Phylogénie moléculaire servant à identifier la transmission du VHC
Publié par : L’Agence de la santé publique du Canada
Numéro : Volume 45–9 : Éclosions
Date de publication : 5 septembre 2019
ISSN : 1719-3109
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Volume 45–9, le 5 septembre 2019 : Éclosions
Surveillance
Émergence d’une souche de génotype 4d détectée chez des hommes du Québec grâce à la surveillance moléculaire des génotypes du virus de l’hépatite C, de 2001 à 2017
DG Murphy1, R Dion1,2, M Simard3, ML Vachon4, V Martel-Laferrière5, B Serhir1, J Longtin1
Affiliations
1 Institut national de santé publique du Québec, Laboratoire de santé publique du Québec, Sainte-Anne-de-Bellevue, Québec
2 École de santé publique de l’Université de Montréal, Département de médecine sociale et préventive, Montréal, Québec
3 Institut national de santé publique du Québec, Bureau d’information et d’études en santé des populations, Québec, Québec
4 Centre hospitalier de l’Université Laval, Québec, Québec
5 Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal, Québec
Correspondance
Citation proposée
Murphy DG, Dion R, Simard M, Vachon ML, Martel-Laferrière V, Serhir B, Longtin J. Émergence d’une souche de génotype 4d détectée chez des hommes du Québec grâce à la surveillance moléculaire des génotypes du virus de l’hépatite C, de 2001 à 2017. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2019;45(9):253–60. https://doi.org/10.14745/ccdr.v45i09a02f
Mots-clés : VHC, génotype, G4d, surveillance, analyse phylogénétique, agrégat, épidémiologie moléculaire, hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, HARSAH
Résumé
Contexte : La phylogénie moléculaire sert habituellement à confirmer les événements de transmission du virus de l’hépatite C (VHC). Depuis novembre 2001, le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) utilise aussi la phylogénie moléculaire pour la surveillance des génotypes du VHC.
Objectif : Décrire l’émergence d’une souche spécifique du génotype 4d (G4d) du VHC et ses caractéristiques en utilisant la phylogénie moléculaire comme outil de surveillance pour déceler les agrégats de souches de VHC.
Méthodes : Le LSPQ a procédé de façon prospective à un séquençage de Sanger et à une analyse phylogénétique afin de déterminer les génotypes de VHC dans les échantillons prélevés entre novembre 2001 et décembre 2017. Lorsqu’un agrégat important de G4d fut détecté, des renseignements démographiques, l’état de l’infection au VIH et les résultats d’un test de dépistage de la syphilis ont été analysés.
Résultats : Les analyses phylogénétiques réalisées sur environ 22 000 cas ont permis de déceler 122 cas de G4d. Un agrégat important de G4d, composé de 37 cas, a été repéré. Deux cas ont été décelés en 2010, 10 entre 2011 et 2014, et 25 entre 2015 et 2017. Les cas formant l’agrégat se concentraient dans deux régions sociosanitaires urbaines. Comparativement à d’autres cas de G4d, ceux formant l’agrégat étaient tous des hommes (p < 0,001) et plus fréquemment séropositifs pour le VIH (risque relatif ajusté : 4,4; intervalle de confiance à 95 % : 2,5–7,9). Vingt-sept (73 %) des cas de l’agrégat présentaient des résultats positifs à un test de dépistage de la syphilis. Dans cet agrégat et dans quatre cas connexes, les séquences se situaient dans la même lignée monophylétique que les séquences de G4d rapportées en Europe chez des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) séropositifs pour le VIH.
Conclusion : La phylogénie moléculaire a permis de détecter et de surveiller la transmission continue d’une souche spécifique du G4d du VHC chez des hommes séropositifs et séronégatifs pour le VIH au Québec, ainsi que sa propagation transcontinentale. Ces renseignements peuvent servir à orienter les stratégies d’intervention pour éviter la transmission du VHC chez les HARSAH.
