ARCHIVÉ - NOTES INTERNATIONALES Épidémiologie de la rougeole- États-Unis, 2001-2003

 

 

La rougeole est une maladie virale aiguë extrêmement infectieuse qui peut provoquer une pneumonie grave, une diarrhée, une encéphalite et même la mort. Afin de caractériser l'épidémiologie de la rougeole aux États-Unis entre 2001 et 2003, les CDC ont analysé les données déclarées par les services de santé locaux et des États. Le présent rapport résume les résultats de cette analyse, qui a révélé qu'aucun virus endémique de la rougeole n'est en circulation aux États-Unis; on recense toujours, cependant, des cas importés de rougeole, pouvant entraîner une transmission indigène limitée. Pour freiner la propagation de la rougeole attribuable aux cas importés et empêcher que cette maladie ne devienne endémique, il est essentiel de maintenir l'immunité en conservant des taux élevés de couverture vaccinale.

Conformément aux lois et aux règlements des États, les dispensateurs de soins, les laboratoires et les autres travailleurs de la santé déclarent les cas confirmés de rougeole aux services de santé publique locaux et des États; cette information est communiquée aux CDC. Des données portant sur des variables telles que le statut vaccinal, l'âge, les complications, le milieu de transmission et la confirmation sérologique des cas sont également recueillies.

La confirmation des cas de rougeole est fondée soit sur les épreuves de laboratoire, soit sur la définition d'un cas clinique (maladie caractérisée par les symptômes suivants : éruption maculo-papuleuse généralisée durant >= 3 jours, fièvre >= 101 ºF [>= 38,3 ºC] et toux, coryza ou conjonctivite) et sur le lien épidémiologique avec un cas confirmé en laboratoire. Les cas recensés chez les personnes infectées à l'extérieur des États-Unis sont considérés comme des cas importés. Lorsque les sujets ont été infectés aux États-Unis, les cas sont dits indigènes. Les cas indigènes sont subdivisés en trois groupes : cas liés à une importation (c.-à-d. cas liés sur le plan épidémiologique avec un cas importé); cas dus à un virus importé (c.-à-d. cas qui ne peuvent être liés sur le plan épidémiologique avec un cas importé, mais pour lesquels un virus importé a été isolé chez le patient ou chez un patient lié sur le plan épidémiologique); et cas de source inconnue (c.-à-d. tous les autres cas d'infection contractée aux États-Unis pour lesquels aucun lien épidémiologique ni aucune preuve virologique n'évoque une importation).

En 2001, 2002 et 2003, le nombre total annuel de cas confirmés de rougeole déclarés par les services de santé locaux et des États s'est établi à 116, 44 et 56 (216 cas au total). En 2002, on a signalé une faible incidence sans précédent de la rougeole, soit un taux de 0,15 cas pour un million d'habitants, ce qui représentait une diminution de 59 % par rapport à l'incidence déclarée en 2000, qui était la plus basse jusque-là(1).

Entre 2001 et 2003, parmi les 216 cas de rougeole déclarés, 96 (44 %) étaient des cas importés, et 120, des cas indigènes. Cinquante-neuf cas indigènes (49 %) étaient liés à une importation, 18 (15 %) étaient dus à un virus importé, et 43 (36 %) étaient des cas de source inconnue. Les cas associés à une importation (c.-à-d. importés, liés à une importation et dus à un virus importé) représentaient 80 % des cas.

Au cours de la période 2001-2003, c'est en 2001 que l'on a relevé le plus fort pourcentage (47 %) de cas importés de rougeole. Des cas importés ont été signalés chez 55 visiteurs étrangers en voyage aux États-Unis et chez 41 résidents américains exposés à la rougeole pendant un voyage à l'étranger. Les cas importés venaient principalement de la Chine et du Japon.

Les 96 cas importés entre 2001 et 2003 ont été à l'origine de 42 chaînes de transmission indigène. En 2001, 2002 et 2003, le plus grand nombre de cas liés sur le plan épidémiologique avec un cas importé s'est établi, respec- tivement, à 10, 12 et neuf. La plus longue durée de la transmission faisant suite à des cas importés a été de 34 jours en 2001, 27 jours en 2002 et 62 jours en 2003. Parmi les cas de source inconnue, 29 (67 %) étaient des cas isolés, huit (19 %) appartenaient à des chaînes de transmission de deux cas, et six (19 %) faisaient partie de deux éclosions (c.-à-d. trois cas liés ou plus).

