer les épidémies. Pour créer la capacité d'appoint, le réseau de mesures et d'interventions d'urgence F/P/T a déjà commencé à préparer la création d'Équipes d'intervention sanitaire d'urgence (EISU). Il s'agit de groupes multidisciplinaires de personnel clinique et de soutien « tous risques ». L'expérience du SRAS montre bien la nécessité de mobiliser des groupes de personnes compétentes pour former des équipes d'intervention en cas d'épidémie dans le cadre des EISU.

Pour accélérer les activités concertées de surveillance des maladies infectieuses et de gestion des épidémies, nous avons recommandé la création d'un nouveau réseau F/P/T de contrôle des maladies transmissibles. Ce nouveau réseau F/P/T renforcerait les activités de collaboration du réseau F/P/T de mesures et d'intervention d'urgence.

Le nouveau réseau F/P/T de contrôle des maladies transmissibles (et les arrangements financiers connexes) constituerait la deuxième ligne de défense du Canada contre le prochain SRAS. Le nouveau réseau F/P/T établirait des liens non seulement entre les centres d'excellence provinciaux et régionaux renforcés de lutte contre les maladies infectieuses, mais également entre ces pivots provinciaux et territoriaux et les centres et laboratoires administrés par la nouvelle agence fédérale. Comme nous l'avons vu, nous recommandons une cible d'environ 100 millions de dollars par an de fonds réservés dans l'enveloppe de la nouvelle agence pour les transferts destinés à établir la capacité nécessaire aux niveaux provincial et territorial et le maintien du nouveau réseau F/P/T. Le financement fédéral doit être lié aux accords et aux projets intergouvernementaux afin d'uniformiser les processus administratifs et d'harmoniser le cadre législatif pour la surveillance des maladies et la gestion des épidémies.

En préparation de la prochaine saison hivernale des maladies des voies respiratoires inférieures et supérieures, il y a lieu de prévoir déjà un financement fédéral et des mesures concertées. Nous formulons dans notre rapport des recommandations précises de mesures à court terme.

Comme nous l'avons vu, le SRAS a également suscité des préoccupations au sujet du cadre législatif qui régit la gestion des urgences sanitaires au Canada. Depuis l'automne 2001, toutes les administrations ont examiné et amélioré leur cadre de planification et de préparation aux urgences. Mais les cadres législatifs F/P/T n'ont pas fait l'objet d'une analyse comparative ni d'une analyse de leur interopérabilité. Nous avons recommandé un examen intergouvernemental général pour harmoniser les lois F/P/T en matière de santé publique, en insistant plus particulièrement sur les urgences de santé publique dans le cadre des lois d'urgence existantes.

À cet égard, le flou qui règne sur le plan des compétences lorsqu'une menace sanitaire touche plusieurs provinces représente une autre source de préoccupation. La Loi des mesures d'urgence fédérale [R.S. 1985, c. 22 (4e supp.)] confère de très vastes pouvoirs au gouvernement fédéral et ne peut être invoquée qu'en cas de très grave crise nationale. Mais si une épidémie touche plusieurs provinces, l'autorité du gouvernement fédéral reste incertaine. Cette situation est particulièrement problématique maintenant que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) cherche à établir un règlement sanitaire international qui établit des attentes à l'égard des États membres concernant la surveillance, le compte rendu et la gestion des épidémies. Nous recommandons d'envisager l'activation d'une loi fédérale d'urgence sanitaire conjointement avec les plans d'urgence provinciaux en cas de crise sanitaire pancanadienne.

Finalement, le Comité a constaté que ni Santé Canada ni la plupart des provinces et territoires ni les établissements n'ont élaboré de cadre approprié pour la communication des risques pendant une crise de santé publique. Les CDC se sont dotés d'un programme de formation sur la communication en cas de crise qui, à notre avis, mérite d'être examiné de près et adapté rapidement par les gouvernements et les institutions du Canada.

