ARCHIVÉ - Éclosion d'infection à Salmonella typhimurium du lysotype U302 en Ontario, printemps 2005
le 1er avril 2006 Volume 32 Numéro 07
Introduction
En avril 2005, le Laboratoire central de santé publique (LCSP) de l'Ontario a détecté 55 cas d'infection à Salmonella typhimurium, soit une augmentation par rapport aux 36 rapports de cas (intervalle de 32 à 41 cas) soumis en moyenne en avril entre les années 2002 et 2004 (données inédites, LCSP). De son côté, le Laboratoire national de microbiologie (LNM) a décelé, en Ontario, un nombre accru d'isolats du lysotype U302 parmi les cas d'infection à S. typhimurium. Ce lysotype particulier est relativement rare au Canada, mais sa présence sporadique a été signalée en Ontario1.
Le 17 mai 2005, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario, épaulé par le Programme canadien d'épidémiologie de terrain et la Division des infections d'origine alimentaire, hydrique et zoonotique de l'Agence de la santé publique du Canada, a donc ouvert une enquête épidémiologique sur l'augmentation des rapports de cas impliquant ce lysotype peu commun de S. typhimurium.
Méthodologie
Des définitions de cas ont été élaborées pour faciliter le dépistage des cas.
- Cas primaire confirmé : sujet dont le diagnostic d'infection par S. typhimurium du lysotype U302 a été confirmé en laboratoire et signalé en Ontario entre le 1er mars et le 31 mai 2005.
- Cas secondaire confirmé : sujet dont le diagnostic d'infection par S. typhimurium du lysotype U302 a été confirmé en laboratoire et dont les symptômes ont débuté plus de 72 heures (soit la période d'incubation la plus longue pour Salmonella) après la survenue de symptômes chez un cas confirmé vivant sous le même toit.
Des données démographiques et cliniques sur les cas confirmés ont été fournies par les bureaux de santé des régions où résidaient ces cas.
Des entrevues ont été menées auprès de neuf cas confirmés afin de permettre la formulation d'hypothèses concernant la source de l'infection et les voies de transmission. Le critère de sélection pour l'entrevue était la distribution par zone géographique et par âge. Les cas dont les symptômes s'étaient manifestés en avril 2005 ont été retenus pour que le souvenir des aliments consommés soit le plus précis possible. Des questions ont entre autres été posées sur les facteurs démographiques, les symptômes et la durée de la maladie, l'hospitalisation, les contacts avec des personnes souffrant d'une maladie diarrhéique, les voyages récents, les aliments détaillés qui ont été consommés, notamment les commerces fréquentés et les marques achetées dans les 5 jours précédant la survenue des symptômes. Tout nouveau produit alimentaire mentionné par les cas était ajouté au questionnaire pour les entrevues suivantes. Dans la mesure du possible, des inspecteurs en santé publique de la région étaient présents lors des entrevues à domicile pour aider à l'inspection des réfrigérateurs et des armoires de cuisine, en vue de trouver des sources potentielles d'exposition alimentaire.
Une étude cas/témoins appariés a ensuite été réalisée pour vérifier les hypothèses formulées. Les cas primaires confirmés qui n'avaient pas été interrogés à l'étape de la formulation des hypothèses ont pu être admis dans l'étude cas/témoins. Les témoins ont été appariés en fonction de l'âge et du code postal du lieu de résidence. Un témoin par cas était choisi parmi une liste aléatoire de numéros de téléphone établie à partir de l'ensemble des numéros de téléphone de la même région de tri d'acheminement (trois premiers caractères du code postal) que le cas.
Avant d'être écarté, chaque numéro de téléphone était composé jusqu'à quatre fois, à différents moments de la journée et de la semaine. La sélection des groupes d'âge des témoins appariés (1 à 4 ans, 5 à 14 ans, 15 à 19 ans et ≥ 20 ans) était fondée sur la distribution selon l'âge des cas et la probabilité des préférences alimentaires. Les témoins ayant souffert d'une maladie diarrhéique dans les 72 heures précédant la survenue des symptômes chez le cas qui leur était apparié étaient exclus. Les adultes ayant la garde d'enfants ont été interrogés afin de recueillir les données pour les cas et les témoins de moins de 16 ans. Les questionnaires de contrôle excluaient les données sur la maladie, tandis que le relevé alimentaire portait sur les aliments consommés au cours des 5 derniers jours ou sur les aliments consommés « habituellement ».
