ARCHIVÉ - Notes internationales - Éclosion d'infection à Salmonella de sérotype Typhimurium associée à de la salade aux œufs du commerce - Oregon, 2003

 

Le 24 septembre 2003, des épidémiologistes de l'Orégon ont remarqué que le nombre d'isolats de Salmonella enterica de sérotype Typhimurium détectés en septembre avait augmenté dans les laboratoires de santé publique de l'État de l'Orégon. Sur 16 isolats, six avaient des profils électrophorétiques (PFGE) similaires. Les résultats des épreuves en laboratoire ont incité les Services de santé de l'Orégon et les CDC à effectuer une enquête qui a mis en évidence 18 cas d'infection à S. Typhimurium liés à des préparations de salade aux oeufs en sachets qui avaient été distribuées par un vendeur à une chaîne de supermarchés. La Food and Drug Administration (FDA) a effectué une enquête environnementale mais n'a pu déterminer le mécanisme de contamination. Il s'agissait de la première éclosion signalée d'infection à S. Typhimurium à être associée à des oeufs cuits durs transformés et distribués à grande échelle. Les épidémiologistes et les autres travailleurs de la santé publique devraient continuer d'enquêter sur les grappes apparentes de cas de salmonellose et devraient être conscients que même des produits d'oeufs du commerce peuvent être une source de salmonellose.

La définition de cas associé à l'éclosion était la suivante : affection diarrhéique chez un résident de l'État de l'Orégon ou de Washington en septembre et en octobre 2003 accompagnée d'une coproculture positive pour S. Typhimurium dont le profil électrophorétique s'appariait au profil de la souche responsable de l'éclosion. Les membres du personnel des services locaux de santé de l'Orégon ont interrogé systématiquement les patients atteints de salmonellose concernant les expositions à risque élevé, la date du début de la maladie et la gravité de la maladie. Les entrevues sont habituellement réalisées avant le sérotypage. Les 25 et 26 septembre, 11 des 12 patients identifiés en date du 25 septembre ont été réinterrogés et ont répondu à un questionnaire plus approfondi portant sur les endroits où ils avaient fait des achats et avaient mangé ainsi que sur la consom- mation d'environ 400 aliments. Une étude cas-témoins appariés a également été effectuée.

Les résultats du deuxième questionnaire et d'une visite effectuée par des enquêteurs dans un supermarché de la chaîne A où les patients avaient magasiné ont été utilisés pour élaborer un troisième et dernier questionnaire portant sur les aliments vendus dans le rayon de la charcuterie. Huit des 11 patients ont répondu à ce questionnaire, de même que huit témoins appariés aux patients pour le groupe d'âge et la circonscription. On a demandé aux patients s'ils avaient consommé des aliments fins durant les 5 jours précédant l'apparition de leurs symptômes; les témoins ont dû répondre à des questions sur leur exposition à des aliments fins durant les 10 mêmes jours de septembre. Les rapports de cotes et les valeurs p exactes de Fisher ont été calculés.

On a recherché Salmonella par dosage immunoenzymatique ELISA dans la salade aux oeufs trouvée au domicile de deux patients. Des jaunes et des blancs d'oeufs cuits et emballés ont été soumis par le producteur de la préparation de salade aux oeufs (vendeur A) à un laboratoire privé pour une culture. La FDA a regroupé les échantillons séparés de jaunes et de blancs d'oeufs cuits et la sauce à salade des emballages non ouverts recueillis à deux centres de distribution de la chaîne de supermarchés A et a effectué des cultures pour détecter Salmonella.

Dix-huit personnes présentant une infection à S. Typhimurium associée à l'éclosion ont été identifiées. Dix-sept résidents de l'Orégon et un résident de l'État de Washington qui ont été soignés dans un hôpital de l'Orégon. Les symptômes sont apparus entre le 6 et le 26 septembre. L'âge médian des patients était de 36 ans (intervalle de 4 à 58 ans). Ils résidaient dans neuf comtés différents; 11 étaient de sexe masculin. Dix patients ont fait état d'une diarrhée sanglante; deux ont été hospitalisés mais se sont rétablis et ont obtenu leur congé après 1 jour et 3 jours, respectivement.

Aucune exposition commune n'a pu être mise en évidence à partir des entrevues initiales, et aucun aliment particulier n'a pu être mis en cause d'après les réponses au deuxième questionnaire administré aux 11 patients identifiés en date du 25 septembre. Toutefois, 10 de ces 11 patients ont dit avoir fait des achats dans divers supermarchés de la chaîne A et sept des 10 ont déclaré avoir consommé des aliments du rayon de la charcuterie.