Introduction
Le virus de l’hépatite C (VHC) touche 70 millions de personnes dans le monde et constitue un problème majeur de santé publique. Au Canada, selon les estimations, près de 250 000 personnes, ou 0,7 % de la population, présenteraient une infection chronique au VHC et jusqu’à 44 % d’entre elles ne seraient pas au courant de leur étatNote de bas de page 1. Au Québec, 1 027 cas de VHC ont été déclarés en 2017 (taux d’incidence de nouveaux cas déclarés de 12,2 cas par 100 000 habitants), avec une projection de 1 312 cas (taux d’incidence de 15,5 cas par 100 000 habitants) pour 2018Note de bas de page 2.
D’après des cohortes prospectives comme le réseau SurvUDI et l’étude Engage, les personnes qui s’injectent des drogues et les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) sont infectés par le VHC de façon disproportionnée par rapport à la population généraleNote de bas de page 2Note de bas de page 3. Non traitée, une infection chronique au VHC peut entraîner une fibrose, une cirrhose, une insuffisance hépatique et un carcinome hépatocellulaire. Le dépistage précoce d’une infection au VHC suivi d’un traitement est essentiel pour réduire la transmission du VHC, la morbidité et la mortalité, de même que les coûts des soins de santé qui y sont associésNote de bas de page 4.
Le VHC étant principalement transmis par voie parentérale, les facteurs de risque les plus fréquents sont la consommation de drogues injectables et la transfusion de sang ou de produit du sang (avant l’instauration du dépistage chez les donneurs de sang). La transmission sexuelle du VHC est moins fréquente, mais possible. De récentes données indiquent une hausse de la prévalence du VHC chez les HARSAH, surtout chez ceux infectés également par le VIHNote de bas de page 5. Des comportements à risque élevé, dont les relations sexuelles non protégées, ont été reconnus en tant que facteurs déterminants de la transmission du VHC. Des infections ulcératives transmissibles sexuellement, comme la syphilis, ont également été associées à un risque accru d’acquisition du VHC parmi les HARSAHNote de bas de page 6Note de bas de page 7.
La classification du VHC compte actuellement huit génotypesNote de bas de page 8. Les génotypes se divisent en sous-types, dont 89 sont confirmésNote de bas de page 8. Le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) de l’Institut national de santé publique du Québec procède systématiquement au génotypage du VHC depuis novembre 2001 dans le cadre de la prise en charge des patients, puisque cette procédure guide le choix du traitement antiviral de l’infection chronique.
Le génotypage, réalisé par analyse de séquençage, procure non seulement des renseignements permettant de choisir le traitement optimal, mais se révèle aussi un puissant outil de surveillance moléculaire pour l’identification des souches virales en circulation. Même si la phylogénie moléculaire ne permet pas d’établir le moment d’acquisition de l’infection, elle peut détecter les agrégats de transmission. Le laboratoire peut ensuite aviser les autorités de santé publique qu’une souche particulière du VHC se propage dans la populationNote de bas de page 9Note de bas de page 10.
Même si la surveillance prospective en continu n’utilise pas beaucoup la phylogénie moléculaire, des études ont montré son potentiel en tant qu’outil efficace. À titre d’exemple, le séquençage de l’acide nucléique et l’analyse phylogénétique ont servi à détecter et à confirmer des événements de transmission de VHC dans le milieu des soins de santé, ainsi qu’à caractériser la dynamique de transmission dans la collectivitéNote de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 18. L’agrégation phylogénétique des souches a aussi servi à étudier les réseaux de transmission du VHC chez les HARSAH séropositifs pour le VIHNote de bas de page 19Note de bas de page 20. Une étude récente a corroboré la faisabilité de l’application du séquençage de l’acide nucléique et de la phylogénie pour détecter les récents agrégats de transmission du VHC chez les personnes dont les antécédents de transmission sont inconnusNote de bas de page 21.
