Dépistage de la syphilis au Manitoba, Canada, 2015 à 2019

RMTC

Volume 48-2/3, février/mars 2022 : Résurgence de la syphilis au Canada

Communication rapide

Étude descriptive des tests de dépistage de la syphilis au Manitoba, Canada, 2015 à 2019

Souradet Shaw1, Pierre Plourde2,3, Penny Klassen4, Derek Stein3,4

Affiliations

1 Institut de santé publique mondiale, Département des sciences de la santé communautaire, Université du Manitoba, Winnipeg, MB

2 Santé publique et des populations, Office régional de la santé de Winnipeg, Winnipeg, MB

3 Département de microbiologie médicale, Université du Manitoba, Winnipeg, MB

4 Laboratoire provincial Cadham, Winnipeg, MB

Correspondance

souradet.shaw@umanitoba.ca

Citation proposée

Shaw SY, Plourde PJ, Klassen P, Stein D. Étude descriptive des tests de dépistage de la syphilis au Manitoba, Canada, 2015 à 2019. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2022;48(2/3):107–14. https://doi.org/10.14745/ccdr.v48i23a07f

Mots-clés : syphilis, dépistage, soins prénataux, surveillance

Résumé

Contexte : En 2018, le Manitoba affichait le plus haut taux déclaré de syphilis infectieuse au Canada, soit plus de trois fois la moyenne nationale. Dans la province, la syphilis infectieuse touche principalement les jeunes couples hétérosexuels marginalisés du centre-ville de Winnipeg. Par la suite, une crise de santé publique découlant de la syphilis congénitale est apparue au Manitoba, juste avant la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). Le dépistage de la syphilis (dans le cas d'une grossesse) est considéré comme une mesure efficace pour réduire l'incidence de la syphilis et de ses séquelles. L'objectif de cette étude est de décrire les pratiques de dépistage de la syphilis dans la population générale et chez les femmes enceintes pendant une épidémie de syphilis.

Méthodes : Les données d'analyse utilisées de la syphilis fondées sur la population provenaient du laboratoire provincial Cadham (Winnipeg, Manitoba) pour la période de 2015 à 2019. Les taux normalisés selon l'âge sont déclarés directement, et la régression de Poisson a été utilisée pour modéliser les déterminants des taux de dépistage. Les taux de dépistage prénatal sont également déclarés.

Résultats : De 2015 à 2019, un total de 386 350 personnes ont subi un test de dépistage de la syphilis. Le taux a augmenté chaque année, passant de 462 pour 10 000 habitants en 2015 à 704 pour 100 000 en 2019, tandis que le ratio femme-homme a diminué, passant de 1,8 à 1,6. Avant 2019, la majorité des femmes enceintes (environ 60 %) ont fait l'objet d'un dépistage une fois, au cours du premier trimestre; toutefois, en 2019, davantage de femmes ont subi plus de deux tests au cours de leur grossesse.

Conclusion : Il y a eu une augmentation globale du nombre de personnes testées, ce qui reflète le taux accru de syphilis au Manitoba. Les tendances du dépistage prénatal ont changé en 2019, probablement en raison de l'augmentation du nombre de cas de syphilis congénitale.

Introduction

Au cours de la dernière décennie, l'Amérique du Nord a connu une augmentation du fardeau de la syphilis infectieuse, l'infection transmise sexuellement causée par la bactérie Treponema pallidium (T. pallidium) Note de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3. Entre 2014 et 2018, les taux bruts de syphilis infectieuse au Canada ont augmenté de 153 %, passant de 7 à 17 pour 100 000 habitantsNote de bas de page 4. De même, aux États-Unis, le nombre total de cas de syphilis infectieuse en 2018 (N = 35 063) était le plus élevé observé depuis 1991, pour un taux de 11 pour 100 000 habitants; il s'agit d'une augmentation de 70 % depuis 2014Note de bas de page 2. La résurgence de la syphilis infectieuse a d'abord été observée principalement chez les gais, les bisexuels et les autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (gbHARSAH) à l'échelle mondiale. L'épidémie s'est ensuite propagée aux populations hétérosexuelles marquées par des problèmes structurels tels que la consommation de substances, l'incarcération et la pauvreté. Cette situation s'est traduite par une augmentation notable des infections chez les femmesNote de bas de page 2Note de bas de page 5, ce qui pose de sérieux défis à la santé publique en termes de prévention, d'intervention et de suiviNote de bas de page 5Note de bas de page 6.

