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Recommandations canadiennes pour la prévention et le traitement du Paludisme (Malaria) chez les voyageurs internationaux - 2009

3. Prévention- éducation des voyageurs concernant le Paludisme

Modification du comportement et éducation du voyageur

Améliorer l'observance de la chimioprophylaxie antipaludique et des mesures de protection individuelle

L'observance des régimes prophylactiques contre le paludisme et l'utilisation de mesures de protection individuelle sont des moyens essentiel de prévenir la maladie. La plupart des décès dus au paludisme chez les voyageurs canadiens ont été enregistrés chez ceux qui n'avaient pas pris leurs antipaludéens ou avaient pris des médicaments inefficaces non recommandés par le CCMTMV(6, 8, 24).

Malheureusement, les données montrent que de 30 % à 55 % des voyageurs ne respectent pas les recommandations en matière de prévention du paludisme(25, 26, 27, 28, 29). Des cas de non observance ont également été signalés chez des médecins en voyage, moins de la moitié des médecins généralistes en exercice au R. U. qui avaient séjourné dans le Sud de l'Asie ont déclaré s'être pleinement conformés aux pratiques de prévention du paludisme(28) . La non observance de la chimioprophylaxie antipaludique est répandue chez les grands randonneurs, les immigrants qui retournent dans leur pays d'origine pour rendre visite à des amis et parents, les voyageurs qui sont partis pour longtemps (plus d'un mois), les utilisateurs irréguliers de mesures de protection individuelle contre les insectes, les voyageurs de moins de 40 ans et ceux qui doivent prendre des doses quotidiennes(25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32).

Les raisons invoquées à l'appui de la non observance sont variées; citons notamment la fausse croyance que le pays de destination est exempt de paludisme, la crainte ou l'expérience passée d'effets secondaires du médicament, les fausses croyances en une immunité durable contre le paludisme qui aurait été acquise à la suite d'infections antérieures, le coût des médicaments, la confusion semée par d'autres recommandations, un oubli, ou le peu d'intérêt à prendre des antipaludéens, sans qu'on ne mentionne une raison précise(25, 26, 27, 29-32).

Aucune donnée n'a été publiée sur les façons d'améliorer l'observance des pratiques en matière de prévention du paludisme. L'identification du type de voyageur qui risque le plus de ne pas prendre de précautions de même que la connaissance des raisons sous jacentes peuvent aider les professionnels de la santé qui dispensent des conseils de santé aux voyageurs(33). Durant la discussion avant un voyage, les raisons connues de la non observance devraient être abordées avec tous les voyageurs qui sollicitent des conseils en matière de prévention du paludisme. Si l'on craint qu'un voyageur puisse ne pas tolérer un régime prophylactique particulier, la chimioprophylaxie du paludisme devrait être amorcée avant le voyage afin qu'on puisse évaluer si le médicament est toléré.

Pour pouvoir fournir des renseignements exacts aux voyageurs, il est essentiel que les professionnels de la santé soient bien informés. Les médecins de famille peuvent ne pas donner des conseils justes(24, 34, 35, 36). Les voyageurs qui font appel à une seule source d'information (telle qu'un médecin de famille) sont cependant beaucoup plus nombreux à suivre les recommandations que ceux qui consultent le vaste éventail de sources possibles(35).

Diagnostic précoce et traitement

Il faut informer tous les voyageurs que la survenue d'une fièvre inexpliquée pendant ou après un voyage peut être un symptôme de paludisme. Ils doivent alors se faire examiner par un médecin le plus tôt possible et demander qu'un frottis sanguin soit immédiatement effectué (étalement mince et goutte épaisse) pour détecter la présence éventuelle des parasites responsables du paludisme. Si le frottis initial est négatif et que les symptômes persistent, il faut refaire le frottis sanguin dans les 12 à 24 heures suivantes. Parmi les facteurs qui déterminent la survie des patients infectés par P. Falciparum, les plus importants sont un diagnostic précoce et la mise en route rapide d'un traitement approprié(8).

Recommandations dans le cadre d'une approche de la médecine fondée sur les preuves Catégorie MFP
Une meilleure éducation des voyageurs qui, dans le passé, ont le moins respecté les recommandations en matière de chimioprophylaxie du paludisme (grands randonneurs, immigrants qui reviennent dans leur pays d'origine pour rendre visite à des amis et à des parents, les voyageurs qui partent pour longtemps (plus de 1 mois), les voyageurs de moins de 40 ans est recommandée)(25, 26, 28, 30, 31, 32, 33). B II
Si l'on craint qu'un voyageur puisse ne pas tolérer un régime prophylactique particulier, la chimioprophylaxie du paludisme devrait être amorcée avant le départ pour qu'on puisse évaluer si le médicament est toléré. C III
On devrait sensibiliser le voyageur au fait que le diagnostic précoce et la mise en route rapide d'un traitement approprié sont des facteurs qui déterminent la survie des patients infectés par P. Falciparum(8). A II

Insectifuges et vêtements

On conseille à tous les voyageurs qui se rendent dans des régions où ils risquent de contracter le paludisme de prendre des mesures de protection individuelle contre les moustiques afin de réduire le risque de piqûre par des anophèles. Cette question a été abordée dans une déclaration antérieure du CCMTMV(37) . Une bonne partie de ce qui suit est tirée ou reproduite directement de cette source.

