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Recommandations canadiennes pour la prévention et le traitement du Paludisme (Malaria) chez les voyageurs internationaux - 2009

6. Diagnostic du Paludisme

Le paludisme à P. Falciparum peut entraîner rapidement la mort, en particulier chez l'hôte non immun; c'est le diagnostic le plus urgent à confirmer ou à exclure chez le voyageur qui présente une fièvre à son retour d'un voyage dans une région impaludée. Bien que d'autres signes et symptômes puissent se manifester chez des patients atteints de paludisme, ils sont ni sensibles ni spécifiques. Par exemple, la fièvre est souvent non cyclique, et la splénomégalie est rarement présente en début d'évolution du paludisme à P. Falciparum( 145). Une évaluation clinique, même effectuée par des experts, peut ne pas confirmer ou écarter de façon fiable un diagnostic de paludisme(146). La plupart des cas de paludisme à P. Falciparum consultent dans les 2 à 3 mois suivant l'exposition, bien que les manifestations cliniques puissent être retardées chez les voyageurs qui ont suivi un traitement chimioprophylactique. D'autres formes de paludisme peuvent se manifester jusqu'à plusieurs années après l'exposition.

Il est critique d'encourager fortement tout voyageur qui s'est rendu dans une zone impaludée, en particulier au cours des 3 mois précédents, et qui présente une fièvre inexpliquée de consulter un médecin et de subir des analyses en laboratoire dans les 24 heures; il devrait en outre informer la personne qui le soigne de ses antécédents pertinents de voyage. Le voyageur devrait recevoir cette information lors de l'évaluation effectuée avant un voyage. Les médecins devraient inclure un recueil des antécédents de voyage dans l'évaluation des patients fébriles.

Pour confirmer ou exclure un diagnostic de paludisme, un échantillon de sang doit être analysé. Le test standard consiste en un examen microscopique de frottis sanguins (étalement mince et goutte épaisse). Il faut beaucoup de formation et d'expérience pour bien analyser les frottis sanguins, notamment pour interpréter les gouttes épaisses et identifier l'espèce de parasites. L'absence de personnel expérimenté peut limiter l'exactitude du diagnostic du paludisme dans les laboratoires au Canada(147), alors que le diagnostic dans des pays à faible revenu est souvent peu fiable en raison de problèmes liés à la qualité du microscope ou des colorations ainsi qu'à la supervision et au contrôle de qualité du laboratoire(148). Par exemple, le diagnostic de paludisme établi après l'analyse de frottis sanguins dans des cliniques locales en Afrique n'a pu être confirmé que chez 25 % des cas diagnostiqués parmi des membres d'un Corps de volontaires de la paix(112).

Si l'on soupçonne qu'un cas est atteint de paludisme au Canada, on devrait avoir accès moins de 1 à 2 heures après la réception d'un échantillon sanguin au laboratoire du résultat indiquant la présence ou l'absence de la maladie et, dans la plupart des cas, l'espèce en cause(148). Dans une minorité de cas, lorsque la parasitémie est faible, un frottis initial peut être faussement négatif, ce qui oblige à effectuer un ou deux frottis additionnels à un intervalle de 12 à 24 heures pour confirmer ou exclure le diagnostic. Il est important de répéter les frottis à intervalles réguliers plutôt que de retarder potentiellement le diagnostic en essayant de planifier la prise d'échantillon avec le cycle de la fièvre(149).

Un des éléments essentiels de l'interprétation d'un frottis pour la détection du paludisme est l'identification de l'espèce du parasite. Il est essentiel de bien identifier l'espèce afin de choisir le traitement adéquat qui peut sauver la vie du patient, et de prendre des décisions judicieuses, notamment en ce qui concerne l'hospitalisation. Le dosage de la parasitémie est également important pour déterminer dès le départ si un traitement parentéral est requis ou, de façon exceptionnelle, si une exsanguino-transfusion et une admission à l'unité de soins intensifs sont nécessaires. Enfin, celle-ci permet également à la surveillance du traitement des infections à P. Falciparum.

Tests de diagnostic rapide

Les TDR ne font pas appel à la microscopie ni à des techniques spécialisées de laboratoire et peuvent jouer un rôle d'appoint utile dans le diagnostic du paludisme( 150). Santé Canada a homologué divers tests de diagnostic rapide qui peuvent être utilisés au Canada(151). Les TDR sont des méthodes immunochromatographiques qui utilisent des anticorps monoclonaux pour capturer les antigènes des plasmodies dans un échantillon du patient, produisant un changement de couleur visible. Tous les tests comportent une bande témoin positive qui devient visible lorsque l'échantillon migre le long de la bandelette. L'absence d'une bande témoin indique que le test n'est pas valide, mais la présence d'une bande témoin visible n'est pas un gage de fiabilité(152).