Les séquelles de la syphilis comprennent la neurosyphilis, qui peut être présente à n'importe quel stade de l'infectionNote de bas de page 4Note de bas de page 7, et la syphilis congénitale, qui peut avoir des conséquences catastrophiques pour le nourrisson et qui peut également se produire chez les femmes enceintesNote de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10. Toute occurrence de syphilis congénitale dans les pays à revenu élevé est considérée comme un événement sentinelle et comme une « tragédie inutile »Note de bas de page 8Note de bas de page 11. On a observé une augmentation des cas de syphilis congénitale en Amérique du NordNote de bas de page 2Note de bas de page 4Note de bas de page 12Note de bas de page 13, car l'incidence de la syphilis congénitale est associée à la prévalence de la syphilis infectieuse chez les femmes en âge de procréerNote de bas de page 2.

Les données probantes appuient le dépistage des femmes enceintes comme méthode très efficace et rentable pour réduire l'incidence de la syphilis congénitaleNote de bas de page 14Note de bas de page 15. Le dépistage des populations adultes et des adolescentes qui ne sont pas enceintes, mais vulnérables à la syphilis, a également été recommandéNote de bas de page 16. Dans les populations vulnérables, la modélisation mathématique a montré que les programmes de dépistage de la syphilis à couverture et à intensité élevées peuvent réduire l'incidenceNote de bas de page 17, tandis que le dépistage sous-optimal de la syphilis a été associé à une incidence d'équilibre plus élevéeNote de bas de page 18. Des études ont démontré l'existence de taux élevés de dépistage prénatal dans les pays à revenu élevé, comme les États-Unis. Toutefois, ces taux élevés de dépistage ne sont pas nécessairement applicables à des populations plus larges (non assurées) ou à d'autres paysNote de bas de page 19. Par conséquent, le dépistage demeure un outil recommandé dans l'approche de santé publique contre la syphilis. Il existe cependant un manque d'études fondées sur la population relativement aux taux réels de dépistage de la syphilis, et sur la façon dont les taux de dépistage peuvent avoir changé en réponse à l'épidémie croissante de syphilis.

En 2018, le Manitoba a déclaré le plus haut taux de syphilis infectieuse au Canada, soit 61 pour 100 000 habitantsNote de bas de page 4, et la province était en voie d'afficher le plus grand nombre de cas de syphilis congénitaleNote de bas de page 20. Compte tenu de l'absence d'études représentatives sur le dépistage, des taux de dépistage de la syphilis, de l'augmentation des cas de syphilis infectieuse et des préoccupations au sujet des séquelles, cette étude visait à décrire les pratiques de dépistage de la syphilis dans la population générale et chez les femmes enceintes durant une recrudescence importante des cas de syphilis.

Méthodes

Source de données

Tous les tests de syphilis au Manitoba sont effectués au laboratoire provincial de Cadham. Le dépistage des infections transmissibles sexuellement et par le sang est offert gratuitement aux ManitobainsNote de bas de page 21. Le laboratoire provincial Cadham utilise un algorithme inversé pour le dépistage et le diagnostic de routine de la syphilis. Le test consiste en un essai par chimiluminescence initial pour les anticorps IgG et IgM contre les antigènes de tréponèmes. Les résultats positifs sont testés de façon plus approfondie au moyen de tests quantitatifs de dépistage de la syphilis infectieuse avec anticorps réaginique ou des tests du Laboratoire de recherche sur les maladies vénériennes. Les nouveaux cas positifs font l'objet d'un test d'agglutination passive de T. pallidum aux fins de confirmation. Le Manitoba offre également un programme de dépistage prénatal, qui comprend un dépistage sérologique d'un certain nombre d'infections transmissibles sexuellement et par le sang.