L'entrée, la validation et l'analyse des données pour l'étude cas/témoins ont été réalisées à l'aide d'Epi Info2. Une analyse appariée a été utilisée pour déterminer les produits alimentaires ayant un lien significatif avec la maladie. Les variables ayant une valeur p < 0,2 dans l'analyse univariée ont été incluses dans une analyse de régression logistique conditionnelle. Un modèle final a été obtenu à partir d'une régression multiple ascendante ne retenant que les variables significatives.
Résultats
Entre le 1er mars et le 31 mai 2005, 47 cas confirmés d'infection par S. typhimurium du lysotype U302 ont été détectés en Ontario. Les profils électrophorétiques (PFGE) de 87 % des isolats (41/47) ont été établis par le LCSP. Deux cas ont été exclus de l'enquête, leur profil PFGE respectif étant suffisamment différent du profil le plus courant pour en déduire qu'ils n'étaient vraisemblablement pas liés à l'éclosion.
Deux des 45 cas présentant un profil PFGE similaire étaient des cas secondaires. La courbe épidémique correspondante est présentée à la figure 1. La dynamique de cette courbe évoque une exposition de source commune.
Figure 1. Cas d'infection à Salmonella typhimurium du lysotype U302, en Ontario, par date de survenue, du 1er mars au 31 mai 2005 (n = 45)
Des données démographiques étaient disponibles pour 98 % des cas confirmés (44/45). La moitié des cas étaient de sexe masculin (22/44), et l'âge moyen était de 20,2 ans (âge médian : 14,0 ans; intervalle de 1 à 75 ans). Cinquante-deux pour cent (23/44) des cas (pour lesquels des données ont été fournies) avaient < 18 ans.
Des données cliniques étaient disponibles pour 93 % des cas confirmés (42/45). Tous les cas, sauf un, avaient signalé une diarrhée, et 52 % (22/42), une diarrhée sanglante. Parmi les autres symptômes mentionnés, on comptait les suivants : fièvre (88 %), crampes abdominales (79 %), céphalée (45 %), nausées (36 %) et vomissements (24 %). Neuf cas ont été hospitalisés en raison de leur maladie (durée de l'hospitalisation de 1 à 5 jours). Aucun décès n'a été enregistré.
Douze bureaux de santé du sud de l'Ontario ont déclaré des cas confirmés. La plus grande proportion de ces cas (17/45 ou 38 %) a été signalée dans la région de York, suivie par Toronto (10/45 ou 22 %), tandis que de un à trois cas ont été recensés dans chacune des régions sanitaires suivantes : Durham, Halton, Hamilton, Middlesex-London, Ottawa, Peel, Renfrew, Simcoe Muskoka, Waterloo et Wellington-Dufferin.
Les entrevues axées sur la formulation d'hypothèses qui ont été menées entre le 20 et le 29 mai ont révélé que huit des neuf cas avaient été exposés à de la mortadelle, à du salami, à du prosciutto ou à du capicollo dans les 5 jours précédant la survenue de leur maladie. Même si, selon les renseignements recueillis, la plupart de ces aliments avaient été achetés soit dans des magasins d'une chaîne de supermarchés, soit dans des épiceries fines locales, plusieurs cas avaient déclaré s'être procuré des produits provenant d'un même fabricant.
Entre le 30 mai et le 20 juin, 32 cas et 30 témoins ont été interrogés. Trois cas admissibles n'ont pas pu être joints au cours de l'étude cas/témoins. Deux cas du groupe des 2 à 4 ans n'ont pu être appariés à des témoins. L'analyse comportait donc 30 paires de cas/témoins.
Les rapports de cotes appariés (RCa) pour les expositions à un seul aliment sont présentés au tableau 1. Un lien significatif a été établi entre la maladie et la consommation de salami (RCa = 3,75; intervalle de confiance [IC] à 95 % = 1,2 à 11,3). L'analyse portant sur les expositions à plusieurs produits de charcuterie a révélé que 87 % des cas (26/30) avaient signalé avoir consommé du salami, de la mortadelle ou du prosciutto, comparativement à 40 % des témoins (12/30) (RCa = 8,0; IC à 95 % = 1,8 à 34,8).
