Relevé des maladies transmissibles au Canada

 

septembre 2008

Volume 34
numéro 09

Rapport mensuel

Déterminants de la couverture vaccinale avant l'âge de 2 ans dans une cohorte de la population de la Région sanitaire d'Edmonton, Alberta

J Zhang, MPH, MSc (1), A Ohinmaa, PhD (1,2), T-H Nguyen, MPH (3), L Mashinter, BSc, RN (4), A Hanrahan, MN (4), J Loewen, BN (4), W Vaudry, MD, FRCPC (5), P Jacobs, PhD (2,6)

  1. Université de l'Alberta, École de la santé publique, Edmonton (Alberta), Canada
  2. Institut d'économie de la santé, Edmonton (Alberta), Canada
  3. Ministère de la Santé et du Bien-être de l'Alberta, Edmonton (Alberta), Canada
  4. Région sanitaire d'Edmonton, Edmonton (Alberta), Canada
  5. Université de l'Alberta, Département de pédiatrie, Edmonton (Alberta), Canada
  6. Université de l'Alberta, Département de médecine, Edmonton (Alberta), Canada

Introduction

La vaccination systématique des enfants est réputée l'une des interventions de santé publique les plus rentables pour protéger les enfants contre des maladies infectieuses mortelles comme la diphtérie, la rougeole et la méningite bactérienne(1,2) .

L'Alberta offre la vaccination sans frais pour tous les enfants de la province. Son calendrier de vaccination suit les recommandations nationales(3) , soit cinq vaccins uniques et composés dans les 2 premières années de vie afin de protéger les enfants contre 11 maladies différentes. Le calendrier recommandé et le nombre de doses nécessaires pour les enfants de zéro à 2 ans dépendent de l'âge de l'enfant au début du calendrier de vaccination et, dans le cas de la varicelle, si l'enfant a déjà eu la maladie.

L'objectif de l'Alberta à l'égard de la couverture vaccinale systématique des enfants est le suivant : 97 % des enfants auront reçu quatre doses des vaccins DCaT/VPI/Hib et Pneu-C-7 et trois doses du vaccin Men-C, et 98 % auront reçu une dose du vaccin contre la rougeole-rubéole-oreillons (RRO) et la varicelle (Var) avant l'âge de 24 mois.

Plusieurs études ont examiné les déterminants de la couverture vaccinale avant l'âge de 2 ans. Parmi les principaux facteurs liésà des taux de vaccination faibles, elles ont mis en lumière les préoccupations des parents relatives à l'innocuité et à l'efficacité des vaccins, les risques d'effets secondaires et la crainte non fondée que de multiples vaccins puissent surcharger le système immunitaire de l'enfant(4-7) . D'autres études ont systématiquement montré que le statut socioéconomique et, en particulier, la scolarité de la mère, le revenu, la taille de la famille et la race déterminent si l'enfant reçoit un vaccin(8-10) . Les croyances des parents concernant l'effet protecteur de l'allaitement maternel, de la médecine complémentaire et d'une vie saine pour renforcer l'immunité sont d'autres facteurs(5) . La facilité de l'accès aux soins de santé, par exemple les délais d'attente courts dans les cliniques, et l'emplacement commode des soins de santé, sont d'autres facteurs qui améliorent les taux d'immunisation(5,7) .

Une meilleure compréhension de la façon dont différents facteurs influent sur les taux d'immunisation pourrait aider les gestionnaires de la santé publique à augmenter la couverture vaccinale dans leur région. La présente étude vise à déterminer les facteurs démographiques et socioéconomiques et d'autres facteurs liés aux taux de couverture des programmes systématiques de vaccination chez les enfants avant l'âge de 2 ans dans la Région sanitaire d'Edmonton (Alberta). Nous avons extrait des données d'ensembles de données couvrant toute la population. Ces ensembles étaient disponibles grâce au système public de vaccination de l'Alberta et au registre provincial couvrant l'ensemble de la population.

