Transmission du virus de l'hépatite C au sein de la population carcérale

Comportements sexuels

Les activités sexuelles à risque élevé constituent un comportement à risque associé à la transmission du VHC dans la population carcérale. Ces activités comprennent les antécédents de maladies transmises sexuellement (MTS); les relations sexuelles avec un ex-UDI ou un UDI actif; les relations sexuelles avec cinq partenaires ou plus au cours de la vie; et, pour les femmes, les relations sexuelles durant les menstruations(44). Les activités homosexuelles sont considérées comme un important comportement à risque dans certaines é tudes, mais ne le sont pas dans d’autres(17,44). De telles activités pourraient être sous-déclarées, étant donné qu’elles sont interdites en prison et revêtent un caractère honteux(17).

Parmi toutes les activités sexuelles à risque élevé, les antécédents de MTS sont le plus fortement associés à l’infection à VHC, le rapport de cotes étant de 29,3(44). Les relations sexuelles, qui ne sont pas considérées comme un mode de transmission efficace du VHC, entraînent un plus grand risque si l’un des partenaires ou plus est atteint d’une MTS ou a des activités sexuelles risquées. On présume que pour que le VHC se transmette, il faut que les deux partenaires aient des lésions cutanées sur les parties génitales ou autour de celles-ci, ce qui permet au virus de passer d’un partenaire à l’autre. Une telle situation s’observe en général plus souvent chez les personnes qui sont atteintes d’une infection génitale(44). Lorsque l’un des partenaires ou les deux s’injectent des drogues, les conjoints ou les partenaires sexuels habituels des personnes infectées par le VHC courent un plus grand risque d’infection(44). Les relations sexuelles durant les menstruations posent un risque beaucoup plus grand d’infection à VHC pour les femmes, car il est alors possible que l’endomètre devienne le point d’entrée du VHC(44).

Les comportements sexuels à risque élevé sont considérés comme des comportements indirects, étant donné qu’ils peuvent être la voie reconnue de transmission du VHC. Toutefois, l’infection est généralement causée indirectement par des contacts sexuels entre une personne qui s’est déjà injecté des drogues ou a déjà partagé du matériel d’injection avec d’autres personnes.

Analyse

Il n’existe aucun vaccin pour prévenir l’infection à VHC(10). Comparativement aux maladies évitables par la vaccination, l’infection à VHC se transmet donc plus facilement et a des effets plus importants dans la population carcérale. Les détenus, particulièrement aux États-Unis, ont généralement une moins bonne santé que la population générale en raison de facteurs socio-économiques précis tels que la pauvreté, la difficulté d’accès aux soins de santé et les taux élevés de comportements autodestructeurs (injection de drogues, abus d’alcool, activités sexuelles avec de multiples partenaires)(33) à l’extérieur de la prison(35). De plus, leurs expériences d’emprisonnement pourraient augmenter leurs risques. Lorsqu’elles sont mises en liberté dans la collectivité (souvent dans la même collectivité à risque élevé dans laquelle elles évoluaient avant leur incarcération)(33), les personnes de ce groupe peuvent poser un risque important pour la population générale si aucun suivi adéquat n’est assuré(27).

L’injection de drogues alliée au partage du matériel d’injection mal stérilisé, l’incarcération antérieure, le tatouage et les comportements sexuels à risque é levé sont à l’origine de la majorité des nouveaux cas d’infection dans les prisons. Ceux qui s’injectent des drogues et partagent du matériel à l’extérieur de la prison sont les plus à risque et conservent leurs habitudes lorsqu’ils sont incarcérés(24,29,31). Les facteurs de risque mentionnés ne peuvent pas être interprétés comme des comportements à risque d’infection à VHC directs et indépendants; ils sont probablement plutôt associés au partage du matériel d’injection de drogues ou constituent un marqueur d’autres comportements à risque élevé indéterminés(20,21).

Les tentatives d’empêcher la consommation de drogues dans les prisons n’ont pas réussi, et les détenus continuent de s’injecter des drogues et de transmettre des agents pathogènes transmissibles par le sang comme le virus de l’hépatite C. On a démontré que l’accès à du matériel d’injection stérile réduit ubstantiellement la transmission des agents pathogènes sanguins dans des régions où on a recours à des programmes d’échange de seringues (PES) et dans certaines prisons(22). Plusieurs établissements correctionnels européens ont mis en branle des programmes pilotes d’échange de seringues(7,45,46) qui prévoient l’échange d’une aiguille et d’une seringue stériles contre une aiguille et une seringue souillées(45). Dans un cas particulier, les résultats préliminaires indiquent que le recours à un PES dans une prison de Suisse (Hindlebank) a contribué de façon marquée à la réduction du nombre de nouveaux cas d’hépatite, à l’amélioration de l’état de santé des détenus et à la diminution de la fréquence d’échange des seringues, bien qu’on n’ait noté aucune réduction appréciable de la consommation de drogues(46). Les aiguilles n’ont pas été utilisées comme armes.