Le présent article vise à décrire l’utilisation du séquençage de l’acide nucléique et de la phylogénie en tant qu’outil pour la surveillance prospective de la transmission du VHC au niveau populationnel. Nous démontrons notamment comment cette démarche a permis de déceler l’émergence et la transmission continue du génotype 4d (G4d) du VHC parmi des hommes au Québec séropositifs et séronégatifs pour le VIH et comment nous avons été en mesure d’en établir la source.
Méthodes
Population à l’étude
Au Québec, le génotypage du VHC est effectué au LSPQ. Les échantillons ayant fait l’objet d’un génotypage systématique du VHC entre le 13 novembre 2001 et le 31 décembre 2017 ont été inclus dans cette étude. Ceux-ci ont été soumis par les laboratoires hospitaliers et les cliniques publiques ou privées du Québec. Les données sur les cas de G4d provenaient du système d’information de laboratoire du LSPQ et comprenaient des renseignements démographiques de base (âge, sexe, région sociosanitaire [RSS] de résidence), la date du prélèvement du spécimen et les résultats d’analyse pour les infections au VIH et la syphilis. Celles-ci ont été extraites du système d’information à l’aide des numéros d’identification uniques des patients. Aucune donnée sur les expositions ou les facteurs de risque n’a été collectée. Les résultats des tests de génotypage ne sont pas rapportés systématiquement aux autorités régionales de santé publique.
Génotypage et analyse de la séquence des nucléotides
Le génotype du VHC a été évalué dès la réception de l’échantillon. La plupart des échantillons ont été reçus dans les 30 jours suivant le prélèvement sanguin. L’extraction de l’acide ribonucléique (ARN) viral du sérum ou du plasma de même que la RT-PCR, le séquençage de l’ADN et la détermination du génotype à partir de séquences de la protéine non structurale 5B (NS5B) ont été réalisés tel que décrit auparavantNote de bas de page 22. Les séquences des G4d du Québec ont été comparées à des séquences précédemment rapportées chez des HARSAH séropositifs pour le VIH aux Pays-Bas et en FranceNote de bas de page 23Note de bas de page 24Note de bas de page 25. Pour comparer les séquences des G4d du Québec à celles rapportées dans l’étude de van de Laar et ses collaborateursNote de bas de page 20 qui provenaient de sujets d’Angleterre, de France, d’Allemagne et des Pays-Bas, il a fallu obtenir la séquence nucléotidique NS5B correspondante pour un sous-ensemble d’isolats des G4d du Québec à l’aide de l’amorce antisens DM503 (5′-CCACGCTCTCAACGGTGGTAC-3) et de l’amorce sens DM101 qui génèrent un fragment de 805 paires de baseNote de bas de page 22. Ces échantillons ont été sélectionnés sur la base de leur disponibilité. Les phylogénies ont été estimées par la méthode NJ (« neighbour-joining ») selon le modèle de maximum de vraisemblance composite de substitution des nucléotides implémenté dans la version 6 du logiciel MEGA (Molecular Evolutionary Genetic Analysis)Note de bas de page 26. Jusqu’à 1 000 répliques d’autoamorçage (bootstrap) ont été réalisées afin d’évaluer la robustesse de la phylogénie. Les séquences ont été considérées comme faisant partie d’un agrégat si elles rencontraient les trois critères suivants : démontrent une différence des nucléotides inférieure à 3 %; affiche une valeur de soutien par bootstrap supérieure à 70 %; comptent au moins trois cas. Cette définition ne tient pas compte de la proximité des cas dans le temps et l’espace. Les séquences des isolats de G4d rapportés dans cette étude ont été soumises à la GenBank et peuvent être récupérées à l’aide des numéros d’acquisition MK950000 à MD950149. Les séquences de NS5B des isolats 3_QC55 (EF116095), 10_QC307 (EF116147) et 27_QC382 (FJ462437) avaient été soumises plus tôt à la GenBank.
