ARCHIVÉ - Incidence des pneumococcies invasives après l'introduction du Programme d'immunisation infantile universelle, Colombie-Britannique (de 2002 à 2005)

 

Relevé des maladies transmissibles au Canada

le 15 juillet 2006

Volume 32
Numéro 14

Introduction

En Amérique du Nord, la bactérie Streptococcus pneumoniae est depuis longtemps une importante cause des cas de méningite, de bactérémie et de pneumonie bactérienne chez les enfants. En 2001, un vaccin conjugué antipneumococcique heptavalent (VCP7) a été homologué au Canada pour usage chez les enfants. Ce vaccin est efficace contre les sérotypes responsables de > 80 % des pneumococcies invasives chez les enfants de < 5 ans au Canada(1). Afin de réduire l'incidence des pneumococcies invasives (PI) en Colombie-Britannique (C.-B.), un programme de vaccination des enfants à risque élevé et des enfants autochtones âgés de 2 à 59 mois a été mis en oeuvre en avril 2003. En septembre 2003, un programme de vaccination systématique a été adopté, dans le cadre duquel quatre doses sont prévues, soit à 2, 4, 6 et 18 mois. Si le programme est amorcé après l'âge de 6 mois, 12 mois ou 2 ans, alors respectivement trois doses, deux doses ou une dose sont proposées. Le vaccin est offert à tous les enfants nés en juillet 2003 ou après.

Depuis 1998, un vaccin polysaccharidique 23-valent contre le pneumocoque (VPP23) est offert aux personnes à risque élevé et à toutes les personnes âgées de ≥ 65 ans de la C.-B.

On souhaite que 5 ans après sa mise en oeuvre, le nouveau programme d'administration systématique du vaccin VCP7 permettra de prévenir annuellement 112 cas de méningite à pneumocoques ou de sepsis chez les enfants âgés de < 5 ans(2). Nous présentons ici les données les plus récentes de la surveillance des cas de PI en Colombie-Britannique entre 2002 et 2005.

Méthodes

Les cas de PI, maladie à déclaration obligatoire en C.-B., font l'objet d'une surveillance du British Columbia Centre for Disease Control (BCCDC) depuis 1999. Selon la définition de cas, le S. pneumoniae doit être isolé d'un site stérile de l'organisme, généralement le sang ou le liquide céphalorachidien. Les données sur les cas de PI sont tirées du Système d'information en santé publique (SISP-i), une base de données contenant divers renseignements, notamment l'âge de la personne infectée, le sexe, le type d'infection, l'autorité sanitaire, et l'année où le cas a été observé. Les taux annuels d'incidence cumulative ont été calculés au moyen de P.E.O.P.L.E. 30 (Population Extrapolation for Organization Planning with Less Error, cycle 30, BC STATS). Le logiciel Excel de Microsoft® a été utilisé pour la gestion et le calcul des données. Le test du chi au carré a permis de repérer les tendances temporelles, au moyen de la fonction StatCalc d'EpiInfo 6. Les tendances étaient considérées comme statistiquement significatives lorsque p < 0,05. En C.-B., la couverture vaccinale est signalée au deuxième anniversaire. Pour l'instant, les données sur la couverture vaccinale contre les infections à pneumocoques sont disponibles pour les enfants nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 2003. Ces statistiques sont calculées à partir des données de vaccination du SISP-i et ne tiennent pas compte des régions où le registre de vaccination du SiSP-i n'est pas utilisé (Vancouver, Richmond, et North Shore/Coast Garibaldi).

Résultats

En 2005, la population de la Colombie-Britannique était de 4,2 millions de personnes, dont 203 435 enfants âgés de < 5 ans. En 2002, année précédant l'introduction du programme de vaccination systématique, 343 cas de PI ont été signalés en C.-B. (8,3 cas pour 100 000 habitants). La figure 1 indique que 114 de ces cas avaient été repérés chez les enfants âgés de < 5 ans (53 cas pour 100 000 habitants), dont 55 étaient âgés de 12 à 23 mois (135 cas pour 100 000 habitants) et 20 étaient âgés de < 1 an (51 cas pour 100 000 habitants).

Figure 1. Incidence de PI signalé par groupe d'âge

Figure 1. Incidence de PI signalé par groupe d'âge

Il a été estimé que 64 % des enfants âgés de 2 ans appartenant au premier groupe à qui le vaccin antipneumococcique a été offert (enfants nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 2003) avaient reçu toutes les doses prévues au calendrier de vaccination compte tenu de l'âge auquel ils avaient entamé le programme (voir précédemment) (BCCDC, données non publiées).

