Éclosion de fièvre Q associée à la thérapie cellulaire chez des voyageurs - États-Unis et Canada, 2014

RMTC

Volume 41-10, le 1er octobre 2015 : Vaccins

Communication rapide

Éclosion de fièvre Q associée à la thérapie cellulaire chez les personnes s’étant rendues en Allemagne – États-Unis et Canada, 2014 : une coédition

Robyn MP1,2*, Newman AP2, Amato M3, Walawander M3, Kothe C4, Nerone JD4, Pomerantz C4, Behravesh CB5, Biggs HM1,5, Dahlgren FS5, Pieracci EG1,5, Whitfield Y6, Sider D6, Ozaldin O7, Berger L7, Buck PA8, Downing M9,10, Blog D2

Affiliations

1 Epidemic Intelligence Service, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta (Géorgie)

2 New York State Department of Health, Albany (New York)

3 Erie County Department of Health, Buffalo (New York)

4 Ulster County Department of Health and Mental Health, Ellenville (New York)

5 National Center for Emerging and Zoonotic Infectious Diseases, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta (Géorgie)

6 Santé publique Ontario, Toronto (Ontario)

7 Toronto Public Health, Toronto, (Ontario)

8 Centre des maladies infectieuses d’origine alimentaire, environnementale et zoonotique, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, (Ontario)

9 Saint Joseph’s Health Centre, Toronto, (Ontario)

10 Département de médecine, Université de Toronto, Toronto, (Ontario)

Correspondance

mrobyn@cdc.gov

DOI

https://doi.org/10.14745/ccdr.v41i10a01f

Remarque

Le contenu du présent document est identique au contenu de l’article principal publié dans le Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR) et publié par voie électronique le 30 septembre 2015 après avoir satisfait aux lignes directrices sur la publication simultanée comme stipulé par l’International Committee of Medical Journal Editors (www.icmje.org).

Résumé

Que connait-on déjà à ce sujet?
La fièvre Q est une maladie zoonotique causée par Coxiella burnetii et est généralement transmise par l'inhalation d'air contaminé par des excréments d'origine animale. La maladie est considérée comme sous-diagnostiquée parce que les symptômes ne sont pas propres à la fièvre Q et peuvent varier d'un patient à l'autre, ce qui rend le diagnostic difficile.

Qu'est-ce que ce rapport apporte de nouveau?
De septembre à octobre 2014, le programme du New York State Department of Health a diagnostiqué la fièvre Q chez cinq patients ayant des antécédents d'exposition à un traitement connu sous le nom de thérapie cellulaire, une pratique de médecine alternative utilisant des injections de cellules fœtale de mouton, soit un type de la xénotransplantation. Une enquête a révélé qu'un groupe de résidents des États-Unis s'est rendu en Allemagne deux fois par année pour recevoir ce traitement.

Quelles sont les répercussions pour les pratiques de santé publique?
Les cliniciens devraient envisager les maladies zoonotiques, comme la fièvre Q, chez des patients dont les antécédents comprennent un traitement connu sous le nom de thérapie cellulaire. Les voyages internationaux pour obtenir une xénotransplantation peuvent favoriser la transmission de maladies zoonotiques.

Introduction

De septembre à novembre 2014, le New York State Department of Health (NYSDOH) a été informé que cinq résidents de l'État de New York ayant subi un test de dépistage étaient séropositifs pour Coxiella burnetii, l'agent causal de la fièvre Q. Les cinq patients présentaient des symptômes compatibles avec la fièvre Q (p. ex. fièvre, fatigue, frissons et maux de tête) et des antécédents de voyage en Allemagne pour recevoir un traitement médical appelé la « thérapie cellulaire » (parfois appelé « cytothérapie ») en mai 2014. La thérapie cellulaire consiste en l'injection de cellules traitées provenant d'organes ou de fœtus d'animaux (p. ex. moutons) chez des receveurs humains Note de bas de page 1. Les promoteurs de cette thérapie affirment qu'elle peut traiter un éventail de problèmes de santé. Cette thérapie n'est pas disponible aux États-Unis; toutefois, les personnes peuvent se rendre à l'étranger pour recevoir des injections. Les ministères de la santé locaux se sont entretenus avec les patients, et le NYSDOH a avisé les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) et a publié un rapport sur l'Epidemic Information Exchange du CDC pour obtenir d'autres cas. Les données cliniques et d'exposition pour chaque patient ont été communiquées au Robert Koch Institute en Allemagne, lequel a retransmis les renseignements aux autorités locales de la santé. Un résident du Canada qui a également suivi une thérapie cellulaire en mai 2014 a reçu un diagnostic de fièvre Q en juillet 2014. Les cliniciens doivent être conscients des risques pour la santé, comme la fièvre Q et d'autres maladies d'origine zoonotique, chez les patients ayant des antécédents de traitement par la thérapie cellulaire.