Analyses statistiques
La version 7.2.2.6 du logiciel Epi InfoNote de bas de page 27 et la version 9.3 du logiciel statistique SASNote de bas de page 28 ont servi à l’analyse descriptive des données. Cette analyse reposait sur les dates de prélèvement des spécimens, groupées en trimestres. Des comparaisons statistiques de variables catégorielles (groupe d’âge, sexe, RSS, agrégat de G4d du VHC et état d’infection au VIH), réalisées à l’aide d’un test du chi carré de Mantel–Haenszel (bilatéral) et d’une régression de Poisson modifiée comportant une estimation robuste (sandwich) de la variance d’erreur, ont servi à l’analyse univariéeNote de bas de page 29. Afin d’évaluer leur lien avec l’issue d’agrégat A, l’analyse multivariée réalisée à l’aide d’une régression de Poisson robuste intégrait au modèle les variables indépendantes suivantes : infection du VIH (oui vs non ou inconnu) et groupe d’âge (50 ans ou plus vs moins de 50 ans). En l’absence de sujets de sexe féminin parmi les cas de l’agrégat A, cette analyse se limitait à ceux de sexe masculin. Le seuil de significations sur le plan statistique pour les intervalles de confiance (IC) des estimations du risque relatif (RR) et les valeurs bilatérales de p ont été fixés à 5 %.
Résultats
Pour la période du 13 novembre 2001 au 31 décembre 2017, environ 22 000 cas au total ont fait l’objet d’une détermination des génotypes. Le G1 était le plus répandu (59,7 %), suivi du G3 (25,7 %), du G2 (8,6 %), du G4 (3,8 %), du G6 (1,6 %), du G5 (0,6 %) et du G7 (0,01 % [trois cas seulement]). Les analyses phylogénétiques des séquences du gène NS5B ont révélé des agrégats notables, principalement parmi les génotypes 1a, 1b, 2b, 3a et 4d. Un agrégat important de G4d, composé de 37 cas, a été repéré et décrit dans cette étude.
Dans l’ensemble, le G4 comportait 834 cas. Cinq cas de G4 affichaient de faibles taux de virémie; le génotype a été déterminé à partir de la séquence de la région 5’ non codante, qui est trop conservée pour la détermination du sous-type. Cent vingt-deux (14,7 %) des 829 cas dont le sous-type était disponible présentaient le G4d.
Agrégats de souches des cas de G4d
L’enregistrement du premier cas de G4d remonte à décembre 2001 (figure 1). De 2002 à 2014, six cas en moyenne ont été observés chaque année. En 2015, 16 cas étaient comptés. Cette augmentation a perduré en 2016 et 2017. Un arbre phylogénétique, bâti à partir de séquences du gène NS5B des 122 cas de G4d, a été soumis à une analyse de l’agrégation de souches. Quatre agrégats de G4d (appelés A à D) ont été décelés (figure 1 et figure 2). L’agrégat A se composaient de 37 cas, les agrégats B et C, de quatre cas chacun, et l’agrégat D, de trois cas. Les cas de G4d de l’agrégat A ont commencé à apparaître au deuxième trimestre de 2010. Les cas des agrégats B, C et D étaient pour leur part dispersés dans le temps (figure 1). Une augmentation des cas de l’agrégat A a été observée entre le deuxième trimestre de 2015 et le quatrième trimestre de 2017 ceux-ci comptant pour 24 (75 %) des 32 cas de G4d.