Programme de partenariats de santé publique

La priorité doit être accordée à court terme à la surveillance des maladies infectieuses et à la gestion des épidémies, mais l'ensemble des fonctions de santé publique doit également faire l'objet d'un soutien et d'une coordination. Dans de nombreuses unités sanitaires locales, le même personnel lutte contre une épidémie un jour et inspecte les restaurants ou anime un séminaire de promotion de la santé le lendemain.

Par conséquent, nous recommandons la création d'un nouveau programme de partenariats de santé publique sous les auspices de l'agence canadienne de santé publique. Ce nouveau programme accorderait des fonds par le biais d'accords spécifiques avec les responsables de la santé publique provinciaux et territoriaux, visant à renforcer les fonctions de base en santé publique au niveau local et au moyen d'arrangements concertés entre les administrations. Cette option est utilisée aux États-Unis et en Australie pour améliorer l'infrastructure de santé publique de base. Le financement peut servir, par exemple, à des programmes précis de prévention des maladies et de protection de la santé, à la création de systèmes d'information, à renforcer la capacité des laboratoires, à la formation, au recrutement et au maintien en poste et à soutenir la capacité d'intervention d'urgence. L'option de programme peut être associée au partage des coûts, c'est-à-dire que certains programmes peuvent assumer un pourcentage des coûts, jusqu'à concurrence d'un maximum défini, la province ou le territoire se chargeant du reste. Ces transferts ciblés, ainsi que les mécanismes d'imputablilité qui les accompagnent, permettent de faire correspondre le financement à l'orientation politique. Ils réduisent également le risque d'un détournement des dépenses existantes.

Les fonds accordés par l'intermédiaire du nouveau programme de partenariats pourraient augmenter sur plusieurs années pour atteindre une cible de 300 millions de dollars par an en accord avec la stratégie nationale de santé publique.

Stratégie nationale d'immunisation

Depuis les années 90, les programmes financés par l'État et les lois sur l'immunisation et la vaccination varient beaucoup d'une province à l'autre. Les arrangements actuels compromettent le pouvoir d'achat, limitent la sécurité de l'approvisionnement en vaccins et placent les professionnels de la santé dans la position intenable d'avoir à recommander des vaccins à des personnes ou à des familles qui ne peuvent pas les payer.

Quatre nouveaux vaccins ne sont pas actuellement financés dans la plupart des provinces et territoires - le vaccin conjugué contre le pneumocoque, le vaccin conjugué contre le méningocoque, le vaccin contre la varicelle et le vaccin acellulaire contre la coqueluche. Un groupe d'experts F/P/T a proposé en 2001-2002 que le gouvernement fédéral défraie le coût des nouveaux vaccins et que les provinces et territoires assument le coût de leur administration. À l'appui de leur proposition, ils ont présenté des documents montrant les avantages sanitaires et économiques d'une couverture plus complète et de la mise à niveau des stratégies de vaccination.

Le budget fédéral de 2003 a prévu seulement 45 millions de dollars sur cinq ans (5 millions la première année et 10 millions par an par la suite) pour « contribuer à la poursuite d'une stratégie nationale d'immunisation ». Comme nous l'avons vu, le Comité estime qu'il faudrait réserver au moins 100 millions de dollars par an à une revitalisation de la stratégie nationale d'immunisation sous les auspices de la nouvelle agence canadienne de santé publique. Ce montant pourrait couvrir environ la moitié des coûts que doivent engager régulièrement les autorités provinciales et territoriales pour acheter les nouveaux vaccins. Une partie de ces fonds pourrait également servir à améliorer les systèmes de suivi de la vaccination.

Ressources humaines en santé publique

Le budget fédéral de 2003 a accordé 90 millions de dollars sur cinq ans aux ressources humaines en santé, mais aucune somme réservée précisément aux professionnels de la santé publique. Le sondage sur les capacités de santé publique au Canada réalisé en 2001 a révélé des lacunes dans la planification et le perfectionnement des ressources humaines en santé publique. Le Comité n'a trouvé que peu de données définitives sur les ressources en santé publique, mais ces données soulèvent des préoccupations.

