Une éclosion de Salmonella Infantis liée à des produits du porc en Ontario, 2021

RMTC

Volume 50-5, mai 2024 : RMTC 50e anniversaire

Rapport d'éclosion

Une éclosion de Salmonella Infantis liée à des produits du porc déchiqueté provenant d'une source non autorisée dans plusieurs districts sanitaires, Ontario, Canada, 2021

Victoria Osasah1, Yvonne Whitfield1, Affan Danish1, Allana Murphy2, Richard Mather1, Janica Adams1, Anna Majury2, Mehdi Aloosh1,3

Affiliations

1 Maladies entériques, zoonotiques et à transmission vectorielle, Santé publique Ontario, Toronto, ON

2 Laboratoire de Santé Publique Ontario, Santé publique Ontario, Toronto, ON

3 Département des Méthodes, des Données probantes et de l'Impact de la Recherche en Santé, École de médecine Michael G. DeGroote, Université McMaster, Hamilton, ON

Correspondance

affan.danish@oahpp.ca

Citation proposée

Osasah V, Whitfield Y, Danish A, Murphy A, Mather R, Adams J, Majury A, Aloosh M. Une éclosion de Salmonella Infantis liée à des produits du porc déchiqueté provenant d'une source non autorisée dans plusieurs districts sanitaires, Ontario, Canada, 2021. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2024;50(5):174–82. https://doi.org/10.14745/ccdr.v50i05a06f

Mots-clés : Salmonella, Infantis, études épidémiologiques, éclosion, origine alimentaire, source non autorisée, restaurant

Résumé

Contexte : Une éclosion d'infection à Salmonella Infantis a été associée à la consommation de produits du porc déchiqueté dans plusieurs restaurants en Ontario entre juillet 2021 et octobre 2021. L'éclosion a touché 36 patients de six bureaux de santé publique. Les produits du porc déchiqueté en cause proviennent d'une source non autorisée. Il s'agit de la plus importante éclosion signalée de Salmonella Infantis liée à l'exposition aux aliments de restaurant en Ontario, avec des complexités liées à l'enquête sur les aliments non autorisés. Cet article vise à décrire les enquêtes épidémiologiques, de salubrité des aliments et de laboratoire qui ont conduit à l'identification et à l'élimination de la source de l'éclosion dans les restaurants concernés, y compris les difficultés rencontrées lors des enquêtes sur une éclosion liée à une source d'aliments non autorisée.

Méthodes : Des analyses épidémiologiques et de laboratoire ont été effectuées pour identifier la source de l'éclosion. Des enquêtes sur la salubrité des aliments ont été menées pour déterminer l'origine et la distribution des aliments en cause.

Résultats : Le séquençage du génome entier a permis d'identifier la souche de l'éclosion à partir des isolats de 36 patients dans six bureaux de santé publique en Ontario. Sept patients (19 %) ont été hospitalisés. Aucun décès n'a été signalé. L'éclosion a été liée à des produits du porc déchiqueté (i.e., des couennes ou des peaux) qui ont été distribués par un transformateur de viande non autorisé et consommés dans divers restaurants qui servaient de la cuisine fusion d'Asie du Sud-Est, principalement dans la région du Grand Toronto. Les produits ont été retirés des restaurants concernés.

Conclusion : Historiquement, les aliments provenant de sources non autorisées ont été associés à de nombreuses éclosions de grande ampleur et continuent de présenter un risque important pour la santé publique. L'enquête sur l'éclosion a mis en évidence la menace que représentent les aliments provenant de sources non autorisées pour la santé publique et l'importance d'interventions supplémentaires en matière de santé publique pour prévenir les éclosions liées à des sources non autorisées.

Introduction

Identification

En août 2021, Santé publique Ontario (SPO) a identifié, dans le cadre d'une surveillance systématique, neuf cas d'infection à Salmonella Infantis avec des différences d'allèles de 0 à 7 par typage de séquences multilocus du génome entier (wgMLST). Un suivi complémentaire auprès des bureaux locaux de santé publique a permis d'identifier un groupe de cinq patients qui ont dîné dans un restaurant proposant une cuisine fusion d'Asie du Sud-Est. Quatre autres cas signalant des expositions similaires ont été identifiés dans trois autres régions de l'Ontario. Au total, 17 restaurants de fusion d'Asie du Sud-Est ont été concernés. Cela a conduit à la mise en place du Comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion de l'Ontario le 10 septembre 2021. Ce comité est composé de partenaires locaux, provinciaux et fédéraux qui ont conjointement organisé et entrepris l'enquête sur l'éclosion.