Méthodes

Dans la Région sanitaire d'Edmonton, le programme de vaccination systématique des enfants est exécuté par l'intermédiaire d'un programme de santé publique universel. Les données sur la vaccination dans cette région sont consignées et stockées dans une base de données centralisée, Caseworks. Un dossier est créé à la naissance pour chaque enfant né en Alberta qui résidera dans la Région sanitaire d'Edmonton. Le dossier comprend des renseignements sur l'enfant, la mère et la famille. L'information relative à la vaccination est mise à jour à chaque contact avec le système public de soins de santé. Les dossiers de vaccination des enfants qui ont déménagé hors de la région sont désactivés et exclus des calculs. Les dossiers d'enfants qui déménagent dans la région sont créés au moment du premier contact avec le système public de soins de santé et les vaccinations précédentes sont saisies dans Caseworks. D'autres données sur la santé des enfants, dont l'information démographique et socioéconomique, sont stockées dans la base de données provinciale, le dossier de santé électronique Wellnet de l'Alberta qui met en relation les renseignements sur le patient provenant de cliniques, d'hôpitaux, de pharmacies et d'autres points de prestation de soins.

La population de l'étude comprend tous les enfants ayant un dossier actif dans la base de données Caseworks dans la Région sanitaire d'Edmonton, nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 2002 (n = 4 988). Nous avons extrait les renseignements sur les activités de vaccination et d'autres données pertinentes de Caseworks pour cette cohorte jusqu'au 31 décembre 2004. Nous avons fusionné ces données avec les données du ministère de la Santé et du Bien-être de l'Alberta (AHW) sur les caractéristiques démographiques et socioéconomiques des enfants au moyen du numéro d'assurance-santé (NAS) dans les deux ensembles de données. Après qu'AHW ait fusionné les ensembles de données, les données ont été dépouillées des NAS et d'autres identificateurs pour les rendre anonymes puis les données ont été transmises aux chercheurs.

Les variables employées dans la présente étude comprennent des variables continues : l'âge de la mère à l'accouchement et le nombre de frères et soeurs des bébés; et des variables binaires : sexe des bébés (masculine = 1); âge gestationnel < 38 semaines; âge gestationnel > 42 semaines; allaitement maternel exclusif ou conjugué au lait maternisé; accouchement par césarienne; état civil de la mère comme célibataire; état civil de la mère comme conjointe de fait; statut de membre d'une Première nation; endroit de l'accouchement à l'hôpital (Edmonton = 1); endroit de prestation des soins de santé permanents (Edmonton = 1); accouchement par une sage-femme; bénéficiaire d'aide sociale (si les parents sont bénéficiaires d'une quelconque forme d'aide sociale pour l'enfant, d'aide sociale générale ou d'aide sociale pour Autochtones, le code = 1); et mère âgée de 30 à 40 ans ayant déjà un enfant. Nous avons aussi pris en compte quelques termes d'interaction entre les variables indépendantes.

Nous avons calculé les taux de vaccination pour chacun des antigènes employés dans le programme de vaccination systématique des enfants (DCaT/VPI/Hib, Men-C, Pneu-C-7, RRO et Var). Nous avons mis au point un progiciel spécifique pour suivre le calendrier de vaccination recommandé de l'Alberta et calculé le taux de vaccination individuel pour chaque vaccin. Les détails de l'algorithme de calcul sont publiés ailleurs(13) . Comme chaque composante du vaccin DCaT/VPI/Hib est saisie séparément dans la base de données Caseworks, nous les avons évaluées séparément.

Nous avons considéré qu'un enfant avait une couverture vaccinale complète s'il avait reçu le nombre correct de doses avec un intervalle convenable entre les doses, tel qu'indiqué dans le calendrier. Nous avons considéré que la couverture était partiellement complète si l'enfant avait commencé une série de vaccins mais n'avait pas reçu le nombre de doses recommandé ou si les intervalles indiqués entre les doses n'avaient pas été respectés. Nous avons considéré que l'enfant n'était pas immunisé s'il n'avait reçu aucune dose du vaccin. Enfin, nous avons considéré que la couverture était non complète si l'enfant se classait dans les catégories partiellement complète ou non immunisé. À l'égard de l'immunisation contre la varicelle, les enfants qui avaient eu la maladie n'étaient pas admissibles au vaccin selon les lignes directrices de l'Alberta et nous les avons considérés immunisés.