Figure 1 : Nombre de cas de génotype 4d du virus de l’hépatite C par année et trimestre de prélèvement des spécimens et agrégats de séquences, de novembre 2001 à décembre 2017, Québec, Canada
Description textuelle : Figure 1
Figure 1 : Nombre de cas de génotype 4d du virus de l’hépatite C par année et trimestre de prélèvement des spécimens et agrégats de séquences, de novembre 2001 à décembre 2017, Québec, Canada
Année et trimestre du prélèvement des spécimens | A | B | C | D | Cas aberrants de A | Aucun |
---|---|---|---|---|---|---|
2001-4 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2002-1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2002-2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 3 |
2002-3 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2002-4 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2003-1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 6 |
2003-2 | - | - | - | - | - | - |
2003-3 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 4 |
2003-4 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 | 2 |
2004-1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 4 |
2004-2 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 | 2 |
2004-3 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 |
2004-4 | - | - | - | - | - | - |
2005-1 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 |
2005-2 | - | - | - | - | - | - |
2005-3 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2005-4 | - | - | - | - | - | - |
2006-1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 |
2006-2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2006-3 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 |
2006-4 | - | - | - | - | - | - |
2007-1 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2007-2 | - | - | - | - | - | - |
2007-3 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2007-4 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 3 |
2008-1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2008-2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2008-3 | - | - | - | - | - | - |
2008-4 | 0 | 1 | 1 | 0 | 0 | 0 |
2009-1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2009-2 | - | - | - | - | - | - |
2009-3 | - | - | - | - | - | - |
2009-4 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2010-1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2010-2 | 1 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 |
2010-3 | 1 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2010-4 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 3 |
2011-1 | 1 | 0 | 0 | 1 | 0 | 3 |
2011-2 | - | - | - | - | - | - |
2011-3 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2011-4 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2012-1 | 2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2012-2 | 1 | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 |
2012-3 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 4 |
2012-4 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 |
2013-1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2013-2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 |
2013-3 | 2 | 0 | 0 | 1 | 0 | 1 |
2013-4 | - | - | - | - | - | - |
2014-1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2014-2 | 2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2014-3 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2014-4 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2015-1 | 1 | 0 | 0 | 0 | 1 | 3 |
2015-2 | 5 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2015-3 | 5 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2015-4 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
2016-1 | 2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2016-2 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2016-3 | 2 | 0 | 0 | 0 | 1 | 2 |
2016-4 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2017-1 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2017-2 | 2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 |
2017-3 | 4 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 |
2017-4 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Quatre cas (considérés comme étant connexes à l’agrégat A) situés dans la même lignée monophylétique que les cas de l’agrégat A ont aussi été décelés. Ils ont toutefois été exclus parce qu’ils affichent des différences nucléotidiques supérieures à 3 % par rapport aux souches de l’agrégat A (figures 1 et 2). La détection des cas connexes à l’agrégat A est survenue à la même période que les cas de ce même agrégat. Les séquences de l’agrégat A et des quatre cas connexes se situaient dans la même lignée monophylétique que les séquences de G4d rapportées pour les HARSAH séropositifs pour le VIH en Angleterre, en France, en Allemagne et aux Pays-Bas (figures A1 et A2 de l’annexe 1)Note de bas de page 20Note de bas de page 23Note de bas de page 24Note de bas de page 25.
Renseignements démographiques et autres infections transmises sexuellement
Dans l’analyse univariée, les cas de l’agrégat A, comparés aux autres cas de G4d, étaient plus fréquemment de sexe masculin (100 % vs 62 %; RR : indéterminé; p < 0,001), séropositifs pour le VIH (73 % vs 8 %; RR : 6,99; IC à 95 % : 3,80–12,84; p < 0,001), et de 50 ans ou plus (60 % vs 34 %; RR : 2,04; IC à 95 % : 1,18–3,54; p = 0,01). Dans l’analyse multivariée, limitée aux cas masculins, le groupe d’âge (RR ajusté [RRa] : 1,66; IC à 95 % : 1,11–2,50; p = 0,02) et l’infection par le VIH (RRa : 4,43; IC à 95 % : 2,49–7,88; p < 0,001) restaient associés de façon significative à l’issue de l’agrégat A. Parmi les cas de l’agrégat A, 27 (73 %) avaient des antécédents de résultats positifs au test tréponémique pour la syphilis et 20 (57 %) étaient séropositifs pour le VIH en plus d’antécédents de résultats positifs au test tréponémique.