Contexte

En Ontario, la salmonellose est la deuxième cause la plus fréquente Note de bas de page 1 d'infection gastro-intestinale à déclaration obligatoire Note de bas de page 2. Au cours des cinq dernières années, environ deux personnes sur 1 000 par an en Ontario ont contracté une maladie due à la salmonellose. En moyenne, trois personnes sur 100 sont hospitalisées chaque année en Ontario Note de bas de page 2. Parmi les dix sérovars les plus déclarés dans la province, Salmonella Infantis est le quatrième sérovar prédominant Note de bas de page 3.

L'éclosion la plus remarquable de Salmonella Infantis en Ontario a été signalée en 1999 et liée à des gâteries d'oreilles de porc pour animaux de compagnie Note de bas de page 4. Au niveau national et international, des éclosions d'infection à Salmonella Infantis ont été liées à des produits de volaille comme vecteur d'infection Note de bas de page 5Note de bas de page 6. Une éclosion internationale de Salmonella Infantis liée aux produits du porc a été signalée en Allemagne Note de bas de page 7. Dans l'ensemble, la contamination du porc par Salmonella Infantis a été bien décrite dans les documents Note de bas de page 6Note de bas de page 8. Selon le Réseau aliments Canada (FoodNet Canada), des données ont fréquemment identifié Salmonella Infantis dans des produits de volaille et du porc Note de bas de page 9.

Au cours de la dernière décennie, de multiples éclosions de salmonellose ont été associées à la distribution d'aliments provenant de sources non autorisées au Canada et aux États-Unis. Deux des plus grandes éclosions étaient liées à la distribution d'aliments provenant de fournisseurs commerciaux (e.g., camions de cuisine de rue et traiteurs) utilisant des aliments provenant de sources non autorisées Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12. Ces éclosions causées par des aliments provenant de sources non autorisées ont historiquement contribué à retarder l'identification de la source de l'infection, en partie parce que le distributeur s'est écarté des pratiques réglementaires standard nécessaires pour suivre et arrêter la distribution et l'utilisation des produits alimentaires en cause. Ces retards ont considérablement entravé la tenue d'enquêtes de santé publique en temps opportun afin de déterminer la source et d'empêcher la distribution. Une conséquence secondaire est la disponibilité continue de l'aliment en cause pour la consommation pendant que les enquêteurs mènent des enquêtes pour identifier la source, ce qui peut contribuer à une augmentation de l'incidence des cas avec l'organisme responsable de la maladie.

Objectif

Compte tenu de l'ampleur de cette éclosion observée avec le grand nombre de maladies signalées et son apparition dans des restaurants d'une vaste zone géographique, il était impératif de comprendre l'épidémiologie de l'éclosion et les implications de la distribution de sources d'aliments non autorisées sur l'enquête sur les aliments à l'origine de l'éclosion. Cet article décrit les enquêtes épidémiologiques, de laboratoire et de salubrité alimentaire, ainsi que les problèmes de salubrité alimentaire rencontrés et les mesures prises au cours de l'éclosion, alors que l'enquête portait sur des aliments provenant d'une source non autorisée.

Méthodes

Aperçu

Après une augmentation supérieure au nombre moyen de patients liés par le séquençage du génome entier (SGE), une éclosion a été déclarée le 10 septembre 2021. À la fin d'octobre 2021, aucun autre cas n'avait été signalé. L'éclosion a été déclarée terminée le 11 novembre 2021, après l'identification et le retrait de la source de l'éclosion et un retour en dessous du nombre moyen de cas.

Recherche de cas et collecte de données

Le Comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion de l'Ontario a défini un cas confirmé d'éclosion comme une infection à Salmonella Infantis survenant chez les résidents ou les visiteurs en Ontario, avec un modèle de séquence génomique (différences d'allèles de 0 à 7 wgMLST) correspondant à la souche de l'éclosion, et une apparition de maladie le 12 juillet 2021 ou après. Les données sur la surveillance systématique de Salmonella sont fournies par le laboratoire de SPO. En moyenne, le laboratoire de SPO signale deux cas de Salmonella Infantis par semaine en Ontario.

Nous avons mené une étude descriptive à l'aide de questionnaires standardisés visant la formulation des hypothèses, en conjonction avec des données de laboratoire sur des isolats cliniques et d'aliments. L'approbation éthique n'était pas requise, car cette étude relevait du mandat législatif de SPO Note de bas de page 13.