Le souvenir de la marque achetée variait d'un produit à l'autre. Quarante quatre pour cent des cas ou des témoins (11/25) ayant mentionné avoir consommé du salami étaient incapables de se rappeler la marque du produit; néanmoins, un tiers (8/25) d'entre eux se rappelaient qu'il s'agissait de salami de Gênes. En comparaison, 83 % des cas ou des témoins (15/18) ayant affirmé avoir mangé de la mortadelle se souvenaient de la marque du produit. Dix des 11 cas se rappelant la marque de mortadelle consommée ont signalé qu'elle provenait du fabricant A. Tel que le montre le tableau 1, un lien significatif a pu être établi entre l'exposition au salami, à la mortadelle ou au prosciutto provenant du fabricant A et la maladie (RCa = 11,0; IC à 95 % = 1,4 à 85,2). Cette variable combinée est demeurée significativement liée à la maladie dans un modèle de régression logistique multiple. Aucune exposition particulière à un aliment n'était associée à la maladie lorsqu'elle était dans le même modèle que celui de la variable combinée.
Tableau 1. Rapports de cotes appariés (univariés) pour certaines expositions alimentaires dans le cadre d'une éclosion d'infection à Salmonella typhimurium survenue en Ontario, entre mars et mai 2005
Exposition à un seul aliment |
Cas (n = 30) |
Témoins (n = 30) |
Rapport de cotes apparié |
Intervalle de confiance à 95 % |
Valeur de p |
Laitue romaine |
16 |
17 |
0.83 |
0.25-2.73 |
0.55 |
Autre variété de laitue |
17 |
17 |
1.00 |
0.35-2.85 |
0.79 |
Épinards |
6 |
7 |
0.83 |
0.25-2.73 |
0.55 |
Germes de soja |
2 |
2 |
1.00 |
0.14-7.10 |
0.62 |
Persil frais |
8 |
6 |
1.50 |
0.42-5.32 |
0.75 |
Basilic frais |
4 |
4 |
1.00 |
0.20-4.95 |
0.68 |
Amandes |
6 |
10 |
0.56 |
0.19-1.66 |
0.18 |
Arachides |
5 |
8 |
0.57 |
0.17-1.95 |
0.23 |
Cantaloup |
10 |
16 |
0.45 |
0.16-1.31 |
0.08 |
Framboises |
7 |
10 |
0.57 |
0.17-1.95 |
0.23 |
Oeufs crus ou partiellement cuits |
7 |
5 |
1.50 |
0.42-5.32 |
0.75 |
Produits contenant des oeufs crus ou partiellement cuits |
1 |
2 |
0.50 |
0.05-5.51 |
0.25 |
Boeuf haché |
19 |
21 |
0.71 |
0.23-2.25 |
0.39 |
Steak |
12 |
16 |
0.60 |
0.22-1.65 |
0.21 |
Veau |
12 |
6 |
2.20 |
0.76-6.33 |
0.21 |
Longe ou côtelette de porc |
12 |
19 |
0.36 |
0.12-1.14 |
0.039 |
Fromage parmesan frais |
18 |
16 |
1.40 |
0.44-4.41 |
0.77 |
Fromage provolone |
9 |
4 |
2.67 |
0.71-10.05 |
0.23 |
Fromage ricotta |
4 |
2 |
non défini |
|
|
Bocconcini |
10 |
4 |
non défini |
|
|
Kielbasa |
6 |
4 |
1.50 |
0.42-5.32 |
0.75 |
Saucisse |
12 |
9 |
1.60 |
0.52-4.89 |
0.58 |
Jambon |
10 |
15 |
0.44 |
0.14-1.44 |
0.096 |
Pepperoni |
8 |
7 |
1.17 |
0.39-3.47 |
1.00 |
Pepperettes |
4 |
1 |
non défini |
|
|
Capicollo |
3 |
1 |
3.00 |
0.31-28.84 |
0.62 |
Salami |
18 |
7 |
3.75 |
1.24-11.30 |
0.022 |
Mortadelle |
11 |
7 |
2.33 |
0.60-9.02 |
0.34 |
Prosciutto |
10 |
4 |
4.00 |
0.85-18.84 |
0.11 |
Exposition à plusieurs aliments |
|
|
|
|
|
Salami ou mortadelle |
22 |
11 |
3.75 |
1.24-11.30 |
0.022 |
Salami, mortadelle ou prosciutto |
26 |
12 |
8.00 |
1.84-34.79 |
0.002 |
Salami, mortadelle, prosciutto ou capicollo |
26 |
12 |
8.00 |
1.84-34.79 |
0.002 |
Toute marque de salami, de mortadelle ou de prosciutto tranché au comptoir de charcuterie |
16 |
8 |
3.67 |
1.09-13.14 |
0.061 |
Expositions à plusieurs aliments, par marque |
|
|
|
|
|
Salami du fabricant A |
3 |
0 |
non défini |
|
|
Mortadelle du fabricant A |
10 |
4 |
7.00 |
0.86-56.90 |
0.077 |