En réponse au nombre croissant de cas de syphilis congénitale, les lignes directrices provinciales sur le dépistage de la syphilis chez les femmes enceintes ont été révisées pour recommander plusieurs dépistages : à la première visite, entre les semaines 28 à 32 et à l'accouchement pour toutes les personnes enceintes. On recommande également un dépistage mensuel pour les personnes atteintes de syphilis nouvellement diagnostiquée qui ont été traitées pendant la grossesse en cours. De plus, les lignes directrices recommandent le dépistage d'autres infections transmissibles sexuellement et par le sang au cours du premier trimestre, notamment le VIH, la gonorrhée, la chlamydia et l'hépatite B et C, le cas échéant.

Définitions

Tests de routine

La date de réception par le laboratoire a été utilisée pour extraire tous les tests de syphilis du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2019; cette date a été utilisée pour définir l'année de dépistage. Une personne a été dénombrée une fois au cours d'une année civile, le test le plus ancien ayant été utilisé comme date de référence; l'âge à la date de référence a été utilisé pour définir les groupes d'âge. Les données sur la population ont été fournies par Santé, Aînés et Vie active du Manitoba. Le taux brut de dépistage a été calculé en utilisant la population moyenne appropriée comme dénominateur; le nombre de personnes a été compté dans le numérateur. Les cas pour lesquels il manquait des renseignements sur le sexe, l'âge et la région ont été exclus des analyses (moins de 1 % des cas). Le cas échéant, les taux ont été stratifiés en fonction des offices régionaux de la santé, des régions géographiques administratives établies aux fins de la prestation des soins de santé. Au Manitoba, il y a un total de cinq offices régionaux de la santé (avec les populations déclarées en 2020)Note de bas de page 22 : l'Office régional de la santé de Winnipeg (ORSW; n = 791 284); Southern Health-Santé Sud (SH-SS : n = 211 896); Santé Prairie Mountain (SPM; n = 172 641); l'Office régional de la santé d'Entre-les-Lacs et de l'Est (IERHA; n = 133 834); et l'Office régional de la santé du Nord (NRHA; n = 77 283).

Test prénatal

La fréquence des tests prénataux de dépistage de la syphilis était fondée sur le nombre de femmes qui accouchent chaque année, selon la date de l'accouchement. Pour une année donnée, le nombre de femmes testées au cours de chaque trimestre a été « calculé rétrospectivement » en fonction de la date de l'accouchement, et l'âge gestationnel figurant dans l'enregistrement de l'accouchement a servi à calculer les trimestres. Les semaines 0 à 13 ont été utilisées pour désigner le premier trimestre, les semaines 14 à 27, le deuxième, et les semaines 28 ou plus, le troisième trimestre. Il s'agit de l'âge de la mère à la date de l'accouchement.

Analyses

Pour les analyses décrivant les tests de routine de la syphilis, les taux ont été normalisés selon l'âge pour la population canadienne à partir du Recensement de 2012; des intervalles de confiance de 95 % (IC à 95 %) ont été générésNote de bas de page 23. Les modèles de régression de Poisson, avec le logarithme de la population entré comme compensation, ont été utilisés pour produire des rapports de taux non ajustés et ajustés avec des IC à 95 %. Le groupe d'âge, le sexe et l'année du test ont été inclus dans les modèles de régression. Le taux de variation annuel brut a été calculé à l'aide des modèles de régression de Poisson. Pour le dépistage prénatal, le nombre de femmes au Manitoba, par office régional de la santé et groupe d'âge, a été utilisé dans le dénominateur pour les calculs selon l'âge. Les IC à 95 % ont été estimés en utilisant la répartition binomiale exacte. Seules les femmes de 10 à 59 ans ont été incluses dans le numérateur et le dénominateur pour les calculs de dépistage prénatal.