Les patients présentant des infections à Salmonella confirmées en laboratoire et liées à la souche de l'éclosion ont été interrogés par des enquêteurs locaux de la santé publique, à l'aide d'un questionnaire standardisé générant des hypothèses, afin de connaître les expositions aux aliments, aux animaux, à l'eau et au travail au cours de la période de sept jours précédant l'apparition de la maladie. Les enquêteurs provinciaux ont également réinterrogé les patients concernés et ont recueilli des renseignements supplémentaires sur l'exposition afin d'identifier la source de l'éclosion. Sur la base des renseignements recueillis lors des premières entrevues, les enquêteurs ont posé des questions sur l'exposition à la viande du porc et aux produits du porc et ont obtenu des renseignements sur le lieu de l'achat et de la consommation des aliments, y compris le nom du plat consommé. Le 13 septembre 2021, un avis de santé publique a été émis sur le Réseau canadien de renseignements sur la santé publique afin de communiquer la situation aux partenaires de santé publique.

Enquêtes

Enquêtes en laboratoire

En réponse à l'enquête sur l'éclosion, les échantillons cliniques obtenus auprès des patients qui faisaient partie de l'éclosion et les échantillons d'aliments, y compris les échantillons intacts et ouverts, obtenus dans les endroits où les patients ont déclaré avoir consommé des aliments avant la maladie, ont été analysés au laboratoire de SPO et au Laboratoire national de microbiologie de l'Agence de la santé publique du Canada. Le laboratoire de Santé publique Ontario a effectué une analyse de l'amplification en chaîne par polymérase (PCR) en temps réel en utilisant la méthode 031001 de l'AOAC Research Institute pour les échantillons d'aliments soumis par les bureaux de santé publique pour la détection de Salmonella Note de bas de page 14. Tous les échantillons positifs et indéterminés de l'analyse PCR en temps réel ont été transférés à la méthode de référence sélective de Santé Canada (MFHPB-20) Note de bas de page 15 pour l'identification par culture, avec confirmation du sérotypage par agglutination traditionnelle phénotypique Note de bas de page 16. L'analyse par grappes a été systématiquement effectuée sur tous les échantillons positifs à l'aide de l'approche wgMLST de PulseNet Canada, qui définit le dépistage de la parenté génomique comme ≤ 10 différences d'allèles wgMLST entre les échantillons Note de bas de page 17. Les isolats présumés issus de la méthode de culture de référence ont été confirmés par le laboratoire des maladies entériques de SPO. Les échantillons contenant des isolats de culture positive ont été envoyés au Laboratoire national de microbiologie pour un SGE confirmatoire. Les isolats liés par 0 à 7 wgMLST ont été identifiés comme étant étroitement liés les uns aux autres.

Enquête épidémiologique

Un test de probabilité binomiale a été appliqué pour comparer les proportions des expositions aux aliments rapportées par les patients et les valeurs de référence des répondants au Rapport Atlas Alimentaire. Le rapport Atlas alimentaire est un sondage téléphonique basé sur la population mené dans toutes les provinces canadiennes au cours d'une période d'étude d'un an entre 2014 et 2015 sur l'exposition aux aliments et aux animaux au cours d'une période rétrospective de sept jours Note de bas de page 18. Microsoft Excel a été utilisé pour analyser les données et créer des graphiques épidémiologiques. Un niveau de signification de p = 0,05 a été utilisé.

Les aliments déclarés par les patients avec des proportions plus élevées que prévu par rapport aux valeurs de référence et avec une signification statistique (p < 0,05) ont été étudiés plus en détail pour identifier les similitudes par lieu d'achat, type d'aliment et ingrédients d'aliment. Les renseignements sur l'exposition dans les restaurants tirés des questionnaires standardisés visant la formulation des hypothèses, déclarés par les patients, ont fait l'objet d'une analyse plus poussée afin d'identifier les patients qui avaient dîné dans les mêmes restaurants de fusion d'Asie du Sud-Est. Une sous-analyse des expositions aux aliments des patients qui ont dîné dans les mêmes restaurants a été réalisée et comparée à d'autres patients concernés par l'éclosion, afin d'identifier une source commune. En outre, le groupement des ménages a été étudié afin d'identifier les patients susceptibles d'avoir été exposés par le biais d'une transmission non primaire.

Enquête sur la salubrité des aliments

Des enquêteurs locaux, provinciaux et fédéraux spécialisés dans la salubrité des aliments se sont rendus dans les restaurants où les patients ont déclaré avoir dîné et ont enquêté sur les produits alimentaires en cause. Les aliments que les patients ont déclaré avoir consommés et qui ont été présumés être à l'origine de la maladie sur la base des données épidémiologiques ont été obtenus auprès des restaurants, y compris des échantillons provenant d'un restaurant affilié qui servait des mets similaires sans qu'aucun cas de maladie n'ait été signalé.