Prosciutto du fabricant A |
4 |
0 |
non défini |
|
|
Capicollo du fabricant A |
0 |
0 |
– |
|
|
Tout salami, mortadelle ou prosciutto du fabricant A |
14 |
4 |
11.00 |
1.42-85.20 |
0.009 |
Tout salami, mortadelle ou prosciutto du fabricant A tranché au comptoir de charcuterie |
11 |
4 |
8.00 |
1.00-63.82 |
0.050 |
Compte tenu de la proportion relativement faible de cas (14/30 ou 47 %) ayant signalé avoir été exposés aux produits du fabricant A et de l'incapacité d'identifier un lot particulier de produits, aucune enquête officiel de retraçage n'a été menée. Une enquête de l'Agence canadienne d'inspection des aliments menée chez le fabricant A a permis de constater qu'il n'y avait eu aucune plainte de consommateurs ni d'employé malade, et que les trois usines où les aliments en cause avaient été fabriqués et préparés s'étaient conformées à la réglementation en vigueur.
Analyse
Cette éclosion étendue causée par un lysotype rare de S. typhimurium au cours de laquelle 45 cas ont été signalés sur une période de 3 mois (de mars à mai 2005) par 12 bureaux de santé du sud de l'Ontario a été décelée grâce à la surveillance des sérotypes et des lysotypes exercée en laboratoire.
La dynamique de la courbe épidémique, la longue période au cours de laquelle une augmentation des rapports de cas confirmés a été observée, la distribution géographique des cas et l'absence d'un lien épidémiologique entre les cas appuient l'hypothèse voulant que l'éclosion soit attribuable à une source commune plutôt qu'à une source ponctuelle (p. ex., aliments servis lors d'un grand rassemblement). La source commune pourrait vraisemblablement être un produit alimentaire d'une longue durée de conservation et largement distribué dans tout le sud de l'Ontario. Nous soupçonnons qu'il ait pu s'agir d'un produit prêt-à-manger ne nécessitant aucune cuisson, puisque les infections d'origine alimentaire impliquant des espèces de Salmonella peuvent habituellement être prévenues par une réfrigération et des températures de cuisson appropriées, ainsi qu'une hygiène des mains et des méthodes de préparation adéquates3.
Selon l'hypothèse la plus vraisemblable, corroborée par les conclusions de l'enquête épidémiologique, la maladie aurait été liée à la consommation de salami, demortadelle ou de prosciutto provenant d'un même fabricant. Cependant, aucune donnéemicrobiologique n'attestait cette hypothèse. En outre, même si les cas étaient environ 11 fois plus nombreux que les témoins à avoir consommé l'une des trois variétés de charcuterie provenant du fabricant A, seulement 14 des 30 cas avaient mentionné avoir consommé des produits de la marque suspecte avant la survenue des symptômes. La contamination croisée des aliments vendus au détail expliquerait peut-être cette incohérence. À titre d'exemple, les bactéries pathogènes provenant d'un produit contaminé peuvent persister sur une machine à découper peu souvent nettoyée, puis contaminer d'autres viandes tranchées par la suite sur cette même machine4. Le biais de rappel a également été un facteur important, puisqu'un grand nombre de participants étaient incapables de se souvenir de lamarque de charcuterie consommée, en particulier dans le cas du salami. Cela peut être en partie attribuable au fait que les consommateurs se procurent auprès d'un comptoir de charcuterie, des produits emballés et étiquetés par le commerçant plutôt que présentés dans leur emballage original.
