ARCHIVÉ - Conseil pour considération du vaccin conjugué quadrivalent contre le méningocoque (A, C, Y, W135) pour utilisation par les provinces et territoires

 

Introduction

En 2006, un premier vaccin conjugué quadrivalent contre le méningocoque (MenactraMC) fut autorisé au Canada (Sanofi Pasteur ltée, 2006) et le Comité consultatif national de l'immunisation a publié une déclaration sur l'utilisation de ce vaccin, axée sur les résultats des études d'immunogénicité et d'innocuité, fournissant des indications et recommandations à l'égard de son administration (CCNI, 2007). Le présent rapport vise à fournir une évaluation complète de l'utilité potentielle d'un vaccin conjugué quadrivalent contre le méningocoque dans le contexte canadien au moyen du cadre analytique proposé par Erickson et coll., (2005) et à formuler des recommandations quant à l'utilisation du vaccin MenactraMC dans les programmes de prévention de la méningococcie invasive subventionnés par l'État au Canada.

Fardeau de la maladie

Historiquement, l'épidémiologie de la MI au Canada a été caractérisée par un contexte endémique et l'occurrence de grandes épidémies et d'éclosions plus modestes à intervalles irréguliers. L' épidémiologie de la MI au cours de la période 1995 à 2004 a récemment été étudiée par le Comité consultatif national de l'immunisation (2007). Le taux global annuel d'incidence a varié entre 0,6 et 1,1 par 100 000, avec une moyenne de 244 cas de MI déclarés et un taux de mortalité des cas de 9 %. On a relevé des différences marquées entre les sérogroupes.

Le sérogroupe B était responsable de la majorité des cas sporadiques et de 44 % des cas relevés chez les enfants de moins de 5 ans (l'âge médian des cas = 11 ans), le taux de létalité des cas était de 6 %. La majorité des cas furent causés par des méningocoques de diversité génétique et phénotypique considérable (Ashton et coll., 2001). Présentement, il n'existe aucun vaccin contre le sérogroupe B circulant au Canada ou en Amérique du Nord (Girard et coll., 2006).

Au cours des 20 dernières années, plusieurs éclosions ont été causées par des souches virulentes du sérogroupe C caractérisées par l'antigène de sérotype 2a et appartenant au complexe clonal de type électro phorétique 15 (Law et coll., 2005). De 1995 à 2004, le nombre annuel moyen de cas signalés du sérogroupe C était de 84. Au cours de cette période, on a observé une baisse progressive de l'incidence des cas du sérogroupe C. Cette baisse pourrait s'expliquer en partie par les campagnes de vaccination massive et les programmes de vaccination systématique mis en œuvre par les provinces et territoires depuis 2000. La distribution par âge des cas de MI du sérogroupe C est bimodale, le plus fort taux d'incidence se situant autour de 18 ans et la seconde pointe survenant vers l'âge d'un an (âge médian des cas = 19 ans). La MI causée par les clones épidémiques du sérogroupe C fut particulièrement sévère, présentant une forte proportion de cas de septicémie fulminante, surtout chez les adolescents et les jeunes adultes, un taux de létalité de l'ordre de 12-14 % et une proportion semblable de survivants présentant des séquelles physiques permanentes (Erickson et coll., 1998).

Le sérogroupe Y a été une cause de cas sporadiques dont l'incidence a été relativement stable entre 1995 et 2004, le nombre moyen de cas se situant à 28 par année. L' intensification transitoire de l'incidence du sérogroupe Y observée aux É.-U. au cours des années 1990 et au début des années 2000 (Harrison et coll., 2006) ne s'est pas manifestée au Canada. Le typage génomique multilocus a dégagé deux populations clonales non apparentées de méningocoques du sérogroupe Y appartenant aux complexes clonaux ST-23 et ST-167 (Tsang et coll., 2007). Le sérogroupe Y tend à affecter les personnes plus âgées (l'âge médian des cas = 45 ans) et le taux de létalité a été de 7 %.

Les souches du sérogroupe W135 n'ont pas été isolées fréquemment au cours des dernières années, une moyenne annuelle de 9 cas étant signalés. L'âge médian des cas a été de 19 ans et le taux de létalité de 8 %. Aucun cas provenant des souches épidémiques qui circulent dans les pays africains et arabes n'a été détecté jusqu'à maintenant.

En 1940-1943, le Canada a connu une épidémie d'envergure nationale causée par le méningocoque du sérogroupe A. Bien que ce sérogroupe soit toujours la cause de grandes épidémies en Afrique et dans d'autres parties du monde, il a rarement été isolé au cours des dernières années, entre 0 et 2 cas étant signalés annuellement. En vue d'estimer, pour chaque âge, le risque de MI évitable par la vaccination avant la mise en œuvre de programmes de vaccination systématiques au Canada, les données de surveillance pour la période 1995-2001 ont été utilisées (Deeks et coll., 1997; Squires et coll., 2000; Squires et coll., 2004), avec rajustement en fonction du sous-diagnostic lorsque le diagnostic PCR n'était pas disponible (10 % des cas de MI) (Lorange et coll., 2002), en fonction de la sous-déclaration (5 % des cas de MI) (Rivest et coll., 1999) et en fonction des cas de MI de sérogroupes inconnus (proportion spécifique à l'année) (Deeks et coll., 1997 ; Squires et coll., 2000 ; Squires et coll., 2004). Comme le montre la figure 1, l'incidence des cas de MI évitables par la vaccination a été dominée par le sérogroupe C et le risque était à son maximum chez les personnes de 19 ans (2,3/100 000 personnes-années) et à son minimum dans le groupe d'âges de 30 à 39 ans (0,2/100 000 personnes-années). Chez les enfants, on a observé une pointe autour de l'âge d'un an, de faibles taux chez les écoliers du primaire et d'une augmentation à partir de l'âge de 13 ans. Les taux de mortalité par groupe d'âge au Canada en 1990-1992 ont été utilisés pour calculer le nombre de personnes à risque pour chaque année d'âge d'une cohorte de naissances donnée (Statistique Canada, 1996). Le risque estimé à vie de MI évitable par la vaccination était de 44 cas par 100 000, y compris 33 cas du sérogroupe C, 9 cas du sérogroupe Y, 2 cas du sérogroupe W135 et moins d'un cas du sérogroupe A.

Figure 1 : Risque par groupe d'âge de méningococcie invasive évitable par la vaccination au Canada (De Wals et coll., 2007)

Figure 1 : Risque par groupe d'âge de méningococcie  
invasive évitable par la vaccination au Canada (De Wals et coll., 2007)

Jusqu'à maintenant, il n'a pas été possible de prédire avec certitude l'épidémiologie de la MI dans quelque partie du monde qui soit. Dans les pays industrialisés, les taux de MI endémique sont demeurés relativement stables au cours du dernier siècle et les épidémies ou éclosions ont été causées surtout par les méningocoques des sérogroupes A, B et C. (Rosenstein et coll., 2001; Pollard, 2004; Stephens et coll., 2007). Dans la « ceinture africaine de méningite », les épidémies sont surtout associées aux clones du sérogroupe A et, récemment, de plus petites éclosions ont été causées par de nouveaux clones des sérogroupes W135 et Y. Ces souches virulentes pourraient être importées et on ne peut exclure l'occurrence de nouvelles épidémies ou éclosions causées par des clones virulents de tout sérotype au Canada.

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