Pour prévenir les piqûres d'insectes, on peut prendre différentes mesures, notamment modifier son itinéraire pour réduire la durée du séjour dans les régions impaludées et éviter les activités à l'extérieur à compter du crépuscule jusqu'avant l'aube. L'usage d'insectifuges efficaces et de vêtements traités au moyen d'un insecticide qui recouvrent toute la peau exposée et l'évitement des zones et des périodes où les vecteurs sont actifs sont également considérés comme des mesures importantes de prévention du paludisme(38, 39).

Le DEET (N,N-diéthyl 3-méthyl-benzamide, aussi appelé N,N-diéthyl-m-toluamide) demeure l'insectifuge privilégié. Au Canada, il est recommandé d'utiliser du DEET pour usage domestique à 10 % ou moins chez les enfants de moins de 12 ans, mais le produit doit être réappliqué fréquemment à cause de sa durée relativement courte de protection(40). Pour se protéger contre les anophèles porteurs du paludisme, le CCMTMV recommande l'usage de produits contenant jusqu'à 30 % de DEET dans tous les groupes d'âge. Des formulations de DEET à effet prolongé comportent des avantages par rapport à d'autres formulations et sont en général privilégiées(41, 42). Lorsqu'on n'a pas accès à des formulations à effet prolongé, on utilisera de préférence des produits renfermant jusqu'à 35 % de DEET. Il n'est pas recommandé d'utiliser des produits associant DEET et écran solaire(43), mais s'il faut appliquer ces deux produits, il convient de mettre d'abord l'écran solaire et de le laisser pénétrer dans la peau pendant 20 minutes avant d'appliquer le DEET (Association canadienne de dermatologie). Le p menthane 3,8-diol (huile d'eucalyptus à odeur de citron) est à considérer comme insectifuge de deuxième intention lorsque l'emploi du DEET est impossible (p. ex. personnes allergiques au DEET)(44). Les insectifuges « Blocker » contenant 2 % d'huile de soya peuvent être utilisés comme des insectifuges de troisième intention, lorsqu'il existe un risque important d'infections transmises par des arthropodes(38, 45). La picaridine (Bayrepel, KBR 3023, Autan), qui est disponible en Europe et aux États Unis, est recommandée par l'OMS. Elle peut être aussi efficace que les produits contenant de 15 % à 50 % de DEET(46, 47). Les insectifuges qui contiennent de l'huile de citronnelle ne sont pas efficaces (38).

Voici plusieurs autres mesures inefficaces de protection individuelle contre les insectes qui ne sont pas recommandées(37):

  • dispositifs électroniques (à ultrasons)
  • bracelets, colliers et bandes aux chevilles imprégnés d'insectifuge
  • dispositifs d'électrocution (« bug zappers »)
  • pièges qui attirent les moustiques par l'odeur
  • citrosa (plante ornementale de la famille des géraniums)
  • vitamine B1 administrée par voie orale
  • hydratants pour la peau qui ne renferment pas un principe actif à action insectifuge approuvée.

Moustiquaires de lit imprégnées d'insecticides

Compte tenu du comportement des vecteurs du paludisme (habituellement actifs la nuit), l'usage adéquat de moustiquaires de lit traitées aux insecticides (MTI) est la mesure de protection individuelle essentielle pour lutter contre le paludisme(48, 49) et le port de vêtements imprégnés d'insecticide (perméthrine) devrait être envisagé(50) . L'usage de moustiquaires imprégnées d'un insecticide augmente grandement la protection assurée par la moustiquaire(48, 50) , car les arthropodes peuvent quand même piquer à travers une moustiquaire non traitée si la peau y est directement appuyée ou ils peuvent traverser la moustiquaire s'ils sont assez petits. Il faut dormir sous une moustiquaire qui est intacte (sans déchirures ni gros trous), dont les bords sont rentrés sous le matelas. La durée d'efficacité des moustiquaires imprégnées de pyréthrinoïde varie de six à douze mois, selon le produit et le nombre de lavages(37) . Le traitement des moustiquaires par la pyréthroïde n'est pas encore possible au Canada, mais on peut obtenir ce produit aux É. U. ou dans plusieurs régions impaludées (telles que les pays de l'Afrique subsaharienne). Depuis quelques années, on a maintenant accès en Afrique subsaharienne à des moustiquaires traitées aux insecticides à longue durée d'action qui peuvent être efficaces jusqu'à 5 ans(51) .