Des délais d'enquête ont également pu altérer le souvenir de certains détails, retarder la recherche des cas et réduire l'accès aux produits alimentaires devant faire l'objet d'analyses microbiologiques. Au départ, le nombre accru d'isolats de S. typhimurium avait été considéré comme une légère augmentation en avril 2005 par rapport aux totaux hebdomadaires consécutifs normalement enregistrés. Cinq semaines se sont écoulées après le pic de l'éclosion avant que l'on ait accès aux résultats du typage (lysotypie et PFGE) et que l'on puisse établir dans quelle mesure les souches étaient liées entre elles. La détection de cette éclosion reposait au départ sur la lysotypie, qui n'est pas normalement effectuée en Ontario, mais plutôt au LNM. Ainsi le laps de temps écoulé entre la détection de l'éclosion et les entrevues axées sur la formulation d'hypothèses (entre 7 et 16 jours) s'est ajouté au délai de l'enquête, augmentant d'autant la difficulté pour les cas de se souvenir avec précision de certains détails. En outre, la recherche des cas a été entravée par les rapports de cas incomplets transmis au LCSP par certains laboratoires privés.
On pourrait pallier ces contraintes de temps par l'uniformisation de la présentation des rapports sur les entéropathogènes dans tous les hôpitaux et laboratoires provinciaux privés, parallèlement à l'application intégrale, en Ontario, d'une surveillance en temps réel assurée par le Système intégré d'information en santé publique (SISPi) (prévue pour l'automne 2005) et à l'établissement, au LCSP, d'un système d'information de laboratoire complet. L'allocation de ressources additionnelles aux laboratoires provinciaux et nationaux pourrait aussi accélérer la réalisation des analyses micromoléculaires, composante cruciale pour détecter les éclosions et séparer les cas liés à l'éclosion des cas d'autres maladies existant dans la collectivité.
S. typhimurium est le sérovar le plus souvent isolé au Canada, représentant près de 20 % de tous les isolats humains de Salmonella signalés au Programme national de surveillance des maladies entériques entre 2001 et 2004. Cependant, la circulation du lysotype particulier responsable de l'éclosion est en général faible au Canada. Les données recueillies dans le cadre du Programme intégré canadien de la résistance aux antimicrobiens pour les années 2003 et 2004 révèlent que le lysotype U302 représentait alors 3,5 % de tous les isolats de S. typhimurium (W. Demczuk, Laboratoire national de microbiologie [Winnipeg] : (communication personnelle, 2005). En comparaison, ce même lysotype était en cause dans 36 % (9/25) des cas d'infection à S. typhimurium identifiés en Ontario en mars 2005, et dans 62 % (34/55) des cas signalés en avril 2005.
Il ne s'agit que de la deuxième éclosion documentée de S. typhimurium du lysotype U302. En 2003, la source d'une éclosion regroupant 67 cas confirmés provenant de quatre pays européens avait été retracée chez un aide-cuisinier d'un restaurant situé à Copenhague. Les taux d'attaque modestes et les longues périodes d'incubation observés (durée médiane : 14 jours; intervalle de 1 à 27 jours) indiquaient un niveau de contamination alimentaire peu élevé. De plus, les analyses microbiologiques ont révélé la présence de S. typhimurium dans des échantillons du buffet de ce restaurant. La souche de l'éclosion n'avait été identifiée qu'une seule fois auparavant, au Danemark, chez des cas sporadiques non liés épidémiologiquement5. L'émergence de ce lysotype doit être surveillée, parce qu'il est fréquemment associé à une antibiorésistance1,5,6, laquelle peut avoir une incidence négative sur le fardeau de la maladie7.
