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Recommandations canadiennes pour la prévention et le traitement du Paludisme (Malaria) chez les voyageurs internationaux - 2009

7. Traitement du paludisme

On entend par paludisme non compliqué ou simple un paludisme symptomatique qui ne s'accompagne d'aucun signe de maladie grave ou de dysfonctionnement d'organes vitaux. Le traitement du paludisme non compliqué vise à guérir l'infection. Cet objectif est important car le traitement préviendra, dans les cas d'infection à P. Falciparum, la progression vers la maladie grave. Lorsqu'on choisit des régimes thérapeutiques, la tolérabilité du médicament, le profil d'effets indésirables et la rapidité de la réponse thérapeutique sont des points importants à considérer.

Le paludisme est dit grave ou compliqué lorsque la maladie symptomatique s'accompagne d'hyperparasitémie (≥ 5 %) ou de signes d'atteinte d'un organe cible ou des complications énumérées au tableau 3. Le principal objectif du traitement consiste à prévenir le décès. Dans le cas du paludisme cérébral, la prévention des déficits neurologiques est aussi importante.

Le principal objectif du traitement du paludisme grave chez la femme enceinte est de sauver la vie de la mère. La prévention d'une recrudescence et des effets secondaires mineurs demeure un objectif secondaire.

Au Canada, on devrait songer à hospitaliser tous les patients (en particulier les enfants) atteints de paludisme à P. Falciparum ou leur administrer un traitement initial dans une unité d'observation pour vérifier s'ils tolèrent le traitement ou pour confirmer la diminution de la parasitémie grâce au traitement. Si la maladie est grave ou compliquée (tableau 3) ou si le patient ne peut tolérer le traitement par voie orale, il faut administrer un traitement parentéral et exercer une surveillance clinique étroite, de préférence dans une unité de soins intensifs. Au besoin, on peut s'adresser au Réseau canadien sur le paludisme (RCP ) de la région appropriée pour la prise en charge des cas de paludisme (voir les coordonnées des personnes-ressources à l'annexe V).

Tableau 3 : Critères de diagnostic du paludisme grave à P. Falciparum*
Manifestation clinique Manifestation biologique
Prostration/troubles de la conscience Anémie sévère (Hct < 15 %; Hb ≤ 50 g/L)
Détresse respiratoire Hypoglycémie (glycémie < 2,2 mmol/L)
Convulsions multiples Acidose (pH artériel < 7,25 ou bicarbonate < 15 mmol/L)
Collapsus cardiovasculaire Insuffisance rénale (créatinine > 265 umol/L)(181)
OEdème pulmonaire (radiologique) Hyperlactatémie
Saignement anormal Hyperparasitémie (> 5 %)
Ictère  
Hémoglobinurie  

* Si un patient présente une parasitémie asexuée à P. Falciparum et s'il n'y a aucune autre cause évidente des symptômes, la présence d'une ou plusieurs des caractéristiques cliniques ou biologiques suivantes permet de classer le patient comme un cas de paludisme grave.

Adaptation de : Directives pour le traitement du paludisme, Organisation mondiale de la santé, 2006, Genève(126) .

Principes généraux de la prise en charge

La prise en charge initiale du patient dépend de beaucoup de facteurs, dont l'espèce ayant causé l'infection, la gravité de l'infection, l'âge du patient, le profil de pharmacorésistance des souches circulant dans la région où l'infection a été contractée ainsi que l'innocuité, l'accessibilité et le coût des antipaludéens. À certains moments, les décisions relatives à la prise en charge peuvent devoir être prises avant qu'on n'obtienne les résultats du laboratoire de parasitologie. Il faut répondre à 3 questions si l'on veut amorcer un traitement efficace du paludisme :

1. Cette infection est-elle causée par P. Falciparum? Le traitement varie selon l'espèce de plasmodies en cause (voir ci dessous).

2. S'agit-il d'une infection grave ou compliquée? (voir le tableau 3) Dans les cas d'accès palustre grave ou compliqué, il faut habituellement administrer le traitement par voie parentérale et parfois procéder à une exsanguino-transfusion. On peut se procurer de l'artésunate et/ou de la quinine pour administration parentérale par le biais du Réseau canadien sur le paludisme (voir l'annexe V).

3. L'infection a-t-elle été acquise dans une région connue de pharmacorésistance au paludisme? (voir l'annexe I) Le traitement devrait être adapté en conséquence.