Les spécialistes en médecine communautaire sont également les médecins hygiénistes des organismes de santé publique locaux et donnent des conseils spécialisés aux gouvernements provinciaux et fédéral. Il faut des médecins de santé publique dans les régions rurales, les provinces de l'Atlantique, les Territoires du Nord-Ouest et les régions desservies par la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada.

Les experts estiment qu'il existe environ 12 000 infirmières de santé publique au Canada. L'Association des infirmières et infirmiers du Canada estime que le Canada sera confronté à une pénurie de 78 000 infirmières accréditées d'ici à 2011. Certains experts pensent qu'il manque déjà 16 000 infirmières au Canada. Malheureusement, ces renseignements sur le personnel infirmier ne sont pas recueillis de façon à pouvoir en extraire des données définitives sur les infirmières hygiénistes.

Il existe une forte demande de microbiologistes médicaux ayant obtenu leur doctorat. Actuellement ils sont trop peu nombreux. On manque également de professionnels en prévention des infections. Ces praticiens sont la plupart du temps des infirmières (88 %) ou des technologues de laboratoire (10 %) qui sont formés sur le tas. Quarante-deux pour cent des hôpitaux canadiens ne répondent pas à la norme américaine actuelle d'un praticien pour 250 lits de soins actifs et 80 % ne peuvent pas respecter la nouvelle norme canadienne d'un praticien pour 175 lits de soins actifs. Moins de 60 % des hôpitaux canadiens ont un médecin qualifié qui agit comme directeur de contrôle des infections. Le Canada a également besoin de plus d'épidémiologistes spécialisés dans les enquêtes sur le terrain et les réponses aux épidémies.

En bref, à de multiples niveaux, que ce soit la dotation des fonctions de base en santé publique ou l'interface entre les activités cliniques et de santé publique, on constate un manque criant de personnel hautement qualifié.

Le Comité a recommandé que les gouvernements F/P/T élaborent rapidement et mettent en ouvre une stratégie nationale de renouvellement et de maintien des ressources humaines en santé publique. La stratégie devrait s'appuyer sur un partenariat (selon le modèle australien) faisant intervenir les gouvernements, les universitaires, des partenaires institutionnels et des associations professionnelles. Nous avons inclus dans nos projections un budget à cette fin qui serait géré par l'agence canadienne de santé publique. La stratégie viserait non seulement à rendre le Canada plus autosuffisant en ce qui concerne le personnel de santé publique, mais devrait également favoriser explicitement une collaboration permanente entre les juridictions.

Laboratoires en santé publique

Les laboratoires médicaux du Canada sont exploités par des intérêts privés, des hôpitaux ou des services de santé régionaux. Tous les gouvernements provinciaux, sauf le Nouveau-Brunswick, administrent des laboratoires de santé publique. Le laboratoire provincial de l'Ontario n'ayant pas pu répondre à la demande de tests du SRAS, des mesures rapides et impressionnantes ont été prises par les travailleurs des laboratoires des divers hôpitaux de Toronto pour établir une capacité de diagnostic du coronavirus. Malheureusement, lorsque les laboratoires hospitaliers se sont chargés des tests, la capacité de surveiller les données au niveau national et même provincial a été réduite en raison des piètres systèmes d'information et du manque de protocoles de partage des données. Le lien entre les données épidémiologiques déjà limitées et les résultats des tests de laboratoire est devenu encore plus compliqué.

Cette expérience nous confirme dans notre opinion que les activités des laboratoires canadiens pour ce qui est des tests de maladies infectieuses et des interventions face à une épidémie ne sont pas bien coordonnées ni suffisamment liées aux données cliniques épidémiologiques. Comme il est recommandé dans le rapport du Lac Tremblant il y a dix ans, le Canada devrait mettre sur pied un système de surveillance des laboratoires actif et concerté pour prévoir et détecter les risques de maladies infectieuses et y répondre.