Entre 2001 et 2003, neuf génotypes ont été identifiés parmi les virus de la rougeole détectés aux États-Unis. Le virus de la rougeole a été isolé dans 27 chaînes de transmission, y compris chez 14 (16 %) des 87 cas isolés, dans quatre (31 %) des 13 chaînes de transmission de deux cas et dans neuf (56 %) des 16 éclosions. Les génotypes les plus souvent identifiés étaient D7 et H1, qui étaient présents, respectivement, dans six et cinq chaînes de transmission.

Entre 2001 et 2003, 21 États n'ont déclaré aucun cas confirmé de rougeole, et 23 ont déclaré entre un et neuf cas. Les États ayant signalé >= 10 cas (Alabama [12], Californie [50], Hawaï [27], New York [24], Pennsylvanie [18] et Washington [16]) étaient à l'origine de 69 % des cas. Quinze États ont déclaré des cas de source inconnue, et deux États (Californie [14] et Hawaï [six]) ont signalé plus de cinq cas de cette nature. Parmi les 3 140 comtés des États-Unis, 78 ont signalé un cas confirmé ou plus; 14 comtés ont déclaré quatre cas ou plus (intervalle : quatre à 27 cas). Vingt-six comtés ont déclaré des cas de source inconnue, mais aucun comté n'en a déclaré plus de six.

Parmi les 155 (72 %) cas recensés chez des résidents des États-Unis, 116 (75 %) l'ont été chez des personnes admissibles à la vaccination (c.-à-d. âgées de > 12 mois et nées après 1957); 27 (23 %) avaient reçu 1 dose de vaccin contenant le virus de la rougeole (VCR), neuf (8 %) avaient reçu 2 doses de VCR et 80 personnes (69 %) soit n'étaient pas vaccinés, soit avaient un statut vaccinal inconnu. Parmi les 61 cas (28 %) survenus chez des personnes autres que des résidents américains, 42 (69 %) ont touché des personnes admissibles à la vaccination; cinq (12 %) avaient reçu 1 dose de VCR, un (2 %), 2 doses de VCR, et 36 personnes (86 %) soit n'étaient pas vaccinés, soit avaient un statut vaccinal inconnu.

Deux décès liés à la rougeole ont été déclarés en 2003. Le premier a été attribué à une encéphalite due à la rougeole chez un enfant âgé de 13 ans qui a souffert d'une maladie granulomateuse chronique, a reçu une greffe de moelle osseuse en octobre 2002 et est décédé en janvier 2003. La rougeole a été confirmée par un test sérologique positif pour les IgM antirougeoleux et l'isolement du virus de la rougeole d'une pièce de biopsie cérébrale. Malgré une recherche intensive, on n'a trouvé aucun autre cas dans la région avoisinante. Le deuxième décès lié à la rougeole est survenu chez un voyageur international âgé de 75 ans, infecté en Israël, qui a souffert d'une pneumopathie inflammatoire et d'une encéphalopathie dues à la rougeole. La rougeole a été confirmée par la méthode de transcription inverse-amplification par la polymérase (RT-PCR) à partir d'un écouvillonnage rhinopharyngé et des urines.

Entre 2001 et 2003, on a dénombré 16 éclosions de rougeole : 10 en 2001 et trois en 2002 ainsi qu'en 2003. En 2001, le plus grand nombre de cas a été relevé dans une éclosion touchant plusieurs États et comprenant 13 cas importés et un contact parmi des enfants adoptés à l'étranger(2). En 2002, la plus importante éclosion a été associée à une garderie en Alabama(3); 10 nourrissons logés dans la même pièce de la garderie ont été exposés à un nourrisson atteint de la rougeole qui avait été infecté aux Philippines et fréquentait la garderie. En 2003, la plus importante éclosion est survenue à Hawaï; elle comptait 12 cas chez des personnes âgées de 3 mois à 21 ans. Cette éclosion a débuté en même temps qu'une éclosion de rougeole dans la République des Îles Marshall (RMI)(4) et elle comprenait trois cas importés de la RMI.

