Relevé des maladies transmissibles au Canada

 

mai 2008

Volume 34
numéro 05

Rapport mensuel

Le fardeau des maladies gastro-intestinales aiguës au Canada, 1999-2007 :
résumé provisoire des activités relatives à l'ENMGA

MK Thomas, MSc (1,2), SE Majowicz, MSc, PhD (1,2), F Pollari, DVM, MPH, DVSc (1), PN Sockett, PhD (1,2)

  1. Centre des maladies infectieuses d'origine alimentaire, environnementale et zoonotique, Agence de la santé publique du Canada, Guelph et Ottawa (Ontario)
  2. Département de médecine de la population, Université de Guelph, Guelph (Ontario)

Résumé

Introduction

L'Étude nationale des maladies gastro-intestinales aiguës (ENMGA) vise à produire des taux de prévalence des MGA déclarées par les victimes par période de référence dans les collectivités de l'ensemble du Canada, à évaluer le fardeau associé aux MGA et à quantifier la sous-notification des MGA dans les systèmes nationaux de déclaration des maladies entériques au Canada.

Méthodes

Les méthodes utilisées comportaient notamment des sondages téléphoniques réalisés de façon aléatoire auprès de la population. Trois enquêtes ont été menées à trois endroits différents auprès de plus de 10 000 résidents canadiens. Les questions portaient sur les symptômes récents, sur les facteurs sociodémographiques, sur l'utilisation du système de soins de santé ainsi que sur les absences du travail ou de l'école en raison de la maladie.

Résultats

Pour résumer les résultats publiés, il y a environ 1,3 épisode de MGA par année-personne et approximativement 10 à 47, 13 à 37 et 23 à 49 cas de MGA dans la collectivité pour chaque cas de Escherichia coli producteur de vérotoxines, de Salmonella et de Campylobacter recensé dans le système national de surveillance. Les MGA représentent un coût annuel par habitant de 115 $CAN.

Analyse

Les travaux de l'ENMGA mettent en évidence le fardeau considérable et l'incidence importante des MGA au sein de la population canadienne. Ces résultats seront également intégrés aux travaux qui sont en cours à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) afin d'évaluer le fardeau des maladies d'origine alimentaire à l'échelle de la planète.

Introduction

Les maladies gastro-intestinales aiguës (MGA) sont un problème d'envergure mondiale dont la mortalité et la morbidité touchent à la fois les pays développés et en développement. Elles sont causées par des agents variés et transmises fréquemment par la nourriture ou par l'eau. Les symptômes, qui se traduisent généralement par une diarrhée ou des vomissements, sont souvent accompagnés de fièvre, de crampes, de nausées et de maux de tête.

Une meilleure compréhension de la transmission des pathogènes entériques a permis d'élaborer une réglementation et de créer des programmes d'intervention afin de lutter contre ces maladies ou de les prévenir et de concevoir des activités de surveillance soutenues pour observer les tendances de ces maladies. Avec l'accroissement de la mondialisation, des déplacements et du commerce et les incidences des changements climatiques, parmi d'autres facteurs, des actvités de recherche continues s'avèrent nécessaires pour s'attaquer aux risques nouveaux ou possibles et pour les atténuer.

L'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a conçu l'Étude nationale des maladies gastro-intestinales aiguës (ENMGA) en 1999 afin de combler le manque d'information sur l'envergure, la répartition et le fardeau des MGA au Canada. Les objectifs généraux de l'initiative consistaient notamment : à produire des taux de prévalence des MGA déclarées par les victimes par période de référence dans les collectivités de l'ensemble du Canada; à évaluer le fardeau socio-économique lié aux MGA; à décrire et à quantifier la sous-notification des MGA dans les systèmes nationaux de déclaration des maladies entériques au Canada et à concevoir des études qui permettent de mieux comprendre les facteurs de risque et les séquelles chroniques qui sont associés aux MGA au Canada. Le but ultime de ces études est de diminuer l'ampleur et le fardeau des MGA au Canada par la mise au point d'interventions spécifiques et mesurables(1). Les approches privilégiées jusqu'à maintenant ont pris la forme de sondages téléphoniques auprès de la population, d'une enquête nationale dans les laboratoires et de sondages régionaux auprès des médecins. Le présent article résume les principaux résultats des sondages réalisés auprès de la population et donne des détails sur les activités à venir dans le cadre des initiatives de l'ASPC liées aux MGA dans la population canadienne.