Le saucisson sec, tel le salami, est préparé à partir de viande hachée crue, à laquelle sont incorporés différentes épices, des agents de fermentation et du sel. Les procédés de fermentation (qui abaissent le pH du mélange) et de dessiccation entraînent, en quelques jours ou quelques mois, la transformation graduelle des bactéries pathogènes en une flore non pathogène. Le salami est alors considéré prêt à être consommé, sans cuisson préalable8,9. La mortadelle est une variété de saucisson sec non fermenté, mais fumé à une température élevée, avant d'être séché à l'air. Le prosciutto est un jambon saumuré, séché à l'air libre. Quant au salami, il a déjà été identifié comme étant le véhicule alimentaire de S. typhimurium lors de deux vastes éclosions survenues dans le nord de l'Italie (lysotype 193) et en Angleterre (type définitif 124). Les enquêtes menées auprès des usines de fabrication à la suite de ces éclosions révélaient qu'une quantité insuffisante de cultures microbiennes ou un délai de fermentation trop court avaient probablement permis à Salmonella de survivre aux étapes de la fermentation et de la dessiccation10,11. En mai 2005, en Suède, une petite éclosion de maladie attribuable à des mini-salamis allemands contaminés par S. typhimurium (lysotype U302) a entraîné un rappel de ce produit en Suède, en Finlande et aux Pays-Bas12. Des cas de salmonellose liés à la consommation de prosciutto ont également été signalés en Italie13, tandis qu'aux États- Unis14, des analyses postproduction de routine ont permis de détecter Salmonella dans des échantillons de mortadelle.
Au Canada, une modification apportée en novembre 2004 au Règlement de 1990 sur l'inspection des viandes proposait l'application obligatoire du Programme d'amélioration de la salubrité des aliments dans tous les établissements et entrepôts de viandes et de volaille enregistrés auprès de l'administration fédérale. Cette modification comprenait la mise en place de programmes d'échantillonnage pour Salmonella et Escherichia coli, de manière à s'assurer que les systèmes d'analyse des risques et de maîtrise des points critiques réduisent efficacement les risques de contamination par ces micro-organismes. Ces programmes d'échantillonnage ne s'appliquent qu'à certaines carcasses, viandes hachées et saucisses de porc frais, mais aucune analyse microbiologique n'est requise pour les saucissons prêts-à-manger, séchés (p. ex., salami, pepperoni, capicollo) ou cuits (p. ex., mortadelle, saucisson de Bologne)15,16. Par conséquent, les pratiques recommandées actuellement pour la préparation des viandes prêtes-à-manger au Canada (p. ex., surveillance des registres de temps et de température, analyses du pH) peuvent s'avérer insuffisants pour exclure toute contamination par des bactéries pathogènes.
Même s'il a été déterminé que les charcuteries provenant d'un seul fabricant étaient la cause la plus probable de cette éclosion, les preuves recueillies dans le cadre de l'enquête épidémiologique n'étaient pas suffisamment solides pour justifier l'adoption d'autres mesures de santé publique, tel un rappel d'aliments. Les résultats de l'enquête épidémiologique font ressortir à quel point les forces et faiblesses du système de surveillance en laboratoire de l'Ontario peuvent influer sur les résultats de ce type d'enquête. La réalisation en temps opportun d'enquêtes sur des éclosions étendues d'infections d'origine alimentaire, décelées par le biais d'analyses moléculaires, pourrait fournir aux autorités sanitaires des preuves suffisantes leur permettant d'intervenir adéquatement et de formuler des recommandations pour mieux protéger le consommateur.
Remerciements
Les auteurs aimeraient remercier les personnes suivantes de l'aide apportée dans le cadre de l'enquête : Dr A. Ellis et M. Taylor, Division des infections d'origine alimentaire, hydrique et zoonotique de l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC), Guelph (Ontario), les inspecteurs en santé publique et les gestionnaires des maladies transmissibles des circonscriptions sanitaires touchées, en particulier, N. Wachowiak, I. Davis, E. Moteka et M. Kroll, de la Région de York (Ontario), M. Lombos, J. Labelle, A. Maki et Dr F. Jamieson, du LCSP, R. Ahmed et W. Demczuk, du LNM, K. Marcynuk, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, Ottawa (Ontario), ainsi que S. Johnson, du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario (MSSLD), Toronto (Ontario).
Références
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Source: : C Navarro, MSc, Canadian Field Epidemiology Program, ASPC; D MacDonald, MSc, Foodborne, Waterborne and Zoonotic Infections Division, ASPC; D Middleton, DMV, MSc, Ontario Ministry of Health and Long-Term Care (MOHLTC), Public Health Branch; L Landry, MSc, Foodborne, Waterborne and Zoonotic Infections Division, ASPC; L Vrbova, MSc, Ontario MOHLTC, Public Health Branch; Dre LY Lior, MSc, Programme canadien d'épidémiologie de terrain, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario).
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