Recherche quantitative originale – Renforcer la surveillance des produits de consommation au Canada : l’exemple du vapotage

Minh T. Do, Ph. DNote de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 3; Steven R. McFaull, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 4; Lauren Guttman, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Lina Ghandour, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; James Hardy, B. Sc.Note de rattachement des auteurs 1

https://doi.org/10.24095/hpcdp.40.10.02f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Correspondance : James Hardy, Direction de la sécurité des produits de consommation et des produits dangereux, Santé Canada, 269, avenue Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0K9; courriel : james.hardy@canada.ca

Résumé

Introduction. L’objectif général de cette étude était de montrer comment utiliser les renseignements recueillis dans le cadre du Programme de la sécurité des produits de consommation (le Programme) pour identifier certains dangers émergents. Plus spécifiquement, il s’agissait de caractériser et de quantifier les tendances en matière de vapotage en utilisant les rapports d’incident reçus au cours des cinq dernières années dans le cadre du Programme.

Méthodologie. Les données recueillies dans le cadre du Programme ont été extraites pour la période du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2019. Nous avons synthétisé les données sous forme de statistiques descriptives et nous avons quantifié les tendances en utilisant la variation annuelle en pourcentage. Dans le but d’établir des comparaisons reposant sur les caractéristiques des rapports d’incident lié au vapotage, nous avons utilisé les rapports proportionnels de blessures (RPB) et les intervalles de confiance (IC) à 95 % correspondants, ce qui permet de comparer les blessures liées au vapotage à l’ensemble des blessures signalées dans le cadre du Programme.

Résultats. Au total, 71 rapports d’incident lié au vapotage ont été reçus dans le cadre du Programme entre le 1er janvier 2015 et le 30 septembre 2019. Au cours de cette période, la hausse de la variation annuelle en pourcentage quant au nombre de rapports d’incident reçus s’est établi à environ 73 % annuellement (p < 0,05). Parmi les blessures signalées, 41 % étaient des brûlures. Le nombre de rapports d’incident touchant les hommes (RPB = 1,89; IC à 95 % : 1,51 à 2,36) et les 15 à19 ans (RPB = 11,53; IC à 95 % : 4,95 à 26,8) en lien avec le vapotage était, en proportion, supérieur à celui de l’ensemble des autres signalements dans le cadre du Programme.

Conclusion. Bien que le nombre de rapports d’incident lié aux produits de vapotage soit faible, les résultats de notre analyse laisse penser que ces incidents sont davantage susceptibles de survenir au sein de certains groupes, en particulier chez les hommes et chez les jeunes.

Mots-clés : vapotage, consommateur, cigarettes électroniques, blessure

Points saillants

  • La majorité des personnes ayant précisé leur genre étaient de sexe masculin.
  • Le nombre (et la proportion pour 100 000 rapports reçus) de rapports d’incident en lien avec les produits de vapotage a augmenté significativement entre 2015 et 2019.
  • Parmi les personnes ayant précisé leur âge, les adolescents (15 à 19 ans) étaient significativement plus susceptibles de signaler un incident.
  • Par rapport à la moyenne de l’ensemble des rapports d’incident reçus dans le cadre du Programme liés à des produits de consommation, en proportion, ceux ayant porté sur le vapotage ont donné lieu à un plus grand nombre de consultations en service d’urgence.

Introduction

La surveillance des incidents liés aux produits de consommation joue un rôle déterminant dans l’identification des risques pour la santé et l’orientation des interventions visant à gérer et atténuer ces risques. Plus spécifiquement, les renseignements obtenus grâce à la surveillance systématique et continue des produits de consommation permettent de documenter l’évaluation des risques, la gestion des risques, la conformité, l’application de la loi et diverses autres activités nationales et internationales, ce qui contribue à protéger la santé et la sécurité des Canadiens. À l’appui de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommationNote de bas de page 1 (LCSPC; la Loi), le Programme de la sécurité des produits de consommation (PSPC; le Programme) de Santé Canada recueille des renseignements sur les incidents liés à la sécurité au moyen de son portail de déclaration en ligne, et ce, pour un large éventail de produits de consommation, dont les produits de vapotageNote de bas de page 2. On entend par produit de consommation les appareils, les articles ménagers, les produits pour enfants, les produits électroniques, les produits d’hygiène (excluant les produits régis par la Loi sur les aliments et les drogues en tant que cosmétiques), les produits d’entretien pour la maison et les véhicules, les textiles, ainsi que les produits de plein air, de sport et de loisir.