Aperçu de la méthodologie

Sondages auprès de la population
Depuis sa création, l'ENMGA a donné lieu à trois sondages télépho-niques menés auprès de répondants choisis au hasard sur une période de 12 mois à trois endroits différents : (1) dans la ville de Hamilton, en Ontario(2), (2) dans trois régions de la Colombie-Britannique (C.-B.)(3) et (3) dans la province de l'Ontario(4). L'étude dans la ville de Hamilton s'est tenue de février 2001 à février 2002 auprès de 3 496 résidents. L'étude dans des régions de la Colombie-Britannique a eu lieu de juin 2002 à juin 2003 auprès de 4 612 résidents. L'étude dans la province de l'Ontario s'est déroulée de mai 2005 à mai 2006 auprès de 2 090 résidents.

Dans le cadre de ces enquêtes réalisées auprès d'échantillons représentatifs de la population, une définition très large des cas a été adoptée afin de bien recenser les cas de MGA. Les personnes étaient définies comme des cas lorsqu'elles avaient eu des vomissements ou de la diarrhée au cours des 28 jours précédents. Les « vomissements » étaient décrits comme l'expulsion forcée du contenu de l'estomac hors de l'organisme tandis que la « diarrhée » se définissait comme des selles anormalement liquides ou comme toutes selles liquides. Les personnes qui avaient des affections ou des maladies préexistantes, diagnostiquées par un médecin, et un symptôme courant qui prenait la forme de vomissements ou d'une diarrhée n'étaient pas considérées comme des cas, mais comprises comme des non-cas.

Sous-notification et coût
Les données recueillies lors des sondages effectués auprès de la population ont été jumelées à d'autres données variées afin de produire des estimations du coût et de la sous-notification des MGA ainsi que des estimations de la sous-notification selon le pathogène. Des méthodes détaillées sont proposées(5-8).

Résumé des résultats publiés

Sondages auprès de la population

Étude dans la ville de Hamilton
Les résultats de l'étude dans la ville de Hamilton ont été déclarés en détail ailleurs. En résumé, 351 des 3 495 répondants ont été déterminés comme des cas de MGA, ce qui a donné une prévalence mensuelle de 10,0 % (IC de 95 % = 9,9 à 10,1) et un taux d'incidence annuel de 1,3 (IC de 95 % = 1,1 à 1,4) épisode par année-personne. La prévalence observée était beaucoup plus importante (p < 0,05) parmi les répondantes (12 %) que parmi les répondants (9 %). Une plus grande prévalence a été notée chez les répondants âgés de < 10 ans et chez les jeunes de 20 à 24 ans (figure 1). Des pics saisonniers ont été remarqués en avril et en octobre (figure 2).

Étude dans des régions de la Colombie-Britannique
Les résultats de l'étude dans des régions de la Colombie-Britannique ont été déclarés en détail ailleurs. En résumé, 451 des 4 612 répondants ont été déterminés comme des cas de MGA, ce qui a donné une prévalence mensuelle de 9,8 % (IC de 95 % = 8,9 à 10,6) et un taux d'incidence annuel de 1,3 (IC de 95 % = 1,1 à 1,4) épisode par année-personne. La prévalence observée était beaucoup plus importante (p < 0,05) parmi les répondantes (11 %) que parmi les répondants (9 %). Une plus grande prévalence a été notée parmi les répondants âgés de < 15 ans (figure 1). Des pics saisonniers ont été remarqués en hiver et en été (figure 2).

 

Figure 1 : Prévalence mensuelle des maladies gastro-intestinales aiguës par âge pour les études réalisées dans la ville de Hamilton, dans des régions de la Colombie-Britannique et dans la province de l'Ontario

Figure 1 : Prévalence mensuelle des maladies gastro-intestinales aiguës par âge pour les études réalisées dans la ville de Hamilton, dans des régions de la Colombie-Britannique et dans la province de l'Ontario

 

Figure 2 : Prévalence mensuelle des maladies gastro-intestinales aiguës par mois d'étude pour les études effectuées dans la ville de Hamilton, dans des régions de la Colombie-Britannique et dans la province de l'Ontario

Figure 2 : Prévalence mensuelle des maladies gastro-intestinales aiguës par mois d'étude pour les études effectuées dans la ville de Hamilton, dans des régions de la Colombie-Britannique et dans la province de l'Ontario

 

