Le rôle de l'insuline d'origine animale dans le traitement du diabète de type 1 et sa disponibilité - MCBC : Vol 34, No 2-3, juillet 2014

Volume 34 · numéro 2-3 · juillet 2014

Communication courte
Le rôle de l'insuline d'origine animale dans le traitement du diabète de type 1 et sa disponibilité

A. V. Klein, M.D., D.H.P.; E. Taylor, M.D., CCMF, FCMF; C. Legaré, M.D., CCMF Cert. PE et PV; D. Vu, Ph. D.; E. Griffiths, Ph. D.

https://doi.org/10.24095/hpcdp.34.2/3.12f

Cet article a fait l'objet d'une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs :

Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada, Ottawa (Ontario), Canada

Correspondance : Agnes V. Klein, Centre d'évaluation des produits radiopharmaceutiques et biothérapeutiques, Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques, section des produits de santé et des aliments, Santé Canada, 200, promenade Tunney's Pasture, I.A. 0700C, Ottawa (Ontario), K1A 0K9; tél. : 613-954-5706; téléc. : 613-946-0639; courriel : agnes.v.klein@hc-sc.gc.ca

Résumé

En raison d'un certain nombre de facteurs, on traite désormais davantage le diabète insulinodépendant au moyen de préparations d'insuline recombinante (biosynthétique) qu'au moyen d'insuline d'origine bovine et porcine. Cependant, certaines personnes atteintes du diabète de type 1 parviennent à mieux prendre leur diabète en charge à l'aide d'insuline d'origine animale. Malgré la disponibilité de plus en plus réduite de l'insuline d'origine animale et le déclin de sa production, on peut encore s'en procurer sur le marché canadien, en particulier l'insuline porcine.

Cette communication décrit les mesures prises par Santé Canada relativement à la disponibilité de l'insuline d'origine animale.

Mots-clés : insuline, insuline porcine, insuline bovine, insuline recombinante, insuline biosynthétique, diabète de type 1

Introduction

La découverte selon laquelle l'insuline contrôle la glycémie a contribué de façon essentielle au traitement du diabète sucré. Non seulement l'insuline a sauvé des vies, mais elle a permis à la plupart des personnes atteintes de diabète de mener une vie relativement normale. Les premières insulines ont été obtenues par extraction à partir de pancréas de porc et de bœuf. Cependant, un certain nombre de facteurs complexes ont entraîné une diminution du recours à l'insuline d'origine animale : l'élaboration de divers types d'insuline recombinante (biosynthétique ou issue de l'ADNr) présentant différentes durées d'action, l'émergence des maladies à prions (en particulier de l'encéphalopathie spongiforme bovine ou « maladie de la vache folle » et la diminution, par conséquent, de la production et de la fourniture d'insuline bovine), les menaces constantes de pénurie de pancréas d'animaux utilisés pour produire de l'insuline en quantité suffisante et enfin d'autres facteurs moins clairs.

Situation actuelle

L'insuline biosynthétique (recombinante), dont la structure est similaire à celle de l'insuline endogène, a été élaborée dans l'espoir qu'une insuline très apparentée à l'insuline endogène humaine ne provoque pas de réactions immunologiques et n'augmente pas les taux d'IgG sérique, en particulier chez les personnes atteintes du diabète de type 1. Pourtant, au cours de la dernière décennie, certaines personnes ont communiqué avec Santé Canada pour indiquer qu'elles avaient été victimes d'épisodes d'hypoglycémie fréquents et graves alors qu'elles suivaient un traitement à l'insuline biosynthétique. En outre, ces patients sont parvenus à maîtriser leur glycémie de façon plus équilibrée et uniforme et ils se sont sentis généralement mieux et plus en santé en prenant de l'insuline d'origine animale. Santé Canada a également relevé que certaines personnes ont déclaré que leur taux d'anticorps était plus élevé en réponse à l'insuline biosynthétique qu'à l'insuline porcine et, plus particulièrement, qu'à l'insuline bovine. Rappelons que l'insuline biosynthétique présente une immunogénicité similaire à celle de l'insuline porcine hautement purifiée, qui est considérée comme son équivalent clinique.