Résultats

Au cours de la période de cinq ans allant de 2015 à 2019, un total de 485 808 tests de syphilis ont été effectués au laboratoire provincial Cadham, ce qui représente 386 735 personnes testées. En excluant les cas pour lesquels il manque des renseignements (sur la géographie, le sexe et l'âge), un total de 475 231 tests ont été effectués sur 386 350 personnes. Des augmentations des tests ont été observées chaque année (tableau 1 et figure 1). En 2015, un total de 62 252 personnes ont été testées (taux normalisé selon l'âge : 461,5 pour 10 000 habitants [IC à 95 % : 457,8–465,1]); ce nombre est passé à 94 578 en 2019 (703,7 pour 10 000 habitants; IC à 95 % : 699,2–708,2). Il s'agissait d'une augmentation annuelle de 10,5 % au cours de la période à l'étude (p < 0,0001), tandis que le ratio annuel de dépistage homme-femme est passé de 1,8 à 1,6. Le ratio d'échantillons par rapport aux patients a augmenté en moyenne de 17 % (de 1,15 à 1,35) de 2015 à 2019. La figure 2 illustre les variations des taux de tests normalisés selon l'âge par office régional de la santé au cours de la période à l'étude. Au niveau provincial, les taux ont augmenté de 2015 à 2019, mais cette augmentation était hétérogène entre les offices régionaux de la santé; le NRHA et l'ORSW affichaient les augmentations les plus importantes, tandis que les taux sont restés relativement similaires dans SH-SS tout au long de la période d'étude.

Tableau 1 : Fréquence, taux normalisés selon l'âge (pour 10 000 habitants) et IC à 95 %, tous les tests de dépistage de la syphilis effectués au laboratoire provincial de Cadham, selon le sexe, au Manitoba (2015 à 2019)Tableau 1 Note de bas de page a
Déterminants Femme Homme Total Rapport femme-homme
Nombre Standardisé selon l'âge Nombre Standardisé selon l'âge Nombre Standardisé selon l'âge
Taux IC à 95 % Taux IC à 95 % Taux IC à 95 %
Année
2015 40 333 599,2 593,4–605,1 21 919 327,2 322,9–331,6 62 252 461,5 457,8–465,1 1,83
2016 45 952 682,7 676,5–689,0 24 842 371,5 366,9–376,2 70 794 525,1 521,2–529,0 1,84
2017 48 831 726,0 719,6–732,5 27 182 407,2 402,4–412,1 76 013 564,4 560,4–568,5 1,78
2018 51 967 773,1 766,5–779,8 30 746 461,1 456,0–466,3 82 713 615,0 610,8–619,2 1,68
2019 58 499 871,4 864,3–878,5 36 079 540,8 535,2–546,4 94 578 703,7 699,2–708,2 1,61
Total 245 582 730,5 727,6–733,4 140 768 421,6 419,2–423,8 386 350 573,9 572,1–575,7 1,73
Taux de changementTableau 1 Note de bas de page b s.o. 9,1 % 8,8 %–9,4 % s.o. 13,1 % 12,6 %–13,5 % s.o. 10,5 % 10,3 %–10,8 % s.o.

Figure 1 : Taux normalisé selon l'âgeFigure 1 Note de bas de page a (pour 10 000 habitants), personnes testées pour la syphilis au Manitoba, selon le sexe et l'année (2015 à 2019, N = 386 350)Figure 1 Note de bas de page b

Figure 1

Description textuelle : Figure 1

Le graphique montre les taux normalisés selon l'âge pour 10 000 personnes testées pour la syphilis au Manitoba de 2015 à 2019, selon le sexe. Le taux annuel de dépistage a augmenté chaque année, passant de 461,1 par 10 000 habitants en 2015 à 703,7 par 10 000 habitants en 2019. Cette augmentation a été observée chez les hommes et les femmes, bien que les taux de dépistage chez les femmes soient demeurés plus élevés tout au long de la période à l'étude. Les taux de dépistage chez les femmes sont passés de 599,2 à 871,4 pour 10 000 habitants entre 2015 et 2019. Chez les hommes, les taux sont passés de 327,2 à 540,8 pour 10 000 habitants au cours de la même période.