Figure 3 : Calculs utilisés pour déterminer le nombre approximatif d'épisodes de maladies d'origine alimentaire au Canada par année


1,3 épisode de MGA par année-personne X 32 millions de Canadiens =
42 millions d'épisodes de MGA par année X 0,75 épisode provoqué par des pathogènes entériques X 0,36 épisode provoqué par des aliments =
11 millions d'épisodes de maladies d'origine alimentaire au Canada par année


Étude dans la province de l'Ontario
Les résultats de l'étude dans la province de l'Ontario ont été déclarés en détail ailleurs. En résumé, 179 des 2 090 répondants ont été déterminés comme des cas de MGA, ce qui a donné une prévalence mensuelle de 8,6 % (IC de 95 % = 7,4 à 9,8) et un taux d'incidence annuelle de 1,2 (IC de 95 % = 0,99 à 1,4) épisode par année-personne. La prévalence observée était légèrement plus importante (p = 0,08) parmi les répondantes (9 %) que parmi les répondants (7 %). Une plus grande prévalence a été notée parmi les répondants âgés de < 10 ans (figure 1). Un pic saisonnier a été remarqué entre les mois de février et d'avril (figure 2).

Sous-notification et coût

Pour chaque cas déclaré en Ontario(5) et en Colombie-Britannique(6), entre 313 et 347 cas se manifesteraient respectivement dans la collectivité. En outre, les MGA représentent un coût annuel par habitant de 115 $ CAN(7) en soins de santé et en perte de productivité selon l'étude réalisée dans la ville de Hamilton(2). L'élément de coût le plus important est la perte de rémunération subie par les personnes atteintes d'une MGA et les absences au travail des aidants naturels. Si ce chiffre est généralisé à l'ensemble de la population canadienne, le coût annuel des MGA au Canada s'élèverait à 3,7 milliards de dollars canadiens. Cela dit, compte tenu des différences possibles sur le plan géographique, d'autres études s'avèrent nécessaires afin d'établir un coût plus juste pour la population canadienne.

Pour chaque cas de Escherichia coli producteur de vérotoxines, de Salmonella et de Campylobacter, il y avait entre 10 et 47, 13 et 37 et 23 et 49 cas de MGA respectivement dans la population canadienne vers l'an 2000(8). Les coûts liés aux cas attribuables à des pathogènes particuliers n'ont pas encore été évalués pour le Canada.

Analyse

Les résultats présentés ici font ressortir le fardeau considérable et l'incidence importante des MGA au sein de la population canadienne et ils donnent un aperçu des constatations issues de l'ÉNMGA jusqu'à présent. Ils illustrent les répercussions des MGA au Canada et ils permettent de faire des comparaisons avec d'autres pays. Dans l'ensemble, l'incidence et la répartition des MGA au Canada sont comparables aux estimations qui proviennent d'autres études menées en Irlande, aux Pays-Bas, aux États-Unis et en Australie(9-12).

Ces estimations des MGA permettront de déterminer l'incidence et le fardeau précis qui sont d'origine alimentaire. En extrapolant les résultats des études publiées en 1999 qui proviennent des États-Unis(13), où 75 % des MGA sont censées être liées à une infection entérique par opposition à 25 % des MGA qui sont causées par une infection respiratoire et à environ 36 % de ces infections entériques qui sont associées aux aliments, il est possible de faire une estimation plausible du nombre de cas de maladies d'origine alimentaire au Canada. En supposant une incidence annuelle de MGA de 1,3 épisode par année-personne, environ 11 millions d'épisodes de maladies d'origine alimentaire surviendraient chaque année au Canada (figure 3). Cette estimation engloberait vraisemblablement un éventail complet de symptômes et de degrés de gravité ainsi qu'une proportion élevée de personnes atteintes d'une maladie relativement bénine. Les initiatives en cours, comme C-EnterNet(14), contribuent à décrire plus exactement le fardeau occasionné par les aliments et les combinaisons aliments-pathogènes.

Pour bien comprendre le fardeau des MGA, des travaux plus poussés doivent être effectués afin d'étudier l'impact des séquelles à long terme provoquées par les MGA et pour examiner, en détail, les causes de la sous-notification de ces maladies aux autorités de santé publique et les distinctions en matière de sous-notification entre les régions. L'OMS, qui s'emploie à estimer le fardeau des maladies d'origine alimentaire à la grandeur du globe à l'aide des années de vie corrigées de l'incapacité (AVCI), inclura l'incidence des séquelles à long terme causées par une infection avec des pathogènes entériques particuliers(15). Les résultats de l'ENMGA seront intégrés à ces estimations.