Données

Nous avons vérifié les facteurs relatifs aux caractéristiques démographiques et socioéconomiques dans les bases de données de la Région sanitaire d'Edmonton et d'AHW pour les 4 988 enfants faisant partie de la cohorte de six mois. Pour la cohorte de l'étude, les données démographiques de 521 enfants et les données socioéconomiques de 434 enfants étaient systématiquement absentes de la base de données parce que les familles de ces enfants avaient déménagé hors de la Région sanitaire d'Edmonton ou dans cette région au cours de la période de suivi. Vu l'absence de données, nous avons exclu les 521 enfants de l'étude de modélisation. Les autres 4 467 enfants (90 %) constituent la population finale de l'étude.

Le tableau 1 résume les données démographiques et socioéconomiques. Sur 4 988 enfants, 48,6 % sont des filles et 3,8 % sont des Indiens visés par un traité. L'âge de la mère à l'accouchement varie de 14 à 45 ans, la moyenne étant de 29 ans (écart type = 5,43). Du total, 25,4 % des enfants sont nés par césarienne. Des sages-femmes n'ont fait qu'une petite partie (0,8 %) des accouchements. La plupart des accouchements (86,3 %) sont survenus dans les limites de la ville d'Edmonton et le Centre de santé publique pour la plupart des enfants était aussi le plus souvent situé à Edmonton (69 %). La plupart des enfants étaient allaités ou nourris par une combinaison d'allaitement maternel et de lait maternisé (84,9 %) (tableau 1).

La majorité des familles ne touchaient pas de prestations d'aide sociale. La forme la plus courante d'aide sociale est l'aide sociale générale (3,7 %) et l'aide sociale pour Autochtones (3,8 %).

Tableau 1. Statistiques descriptives des variables de base

Variables

n (%)

Sexe
Féminin# 2 171 (48.6)
Masculin 2 296 (51.4)
Fratrie*
Aucun 1 969 (44.1)
Un 1 566 (35.1)
Plus de un 932 (20.9)
Premières nations
Oui 168 (3.8)
Non 4 086 (91.5)
Données manquantes 213 (4.8)
Méthode d'accouchement
Par voie vaginale# 3 334 (74.6)
Par césarienne 1 133 (25.4)
Méthode d'alimentation
Allaitement maternel seulement
ou avec lait maternisé
3 791 (84.9)
Lait maternisé seulement# 676 (15.1)
Accouchée par une sage-femme
Oui 35 (0.8)
Non# 4 432 (99.2)
Âge de la mère*
< 20 193 (4.3)
20-30 2 489 (55.7)
> 30 1 785 (40.0)
État civil
Monoparentale 476 (10.7)
Mariée# 3 335 (74.7)
Conjointe de fait 656 (14.7)
Âge gestationnel
< 38 semaines 387 (8.7)
Entre 38 et 42 semaines# 3 605 (80.7)
> 42 semaines 475 (10.6)

Variables

n (%)

Endroit de l'accouchement
À Edmonton 3 855 (86.3)
Hors d'Edmonton# 612 (13.7)
Endroit du centre de santé
À Edmonton 3 083 (69.0)
Hors d'Edmonton# 1 384 (31.0)
Bénéficiaire de subvention
Bénéficiare d'aide sociale 648 (14.5)
Personne subventionée 85 (1.9)
Aucune# 3 521 (82.8)
Bénéficiaire d'aide sociale
Aide sociale pour l'enfant 15 (0.3)
Aide sociale générale 167 (3.7)
Aide sociale pour autochtones 168 (3.8)
Autres# 3 904 (91.8)
Mère âgée de 30 à 40 ans ayant un
autre enfant
Oui 818 (18.3)
Non# 3 649 (81.7)
Bénéficiaire d'aide sociale générale
ayant un frère ou une soeur
Oui 50 (1.1)
Non# 4 417 (98.9)
Autochtone bénéficiaire d'aide sociale
ayant un frère ou une soeur
Oui 54 (1.2)
Non# 4 413 (98.8)

 

#Groupe de référence lorsque les données sont incluses dans le modèle de régression logistique.

*Variable continue lorsque les données sont incluses dans le modèle de régression logistique.