Ce système exige une meilleure intégration des laboratoires de première ligne au système de santé publique. Des mesures en ce sens ont été prises par le Réseau canadien des laboratoires en santé publique (RCLSP). Le RCLSP est coordonné par les directeurs des laboratoires provinciaux et nationaux et certains responsables fédéraux de santé publique. Les membres du RCLSP devraient comprendre également les grands laboratoires hospitaliers ou bien ces hôpitaux devraient être intégrés aux réseaux provinciaux représentés au RCLSP. Les projections de dépenses du Comité incorporent un financement supplémentaire pour les laboratoires provinciaux de santé publique et pour que le RCLSP attire un plus large éventail de partenaires. Nous avons également recommandé un examen concerté F/P/T des divers aspects du système des laboratoires en santé publique.

Recherche

De nombreux gouvernements et organismes ont investi des millions de dollars dans la recherche sur le SRAS. Par exemple, les IRSC ont pris la direction de l'organisation du Consortium national de recherche sur le SRAS. Le financement du Consortium est assuré par un ensemble d'organismes fédéraux et provinciaux ainsi que des partenaires du secteur privé. Le Consortium a l'intention d'appuyer les travaux effectués dans divers domaines comme le diagnostic, la mise au point de vaccins, la thérapeutique, l'épidémiologie, les bases de données, la santé publique et les répercussions communautaires.

Toutefois, la recherche immédiate sur le SRAS a été inégale. La recherche sur les causes du SRAS, la caractérisation de l'agent, la mise au point des tests de diagnostic et la production des descriptions cliniques initiales ont été effectuées et communiquées relativement rapidement. La recherche sur la réponse immunitaire permettant de mettre au point un vaccin a fait des progrès et les scientifiques de Vancouver et de Winnipeg ont été parmi les premiers au niveau international à séquencer le coronavirus du SRAS. Ce succès est attribuable aux accords et à la capacité qui existaient déjà, ce qui souligne bien l'importance du soutien à apporter à la recherche fondamentale et la nécessité de réseaux de recherche qui soient opérationnels bien avant une épidémie.

En revanche, la recherche sur de nombreux aspects épidémiologiques et cliniques fondamentaux du SRAS ont manqué de cohésion. Des scientifiques de Hong-Kong ont pu produire des descriptions épidémiologiques et cliniques séminales tout en répondant à une épidémie plus importante que celle du Canada. Notre incapacité est due en partie à des questions déjà évoquées de leadership, de coordination, de collecte et de gestion des données, d'échange des données et de mécanismes insuffisants pour lier les données épidémiologiques et cliniques avec celles des laboratoires.

Le manque de capacité reflète également les priorités de formation et de financement ainsi que les problèmes de coordination. Dans leur mémoire, les IRSC ont indiqué que l'investissement dans la recherche sur les maladies infectieuses « vise essentiellement à soutenir la recherche biomédicale (84 %) et la priorité accordée à la recherche biomédicale dans ce domaine est plus marquée que dans l'ensemble du portefeuille des IRSC (72 %) ». Les IRSC tentent maintenant d'établir une plus forte capacité de recherche clinique et épidémiologique sur les maladies infectieuses, mais ont mentionné le manque de coordination entre les organismes fédéraux et autres pour créer un programme et une capacité de recherche.

Le Comité a recommandé que la nouvelle agence canadienne de santé publique et le réseau F/P/T de contrôle des maladies transmissibles visent en priorité à lier la recherche dans les institutions gouvernementales et universitaires, en insistant sur les maladies infectieuses. Ils doivent créer les équipes et les processus administratifs nécessaires pour mener rapidement les enquêtes sur les épidémies ou les flambées épidémiques de façon à renforcer la capacité du Canada à répondre au prochain SRAS.

De façon plus générale, l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis ont tous intégré une forte composante scientifique et de recherche dans leurs activités de santé publique. La nouvelle agence canadienne doit donc associer une nouvelle capacité interne de Recherche et Développement (R et D) avec des fonds externes qui lui permettront de sous-traiter des fonctions de R et D à des partenaires comme les IRSC. Il faut également que des provinces investissent en parallèle. Les activités de R et D internes au niveau F/P/T doivent être liées aux hôpitaux universitaires et aux grands centres de santé municipaux au moyen d'une co-implantation, d'instituts de recherche en co-entreprise, de nominations conjointes, d'un recrutement conjoint, d'échanges de réseaux et d'activités de recherche en collaboration.

