Décès d'un adolescent Ontarien consécutivement à une pneumonie post-grippale à SARM d'origine communautaire et transmission familiale

Relevé des maladies transmissibles au Canada

le 15 février 2007

Volume 33
Numéro 04

H Adam, PhD (1), A McGeer, MD (2), A Simor, MD (3)

  1. Programme de bourses en microbiologie clinique, Université de Toronto, Toronto (Ontario)

  2. Hôpital Mount Sinai et Département de médecine de laboratoire et de pathobiologie, Université de Toronto, Toronto (Ontario)

  3. Centre Sunnybrook des sciences de la santé et Département de médecine de laboratoire et de pathobiologie, Université de Toronto, Toronto (Ontario)

Introduction

Les cas d'infection à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) d'origine communautaire sont de plus en plus fréquents à l'échelle mondiale(1). Parmi les personnes à risque, citons les enfants, les membres des Premières Nations, les athlètes, les militaires en formation, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les utilisateurs de drogues par injection, les personnes incarcérées et les sans-abri(1-3). Bien que les cas d'infection à SARM d'origine communautaire soient moins fréquents au Canada qu'aux États-Unis, plusieurs études ont révélé que le nombre de ces cas était à la hausse au Canada(4-6). Dans une récente revue des cas d'infection à SARM en Ontario, on a indiqué, en se fondant sur les données fournies par divers laboratoires, que la proportion de cas d'origine communautaire était d'environ 13 %(7).

Bien que la majorité des infections à SARM d'origine communautaire soient caractérisées par une atteinte de la peau ou des tissus mous, on décrit souvent des cas de pneumonie nécrosante, dans bien des cas mortels, attribuables à une infection à SARM d'origine communautaire, même chez de jeunes sujets immunocompétents(8). Une comparaison des cas de pneumonie à SARM d'origine communautaire et des cas de pneumonie à SARM d'origine nosocomiale a révélé que les patients atteints de la forme communautaire étaient plus jeunes que les patients atteints de la forme nosocomiale (14,8 ans contre 70,1 ans), qu'ils avaient plus souvent été atteints d'une maladie d'allure grippale avant leur hospitalisation, qu'ils avaient une forte fièvre (> 39 °C), que leur fréquence cardiaque était supérieure à > 140 battements par minute et que leurs chances de survie 48 heures après l'hospitalisation étaient moins élevées (63 % contre 94 %)(8).

D'autres études récentes ont établi un lien entre les cas graves de pneumonie à S. aureus d'origine communautaire et la présence antérieure d'une infection virale. Certains ont proposé que le fait d'avoir contracté une infection virale avant une pneumonie à S. aureus pouvait mener à une pneumonie nécrosante grave conduisant à l'hospitalisation du sujet dans une unité de soins intensifs, à son intubation et, dans bien des cas, à la mort(9,10).

Les infections à SARM d'origine communautaire se transmettent par contact direct avec une personne colonisée ou infectée ou encore avec les effets personnels contaminés d'une telle personne(1). Le fait que ces infections puissent se propager entre les membres d'une même famille(11,12), voire entre familles, donne à penser que ces personnes peuvent constituer d'importants réservoirs de SARM(13).

Exposé de cas

Patient A.
En février 2006, un élève du secondaire de 17 ans, qui n'avait pas de problèmes de santé, s'est présenté à un service d'urgence de Scarborough, en Ontario, en raison d'une fièvre, de difficultés respiratoires et d'une toux sèche apparues 2 jours plus tôt. Le père du patient présentait également des symptômes d'une infection des voies respiratoires supérieures. À son arrivée à l'urgence, le patient était fiévreux (température atteignant les 39,5 °C), et le taux de saturation de son sang en oxygène était de 83 %. Une radiographie thoracique a révélé une importante infiltration pulmonaire bilatérale. L'état du patient a rapidement évolué vers une détresse respiratoire et une hypotension. On a établi un diagnostic de pneumonie grave d'origine communautaire avec choc septique et on a déplacé le patient à l'unité de soins intensifs, où on l'a intubé et relié à un respirateur. Douze heures suivant l'admission du patient aux soins intensifs, il a fallu recourir à une ventilation oscillatoire à haute fréquence. Il a fallu amorcer un traitement inotrope important et administrer de la protéine C activée en raison d'un choc septique présumé. Une bronchoscopie a révélé la présence de plaques nécrosantes sur l'épithélium des voies respiratoires évoquant une pneumonie nécrosante. On a effectué un prélèvement de liquide de lavage bronchoalvéolaire. Le patient a reçu de nombreux agents antimicrobiens au cours des 24 premières heures, dont de l'azithromycine, de la ceftazidime, de la ciprofloxacine, de la clindamycine, de la cloxacilline et de la vancomycine. Malgré un traitement de soutien agressif, l'état du patient n'a cessé de se détériorer, et le patient est décédé le cinquième jour suivant son hospitalisation. Il n'y a pas eu d'autopsie.