L'hypoglycémie est l'effet indésirable le plus fréquent lié aux produits d'insuline, quels que soient leur type et leur origine. Dans certains cas – diabète sucré de longue durée, présence de neuropathie diabétique, maîtrise très stricte du diabète sucré, exposition récurrente à l'hypoglycémie aiguë –, la nature et l'intensité des signes avant-coureurs de l'hypoglycémie (pâleur, transpiration, anxiété, céphalées, tachycardie et faim) peuvent être moins prononcées. L'hypoglycémie peut se présenter sans symptôme reconnaissable et entraîner de la confusion et une perte de conscience, voire des convulsionsNote de bas de page 1.

Environ 25 % des personnes atteintes de diabète de type 1 ont une mauvaise perception de l'hypoglycémieNote de bas de page 3, cette dernière pouvant apparaître chez les personnes qui utilisent de l'insuline d'origine animale comme chez celles qui utilisent de l'insuline biosynthétiqueNote de bas de page 2. Les taux d'hypoglycémie aiguë nécessitant de l'aide extérieure, c'est-à-dire l'administration de glucagon pour faire augmenter la glycémie, sont 5,1 fois plus élevés chez les personnes ayant une mauvaise perception de l'hypoglycémie et 9,6 fois plus élevés chez les personnes qui n'ont aucune perception de l'hypoglycémieNote de bas de page 4,Note de bas de page 5.

Un examen systématique réalisé en 2005 et mis à jour en 2009 pour [traduction] « évaluer les effets de différentes sortes d'insuline en analysant leur efficacité (en particulier sur le contrôle de la glycémie) et leur profil d'effets indésirables (principalement l'hypoglycémie) » n'a révélé aucune différence clinique pertinente entre les diverses préparations d'insuline sur le plan de l'efficacité ou des effets indésirables. Toutefois, on n'a jamais réalisé d'essais cliniques randomisés de grande qualité sur les résultats portant sur la qualité de vie liée à la santé et les complications liées au diabèteNote de bas de page 6,Note de bas de page 7.

Un groupe consultatif d'experts sur l'insuline a été créé pour aider Santé Canada à en savoir davantage sur les bienfaits qu'offre l'insuline d'origine animale par rapport à l'insuline biosynthétique, ainsi qu'au sujet de l'étiquetage des préparations d'insulineNote de bas de page 8. Ce groupe a en particulier suggéré d'améliorer la communication à propos des différentes formes d'insuline. De plus, il a recommandé à Santé Canada de continuer à rendre accessibles les insulines d'origine animale aux patients atteints de diabète sucré de type 1 qui parviennent à obtenir une meilleure maîtrise métabolique avec ce type d'insuline, suivant ainsi l'énoncé de position formulé en 2005 par la Fédération internationale du diabète sur les insulines d'origine animale et biosynthétique et sur les produits analogues, qui souligne qu'aucun type d'insuline ne convient à toutes les personnes, et que rendre accessibles plusieurs types d'insuline parmi lesquels les patients peuvent choisir celui qui leur convient le mieux constitue la solution idéaleNote de bas de page 9. En parallèle, le comité a mentionné que des recherches plus approfondies seraient sans doute nécessaires pour déceler les différences observées chez les patients ou perçues par ceux-ci lorsqu'ils utilisent de l'insuline d'origine animale et lorsqu'ils utilisent des formes biosynthétiques/recombinantes d'insuline.

Mesures prises par Santé Canada

Santé Canada a mis en œuvre plusieurs des mesures recommandées par le groupe d'experts dans ses communications avec le public et avec les professionnels de la santé à propos de l'insuline d'origine animale, et même si la majorité d'entre elles ne relèvent pourtant pas directement de sa responsabilité réglementaire. Santé Canada a ainsi mis à jour la liste de tous les produits d'insuline disponibles sur le marché et, en collaboration avec l'Agence de la santé publique du Canada, les fiches d'information sur l'insuline et le diabète, de manière à ce qu'elles intègrent des renseignements sur l'insuline d'origine animaleNote de bas de page 10.