Figure 2 : Carte thermique des taux normalisés selon l'âge (pour 10 000 habitants), personnes testées pour la syphilis au Manitoba, par région sociosanitaire et année (2015 à 2019, N = 386 350)

Figure 2

Description textuelle : Figure 2

La carte thermique montre les taux normalisés selon l'âge pour 10 000 personnes testées pour la syphilis au Manitoba de 2015 à 2019, par sexe et par région sociosanitaire. Une augmentation des taux de dépistage a été observée dans presque toutes les régions sociosanitaires, excepté Southern Health-Santé Sud où il y a eu très peu de changement dans les taux de dépistage. La plus grande variation des taux de dépistage entre 2015 et 2019 a eu lieu dans l'Autorité régionale de la santé du Nord.


Les résultats de la régression de Poisson multivariable ont démontré qu'après avoir ajusté toutes les autres variables du modèle, les hommes ont été testés à un taux légèrement supérieur à la moitié de celui des femmes (risque relatif ajusté [RRA] : 0,57, IC 95 % : 0,56–0,57; tableau 2); le nombre de personnes testées pour la syphilis en 2019 a augmenté de 50 % par rapport à 2015 (RRA : 1,52, IC 95 % : 1,50–1,53); et les taux de dépistage chez les 25 à 29 ans étaient deux fois plus élevés que chez les 15 à 19 ans (RRA : 1,99, IC 95 % : 1,97–2,02). Une interaction selon le sexe (non illustrée) a révélé une interaction significative entre l'année et le sexe (< 0,0001), ce qui suggère que la proportion d'hommes qui ont passé un test par rapport aux femmes a augmenté au fil du temps.

Tableau 2 : Taux brut (pour 10 000 habitants), risques relatifs non ajustés et ajustés et IC à 95 % à partir de la régression de Poisson et déterminants du dépistage de la syphilis au Manitoba (2015 à 2019)
Déterminants Taux brut RRNA IC à 95 % RRA IC à 95 %
Sexe
Femme 719,6 716,7–722,2 Réf s.o. Réf s.o.
Homme 417,5 415,3–419,7 0,58 0,58–0,58 0,57 0,56–0,57
Année
2015 458,8 455,2–462,4 Réf s.o. Réf s.o.
2016 521,7 517,9–525,6 1,14 1,13–1,15 1,14 1,13–1,15
2017 560,2 556,2–564,2 1,22 1,21–1,23 1,22 1,21–1,23
2018 609,6 605,4–613,7 1,33 1,32–1,34 1,33 1,31–1,34
2019 697,0 692,5–701,4 1,52 1,51–1,53 1,52 1,50–1,53
Groupe d'âge
Moins de 15 ans 37,3 36,2–38,3 0,04 0,04–0,05 0,04 0,04–0,05
15 à 19 841,8 833,1–850,5 Réf s.o. Réf s.o.
20 à 24 1 491,0 1 480,2–2 022 1,77 1,75–1,79 1,77 1,75–1,79
25 à 29 1 694,0 1 682,5–1 705,6 2,01 1,99–2,04 1,99 1,97–2,02
30 à 39 1 208,6 1 201,5–1 215,7 1,44 1,42–1,45 1,42 1,40–1,44
40 à 49 467,8 463,2–472,5 0,56 0,55–0,56 0,55 0,54–0,56
50 ans ou plus 168,3 166,7–170,0 0,20 0,20–0,20 0,20 0,19–0,20