On peut utiliser des moustiquaires traitées par le pyréthroïde sur autre chose que des lits (p. ex. poussettes, parcs et berceaux) pour protéger les bébés des piqûres de moustiques. Dans le cas de tous les enfants voyageant dans des zones impaludées, une attention spéciale devrait être portée à d'autres mesures de protection individuelle, telles que le port de vêtements protecteurs et traités à la perméthrine de même que l'usage d'insectifuges efficaces(37) .

 

Recommandations dans le cadre d'une approche de la médecine fondée sur les preuves Catégorie MFP

Mesures pour tous les voyageurs qui risquent d'être exposés à des infections transmises par des arthropodes

  • Empêcher le plus possible les moustiques de pénétrer dans les lieux de travail et d'hébergement. Placer des moustiquaires sur les fenêtres et veiller à ce que les portes soient en bon état et ferment hermétiquement et qu'il n'y ait pas de trous dans les murs et la toiture.
  • Demeurer dans une zone protégée contre les moustiques au(x) moment(s) de la journée où les moustiques s'alimentent.
  • Éviter de voyager dans certains endroits durant les saisons qui sont le plus fortement (ou sont exclusivement) associées à la transmission du paludisme.
  • Dormir sous des moustiquaires imprégnées d'un insecticide (pyréthrinoïde) (dans les régions où les insectes ne peuvent être chassés des locaux où l'on dort)(48, 50) .
  • Envisager de porter des vêtements imprégnés d'insecticide (perméthrine)(52) .
B II
L'usage d'une moustiquaire imprégnée d'insecticide (p. ex. perméthrine) augmente grandement la protection assurée par la moustiquaire(48) . A I

Barrières physiques pour tous les voyageurs qui risquent d'être exposés à des infections transmises par des arthropodes.

  • Porter des chemises à manches longues (manches déroulées, boutons attachés et fermoirs fermés, chemise rentrée dans le pantalon) et des pantalons longs (extrémités rentrées dans les chaussettes, les chaussures ou les bottes) ) pour empêcher ou prévenir les piqûres de moustiques.
  • Porter des vêtements de couleur claire, qui peuvent repousser les moustiques(53) .
  • Dormir sous une moustiquaire qui est intacte (sans déchirures ni gros trous), dont les bords sont rentrés sous le matelas.
B II
À moins de contre indication (p. ex. réaction allergique), tous les voyageurs qui risquent d'être exposés à de graves infections transmises par des arthropodes devraient utiliser adéquatement un insectifuge contenant du DEET (38) , l'insectifuge privilégié. A I

Autres mesures de protection individuelle pour les enfants :

  • Utiliser des moustiquaires de lit imprégnées d'insecticide comme premier moyen de défense, en particulier pour les nourrissons de < 6 mois.
  • Employer des moustiquaires portatives, notamment des filets autoportants que l'on place par-dessus un siège d'auto pour bébé, un berceau, un parc pour enfant ou une poussette afin de protéger les enfants contre les insectes.
  • Envisager l'utilisation judicieuse de DEET chez les enfants de tout âge en complément d'autres méthodes de protection(54) .
A II
Des formulations de DEET à effet prolongé comportent des avantages par rapport à d'autres formulations et, dans l'ensemble, sont privilégiées(41) . Lorsqu'on n'a pas accès à ces formulations, on utilisera de préférence des produits renfermant jusqu'à 35 % de DEET. B I
L'usage combiné du DEET et d'un écran solaire n'est pas recommandé(43) ; mais s'il faut appliquer ces deux produits, il convient de mettre d'abord l'écran solaire et de le laisser pénétrer dans la peau pendant 20 minutes avant d'appliquer le DEET(55) . A II
Éviter d'utiliser des insectifuges qui contiennent de l'huile de citronnelle(38) . E II
Considérer le p-menthane-3,8-diol (huile d'eucalyptus à odeur de citron) comme insectifuge de deuxième intention lorsque l'emploi du DEET est impossible (p. ex. personnes allergiques au DEET)(44) . A II
Considérer les insectifuges « Blocker » contenant 2 % d'huile de soya comme des insectifuges de troisième intention, lorsqu'il existe un risque important d'infections transmises par des arthropodes(38) . A II
La picaridine (Bayrepel, KBR 3023, Autan) peut être aussi efficace que des produits contenant de 15 % à 50 % de DEET(46, 47) , mais elle n'est pas homologuée au Canada; elle est disponible en Europe et aux États-Unis. A II

Mesures inefficaces de protection individuelle contre les insectes qui ne sont pas recommandées(37) :

  • dispositifs électroniques (à ultrasons)
  • bracelets, colliers et bandes aux chevilles imprégnés d'insectifuge
  • dispositifs d'électrocution (« bug zappers »)
  • pièges qui attirent les moustiques par l'odeur
  • citrosa (plante ornementale de la famille des géraniums)
  • vitamine B1 administrée par voie orale
  • hydratants pour la peau qui ne renferment pas un principe actif à action insectifuge approuvée
E II

 

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