ARCHIVÉ - Programmes organisés de dépistage du cancer du sein au Canada - Rapport sur la performance des programmes en 2003 et en 2004

 

Sujet spécial : Intervalles entre les épisodes de dépistage

Il est essentiel que les mammographies soient répétées à intervalles réguliers, afin de maximiser les avantages de la participation à un programme structuré de dépistage du cancer du sein (12). Néanmoins, on a constaté que la probabilité d’un retour au dépistage régulier variait considérablement d’un programme provincial à l’autre (13). De nombreux facteurs pourraient influer sur la probabilité qu’une femme réintègre en temps opportun un programme de dépistage, y compris les caractéristiques démographiques, la présence ou l’absence de facteurs de risque de cancer du sein, l’expérience de dépistage passée, par exemple un dépistage faux-positif, et des facteurs spécifiques aux programmes provinciaux-territoriaux, notamment lettre de rappel et les systèmes de rendez-vous. Il peut exister des relations complexes entre ces facteurs, l’un influant sur l’autre et, éventuellement, annulant ou amplifiant son incidence sur le comportement en matière de nouveau dépistage. Afin d’examiner simultanément ces influences, trois analyses longitudinales à plusieurs variables ont été élaborées.

Figure 10 – Cadre d’échantillonnage d’intervalles de dépistage par catégorie

Figure 10 – Cadre d’échantillonnage d’intervalles de dépistage par catégorie


Au total, 314 677 femmes de 50 à 68 ans, qui avaient subi une mammographie durant le programme de dépistage en Colombie-Britannique, en Alberta, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador en 2000 ou en 2001, ont été suivies pendant au moins 36 mois, et ensuite classées dans des groupes à des fins d’analyse (figure 10). Les femmes qui avaient reçu un diagnostic de cancer du sein au moment du dépistage initial n’étaient pas prises en compte dans le cadre des analyses. À partir des groupes formés en vue d’un dépistage subséquent (c.-à-d. le groupe I – dépistage subséquent hâtif, le groupe II – dépistage subséquent tardif et le groupe III – aucun dépistage subséquent opportun), désignés à titre de variable dépendante, et des facteurs en temps confondants potentiels, comprenant les caractéristiques démographiques, les facteurs de risque de cancer du sein, les expériences de dépistage passées et les programmes provinciaux-territoriaux, considérés comme des variables indépendantes, nous avons réalisé une série d’analyses multivariées de régression logistique. Il s’agit d’une technique statistique qui permet d’évaluer l’influence particulière de chaque variable indépendante, tout en ajustant l’influence concurrente d’autres facteurs indépendants potentiellement confondants. Les résultats des analyses sont exprimés sous forme de « rapport de cote », où la valeur 1,0 représente un risque neutre et les valeurs supérieures ou inférieures, une probabilité plus élevée ou moindre, respectivement. Nous avons également calculé le pourcentage de participantes aux programmes associé à une variable dépendante donnée pour chacun des groupes de dépistage subséquent (voir le tableau 9).

Tableau 9 – Facteurs associés à la fidélisation et aux intervalles de dépistages, y compris les probabilités (IC 95 %) d’un retour dans l’année, d’un retour tardif ou d’de retour (dans les 30 mois)