Note de la rédaction du MMWR

Les résultats recensés dans le présent rapport font état d'un petit nombre de cas sans précédent depuis 1912, année où la rougeole est devenue une maladie à déclaration obligatoire à l'échelle nationale aux États-Unis. La faible incidence déclarée (c.-à-d. moins de un cas pour un million d'habitants) depuis 1997 et le pourcentage élevé de cas associés à une importation confirment la conclusion selon laquelle la rougeole n'est pas endémique aux États-Unis(5). L'absence de transmission endémique est également démontrée par la transmission secondaire limitée attribuable aux cas importés. Entre 2001 et 2003, comme au cours des 4 années précédentes, certains cas de rougeole de source inconnue ont été déclarés, pour lesquels aucun lien avec une importation n'a été établi. Toutefois, ces cas ne correspondent pas à des profils de concentration des cas sur le plan temporel ou géographique qui pourraient évoquer une chaîne de transmission endémique. En outre, la diversité des génotypes du virus de la rougeole observés aux États-Unis depuis 1997(6) montre que les sources importées du virus sont nombreuses et qu'aucun génotype du virus rougeoleux n'est endémique aux États-Unis.

L'éclosion survenue en Alabama en 2002, dans laquelle 10 des 10 nourrissons exposés ont été infectés, met en évidence la grande transmissibilité de la rougeole lorsque le virus est introduit dans des populations sensibles; la sensibilité à la rougeole est élevée chez les nourrissons américains. Environ 95 % des femmes qui ont accouché après 2002 étaient nées après l'homologation du vaccin antirougeoleux en 1963. Les femmes nées aux États-Unis après 1963 transmettent à leurs nourrissons moins d'anticorps antirougeoleux que celles nées avant 1963. Par conséquent, les nourrissons âgés de < 12 mois aux États-Unis présentent une sensibilité accrue à la rougeole(7). Toutefois, en raison du taux élevé d'immunité à l'égard de la rougeole aux États-Unis, il est rare que des nourrissons soient exposés au virus rougeoleux. Les nourrissons qui se rendent à l'étranger devraient être vaccinés dès l'âge de 6 mois(8).

Bien que la rougeole ne soit plus endémique aux États-Unis, les cas importés continuent de provoquer une transmission occasionnelle limitée de la rougeole. Même une transmission limitée peut se solder par des décès attribuables à la rougeole. Le petit nombre de cas liés à une importation montre que l'immunité de la population à l'égard de la rougeole aux États-Unis est suffisamment élevée pour empêcher une transmission continue du virus rougeoleux(9). Les taux élevés d'immunité sont attribuables à l'importante couverture vaccinale (c.-à-d.> 90 %) à l'aide d'une dose de VCR chez les enfants d'âge préscolaire(10) et à l'aide des 2 doses requises de VCR chez les enfants qui fréquentent l'école. Le maintien de taux élevés d'immunité grâce à une couverture vaccinale étendue est essentielle pour limiter la propagation des cas importés et empêcher que la rougeole ne devienne endémique aux États-Unis. En outre, le fait d'encourager et d'aider les autres pays à intensifier leur lutte contre la rougeole peut réduire le risque d'importation.

Remerciements

Les données présentées dans le présent rapport ont été soumises par les services de santé locaux et des États.

Références

  1. CDC. Measles-United States, 2000. MMWR 2002;51:120-23.

  2. CDC. Measles outbreak among internationally adopted children arriving in the United States, February-March 2001. MMWR 2002;51:1115-16.

  3. CDC. Measles outbreak associated with an imported case in an infant-Alabama, 2002. MMWR 2004;53:30-3.

  4. CDC. Measles epidemic-Majuro Atoll, Republic of the Marshall Islands, July 13-September 13, 2003. MMWR 2003;52:888-89.

  5. Papania M, Seward J, Redd S et coll. The epidemiology of measles in the United States, 1997-2001. J Infect Dis 2004 (in press).

  6. Rota PA, Liffick SL, Rota JS et coll. Molecular epidemiology of measles viruses in the United States, 1997-2001. Emerg Infect Dis 2002;8:902-8.

  7. Papania M, Baughman A, Lee S et coll. Increased susceptibility to measles in infants in the United States. Pediatrics 1999;104:e59.

  8. CDC. Measles, mumps, and rubella-vaccine use and strategies for elimination of measles, rubella, and congenital rubella syndrome and control of mumps: recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP). MMWR 1998;47(No. RR-8).

  9. De Serres G, Gay NJ, Farrington CP. Epidemiology of transmissible diseases after elimination. Am J Epidemiol 2000;151:1039-48.

  10. CDC. National, state, and urban area vaccination levels among children aged 19-35 months-United States, 2002. MMWR 2003;52:728-32.

Source : Morbidity and Mortality Weekly Report, vol. 53, no 31, 2004.

Détails de la page

Date de modification :