Au cours de la période à l'étude, environ 77 000 femmes ont passé un test prénatal de syphilis, et le nombre annuel de tests était stable à environ 15 500 femmes par année (non illustré). Le tableau 3 montre les taux de dépistage prénatal selon l'âge et la région; le taux de dépistage par habitant chez les femmes de 10 à 59 ans était de 294,2 pour 10 000 (IC à 95 % : 292,2–296,3) de 2015 à 2019. Les taux de dépistage étaient les plus élevés dans le NRHA (487 [IC à 95 % : 476–497] pour 10 000) et les plus faibles dans l'IERHA (262 [IC à 95 % : 256–269] pour 100 000). Il y a eu un gradient des taux selon l'âge dans l'ensemble des offices régionaux de la santé, les taux selon l'âge étant les plus élevés dans le groupe des 25 à 39 ans, à l'exception du NRHA. Au sein du NRHA, le taux le plus élevé par âge a été observé dans le groupe des 15 à 24 ans, à 1 184 (IC à 95 % : 1 148–1 220) pour 10 000. Il s'agissait du taux de dépistage de la syphilis prénatale le plus élevé par groupe d'âge et par strate des offices régionaux de la santé dans notre étude. À l'aide d'une série de diagrammes de Venn, la figure 3 montre la répartition des tests prénataux, par trimestre. Jusqu'en 2018, la majorité des femmes qui ont accouché n'avaient passé qu'un seul test de dépistage prénatal de la syphilis, et ce test a été effectué au cours de leur premier trimestre; de 2015 à 2018, cette proportion variait entre 59 % et 63 %. Au cours de cette période, environ 1 % ont passé au moins un test de dépistage au cours des trois trimestres. Un changement important des tendances en matière de tests a été observé en 2019, et seulement 39 % des femmes passent maintenant un test de dépistage au cours de leur premier trimestre. La proportion de femmes ayant fait l'objet de tests au cours des premier et troisième trimestres est passée de 1,5 % en 2015 à 19 % en 2019. De même, la proportion de femmes ayant passé des tests au deuxième et au troisième trimestres est passée de 1,1 % à 10 % entre 2015 et 2019. Enfin, environ 3,6 % des femmes âgées de 10 à 59 ans qui ont accouché en 2019 ont passé un test de syphilis prénatal dans les trois trimestres, soit 20 fois plus qu'en 2015.

Tableau 3 : Fréquence et taux selon l'âge (pour 10 000) des tests de dépistage de la syphilis prénatale pour les femmes du Manitoba (de 10 à 59 ans), selon le groupe d'âge et l'office régional de la santé (2015 à 2019)Tableau 3 Note de bas de page a
Groupe d'âge (années) ORSW SPM IERHA NRHA SH-SS
Nombre Taux IC à 95 % Nombre Taux IC à 95 % Nombre Taux IC à 95 % Nombre Taux IC à 95 % Nombre Taux IC à 95 %
Moins de 15 ans 33 1,0 0,7–1,5 11 1,4 0,7–2,5 13 2,3 1,3–4,0 59 10,6 8,1–13,7 13 1,1 0,6–2,0
15 à 24 6 465 264,3 258,0–270,7 2 386 464,5 446,4–483,0 1 936 500,4 478,9–522,6 3 595 1 184,0 1 147,8–1 220,8 3 679 529,0 512,5–545,9
25 à 39 32 912 766,2 758,2–774,2 6 704 819,0 800,3–838,0 4 155 782,3 759,6–805,5 4 387 1 107,1 1 076,4–1 138,4 9 289 945,9 927,6–964,3
40 ans ou plus 1 107 21,5 20,3–22,8 152 14,5 12,3–17,0 101 11,3 9,2–13,7 101 24,2 19,7–29,4 275 22,8 20,2–25,6
Total 40 517 268,9 266,3–271,5 9 253 292,0 286,2–297,9 6 205 262,2 255,8–268,7 8 142 486,5 476,2–496,9 13 256 329,7 324,2–335,3

Figure 3 : Tendances du dépistage prénatal de la syphilis, selon le trimestre et l'année de la naissance de l'enfant pour les femmes du Manitoba, 2015 à 2019

Figure 3

Description textuelle : Figure 3

La figure 3 est une série de diagrammes de Venn illustrant les pratiques de dépistage prénatal de la syphilis, par trimestre, de 2015 à 2019. Les diagrammes illustrent un changement spectaculaire dans le dépistage prénatal de la syphilis au cours de cette période : en 2015, environ 63 % des femmes enceintes qui ont passé un dépistage de la syphilis ne l'ont fait qu'une fois, au cours de leur premier trimestre. En 2019, cette proportion était d'environ 39 %. En 2019, beaucoup plus de femmes ont passé des tests au cours des 1er et 3e trimestres (19,4 % contre 1,5 % en 2015) et au cours des 2e et 3e trimestres (10,3 % contre 1,1 % en 2015).