La culture du liquide de lavage bronchoalvéolaire a révélé la présence de SARM et de virus grippal A. L'examen microbiologique de l'isolat de SARM a révélé qu'il s'agissait de la souche CMRSA-10 (semblable au génotype USA300(4)), selon le profil d'électrophorèse en champ pulsé de l'organisme, et que la bactérie portait le gène codant la leucocidine de Panton-Valentine (pvl).

Ni le patient ni les autres membres de sa famille n'avaient eu de contact avec des services de santé au Canada; ils ne présentaient aucun des facteurs de risque associés à une infection à SARM d'origine communautaire au Canada (p. ex., membre d'une équipe sportive, incarcération). Le jeune homme et sa famille s'étaient toutefois rendus à Houston, au Texas, quelques semaines auparavant; ils avaient été hébergés chez des membres de leur famille, dont l'un avait récemment eu une infection à SARM.

Patient B.
Deux mois après le décès du patient A, la soeur de ce dernier, âgée de 19 ans et en bonne santé, a souffert d'épisodes récurrents de furonculose et d'abcès des tissus mous au niveau du périnée et des fesses, attribuables à une infection à SARM (4 récurrences en 3 mois).

Patient C.
Le père des patients A et B a également souffert d'un épisode d'infection de la peau et des tissus mous attribuable à SARM.

On croit que le patient A aurait contracté une infection à SARM au Texas, où il aurait été en contact étroit avec une personne dont on sait qu'elle avait contracté une infection à SARM et où les cas d'infection à SARM d'origine communautaire sont beaucoup plus fréquents qu'au Canada(14). Les patients B et C pourraient avoir été colonisés par la bactérie pendant leur séjour au Texas ou pendant la maladie du patient A. On a recommandé un traitement de décolonisation (pommade de mupirocine, savon contenant du gluconate de chlorhexidine, rifampicine, doxycycline) aux patients B et C, en raison du caractère récurrent des infections, ainsi qu'à la mère des patients A et B.

Analyse

Les cas de pneumonie grave à SARM d'origine communautaire suivant une infection grippale et de transmission familiale d'une infection à SARM d'origine communautaire sont de plus en plus fréquents à l'échelle mondiale. Le présent rapport porte sur une famille canadienne qui a été touchée par ces deux types de phénomènes.

Les patients sont susceptibles de contracter une pneumonie nécrosante potentiellement mortelle associée à une infection à SARM d'origine communautaire après avoir été infectés par le virus de la grippe. La fréquence de ces cas devrait augmenter parallèlement à la hausse de l'incidence des infections à SARM d'origine communautaire. Le meilleur moyen de réduire le risque de pneumonie post-grippale à SARM d'origine communautaire est de continuer de faire valoir l'importance de la vaccination antigrippale. Le traitement empirique de la pneumonie grave d'origine communautaire chez les sujets immunocompétents devrait englober un traitement contre les infections à SARM d'origine communautaire dans les collectivités où ce type d'infection est de plus en plus fréquent. L'utilisation empirique de vancomycine (ou, peut-être, de linézolide) pourrait être indiquée dans les cas de pneumonie bactérienne post-grippale, et les responsables de l'élaboration d'algorithmes pour le soin de patients gravement malades en cas de pandémie de grippe devraient être conscients du nouveau danger que représentent ces infections à SARM d'origine communautaire et du fait qu'elles pourraient contribuer à l'apparition de cas de pneumonie pendant une éventuelle pandémie de grippe.