Questions d'ordre régional et clinique

Pendant la première vague du SRAS en Ontario (SRAS I), le gouvernement a déclaré une urgence provinciale et ordonné des réductions dans les activités secondaires et ambulatoires des hôpitaux. La gestion de la flambée épidémique a été surveillée par un centre des opérations provincial. De nombreux hôpitaux ont participé aux soins aux patients. Pendant la deuxième vague du SRAS (SRAS II), de la troisième semaine de mai à la fin de l'épidémie en juillet, les cas ont été concentrés dans quatre hôpitaux désignés et la gestion du SRAS a incombé à un centre des opérations établi au sein du ministère ontarien de la Santé et des Soins de longue durée.

En Ontario, on ne savait pas toujours qui était responsable de la réponse à la flambée épidémique. Les hôpitaux de la RGT avaient de la difficulté à appliquer certaines des directives émises par le gouvernement provincial. Aucun hôpital de Toronto n'avait fait des maladies infectieuses une priorité et il n'existait pas de cadre régional pour la gestion des flambées épidémiques afin de coordonner les interventions entre les établissements ou les secteurs des services de santé. Les questions de santé et de sécurité au travail ont été des sources de tension continuelle dans les hôpitaux. Des médecins de famille ont estimé que les autorités étaient trop lentes à les avertir des précautions à prendre dans leur cabinet ou à leur fournir de l'aide et des fournitures. Il n'existait pas de processus normalisé pour le partage et la rémunération du personnel pendant une urgence comme celle du SRAS. Dans le milieu de la santé publique, les informateurs ont critiqué le manque de coordination entre les quatre unités locales en cause, la faiblesse de la capacité analytique de la Direction de la santé publique de l'Ontario et son rôle limité pour appuyer ou coordonner les interventions.

Les répondants ont par la suite souligné les faiblesses du système de communication des alertes aux maladies infectieuses émises par les organismes de santé publique aux niveaux opérationnels du système de santé (hôpitaux, installations de soins à long terme et à domicile, services d'ambulance et médecins de famille). Le processus d'émission des alertes a été apparemment mieux organisé en Colombie-Britannique, grâce au Centre for Disease Control de la province. À la suite du SRAS, les responsables cliniques et de la santé publique de Toronto se sont dit totalement en faveur d'un système intégré et régional de surveillance, de rapport et de gestion des flambées de maladies infectieuses.

Le manque de places a été également problématique dans les hôpitaux. Seulement 3,8 % et 1 % des lits de soins actifs et non actifs, respectivement, de Toronto/RGT se trouvent dans des chambres individuelles à pression négative. Sur les 28 hôpitaux de Toronto/RGT ayant des services d'urgence, six n'avaient pas de salle de contrôle des infections. Environ 18 % des lits de soins intermédiaires et actifs surveillés dans la région de Toronto sont équipés d'un système de contrôle des infections. Seulement 30 % des hôpitaux ayant des salles d'autopsie ont dit que leurs installations étaient conformes aux lignes directrices des CDC américains. De plus, au début mars 2003, juste avant le SRAS, l'occupation des lits médicaux était en moyenne de 95 %.

Les effets les plus marqués des restrictions imposées par la province sur les activités hospitalières pendant la première vague du SRAS se sont fait sentir en avril, date à laquelle le volume des soins ambulatoires a diminué de 56 % dans les hôpitaux de la RGT et de 70 % dans les hôpitaux de Toronto, par rapport à avril 2002. Les niveaux sont ensuite remontés en mai. La stratégie différente utilisée lors de la deuxième vague du SRAS a permis de réduire légèrement l'impact sur le volume des soins ambulatoires, 1 % seulement dans la RGT et 5 % seulement à Toronto par rapport à l'année précédente. Le volume des opérations chirurgicales non urgentes et des opérations chirurgicales urgentes a été maintenu. Les experts-conseils ont estimé que le volume des chirurgies reportées a été de plus de 6 600 chez les maladies hospitalisé et près de 18 000 dans le cas des chirurgies ambulatoires. Plus de la moitié de l'arriéré des opérations chirurgicales non urgentes de malades hospitalisés a été accumulée en avril 2003 au cours de la première vague du SRAS. L'arriéré des chirurgies ambulatoires a été encore plus concentré, soit 85 % en avril.