  Retour dans l’année
(<16 mois)
(n = 38 265)
Retour tardif
(30 à 36 mois)
(n = 11 958)
Dépistage opportun n’a pas eu lieu
(dans les 30 mois)
(n = 75 522)
  % RCaj
(95% IC) Tableau 1 - Note de bas de page a
% RCaj
(95% IC) Tableau 1 - Note de bas de page a
% RCaj
(95% IC) Tableau 1 - Note de bas de page a
aObtenu à l’aide d’un modèle multivarié de régression logistique.
bTel que mesuré dans chaque province, à l’exclusion du Manitoba.
§N’est pas demeuré statistiquement significatif, n’est pas inclus dans le modèle final.
*p<.05,
**p<.001,
***p≤.0001
Caractéristiques démographiques
Âge (Dépistage indice)
50 à 54 ans 17,2 1,0 5,7 1,0 25,9 1,0
55 à 59 ans 15,8 0,9
(0,87 - 0,93) Tableau 1 - Note de bas de page ***
5,1 1,0
(0,91 . 1,00) Tableau 1 - Note de bas de page *
22,8 Tableau 1 - Note de bas de page §
60 à 64 ans 15,4 0,9
(0,89 - 0,94) Tableau 1 - Note de bas de page ***
4,5 0,8
(0,80 - 0,88) Tableau 1 - Note de bas de page ***
21,1 0,9
(0,86 - 0,90) Tableau 1 - Note de bas de page ***
65 à 68 ans 14,8 0,9
(0,88 - 0,95) Tableau 1 - Note de bas de page ***
3,9 0,7
(0,69 - 0,79) Tableau 1 - Note de bas de page ***
21,6 0,9
(0,88 - 0,93) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Née au Canada
non 13,8 1,0 5,1 1,0 24,2 1,0
oui 17,4 1,2
(1,17 - 1,23) Tableau 1 - Note de bas de page ***
5,0 1,0
(1,00 - 1,09)*
23,0 Tableau 1 - Note de bas de page §
Résidence
milieu urbain 16,0 1,0 5,0 1,0 23,2 1,0
milieu rural 16,4 1,1
(1,08 1,15) Tableau 1 - Note de bas de page ***
5,0 1,2
(1,10 - 1,22) Tableau 1 - Note de bas de page ***
24,9 1,1
(1,07 - 1,12) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Éducation
< secondaire 15,2 1,0 5,7 1,0 24,9 1,0
secondaire et postsecondaire 16,7 1,2
(1,15 - 1,21) Tableau 1 - Note de bas de page ***
4,6 Tableau 1 - Note de bas de page § 22,6 0,9
(0,91 - 0,94) Tableau 1 - Note de bas de page ***
diplôme universaire 16,3 1,2
(1,16 - 1,25) Tableau 1 - Note de bas de page ***
4,8 Tableau 1 - Note de bas de page § 22,4 0,9
(0,87 - 0,92) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Facteurs de risque de cancer du sein
Densité du seinTableau 1 - Note de bas de page b
faible densité 15,1 1,0 5,1 1,0 23,7 1,0
densité élevée 20,4 1,3
(1,23 - 1,30) Tableau 1 - Note de bas de page ***
5,0 0,9
(0,86 - 0,95) Tableau 1 - Note de bas de page ***
22,5 0,9
(0,90 - 0,94) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Antécédents familiaux de cancer du sein
non 14,2 1,0 5,1 1,0 23,9 1,0
oui 30,1 2,5
(2,46 - 2,60) Tableau 1 - Note de bas de page ***
4,3 0,8
(0,75 - 0,84) Tableau 1 - Note de bas de page ***
20,3 0,8
(0,77 - 0,81) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Âge à la première naissance
< 30 ans 16,1 1,0 5,0 1,0 23,6 1,0
≥ 30 ans 15,7 Tableau 1 - Note de bas de page § 5,0 Tableau 1 - Note de bas de page § 22,0 0,9
(0,87 - 0,93) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Parité
≥ une naissance vivante 15,4 1,0 5,1 1,0 23,9 1,0
parité nulle 18,5 1,2
(1,16 - 1,23) Tableau 1 - Note de bas de page ***
4,9 0,9
(0,83 - 0,91) Tableau 1 - Note de bas de page ***
21,9 0,9
(0,87 - 0,91) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Hormonothérapie substitutive (dépistage indice)
aucun usage courant 14,3 1,0 5,1 1,0 24,3 1,0
usage en cours 19,4 1,4
(1,32 - 1,39) Tableau 1 - Note de bas de page ***
5,0 0,9
(0,90 - 0,97)**
21,9 0,9
(0,84 - 0,87) Tableau 1 - Note de bas de page ***
État de ménopauses (dépistage indice)
post-ménopause 16,0 1,0 5,0 1,0 22,9 1,0
pré-ménopausel 16,8 1,1
(1,03 - 1,10)**
5,3 0,9
(0,90 - 0,99)*
26,0 Tableau 1 - Note de bas de page §
Expériences de dépistage passées
Dépistage initial (dépistage indice)
non 16,3 1,0 4,5 1,0 19,2 1,0
oui 15,0 0,8
(0,81 - 0,86) Tableau 1 - Note de bas de page ***
7,8 1,8
(1,69 - 1,85) Tableau 1 - Note de bas de page ***
39,4 2,6
(2,57 - 2,68) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Dépistage faux-positif passé
non 15,5 1,0 4,9 1,0 22,5 1,0
oui 26,7 1,8
(1,77 - 1,92) Tableau 1 - Note de bas de page ***
6,9 1,3
(1,21 - 1,39) Tableau 1 - Note de bas de page ***
36,0 1,8
(1,75 - 1,86) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Facteurs spécifiques aux programmes
Province
Colombie-Britannique 15,8 1,0 5,0 1,0 22,1 1,0
Alberta 13,8 0,9
(0,84 - 0,92) Tableau 1 - Note de bas de page ***
2,4 0,4
(0,37 - 0,45) Tableau 1 - Note de bas de page ***
31,4 1,4
(1,32 - 1,40) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Manitoba 11,1 0,8
(0,82 - 0,88) Tableau 1 - Note de bas de page ***
4,9 0,8
(0,75 - 0,84) Tableau 1 - Note de bas de page ***
22,5 0,8
(0,74 - 0,78) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Nouveau-Brunswick 19,3 1,2
(1,17 - 1,27) Tableau 1 - Note de bas de page ***
7,7 1,6
(1,51 - 1,67) Tableau 1 - Note de bas de page ***
27,3 1,2
(1,13 - 1,21) Tableau 1 - Note de bas de page ***
Terre-Neuve 36,7 2,8
(2,64 - 2,90) Tableau 1 - Note de bas de page ***
4,7 0,8
(0,68 - 0,83) Tableau 1 - Note de bas de page ***
18,1 0,6
(0,54 - 0,60) Tableau 1 - Note de bas de page ***