Les cinq patients de l'État de New York avaient voyagé avec un groupe de 10 à 15 personnes dans l'État de la Rhénanie-Palatinat en Allemagne pour recevoir d'un médecin allemand des injections intramusculaires de cellules de fœtus de mouton le 30 mai 2014. Une résidente du Canada, qui a reçu des injections intramusculaires de cellules de fœtus de mouton du même médecin allemand le 28 mai 2014, a reçu des soins médicaux en juin 2014 pour de la fièvre, de la douleur et un érythème au site d'injection. Elle a reçu un diagnostic de fièvre Q en juillet 2014, et les autorités sanitaires en ont été informées. En septembre 2014, en vertu du Règlement sanitaire international, l'Agence de la santé publique du Canada a informé les autorités allemandes. Au moment de la déclaration, le ministère de la Santé de l'État fédéral de la Rhénanie-Palatinat menait une enquête sur une éclosion de fièvre Q humaine associée à une exposition par inhalation à un troupeau de moutons utilisé pour la production de cellules fœtales de mouton injectables par le médecin allemand.

En septembre, le médecin allemand a avisé les patients traités de janvier à juillet 2014 de leur exposition potentielle à la fièvre Q. Cela a déclenché la réalisation de tests de fièvre Q chez les cinq patients de l'État de New York, dont trois avaient déjà reçu des soins médicaux pour les symptômes. Les deux autres patients avaient souffert de symptômes, mais n'avaient pas sollicité de soins médicaux avant d'être informés de leur exposition potentielle à la fièvre Q. Les résultats du test, associés à des titres de fièvre Q, ont été déclarés positifs au NYSDOH et ont donné lieu à une enquête par les ministères de la santé locaux. Aucun autre cas de résidents du Canada ou des États-Unis ayant des titres de fièvre Q positifs et des antécédents d'injections intramusculaires de cellules fœtales de mouton en Allemagne n'a été signalé. L'identité et la nationalité des autres personnes du groupe de voyageurs sont inconnues des autorités de santé publique américaines et canadiennes. On ne sait pas si les autres personnes ont eu à subir un test de dépistage pour la fièvre Q, ont obtenu des résultats négatifs, ou ont signalé une exposition à des injections de cellules fœtales de mouton.

Un cas associé à une éclosion de fièvre Q a été défini comme une maladie caractérisée par des signes et symptômes cliniques compatibles avec la fièvre Q, et par un titre d'IgG de l'antigène en phase II de C. burnetii ≥ 1:128 par épreuve d'immunofluorescence chez une personne qui a subi une thérapie cellulaire en Allemagne au cours de mai 2014 Note de bas de page 2. Parmi les six cas signalés, l'âge médian des patients était de 62 ans (plage = de 59 à 83 ans). Quatre des six patients étaient des femmes. Aucun des patients n'a déclaré d'autres expositions potentielles à la fièvre Q, à l'exception d'un patient qui a été en contact avec des cornes ou des os de mouton. Trois patients ont signalé des problèmes médicaux préexistants : un patient atteint de fibrillation auriculaire et de calculs rénaux, un patient atteint de la maladie de Parkinson et d'arthrose, et un patient atteint de la sclérose en plaques.

