ARCHIVÉ - Couverture vaccinale avant l'âge de 2 ans à l'égard de cinq vaccins recommandés dans la région sanitaire d'Edmonton

 

Relevé des maladies transmissibles au Canada

le 15 mai 2006

Volume 32
Numéro 10

Introduction

Conformément aux recommandations de la Stratégie nationale d'immunisation1, l'Alberta met en oeuvre un programme universel d'immunisation des enfants à l'égard de diverses affections. Comme le montre le tableau 1, le calendrier de vaccination recommandé pour les enfants avant l'âge de 2 ans comprend cinq vaccins qui visent à assurer une protection contre 11 affections distinctes. L'établissement du calendrier dépend de l'âge de l'enfant au moment de l'administration du premier vaccin et, dans le cas de la varicelle, de l'existence d'antécédents de la maladie chez l'enfant.

Afin d'évaluer la qualité du programme, les gestionnaires d'un système de santé publique doivent déterminer si les vaccins sont administrés en temps opportun. Ce genre d'information peut les aider à établir s'ils doivent prendre des mesures afin d'accroître la couverture vaccinale. Comme le calendrier de vaccination systématique des enfants a gagné en complexité depuis l'introduction de deux nouveaux vaccins (vaccin antiméningoccique conjugué en 2001 et vaccin antipneumococcique conjugué en 2002), il y a lieu de surveiller de près les taux de couverture vaccinale.

L'enquête téléphonique nationale sur la vaccination, réalisée en 2002, a offert une estimation du taux actuel de couverture vaccinale contre la rougeole, la rubéole et les oreillons (RRO); la diphtérie, la coqueluche et le tétanos, la poliomyélite et Haemophilus influenzae de type B (Hib)2. Elle a révélé des taux de couverture à 2 ans d'un peu de < 95 % dans le cas de la rougeole, de la rubéole et des oreillons, et des taux inférieurs dans le cas des autres affections. Selon le compte rendu de l'enquête, il faut que les registres d'immunis ation valident les résultats de l'enquête et fournissent aux décideurs, à l'échelle régionale, les données dont ils ont besoin aux fins de la planification. Deux études réalisées à l'échelle provinciale ou régionale offrent des mesures de la couverture vaccinale. L'une, effectuée par Roberts, à l'aide de dossiers électroniques contenus dans le système manitobain de surveillance de l'immunisation (Manitoba Immunization Monitoring System), estimait à 79 % les taux provinciaux de couverture vaccinale chez les enfants à l'âge de 1 an, dans le cas des trois vaccins DCT (contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos) et des deux vaccins contre la poliomyélite3. L'autre étude, une enquête téléphonique menée par Hudson et ses collaborateurs4 à Montréal auprès de parents d'un échantillon de 100 enfants âgés de 2 ans, visait à déterminer la couverture à l'égard de trois vaccins - quatre doses de vaccin DCT-Hib, trois doses de vaccin contre la poliomyélite et une dose de vaccin RRO. Le taux de couverture vaccinale complète était estimé à 83,1 %.

Dans la région sanitaire d'Edmonton, comme dans l'ensemble de l'Alberta, les vaccins systématiquement offerts à tous les enfants sont administrés par l'entremise de la division de la santé publique. Les données administratives relatives à l'immunisation sont enregistrées et conservées dans une base de données centralisée, appelée Caseworks. Un dossier de vaccination est créé à la naissance de chaque enfant né dans la région; il est mis à jour à chaque contact avec le système de santé publique, notamment au moment de la vaccination. Les dossiers d'enfants ayant quitté la région sont inactivés et ne sont donc pas inclus dans le calcul des taux de couverture. Les dossiers d'enfants qui s'installent dans la région sont créés au moment de leur premier contact avec le système de santé publique et comprennent des données historiques, comme les antécédents de vaccination. La présente étude vise à déterminer, à la lumière de ces données administratives, le taux de couverture vaccinale, selon le calendrier d'immunisation des enfants de l'Alberta, de tous les enfants de la région sanitaire d'Edmonton, avant leur deuxième anniversaire.

Méthodes

La population étudiée comprenait tous les enfants de la région sanitaire d'Edmonton (frontières de 2002), enregistrés dans la base Caseworks et nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 2002 (n = 4 988). Des données sur les vaccins reçus par la population étudiée au 31 décembre 2004 ont été extraites en vue d'être épurées et analysées. Les données démographiques manquantes ont été obtenues de la base de données Alberta Wellnet Electronic Health Record.