Analyse statistique

Une analyse de régression logistique a permis de comparer les liens statistiques entre les groupes de vaccination complète (valeur 1) et non complète (valeur 0). Nous avons contrôlé la multicolinéarité entre les facteurs démographiques et socioéconomiques en examinant les corrélations (variables continues et ordinales) et les associations (variables nominales) entre les variables indépendantes en plus d'examiner les facteurs d'inflation de la variance(11) . Nous avons adopté une procédure de sélection par régression pas à pas descendante pour obtenir les déterminants qui ont nettement contribué aux taux de vaccination infantile. La valeur p = 0,05 a servi à déterminer les associations significatives du point de vue statistique. Toutes les analyses statistiques ont été exécutées dans la version 14.0 du Progiciel statistique pour les sciences sociales (SPSS).

L'étude a obtenu l'approbation du Conseil de l'éthique en recherche sur la santé de l'Université de l'Alberta.

Résultats

Le tableau 2 montre les taux de vaccination systématique recommandés pour les 4 467 enfants dans la cohorte. Les taux de vaccination complète pour les cinq vaccins simples et composés variaient de 85,5 % (Pneu-C-7) à 94,2 % (Men-C). Les taux de nonvaccination étaient plus élevés pour les vaccins Var et RRO, soit 9,8 % et 6,2 % respectivement. La plupart des enfants de la cohorte ont commencé leur série de vaccins à doses multiples, soit 97,9 % pour DCaT/VPI/Hib, 97,3 % pour Men-C et 96,5 % pour Pneu-C-7. Toutefois, > 10 % ne l'ont pas complétée.

Tableau 2. Taux de couverture du programme de vaccination dans la Région sanitaire (à 2 ans, n = 4 467)

 
DCaT/VPI (ou
l'équivalent)
n (%)
Hib
n (%)
Men-C
n (%)
Pneu-C-7
n (%)
MMR
n (%)
Var
n (%)
Complète 3 891 (87.1%) 3 909 (87.5%) 4 260 (94.2%) 3 832 (85.8%) 4 192 (93.8%) 3 929 (88.0%)
Partielle 482 (10.8%) 464 (10.4%) 87 (1.9%) 477 (10.7%) N.D. N.D.
Non vacciné 94 (2.1%) 94 (2.1%) 120 (2.7%) 158 (3.5%) 275 (6.2%) 438 (9.8%)
Immunisé par la maladie N.D. N.D. N.D. N.D. N.D. 100 (2.2%)
DCaT/VPI – Diphtérie, tétanos, anticoquelucheux acellulaire, antipoliomyélitique inactivé
Hib – Haemophilus influenzae de type b
Men-C – Méningocoque conjugué
Pneu-C-7 – Pneumocoque conjugué – 7-valent
RRO – Rougeole, rubéole, oreillons
Var – Varicelle

 

Les facteurs significatifs (tableau 3) liés aux taux de vaccination complète montrent qu'à mesure que la mère vieillit, les taux de vaccination augmentent tandis qu'à mesure que le nombre de frères et soeurs augmente, les taux de vaccination diminuent. Les bébés dont la mère est âgée entre 30 et 40 ans et a un autre enfant sont plus susceptibles d'être vaccinés. À l'inverse, l'état civil de la mère comme conjointe de fait ou chef de famille monoparentale est négativement lié au fait de compléter toute la série de vaccins. L'aide de sages-femmes à l'accouchement est négativement corrélée, de façon significative, avec le taux de vaccination. Les enfants nés par césarienne montrent une association positive significative avec les taux de vaccination. Le fait d'être prestataire d'aide sociale générale ou d'une subvention aux fins de la cotisation au régime d'assurance-santé est corrélé de façon significative avec une série de vaccination incomplète. Enfin, les bébés ayant un âge gestationnel > 42 semaines sont moins susceptibles d'être complètement vaccinés.

