Modalités canadiennes d’intervention lors de toxi-infection d’origine alimentaire


Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Numéro : Volume 40-14 : Ebola, maladies d'origine alimentaire et plus
Date de publication : 14 août 2014
ISSN : 1719-3109
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Volume 40-14, le 14 août 2014 : Ebola, maladies d'origine alimentaire et plus
Directive
Résumé : Modalités canadiennes d’intervention lors de toxi-infection d’origine alimentaire
Vik J1* et Hexemer A1
Affiliation
1 Division de la gestion des éclosions, Centre des maladies infectieuses d’origine alimentaire, environnementale et zoonotique de l’Agence de la santé publique du Canada, Guelph (Ontario)
Correspondance
DOI
https://doi.org/10.14745/ccdr.v40i14a04f
Résumé
Contexte : Chaque année au Canada, le fardeau d'une maladie due à des pathogènes d'origine alimentaire est important. Les enquêtes sur les éclosions d'une telle maladie sont des activités complexes, particulièrement lorsque les cas se manifestent dans plusieurs provinces ou territoires. Par conséquent, une intervention efficace lors d'une éclosion nécessite la coordination et la collaboration de nombreux partenaires d'enquête.
Objectif : Souligner l'importance des Modalités canadiennes d'intervention lors de toxi-infection d'origine alimentaire (MITIOA), le principal document d'orientation en matière d'éclosions multijuridictionnelles de maladie d'origine alimentaire au Canada.
Approche : Les plus récentes MITIOA ont été élaborées en 2010 par l'Agence de la santé publique du Canada, en consultation avec Santé Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments et des intervenants provinciaux et territoriaux.
Résultats : Les MITIOA énoncent les principes directeurs et les procédures opérationnelles visant à améliorer la collaboration et la coordination entre les multiples partenaires d'enquête en réponse à une éclosion multijuridictionnelle de maladie d'origine alimentaire. Les MITIOA ont fourni des directives pour la tenue de 22 enquêtes menées par le Centre des maladies infectieuses d'origine alimentaire, environnementale et zoonotique de l'Agence de santé publique du Canada entre 2011 et 2013. En outre, elles ont servi de guide pour l'élaboration de protocoles provinciaux.
Conclusion : Grâce aux MITIOA, sont facilitées et améliorées la rapidité et l'efficacité de l'enquête et de l'intervention lors d'une éclosion de maladie d'origine alimentaire touchant plusieurs provinces ou territoires au Canada.
Introduction
Les causes d'une maladie d'origine alimentaire sont variées - elles peuvent comprendre une multitude de virus, de bactéries, de parasites et de toxines. Les pathogènes d'origine alimentaire sont responsables d'environ 4 millions d'épisodes de maladie chez les Canadiens chaque année Note de bas de page 1, variant d'une maladie bénigne à une morbidité importante accompagnée de séquelles à long terme ou entraînant le décès. L'impact économique des maladies d'origine alimentaire au Canada est également important; il a été estimé en effet à près de 1,1 milliard de dollars pour chaque million de cas annuels de maladie bactérienne aiguë d'origine alimentaire uniquement Note de bas de page 2.
L'enquête et l'intervention lors d'une éclosion de maladie d'origine alimentaire comportant des cas dans plusieurs provinces ou territoires, ou au Canada et dans un autre pays, sont une entreprise complexe qui nécessite la participation de plusieurs ministères relevant de différents paliers de gouvernement. Le principal document visant à orienter les efforts de collaboration nécessaires à une enquête lors d'une éclosion multijuridictionnelle de maladie d'origine alimentaire au Canada s'intitule Modalités canadiennes d'intervention lors de toxi-infection d'origine alimentaire (MITIOA) Note de bas de page 3.
Compte tenu de l'importance des éclosions de maladie d'origine alimentaire au Canada, de la pertinence constante et du rôle central des MITIOA dans ces enquêtes, le présent article propose un résumé des principales caractéristiques des MITIOA, y compris leur objectif et leurs principes directeurs, les rôles et responsabilités des intervenants ainsi que les procédures opérationnelles relatives à l'enquête.
