Relevé des maladies transmissibles au Canada

1 avril 2008

Volume 34
numéro 04

Éclosion de gastro-entérite à norovirus dans une résidence pour étudiants universitaires – Edmonton (Alberta), 2006

L Honish, MSc (1), J Talbot, MD, FRCPC (1), D Dragon, PhD (2), D Utgoff (2)

  1. Capital Health-Public Health Division, Edmonton (Alberta)
  2. Université de l'Alberta, Edmonton (Alberta)

Introduction

Le 27 septembre 2006, la division de la santé publique de Capital Health (CHPHD), qui sert Edmonton (Alberta) et les collectivités environnantes, a été avisée par le centre de santé des étudiants d'une université locale que plusieurs étudiants habitant la résidence principale du campus avaient commencé à éprouver des symptômes de maladie gastro-intestinale au cours des derniers jours. La CHPHD a amorcé une enquête sur l'éclosion en se fondant sur cette information.

Méthodologie

L'université touchée comptait approximativement 35 000 étudiants inscrits au moment de l'éclosion. La résidence principale, qui abritait environ 1 800 résidents, se compose de quatre immeubles contigus et d'une installation alimentaire sur place. La CHPHD a demandé au personnel de l'université qu'il prenne les mesures suivantes pour appuyer la gestion et le contrôle de l'éclosion.

  • Élaborer un système qui permettrait de déterminer le nombre d'étudiants de la résidence ayant commencé à présenter des vomissements ou de la diarrhée, de façon rétrospective (au cours du mois de septembre 2006), et de façon prospective (étudiants commençant à éprouver des symptômes, au cours de chaque période de 24 heures pendant l'enquête).
  • Afficher un avis de la CHPHD à l'intention des étudiants et des visiteurs partout dans la résidence; l'avis comprenait des renseignements relatifs à l'éclosion ainsi que les recommandations du service de santé publique (signaler tous les nouveaux cas de vomissements ou de diarrhée à un coordonnateur de la résidence, rester dans sa chambre dans la mesure du possible pendant la maladie, reporter les visites auprès de résidents malades, et se laver les mains fréquemment).
  • Procéder à un nettoyage approfondi quotidien des surfaces fréquemment touchées dans la résidence (les procédures ont été modifiées par rapport à celles énoncées dans les lignes directrices de la CHPHD sur la gestion des éclosions dans les foyers de soins infirmiers)(1).
  • Retirer les présentoirs libre-service ouverts d'aliments et d'ustensiles dans la salle de repas commune pendant l'éclosion.
  • Recruter des volontaires parmi les étudiants symptomatiques pour fournir des échantillons de selles.
  • Présenter des rapports de situation quotidiens à la CHPHD pendant toute la durée de l'éclosion.

L'administration de l'université a créé un centre des opérations d'urgence (COU) afin de faciliter la gestion de l'éclosion. Les coordonnateurs d'étage de la résidence ont été déployés pour appuyer la recherche de cas et ont procédé à cette fin à une vérification quotidienne auprès de tous les étudiants de la résidence dans chacun des secteurs de l'établissement. Des distributeurs de savon à mains employé sans eau ont été fournis partout dans la résidence. Des téléconférences quotidiennes ont eu lieu entre le COU et les enquêteurs de la CHPHD. Des agents d'hygiène du milieu (AHM) de la CHPHD ont inspecté les aires d'habitation et l'installation alimentaire de la résidence; des recommandations supplémentaires en matière de gestion de l'éclosion, fondées sur les résultats d'inspection, ont été communiquées aux représentants de l'université. Des échantillons de selles ont été présentés au Laboratoire provincial de santé publique pour analyse (y compris l'analyse du norovirus par la méthode RT-PCR). On a défini la période d'éclosion au moyen de l'examen des données de surveillance de la maladie gastro-intestinale fournies par les représentants de l'université, et on a utilisé les données de surveillance pour déterminer de façon estimative le moment où l'incidence est revenue à la valeur de base (voir Discussion).

Résultats

Série de cas. Pour cette éclosion, la définition de cas était restreinte aux résidents de la principale résidence d'étudiants de l'université touchée entre le 1er septembre et le 10 octobre 2006 qui ont signalé l'apparition de vomissements ou de diarrhée. Au total, 139 personnes répondaient à cette définition (la courbe épidémique est présentée à la figure 1). Dans la plupart des cas, les symptômes sont apparus au cours de la période du 20 septembre au 7 octobre.

Figure 1 : Courbe épidémique, éclosion de gastro-entérite à norovirus dans une résidence d'étudiants universitaires - Edmonton (Alberta) 2006

Figure 1 : Courbe épidémique, éclosion de gastro-entérite à norovirus dans une résidence d'étudiants universitaires - Edmonton (Alberta) 2006

Les personnes atteintes ont signalé des symptômes de vomisse-ments (37 %), de diarrhée (18 %), ou de vomissements accompagnés de diarrhée (34 %). La durée moyenne et médiane de la maladie était de 2,0 jours. Aucune hospitalisation n'a été signalée parmi les personnes touchées par l'éclosion. Des cas ont été signalés dans chacun des quatre immeubles de la résidence principale, et on a dénombré de 19 à 44 cas par immeuble. La plupart des étudiants de l'université touchée habitaient des logements hors campus dans une zone métropolitaine de plus d'un million d'habitants, et ils étaient considérés comme formant une population distincte aux fins de l'enquête sur l'éclosion et du contrôle de celle-ci.

