Couverture vaccinale contre les pneumococcies invasives chez les enfants dans la capital health region de l'Alberta

Introduction

La pneumococcie invasive (PI) est causée par la bactérie Streptococcus pneumoniae(1). La PI est une cause importante de morbidité et de mortalité chez les enfants de < 5 ans(2). L'invasion par S. pneumoniae des poumons (pneumonie), de la circulation sanguine (bactériémie) et des liquides ou des tissus du cerveau ou de la moelle épinière (méningite) peut s'avérer mortelle. La PI représente un grave problème de santé publique chez les enfants atteints de cette infection.

Il existe plus de 90 sérotypes de S. pneumoniae. Sept sérotypes courants de pneumocoques (4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F et 23F), qui sont à l'origine d'environ 80 % des PI chez les jeunes enfants, ont été isolés dans le sang ou le liquide céphalorachidien d'enfants âgés de < 6 ans aux États-Unis(3,4). Le vaccin conjugué antipneumococcique heptavalent (VPC7) renferme ces sept sérotypes de pneumocoques. La vaccination par le VPC7 (Prevnar®, Wyeth-Ayerst, Canada)(5) est intégrée au programme d'immunisation systématique des enfants en Alberta depuis juillet 2002, conformément à la recommandation du Comité consultatif national de l'immunisation(6) (vaccination à 2, 4 et 6 mois et dose de rappel entre les âges de 12 et 15 mois).

L'objet du présent article consiste à estimer le degré de couverture vaccinale obtenue grâce au programme d'immunisation par le VPC7 parmi les enfants de la Capital Health Region de l'Alberta, y compris ceux qui habitent dans les trois réserves contiguës des Premières nations, et d'identifier séparément les enfants des familles (à faible revenu) qui reçoivent une aide financière au titre de la prime d'assurance-maladie et des enfants de familles des Premières nations vivant dans une réserve ou hors réserve.

Méthodes

Avant le début du projet, les chercheurs ont obtenu l'approbation du Comité d'éthique de la recherche en santé de l'Université de l'Alberta et du Comité d'éthique de la recherche de Santé Canada.

La population étudiée était composée de tous les enfants, les nouveau-nés et les nouveaux résidents de la Capital Health Authority (CHA) nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 2002. Les données relatives à l'immunisation de la population à l'étude provenaient de deux sources. Dans le cadre de son programme Case Works, la CHA recueille des données sur tous les enfants en âge d'être vaccinés et sur toutes les consultations pour une vaccination dans la région. La Région de l'Alberta de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (DGSPNI) de Santé Canada fournit de l'information sur les enfants des Premières nations vivant dans les trois réserves contiguës. La CHA et la DGSPNI ont recueilli des données sur l'immunisation pendant une période de 12 mois allant du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003 sur tous les enfants faisant partie de l'étude pour le VPC7 et le Pentacel® (Aventis Pasteur, Toronto, Ontario), le vaccin DCaT/Hib/Polio contre la diphtérie, la coqueluche (acellulaire), le tétanos, Haemophilus influenzae de type b et le vaccin inactivé contre la poliomyélite, qui a été utilisé à des fins de comparaison.

Deux séries de données initiales sur l'immunisation ont été fournies par la Alberta Health and Wellness (AHW). Le personnel de la Health Surveillance Branch (HSB) a combiné les deux séries de données et a procédé à l'épuration des dossiers. Les données manquantes telles que les données démographiques et le numéro d'assurance-maladie ont été ajoutées, et ce, grâce aux résultats des recherches effectuées dans la base de données du Central Stakeholder Registry de l'Alberta. On a couplé les dossiers d'immunisation comportant le numéro d'assurance-maladie aux données sur la population en mi-année du Stakeholder Registry de l'Alberta afin d'obtenir des renseignements d'ordre socio-économique. Le personnel de la HSB a ensuite brouillé les numéros d'assurance-maladie afin de créer un numéro d'identification anonyme pour chaque enfant avant de transmettre le nouveau fichier sur l'immunisation à l'Institute of Health Economics à des fins d'analyse.