Au Canada, la prévalence du vapotage a augmenté au cours des dernières années, surtout chez les jeunesNote de bas de page 3. Selon l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves (ECTAD) de 2018-2019, les taux de prévalence ont doublé au cours des deux dernières années. En 2016-2017, environ 10 % des élèves de la 7e à la 12e année ont déclaré avoir utilisé la cigarette électronique au cours des 30 jours précédant l’enquête. Or cette statistique a connu une hausse, passant à 20 % en 2018-2019Note de bas de page 3.

Depuis l’arrivée des produits de vapotage, on a fait état d’un bon nombre de blessures, en particulier des empoisonnements causés par l’ingestion de liquide de vapotage et des brûlures causées par des dispositifs de vapotage défectueuxNote de bas de page 4Note de bas de page 5. Si les effets indésirables pour la santé associés à l’exposition à certains types de produits du tabac sont bien documentés, toutes les répercussions du vapotage sur la santé ne sont pas connues.

Les dispositifs de vapotage sont des produits relativement nouveaux au Canada. Ils peuvent causer une tension excessive sur la pile au lithium-ion (Li-ion) du fait de l’utilisation de forts courants électriques lorsqu’ils fonctionnent. Bien que la technologie Li-ion soit sécuritaire de manière générale, la surutilisation de la pile peut conduire à une explosion ou à un incendie (surtout avec une pile de mauvaise qualité). Le dispositif de vapotage entrant souvent en contact étroit avec l’utilisateur, cela peut constituer un danger spécifique pour les consommateursNote de bas de page 4Note de bas de page 5. Selon Rossheim et ses collaborateursNote de bas de page 4, entre 2015 et 2017 aux États-Unis, 2 035 personnes se seraient présentées au service d’urgence d’un hôpital en raison de brûlures causées par l’explosion de leur dispositif de vapotage. Environ 26 % d’entre elles ont été traitées puis transférées à une autre unité, hospitalisées ou mises en observationNote de bas de page 4. Bon nombre de liquides de vapotage contiennent de la nicotine, et la toxicité aiguë élevée de cette substance a causé des empoisonnements non mortels et mortels en cas d’ingestion, y compris chez les enfants. Des études récentes centrées sur les maladies pulmonaires associées au vapotage ont révélé plus de 2 000 cas de lésions pulmonaires aux États-UnisNote de bas de page 6 et 19 cas au CanadaNote de bas de page 7. Les risques de blessure, d’empoisonnement et de diverses autres conséquences néfastes sur la santé mettent en relief la nécessité de maintenir une surveillance et d’analyser les données associées à ces produits dans le but de cerner l’information utile.

Cette étude visait à évaluer l’information sur le vapotage disponible dans le cadre du Programme et, plus spécifiquement, à :

  • décrire l’épidémiologie (personne, temps et exposition) des blessures signalées causées par le vapotage;
  • examiner les tendances au fil du temps et comparer les rapports d’incident lié aux produits de vapotage à ceux qui concernent l’ensemble des autres produits.

Méthodologie

Source de données

Le Programme reçoit des rapports d’incident de l’industrie et des consommateurs (ce qui inclut des tiers tels que des fournisseurs de soins de santé) par le biais de son portail de signalement en ligneNote de bas de page 8. Pour la période étudiée, le Programme a reçu en moyenne annuellement 2 500 rapports d’incident pour l’ensemble des types de produits de consommation. Ces rapports d’incident fournissent des données de santé et de sécurité sur les produits. L’industrie (c.-à-d. les fabricants, les importateurs et les vendeurs) est tenue de signaler tout incident relatif à un produit de consommation conformément à l’article 14 de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation. Bien que les consommateurs ne soient pas tenus de fournir ces renseignements, le Programme reçoit régulièrement des rapports d’incident de leur part, depuis le Canada mais aussi depuis l’étranger. De plus, dans le cadre du Programme, on recense les articles publiés dans les médias portant sur les produits de consommation et on les intègre à la base de données, et ce, grâce à des alertes Google à propos principalement des articles publiés par les principaux organes de presse.