Les cas de l’agrégat A résidaient dans sept des 18 RSS du Québec, mais se concentraient dans deux RSS non voisines et essentiellement urbaines. Ces deux RSS comptaient 78,3 % des cas de l’agrégat A (tableau 1). Il est à noter que dans une des RSS urbaines (RSS Y), 14 des 24 cas (58,3 %) observés de G4d faisaient partie de l’agrégat A. Même si le taux d’incidence des nouveaux cas de VHC répertoriés dans la RSS Y était quatre fois inférieur à celui de la RSS X entre 2013 et 2017, ces deux RSS comportaient un nombre équivalent de cas G4d de l’agrégat A (14 vs 15). Les cas hors de l’agrégat A résidaient dans 14 RSS, dont celle ayant la population la plus dense de la province comptait 49,4 % des cas.
RSS | Population en 2015 (n)Note a de Tableau 1 | Moyenne annuelle de cas de VHC, de 2013 à 2017Note de bas de page 2 | Cas de G4d du VHC de novembre 2001 à décembre 2017Note b de Tableau 1 | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
n | % | Taux d’incidenceNote c de Tableau 1 | Dans l’agrégat A | Hors de l’agrégat A | Total | |||||
n | % | n | % | n | % | |||||
X | 1 992 106 | 399 | 36,6 | 20,0 | 15 | 40,5 | 42 | 49,4 | 57 | 46,7 |
Y | 736 787 | 92 | 8,4 | 12,5 | 14 | 37,8 | 10 | 11,8 | 24 | 19,7 |
Autres | 5 562 462 | 600 | 55,0 | 10,8 | 8 | 21,6 | 33 | 38,8 | 41 | 33,6 |
Total | 8 291 355 | 1 091 | 100,0 | 13,2 | 37 | 100,0 | 85 | 100,0 | 122 | 100,0 |
Discussion
Dans le cadre de cette étude, nous avons montré que la phylogénie moléculaire a su détecter la transmission d’une souche particulière (agrégat A) du G4d du VHC chez les hommes du Québec; cette situation serait autrement restée inaperçue. La souche de G4d de l’agrégat A se concentrait dans deux RSS urbaines (X et Y) et se situait dans la même lignée monophylétique que les séquences du G4d signalées chez les HARSAH séropositifs pour le VIH en Angleterre, en France, en Allemagne et aux Pays-BasNote de bas de page 20Note de bas de page 23Note de bas de page 24Note de bas de page 25, et plus tard en EspagneNote de bas de page 30. Même si cette souche particulière de G4d de l’agrégat A a probablement été introduite au Canada depuis l’Europe, son origine au Québec demeure inconnue.
Ces constatations portent à croire qu’un comportement sexuel à risque élevé constituerait le mode de propagation du G4d dans les cas de l’agrégat A. Le réseau international de transmission de cette souche chez les HARSAH séropositifs pour le VIH n’est pas composé de consommateurs de drogues injectables. Il existe également une forte prévalence de résultats positifs au test tréponémique. La syphilis est considérée comme un marqueur de comportement sexuel à risque élevéNote de bas de page 31. Des infections ulcératives transmises sexuellement, comme la syphilis, ont été associées à un risque accru d’acquisition sexuelle du VHC chez les HARSAHNote de bas de page 6Note de bas de page 7.
En 2015, l’émergence de cet agrégat a été portée à l’attention des autorités provinciales de santé publique et celles des deux RSS les plus concernées. Puisque les HARSAH sexuellement actifs et séronégatifs pour le VIH sont aussi exposés à un risque d’infection au VHC, il est recommandé aux HARSAH recevant une prophylaxie préexposition au VIH de subir chaque année un test de dépistage du VHCNote de bas de page 32.
Même si la plupart des cas de l’agrégat A présentaient une infection concomitante au VIH, 27 % (10/37) n’avaient aucun résultat positif pour cette infection. Cela indiquerait une transmission probable des hommes séropositifs pour le VIH aux hommes séronégatifs pour le VIH, ou vice versa. Des agrégats de souches du VHC, dont le G4d, chez les HARSAH séropositifs et séronégatifs pour le VIH ont été observés en France et aux Pays-Bas chez des participants à une étude enrôlés dans des programmes de prophylaxie préexposition au VIHNote de bas de page 24Note de bas de page 33.