Approche
Les MITIOA ont d'abord été élaborées en 1999, puis révisées en 2006 afin de tenir compte du rôle de l'Agence de la santé publique du Canada à la suite de sa création en 2004. La version actuelle des MITIOA a été mise à jour en 2010 à la suite d'un processus de consultation avec les intervenants fédéraux, provinciaux et territoriaux, y compris le Conseil des médecins hygiénistes en chef et les sous-ministres fédéral-provinciaux-territoriaux de la Santé.
Protocole
La sécurité alimentaire et la santé publique sont des sphères de compétence partagée entre tous les ordres de gouvernement au Canada. Par conséquent, la détection d'une éclosion multijuridictionnelle de maladie d'origine alimentaire et l'intervention qui s'ensuit nécessitent une collaboration active entre un grand nombre d'intervenants. Les MITIOA s'appliquent aux éclosions de maladies entériques au Canada lorsque des cas sont déclarés dans plus d'une province ou d'un territoire, ou au Canada et dans un autre pays, et que plusieurs organismes sont concernés. La portée des MITIOA s'étend de la détection d'une éclosion multijuridictionnelle de maladie d'origine alimentaire potentielle au processus d'évaluation subséquent à l'éclosion.
Les MITIOA ont pour objectif d'accroître la collaboration et la coordination entre les partenaires, de définir clairement les voies de communication et d'améliorer l'efficience et l'efficacité de l'intervention. Pour atteindre ces objectifs, elles définissent les rôles et responsabilités des partenaires d'enquête (Tableau 1) et fournissent des procédures opérationnelles détaillées pour la coordination de l'intervention lors d'une éclosion multijuridictionnelle de maladie d'origine alimentaire. Bien que les MITIOA servent à orienter la collaboration des partenaires lors de la détection d'une éclosion et de l'intervention, entre autres en proposant des directives pour la notification des partenaires, la communication et le partage de l'information, elles ne présentent pas de directives détaillées sur la façon de mener une enquête sur une éclosion. Les MITIOA peuvent également être utilisées comme un modèle pour les provinces et les territoires, qui peuvent s'en inspirer pour élaborer leur propre protocole lorsque plusieurs administrations ou organismes d'une même province ou d'un même territoire sont impliqués.
Partenaire d'enquête | Rôle | Responsabilité |
---|---|---|
Responsables de la santé publique régionaux et locaux | Mener des enquêtes sur les cas de maladies entériques humaines. Procéder à des inspections et mettre en œuvre des mesures de contrôle pour réduire les risques de santé liés à l'alimentation. |
Communiquer les cas de maladies entériques et les résultats des enquêtes sur la salubrité des aliments aux responsables de la santé publique provinciaux et territoriaux. |
Responsables de la santé publique provinciaux et territoriaux | Effectuer une surveillance provinciale et territoriale des maladies entériques. Valider et coordonner l'échange des données épidémiologiques entre les responsables de la santé publique locaux, régionaux et fédéraux. Effectuer des analyses de laboratoire d'échantillons cliniques, alimentaires et environnementaux recueillis dans les administrations respectives. |
Déclarer les cas de maladies entériques et les résultats des analyses de laboratoire aux responsables de la santé publique fédéraux. |
Responsables de l'agriculture provinciaux et territoriaux | Mener des enquêtes sur la salubrité des aliments dans les installations qui ne relèvent pas des responsabilités réglementaires de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Mettre en œuvre des mesures visant à contrôler les sources potentielles de maladies entériques. |
Faire part des résultats des enquêtes et des interventions aux partenaires d'enquête. |
Agence de la santé publique du Canada | Effectuer une surveillance des maladies entériques à l'échelle nationale. Effectuer des analyses centralisées des données épidémiologiques. Évaluer le poids de la preuve épidémiologique pour prendre des mesures d'intervention. Réaliser des analyses de laboratoire et offrir des services de référence en laboratoire aux fins de détection et de caractérisation des souches prélevées d'échantillons cliniques, alimentaires et environnementaux. Diriger et coordonner les communications publiques. |
Diriger et coordonner l'intervention en cas d'éclosions multijuridictionnelles. |
