ARCHIVÉ - Notes internationales - Deux cas de syndrome pulmonaire à hantavirus - Virginie occidentale, juillet 2004

 

Le syndrome pulmonaire à hantavirus (SPH) est une maladie cardio-pulmonaire rare causée par des virus du genre Hantavirus dont les rongeurs sont le réservoir naturel(1,2). La transmission aux humains se produit par contact direct avec les rongeurs ou leurs excréta ou par inhalation de matériel infectieux aérosolisé (p. ex., poussière créée par le dérangement des nids des rongeurs). En juillet 2004, deux cas de SPH (dont un cas mortel) ont été signalés chez des personnes qu'on croit avoir été exposées à des endroits distants d'environ 19 kilomètres dans le comté de Randolph, en Virginie occidentale (population en 2000 : 28 254 habitants)(3). Le présent rapport décrit les deux cas et résume les enquêtes épidémiologiques et environnementales ayant fait suite à ces cas. Les cliniciens et la population doivent être informés du risque de SPH et des méthodes pour réduire ce risque.

Enquête sur les cas

Patient A. Au début de juillet, un étudiant diplômé en sciences de la faune âgé de 32 ans s'est présenté au service des urgences d'un hôpital de Blacksburg, en Virginie, en raison d'une fièvre, d'une toux et de douleurs thoraciques présentes depuis la veille au soir. Le clinicien des urgences a noté une exposition possible à des rongeurs lors de l'anamnèse. À l'examen, la température du patient atteignait 39,3 ºC et sa saturation en oxygène était de 96 % (normale). La formule sanguine (FS) a révélé une déviation à gauche sans stabs (granulocytes : 87 %) et une lymphopénie (lymphocytes : 400/mm3). L'examen radiographique indiquait une légère pneumonie du côté droit. Aux urgences, l'étudiant diplômé a commencé à vomir et a été admis pour une réhydratation par voie intraveineuse et l'administration parentérale d'antibiotiques. Il est progressivement devenu hypoxique, et on a dû lui administrer de l'oxygène supplémentaire, lui assurer une ventilation en pression positive à deux niveaux de pression et, finalement, l'intuber pour lui assurer une ventilation mécanique. Des radiographies répétées ont révélé un oedème pulmonaire bilatéral.

Le jour suivant, le patient était hypotendu, et on a dû lui administrer un vasopresseur par voie intraveineuse. On lui a aussi administré de la protéine C activée pour prévenir la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). Une deuxième FS a révélé la présence de stabs (granulocytes : 20 %) et une numération plaquettaire abaissée (115 000/mm3); à l'analyse d'urine, on a noté la présence d'une hématurie et d'une protéinurie légères. Malgré les soins de soutien énergiques dispensés au patient, l'état de ce dernier a continué de se détériorer, et il est décédé le troisième jour de son hospitalisation. Les diagnostics envisagés étaient la tularémie, la septicémie à pneumocoque et la SPH. Des échantillons de sérum ont été expédiés aux ARUP Laboratories (Salt Lake City, Utah), où on a détecté la présence d'anticorps anti-hantavirus de types IgG et IgM; ces résultats ont été confirmés par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Des analyses immunohistochimiques effectuées sur une biopsie de la rate ont permis de détecter la présence d'antigènes des hantavirus. Des analyses par transcription inverse-amplification par la polymérase (RT-PCR) en temps réel sur un échantillon de sérum ont donné un résultat positif pour l'ARN de hantavirus. Le séquençage de l'acide nucléique amplifié a permis d'identifier le virus comme étant le hantavirus Monongahela(4).

Selon les témoignages des collègues du patient, ce dernier avait passé le mois précédent à piéger de petits mammifères pour les étudier et à manipuler quotidiennement des souris (Peromyscus spp.). Deux étudiants et un diplômé récent qui avaient travaillé avec le patient ont indiqué que ni eux ni le patient ne portaient systématiquement des gants lorsqu'ils manipulaient les rongeurs ni ne se lavaient systématiquement les mains après avoir manipulé les rongeurs ou leurs excreta, même avant de manger. Les étudiants ont aussi mentionné qu'ils s'étaient fréquemment fait mordre les mains nues par des rongeurs.