 

Tableau 3. RC des variables significatives du point de vue statistique dans le modèle de régression logistique multivariable de cinq programmes de vaccination : vaccination complète ou non complète (partiellement complète + non vacciné)

Variables
DTaP-IPV (ou
l'équivalent)
RC (p)
Hib
RC
(p)
Men-C
RC
(p)
Pneu-C-7
RC (p)
MMR
RC
(p)
Var
RC (p)
Âge de la mère 1.077 (0.000) 1.079 (0.000) 1.060 (0.000) 1.065 (0.000) 1.050 (0.000) 1.004 (0.000)
Monoparentale 0.473 (0.000) 0.477 (0.000)   0.531 (0.000)    
Conjointe de fait 0.445 (0.000) 0.428 (0.000) 0.641 (0.013) 0.525 (0.000) 0.642 (0.006)  
Nombre de frères et
soeurs
0.637 (0.000) 0.625 (0.000) 0.681 (0.000) 0.645 (0.000) 0.708 (0.000) 0.709 (0.000)
Mère âgée de 30 à 40
ans avec un autre enfant
        2.248 (0.002) 1.601 (0.009)
Accouchement par une
sage-femme
0.091 (0.000) 0.109 (0.000) 0.058 (0.000) 0.093 (0.000) 0.079 (0.000) 0.071 (0.012)
Accouchement par une
césarienne
1.343 (0.020)   1.744 (0.008) 1.405 (0.004) 1.362 (0.078)  
Âge gestationnel > 42 semaines 0.685 (0.009) 0.706 (0.019)   0.721 (0.017)    
Bénéficiaire d'aide sociale générale 0.665 (0.033) 0.671 (0.039)        
Première nation           1.794 (0.015)

Toutes les variables explicatives incluses dans le modèle de régression logistique étaient indépendantes.

Discussion

Il est important de déterminer les taux de vaccination afin d'évaluer la couverture vaccinale au sein de groupes de la population et de mettre au point des plans stratégiques. Le modèle de régression logistique montre que l'âge de la mère, le fait d'avoir une mère âgée entre 30 et 40 ans ayant un autre enfant, la disponibilité des services dans le territoire urbain et l'accouchement par césarienne sont des facteurs liés à des taux de vaccination plus élevés. La corrélation entre l'union de fait ou le statut de chef de famille monoparentale et le respect du calendrier complet de vaccination est négative, comme pour l'accouchement par une sage-femme ou le fait de toucher des prestations d'aide sociale.

Les taux de vaccination calculés pour les bébés dans notre échantillon pour lesquels nous disposions de tous les renseignements sociodémographiques sont légèrement différents des taux publiés pour l'ensemble de la population de la Région sanitaire d'Edmonton(13) . Le pourcentage de vaccination complète pour les cinq vaccins inclus dans le programme de vaccination systématique est légèrement plus élevé dans cette sous-population que dans la population générale. Le déménagement dans ou hors de la région peut être un facteur important pour expliquer cette différence mais malheureusement, il est impossible de déterminer avec certitude pourquoi des taux de vaccination différents sont rapportés. Les taux de vaccination obtenus pour cette sous-population décrivent de façon plus précise la véritable couverture dans cette cohorte de 6 mois puisque ces bébés sont plus susceptibles d'être restés dans la région pendant toute la période de 2 ans.

La couverture varie beaucoup pour les vaccins recommandés. Les taux de couverture complète pour le vaccin RRO sont supérieurs aux taux pour le vaccin DCaT/VPI/Hib. Il faut plus de doses pour compléter la série du vaccin DCaT/VPI/Hib que pour compléter la série du vaccin RRO. À mesure que le nombre de doses nécessaires pour compléter une série augmente, le taux de vaccination complète diminue. À l'âge de 2 ans, 11,3 % des bébés avaient une couverture partielle pour le vaccin DCaT/VPI/Hib, mais certains d'entre eux ont complété ultérieurement leur série de vaccins. De plus, il y avait un écart entre les taux de vaccination complète pour le vaccin Hib et les doses du vaccin DCaT/VPI. Cela peut être dû au fait que les calendriers de vaccination commencent plus tard et nécessitent moins de doses pour Hib que pour DCaT/VPI, d'où les taux de vaccination complète plus élevés pour Hib. Par ailleurs, à mesure que l'âge à l'administration d'un premier vaccin augmente (Annexe 1), le pourcentage des enfants non vaccinés augmente également. Les taux de non-vaccination pour RRO et Var sont plus élevés que pour les autres vaccins recommandés.