On a récemment élaboré, à l'intention des médecins canadiens, des directives sur la prévention des infections à SARM d'origine communautaire et sur la prise en charge de cas(1); on peut consulter ces directives en ligne (en anglais seulement), sur le site Internet du Comité canadien sur la résistance aux antibiotiques (www.ccar-ccra.com/english/ca-mrsa.shtml). On trouvera, dans ces directives, une synthèse des données actuelles sur les infections à SARM d'origine communautaire au Canada, notamment sur les aspects épidémiologique et microbiologique et sur la prise en charge de cas, ainsi que des recommandations visant à limiter la transmission familiale des infections à SARM d'origine communautaire. Pour limiter la propagation des infections à SARM d'origine communautaire, il faut indiquer aux patients de recouvrir les lésions infectées, de se laver régulièrement les mains et d'éviter l'utilisation commune d'articles personnels(1).

Le présent cas fait ressortir l'importance des activités de sensibilisation et de préparation relativement à l'inévitable hausse de cas d'infection à SARM d'origine communautaire dans les centres urbains canadiens et relativement à l'existence d'un risque faible quoique non négligeable de décès consécutivement à une pneumonie d'origine communautaire post-grippale chez de jeunes adultes en bonne santé.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier B. Willey et O. Imas de leur aide.

Références

  1. Barton M, Hawkes M, Moore D et coll. Guidelines for the prevention and management of community-associated methicillin-resistant Staphylococcus aureus (CA-MRSA): A perspective for Canadian health care practitioners. Can J Infect Dis Med Microbiol 2006;17:4C-24C.

  2. Moran G, Krishnadasan A, Gorwitz R et coll. Methicillin-resistant S. aureus infections among patients in the emergency department. N Engl J Med 2006;355:666-74.

  3. Fridkin S, Hageman J, Morrison M et coll. Methicillin-resistant Staphylococcus aureus disease in three communities. N Engl J Med 2005;352:1436-44.

  4. Gilbert M, MacDonald J, Gregson D et coll. Outbreak in Alberta of community-acquired (USA300) methicillin-resistant Staphylococcus aureus in people with a history of drug use, homelessness or incarceration. Can Med Assoc J 2006;175:149-54.

  5. Mulvey M, MacDougall L, Cholin B et coll. Community-associated methicillin-resistant, Staphylococcus aureus Canada. Emerg Infect Dis 2005;11:844-50.

  6. Wylie J, Nowicki D. Molecular epidemiology of communityand health care-associated methicillin-resistant Staphylococcus aureus in Manitoba, Canada. J Clin Microbiol 2005;43:2830-36.

  7. McGeer A, Fleming C, Green K et coll. Antimicrobial resistance in common hospital pathogens in Ontario. QMPLS News 2006;104:1-10.

  8. Gillet Y, Issartel B, Vanhems P et coll. Association between Staphylococcus aureus strains carrying gene for Panton-Valentine leukocidin and highly lethal necrotizing pneumonia in young immunocompetent patients. Lancet 2002;359:753-59.

  9. Gonzalez B, Hulten K, Dishop M et coll. Pulmonary manifestations in children with invasive community-acquired Staphylococcus aureus infection. Clin Infect Dis 2005;41:583-90.

  10. Hageman J, Uyeki T, Francis J et coll. Severe community-acquired pneumonia due to Staphylococcus aureus, 2003-04 influenza season. Emerg Infect Dis 2006;12:894-9.

  11. Faden H, Ferguson S. Community-acquired methicillin-resistant Staphylococcus aureus and intrafamily spread of pustular disease. Pediatr Infect Dis J 2001;20:554-5.

  12. Osterlund A, Kahlmeter G, Bieber L et coll. Intrafamilial spread of highly virulent Staphylococcus aureus strains carrying the gene for Panton-Valentine leukocidin. Scand J Infect Dis 2002;34:763-87.

  13. Huijsdens X, van Santen-Verheuvel M, Spalburg E et coll. Multiple cases of familial transmission of community-acquired methicillin-resistant Staphylococcus aureus. J Clin Microbiol 2006;44:2994-6.

  14. Purcell K, Fergie J. Epidemic of community-acquired methicillin-resistant Staphylococcus aureus infections. Arch Pediatr Adolesc Med 2005;159:980-5.


Détails de la page

Date de modification :