Pour évaluer la couverture vaccinale obtenue grâce au programme, nous avons déterminé combien d'enfants avaient reçu la première dose de vaccin et combien avaient reçu toutes les doses prévues au calendrier (à l'exclusion de la dose de rappel) (n = 4 733). La vaccination par le DCaT/Hib/ Polio était jugée complète si l'enfant avait reçu trois injections au cours des 12 premiers mois de sa vie. Dans le cas du vaccin VPC7, le critère pour déterminer si la vaccination était complète était fondé sur l'âge au moment de l'injection de la première dose de vaccin. Un enfant à qui l'on avait administré la première dose de VPC7 avant l'âge de 7 mois devait avoir reçu trois injections avant l'âge de 12 mois, à un intervalle de < 4 semaines entre chaque injection. De plus, il était nécessaire que la première dose de vaccin n'ait pas été administrée avant l'âge de 6 semaines. Les enfants qui reçoivent la première dose du vaccin VPC7 après l'âge de 7 mois devraient recevoir en tout 2 doses du vaccin VPC7, et l'intervalle entre les doses ne devrait jamais être < 4 semaines.

Nous avons comparé les taux d'immunisation complète chez les enfants des Premières nations et ceux qui ne faisaient pas partie des Premières nations. Dans ce dernier groupe, nous avons comparé les enfants issus de familles à faible revenu (soit les familles qui recevaient une aide financière pour couvrir leurs primes d'assurance-maladie) et les autres enfants.

Résultats

Presque tous les enfants ont commencé le programme d'immunisation avec le VPC7, le taux le plus faible étant observé chez les enfants des Premières nations vivant dans les réserves (94 % contre 98 % pour les enfants ne faisant pas partie des Premières nations). Le couverture vaccinale globale pour les trois doses du vaccin s'établissait à 93,7 % pour le DCaT/Hib/Polio et à 91,9 % pour le VPC7 (à l'exclusion des doses de rappel). Chez les enfants des familles qui recevaient une aide financière pour les primes d'assurance-maladie (familles à faible revenu) la couverture vaccinale se chiffrait à 91,5 % pour le DCaT/Hib/Polio et à 90,5 % pour le VPC7 (n = 749). Dans les familles qui ne recevaient pas cette aide financière, le taux a atteignait 95,3 % pour le DCaT/Hib/Polio et 93,4 % pour le VPC7 (n = 3783, p < 0.01). Les taux de vaccination partielle avec la DCaT/Hib/ Polio et le VPC7 étaient comparables, mais les taux d'immunisation complète étaient significativement inférieurs parmi les membres les Premières nations qui vivaient dans une réserve et hors réserve.

Analyse

Nous avons procédé à une analyse au sein de la Capital Health Region (Edmonton) du taux d'immunisation contre la pneumocoque à un an durant les 6 premiers mois de participation à un programme provincial de vaccination universelle. Les taux de vaccination partielle et complète étaient plus faibles pour le VPC7 que pour le DCaT/Hib/Polio et, malgré des taux élevés de vaccination partielle, le taux de vaccination complète était plus bas chez les enfants des Premières nations et des familles à faible revenu que chez les enfants du reste de la population.

L'analyse comporte plusieurs limites. Parce que la période de suivi n'était pas assez longue, il était impossible de connaître le taux d'administration de la dose de rappel du VPC7 et la série primaire de VPC7 pour ceux qui ont été vaccinés pour la première fois à une date tardive. Les doses de rappel semblent avoir une grande influence sur le pouvoir immunogène des vaccins et, dans une situation idéale, ils devraient être pris en compte lors de l'évaluation d'un programme d'immunisation complet(7).

L'impossibilité d'obtenir des données de suivi au-delà de 12 mois pourrait donner lieu à une sous-estimation du taux de vaccination complète chez les enfants dont la vaccination a débuté tardivement; toutefois, elle pourrait aussi entraîner une surestimation du taux de vaccination complète chez ceux qui ont reçu la série vaccinale primaire, mais non leur dose de rappel.