Des signes et des symptômes de fièvre Q ont commencé au cours de la semaine suivant l'injection intramusculaire de cellules fœtales de mouton. La majorité des symptômes ont duré de 10 à 90 jours; cependant, de 9 à 10 mois après l'exposition, trois patients déclaraient toujours des symptômes de fatigue, des frissons, des sueurs et de la difficulté à dormir (tableau). Un patient n'avait initialement déclaré aucun symptôme au cours d'une entrevue avec le service de santé local après que ses titres positifs eurent été signalés en novembre 2014; toutefois, en février 2015, il a informé son médecin de la présence de symptômes depuis les injections en mai.

Les patients ont été soumis au dépistage des anticorps en phases I et II de la fièvre Q de 2 à 6 mois après l'exposition par épreuve d'immunofluorescence indirecte. C. burnetii subit des variations de la phase antigénique, entre une forme virulente de la phase I et une forme avirulente de la phase II. Pendant l'infection aiguë, des anticorps en phase II apparaissent d'abord et ont un titre plus élevé que les anticorps de la phase I. Tous les titres d'anticorps IgG de la phase I des patients atteints étaient plus élevés (1:512 - 1:2 048), mais ils étaient plus faibles que les titres d'anticorps IgG de la phase II (1:4 096 - 1:65 536), ce qui indique une infection aiguë. Les titres d'IgM de la phase I étaient élevés chez quatre patients (1:128 - 1:8 192) et les titres d'IgM de la phase II étaient élevés chez tous les patients (1:64 - 1:32 768). Tous les patients ont été traités à la doxycycline après avoir reçu un diagnostic de fièvre Q.

Les six patients ont été interrogés par les ministères de la santé locaux; seulement deux des cinq patients de l'État de New York ont accepté de se livrer à une entrevue de suivi par le NYSDOH. Les deux patients ont indiqué qu'un groupe s'était rendu en Allemagne pour recevoir les injections deux fois par année au cours des cinq dernières années. Ils avaient décidé de recevoir des injections de cellules de fœtus de mouton pour améliorer leur état de santé et leur vitalité en général et n'avaient jamais manifesté de signes ou de symptômes de la maladie après les injections. Ils ont indiqué qu'ils n'avaient pas été informés du risque d'infection de la fièvre Q avant l'injection.

TABLEAU. Signes et symptômes déclarés par six patients atteints de fièvre Q ayant subi une thérapie cellulaire — États-Unis et Canada, 2014
Signe/Symptôme Patient 1 Patient 2Note de tableau * Patient 3 Patient 4 Patient 5 Patient 6
Fièvre X X X X X
Sueurs X X X X
Fatigue X X X X X
Céphalée X X X
Frissons X X X
Malaise X X X
Cellulite X X X
Confusion X
Douleur rétro-oculaire X
Abcès au point d'injection X
Toux X
Étourdissements X
Souffle court X X
Mal de gorge X
Sécheresse buccale X
Diarrhée X
Difficulté à dormir X
Douleurs articulaires X
Myalgie X
Durée de 10 à 30 jours 9 mois (présence de fatigue et de frissons étaient en date de février 2015) de 2 à 3 mois de 14 à 30 jours (présence de fatigue et de difficulté à dormir en date de février 2015) 30 jours (présence de fatigue et de sueurs en date de février 2015) 10 jours (présence de fatigue chronique se poursuivant pendant plusieurs mois)

Discussion

Le traitement connu sous le nom de thérapie cellulaire a été élaboré en Suisse par Paul Niehans durant les années 1930. Les professionnels de la santé ont utilisé des organes, des ganglions et des fœtus de multiples espèces, y compris de moutons, de vaches et de requins.Note de bas de page *Note de bas de page 1.

Aucune publication de données cliniques appuyant les allégations thérapeutiques du traitement connu sous le nom de thérapie cellulaire n'est disponible. Les promoteurs de cette thérapie affirment qu'elle a des effets antivieillissement et qu'elle peut traiter un éventail de problèmes de santé et de maladies (p. ex. la dysfonction érectile, la dépression, les maladies articulaires, cardiaques, rénales, hépatiques, pulmonaires et endocriniennes, et les troubles neurologique).Note de bas de page Des effets indésirables graves ont été signalés, dont l'anaphylaxie, la vasculite, l'encéphalite, la polyradiculite, la clostridiose, la parésie et la mort Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5.