Forces et limites
La principale force de cette étude réside dans le grand nombre de cas d’infection au VHC (environ 22 000) pour lesquels des résultats uniformes de séquençage étaient disponibles pour toute la durée de l’étude. Le génotypage réalisé dans le même laboratoire central de référence constituait une autre force. Le nombre cumulatif estimé d’infections chroniques au VHC au Québec atteignait 42 000 en 2017, dont près de 75 % peuvent être considérées comme étant virémiquesNote de bas de page 2. Ainsi, le nombre de personnes incluses dans le cadre de cette étude correspond à une proportion importante des cas diagnostiqués et virémiques. Les cas de G4d de l’agrégat A sont néanmoins probablement sous-estimés, puisque certains pourraient ne pas avoir été diagnostiqués; de plus, tous les cas n’ont peut-être pas fait l’objet d’une demande d’analyse génotypique. Même avec cette sous-estimation, les données de génotypage ne sont probablement pas biaisées, puisqu’elles ne ciblaient pas de sous-groupes particuliers de la population.
Cette analyse était limitée par l’absence de définition stricte d’agrégation de souches, puisque celle-ci varie en fonction de la région du génome analysée et de la population à l’étude. De plus, la vitesse de l’évolution du VHC varie dans le temps, selon l'individu, ce qui pourrait avoir une incidence sur l’agrégation des souches virales. Le recours à des séquences du VHC plus longues pourrait aussi avoir entraîné une plus grande exactitude de la détection des agrégatsNote de bas de page 34. Cette étude ne comporte pas de données sur les facteurs déterminants, les expositions, l’orientation sexuelle ou les liens épidémiologiques entre les cas, et ne pouvait pas distinguer le mode de transmission de l’infection; elle ne pouvait donc donner que des indices indirects de la propagation du VHC chez les hommes québécois, plus probablement les HARSAH.
Conclusion
La surveillance fondée sur la phylogénie moléculaire a révélé la transmission continue, au Québec, d’un agrégat particulier de G4d du VHC. Cet agrégat se situe dans la même lignée monophylétique que les séquences du G4d signalées chez les HARSAH séropositifs pour le VIH dans plusieurs pays d’Europe, ce qui constitue un indicateur de la propagation transcontinentale de cette souche particulière. Les résultats de l’analyse phylogénétique couplés aux données démographiques de base procurent un profil épidémiologique des cas de VHC qui pourrait orienter les interventions visant à éviter la transmission du VHC chez les HARSAH sexuellement actifs, séropositifs et séronégatifs pour le VIH.
Déclarations des auteurs
- D. G. M. — Conceptualisation, méthodologie, logiciel, collecte et conservation des données, validation, analyse officielle, rédaction de la première version, affichage, supervision, administration du projet
- R. D. — Conceptualisation, méthodologie, logiciel, analyse officielle, rédaction de la première version, révision et modification de la version définitive, affichage
- M. S. — Conceptualisation, méthodologie, logiciel, analyse officielle, révision et modification de la version définitive
- M. L. V. — Expertise clinique, révision et modification de la version définitive
- V. L. M. — Expertise clinique, révision et modification de la version définitive
- B. S. — Collecte de données, révision et modification de la version définitive
- J. L. — Administration du projet, révision et modification de la version définitive, supervision
Conflit d’intérêts
Aucun.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier L. Désautels, J. Ménard, M. Morin, A. Chammat et J.-L. Aguilar pour les analyses de laboratoire des spécimens qu’ils ont réalisées et leur collaboration.
Financement
Ces travaux ont été financés par le Laboratoire de santé publique du Québec de l’Institut national de santé publique du Québec. Les travaux de V. M. L. sont financés par un prix Chercheur-boursier Junior 1 du Fonds de recherche du Québec – Santé.
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