Ces tests utilisent de petites quantités de sang (2 à 50 μL) et peuvent être effectués sur des prélèvements par ponction digitale ou sur du sang traité à l'anticoagulant ou du plasma. Les cibles actuelles des TDR sont la protéine 2 riche en histidine de P. Falciparum (Pf HRP 2) ou des enzymes de la voie glycolytique du parasite (p. ex. lactate déshydrogénase spécifique du parasite (pLDH) ou l'aldolase de Plasmodium, également appelé antigène pan spécifique du paludisme). Les tests basés sur la lactate déshydrogénase permettent de détecter toutes les espèces de plasmodies ou peuvent être spécifiques au P. Falciparum ou P. vivax. On peut utiliser des combinaisons d'antigènes cibles pour détecter l'infection à P. Falciparum, à P. vivax, l'infection mixte à P. Falciparum et à P. vivaxou l'infection mixte par P. Falciparum et d'autres espèces. Pour le moment, on ne dispose pas de tests spécifiques pour P. malariae et P. ovale(153).

Même si certains de ces tests avaient été mis au point au départ pour que les voyageurs qui n'auraient pas accès à un diagnostic efficace du paludisme puissent les utiliser en voyage, leur fiabilité dans un tel contexte s'est cependant avérée sous optimale. Des proportions importantes de voyageurs sont incapables de terminer le protocole du test ou d'interpréter correctement les résultats(154,155) et les taux de résultats faussement négatifs sont inacceptables(156). Cependant, lorsque ces tests sont utilisés par des employés de laboratoire formés, ils peuvent permettre un diagnostic rapide du paludisme en attendant la réalisation de tests de confirmation par microscopie ou amplification par la polymérase (PCR)(150).

Les caractéristiques de fonctionnement des TDR varient considérablement dans la littérature. En général, les TDR sont le plus efficaces pour détecter P. Falciparum, les taux de sensibilité variant entre 8 % et 100 % et les taux de spécificité entre 92 % et 95 %(157). À des densités parasitaires inférieures à 100/μL, la sensibilité diminue, les taux tombant à moins de 70 % à des densités de moins de 50/μL(158). Ces tests sont moins sensibles pour détecter P. vivaxque P. Falciparum. On dispose de données limitées pour P. vivax, mais le seuil de détection satisfaisante de la parasitémie peut être plus élevé (> 1 000 parasites/μL)(154).

Les TDR ne sont pas des outils recommandés pour évaluer la réponse au traitement antipaludique. La Pf HRP-2 persiste longtemps après la clairance sanguine des parasites au stade asexué, les taux de positivité s'élevant à 68 % après 7 jours et à 27 % après 28 jours de traitement(158). Les tests de détection de l'aldolase du parasite demeurent également positifs après la clairance des parasites au stade asexué et peuvent rester positifs encore plus longtemps que les tests basés sur la Pf HRP-2.

Les TDR ont l'avantage d'être simples à utiliser, ils peuvent être effectués par des employés de laboratoire qui n'ont pas reçu de formation sur la détection microscopique des plasmodies et ne requièrent aucun équipement. Cependant, les résultats peuvent être inexacts si les instructions ne sont pas suivies scrupuleusement. Les résultats doivent être lus dans les délais spécifiés par le fabricant, car les lignées testées peuvent devenir positives plusieurs heures après la réalisation du test même s'il n'y a pas de véritable parasitémie. La chaleur et l'humidité peuvent endommager le système de détection; il faut donc ouvrir les emballages des tests juste avant de les utiliser.

La présence d'auto anticorps, tels que le facteur rhumatoïde, les anticorps hétérophiles et les anticorps antisouris peut donner des résultats faussement positifs dans certaines trousses de détection. La probabilité d'un faux positif en présence du facteur rhumatoïde varie selon l'anticorps testé. Chez les patients qui présentent une forte parasitémie, on signale à l'occasion des résultats négatifs aux TDR, qui sont probablement dus au phénomène de zone, phénomène où un excédent de l'antigène masque l'anticorps testé(150,159). Une réaction croisée peut parfois survenir entre des espèces, par exemple les tests basés sur l'aldolase ou la pLDH comportant des bandes pour P. Falciparum et d'autres plasmodies peuvent donner une réaction positive sur les deux bandes alors que seulement une infection à P. Falciparum est présente, ce qui complique le diagnostic exact des infections mixtes(157). Une variation géographique dans les colorations de P. Falciparum peut également influer sur la sensibilité des tests(160).