Prise en charge du paludisme à P. Falciparum

Les lignes directrices qui suivent sont tirées, en partie, des Directives pour le traitement du paludisme(126) et du Vade-mecum de la prise en charge du paludisme grave(175) de l'OMS. Le lecteur intéressé peut se reporter à ces documents pour obtenir plus de détails sur ces questions. En règle générale, on devrait envisager d'hospitaliser tous les patients non immuns et tous les enfants atteints de paludisme à P. Falciparum, grave ou non, afin de s'assurer qu'ils tolèrent les antipaludéens et de détecter les complications ou un échec thérapeutique précoce. Si une hospitalisation n'est pas prévue, il faut alors observer tous les cas lorsqu'ils reçoivent leur première dose de traitement pour vérifier qu'ils tolèrent bien le médicament avant qu'ils n'obtiennent leur congé du service des urgences. Pour prévenir les réactions indésirables, on devrait fournir aux patients, avant leur congé, d'autres doses de médicaments ou les adresser à une pharmacie qui peut exécuter l'ordonnance adéquatement. Un algorithme pour la prise en charge du paludisme est présenté à la figure 1. Cet algorithme se fonde sur deux critères essentiels : obtention rapide (dans les 2 heures) du résultat du laboratoire de parasitologie et accès rapide (dans l'heure ou les 2 heures qui suivent) à un traitement antipaludique adéquat. Nous traiterons ci dessous de la prise en charge du paludisme lorsque ces conditions importantes ne sont pas disponibles. Le traitement du paludisme ne consiste pas simplement à choisir les bons antipaludéens. Dans tous les cas de paludisme, une évaluation clinique devrait être effectuée chaque jour jusqu'à l'arrêt de la fièvre et chaque fois qu'il y a eu une récurrence des symptômes; dans les cas de paludisme à P. Falciparum, des frottis devraient être répétés chaque jour jusqu'à ce qu'ils deviennent négatifs.

Paludisme grave

Le traitement du paludisme grave est le même pour toutes les espèces de Plasmodium.
Le paludisme grave est habituellement causé par une infection à P. Falciparum. Bien que l'infection à P. vivaxsoit considérée comme bénigne, elle peut entraîner à l'occasion une maladie grave, notamment une anémie sévère, une thrombocytopénie sévère, une pancytopénie, un ictère, une rupture de la rate, une insuffisance rénale aiguë et un syndrome de détresse respiratoire aiguë(176, 177, 178, 179) . Le traitement et la prise en charge de ces cas devraient être rapides et efficaces et respecter les recommandations pour le paludisme à P. Falciparum grave et compliqué (voir ci-après).

Le paludisme grave à P. Falciparum peut s'accompagner d'un taux de mortalité de 20 % ou plus. Les patients infectés doivent être hospitalisés immédiatement et faire l'objet d'une prise en charge médicale urgente et intensive, idéalement dans une unité de soins intensifs(180) . L'état du malade devrait être observé le plus souvent possible et les paramètres suivants devraient entre autres être contrôlés : surveillance des signes vitaux, évaluation de la fréquence et du profil respiratoires, score de coma et débit urinaire. La glycémie devrait être mesurée toutes les 4 heures à l'aide de tests rapides (bâtonnets), en particulier chez les patients inconscients. Les convulsions devraient être traitées sans délai au moyen de benzodiazépines; il n'est pas cependant utile d'administrer des anticonvulsivants à des fins prophylactiques(126) . Les personnes souffrant de paludisme grave à P. Falciparum risquent de présenter tous les problèmes décrits dans le tableau 3 de même que d'autres effets indésirables, y compris des déficits neurologiques permanents ou une insuffisance rénale chronique, et risquent également de mourir.

Deux classes de médicaments sont efficaces pour le traitement parentéral du paludisme grave, les alcaloïdes du quinquina (quinine et quinidine) et les dérivés de l'artémésinine (artésunate, artéméther et artémotil). Un rapport récent d'un essai comparatif randomisé ouvert effectué
chez 1 461 patients atteints de paludisme grave à P. Falciparum en Asie a mis en évidence un taux de réduction de la mortalité de 35 % (15 % c. 22 %). Les auteurs, de même que l'Organisation mondiale de la santé, préconisent l'usage de l'artésunate comme traitement de choix contre le paludisme grave à P. Falciparum chez les adultes(126,133, 181) .