Agence canadienne d'inspection des aliments | Mener des enquêtes sur la salubrité des aliments, y compris des activités d'inspection des aliments. Coordonner les rappels d'aliments et les autres mesures visant à contrôler les sources potentielles des maladies. Fournir des analyses de laboratoire d'échantillons alimentaires. |
Faire part des résultats des enquêtes et des interventions aux partenaires d'enquête. |
Santé Canada | Effectuer une évaluation des risques pour la santé des sources des maladies. Élaborer des politiques et des normes de santé en fonction des résultats d'enquête, le cas échéant. |
Attribuer un niveau de risque pour la santé aux sources des maladies. |
Un principe directeur des MITIOA veut qu'un comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion serve de forum principal de partage et d'interprétation des renseignements lors d'une enquête sur une éclosion. Le comité est composé de représentants désignés pour agir au nom des partenaires des différents ministères et paliers de gouvernement concernés lors d'une enquête sur une éclosion donnée. Ces représentants peuvent venir de l'Agence de la santé publique du Canada, de Santé Canada, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, des ministères de la Santé et de l'Agriculture provinciaux et territoriaux ou de bureaux de santé publique locaux. L'expertise d'autres organismes, tels que ceux prenant part aux interventions d'urgence ou la Gendarmerie royale du Canada, est mise à contribution en fonction des besoins. Des experts en épidémiologie, en microbiologie, en sécurité alimentaire et en communications font partie du comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion.
Les principaux objectifs d'un comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion sont de faciliter la communication entre les organismes participants, de servir de point central pour le partage de l'information provenant de toutes les sources, de discuter des résultats de l'enquête sur l'éclosion et de parvenir à un consensus sur l'orientation de l'enquête et sur les mesures de santé publique. Tout partenaire concerné par une éclosion peut demander qu'un tel comité soit mis en place. Le Centre des maladies infectieuses d'origine alimentaire, environnementale et zoonotique (Agence de la santé publique du Canada) est responsable de la coordination du comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion et il est considéré comme l'organisation responsable. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu'une éclosion multijuridictionnelle se produit principalement dans une province ou un territoire et que ce territoire de compétence a déjà mis sur pied une équipe d'enquête, cette province ou ce territoire pourra prendre la direction du comité avec l'accord de tous les représentants du comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion.
Chaque partenaire fédéral, provincial et territorial susceptible de participer au comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion dirigé à l'échelle nationale a un représentant principal désigné, connu sous le nom d'agent responsable des MITIOA. Lorsque le comité est mis en place, son responsable est chargé de communiquer avec tous les agents responsables des MITIOA pour les informer que le comité a été mis en place et veiller à ce qu'ils reçoivent des résumés de ses activités et de ses mesures. Les agents responsables des MITIOA, quant à eux, sont responsables de la participation de leur territoire de compétence au comité, au besoin, et de présenter des mises à jour régulières aux hauts fonctionnaires au sein de leur organisation et de les aviser.
Un autre principe directeur central des MITIOA veut que des preuves épidémiologiques, de laboratoire ou issues d'une enquête sur l'innocuité des aliments soient utilisées pour établir un lien entre une maladie et un aliment particulier désigné comme la source d'une éclosion. L'Agence de la santé publique du Canada, à titre de responsable du comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion, est chargée de coordonner les enquêtes épidémiologiques sur les éclosions de maladie d'origine alimentaire, ainsi que de la compilation et de l'analyse des données épidémiologiques, en collaboration avec les partenaires touchés. Les enquêtes sur la salubrité des aliments sont menées par l'Agence canadienne d'inspection des aliments ou par les responsables des organismes de contrôle appropriés au sein de la province ou du territoire de compétence touché. Chaque partenaire est responsable de la conduite des tests en laboratoire appropriés des échantillons d'aliments et cliniques ainsi que de la communication des résultats aux fins de discussions au sein du comité.