Résultats d'analyse des échantillons de selles. Deux échantillons de selles ont été prélevés chez des personnes touchées par l'éclosion, et les deux se sont révélés positifs pour le norovirus. Conformément au protocole de la CHPHD, aucun autre échantillon n'a été prélevé et les cas subséquents ont été définis en fonction de la définition de cas clinique.

Enquête sur la source et contrôle. L'enquête a examiné les aliments, l'eau et la transmission interhumaine étaient à l'origine de l'éclosion.

  • L'exposition aux aliments n'a pu être déterminée comme source possible de contamination. Aucune lacune n'a été relevée en ce qui concerne la manipulation des aliments au cours de l'enquête. Les politiques d'exclusion des travailleurs des services alimentaires susceptibles de souffrir d'une maladie gastro-intestinale ont été réaffirmées. Des affiches informatives ont été fournies afin de rappeler aux travailleurs qu'ils doivent signaler les maladies à leurs employeurs et s'abstenir de travailler pendant qu'ils sont malades.
  • Aucune activité sociale entre les résidents n'a pu être désignée pour expliquer l'éclosion.
  • L'alimentation en eau potable de l'immeuble n'était pas unique; toute l'eau potable des résidences provient du réseau municipal.
  • Les aires d'habitation communes de la résidence ont été examinées. Les aires d'habitation se composent de chambres pour une personne ou pour deux personnes. La plupart des résidents utilisaient des installations sanitaires communes (habituellement, une installation par étage), et chaque étage comporte aussi de façon générale une aire de préparation des aliments et une buanderie communes. Dans certains cas, les distributeurs de savon et d'essuie-mains à usage unique ou les sèche-mains n'étaient pas installés à proximité immédiate des éviers (toilettes), ou n'étaient pas disponibles (aires de préparation des aliments), car les résidents étaient tenus de fournir leurs propres produits de lavage. Les représentants de l'université ont veillé à ce que des produits de lavage des mains soient fournis à proximité appropriée des éviers conformément à la recommandation de la CHPHD. Les buanderies (disponibles à chaque étage de la résidence) sont situées à proximité immédiate des aires de préparation des aliments. Des recommandations ont été communiquées aux étudiants au sujet de la manipulation de leur lessive, c.-à-d. apporter leur lessive directement à la buanderie dans des sacs dans la mesure du possible, puis déposer celle-ci avec soin dans le lave-linge en l'agitant ou en la secouant le moins possible, et se laver les mains par la suite.

Discussion

Des éclosions de gastro-entérite à norovirus ont déjà été signalées sur des campus collégiaux(2-4), y compris une éclosion qui s'est produite sur un autre campus universitaire canadien(5) concurremment avec l'éclosion survenue à Edmonton. Ces éclosions sont probablement attribuables aux conditions régnant sur les campus, qui sont propices à la transmission du norovirus, notamment l'exiguïté des aires d'habitation, les toilettes et les aires communes, les grandes installations de services alimentaires où les gens se servent souvent eux-mêmes, et le contact personnel au cours d'activités sportives et récréatives(6). Des éclosions de norovirus sont également fréquemment observées dans d'autres lieux d'habitation collective, tels que les foyers de soins infirmiers, les navires de croisière, et les refuges d'urgence(7).

L'un des problèmes de l'enquête consistait à établir la date de début et de fin de l'éclosion – la surveillance exercée avant l'apparition de la maladie gastro-intestinale chez les étudiants habitant la résidence était restreinte. Le 20 septembre, le nombre de cas déviait clairement de la valeur de base des cas de maladie gastro-intestinale déclarés par les résidents. Aucun échantillon clinique représentatif n'a pu être recueilli à partir de ces premiers cas de maladie; l'étiologie n'a pu être établie qu'à partir des cas qui se sont déclarés au cours de l'enquête. L'incidence n'est retournée à des niveaux inférieurs qu'à partir du 7 octobre.

