Manifestations cliniques après la vaccination avec le dCaT chez des étudiants du secondaire et vaccination antérieure avec le d2T5

Relevé des maladies transmissibles au Canada

le 1er février 2006

Volume 32
Numéro 03

Contexte

L'objectif de la lutte contre la coqueluche au Canada est de réduire la morbidité et la mortalité associées à cette maladie pendant toute la vie1. Le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) a recommandé, en 2003, d'administrer une seule dose de la formulation pour adolescents et adultes du vaccin acellulaire contre la coqueluche à tous les préadolescents et adolescents qui n'ont reçu aucune dose de ce vaccin2.

En 2004, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) du Québec a introduit le vaccin combiné diphtérie-coqueluche acellulairetétanos (dCaT) en remplacement du vaccin diphtérie-tétanos (d2T5) donné en dose de rappel à l'adolescence. Le Guide canadien d'immunisation recommande de ne pas administrer le d2T5 < 5 ans après la dernière dose de ce même vaccin, parce que la fréquence d'effets secondaires est plus élevée lors de doses répétées à des intervalles rapprochés. On pouvait donc redouter un phénomène semblable avec le dCaT administré < 5 ans après une vaccination antérieure avec le d2T5.

Méthodologie

L'étude de cohorte rétrospective visait les 839 étudiants vaccinés en mai 2004. Les taux de survenue de manifestations cliniques suivant la vaccination avec le dCaT ont été comparés selon l'intervalle depuis la dernière dose de d2T5. Un court questionnaire auto-administré a été distribué aux élèves environ 1 mois après la vaccination, soit en juin 2004, durant la période des examens de fin d'année. Tous les vaccinés devaient répondre au questionnaire, qu'ils aient éprouvé ou non des manifestations cliniques. Les étudiants devaient ensuite remettre eux-mêmes leur questionnaire au bureau de l'infirmière scolaire. Un questionnaire était considéré valide aux fins de l'étude s'il était partiellement ou complètement rempli par un jeune qui avait été vacciné en mai 2004.

Les variables recueillies étaient les suivantes : le nom, la date de naissance, le sexe, l'histoire vaccinale et la présence ou l'absence de manifestations cliniques postvaccinales (le délai d'apparition, le type de symptômes, la durée, la sévérité, une consultation médicale, une hospitalisation). Pour permettre d'évaluer la sévérité des manifestations cliniques postvaccinales, on demandait, dans le questionnaire, si les symptômes avaient été légers (faciles à endurer), modérés (ils dérangeaient lors d'activités) ou sévères (ils empêchaient de faire les activités). On demandait aussi s'il y avait eu consultation d'un médecin ou hospitalisation.

Le statut vaccinal concernant le dCaT et la présence de doses antérieures de d2T5, tel que rapportés en réponse au questionnaire, ont été validés à partir des archives de vaccination du CLSC, si l'adolescent avait été vacciné à cet endroit, ou à partir de l'information sur une dose antérieure retrouvée dans la fiche d'autorisation à la vaccination, conservée au CLSC. La période d'inclusion aux fins de notre analyse était de 7 jours.

Résultats

Au total, 465 questionnaires valides ont été recueillis, ce qui correspond à un taux de réponse de 55 % des 839 adolescents vaccinés. Les proportions de filles et de garçons qui avaient répondu étaient semblables pour tous les niveaux scolaires. Parmi les 465 vaccinés, 178 (38 %) avaient reçu une dose de vaccin d2T5 dans les 5 années précédentes. Au total, 41 % (190) des individus ont signalé une ou des manifestations cliniques postvaccinales, et cette proportion était égale entre ceux qui avaient reçu une dose de d2T5 dans les 5 années précédentes et les autres (tableau 1).

Tableau 1. Risque relatif de certaines manifestations et vaccination avec le d2T5 dans les 5 années précédentes

Manifestations Total Vaccination d2T5 dans les cinq dernières années p*
(N = 465) Oui (N = 178)
Non(N = 287)
 
Manifestations : Oui 190(41%) 73 (41%) 117 (41%) 0.96
Manifestations : No 275(59%) 105 (59%) 170 (59%)  
Manifestations spécifiques** :
Réaction locale

     Douleur
103 (22%) 36 (20%) 67 (23%) 0.43
     Nodule 65 (14%) 22 (12%) 43 (15%) 0.43
Fièvre
27 (5.8%) 12 (6.7%) 15 (5.2%) 0.50
Vomissements
8 (1.7%) 4 (2.2%) 4 (1.3%) 0.49
Allergie
3 (0.6%) 2 (1.1%) 1 (0.3%) 0.31
Éruptions
6 (1.3%) 4 (2.2%) 2 (0.7%) 0.15
Douleurs articulaires 46 (9.9%) 21 (12%) 25 (8.7%) 0.29
Autres 21 (4.5%) 9 (5.1%) 12 (4.2%) 0.66

* Comparaison avec les sujets n'ayant pas reçu de d2T5 depuis 5 ans ou moins.
** Les sommes des colonnes sont supérieures aux totaux indiqués car certains élèves ont signalé plus d'unemanifestation clinique postvaccinale.