Bien que l'Agence de la santé publique du Canada dirige et coordonne les communications publiques, chaque partenaire du comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion est également responsable de communiquer avec le public, dans les limites de son territoire de compétence. Le personnel responsable des communications et les experts de contenu au sein du comité se concertent pour élaborer des produits afin de fournir des mises à jour au public, aux médias et à d'autres intervenants, au besoin, conformément aux principes en matière de communication des risques. Les activités de communication sont coordonnées entre les partenaires du comité afin d'assurer la transmission de messages cohérents et complémentaires entre tous les territoires de compétence concernés.
Santé Canada est responsable de procéder à une évaluation des risques pour la santé d'un aliment soupçonné être la source d'une éclosion. Les données épidémiologiques, microbiologiques et sur la salubrité des aliments sont pris en compte dans l'évaluation, laquelle détermine à son tour le niveau de risque posé par la source ou l'aliment soupçonné ou mis en cause. Les décisions fondées sur l'évaluation des risques de santé sont communiquées au comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion et sont utilisées pour guider l'intervention en matière de santé publique. Les mesures prises en matière de santé publique et de sécurité alimentaire visant à éliminer la source d'une éclosion de maladie d'origine alimentaire peuvent inclure l'émission d'un rappel, la rétention d'un produit, l'élimination des aliments, la communication au sujet des mesures de prévention et de contrôle, la gestion des cas et des personnes-ressources, les traitements prophylactiques (p. ex. la vaccination des personnes-ressources contre l'hépatite A), de même que l'examen et l'amélioration des procédures et des exigences de l'industrie, ainsi que la mise à jour ou l'élaboration de politiques, normes ou lignes directrices gouvernementales.
En 2010, la possibilité pour tout partenaire ayant participé à l'intervention lors d'une éclosion de demander une évaluation postérieure à l'éclosion a été ajoutée aux MITIOA en guise de nouvelle caractéristique. Ces évaluations, généralement présidées par le responsable du comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion, sont l'occasion pour les partenaires d'examiner ce qui a bien fonctionné et ce qui aurait pu être amélioré dans une enquête en particulier. Les partenaires du comité peuvent définir des mesures pour éviter une récurrence, telles que l'élaboration ou la révision de politiques ou de normes; l'évaluation de la nécessité d'autres études scientifiques; l'élaboration de meilleures pratiques pour les enquêtes à venir et la recommandation d'améliorations ou d'ajustements à apporter aux MITIOA.
Depuis leur révision en 2010, les MITIOA ont servi de lignes directrices à 22 reprises aux comités de coordination de l'enquête sur l'éclosion dirigée par le Centre des maladies infectieuses d'origine alimentaire, environnementale et zoonotique (Agence de la santé publique du Canada), entre 2011 et 2013. Des partenaires nationaux et internationaux ont participé à ces enquêtes épidémiologiques qui ont touché les pathogènes E. coli, Salmonella, Listeria, Cyclospora et l'hépatite A. Les MITIOA sont en cours de révision, et une nouvelle version va être élaborée. L'Agence de la santé publique du Canada, en tant que responsable des MITIOA, s'acquittera de cette tâche grâce à un engagement collaboratif des partenaires clés et à l'intégration des recommandations reçues lors des évaluations postérieures à l'éclosion.
Conclusion
Les MITIOA jouent un rôle essentiel pour assurer l'efficacité des enquêtes et des interventions en cas d'éclosion multijuridictionnelle de maladie d'origine alimentaire au Canada. La révision prévue de leurs dispositions assure leur adaptation aux réalités changeantes et fournit un moyen de tenir compte des recommandations et des leçons tirées après l'éclosion.
Conflit d'intérêts
Il n'y a aucun conflit d'intérêts à déclarer.
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