Les bénéficiaires d'aide sociale générale ont des taux de vaccination nettement plus faibles pour les deux vaccins (DCaT/VPI et Hib). Comme tous les enfants des Premières nations étaient prestataires d'aide sociale, cela révèle que leur taux de vaccination n'est pas différent de celui d'autres familles à faible revenu, mais les enfants des Premières nations ont des taux de vaccination plus élevés pour le vaccin Var.

En outre, notre analyse montre une corrélation négative entre l'accouchement par une sage-femme et les taux de vaccination, ce qui peut découler d'une croyance répandue au sein de cette population selon laquelle les méthodes naturelles de promotion de la santé sont préférables aux interventions comme la vaccination (p. ex., le recours à une sage-femme étant plus naturel que le contexte rigide et hautement technique de l'hôpital). Ces croyances sont souvent incompatibles avec la vaccination.

En plus du modèle employé pour comparer les groupes à couverture complète et non complète, nous avons aussi produit trois modèles pour comparer les groupes à couverture complète, partiellement complète et non immunisés. Les résultats de ces modèles sont compatibles avec les résultats du modèle de régression logistique comparant les populations à couverture complète et non complète.

Les conclusions de notre étude concordent avec la plupart des facteurs de risque mentionnés dans les écrits spécialisés. Les taux de vaccination faibles sont corrélés de façon significative avec les familles à faible revenu aux États-Unis(5,8) et en Australie(7) . D'autres chercheurs (Gust et coll.(8) et Haynes et coll.(7) ont constaté que l'état civil de la mère, comme conjointe de fait et chef de famille monoparentale, est négativement corrélé avec l'observation complète des calendriers de vaccination. L'étude de Hamilton(5) , exécutée en Nouvelle-Zélande, a révélé l'effet négatif du recours à une sage-femme lors de l'accouchement. Toutefois, dans certains pays où les accouchements sont surtout faits par des sages-femmes, comme en Finlande et en Suède, les taux de couverture approchent les 100 %(14) . Les bébés de familles moins nombreuses ont une plus grande probabilité de recevoir une vaccination complète que ceux qui ont plus de frères et soeurs, d'après l'étude de Gust(8) . Contrairement à nos constatations, Gust et coll.(8) ont montré que l'allaitement maternel avait un effet négatif significatif sur les taux de couverture et Davis et coll.(10) ont constaté que les taux de couverture étaient faibles pour les bébés prématurés.

La présente étude comporte trois limitations. Premièrement, même si la base de données Caseworks saisit la grande majorité des enfants vivant dans la Région sanitaire d'Edmonton, il se peut que certains enfants n'ont pas été inclus dans l'échantillon, surtout si les familles s'étaient installées dans la région après la naissance de l'enfant et si celui-ci n'était pas inscrit dans le système public de soins de santé. Les données démographiques et socioéconomiques manquantes peuvent aussi masquer certains effets potentiels à l'égard des taux de vaccination. Deuxièmement, la possibilité d'un effet de cohorte existe bien qu'il n'y ait aucune raison de soupçonner que la cohorte échantillonnée dans la présente étude diffère de façon significative des autres enfants de la région. Enfin, les renseignements concernant d'autres facteurs de risque potentiel, comme la scolarité de la mère, n'étaient pas disponibles et, par conséquent, ils ne sont pas inclus dans la présente étude.

Il nous est impossible de déterminer, d'après nos données, pourquoi les taux de vaccination variaient d'un vaccin à un autre. Néanmoins, il semble que nous ne pouvons pas supposer que les taux de vaccination pour un vaccin seront identiques à ceux d'un autre vaccin même s'ils sont administrés simultanément. Les calendriers de vaccination deviennent plus complexes lorsque de nouveaux vaccins sont ajoutés au calendrier de vaccination systématique. Nos données semblent révéler des différences en fait d'observation et des interventions pertinentes sont nécessaires pour réduire les différences entre les vaccins et améliorer la couverture dans les groupes sousdesservis de la population. En outre, l'étude montre que les variables socioéconomiques et démographiques présentent systématiquement le même type d'association avec le taux de vaccination pour les différents vaccins si elles atteignent un niveau significatif du point de vue statistique.