Les taux de couverture vaccinale ont été évalués à l'égard de chacun des vaccins systématiquement administrés aux enfants (DCaT-VPTI-Hib, vaccin antiméningococcique conjugué, vaccin antipneumococcique conjugué, vaccin RRO et vaccin antivaricelleux). Les composants DCaT-VPTI et Hib du vaccin PentacelMC ont été évalués séparément, puisque c'est ainsi qu'ils sont enregistrés dans la base de données. Pour évaluer les taux de couverture, on a déterminé le pourcentage d'enfants complètement vaccinés, partiellement vaccinés et non vaccinés à l'égard de chaque vaccin, selon les recommandations de l'Alberta Health and Wellness (AHW) concernant les âges minimums et les intervalles à prévoir entre les doses (voir le tableau 1). Les calendriers modifiés ont été pris en considération. Un enfant était considéré comme complètement vacciné s'il avait reçu le nombre exact de doses, l'intervalle prévu entre les doses étant respecté, selon le calendrier de l'AHW. Si un enfant avait commencé à recevoir une série de vaccins, mais n'avait pas reçu le nombre de doses recommandées ou si l'intervalle prévu entre les doses n'avait pas été respecté, il était considéré comme partiellement vacciné. Enfin, un enfant était considéré comme non vacciné s'il n'avait reçu aucune dose du vaccin en question. L'état vaccinal de chaque enfant a été déterminé le jour de son deuxième anniversaire. Dans le cas de la vaccination contre la varicelle uniquement, la catégorie immunité conférée par la maladie est affectée aux enfants n'ayant pas reçu le vaccin, mais qui sont considérés comme immuns parce qu'ils ont des antécédents de la maladie. Ces enfants ne sont pas admissibles au vaccin selon les lignes directrices de l'AHW. Les auteurs de la présente étude ont obtenu l'approbation du comité d'examen éthique de la faculté de médecine de l'Université de l'Alberta.

Tableau 1. Calendrier des vaccins administrés aux enfants en Alberta

Vaccin

Série primaire

Modifications par rapport au calendrier

DCaT-VPTI-Hib *

2 mois
4 mois
6 mois
18 mois

  • Peut être administré dès l'âge de 6 mois.
  • L'intervalle peut être ramené à 4 semaines.
  • La quatrième dose peut être administrée dès l'âge de 15 mois, à condition que l'on prévoie un intervalle de ≥ 6 mois entre la 3e et la 4e doses.
  • Si les vaccins DCaT-VPTI et Hib sont administrés séparément, la quatrième dose de DCaT-VPTI peut être administrée dès l'âge de 12 mois, à condition que l'on prévoie un intervalle de ≥ 6 mois entre la 3e et la 4e doses.

Dans le cas du vaccin anti-Hib

  • Si la vaccination débute à l'âge de 7 à 11 mois, administrer deux doses espacées de 8 semaines. Une troisième dose doit être administrée à 18 mois (mais peut l'être dès l'âge de 15 mois.)
  • Si la vaccination débute à l'âge de 12 à 14 mois, administrer une dose, et une seconde à 18 mois (il est possible d'administrer cette dose dès l'âge de 15 mois).
  • Si la vaccination débute à ≥ 15 mois, administrer une dose.

Vaccin
antipneumococcique
conjugué

2 mois
4 mois
6 mois
18 mois

  • Peut être administré dès l'âge de 6 mois.
  • L'intervalle peut être ramené à 4 semaines (sauf lorsque le premier vaccin de la série est administré à l'âge de 12 à 23 mois).
  • Si la vaccination débute à l'âge de 7 à 11 mois, il faut prévoir un intervalle de 8 semaines entre les deux premières doses et administrer une troisième dose à 18 mois.
  • Si la vaccination débute à l'âge de 12 à 23 mois, administrer deux doses, espacées de 8 semaines.
  • Si la vaccination débute à ≥ 12 mois, administrer une dose.
  • Il est possible d'administrer la troisième et la quatrième doses n'importe quand après l'âge de 12 mois, à condition de prévoir un intervalle d'au moins 8 semaines entre la 3e et la 4e doses et entre la 2e et la 3e doses.