Discussion

Selon l'Agence de la santé publique du Canada, il y a eu une augmentation de 153 % des taux de syphilis infectieuse entre 2014 et 2018 au Canada. Toutefois, le Manitoba a affiché une augmentation de 560 % au cours de la même périodeNote de bas de page 4. Selon une étude récente, il y a eu une augmentation des taux de syphilis chez les femmes de Winnipeg depuis 2014, et des éclosions chez les jeunes femmes sont associées à la vie au centre-ville, à la consommation de substances et à la co-infection à la chlamydiaNote de bas de page 5. Au moment de l'étude, 24 % des femmes ont déclaré être enceintes, toutefois aucun cas de syphilis congénitale n'a été détectéNote de bas de page 5. À la suite de cette étude, le Manitoba a signalé son premier cas de syphilis congénitale en plus de 50 ans en 2015, et un autre cas a été signalé en 2017Note de bas de page 4. Le nombre de cas de syphilis congénitale au Manitoba a augmenté considérablement depuis, avec au moins 30 cas signalés en 2020 à Winnipeg seulement, pour un taux brut de 3,5 pour 1 000 naissances vivantesNote de bas de page 13.

Santé, Aînés et Vie active du Manitoba a recommandé que toutes les femmes enceintes se soumettent à un dépistage de la syphilis au cours de leur première visite prénataleNote de bas de page 24; toutefois, la transmission verticale de la syphilis peut se produire malgré les programmes de dépistage prénatal existants étant donné que les femmes peuvent être infectées entre le moment du test et l'accouchement et que les cliniciens peuvent omettre de diagnostiquer la syphilis en raison de manifestations cliniques non spécifiquesNote de bas de page 12Note de bas de page 14. Nos résultats montrent un changement récent et important dans la pratique du dépistage prénatal. En effet, la proportion de femmes qui ont passé un seul test pendant la grossesse est passée de 93 % en 2015 à 57 % en 2019. À l'inverse, la proportion de femmes ayant passé deux tests ou plus est passée de 7 % en 2015 à 43 % en 2019. Compte tenu de l'épidémie croissante de syphilis au Manitoba, une augmentation encore plus importante des taux de dépistage au troisième trimestre pourrait mener à la détection d'un plus grand nombre de cas de syphilis congénitale. La proportion persistante de femmes dont le dossier de santé indique que le seul test de dépistage prénatal qu'elles ont reçu était au moment de l'accouchement est préoccupante. Cette proportion variait de 0,5 % à 0,7 % au cours d'une année donnée et, au cours de la période d'étude, touchait environ 400 femmes. De plus, des données récentes laissent entendre que la pandémie de COVID-19 a une incidence importante sur les taux de dépistage et les visites à la clinique pour les infections transmissibles sexuellement et par le sang en Amérique du NordNote de bas de page 25Note de bas de page 26Note de bas de page 27. Dans le cas de la syphilis, cette situation peut avoir entraîné une augmentation de la proportion de syphilis non diagnostiquée, ce qui a entraîné une augmentation de la syphilis congénitale. La surveillance des taux de dépistage prénatal de la syphilis est donc essentielle à l'élimination de la syphilis congénitale. Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis ont suggéré d'offrir des tests de dépistage selon diverses modalités, notamment avec des cliniques sans rendez-vous, des services de télésanté et au moyen de trousses d'autodépistageNote de bas de page 28. Compte tenu de la disponibilité des données de dépistage fondées sur la population au Manitoba, les recherches futures devraient explorer l'incidence de la pandémie de COVID-19 sur les taux de dépistage de la syphilis et d'autres infections transmissibles sexuellement et par le sang, et décrire si certaines sous-populations étaient plus susceptibles d'être touchées. La propagation de la syphilis à la population hétérosexuelle (qui touchait majoritaire la population gbHARSAH par le passé) a probablement joué un rôle dans la diminution du ratio femme-homme, les hommes gbHARSAH et hétérosexuels étant plus susceptibles de subir un test de dépistage de la syphilis. Cela a été confirmé par le fait que l'interaction sexuelle était statistiquement significative dans les modèles de régression. La surveillance des tendances de tests de dépistage de la syphilis chez les hommes avant et après l'arrivée de la COVID-19 sera un important objectif de surveillance.