Tous les patients atteints d'une infection grave à P. Falciparum et ceux qui ne tolèrent pas les médicaments administrés par voie orale doivent recevoir un traitement parentéral. On peut obtenir de l'artésunate et/ou de la quinine injectables (voir le tableau 4), 24 heures sur 24 par l'entremise du RCP (voir l'annexe V pour plus d'information). Il vaut mieux si possible administrer de l'artésunate que de la quinine par voie parentérale 1) pour le traitement du paludisme grave, 2) lorsque le patient est incapable de prendre ou ne tolère pas les médicaments administrés par voie orale ou 3) lorsqu'il y a une intolérance à la quinine, une contre-indication ou un échec du traitement. Si l'on ne peut avoir accès ni à de l'artésunate parentéral ni à la quinine ou à la quinidine parentérales dans l'heure qui suit le diagnostic du paludisme grave, un traitement oral par la quinine peut être mis en route, après l'administration au besoin d'une dose d'un anti-émétique pour réduire le risque de vomissement, ou encore de la quinine peut être administrée par une sonde nasogastrique en attendant le traitement parentéral. La quinine parentérale doit être administrée de préférence à la quinidine à cause de la cardiotoxicité de la quinidine, qui nécessite une surveillance électrocardiographique et une réduction de la dose en cas d'effets cardiotoxiques (il faut réduire le débit de perfusion si l'intervalle QT corrigé augmente de plus de 25 % par rapport à la valeur de référence). Si on administre de la quinine ou de la quinidine à un patient qui a pris de la méfloquine ou de l'halofantrine au cours des 2 semaines précédentes, on risque de provoquer une arythmie cardiaque d'origine médicamenteuse; ces patients ne devraient pas recevoir une dose d'attaque du médicament et devraient faire l'objet d'une surveillance électrocardiographique.

De nombreux traitements d'appoint ont été proposés pour la prise en charge du paludisme grave, mais peu d'entre eux ont démontré leur capacité d'améliorer l'issue de la maladie(126) . La rééquilibration hydro-électrolytique devrait être personnalisée en fonction du déficit estimatif. Le taux optimal de rééquilibration, le rôle des colloïdes par rapport aux cristalloïdes et la composition électrolytique optimale de la solution de rééquilibration n'ont pas été établis. Une hypoglycémie (potentiellement exacerbée par le traitement par la quinine, qui stimule la libération d'insuline) devrait être soupçonnée chez un patient dont l'état se détériore subitement et elle devrait être traitée sur le champ. L'usage de stéroïdes pour traiter l'accès grave ou le paludisme cérébral est associé à des issues plus défavorables et doit donc être évité(182) . Dans le cas d'une infection à P. Falciparum compliquée s'accompagnant d'une forte parasitémie (> 10 %), une exsanguino-transfusion a été utilisée à titre expérimental comme intervention potentiellement salvatrice. Plusieurs raisons ont été invoquées à l'appui de l'exsanguino-transfusion, notamment : 1) l'élimination des érythrocytes ou globules rouges (GR) infectés de la circulation amenant l'abaissement consécutif de la charge parasitaire, 2) la réduction rapide de la charge antigénique et des quantités de toxines provenant des parasites et de métabolites, 3) l'élimination des médiateurs toxiques produits par l'hôte, et 4) le remplacement des GR non parasités par des globules plus déformables, pour réduire ainsi les obstacles à la microcirculation. L'exsanguino-transfusion exige un apport sûr en sang, des soins infirmiers intensifs et de multiples unités de culot globulaire (CG). On ne s'entend pas sur les indications ni sur le volume de sang à changer, mais un volume de 5 à 10 unités de CG est à prévoir(183, 184) . Lorsqu'on traite un patient atteint de paludisme à P. Falciparum grave ou compliqué, il est fortement recommandé de consulter un spécialiste des maladies infectieuses ou des maladies tropicales (voir l'annexe V pour les coordonnées des personnes-ressources du RCP).

Tableau 4 : Chimiothérapie du paludisme à P. Falciparum grave ou compliqué

L'artésunate ou la quinine parentéraux sont accessibles 24 heures sur 24 par l'entremise du Réseau canadien sur le paludisme (pour les coordonnées des personnes-ressources, voir l'annexe V ou http://www.phac-aspc.gc.ca/tmp-pmv/quinine/pdf/quinine-cmn_f.pdf

REMARQUE : On doit passer à un traitement oral dès que possible.