Vaccin
antiméningococcique
conjugué

2 mois
4 mois
6 mois
18 mois

  • Si la vaccination débute à l'âge de 4 à < 12 mois, administrer deux doses espacées de 8 semaines.
  • Si la vaccination débute à ≥ 12 mois, administrer une dose.
  • L'intervalle peut être ramené à 4 semaines.

RRO†

12 mois

  • Si la dose est administrée avant l'âge de 1 an, considérer qu'il est invalide et en administrer une autre après 12 mois.

Vaccin
antivaricelleux‡

12 mois

 

* Diphtérie, tétanos, coqueluche acellulaire, poliomyélite, Haemophilus influenzae de type b.
Rougeole, rubéole et oreillons.
Si le sujet n'a aucun antécédent de la maladie ou n'a pas été déjà vacciné.


Résultats

Le tableau 2 présente les taux de couverture qui s'appliquent à chaque type de vaccination. Les taux de vaccination partielle à l'égard des vaccins RRO et antivaricelleux ne s'appliquent pas ici puisqu'une seule dose est requise avant l'âge de 2 ans. Selon nos résultats, les taux de couverture varient considérablement, d'un vaccin à l'autre. Le pourcentage de sujets non vaccinés était le plus élevé dans le cas du vaccin antivaricelleux (10,9 %) et le plus faible dans le cas du vaccin DCaT-VPTI ( 2,7 %). Même si certains vaccins (DCaT-VPTI-Hib, vaccin antipneumococcique conjugué, vaccin antiméningococcique conjugué) pouvaient être administrés au cours de la même visite, les taux de couverture différaient.

Tableau 2. Taux de couverture vaccinale dans la région sanitaire d'Edmonton (à l'âge de 2 ans, n = 4 988)

  DCaT-VPTI (ou l'équivalent) n (%)
Hib
n (%)

 

Vaccin
antiméningo-
coccique conjugué (%)
Vaccin
antipneumo-
coccique
conjugué
n (%)
RRO
n (%)
Varicelle
n (%)

Vaccination complète

4,265
(85.5%)

4,278
(85.8%)

4,701
(94.2%)

4,181
(83.8%)

4,641
(93.0%)

4,328
(86.8%)

Vaccination partielle

590
(11.8%)

570
(11.4%)

107
(2.1%)

560 (11.2%)

N/A - S/O

N/A - S/O

Non-vaccination

 

133
(2.7%)

140
(2.8%)

180
(3.6%)

247
(5.0%)

347
(7.0%)

546
(10.9%)

Immunité conférée
par la maladie

N/A - S/O

N/A - S/O

N/A - S/O

N/A - S/O

N/A - S/O

114 (2.3%)


Outre les taux de couverture à l'âge de 2 ans, on a calculé l'état vaccinal à la fin de la période de suivi (au 31 décembre 2004). On a constaté qu'un nombre considérable d'enfants avaient reçu leur série complète de vaccins après l'âge de 2 ans. La remarque valait surtout dans le cas des vaccins qui nécessitent une quatrième dose à 18 mois. Le pourcentage d'enfants ayant reçu la série complète de vaccins DCaT-VPTI et de vaccins antipneuococciques conjugués a augmenté dans chaque cas de 3 % (passant à 88,5 % et 86,8 % respectivement) lorsqu'il a été mesuré à la fin de la période de suivi. Comme les périodes de suivi étaient inégales, nous n'avons pas comparé les taux de couverture à la fin de la période de suivi. Il importe toutefois de signaler que certains de ces enfants qui étaient partiellement vaccinés à l'âge de 2 ans ont fini tôt ou tard par recevoir leur série vaccinale complète.

Analyse

Nous avons calculé les pourcentages d'enfants ayant reçu, à l'âge de 2 ans, leur série vaccinale complète à l'égard de cinq vaccins systématiquement administrés aux enfants dans la région sanitaire d'Edmonton. D'après nos résultats, les taux de couverture vaccinale varient considérablement d'un vaccin recommandé à l'autre. Les pourcentages de sujets ayant reçu leur série vaccinale complète étaient plus élevés dans le cas du DCaT-VPTI-Hib que dans le cas du vaccin RRO, mais 11,3 % des enfants étaient partiellement vaccinés contre le DCaT-VPTI-Hib à 2 ans, et pourraient recevoir leur série complète plus tard.