Le Comité s'intéresse d'abord aux structures, aux politiques, aux procédures et au financement au niveau F/P/T. Mais compte tenu de la très longue liste des questions soulevées par les circonstances particulières de la crise du SRAS, nous avons choisi de formuler un nombre limité de recommandations à l'intention des ministres provinciaux et territoriaux de la santé, des services régionaux de santé et des hôpitaux et des organismes de santé publique provinciaux et locaux. Ces recommandations portent sur les installations physiques dans les services des urgences et les hôpitaux, les stratégies régionales de gestion des flambées épidémiques, la planification intégrée des urgences, l'amélioration de l'éducation permanente sur le contrôle des infections et l'amélioration des liens entre la santé publique et les éléments du système des services individuels de santé (hôpitaux, organismes de soins à domicile et soins primaires).

Aspects internationaux du SRAS

Le SRAS a montré que nous sommes toujours à un vol de distance de graves épidémies. Le renforcement de la capacité des autres pays à détecter les maladies infectieuses émergentes et à les contrôler est une responsabilité mondiale pour un pays ayant les ressources du Canada et également une question d'intérêt direct. Le Comité a recommandé que le gouvernement du Canada intègre à ses programmes de vulgarisation internationale des activités de R et D en santé. La nouvelle agence canadienne de santé publique devrait notamment avoir le mandat de s'engager davantage sur le plan international dans le domaine des maladies infectieuses émergentes, notamment au moyen de projets visant à renforcer la capacité de surveillance et de gestion des épidémies dans les pays en développement.

Au cours de la crise du SRAS, l'OMS a facilité la collaboration entre les chercheurs, publié des modèles de définition de cas et émis plusieurs alertes. L'OMS a établi des contacts avec les pays touchés et offert un soutien épidémiologique, clinique et de laboratoire. Elle a également commencé à émettre des recommandations aux voyageurs pour la première fois, agissant comme centre de coordination transnational pour évaluer la sécurité des voyages internationaux et par là-même l'efficacité des efforts de gestion de la crise dans les différents pays.

En juin, lors de la réunion internationale de l'OMS sur le SRAS en Malaisie, il est devenu évident que de nombreux pays avaient adopté leur propre définition de cas du SRAS. Le Comité estime qu'il faut chercher à établir les rôles respectifs d'un organisme comme l'OMS et de ses États membres dans la définition de nouvelles maladies comme le SRAS.

Plusieurs pays asiatiques ont connu des difficultés encore plus grandes que le Canada. De nombreux observateurs ont estimé que les responsables canadiens n'avaient pas réussi à établir des contacts suffisamment étroits avec les responsables de Hong-Kong, de Singapour et de Chine et avaient manqué des possibilités d'apprendre des autres pays.

Santé Canada a régulièrement transmis des renseignements à l'OMS pendant la crise du SRAS, mais ces données ont été limitées pendant les premières semaines en raison de l'absence de processus officiel de compte rendu entre les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral. Il faut donc établir des protocoles d'échange de données non seulement pour une meilleure gestion des crises mais également pour que la communauté internationale garde sa confiance dans le Canada en cas de crise.

Les mémoires présentés au Comité par l'industrie du voyage ont indiqué que l'information sur le SRAS offerte aux passagers et au personnel était souvent insuffisante et sans cohérence. La nouvelle agence doit faire en sorte qu'il existe une stratégie efficace de communication sur les maladies infectieuses en établissant des points de contact à l'intention de l'industrie du voyage.