En plus de la syphilis congénitale, la syphilis infectieuse a pour autre conséquence de provoquer la neurosyphilis. L'augmentation du nombre d'infections par la syphilis au Manitoba devrait entraîner une augmentation du nombre de cas de neurosyphilis. Un examen des cas de neurosyphilis en Alberta, au Canada, a révélé environ 30 cas de neurosyphilis au stade précoce et tardif chaque année entre 2015 et 2016Note de bas de page 7. Les données du programme du laboratoire provincial Cadham ont signalé 23 et 28 cas de neurosyphilis détectés en laboratoire (jusqu'en septembre 2019) en 2018 et 2019, respectivement, d'après des tests de laboratoire de recherche sur le liquide céphalorachidien réactif du Laboratoire de recherche sur les maladies vénériennes effectués avec du liquide céphalorachidien non sanglant (Stein, communication personnelle). Landry et al. ont constaté des différences sociodémographiques claires entre les personnes diagnostiquées d'une neurosyphilis précoce et tardiveNote de bas de page 7. Les cas de neurosyphilis précoce étaient plus susceptibles d'être des hommes, nés au Canada, de race blanche et qui ont déclaré avoir des relations sexuelles avec d'autres hommes; en revanche, les cas de neurosyphilis tardive étaient également plus susceptibles d'être des hommes, mais d'être nés à l'extérieur du Canada et de s'identifier comme hétérosexuelsNote de bas de page 7. Il est fortement recommandé que les futurs efforts de surveillance visent à détecter la neurosyphilis.

Forces et faiblesses

L'une des forces de notre étude était qu'elle était fondée sur les données de la population; par conséquent, les taux de dépistage n'étaient pas limités à certaines sous-populations. Les limites comprennent des renseignements démographiques, cliniques et épidémiologiques limités; une recherche plus poussée devrait relier les personnes à d'autres ensembles de données administratives sur les soins de santé. En raison des limites de l'accès aux taux incidents de syphilis, les taux de dépistage n'ont pas été comparés à l'incidence de la syphilis par office régional de la santé; cependant, le NRHA et l'ORSW ont toujours déclaré les taux les plus élevés de syphilis infectieuseNote de bas de page 29.

Conclusion

Nos résultats montrent que le nombre de personnes qui se soumettent à des tests de dépistage de la syphilis a augmenté entre 2015 et 2019. Au Manitoba, l'incidence croissante de la syphilis infectieuse a fait l'objet d'une exposition médiatique importante, et la santé publique a alerté les praticiens de la nécessité du dépistage de la syphilisNote de bas de page 4. Les médias et les communications de santé publique ont probablement contribué à l'augmentation des taux de dépistage. Les recherches à venir devraient déterminer si les tests et le dépistage atteignent les populations les plus appropriées, surtout compte tenu de l'augmentation des cas de syphilis congénitale observés à Winnipeg.

Déclaration des auteurs

S. Y. S. — Analyses conceptuelles, analyse statistique et rédaction de la version préliminaire de l'article

P. J. P. — Interprétation des constatations et révision critique de l'article pour le contenu intellectuel

P. K. — Conception du processus d'extraction, acquisition des données, réalisation des analyses statistiques initiales et contribution aux révisions de l'article

D. S. — Analyses conceptuelles, interprétation des constatations et révision de l'article de façon critique pour le contenu intellectuel

Chaque auteur répondait aux critères de l'International Committee of Medical Journal Editors. Tous les auteurs ont approuvé la version finale de l'article.

Le contenu de l'article et les points de vue qui y sont exprimés n'engagent que les auteurs et ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

Intérêts concurrents

Aucun.

Remerciements

Aucun.

Financement

S. Y. S. était appuyé par une chaire de recherche du Canada en science des programmes et en santé publique mondiale (niveau II).

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