Le portail de signalement en ligne permet de recueillir des données sur les personnes touchées (date de réception, sexe, tranche d’âge, type de blessure subie et issue du traitement reçu), les explications (ce qui s’est produit et comment), le produit en cause (marque, numéro de modèle, numéro de série, code à barres, etc.) et l’information sur l’achat du produit (date de l’achat, nom et adresse de l’entreprise). Tous ces renseignements sont stockés dans une base de données appelée RADAR, un acronyme palindromique bilingue signifiant Regulatory Action Depot/Dépôt d’actions réglementaires. Pour notre analyse, nous avons extrait de RADAR les données liées à la personne (âge et sexe), à la période (année, jour de la semaine et heure du jour) et à l’exposition (p. ex. produits utilisés). Une fois les rapports d’incident reçus dans RADAR, les analystes de triage codifient les autres renseignements comme la catégorie de produit, le type de blessure, la gravité des blessures, les traitements administrés et les principaux dangers, renseignements que nous avons également extraits pour notre analyse.

Période visée par l’étude

Nous avons étudié tous les rapports d’incident recueillis dans RADAR entre le 1er janvier 2015 et le 30 septembre 2019. L’unité d’analyse pour cette étude était tout rapport d’incident lié au vapotage. Nous avons sélectionné dans RADAR les rapports d’incident lié au vapotage au moyen de deux méthodes. La première méthode repose sur le codage des rapports d’incident à l’aide des manuels de codage des blessures et des dangers élaborés dans le cadre du Programme. Il s’agit d’un manuel de codage semblable à celui du système de codage National Electronic Injury Surveillance System (NEISS) utilisé par la Consumer Product Safety Commission (CPSC) des États-UnisNote de bas de page 4. Tous les rapports d’incident codés avec la mention « dispositif de vapotage » ont été extraits. La seconde méthode, utilisée en complément, a consisté à rechercher des séquences de termes dans les descriptions relatant les incidents afin d’extraire les événements syndromiques (p. ex. « breath », « cough », « chest pain », « nausea », « vomit », « lung », « pulmonary », « poumon », « pulmonaires », « empoisonner », « à l’abri », « respiratoire », etc.) en anglais et en français. Les chaînes de recherche ont été utilisées de la même manière dans le champ de description de la marque et du nom de produit (p. ex. « atomiser », « cartomiser », « vap* », « dab », « cig* », etc.). Une liste de ces termes de recherche est fournie sur demande. Toutes les données extraites ont été examinées manuellement afin d’éviter toute erreur de codage.

Analyse statistique

Nous avons produit des statistiques descriptives afin d’analyser la distribution des diverses caractéristiques des rapports d’incident lié au vapotage que nous avons recueillis. Nous avons calculé les effectifs et les pourcentages pour toutes les variables pertinentes. Nous avons calculé les rapports proportionnels des blessures (RPB) et les intervalles de confiance (IC) à 95 % associés pour comparer les caractéristiques spécifiques aux cas de vapotage (n = 71). Le RPB a été calculé en divisant le nombre de cas observés pour une caractéristique donnée (par exemple, le type de blessure) par le nombre de cas prévus pour cette caractéristique sur l’ensemble des rapports d’incident saisis dans RADARNote de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11. Un RPB égal à l’unité (1,00) indique que le nombre prévu de blessures attribuées au vapotage est le même que celui des autres rapports d’incident saisis dans RADAR. Si le RPB est supérieur à l’unité et que la limite inférieure de l’intervalle de confiance exclut 1,00, le résultat est interprété comme étant significativement supérieur à celui prévu. L’analyse a porté sur les rapports d’incident présentés par des consommateurs et par l’industrie et ceux publiés dans les médias. Pour déterminer la robustesse des résultats de l’étude, des analyses de sensibilité ont été menées (excluant les rapports d’incident publiés dans les médias). Nous avons calculé la variation annuelle en pourcentage à l’aide du modèle de régression de JoinpointNote de bas de page 12. Nous avons établi le niveau de signification statistique (alpha) à 0,05 avant toute analyse. Les analyses ont été menées au moyen de Microsoft Excel, version SAS 9.4 (SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord, États-Unis), et la version logicielle Joinpoint Desktop 4.7 (National Cancer Institute, Bethesda, Maryland, États-Unis).

Résultats

Au total, 71 rapports d’incident lié au vapotage ont été reçus dans le cadre du Programme entre janvier 2015 et septembre 2019. La figure 1 illustre la distribution des rapports d’incident au fil des ans. En 2015, quatre rapports d’incident ont été présentés dans le cadre du Programme et, en 2019 (jusqu’en septembre seulement), ce sont 28 rapports d’incident qui ont été reçus, ce qui équivaut, en proportion, à une augmentation annuelle en pourcentage de 72,6 % (p < 0,05) pour la période étudiée.