Le traitement connu sous le nom de thérapie cellulaire constitue une xénotransplantation lorsqu'il s'agit de l'administration de cellules animales vivantes que l'on injecte chez un sujet humain Note de bas de page 6. La xénotransplantation représente un risque pour la santé publique par la transmission d'agents infectieux, connus ou inconnus, de l'organisme donneur au receveur humain et en raison d'une recombinaison ou d'un réassortiment possibles pour former de nouveaux agents pathogènes Note de bas de page 6. Il existe un risque théorique de propagation de la maladie du receveur initial aux autres. Pour cette raison, les organismes de santé publique nationaux et internationaux continuent de mener des discussions sur les exigences en matière de sécurité concernant la xénotransplantation Note de bas de page 7.

La réglementation en matière de xénotransplantation varie entre les pays. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) réglemente les produits de xénotransplantation conformément à la réglementation des médicaments biologiques en vertu de l'article 351 du Public Health Service ActNote de bas de page § et en vertu du Federal Food, Drug, and Cosmetic Act.Note de bas de page L'approbation par la FDA d'une demande de licence de médicament biologique (BLA) est nécessaire pour commercialiser un médicament biologique sur le marché interétats. La FDA n'a pas approuvé de BLA pour un produit de xénotransplantation connu sous le nom de thérapie cellulaire. Lorsqu'un produit de xénotransplantation est proposé aux fins d'utilisation dans le cadre d'une étude clinique aux États-Unis, une demande d'étude de nouveau médicament est nécessaire. Au Canada, la thérapie cellulaire par xénotransplantation est réglementée comme les médicaments en vertu de la Loi sur les aliments et droguesNote de bas de page ** et du Règlement sur les aliments et drogues.Note de bas de page ‡‡ Les autorités canadiennes n'ont pas autorisé la vente de produits de xénotransplantation, et n'ont pas autorisé d'essais cliniques sur la xénotransplantation. En Allemagne, les produits de xénotransplantation sont réglementés en vertu de la Loi sur les produits médicinaux; cependant, une tentative de bannir la thérapie cellulaire en 1997 a finalement échoué, car les médicaments fabriqués par les médecins pour utilisation chez leurs patients ne sont pas assujettis aux lois fédérales Note de bas de page 8. Une évaluation soutenue par l'Organisation mondiale de la Santé et ses partenaires menée de janvier 1994 à septembre 2009, a révélé que la xénotransplantation était utilisée en thérapie dans 12 pays différents, dont neuf n'avaient pas de réglementation claire sur la xénotransplantation à l'échelle nationale Note de bas de page 9.

Cette éclosion met en évidence l'un des problèmes de santé publique liés au xénotourisme, soit le fait de se rendre à l'extérieur du pays de résidence dans le but de participer à des programmes de xénotransplantation. La FDA recommande que les receveurs de produits de xénotransplantation inscrits dans des études de recherche fassent l'objet d'un suivi à vie et d'une surveillance clinique et en laboratoire périodique, et que ces personnes et leurs proches s'abstiennent de faire des dons de sang et de tissus Note de bas de page 6. Cependant, à part l'autodéclaration, aucune méthode permettant de repérer les xénotouristes de retour au pays n'est disponible. Les cliniciens devraient être mis au courant du xénotourisme et tenir compte de la possibilité d'une maladie zoonotique chez un patient ayant des antécédents de xénotransplantation.

Remerciements

Stephen Moore, Ryan Walton, Bryna Warshawsky, M.D., Santé publique Ontario. Samir N Patel, Ph. D., Santé publique Ontario et l'Université de Toronto. Maja George, Ph. D., Robert Koch Institute et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Ann Sullivan-Frohm, Christina Hidalgo, MPH, Philip Kurpiel, Ph. D., New York State Department of Health. Bureau du point focal national RSI du Canada, Agence de la santé publique du Canada.

Détails de la page

Date de modification :