D'après l'enquête téléphonique nationale2, le taux de couverture vaccinale était bien plus élevé dans le cas du vaccin RRO que dans le cas du DCaTVPTI . Le taux de couverture vaccinale mis en évidence par l'enquête nationale à l'égard du vaccin RRO est comparable à celui qui est signalé dans la présente étude, mais il est bien plus élevé dans le cas du DCaT-VPTI, dans notre enquête. Il reste que l'enquête nationale n'a pas établi de distinction entre la couverture partielle et la non-couverture, de sorte qu'il est difficile de comparer ses résultats sur ce plan à ceux de la présente étude. Comme les séries de vaccins prévues au calendrier ont changé au fil du temps, il est possible que les taux de couverture varient d'une province ou d'un territoire à l'autre. Ces résultats font ressortir la nécessité de mettre sur pied des registres aux fins de la planification régionale.

La couverture vaccinale pour le DCaT-VPTI-Hib n'est pas représentative de la couverture vaccinale à l'égard de tous les vaccins offerts par le gouvernement albertain. Bien que l'on utilise les taux de couverture à l'égard du vaccin DTC comme norme nationale et internationale5, ces chiffres ne rendent pas compte de l'ensemble de la situation vaccinale des enfants. De plus, l'évaluation faite à l'âge de 2 ans n'est pas entièrement révélatrice du degré d'immunisation. De nombreux enfants qui ne sont que partiellement immunisés à l'âge de 2 ans finissent par recevoir leur série complète de vaccins, même s'ils pourraient être plus longtemps réceptifs aux maladies pouvant être prévenues par un vaccin. C'est pourquoi il serait important de mettre à jour cette analyse à mesure que la cohorte vieillira.

Cette étude comporte deux limites. Premièrement, bien que la base de données Caseworks rende compte de la vaste majorité des enfants vivant dans la région sanitaire d'Edmonton, il est possible que certains enfants membres de cette cohorte de naissance (6 mois) n'aient pas été inclus dans l'échantillon. Plus particulièrement, les enfants ayant déménagé dans la région et dont la famille n'avait pas pris contact avec le système de santé publique n'en feraient pas partie. Deuxièmement, on ne peut exclure la possibilité d'un effet de cohorte, même s'il n'y a aucune raison de soupçonner que les membres de la cohorte étudiée diffèrent sensiblement des autres enfants de la région.

Nous n'avons pu, à la lumière de nos données, déterminer pourquoi la couverture vaccinale variait d'un vaccin à l'autre. Quoi qu'il en soit, il semblerait impossible de formuler des hypothèses au sujet du taux de vaccination applicable à tous les types de vaccins, à partir des taux de vaccination retenus comme indicateurs. En effet, les calendriers de vaccination deviennent de plus en plus complexes, et on ne cesse d'intégrer de nouveaux vaccins aux calendriers de vaccination systématique. D'après nos données, il y a lieu de surveiller de près certains écarts entre les taux de vaccination et de déterminer les raisons qui expliquent une sous-vaccination si l'on veut mettre en place les interventions qui s'imposent.

Remerciements

Ce projet a été financé par le comité de coordination de la recherche de l'Institute of Health Economics.

Références

  1. Advisory Committee on Population Health and Health Security. National Immunization Strategy: Final report 2003. Ottawa: Minister of Health, 2004.

  2. McWha l, MacArthur A, Badiani T et coll. Coup d'oeil sur la situation : résultats de l'enquête nationale sur la vaccination, 2002. RMTC 2004;30(5):37-50.

  3. Roberts JD, Poffenroth LA, Roos LL et coll. Monitoring childhood immunizations: A Canadian approach. Am J Public Health 1994;84:1666-8.

  4. Hudson P, Allard R, Joseph L et coll. Couverture vaccinale des enfants de 2 ans à Montréal - 2003. RMTC 2005;31(5):166-7.

  5. World Health Organization. Make every mother and child count:World Health Report 2005. Annex Table 7. Geneva:World Health Organization, 2005.

Source : A Brown-Ogrodnick, MSc, A Hanrahan, MN, J Loewen, BSN, Communicable Disease Control, Capital Health, Edmonton; T Nguyen, BS, Health Surveillance, Alberta Health and Wellness; P Jacobs, PhD, A Ohinmaa, PhD, W Vaudry, MD, Faculty of Medicine, University of Alberta; R Richardson, IA, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada.


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