Sur les huit patients ayant participé à l'étude cas-témoins, le premier patient à être interrogé a signalé que dans la liste des aliments présentée dans le questionnaire ne figurait pas la salade aux oeufs, que le patient avait achetée au rayon de la charcuterie d'un supermarché de la chaîne A dans la liste des aliments présentée dans le questionnaire. La salade aux oeufs, qui n'était pas exposée pour la vente lorsque les enquêteurs ont visité la charcuterie, a été ajoutée au questionnaire pour toutes les entrevues. Sept des huit patients et trois témoins ont dit avoir fait des achats à la chaîne de supermarché A (rapport de cotes apparié [RCa] = 48; intervalle de confiance à 95 % [IC] = 0,9-48; p = 0,031). Les huit patients et deux témoins ont dit avoir mangé des produits de charcuterie de la chaîne de supermarchés A (RCa = 48; IC = 0,9-48; p = 0,63); sept des huit patients (mais aucun témoin) ont déclaré avoir mangé de la salade aux oeufs provenant de la charcuterie (RCa = 48; IC = 1,44-48; p = 0,008). Aucun autre aliment n'a été associé à la maladie.

La chaîne de supermarchés A a indiqué que la salade aux oeufs était vendue de façon intermittente. L'enquête effectuée par les Services de santé de l'Orégon et la FDA a révélé que les préparations de salade aux oeufs étaient produites dans une usine californienne exploitée par le vendeur A. À l'usine, les oeufs étaient bouillis et écalés, les jaunes et les blancs étaient hachés séparément et une sauce à salade était faite avec de la mayonnaise, du poivre et des agents de conservation (benzoate de sodium et sorbate de potassium). Les blancs, les jaunes d'oeufs hachés et la sauce à salade étaient scellés dans des sachets en plastique séparés et emballés ensemble. La salade aux oeufs était ensuite préparée dans chaque magasin en combinant le contenu de chaque sachet. La date de péremption figurant sur les préparations correspondait au 40e jour suivant la date de production à l'usine. La salade aux oeufs prête à être vendue avait une durée de conservation de 3 jours. Suivant les dates où les préparations suspectes ont été livrées par le vendeur A au centre de distribution de la chaîne de super- marchés A, les oeufs dans les préparations avaient été cuits 5 à 33 jours avant leur consommation. La chaîne de supermarchés A était le seul acheteur des préparations de salade aux oeufs produites par le vendeur A.

Le vendeur A a fourni ses préparations de salade aux oeufs aux centres de distribution de la chaîne de supermarchés A en Arizona, en Californie, au Colorado, en Orégon et à Washington. Toutefois, aucun cas dans d'autres États que l'Orégon et Washington n'a été détecté à la suite d'un examen de PulseNet, de communications avec les États voisins ou dans des articles sur Epi-X. Une recherche effectuée au printemps 2004 dans PulseNet a révélé que quatre isolats de S. Typhimurium de l'Arizona qui correspondaient au profil de la souche responsable de l'éclosion avaient été prélevés entre le 14 et le 24 septembre 2003, mais que leur profil n'avait pas été identifié avant le 21 novembre. En mai, le Département des services de santé de l'Arizona ne pouvait retracer trois de ces patients; le quatrième ne se rappelait pas avoir mangé de la salade aux oeufs.

Si les isolats de l'Arizona semblent indiquer une distribution à plus grande échelle du produit contaminé, il reste qu'au moment de l'enquête, tous les patients semblaient avoir mangé de la salade aux oeufs qui avait été fournie à la chaîne de supermarchés A par un seul centre de distribution en Orégon. Aucun échantillon non ouvert des lots distribués par ce centre n'a pu être soumis à des tests. Des analyses effectuées avec la méthode ELISA n'ont pas permis de détecter d'antigènes de Salmonella dans l'un ou l'autre des échantillons de restes de salade aux oeufs provenant du domicile des patients. Le sérotype Heidelberg de Salmonella a été cultivé sur des jaunes d'oeufs cuits obtenus d'un centre de distribution à Washington. Le sérotype Braenderup de Salmonella a été cultivé dans des échantillons soumis par le vendeur A à un laboratoire privé. Le vendeur A a cessé volontairement la production de préparations de salade aux oeufs.

Note de la rédaction du MMWR

Chaque année, aux États-Unis, Salmonella est responsable d'environ 1,3 million de cas de maladies d'origine alimentaire, de 15 000 hospitalisations et de 500 décès(1). S. Typhimurium, le sérotype le plus fréquent, a été détecté dans 22 % des isolats humains de Salmonella signalés aux CDC en 2002(2). Des oeufs contaminés ont été mis en cause comme véhicule dans de nombreuses éclosions de salmonellose(3). Le sérotype Enteritidis de Salmonella a été le plus souvent associé aux oeufs en coquille, mais S. Typhimurium a également été impliqué dans de nombreuses éclosions(4) et pourrait tout comme S. Enteritidis coloniser l'appareil reproducteur des poulets et les oeufs en train de se former dans l'oviducte(5). Des cas sporadiques au Minnesota ont également été associés à la consommation d'oeufs(6). Bien que les mesures de contrôle prises par l'industrie aient réduit la contamination générale des oeufs, S. Enteritidis continue d'être détecté dans un oeuf sur 20 000(7).