Les résultats présentés ici constituent un résumé provisoire des activités de l'ENMGA réalisées jusqu'à maintenant. Il y a plusieurs activités en cours ou planifiées qui contribueront à l'épidémiologie des MGA au Canada. Par exemple, le sondage auprès de la population du Québec déterminera l'incidence des MGA sur la population et leur répartition dans des régions définies de la province, en plus d'examiner les liens entre les MGA et les facteurs de risque dans les domaines de l'agriculture et des changements climatiques. L'étude étiologique sur la collectivité déterminera l'incidence de ces maladies selon le pathogène et la répartition des MGA au Canada. En collaboration avec le projet de l'OMS susmentionné, l'étude sur le fardeau des maladies d'origine alimentaire déterminera la morbidité, la mortalité et le coût au Canada des pathogènes couramment transmis par les aliments. Une fois ces projets terminés, des efforts seront déployés afin de continuer d'évaluer les séquelles chroniques et les facteurs de risque associés aux MGA au Canada.

Remerciements

Les auteurs aimeraient remercier : l'équipe responsable de l'ENMGA à l'ASPC, l'équipe chargée de l'ENMGA au Centre d'épidémiologie de la Colombie-Britannique, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario, le Registre national des maladies à déclaration obligatoire, l'Université de Guelph, l'Université McMaster, le Laboratoire national de microbiologie, le Laboratoire de lutte contre les zoonoses d'origine alimentaire et le Centre des maladies infectieuses d'origine alimentaire, environnementale et zoonotique.

Références

  1. Agence de la santé publique du Canada. Étude nationale des maladies gastro-intestinales aiguës, consulté en décembre 2007.
  2. Majowicz SE, Doré K, Flint JA et coll. Magnitude and distribution of acute, self-reported gastrointestinal illness in a canadian community. Epidemiol Infect 2004;132(4):607-617.
  3. Thomas MK, Majowicz SE, MacDougall L et coll. Population distribution and burden of acute gastrointestinal illness in British Columbia Canada. BMC Public Health; 19 déc. 2006;6;307.
  4. Sargeant JM, Majowicz SE, Snelgrove J. The burden of acute gastrointestinal illness in Ontario, Canada, 2005-2006. Epidemiol Infect 2007;13:1-10.
  5. Majowicz SE, Edge VL, Fazil A et coll. Estimating the under-reporting rate for infectious gastrointestinal illness in Ontario. CJPH 2005;96(3):178-81.
  6. MacDougall L, Majowicz S, Dore K et coll. Under-reporting of infectious gastrointestinal illness in British Columbia Canada: Who is counted in provincial communicable disease statistics? Epidemiol Infect 2008;136(2):248-55.
  7. Majowicz SE, McNab WB, Sockett P et coll. The burden and cost of gastrointestinal illness in a canadian community. J Food Prot 2006;69(3):651-59.
  8. Thomas MK, Majowicz SE, Sockett PN et coll. Estimated numbers of community cases of illness due to Salmonella, Campylobacter and Verotoxigenic Escherichia coli. Can J Infect Dis Med Microbial 2006;17(4):229-34.
  9. Scallan E, Fitzgerald M, Collins C et coll. Acute gastroenteritis in Northern Ireland and the Republic of Ireland: A telephone survey. Commun Dis Public Health 2004;7:61-7.
  10. de Wit MAS, Koopmans MPG, Kortbeck LM et coll. Sensor, a population-based cohort study on gastroenteritis in the Netherlands, incidence and etiology. Am J Epidemiol 2001;154:666-74.
  11. Herikstad H, Yang S, Van Gilder TJ et coll. A population-estimate of the burden of diarrhoeal illness in FoodNet surveillance areas 1998-1999. Epidemiol Infect 2002;129:9-17.
  12. Hall GV, Kirk MD, Ashbolt R, et coll. Frequency of infectious intestinal illness in Australia, 2002: Regional, seasonal and demographic variation. Epidemiol Infect 2006;134:111-18.
  13. Mead PS, Slutsker L, Dietz V et coll. Food related illness and death in the United States. Emerg Infect Dis 1999;5:607-25.
  14. Agence de la santé publique du Canada, C-EnterNet, consulté en décembre 2007.
  15. World Health Organization, Foodborne Disease Surveillance.

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