ARTÉSUNATE PAR VOIE PARENTÉRALE :

L'artésunate est administré sur une période de 1 à 2 minutes, en un bolus de 2,4 mg/kg IV à 0, 12, 24 et 48 heures, suivie du traitement oral (p. ex. doxycycline, atovaquone/proguanil ou clindamycine). Si le traitement oral n'est pas possible, une dose journalière d'artésunate peut être maintenue pendant 7 jours au total.

PLUS (initier 4 heures après la dose finale d'artésunate)

  1. Atovaquone/proguanil: adultes, 4 comprimés par jour pendant 3 jours; enfants, 20 mg/kg atovaquone et 8 mg/kg 1. proguanil une fois par jour x 3 jours OU
  2. Doxycycline : adultes, 100 mg par voie orale deux fois par jour pendant 7 jours; dose pour enfants, 2 mg/kg (maximum de 100 mg) deux fois par jour (contre-indications : grossesse, allaitement ou âge < 8 ans). OU
  3. Clindamycine : 10 mg/kg (dose d'attaque) par voie intraveineuse, suivis de 5 mg/kg aux 8 heures pour un total de 7 jours (la clindamycine doit être administrée seulement si le patient ne peut prendre de la doxycycline ou de l'atovaquone/proguanil).

QUININE PAR VOIE PARENTÉRALE* :

  1. Si on a accès à une pompe à perfusion : quinine base, dose d'attaque de 5,8 mg/kg (dichlorhydrate de quinine [sel], 7 mg/kg) administrée par voie intraveineuse à l'aide d'une pompe à perfusion pendant 30 minutes, suivie immédiatement de 8,3 mg base/kg (dichlorhydrate de quinine [sel], 10 mg/kg) diluée dans 10 mL/kg de solution isotonique par perfusion intraveineuse pendant 4 heures (dose d'entretien), avec répétition aux 8 heures jusqu'à ce que le patient puisse avaler, puis quinine en comprimés pour un traitement complet de 3 à 7 jours (7 jours en Asie du Sud Est).
  2. Si on n'a pas accès à une pompe à perfusion : quinine base, dose d'attaque de 16,7 mg/kg de (dichlorhydrate de quinine [sel], 20 mg/kg) administrée par voie intraveineuse pendant 4 heures, puis 8,3 mg base/kg (dichlorhydrate de quinine [sel], 10 mg/kg) dilués dans 10 mL/kg de solution isotonique par perfusion intraveineuse pendant 4 heures (dose d'entretien), avec répétition aux 8 heures jusqu'à ce que le patient puisse avaler, puis quinine en comprimés pour un traitement complet de 5 à 7 jours (7 jours en Asie du Sud-Est).
  3.  

    PLUS (soit en même temps que la quinine, soit tout de suite après)

  4. Atovaquone-proguanil : 4 comprimés une fois par jour pendant trois jours; enfants, 20 mg/kg atovaquone et 8 mg/kg proguanil une fois par jour x 3 jours (voir au tableau 6, chapitre 8, la posologie pour enfants). OU
  5. Doxycycline : 100 mg par voie orale deux fois par jour pendant 7 jours; dose pour enfants, 2 mg/kg (maximum de 100 mg) deux fois par jour (contre-indications : grossesse, allaitement ou âge < 8 ans) OU
  6. Clindamycine : 10 mg/kg (dose d'attaque) par voie intraveineuse, suivis de 5 mg/kg aux 8 heures jusqu'à ce que le sang soit exempt de parasites sexués (la clindamycine doit être administrée seulement si le patient ne peut prendre de la doxycycline ou de l'atovoquone-proguanil).

* Il ne faut pas administrer de dose d'attaque si le patient a reçu de la quinine ou de la quinidine au cours des 24 heures ou de la méfloquine au cours des 2 semaines précédentes. On peut obtenir du dichlorhydrate de quinine pour administration parentérale par l'entremise du Réseau canadien sur le paludisme (voir l'annexe V pour les coordonnées des personnes-ressources). Passer au traitement oral par la quinine le plus tôt possible. Pour les patients qui ont besoin d'un traitement parentéral pendant plus de 48 heures, réduire la dose d'entretien de quinine du tiers ou de la moitié.