Remerciements

Le financement de ce projet provient du Comité de coordination de la recherche de l'Institut d'économie sanitaire. Nous remercions particulièrement la Région sanitaire d'Edmonton et le ministère de la Santé et du Bien-être de l'Alberta d'avoir mis les données à notre disposition.

 

Annexe 1. Calendrier des vaccins administré aux enfants en Alberta

Vaccin Série primaire Modifications par rapport au calendrier
DTaP-IPV-Hib# 2 mois
4 mois
6 mois
18 mois

• Peut être administré dès l'âge de 6 mois.
• L'intervalle peut être ramené à 4 semaines.
• La quatrième dose peut être administrée dès l'âge de 15 mois, à condition que l'on prévoie un intervalle de ≥ 6 mois entre la 3e et la 4e doses.
• Si les vaccins DCaT-VPTI et Hib sont administrés séparément, la quatrième dose de DCaT-VPTI peut être administrée dès l'âge de 12 mois, à condition que l'on prévoie un intervalle de ≥ 6 mois entre la 3e et la 4e doses.

Dans le cas du vaccin anti-Hib


• Si la vaccination débute à l'âge de 7 à 11 mois, administrer deux doses espacées de 8 semaines. Une troisième dose doit être administrée à 18 mois (mais peut l'être dès l'âge de 15 mois).
• Si la vaccination débute à l'âge de 12 à 14 mois, administrer une dose, et une seconde à 18 mois (il est possible d'administrer cette dose dès l'âge de 15 mois).
• Si la vaccination débute à ≥ 15 mois, administrer une dose.

Pneumococcal conjugate-7-valent 2 mois
4 mois
6 mois
18 mois
• Peut être administré dès l'âge de 6 mois.
• L'intervalle peut être ramené à 4 semaines (sauf lorsque le premier vaccin de la série est administré à l'âge de 12 à 23 mois).
• Si la vaccination débute à l'âge de 7 à 11 mois, il faut prévoir un intervalle de 8 semaines entre les deux premières doses et administrer une troisième dose à 18 mois.
• Si la vaccination débute à l'âge de 12 à 23 mois, administrer deux doses, espacées de 8 semaines.
• Si la vaccination débute à ≥ 12 mois, administrer une dose.
• Il est possible d'administrer la 3e et la 4e doses n'importe quand après l'âge de 12 mois, à condition de prévoir un intervalle d'au moins 8 semaines entre la 3e et la 4e doses et entre la 2e et la 3e doses.
Meningococcal conjugate 2 mois
4 mois
6 mois
18 mois
• Si la vaccination débute à l'âge de 4 à < 12 mois, administrer deux doses espacées de 8 semaines.
• Si la vaccination débute à ≥ 12 mois, administrer une dose.
• L'intervalle peut être ramené à 4 semaines.
MMR* 12 mois • Si la dose est administrée avant l'âge de 1 an, considérer qu'il est invalide et en administrer une autre après 12 mois.
Varicella$ 12 mois  
# Diphtérie, tétanos, coqueluche acellulaire, poliomyélite, Haemophilus influenzae de type b. * Rougeole, rubéole et oreillons. $ Si le sujet n'a aucun antécédent de la maladie ou n'a pas été déjà vacciné. Source du tableau : A Brown-Ogrodnick, A Hanrahan, J Loewen et coll. Couverture vaccinale avant l'âge de deux ans à l'égard de cinq vaccins recommandés dans la Région sanitaire d'Edmonton, Tableau 1. RMTC 2006;32(10):117-21.

 

Références

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  2. Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI). Lignes directrices relatives à l'immunisation des enfants. RMTC 1997;23(DCC-6):1-5.
  3. Organisation mondiale de la Santé. Immunization against disease of public health importance. http://www.who.int/immunization_delivery/en/ (non disponible en français)
  4. Comité consultatif sur la santé de la population et la sécurité de la santé. Stratégie nationale d'immunisation : rapport final 2003. Ottawa : ministre de la Santé, 2004.
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  6. Hamilton M, Corwin P, Gower S et coll. Why do parents choose not to immunize their children? The New Zealand Medical Journal 2004;117(1189):11-16.
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