Figure 1. Nombre de rapports relatifs au vapotage, exprimé en proportions et en variation annuelle en pourcentage, saisis dans RADAR entre le 1er janvier 2015 et le 30 septembre 2019

Figure 1 note *

Figure 1. Nombre de rapports relatifs au vapotage, exprimé en proportions et en variation annuelle en pourcentage, saisis dans RADAR entre le 1 janvier 2015 et le 30 septembre 2019

Description textuelle : Figure 1

Figure 1. Nombre de rapports relatifs au vapotage, exprimé en proportions et en variation annuelle en pourcentage, saisis dans RADAR entre le 1er janvier 2015 et le 30 septembre 2019

Figure 1. Nombre de rapports relatifs au vapotage, exprimé en proportions et en variation annuelle en pourcentage, saisis dans RADAR entre le 1er janvier 2015 et le 30 septembre 2019
Année Statut de vapotage (nombre de rapports) Proportion (pour 100 000 rapports)
Oui Non
2015 4 1866 214
2016 6 2001 300
2017 9 2693 334
2018 24 2583 929
2019 28 1895 1478

Le tableau 1 fournit un résumé des caractéristiques des individus et des caractéristiques des blessures décrites dans les rapports d’incident. L’âge moyen était de 34,1 ans (écart-type [ET] : 18,6). Parmi les personnes ayant indiqué leur âge (N = 26; 37%), la majorité étaient des adultes de 35 à 59 ans (38,5 %), les enfants de moins de 14 ans et les aînés de 60 ans et plus représentant respectivement 11,5 % et 7,7 % des cas. Parmi les personnes ayant indiqué leur sexe, la plupart étaient des hommes (69,8 %). Le danger le plus souvent signalé était d’ordre toxicologique (comme l’empoisonnement par ingestion; 53,5 %), suivi de l’explosion (23,9 %) et des autres dangers (comme les dangers mécaniques; 22,5 %). Dans l’ensemble, 45,1 % (n = 32) des rapports d’incident n’avaient causé aucune blessure. Parmi les blessures signalées (n = 39; 54,9 %), 41,0 % (n = 16/39) étaient des brûlures. Les autres types de blessures signalées étaient l’asphyxie ou l’empoisonnement (15,4 %), une irritation ou une réaction allergique (10,3 %) et des fractures causées par l’explosion de la pile (5,1 %). La plus forte proportion en matière de sévérité des blessures signalées correspondait à une sévérité moyenne (N = 14; 35,9 %), suivie d’une sévérité mineure (N = 10; 25,6 %), d’une sévérité grave (N = 8; 20,5 %) et d’une sévérité mortelle, mettant la vie en danger ou invalidante (N = 2; 5,1 %). Parmi les blessures nécessitant des soins, 13 (18,3 %) ont exigé une consultation en service d’urgence, 7 ont été traitées par un autre professionnel médical et 3 ont conduit à une hospitalisation.

Tableau 1. Caractéristiques individuelles et caractéristiques des blessures analysées à partir des rapports d’incident lié au vapotage reçus dans le cadre du Programme de sécurité des produits de consommation du Canada, janvier 2015 à septembre 2019

Tableau 1. Caractéristiques individuelles et caractéristiques des blessures analysées à partir des rapports d’incident lié au vapotage reçus dans le cadre du Programme de sécurité des produits de consommation du Canada, janvier 2015 à septembre 2019
Caractéristiques N (%)
Sexe
Homme 37 (52,1)
Femme 16 (22,5)
Inconnu 18 (25,4)
Groupe d’âge (ans)
0 à 14 3 (4,2)
15 à 19 5 (7,0)
20 à 34 6 (8,5)
35 à 59 10 (14,1)
60 et plus 2 (2,8)
Inconnu 45 (63,4)
Âge (ans)
Moyenne (ET) 34,1 (18,6)
Médiane (EI) 34 (18 à 46,5)
Danger principal
Toxicologique 38 (53,5)
Explosion 17 (23,9)
Autre 16 (22,5)
Type de blessure
Aucune blessure 32 (45,1)
Blessure spécifiée 39 (54,9)
Brûlure (41,0 %)
Asphyxie ou empoisonnementNote a de tableau 1 (15,4 %)
Irritation ou réaction allergique (10,3 %)
Fracture (5,1 %)
Autre/inconnue (28,2 %)
Gravité de la blessure
Aucune blessure 32 (45,1)
Mineure 10 (14,1)
Modérée 14 (19,7)
Grave 8 (11,3)
Fatale, mortelle ou invalidante 2 (2,8)
Inconnue 5 (7,0)
Traitement
Aucune blessure – aucun traitement 32 (45,1)
Blessure – aucun traitement 5 (7,0)
Autre professionnel médical 7 (9,9)
Consultation à l’urgence 13 (18,3)
Admission à l’hôpital 3 (4,2)
Inconnu 11 (15,5)