Remarque : On recommande d'administrer de la quinidine par voie parentérale seulement s'il est impossible d'obtenir de la quinine pour administration parentérale. Comme la quinidine entraîne un risque accru d'effets cardiotoxiques, il faut surveiller la fonction cardiaque. On peut obtenir, au cas par cas, du gluconate de quinidine pour administration parentérale par l'entremise du Programme d'accès spécial, Direction des produits thérapeutiques, 2e étage, Holland Cross, Tour A 11, av. Holland, I.A. 3002, Ottawa, Ont., K1A 0K9. TÉL. : 613 941 2108, FAX : 613-941 3194, COURRIEL : SAPdrugs@hc-sc. gc.ca, 613 941 3061 (après les heures normales).

Figure 1 : Algorithme pour la prise en charge du paludisme

CAS SUSPECT DE PALUDISME

RÉALISER IMMÉDIATEMENT un frottis sanguin (étalement mince et goutte épaisse), un TDR, un hémogramme, une hémoculture, un dosage des enzymes hépatiques, de la glycémie, de la créatinine sérique, de l'azote uréique du sang

Figure 1 : Algorithme pour la prise en charge du paludisme
Figure 1, équivalent textuel

Figure 1  : Algorithme pour la prise en charge du paludisme

Cette image représente un algorithme qui explique le processus de prise en charge du paludisme. La première étape de l’algorithme s’intitule « Cas suspect de paludisme ». Si un cas de paludisme est soupçonné, on réalise IMMÉDIATEMENT un frottis sanguin (étalement mince et goutte épaisse), un test de diagnostic rapide (TDR), un hémogramme, une hémoculture, ainsi qu’un dosage des enzymes hépatiques, de la glycémie, de la créatinine sérique et de l’azote uréique du sang pour le patient.

Sous « Cas suspect de paludisme », l’algorithme offre deux options : « Frottis négatif » et « Frottis positif ». Si le frottis est négatif, mais que les symptômes (p. ex. fièvre, syndrome grippal) persistent, le frottis doit être répété deux fois, toutes les 12 à 24 heures. Si le frottis est toujours négatif, le paludisme est exclu et l’algorithme se termine. Si le frottis est positif, il faut déterminer l’espèce en cause et le pourcentage de parasitémie.

Les flèches de l’algorithme mènent ensuite à deux options en ce qui concerne l’espèce en cause et le pourcentage de parasitémie : « Paludisme non causé par P. falciparum » et « Paludisme à P. falciparum ou dû à une espèce non connue ». Si le paludisme est dû à une espèce autre que P. falciparum, le patient doit être traité de la façon indiquée dans le texte qui suit (voir la section Prise en charge du paludisme dû à des espèces autres que P. falciparum). S’il s’agit d’un cas de paludisme à P. falciparum ou dû à une espèce non connue, l’algorithme offre deux autres options. Il s’agit des derniers éléments de l’algorithme : « Aucune indication pour le traitement parentéral » ou « Indication pour le traitement parentéral ».

S’il n’y a aucune indication pour le traitement parentéral, il faut administrer un traitement oral au patient, mais l’hospitaliser ou l’observer pendant au moins 8 heures. De plus, avant d’accorder au patient son congé, il faut l’examiner pour s’assurer que la parasitémie n’a pas augmenté. S’il y a une indication pour le traitement parentéral (c.-à-d. paludisme grave/compliqué ou patient incapable de tolérer la médication orale), il faut envisager l’admission du patient à l’unité des soins intensifs (USI). De plus, il faut administrer au patient de l’artésunate ou de la quinine par voie parentérale, mais passer à un traitement oral dès que cela est possible.

Paludisme à P. Falciparum non compliqué

Les cas de paludisme à P. Falciparum non compliqué peuvent devenir graves s'ils ne sont pas bien traités et surveillés. Quand l'infection a été contractée dans une région où les souches sont sensibles à la chloroquine, on peut administrer de la chloroquine en monothérapie (voir le tableau 6, chapitre 8). L'OMS préconise un traitement oral associant des dérivés de l'artémésinine comme traitement oral de première intention(126) . Tant que ces agents ne sont pas disponibles et lorsqu'il est possible ou certain que l'infection a été contractée dans une région où les souches sont pharmacorésistantes (comme dans la plupart des cas de paludisme à P. Falciparum observés au Canada), il faut administrer l'association atovaquone/proguanil ou de la quinine en plus d'un deuxième médicament (de préférence la doxycycline). Si la quinine administrée par voie orale est bien tolérée, on peut donner soit en même temps, soit l'un après l'autre (en commençant par la quinine), la quinine et le deuxième médicament (de la doxycycline ou, en cas de contre-indication, de la clindamycine). Si le patient ne tolère pas les médicaments administrés par voie orale, il faut administrer l'artésunate ou la quinine par voie parentérale, selon les modalités décrites dans le tableau 6, chapitre 8.