Au cours des 2 dernières années, on a observé une diminution régulière du taux de PI chez les enfants âgés de < 5 ans. En 2005, on a signalé 18 cas pour 100 000 habitants dans ce groupe d'âge, soit une diminution de 67 % par rapport à 2002. Lorsque l'analyse porte sur les enfants plus jeunes, les données indiquent une tendance à la baisse statistiquement significative (÷2 = 9,9; p = 0,002) de l'incidence de PI chez les enfants âgés de < 1 an (voir la figure 2). Le nombre de cas est passé de 20 en 2002 (51 cas pour 100 000 habitants) à huit en 2005 (20 cas pour 100 000 habitants). Chez les enfants âgés de 12 à 23 mois, le nombre de cas de PI a chuté de façon importante, passant de 55 en 2002 (135 cas pour 100 000 habitants) à six en 2005 (15 cas pour 100 000 habitants) (÷2 = 39,9; p < 0,001). On a également noté une diminution marquée du nombre de cas de PI chez les enfants de 2 ans (de 40 à 12 cas pour 100 000 habitants; ÷2 = 7,9; p = 0,005) et de 4 ans (de 22 à sept cas pour 100 000 habitants; ÷2 = 3,9; p = 0,049), mais pas de variation significative du nombre de cas chez les enfants de 3 ans (de 28 à 27 cas pour 100 000 habitants; ÷2 = 0,007; p = 0,934).

Aucune variation significative n'a été observée chez les enfants âgés de 5 à 9 ans. En ce qui concerne les enfants âgés de 10 à 14 ans, on a noté une diminution de l'incidence de PI, mais le nombre total de cas étant peu élevé (cinq en 2002 et deux en 2005), cette diminution n'est pas statistiquement significative (÷2 = 2,1; p = 0,147).

Figure 2. Incidence of reported IPD in children < 3 years of age

Tous groupes d'âge confondus, le taux d'incidence de PI n'a pas beaucoup changé depuis 2002, se situant entre sept et huit cas pour 100 000 habitants. Le nombre de cas de PI a légèrement augmenté chez les personnes âgées de ≥ 65 ans, passant de 87 cas en 2002 à 115 cas en 2005 (de 16 à 20 cas pour 100 000 habitants). Cela dit, cette hausse n'est pas statistiquement significative (÷2 = 3,7, p = 0,06).

Analyse

Ce rapport contient les premières données en ce qui concerne l'incidence du programme d'administration systématique du vaccin VCP7 introduit en Colombie-Britannique en 2003. Le programme semble avoir été bien accueilli par la population en général. Cela dit, dans le premier groupe d'enfants admissibles, le taux de couverture était relativement faible à l'âge de 2 ans, soit de 64 %. Ce pourcentage, qui ne représente que les deux premiers quarts mesurables après la mise en oeuvre du programme, pourrait indiquer un départ lent. Les prochains rapports devraient faire état d'un taux plus élevé de couverture du vaccin conjugué antipneumococcique.

Aux États-Unis (É.-U.), le nombre de cas de PI a considérablement diminué chez les enfants âgés de < 5 ans après la mise en oeuvre d'un programme d'administration du vaccin VCP7, en 2000. Une diminution similaire a également été enregistrée en C.-B. Aux É.-U., le taux d'incidence de référence était de 96 cas pour 100 000 habitants chez les enfants âgés de < 5 ans en 1998(3). Ce taux a diminué de 59 %, à 40 cas pour 100 000 habitants en 2001, seulement un peu plus d'un an après la mise en oeuvre du programme de vaccination. En C.-B., le taux d'incidence de référence était moins élevé qu'aux É.-U. chez les enfants âgés de < 5 ans (53 cas pour 100 000 habitants en 2002). Dans ce groupe d'âge, le taux d'incidence de PI a chuté de 67 %, à 18 cas pour 100 000 habitants 2 ans après la mise en oeuvre du programme de vaccination systématique. Ce résultat va dans le sens de l'objectif initial, qui était de réduire de 90 % en cinq ans le nombre annuel de cas de PI.