Patient B. Au début de juillet, un résident du comté de Randolph âgé de 41 ans a passé une fin de semaine dans une cabane en bois rond avec sa famille. Deux jours plus tard, il était fatigué et présentait une céphalée sourde et une légère fièvre. Le lendemain, sa température atteignait 39,4 ºC. Le matin suivant, il a consulté son médecin de famille, qui a noté une hématurie et une absence de fièvre et l'a renvoyé chez lui après lui avoir prescrit une antibiothérapie empirique pour une infection urinaire possible.

Le patient a de nouveau consulté son médecin 2 jours plus tard, souffrant depuis environ 12 heures de violents maux de tête; il a été immédiatement orienté vers les urgences locales. À son arrivée, le patient était hypoxique, et sa saturation en oxygène à l'air ambiant était de 90 %; les radiographies thoraciques ont révélé une pneumonie droite et une insuffisance cardiaque congestive. Le patient, qui présentait une hypotension et une bradycardie, a été transporté en aéronef vers un hôpital central. Le nombre de globules blancs et les enzymes cardiaques étaient normaux. Le patient a été admis aux soins intensifs, où on lui a administré des vasopresseurs et des antibiotiques à large spectre par voie intraveineuse. Les diagnostics envisagés étaient d'abord la myocardite virale, la pneumonie atypique et une infection opportuniste, puis on y a ajouté le SPH et d'autres maladies infectieuses et auto-immunes.

Le patient a été intubé le lendemain, et on a amorcé une assistance respiratoire à l'aide d'un ventilateur à oscillation haute fréquence. L'état du patient a continué de se détériorer avec l'apparition d'une thrombocytopénie, d'une CIVD, d'une hypoalbuminémie et d'une insuffisance rénale nécessitant une hémodialyse. Après 5 jours d'hospitalisation, son état a commencé à s'améliorer. Des anticorps anti-hantavirus de types IgG et IgM ont été détectés dans des échantillons de sérum par les ARUP Laboratories; ces résultats ont été confirmés par les CDC. De plus, on a détecté de l'ARN de hantavirus par RT-PCR dans un échantillon de sérum du patient prélevé durant son hospitalisation. Le séquençage de l'acide nucléique amplifié a permis d'identifier le virus comme étant le hantavirus Monongahela. Le patient s'est lentement rétabli durant le mois suivant.

Selon les membres de la famille, lorsque le patient et sa famille sont arrivés à la cabane au début de juillet, ils ont aéré les lieux après y avoir noté une forte odeur d'urine de rongeur et découvert deux souris vivantes dans une poubelle dans la cuisine. Le patient a tué les souris et, plus tard, s'en est débarrassé et a nettoyé la poubelle sans porter de gants. Les membres de la famille ont dormi dans la cabane durant la fin de semaine et ont pris au piège six autres souris durant leur séjour.

Enquête environnementale

Le 3 août, des enquêteurs des CDC et du West Virginia Department of Health and Human Resources ont trouvé d'autres souris vivantes dans la poubelle de la cabane du patient B. Ils ont découvert dans les murs et l'avant-toit des ouvertures qui permettaient aux rongeurs d'entrer facilement à l'intérieur. L'équipe d'enquête a piégé des rongeurs du 3 au 6 août dans trois sites ruraux du comté de Randolph : 1) la ville-dortoir où le patient A vivait et ses environs, 2) un site de piégeage en forêt où le patient A avait travaillé la semaine avant de tomber malade et 3) la cabane familiale du patient B et ses environs. Quatorze souris à pattes blanches (P. leucopus) et une souris sylvestre (P. maniculatus) ont été capturées à l'aide de 239 trappes durant les 3 jours. On a prélevé et traité des tissus et des échantillons de sang pour des analyses sérologiques. On a effectué des analyses de RT-PCR sur les échantillons des rongeurs dont les résultats des analyses sérologiques étaient positifs. Des anticorps de hantavirus ont été détectés chez une souris à pattes blanches, et les analyses par RT-PCR ont aussi permis de détecter chez cette souris de l'ARN viral. Le séquençage de l'ARN amplifié a révélé que la souris était infectée par un hantavirus Monongahela identique au virus identifié chez les rongeurs piégés à l'endroit où l'on présumait que le patient B avait été infecté. La séquence d'acide nucléique amplifiée était semblable, mais non identique, à celle amplifiée pour le patient A.