Prise en charge du paludisme dû à des espèces autres que P. Falciparum (P. vivax, P. ovale, P. malariae, P. knowlesi)

La chloroquine demeure le traitement de choix pour le paludisme causé par des espèces autres que P. Falciparum à l'extérieur de la Nouvelle Guinée (Papouasie-Nouvelle Guinée et Papouasie [Irian Jaya]), comme il est dit au tableau 6, chapitre 8. Il faut effectuer chaque jour une évaluation clinique jusqu'à ce que la fièvre ait disparu et chaque fois qu'il y a une récurrence des symptômes. Une remontée de la parasitémie asexuée moins de 30 jours après le traitement indique qu'il s'agit d'une infection à P. vivaxchloroquinorésistante; une récurrence après 30 jours ou plus évoque une résistance de P. vivaxà la primaquine.

Des données récentes ont confirmé la présence et la forte prévalence (80 %) du paludisme à P. vivaxchloroquinorésistant en Papouasie (Irian Jaya). Des cas sporadiques de paludisme à P. vivaxchloroquinorésistant ont aussi été signalés ailleurs (Indonésie, Papouasie- Nouvelle-Guinée, îles Salomon, Myanmar et Guyana)(72) . À l'heure actuelle, on ne peut plus compter sur la chloroquine pour la prophylaxie ou le traitement de l'infection à P. vivaxcontractée en Nouvelle-Guinée et on ignore quel est le traitement optimal dans ce cas. Une cure de quinine d'une durée de 7 jours est souvent requise pour guérir l'infection à P. vivaxcontractée en Nouvelle Guinée(126, 175) . La méfloquine et l'halofantrine se sont révélées efficaces dans le cadre d'essais cliniques de petite envergure, mais l'innocuité de ces médicaments à des doses thérapeutiques soulève des questions(126) .

Des doses standard de chloroquine (25 mg base/kg sur 72 heures) associées à de fortes doses de primaquine (0,5 mg base/kg quotidiennement pendant 14 jours) ont été proposées pour le traitement des infections à P. vivaxchloroquinorésistant contractées en Irian Jaya, mais ce traitement a échoué dans les cas où la maladie avait été contractée au Guyana. Selon des données limitées, une association d'une dose standard d'atovaquone/ proguanil (4 comprimés par jour x 3 jours) et de primaquine (0,5 mg base/kg par jour x 14 jours) peut être efficace(190) . Pour la prise en charge de ces cas, il convient de consulter un spécialiste des maladies infectieuses ou tropicales (voir les coordonnées des personnes-ressources du RCP, annexe V).

Prise en charge du paludisme lorsque les résultats de laboratoire ou le traitement ne sont pas rapidement accessibles

Dans les cas diagnostiqués d'infection à P. Falciparum grave ou compliquée pour lesquels de la quinine ou de l'artésunate parentéraux sont indiqués mais ne seront pas disponibles avant plus d'une heure, il convient d'amorcer le traitement oral pour la quinine (après une dose de Gravol ou par sonde nasogastrique, au besoin), jusqu'à ce qu'on obtienne le médicament parentéral. Si la présence d'une fièvre, les antécédents de voyages et les données initiales de laboratoire (petit baisse du nombre de leucocytes ou de plaquettes) évoquent un diagnostic de paludisme et si le frottis sanguin est retardé plus de 2 heures, il convient de mettre en route un traitement antipaludique.