Le 2 avril 2003, l'OMS recommandait aux voyageurs de retarder tous les voyages non indispensables vers Hong-Kong et la province de Guangdong en Chine. Jusque-là, seuls des pays individuels avaient émis ce genre de recommandation. Le 23 avril 2003, l'OMS a ajouté Toronto, Beijing et la province de Shanxi à la liste des régions que les voyageurs devaient éviter. La recommandation contre les voyages non indispensables à Toronto devait rester en vigueur pendant trois semaines avant d'être réévaluée, mais a été retirée le 29 avril à la suite des protestations du Canada. La controverse au sujet des recommandations aux voyageurs de l'OMS a été aggravée par le manque de cohérence dans la catégorisation de Toronto par l'OMS et les CDC américains, la faiblesse des éléments de preuve avancés pour les critères utilisés et le fait que l'OMS n'ait pas donné de préavis suffisant des recommandations à venir. En supposant que l'OMS continue d'émettre des recommandations, il faudra que les processus d'élaboration des critères fondés sur des preuves et de préavis aux pays touchés soient élaborés conjointement par les États membres.

Pendant de nombreuses années, le Programme de médecine des voyages de Santé Canada a émis des avis aux Canadiens se rendant à l'étranger sur les risques d'épidémies et de catastrophes naturelles. Santé Canada a créé son propre système de points pour savoir quand avertir les voyageurs des pays touchés par le SRAS, mais son fondement probatoire ne semble pas plus sûre que les critères contestés de l'OMS. De plus, les recommandations aux voyageurs émises par le Canada pour Hong-Kong étaient parfois plus rigoureuses que celles de l'OMS pour cette même destination. Le Comité a donc recommandé de réexaminer les pratiques du Canada en matière d'avis aux voyageurs, idéalement dans le contexte d'une réévaluation multilatérale du fondement, de la nature, des objectifs et des effets des avis aux voyageurs.

En 2002, Santé Canada a informé les administrations aéroportuaires qu'il allait transférer les responsabilités de la quarantaine des aéroports à l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Le personnel des douanes n'a jamais été formé pour exercer ces fonctions. Lors de la crise du SRAS, Santé Canada a modifié le règlement de la Loi sur la quarantaine afin d'inclure le SRAS, mais seul un petit nombre d'agents de quarantaine était sur place pour faire appliquer le nouveau règlement. Les administrations aéroportuaires ont exprimé leurs préoccupations au sujet de la capacité de Santé Canada à mobiliser du personnel de quarantaine compétent aux aéroports, d'assurer le soutien logistique et de gérer les communications pertinentes. Dans le cas des bateaux de croisière, les protocoles de Santé Canada pour le contrôle et le traitement des cas de SRAS soupçonnés et la décontamination des navires n'ont pas été publiés avant la mi-juin, après que l'épidémie soit pratiquement terminée. Le Comité a recommandé que le gouvernement du Canada s'assure qu'un contingent adéquat d'agents de quarantaine soient présents dans les points d'entrée et qu'il établisse une collaboration plus étroite avec les administrations des ports et le personnel pour préciser les responsabilités en cas de menace pour la santé.

Pour contrôler les passagers aériens à l'arrivée et au départ, on s'est servi de cartes de renseignements comportant des questions et d'évaluations secondaires au besoin, ainsi que d'analyseurs thermiques dans le cadre d'un projet pilote à Toronto et à Vancouver. Au 27 août 2003, on évaluait à 6,5 millions le nombre de contrôles qui avaient eu lieu aux aéroports canadiens pour détecter et prévenir la transmission du SRAS. Près de 9 100 passagers ont fait l'objet d'une évaluation secondaire par des infirmières de contrôle ou des agents de quarantaine. Aucun n'avait le SRAS. Le projet pilote d'analyseur thermique a contrôlé environ 2,4 millions de passagers. Seulement 832 ont fait l'objet d'une évaluation plus poussée et là encore on a découvert aucun cas de SRAS. Dans d'autres pays, les résultats de ces mesures de contrôle aux aéroports n'ont pas donné de résultats plus positifs.