Les réactions locales ont été la manifestation clinique la plus fréquente : 103 répondants ont rapporté de la douleur, alors que 65 autres ont fait état de nodules au site d'injection. En ce qui a trait aux manifestations cliniques, il n'y avait aucune différence statistiquement significative entre les sexes sauf pour les nodules, plus fréquents chez les filles (20 %, 48/245) que chez les garçons (8 %, 17/219 [p = 0,0002]). La fréquence des manifestations cliniques n'augmentait pas lorsque l'intervalle depuis la dernière dose de d2T5 était plus court (tableau 2).

Tableau 2. Vaccination antérieure avec le d2T5 et manifestations post-dCaT

Vaccination avec d2T5
depuis 5 ans
N sur 465 Présence de manifestations postvaccinales* p**
N
%
Non 287 117
41
 
Qui        
     < 2 ans 33 11 35 0.57
     2 ans 53 23 43 0.72
     De 3 à 5 ans 44 20 45 0.56
     Moment inconnu 48 19 40 0.89

* Cinq fiches ne contenaient aucune réponse à ce sujet; elles ont été considérées comme une absence de manifestations postvaccinales. ** Comparaison avec les sujets n'ayant pas reçu de d2T5 depuis 5 ans.


Au total, 7,4 % (14) des manifestations cliniques postvaccinales étaient considérées comme sévères par les sujets; la proportion était de 1,7 % (3/178) parmi ceux ayant reçu le d2T5 dans les 5 années précédentes et 3,8 % (11/287) parmi les autres. Six personnes ont consulté un médecin (1,7 % et 1,0 % respectivement), mais personne n'a été hospitalisé. Les manifestations cliniques sont survenues, en moyenne 14 heures après la vaccination et ont duré en moyenne 68 heures.

Parmi les 143 jeunes ayant déclaré avoir reçu une dose de d2T5 dans les 5 années précédentes et ayant répondu à la question sur les manifestations cliniques après cette dose, 25 disaient avoir eu des manifestations cliniques postvaccinales. De ceux-ci, 23 (92 %) avaient présenté à nouveau des malaises de même nature que ceux suivant leur vaccination avec le dCaT. Neuf ont déclaré qu'ils étaient moins graves cette fois, 12 qu'ils étaient de même sévérité, et 3 (12 %) qu'ils étaient pires. Ces derniers avaient éprouvé des réactions locales et de la fièvre. Les vaccinations antérieures n'étaient pas récentes.

Discussion

Ces données, portant sur un total de 465 individus, suggèrent qu'une vaccination antérieure avec le d2T5 n'augmente pas le risque de subir une réaction locale au site d'injection à la suite d'une vaccination avec le dCaT. Ces résultats vont dans le même sens que ceux obtenus récemment au Yukon3 et à l'Île-du-Prince-Édouard (SA Halperin, communication personelle, juin 2005). Les manifestations cliniques déclarées et leur sévérité concordent avec celles décrites comme courantes dans le Protocole d'immunisation du Québec (PIQ) dans les cas où le vaccin est administré après un intervalle de > 5 ans.

Le nombre de répondants correspond à environ la moitié des vaccinés, ce qui pourrait mettre en doute la validité des résultats si les vaccinés ayant éprouvé des réactions avaient été moins susceptibles d'avoir répondu, mais ceci ne semble pas une hypothèse plausible. Le problème de la validité de la vérification de la vaccination antérieure peut être évoqué. Nous avons cependant vérifié que les résultats ne changeaient pas si l'on excluait les vaccinations antérieures non réalisées au CLSC.

Conclusion

Les données de cette étude ne suggèrent pas d'augmentation de manifestations cliniques postvaccinales lors de l'administration à un adolescent du dCaT s'il y a eu une vaccination récente avec le d2T5.

Références

  1. Santé Canada. Conférence de concertation sur la coqueluche. RMTC 2003;29S3:1-36.

  2. CCNI. Prévention de la coqueluche chez les adolescents et les adultes. RMTC 2003;29(DCC-5,6):1-9.

  3. David ST, Hemsley IA et coll. Surveillance accrue des effets secondaires associés aux vaccins : rattrapage pour le dCaT chez les élèves du secondaire au Yukon. RMTC 2005;31(11):117-26.

Source : Dre M Tremblay, MSc, Direction de la santé publique de Montréal; Dr J-L Grenier, MSc, Direction de la santé publique des Laurentides; Dr G De Serres, PhD, Institut national de santé publique du Québec, Université Laval, Direction de la santé publique de Québec; Dr S Ménard, Direction de la santé publique de l'Estrie; E Toth, MSc, Institut national de santé publique du Québec; Dr R Roussel, Direction de la santé publique du Bas St-Laurent; Dr H Favron, Direction de la santé publique de la Montérégie, Dr M Landry, LLCM, Institut national de santé publique du Québec, Ministère de la santé et des services sociaux du Québec; D Thiffault, chef de programme jeunesseadulte, CSSS du Sud Ouest-Verdun (site CLSC St. Henri); H Godin, infirmière scolaire, CSSS du Sud Ouest-Verdun (site CLSC St. Henri) (Québec).

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