Aucun événement pertinent qui aurait pu précipiter l'éclosion (p. ex., personne malade manipulant les aliments, activités sociales particulière entre les résidents) n'a pu être relevé. Une source ponctuelle unique n'explique pas une éclosion de norovirus de cette durée. La consommation d'aliments préparés sur les lieux de l'installation alimentaire de la résidence est une voie d'exposition commune des personnes atteintes et est une source possible si les aliments ont été manipulés par des employés contaminés par le norovirus; toutefois, aucun cas de maladie gastro-intestinale n'a été signalé chez les employés de l'installation alimentaire de la résidence pendant les jours qui ont précédé le début de la phase aiguë de l'éclosion. Aucun élément ne permet de soupçonner que la contamination de l'eau potable soit la source de l'éclosion. Il se peut que le contact avec des surfaces environnementales de la résidence contaminées par des étudiants infectés ait contribué à la propagation de l'éclosion. La disponibilité sous-optimale de produits de lavage des mains à proximité immédiate des éviers dans les toilettes communes et dans les aires de préparation des aliments et les buanderies communes est susceptible d'avoir accru la probabilité d'une telle transmission. La diminution de l'incidence des cas de maladie gastro-intestinale après la mise en place de mesures de précaution dans les contacts montre que la transmission interhumaine a joué un rôle important dans la propagation de cette éclosion.

Parmi les éléments ayant joué un rôle clé dans la gestion de l'éclosion, mentionnons le fait que le centre de santé des étudiants de l'université a signalé promptement l'augmentation de l'incidence de maladie gastro-intestinale au service local de santé publique, et la collaboration exemplaire entre le service de santé publique et les représentants de l'université dans l'élaboration et la mise en œuvre rapide des recommandations relatives à la gestion de l'éclosion. Pour faciliter le traitement de l'éclosion, l'administration de l'Université a mis sur pied un centre des opérations d'urgence fondé sur un modèle élaboré dans le cadre de la planification des interventions en cas de pandémie de grippe. Le recours à un COU par l'université a permis de communiquer efficacement les renseignements essentiels à la gestion de l'éclosion et de procéder à la planification et à l'exécution efficaces des interventions sur place visant à lutter contre l'éclosion en cours et à donner suite aux préoccupations connexes des étudiants habitant la résidence.

Conclusions et recommandations

Les établissements d'enseignement devraient tenir compte des recommandations qui suivent pour prévenir, contrôler et gérer d'éventuelles éclosions dans les résidences d'étudiants.

  • Veiller à ce que des produits pour le lavage des mains appropriés soient disponibles à proximité immédiate des éviers dans les installations sanitaires et les aires de préparation des aliments communes dans les résidences.
  • Élaborer des systèmes permettant d'exercer une surveillance syndromique en temps opportun chez les populations habitant les résidences d'étudiants (peut-être avec l'aide des centres de santé des étudiants du campus). Afin de faciliter le dépistage précoce d'éclosions de deux maladies infectieuses courantes chez les personnes vivant dans des habitations collectives (c.-à-d. grippe et norovirus), les données de surveillance recueillies devraient inclure (mais sans nécessairement s'y limiter) la date de l'apparition initiale de nouveaux cas de fièvre et de nouveaux cas de toux ou de vomissements ou de diarrhée.
  • Évaluer les risques de transmission de norovirus dans les aires communes de préparation des aliments et de repas, et atténuer ces risques dans la mesure du possible.
  • Signaler promptement toutes les éclosions soupçonnées au service local de santé publique.
  • Établir un centre des opérations d'urgence pour appuyer la gestion des éclosions signalées.

Remerciements

Les auteurs souhaitent remercier de leur aide les personnes suivantes : C. Webb, P. Phan, R. Reive, R. Gibson, Capital Health-Public Health Division, Edmonton (Alberta); Dr R. Rennie, Laboratoire provincial de santé publique (microbiologie), Edmonton (Alberta); O. Yonge, R. Richards, Université de l'Alberta, Edmonton.

Bibliographie

  1. Capital Health-Public Health Division. Outbreak prevention control and management in continuing care centres, 2006-2007. Edmonton : Capital Health, 2006.

  2. Kilgore PE, Belay ED, Hamlin DM et coll. A university outbreak of gastroenteritis due to a small round-structured virus. Application of molecular diagnostics to identify the etiologic agent and patterns of transmission. J Infect Dis 1996;173:787-93.

  3. Centers for Disease Control and Prevention (CDC). University outbreak of calicivirus infection mistakenly attributed to Shiga toxin-producing Escherichia coli O157:H7 –Virginia, 2000. MMWR 2001;50:489-91.

  4. Daniels N A., Bergmire-Sweat DA, Schwab KJ. A foodborne outbreak of gastroenteritis associated with Norwalk-like viruses: First molecular traceback to deli sandwiches contaminated during preparation. J Infect Dis 2000;181:1467-70.

  5. Agence de la santé publique du Canada. Virus semblable à Norwalk : Nouveau-Brunswick. Actualités en bref pour maladies infectieuses – 20 octobre 2006. Ottawa : Agence de la santé publique du Canada. Disponible à http://www.phac-aspc.gc.ca/bid-bmi/dsd-dsm/nb-ab/2006/nb4206-fra.php. Date de consultation : le 5 novembre 2007.

  6. Moe C L, Christmas WA, Echols LJ. Outbreaks of acute gastroenteritis associated with Norwalk-like viruses in campus settings. J Am Coll Health 2001;50:57-66.

  7. Estes M K, Prasad BV, Atmar RL. Noroviruses everywhere: Has something changed? Curr Opin Infect Dis 2006;19:467-74.

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