Traitement par la primaquine

P. vivaxet P. ovale ont un stade hépatique persistant (hypnozoïtes) qui est à l'origine des rechutes et qui ne répond qu'au traitement par la primaquine. Les rechutes causées par les formes hépatiques persistantes peuvent survenir des mois et même, dans de rares cas, jusqu'à 5 ans après l'exposition. Aucun des schémas prophylactiques actuellement recommandés ne permet de prévenir les rechutes causées par ces deux espèces de Plasmodium. Afin de réduire le risque de rechute après le traitement d'une infection symptomatique à P. vivaxou P. ovale, la primaquine est indiquée comme « traitement radical ». Il faut exclure la possibilité d'un déficit en G-6-PD avant de donner de la primaquine pour prévenir les rechutes. Une étude rétrospective récente portant sur 63 302 militaires américains a mis en évidence un déficit en G-6-PD chez 2,5 % des hommes et 1,6 % des femmes. Les taux étaient les plus élevés chez les Afro Américains de sexe masculin (12,2 %) suivis des hommes d'origine asiatique (4,3 %), des Afro Américaines (4,1 %), des sujets d'origine hispanique (hommes, 2 %; femmes, 1,2 %) et des femmes asiatiques (0,9 %). Les taux chez les sujets de race blanche étaient faibles (0,3 % chez les hommes et 0/4 018 chez les femmes). Aucun ne présentait un déficit de classe I, mais 46 hommes et 1 femme avaient un déficit de classe II, qui peut être associé à une hémolyse sévère menaçant un pronostic vital(186) .

Dans les cas de déficit connu ou soupçonné en G-6-PD, il faut demander l'avis d'un médecin spécialiste, car la primaquine peut provoquer une hémolyse chez ces patients. La primaquine est contre-indiquée pendant la grossesse. Les infections à P. vivaxou P. ovale survenant durant la grossesse doivent être traitées à l'aide de doses standard de chloroquine (voir le tableau 6, chapitre 8). On peut prévenir les rechutes par une prophylaxie hebdomadaire à la chloroquine jusqu'à l'accouchement; par la suite, on peut prescrire sans danger de la primaquine aux mères dont le taux de G-6-PD est normal.

Il n'est pas recommandé d'administrer systématiquement de la primaquine pour prévenir les rechutes chez les voyageurs asymptomatiques à leur retour de voyage (prophylaxie finale). Toutefois, la primaquine est généralement indiquée dans le cas des personnes exposées pendant une longue période dans des régions impaludées où sévissent P. vivaxou P. ovale (p. ex. personnes ayant voyagé ou séjourné longtemps à l'étranger, voir le chapitre 5). Pour la prophylaxie finale, la primaquine est administrée après le départ du voyageur d'une zone impaludée, habituellement pendant ou après les deux dernières semaines de chimioprophylaxie (voir les recommandations concernant la posologie au chapitre 3 et au tableau 6).

Des souches de P. vivaxprésentant une sensibilité réduite à la primaquine ont été isolées en Asie du Sud-Est et, en particulier, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Papouasie. Récemment, des cas d'échec du traitement radical à la primaquine ont été signalés en Thaïlande et en Somalie. Des cas d'échec du traitement radical à la primaquine ont également été recensés dans d'autres régions(187) . La posologie recommandée de la primaquine pour prévenir les rechutes a donc été portée à 30 mg (0,5 mg/kg) base par jour pendant 14 jours. P. malariae peut persister dans le sang pendant de nombreuses années, mais l'infection ne met pas la vie en danger et est facile à éliminer par un cycle standard de traitement à la chloroquine (voir le tableau 6).

Plasmodium knowlesi est devenu une menace en Asie du Sud Est. Les microscopistes peuvent le confondre avec P. malariae, mais il est associé à un taux de parasitémie plus élevé (> 1 %) que ce qu'on observe dans les cas d'infection à P. malariae. Les symptômes et les complications systémiques peuvent imiter le paludisme à P. Falciparum. On suggère de poser le diagnostic d'infection à P. knowlesi dans le cas des patients de l'Asie du Sud Est qui présentent une parasitémie supérieure à 1 % et une morphologie parasitaire analogue à celle de P. malariae. Le traitement par la chloroquine serait semblet-il efficace, mais il faut surveiller de très près et traiter soigneusement les symptômes et complications systémiques similaires à celles des infections hyperparasitémiques à P. Falciparum(1, 188) .

 
Recommandations dans le cadre d'une approche de la médecine fondée sur les preuves Catégorie MFP
Le traitement de choix du paludisme non compliqué à P. Falciparum consiste en l'administration de :
• Atovaquone/proguanil par voie orale(126) .
• Quinine orale combinée à de la doxycycline ou de la clindamycine par voie orale(126) .
• Polythérapie par un dérivé de l'artémésinine (non encore disponible au Canada)(126) .
B III
• Du phosphate de primaquine (30 mg base par jour pendant 2 semaines) devrait être administré après un traitement par la chloroquine du paludisme à P. vivaxet à P. ovale pour prévenir les rechutes(189) . B I
• L'artésunate parentéral est recommandé comme traitement de première intention du paludisme à P. Falciparum grave/compliqué, la quinine parentérale étant combinée à de la doxycycline ou clindamycine comme traitement de remplacement(190) . A I
• L'exsanguino transfusion peut être utile pour traiter les cas de paludisme à P. Falciparum hyperparasitémique(184) . C III
• L'usage de stéroïdes pour traiter l'accès grave ou le paludisme cérébral est associé à des issues plus défavorables et doit donc être évité(182) . E I