Le tableau 2 présente les résultats de la comparaison entre les rapports d’incident lié au vapotage et l’ensemble des autres rapports d’incident reçus dans le cadre du Programme. Les hommes sont surreprésentés, en proportion, par rapport à l’ensemble des autres rapports d’incident reçus par le Programme (RPB = 1,89; IC à 95 % : 1,51 à 2,36). Les rapports d’incident lié au vapotage chez les 15 à 19 ans étaient 12 fois plus nombreux que les autres rapports d’incident reçus dans le cadre du Programme (RPB = 11,53; IC à 95 % : 4,95 à 26,8). Les dangers les plus courants liés au vapotage étaient de nature toxicologique (RPB = 2,79; IC à 95 % : 2,24 à 3,47) et causés par des explosions (RPB = 6,39; IC à 95 % : 4,22 à 9,61). Un grand nombre d’incidents codés comme toxicologiques étaient attribuables à un empoisonnement à la suite de l’ingestion de substances de vapotage. Les incidents codés comme empoisonnements (incluant les difficultés à respirer) étaient surreprésentés dans les rapports liés au vapotage par rapport aux autres rapports d’incident présentés au Programme (RPB = 2,33; IC à 95 % : 1,08 à 501). De la même manière, les explosions ont causé des brûlures à ceux qui ont signalé ce danger. Les piles au lithium-ion étaient responsables de la proportion élevée de rapports d’incident liés au vapotage impliquant des brûlures (RPB = 3,50; IC à 95 % : 2,27 à 5,39) par rapport aux autres rapports d’incident que le Programme a reçus. Bon nombre de signalements d’incident impliquant des brûlures faisaient état de blessures graves (RPB = 2,21; IC à 95 % : 1,15 à 4,24) nécessitant une consultation en service d’urgence (RPB = 2,00; IC à 95 % : 1,22 à 3,27).

Tableau 2. Rapports proportionnels des blessures selon certaines caractéristiques individuelles et les caractéristiques de certaines blessures signalées dans le cadre du Programme de la sécurité des produits de consommation du Canada, janvier 2015 à septembre 2019

Tableau 2. Rapports proportionnels des blessures selon certaines caractéristiques individuelles et les caractéristiques de certaines blessures signalées dans le cadre du Programme de la sécurité des produits de consommation du Canada, janvier 2015 à septembre 2019
Caractéristiques liées au vapotage Nombre d’incidents Valeurs attendues RPB (IC À 95 %)
Sexe
Homme 37 19,60 1,89 (1,51 à 2,36)
Femme 16 20,35 0,79 (0,51 à 1,21)
Âge (ans)
0 à 14 3 9,08 0,33 (0,11 à 1,00)
15 à 19 5 0,43 11,53 (4,95 à 26,8)
20 à 34 6 2,91 2,06 (0,96 à 4,94)
35 à 59 10 6,89 1,45 (0,81 à 2,57)
60 et plus 2 3,63 0,55 (0,14 à 2,16)
Danger principal
Toxicologique 38 13,62 2,79 (2,24 à 3,47)
Explosion 17 2,66 6,39 (4,22 à 9,61)
Type de blessures
Aucune blessure 32 43,73 0,73 (0,51 à 0,95)
Brûlures 16 4,57 3,50 (2,27 à 5,39)
EmpoisonnementNote a de tableau 2 6 2,57 2,33 (1,08 à 5,01)
Irritation ou réaction allergique 4 7,53 0,53 (0,20 à 1,38)
Gravité de la blessure
Mineure 10 9,93 1,01 (0,57 à 1,79)
Modérée 14 9,31 1,50 (0,94 à 2,40)
Grave 8 3,63 2,21 (1,15 à 4,24)
Traitement
Aucun traitement 32 43,73 0,73 (0,56 à 0,95)
Service d’urgence 13 6,49 2,00 (1,22 à 3,27)
Hospitalisation 3 3,83 0,78 (0,25 à 2,37)