Caracteristiques demographiques

Les caractéristiques démographiques, y compris l'âge, le pays de naissance, le lieu de résidence (zone urbaine ou rurale) et la scolarité, ne contribuaient pas d'une manière importante à la probabilite du retour des femmes à un programme de dépistage, ni au moment de leur retour, le cas échéant (voir le tableau 9). Cependant, la contribution de ces caractéristiques - qu'elles soient liées à une probabilité plus élevée ou à une probabilité moindre - était généralement constante, certains risques sous-jacents étant souvent liés à des facteurs démographiques. Par exemple, le risque accru de cancer du sein était associé à l'accroissement de l'âge, et les modes de vie occidentaux . qui peuvent être plus courants parmi les femmes nées au Canada - étaient associés à une hausse modeste de la probabilité d'un retour hâtif (rapport de cote (RCaj) 1,2 (intervalle de confiance (IC) de 95 %) : 1,17 - 1,23), p≤0,0001). La sensibilisation au risque de développer un cancer du sein et aux avantages possibles de comportements favorables à la sante, notamment la participation à un programme de dépistage, tend a être associé à l'augmentation du niveau de scolarité. Les niveaux d'études plus élevés sont liés à une probabilité plus faible de ne pas retourner en temps opportun au dépistage (RCaj : 0,9 (IC : 0,87 - 0,92), p≤0.0001). Le fait de vivre en milieu rural est souvent associé à des difficultés sur le plan de l'acces aux cliniques de dépistage. Ces difficultés peuvent entraîner des problèmes en ce qui a trait au dépistage subséquent en temps opportun, et semblent se traduire par une probabilité légèrement plus élevée de ne pas retourner au dépistage en temps opportun (RCaj : 1,1 (IC : 1,07 - 1,12), p≤0.0001).

Expériences de dépistage passees

Parmi les femmes qui ont recu un test de depistage du cancer du sein pour la premiere fois en 2000 ou en 2001, 39 % ne sont pas retournees au depistage en temps opportun, comparativement a 19 % des femmes qui avaient recu au moins une mammographie avant le depistage indice de 2000 ou de 2001 (RCaj : 2,6 (IC : 2,57 . 2,68), p≤0.0001). Ces donnees sont conformes aux etudes anterieures (12) et soulignent l'importance de cibler l'attention sur la fi delisation des femmes qui recoivent un test de depistage pour la premiere fois (voir la figure 11).

Figure 11 – Effets du dépistage initial versus dépistage subséquent sur la fidélisation et les intervalles de dépistages

Figure 11 – Effets du dépistage initial versus dépistage subséquent sur la fidélisation et les intervalles de dépistages