Santé Canada est conscient que la responsabilité des produits pharmaceutiques est partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Sur le plan réglementaire, Santé Canada continuera à communiquer, si besoin est, à propos de l'insuline d'origine animale, tout en respectant le fait que la couverture des médicaments et que la définition de la liste des traitements dans les formulaires de remboursement sont de responsabilité provinciale et territoriale. De plus, Santé Canada a fait part des recommandations du groupe aux intervenants pertinents et encourage leur adoption, notamment en ce qui concerne la poursuite de la recherche pour combler les lacunes relevées par le groupe au sujet des données.

Les médecins peuvent continuer à prescrire les préparations d'insuline Hypurin® Pork Regular et Neutral Protamine Hagedorn (NPH), fabriquées par Wockhardt UK Ltd. et qui sont toujours commercialisées au Canada. Les plans fédéraux, provinciaux et territoriaux en matière de médicaments incluent des processus d'évaluation des demandes d'accès à l'insuline d'origine animale pour des raisons humanitaires.

L'insuline bovine peut être également obtenue auprès de Wockhardt UK Ltd., en fonction de sa disponibilité, et par le biais du Programme d'accès spécial de Santé Canada. L'entreprise Laboratorios Beta S.A. (Argentine) produit de l'insuline bovine et porcine, mais elle n'a ni obtenu d'autorisation de mise en marché au Canada ni rendu ses produits accessibles.

Conclusion

Malgré la tendance à utiliser l'insuline biosynthétique pour traiter le diabète de type 1 au Canada, le besoin en insuline d'origine animale existe toujours. Selon certaines données probantes, certains patients maîtrisent mieux leur métabolisme et leurs symptômes lorsqu'ils sont traités avec une insuline d'origine animale et ils peuvent par conséquent prendre leur diabète en charge de façon plus efficace. C'est pour cela que l'insuline d'origine animale demeure au Canada une option de traitement accessible aux professionnels de la santé et aux patients. Compte tenu de la demande en matière d'insuline d'origine animale, Santé Canada continuera à surveiller la situation et à discuter avec les différents intervenants et fabricants sur la place que doit occuper l'insuline d'origine animale dans le traitement du diabète, ainsi que sur sa disponibilité.

Remerciements

Nous tenons à remercier Kyle Norrie, Alicia Li et Derek Vizena pour leurs conseils durant le processus de rédaction de cet article.

Références

Note de bas de page 1

Balodimos M, Root H. Hypoglycemic insulin reactions without warning symptoms. J Am Med Assoc. 1959;171(3):261-6.

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Note de bas de page 2

MacLeod KM, Gold AE, Frier BM. Frequency, severity and symptomatology of hypoglycaemia: a comparative trial of human and porcine insulins in type 1 diabetic patients. Diabet Med. 1995;12(2):134-41.

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Note de bas de page 3

Frier BM. How hypoglycaemia can affect the life of a person. Diabetes Metab Res Rev. 2008;24:87-92.

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Note de bas de page 4

Gold AE, MacLeod KM, Frier BM. Frequency of severe hypoglycemia in patients with type I diabetes with impaired awareness of hypoglycemia. Diabetes Care. 1994;17(7):697-703.

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Note de bas de page 5

Pedersen-Bjergaard U, Pramming S, Thorsteinsson B. Recall of severe hypoglycaemia and self-estimated state of awareness in type 1 diabetes. Diabetes Metab Res Rev. 2003;9(3):232-40.

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Note de bas de page 6

Richter B, Neises G. 'Human' insulin versus animal insulin in people with diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev. 2005;1:CD003816.

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Note de bas de page 7

Richter B, Neises G. 'Human' insulin versus animal insulin in people with diabetes mellitus (Review). Cochrane Database Syst Rev. 2009;1.

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Note de bas de page 8

Santé Canada. Groupe consultatif d'experts sur l'insuline [Internet]. Ottawa (Ont.) : Santé Canada; 2010 [document archivé par Santé Canada en 2013].

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Note de bas de page 9

International Diabetes Federation. IDF Position Statement Animal, Human and Analogue Insulins (Document PDF) [Internet]. Bruxelles (BE) : International Diabetes Federation; 2005 [consulté le 11 août 2010].

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Note de bas de page 10

Votre santé et vous : Les produits d'insuline [Internet]. Ottawa (Ont.): SantéCanada, 2010 [consulté le 11 août 2010].

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