 

Auto-traitement en cas de paludisme présumé

L'auto-traitement du paludisme a été très peu étudié, mais c'est une pratique courante qui devrait faire l'objet de lignes directrices et de recommandations à l'intention des voyageurs. Des conseils seraient en particulier utiles à tous les voyageurs qui se rendent dans des régions de forte endémicité pour le paludisme, les régions éloignées ou disposant de ressources médicales limitées. Quatrevingt-dix pour cent de la morbidité et de la mortalité associées au paludisme dans le monde surviennent en Afrique subsaharienne; une attention particulière devrait donc être portée aux personnes qui voyagent dans cette région. Diverses considérations justifient l'auto traitement : un voyage dans des régions éloignées où l'accès à des soins de santé pose un problème, un voyage dans des régions où le risque de paludisme est faible et pour lequel le voyageur préférerait un auto-traitement de réserve plutôt qu'un traitement prophylactique prolongé(125, 191, 192, 193) . Si l'auto-traitement de présomption est prescrit, on devrait fournir au voyageur les renseignements suivants :

  • Les voyageurs qui se rendent dans des régions à haut risque ne devraient pas se fier exclusivement à un auto-traitement(20, 75, 193, 194)
  • Les personnes risquant de souffrir du paludisme qui ne peuvent obtenir des soins médicaux dans les 24 heures ou recevoir des antipaludéens adéquats devraient apporter des médicaments pour l'autotraitement d'un paludisme présumé(193) .
  • Les signes et symptômes du paludisme sont non spécifiques; la grippe, la dengue, la typhoïde, la méningite et la gastro-entérite fébrile peuvent imiter le paludisme.
  • Il ne faut donc pas entreprendre l'auto-traitement à la légère, car il peut entraîner des réactions indésirables.
  • Ni les expatriés ni les médecins ne peuvent diagnostiquer le paludisme sans un test de laboratoire(121, 195, 196) .
  • Une polythérapie est préférable à la prise d'un seul médicament(126) .
  • Bien qu'un traitement partiel ne soit pas recommandé par l'OMS, les ressortissants locaux semi-immuns peuvent tirer profit d'un tel traitement; le voyageur non immun doit toujours suivre le traitement complet(126) .
  • Des résultats tant faussement négatifs que faussement positifs pour le paludisme sont obtenus aux frottis à une fréquence variable par tous les laboratoires de diagnostic du paludisme.
  • L'auto traitement n'est pas un traitement définitif mais constitue plutôt une mesure salvatrice temporaire pendant qu'on tente d'obtenir l'aide d'un médecin dans les 24 heures.
  • Le traitement de présomption par un médicament utilisé par le voyageur pour la suppression du paludisme n'est pas approprié(20, 125, 193) .

Recommandations dans le cadre d'une approche de la médecine fondée sur les preuves Catégorie MFP
Dans les régions où le paludisme est sensible à la chloroquine, qu'on utilise ou non la chloroquinoprophylaxie, amorcer l'auto-traitement à la chloroquine, puis continuer ou amorcer une prophylaxie à la chloroquine(193) . A I

Dans les régions où P. Falciparum est résistant à la chloroquine et à la méfloquine, l'auto-traitement devrait être une solution de rechange aux médicaments utilisés à titre prophylactique; on choisira l'une des options suivantes :

a. Malarone ou
b. quinine et doxycycline orales ou
c. artéméther-luméfantrine acheté dans un pays où les normes pharmaceutiques sont rigoureuses (p. ex. Europe ou É.-U.). La contrefaçon d'artéméther-luméfantrine représente un important problème(122, 123) .
A I

Un certain nombre d'antipaludéens sont contre-indiqués pour différentes raisons pour le traitement du paludisme (auto-traitement ou autre) :

a. méfloquine(197, 198)
b. sulfadoxine/pyriméthamine (Fansidar)(5)
e. méfloquine/Fansidar(198)
f. halofantrine(126)
g. chloroquine/Fansidar(126, 191)

E II

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