En conclusion, le taux d'administration d'au moins une dose du vaccin VPC7 était élevé dans tous les groupes d'enfants. Le taux de vaccination complète par le VPC7 était aussi relativement élevé dans les populations n'appartenant pas aux Premières nations. Les taux de vaccination partielle et complète par les vaccins VPC7 et DCaT/Hib/Polio étaient analogues dans tous les groupes à l'étude, ce qui indique que les parents considèrent que le programme de vaccination par le VPC7 pourrait être bénéfique à leurs enfants.

Tableau 1. Taux de vaccination partielle et complète avec les vaccins VPC7 et DCaT/Hib/Polio dans différents sous-groupes d'enfants de la Capital Health Region, Alberta

 

n

VPC7

DCaT/Hib/Polio

Partielle %

Complète %

Partielle %

Complète %

Premières nations

201

98.0

68.7

98.5

72.1

Dans une réserve

50

94.0

44.0

94.0

58.0

Hors réserve

151

99.3

76.8

100.0

76.8

Non membres des Premières nations

4,532

98.1

92.9

99.7

94.6

Bénéficiaires d'une aide financière
(familles à faible revenu)

749

98.8

90.5

100.0

91.5

Non bénéficiaires d'une aide financière

3,783

98.0

93.4

99.7

95.3

Toutes les populations

4,733

98.1

91.9

99.7

93.7

Remerciements

Le présent article s'inspire d'un project financé par l'Institute of Health Economics d'Edmonton. Nous tenons à remercier le personnel des collectivités des Premières nations ainsi que les directeurs des services de santé de ces collectivités pour leur contribution et leur appui dans le cadre de ce projet.

Références

  1. O'Brien KL, Shaw J, Weatherholtz R et coll. Epidemiology of intensive Streptococcus pneumoniae among Navajo children in the era before use of conjugate pneumococcal vaccines, 1989-1996. Am J Epidemiol 2004;160(3):270-78.

  2. O'Brien KL, Santosham M. Potential impact of conjugate pneumococcal vaccines on pediatric pneumococcal disease. Am J Epidemiol 2004;159 (7):534-644.

  3. WHO. INT. Immunization, vaccines and biologicals. Pneumococcal vaccines. URL: http://www.who.int/vaccines/en/pneumococcus.shtml.

  4. Centers for Disease Control and Prevention. Preventing pneumococcal disease among infants and young children. Recommendations of the Advisory Committeee on Immunization Practices (ACIP). MMWR 2000;49(RR-9).

  5. Canadian Pediatric Society. Pneumococcal vaccine for children. Pediatr Child Health 2002;6(4):214-17.

  6. Comité consultatif national de l'immunisation. Guide canadien d'immunisation, 6e éd. Ottawa : Santé Canada, 2002.

  7. Rennels MB, Edwards KM, Keyserling HL et coll. Safety and immunogenicity of heptavalent pneumococcal vaccine conjugated to CRM197 in United States infants. Pediatrics 1998 101(4 Pt 1):604-11.

Source : Dr K Golmohammadi, associé de recherche, Institute of Health Economics; T-H Nguyen, BSc, analyste des données sur la santé, Alberta Health and Wellness; A Hanrahan, MN, directeur, Communicable Disease Control, CHA; P Jacobs, D Phil, professeur, sciences de la santé publique, Université de l'Alberta; Dr G Predy, médecin hygiéniste, CHA; D Rose, MBA, gestionnaire régional, Planning and Support, Community Health Services, CHA; J Loewen, directeur adjoint, Communicable Disease Control, CHA; R Richardson, infirmière gestionnaire, Lutte contre les maladies transmissibles, DGSPNI, Région de l'Alberta; W Yacoub, MB, ChB, FRCPC, médecin hygiéniste, DGSPNI, Région de l'Alberta; A Ohinmaa, PhD, professeur adjoint, sciences de la santé publique, Université de l'Alberta.


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