Amplification par la polymérase

Bien qu'elle ne soit pas pratique pour le traitement immédiat du patient parce qu'elle est rarement disponible, la PCR est de plus en plus reconnue comme l'étalon de référence à cause de sa grande sensibilité et de sa grande spécificité ainsi que de sa capacité d'identifier l'espèce (voir le tableau 2). Son utilisation ne cesse de croître pour le « contrôle de la qualité ». Les techniques de PCR (p. ex. PCR en temps réel) qui fournissent des résultats plus rapidement deviendront probablement plus accessibles dans un avenir prochain(161,162,163).

 
  Seuil approximatif de densité parasitaire Identification de l'espèce Accessibilité Détection de la résistance
Microscopie – gouttes épaisses 50/μL (0,001 %) Modérée Limitée Non
Microscopie – étalements minces >100/μL (0,002 %) Bonne Limitée Non
TDR >100/μL (0,002 %) +/- (limitée) Bonne Non
PCR 5/μL (0,0001 %) Bonne Mauvaise Oui

 

 
Recommandations dans le cadre d'une approche de la médecine fondée sur les preuves
Catégorie MFP
Tout cas suspect de paludisme est considéré comme une urgence médicale, particulièrement s'il y a des signes de dysfonctionnement viscéral comme une altération de l'état mental(147,164,165,166) . A II
On devrait conseiller aux voyageurs qui se rendent dans des régions impaludées de consulter un médecin et de subir des épreuves de laboratoire le plus tôt possible (toujours dans les 24 heures suivant l'apparition d'une fièvre inexpliquée), en particulier dans les 2 à 3 premiers mois suivant leur retour, et ils devraient indiquer à leur professionnel de la santé les pays qu'ils ont visités(147). A III
On devrait soupçonner le paludisme chez tout patient qui revient d'une région impaludée et qui présente ou a présenté une fièvre(146). A III
Un échantillon de sang devrait être transmis immédiatement pour un examen de détection du paludisme si l'on soupçonne le paludisme. Si personne de compétent ne peut lire les frottis dans l'établissement où se présente le patient, on devrait avoir recours à un TDR pour le diagnostic et transmettre rapidement un échantillon de sang à un centre de référence. Le résultat du TDR ou du frottis sanguin initial devrait être disponible dans les 2 heures suivant le prélèvement de sang(150). A III
Si les frottis initiaux sont négatifs, deux autres frottis et un examen devraient être effectués à un intervalle de 12 à 24 heures(167). B III
Un étalement mince devrait être examiné au microscope avec de l'huile à immersion pendant 15 à 20 minutes (200-300 champs avec objectif à immersion grossissant 100 fois) de même qu'une goutte épaisse pendant 5 à 10 minutes (200 à 300 champs avec objectif à immersion grossissant 100 fois), par quelqu'un qui a de l'expérience dans l'analyse des gouttes épaisses, avant que les frottis ne soient déclarés négatifs pour le paludisme(168,169). A III
Un laboratoire devrait interpréter les frottis sanguins comme étant positifs ou négatifs pour le parasite dans l'heure ou les 2 heures qui suivent la réception de l'échantillon de sang et devrait identifier l'espèce en l'espace de 12 heures, s'il ne peut le faire immédiatement(167,168). B III
Les TDR sont des outils diagnostiques essentiels dans les régions du Canada où l'on ne peut obtenir les résultats de la microscopie pour le paludisme en moins de 2 heures(147). B III
Les résultats des TDR (tant positifs que négatifs) doivent être vérifiés par microscopie spécialisée ou PCR pour déterminer l'ampleur de la parasitémie et identifier l'espèce. Il est essentiel de connaître les concentrations du parasite dans le sang pour prendre en charge le patient atteint de paludisme à P. Falciparum(170,171). A II
Les TDR ne devraient pas être utilisés pour évaluer la réponse au traitement(172,173). E II
Les tests de diagnostic rapide ne devraient pas être systématiquement recommandés dans le cas des voyageurs(120,147,154). D II

 

 

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