La question de l’échange de seringues est à la fois complexe et controversée. La fourniture de seringues stériles aux détenus est largement recommandée comme mesure sanitaire nécessaire pour réduire la propagation des maladies infectieuses dans les prisons canadiennes(45,46). Toutefois, comme le SCC se préoccupe de la santé des détenus et de la sécurité des établissements et encourage les comportements respectueux de la loi, il n’offre pas de services d’échange de seringues aux détenus(47). Selon le SCC, une telle politique compromettrait sa politique actuelle de tolérance zéro à l’égard de la consommation de drogues et du trafic de stupéfiants dans les prisons et serait perçue comme de l’indulgenceà l’égard de la consommation illégale de drogues. Malgré cela, le SCC fournità tous les détenus des établissements fédéraux des trousses pour la désinfectionà l’eau de Javel des aiguilles(47). Que le système carcéral reconnaisse ou non l’ampleur de la consommation de drogues par injection dans ses établissements, il est clair que la population carcérale ne possède pas les ressources ni l’information nécessaires sur les méthodes d’injection plus sûres pour prévenir la propagation de l’infection à VHC.

Globalement, les mesures préventives préconisées dans la collectivité ne sont pas applicables intégralement dans le système carcéral à cause du taux de roulement élevé de la population carcérale. L’efficacité des initiatives de prévention non planifiées s’en trouve donc limitée(48). Par ailleurs, de nombreux médecins des É tats-Unis qui travaillent en milieu carcéral tiennent compte systématiquement de la durée de l’incarcération lorsqu’ils décident de traiter ou non des détenus infectés par le VHC. Au Canada, les détenus chez qui on a diagnostiqué l’hépatite C sont traités selon les mêmes lignes directrices cliniques qui s’appliquent à la population générale. Dans certains cas, le traitement aux États-Unis se justifie seulement si on sait qu’un détenu n’aura pas accès à des soins à l’extérieur pendant une longue période(28), et les établissements correctionnels ont fixé des critères pour déterminer qui devrait subir un test de dépistage et être traité(28). Cette pratique complique davantage la mise en place d’activités de dépistage uniformes et systématiques pour tous les détenus dans cette population. Ces facteurs augmentent considérablement les obstacles à l’éducation concernant le VHC et au traitement de l’infection au sein de ces établissements.

Limites de la revue de la littérature

Dans les établissements correctionnels, la variabilité des estimations de la prévalence du VHC est en partie attribuable au recrutement dans les études scientifiques de détenus qui ne sont pas nécessairement représentatifs de tous les détenus. De nombreux détenus refusent de participer aux études ou de fournir des échantillons de sang parce qu’ils disent n’avoir eu aucun comportement à risqueé levé(26). Ces deux facteurs se traduisent par des problèmes de généralisabilité et de sous-déclaration des comportements à risque qui minent les statistiques de prévalence dans les établissements correctionnels du monde entier. En outre, les détenus qui participent aux études peuvent être réticents à fournir des données concernant les comportements à risque étant donné que la majorité de ces comportements constituent des infractions dans les établissements(17,32).

Dans la littérature examinée, on observe souvent des lacunes en ce qui concerne la collecte des données sur les caractéristiques comportementales des détenus ou la description des éléments du passé et du mode de vie qui contribuent au statut à l’égard du VHC. Par conséquent, il est difficile de déterminer si d’autres comportements à risque élevé à l’intérieur ou à l’extérieur du milieu carcéral dont les chercheurs n’auraient pas tenu compte dans leur plan d’étude auraient pu agir comme facteurs de confusion et influer sur les résultats des études.

De nombreuses études scientifiques corroborent les résultats passés concernant les comportements à risque qu’adoptent couramment les détenus. Les facteurs et les comportements à risque indépendants sont difficiles à distinguer étant donné que la majorité des études sont axées sur un groupe de comportements à risque connus. Les études ne contiennent pas assez de détails sur les motivations qui sous-tendent les comportements à risque, détails qui pourraient favoriser une planification et une mise en œuvre plus efficaces des mesures préventives.

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