Parallèlement à ce qui a été observé aux É.-U., c'est chez les enfants d'un an que la chute a été la plus marquée. Aux É.-U., le taux d'incidence de référence était de 208 cas pour 100 000 habitants chez les enfants âgés de 12 à 23 mois en 1998. En 2001, ce taux avait diminué de 68 %, à 66 cas pour 100 000 habitants. De façon similaire, en Colombie- Britannique, le taux dans ce groupe d'âge est passé de 135 cas pour 100 000 habitants en 2002 à 67 cas pour 100 000 habitants en 2004, et à 15 cas pour 100 000 habitants en 2005, soit une diminution de 89 %. On a également enregistré une importante diminution du nombre de cas de PI chez les enfants âgés de < 1 an, soit une baisse de 60 %. Une chute importante du taux d'incidence a été observée chez les enfants de 2 ans et de 4 ans, mais pas chez les enfants de 3 ans. Sur le plan épidémiologique, on s'explique mal ces résultats. Contrairement à ce qui a été mis en place aux É.-U., le programme de vaccination entrepris en C.-B. ne prévoit pas de mesures de rattrapage pour les enfants nés avant le 1er juillet 2003. Autrement dit, on ne prévoit pas offrir le vaccin aux enfants nés avant cette date. La diminution partielle du nombre de cas de pneumococcie invasive chez les enfants âgés de 3 à 5 ans pourrait être signe d'une situation d'immunité collective.

Dans la population en général, le taux d'incidence de PI est demeuré constant au cours des 3 dernières années. On n'a observé aucun écart significatif dans les groupes d'âge de > 5 ans. Ces résultats diffèrent de ceux observés aux É.-U., où le taux d'incidence de PI a considérablement diminué dans l'ensemble de la population après l'introduction du programme de vaccination systématique(3,4). De fait, les premiers rapports n'ont pas affiché de variation du taux d'incidence chez les personnes âgées de 5 à 19 ans aux É.-U., mais ils ont fait état d'une diminution statistiquement significative dans tous les autres groupes d'âge, en particulier chez les personnes âgées de > 65 ans. À l'opposé, le taux d'incidence de PI n'a pas changé de façon significative chez les personnes âgées de > 65 ans de la C.-B. au cours des 3 dernières années.

Un rapport sur la situation en Alberta préparé antérieurement par Kellner et coll.(5) pourrait permettre d'expliquer cette absence de variation chez les personnes âgées de > 65 ans. Deux ans après l'introduction du programme de vaccination systématique en Alberta, en 2002, aucune diminution statistiquement significative du taux d'incidence de PI n'avait été observée dans ce groupe d'âge. Une analyse des sérotypes a fait ressortir une diminution statistiquement significative des sérotypes associés au VCP7, mais une hausse statistiquement significative des sérotypes non associés à l'un ou l'autre des vaccins VCP7 et VPP23. Voilà qui donne à penser à un remplacement des sérotypes dans le groupe d'âge des > 65 ans.

Il importe également de souligner que le taux d'incidence de référence de PI dans la population américaine âgée de > 65 ans était de 60 cas pour 100 000 habitants, contre 16 cas pour 100 000 habitants en C.-B. On ne connaît pas très bien les causes de cet écart, lequel pourrait toutefois avoir un lien avec l'approche utilisée pour le signalement des cas : elle est active aux É.-U. (recours aux unités sentinelles) et passive dans la majorité des endroits du Canada, y compris la C.-B.

Conclusion

Ce rapport indique les résultats du programme d'administration universelle du vaccin VCP7 en Colombie-Britannique. Chez les enfants âgés de < 5 ans, le taux d'incidence des pneumococcies invasives a chuté de façon importante au cours des 2 premières années de la mise en oeuvre du programme. Cela dit, chez les personnes plus âgées, le phénomène d'immunité collective enregistré après la vaccination aux É.-U. n'a pas encore été observé en Colombie-Britannique.

Références

  1. Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI). Déclaration sur l'utilisation recommandée du vaccin conjugé contre le pneumocoque. RMTC 2002;28(DCC-2):1-32.

  2. British Columbia Centre for Disease Control. Annual burden of disease due to pneumococcus. Communicable Disease Policy Discussion Paper. 15 July, 2005.

  3. Whitney CG, Farley MM, Hadler J et coll. Decline in invasive pneumococcal disease after the introduction of protein-polysaccharide conjugate vaccine. N Engl J Med 2003;348(18):1737-46.

  4. Lexau CA, Lynfield R, Danila R et coll. Changing epidemiology of invasive pneumococcal disease among older adults in the era of pediatric pneumococcal conjugate vaccine. JAMA 2005;294(16):2043-51.

  5. Kellner JD, Church DL, MacDonald J et coll. The result of a large effectiveness study showed sharp reductions in the number of invasive infections among children. Can Med Assoc J 2005;173(10):1149-51.

Source : Dr S Paulus, DTM&H, FAAP, Division of Immunological and Infectious Diseases, British Columbia Children's Hospital; ST David, MHSc, W Tang, BSc, MWinters, BSc, J Buxton, MBBS, MHSc, FRCPC, Dr B Henry, MPH, FRCPC, Dr D Patrick, MHSc, FRCPC, Department of Epidemiology Services, British Columbia Centre for Diseases Control, Vancouver (Colombie-Britannique).


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