Note de la rédaction du MMWR

Depuis le premier cas de SPH identifié dans le Sud-Ouest des États-Unis en 1993, un total de 379 cas de SPH confirmés en laboratoire ont été signalés aux États-Unis, dont 32 cas identifiés rétrospectivement qui se sont produits avant 1993. Des cas ont été déclarés dans 31 États, la majorité dans le Sud-Ouest. Trois cas de SPH avaient contracté l'infection en Virginie occidentale. Les infections subcliniques sont rares, selon les études de prévalence des anticorps menées après l'éclosion de 1993(5-7).

Chez le premier cas décrit dans le présent rapport, il s'agit probablement d'une exposition professionnelle. Le patient A manipulait régulièrement de nombreuses souris, a souvent été mordu et, selon les rapports, ne se lavait pas systématiquement les mains après avoir manipulé des rongeurs. Chez le deuxième cas, l'exposition était péridomestique et probablement associée au contact avec des souris vivantes et leurs excreta lors du retrait de ceux-ci de la cabane. Malgré la proximité temporelle et géographique des deux cas, aucune source d'exposition commune, mis à part le contact déjà décrit avec des rongeurs, ne semble exister.

Ces cas font ressortir la nécessité d'éduquer la population et les cliniciens au sujet du risque de SPH dans les régions à l'extérieur du Sud-Ouest. Par ailleurs, les personnes qui sont exposées aux rongeurs et à leurs excreta dans le cadre de leur travail devraient recevoir une formation relativement à la manipulation adéquate des animaux et au port d'équipement de protection individuelle. Des méthodes simples et efficaces sont applicables pour diminuer l'exposition aux hantavirus. Il est possible d'abaisser l'incidence du SPH en observant ces précautions.

Références

  1. Hantavirus pulmonary syndrome. Dans : Chin J, ed. Control of communicable diseases manual. 17th ed. Washington, DC: American Public Health Association 2000:234-6.

  2. CDC. Hantavirus pulmonary syndrome (HPS): 1996 case definition. Atlanta, GA: US Department of Health and Human Services, CDC; 2004. Available at <http://www.cdc.gov/epo/dphsi/casedef/hantaviruscurrent.htm>.

  3. United States Census Bureau. United States census 2000. Available at <http://www.census.gov>.

  4. Song JW, Baek LJ, Nagle JW et coll. Genetic and phylogenetic analyses of hantaviral sequences amplified from archival tissues of deer mice (Peromyscus maniculatus nubiterrae) captured in the eastern United States. Arch Virol 1996;141:959-67.

  5. Simonsen L, Dalton MJ, Breiman RF et coll. Evaluation of the magnitude of the 1993 hantavirus outbreak in the southwestern United States. J Infect Dis 1995;172:729-33.

  6. Vitek CR, Breiman RF, Ksiazek TG et coll. Evidence against person-to-person transmission of hantavirus to health care workers. Clin Infect Dis 1996;22:824-6.

  7. Zeitz PS, Graber JM, Voorhees RA et coll. Assessment of occupational risk for hantavirus infection in Arizona and New Mexico. J Occup Environ Med 1997;39:463-7.

Source : Morbidity and Mortality Weekly Report, vol 53, no 46, 2004


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