Dans la présente éclosion, S. Typhimurium n'a pas été détecté dans des jaunes ou des blancs d'oeufs cuits et emballés ni dans des échantillons de salade aux oeufs, et le mécanisme spécifique de contamination demeure obscur. Citons toutefois comme autres causes possibles une cuisson inadéquate des oeufs, un refroidissement inadéquat des oeufs cuits ou une manutention inadéquate par un employé qui a permis une recontamination des oeufs cuits. La découverte de deux autres sérotypes de Salmonella dans des emballages non ouverts dans des centres de distribution évoque des problèmes de contrôle de la qualité à l'usine du vendeur A.

Salmonella peut survivre dans les oeufs mal cuits(8). Des oeufs cuits ont été mis en cause dans une éclosion d'infection à S. Enteritidis associée à un restaurant en Californie(9). L'éclosion en Orégon signalée dans le présent rapport est la première où des produits d'oeufs cuits durs distribués à grande échelle dans le commerce ont été identifiés comme véhicule de la salmonellose.

Pour prévenir le risque de maladie d'origine alimentaire, il faut conserver les oeufs frais à <= 7 ºC. Les oeufs devraient être cuits jusqu'à ce que le jaune et le blanc soient durs. Les mets contenant des oeufs mélangés à d'autres aliments devraient être cuits jusqu'à une température interne de 71 ºC. En outre, les oeufs crus devraient être remplacés par des produits d'oeufs pasteurisés dans les mets servis sans autre cuisson et il faudrait prendre soin d'éviter une contamination croisée des oeufs crus durant la préparation(10).

La présente enquête a révélé que des préparations de salade aux oeufs fournies par le vendeur A, qui avaient été contaminées avant leur distribution, étaient la source commune de l'éclosion. La surveillance exercée par les autorités sanitaires a permis la détection rapide de l'éclosion, la réalisation d'une enquête ainsi que l'interruption volontaire de la production de la préparation de salade aux oeufs par le vendeur A, ce qui a probablement prévenu la survenue d'autres maladies. Les consommateurs et les producteurs d'aliments devraient garder à l'esprit que les oeufs doivent être correctement conservés et bien cuits.

Remerciements

J. Bancroft, MPH, E. DeBess, DMV, Dr C. Franzini, Oregon Health Svcs, G. Briggs, Arizona Department of Health Svcs, M.S. Van Duyne, MA, D. Sheehan, MS, J. Lockett, J. Painter, Division of Bacterial and Mycotic Diseases, National Center for Infectious Diseases, CDC, Atlanta, Géorgie.

Références

  1. Mead PS, Slutsker L, Dietz V et coll. Food-related illness and death in the United States. Emerg Infect Dis 1999;5:607-25.

  2. CDC. Salmonella surveillance: annual summary, 2002. Atlanta, GA: US Department of Health and Human Services, CDC, 2003.

  3. Tauxe RV, Pavia AT. Salmonellosis: nontyphoidal (Chapter 31). Dans : Evans AS, Brachman PS, éds. Bacterial infections of humans, epidemiology and control. 3rd éd. New York, NY: Plenum Medical Book Co. 1998:613-30.

  4. St. Louis ME, Morse DL, Potter ME et coll. The emergence of grade A eggs as a major source of Salmonella Enteritidis infections: new implications for the control of salmonellosis. JAMA 1988;259:2103-7.

  5. Keller LH, Schifferli DM, Benson CE et coll. Invasion of chicken reproductive tissues and forming eggs is not unique to Salmonella Enteritidis. Avian Dis 1997;41:535-9.

  6. Hedberg CW, David MJ, White KE et coll. Role of egg consumption in sporadic Salmonella Enteritidis and Salmonella Typhimurium infections in Minnesota. J Infect Dis 1993;167:107-11.

  7. US Department of Agriculture. Salmonella Enteritidis risk assessment: shell eggs and egg products. Washington, DC: US Department of Agriculture, Food Safety and Inspection Service; 1998. Available at http://www.fsis.usda.gov/ophs/risk.

  8. Humphrey TJ, Greenwood M, Gilbert RJ et coll. The survival of salmonellas in shell eggs cooked under simulated domestic conditions. Epidemiol Infect 1989;103:35-45.

  9. CDC. Outbreaks of Salmonella Enteritidis gastroenteritis - California, 1993. MMWR 1993;42:793-7.

  10. Food and Drug Administration. Food safety facts for consumers: playing it safe with eggs. Rockville, MD: US Department of Health and Human Services, Food and Drug Administration, Center for Food Safety and Applied Nutrition; 2001. Available at http://www.cfsan.fda.gov/~dms/ fs-eggs.html.

Source : Morbidity and Mortality Weekly Report, vol 53, no 48, 2004.


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