Nous avons donc recommandé que le gouvernement du Canada revoie ses techniques et ses protocoles de dépistage des passagers afin que les mesures de contrôle soient fondées sur des preuves d'efficacité pour la santé publique tout en tenant compte des besoins financiers et humains. Bien que les contrôles officiels semblent jusqu'à présent relativement inefficaces, le Comité a recommandé que le gouvernement du Canada fournisse aux voyageurs en général des renseignements sur les endroits où il existe des menaces pour la santé et quand, sur les mesures de précaution à prendre et les premières étapes à suivre en cas d'infection soupçonnée. Un partenariat avec l'industrie du voyage pourrait faciliter ce processus, l'information étant alors communiquée au moment de la réservation.

Conclusion

Bien avant le SRAS, les preuves de risques actuels et potentiels pour la santé des Canadiens liés aux faiblesses de l'infrastructure de la santé publique s'accumulaient, sans qu'il y ait d'intervention exhaustive de la part des divers paliers de gouvernement. Le SRAS a tué 44 Canadiens et infecté des centaines d'autres personnes, paralysé pendant des semaines une partie importante du système de soins de santé de l'Ontario et placé en quarantaine plus de 25 000 résidents de la RGT. Les effets psychologiques du SRAS sur les travailleurs de la santé, les patients et les familles restent encore à évaluer, mais les retombées économiques se sont déjà fait sentir non seulement dans la RGT, l'épicentre du SRAS, mais dans tout le pays.

Le Comité national consultatif sur le SRAS et la santé publique a estimé qu'il y avait beaucoup à apprendre de la crise du SRAS au Canada - en grande partie du fait que de nombreuses autres leçons n'avaient pas été prises en compte auparavant.

Un véritable cadre de collaboration et une communauté de pensée entre les différents paliers de gouvernement sont des éléments fondamentaux pour faire face à de futures crises sanitaires. Il faut établir les règles et les normes d'un système intégré de santé publique dans un esprit de partenariat et d'engagement partagé à l'égard de la santé des citoyens. La pensée systémique et la coordination des activités d'une infrastructure bien organisée ne sont pas seulement essentielles pendant une crise, mais elles font partie intégrante des fonctions de base de la santé publique puisqu'elles sont axées sur l'ensemble de la population. La capacité du Canada à contenir une épidémie est tributaire du maillon le plus faible de la chaîne des systèmes de santé publique provinciaux et territoriaux. Les maladies infectieuses sont une composante du problème de la santé publique, mais elles ne peuvent être traitées isolément, surtout du fait que dans les unités de santé locales, le même personnel a tendance à s'occuper autant des risques infectieux et non infectieux pour la santé de la population. Le Comité a donc recommandé des stratégies qui renforceront tous les niveaux du système de santé publique et intégreront tous ses éléments.

Les approches financières et stratégiques énoncées dans ce rapport sont conformes aux précédents internationaux et, nous le croyons, aux attentes des Canadiens. Jusqu'à présent, aucun transfert n'a été réservé pour les activités de santé publique locales, provinciales et territoriales. La santé publique a toujours été en concurrence avec les services individuels de santé dans les budgets provinciaux, et même lorsque le gouvernement fédéral a augmenté ses transferts de santé réservés pour les services individuels prioritaires. Les coûts de santé publique sont modestes - peut-être 2 à 3 % des dépenses de santé, selon la façon dont on définit les numérateurs et les dénominateurs. Le montant réel des nouvelles dépenses fédérales que le Comité a recommandées atteindrait 700 millions de dollars par an d'ici à 2007 au plus tôt. C'est ce que les gouvernements F/P/T consacrent actuellement aux services individuels de santé au Canada entre le lundi et le mercredi de chaque semaine.

L'expérience du SRAS comporte des éléments tragiques et héroïques. Les coûts de l'épidémie ont été très élevés, mais des milliers de personnes du secteur de la santé ont su se montrer à la hauteur et ont finalement contenu la flambée du SRAS au Canada malgré la faiblesse des systèmes et des ressources. Il s'agit maintenant non seulement de mieux se préparer à la prochaine épidémie, mais également de renouveler la santé publique au Canada de façon à protéger et promouvoir la santé de tous les Canadiens, aujourd'hui et demain.

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