Trente-six pour cent (36 %) des femmes qui ont reçu un résultat faux positif en 2000 ou en 2001 ne sont pas retournées au dépistage en temps opportun, comparativement à 23 % des femmes qui n'ont pas fait l'objet d'un dépistage faux-positif (RCaj : 1,8 (IC (1,75 - 1,86)), p≤0.0001). Ces chiffres sont également conformes aux études antérieures (14). Nous ne pouvons pas établir précisement si le fait de ne pas retourner au dépistage en temps opportun découle d'une expérience négative relativement au dépistage, du transfert des femmes à un secteur hors programme pour l'investigation diagnostique, ou du retour tardif au programme de mammographies régulières en raison d'un suivi en diagnostic. La manière dont on établit un intervalle type de deux ans, en ce qui concerne le dépistage, avant le retour aux mammographies régulières peut également avoir une incidence (c. à d. deux ans après la fin du suivi ou deux ans a compter de la date du dépistage initial). Étant donne que les résultats faux-positifs, dans ce contexte, peuvent être liés à une biopsie et à une maladie bénigne des seins - qui font partie toutes deux des facteurs de risque de cancer du sein - cette tendance a ne pas retourner au dépistage en temps opportun justifie un examen plus approfondi (15). Les femmes qui avaient obtenu un résultat faux-positif et qui étaient retournées au dépistage en temps opportun étaient largement plus susceptibles d'avoir un test de dépistage subséquent dans les 16 mois que les femmes qui n'avaient pas recu de résultat faux-positif (26,7 % comparativement a 15,5 %, respectivement - voir la figure 12).

Figure 12 – Impact des faux positifs sur la fidélisation et les intervalles de dépistages

Figure 12 – Impact des faux positifs sur la fidélisation et les intervalles de dépistages


Facteurs de risque de cancer du sein

D'une manière générale, les femmes qui présentaient des facteurs de risque de cancer du sein, y compris une densité mammaire élevée, un traitement hormonal substitutif (THS) en cours ou le fait d'avoir eu leur première grossesse après 30 ans ou de ne jamais avoir été enceinte (nulliparite), étaient plus susceptibles de retourner subir un test de dépistage dans les 30 mois; cependant, les écarts absolus entre les groupes étaient faibles. Comme prévu, les femmes qui avaient des antécédents familiaux étaient beaucoup plus susceptibles de retourner rapidement (dans les 16 mois) subir un test de dépistage subséquent que les femmes sans antécédents familiaux (RCaj : 2,5 (IC (2,46 - 2,60)), p≤0,0001). Les femmes ayant des antécédents familiaux, et qui n’obtenaient pas rapidement un test subséquent, étaient légèrement moins susceptibles de retourner au dépistage de façon tardive, ou de ne pas y retourner en temps opportun, que les femmes sans antécédents familiaux (figure 13).

Figure 13 – Impact des antécédents familiaux de cancer du sein sur la fidélisation et les intervalles de dépistages

Figure 13 –Impact des antécédents familiaux de cancer du sein sur la fidélisation et les intervalles de dépistages


Facteurs spécifiques aux programmes

Après contrôle de la variation des caractéristiques démographiques et du profil de risque de cancer du sein, il restait encore des différences importantes entre les programmes de dépistage en ce qui concerne la probabilité du retour des femmes au dépistage. En particulier, les femmes qui ont subi les tests de dépistage à Terre-Neuve et au Labrador étaient les plus enclinés à retourner rapidement subir un test de dépistage subsequent (RCaj : 2,8 (IC (2,64 - 2,90)), p≤0,0001) et les moins susceptibles de ne pas y retourner dans les 30 mois (RCaj : 0,6 (IC (0,54 - 0,60)), p≤0,0001). La difference entre les programmes d'une province à l'autre donne à croire que la capacité des programmes, les stratégies spécifiques de fidélisation des participantes et l'accès hors programme à la mammographie - tous des facteurs particuliers aux programmes et aux provinces - constitueraient des points d'intérêt valables dans le cadre d'initiatives visant à améliorer la fidélisation des participantes.

Résumé

Le présent rapport révèle que la plupart des femmes qui utilisent des services organisés de dépistage du cancer du sein au Canada passe un test de dépistage tous les deux ans (rapport principal : figure 5, tableaux 6 à 8). Les analyses plus détaillées démontrent que plusieurs caractéristiques peuvent expliquer une certaine variation en ce qui concerne la fidélisation des participantes et l’intervalle associé au retour opportun et au dépistage subséquent hâtif. Ces caractéristiques englobent, notamment, le dépistage initial comparativement au dépistage subséquent, les résultats faux-positifs antérieurs, les antécédents familiaux de cancer du sein et les programmes provinciaux. L’examen des liens entre ces caractéristiques et les résultats des tests de dépistage représente un outil appréciable en vue d’futures. Les différences entre les programmes provinciaux permettent d’étudier les conséquences de diverses politiques de rappel sur la détection du cancer du sein, sur la morbidité et sur la mortalité et, finalement, mener à la mise en place d’une politique de dépistage efficace au Canada.

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