Analyse

La surveillance est un outil de santé publique important permettant d’identifier de nouveaux dangers auxquels les personnes et les populations sont susceptibles d’être exposées. La surveillance systématique et continue de ces dangers permet de détecter rapidement les menaces potentielles pour la santé et permet de colliger l’information utile à l’action. Dans ce contexte, le Programme a procédé à la surveillance des rapports d’incident concernant un large éventail de produits de consommation, dont les produits de vapotage, et les a colligés après réception par le portail de signalement en ligne. Dans cette étude, l’analyse des signalements reçus dans le cadre du Programme relativement au vapotage a révélé que la majorité des rapports d’incident lié à des produits de vapotage concernaient des hommes (n = 37; 69,8 % de ceux qui ont mentionné leur sexe) et que le nombre total de rapports d’incident lié à des produits de vapotage a augmenté de façon significative entre le 1er janvier 2015 et le 30 septembre 2019. Cette augmentation cadre avec l’augmentation de la prévalence du vapotage au CanadaNote de bas de page 3.

Cette situation n’est pas spécifique au Canada. Des blessures liées au vapotage ont été signalées aux États-Unis à partir des données tirées du National Electronic Injury Surveillance System (NEISS)Note de bas de page 4Note de bas de page 5. À l’instar des études mentionnées précédemment, la plupart des cas examinés dans notre étude impliquaient des hommes, et bon nombre de rapports d’incident décrivaient des brûlures attribuables au mauvais fonctionnement de la pile au lithium-ion du dispositif de vapotage, qui avait surchauffé au point de prendre feu ou d’exploserNote de bas de page 5. Atténuer ces problèmes est cependant possible, les nouveaux dispositifs ayant été conçus en conformité aux nouvelles normes de sécurité du matériel. Outre des brûlures, divers effets physiologiques ont été observés : des empoisonnements (incluant les difficultés à respirer), des irritations et réactions allergiques et enfin des fractures (causées par l’explosion de la pile).

Points forts et limites

Notre analyse repose sur les données de rapports d’incident effectués par les consommateurs et l’industrie dans le cadre du Programme. L’un des points forts de ces données est que l’industrie est tenue de signaler tout incident, même s’il est difficile de vérifier la conformité de l’industrie à la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation si l’industrie n’est pas au fait des problèmes causés par ses produits. Par ailleurs, les signalements d’incident reçus ne correspondent assurément pas à tous les signalements ayant eu lieu au Canada au cours de la période étudiée, surtout que le signalement par les consommateurs se fait sur une base volontaire. Bien que l’étude rende compte d’une analyse de toutes les données accessibles à l’heure actuelle, elle comporte plusieurs limites importantes. Le nombre de signalements d’incident lié aux produits de vapotage est faible et n’est pas représentatif de tous les incidents au Canada. De plus, Santé Canada ne vérifie pas les détails de chaque signalement d’incident reçu. Enfin, divers facteurs non quantifiés pourraient entraîner une surdéclaration ou une sous-déclaration de cas, et ces biais de déclaration sont variables d’un sous-groupe à un autre. Malgré ces limites, notre étude met en lumière des enjeux susceptibles d’offrir un aperçu des risques pour la santé associés à de nouvelles catégories de produit, dont les produits de vapotage font partie.

Conclusion

Le nombre de rapports d’incident lié au vapotage reçus chaque année par le Programme a augmenté de façon significative depuis 2015. Les données disponibles laissent penser que ces incidents sont plus susceptibles de survenir au sein de certains sous-groupes (les hommes, les jeunes). De plus, en proportion, les rapports d’incident lié au vapotage ont mentionné un plus grand nombre de consultations à l’urgence que les autres rapports d’incident enregistrés dans le cadre du Programme. Cette étude souligne ainsi l’importance des systèmes de surveillance dans le contrôle des dangers potentiels causés par les produits de consommation.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

MTD et JH ont collaboré à la conceptualisation de l’étude. MTD, L. Guttman et L. Ghandour ont collaboré à la revue de littérature. MTD, SRM, L. Guttman et L. Ghandour ont analysé les données. Tous les auteurs ont contribué à la rédaction et à la révision de l’article.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs et ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

Détails de la page

Date de modification :