Résultats

Résultats épidémiologiques

Trente-six patients correspondant à la définition de cas confirmé ont été signalés dans six bureaux de santé publique. La majorité des cas (97 %) ont été signalés dans cinq bureaux de santé publique de la région du Grand Toronto (RGT) entre juillet et octobre 2021. Aucun cas n'a été identifié en dehors de l'Ontario. L'âge médian était de 26 ans (de 0 à 94 ans). Parmi tous les patients, on a observé un groupement par sexe, puisque vingt-quatre (67 %) d'entre eux étaient des hommes. Quatorze patients (39 %) avaient entre 10 et 29 ans. Sept patients (19 %) ont été hospitalisés au cours de l'éclosion. Aucun décès n'a été signalé.

Les dates d'apparition de la maladie ont varié du 19 juillet 2021 au 17 octobre 2021, avec de multiples agrégats spacio-temporels, sur une période de trois mois, à plus d'une période d'incubation d'intervalle, et avec plusieurs hauts et bas tout au long de l'éclosion. Ces agrégats reflètent les habitudes alimentaires des patients concernés et le fait que l'éclosion était liée à un restaurant et à un produit alimentaire congelé contaminé ayant une longue durée de conservation (figure 1, tableau 1).

Figure 1 : Une courbe épidémique de patients atteints d'infections à Salmonella Infantis signalés par semaine d'apparition de la maladie ou par date de prélèvement de l'échantillon, Ontario, 18 juillet 2021 à 17 octobre 2021, (n = 36)
Figure 1
Figure 1 - Équivalent textuel

Cette courbe épidémique montre la distribution de 36 patients selon la date d'apparition de la maladie et la date de prélèvement de l'échantillon dans une éclosion de Salmonella Infantis survenue en Ontario, au Canada.

Un pic a été atteint au cours de la semaine du 22 août 2021, au cours de laquelle dix patients malades ont été signalés. Pendant six semaines, un seul patient malade a été signalé, pendant trois semaines, trois patients malades ont été signalés, pendant une semaine, cinq patients malades ont été signalés et pendant une semaine, six patients malades ont été signalés. Pendant deux semaines, aucun cas malade n'a été signalé.

Les points clés durant l'éclosion, y compris le moment où le premier produit du porc déchiqueté a été prélevé pour analyse, l'activation du Comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion de l'Ontario (CCEE-ON) et la date à laquelle l'éclosion a été déclarée, l'émission d'un avis de salubrité des aliments, la désactivation du CCEE-ON et la date à laquelle l'éclosion a été déclarée terminée, sont inclus dans cette figure.


Tableau 1 : Répartition des cas confirmés de l'éclosion selon la date d'apparition de la maladie et la date de prélèvement des échantillons, Ontario, juillet à octobre 2021
Semaine de l'épisode
(2021)
Confirmés
(date d'apparition de la maladie)
Confirmés
(date de prélèvement de l'échantillon)
11 juill. 0 0
18 juill. 3 0
25 juill. 1 0
1er août 1 0
8 août 1 0
15 août 1 0
22 août 10 0
29 août 3 2
5 sept. 2 1
12 sept. 4 2
19 sept. 1 2
26 sept. 1 0
3 oct. 0 0
10 oct. 0 0
17 oct. 1 0
24 oct. 0 0
31 oct. 0 0
11 nov. 0 0

Des renseignements sur l'exposition ont été recueillis auprès de 30 patients (taux de réponse : 83 %), car cinq patients ont été perdus de vue et un patient n'a pas souhaité être interrogé. Parmi les 24 patients qui ont répondu à la question sur la « consommation de porc », 23 patients (96 %) ont répondu qu'ils consommaient ou consommaient probablement du porc, ce qui représente une proportion plus élevée que prévu par rapport à la proportion moyenne de la population générale interrogée dans le Rapport Atlas Alimentaire (61 %, p < 0,005). Parmi les 23 patients qui ont déclaré avoir consommé ou probablement consommé du porc, 19 (83 %) ont déclaré avoir consommé de la couenne de porc déchiquetée, de la peau de porc ou une combinaison avec des côtelettes de porc dans 17 restaurants servant une cuisine fusion d'Asie du Sud-Est dans la RGT.

D'autres expositions à des aliments ont été étudiées afin de déterminer si d'autres expositions à des aliments auraient pu être à l'origine de l'éclosion; toutefois, les aliments signalés ont été identifiés comme faisant partie du plat servi avec des produits à base de porc déchiqueté et ne présentaient pas de différences parmi les patients. En outre, les données probantes recueillies en laboratoire ont renforcé l'hypothèse selon laquelle ces aliments n'étaient pas à l'origine de l'éclosion. Sur les 23 patients qui ont déclaré avoir consommé du porc, 20 (87 %) ont déclaré avoir mangé dans des restaurants et avoir consommé du porc. Sur les 17 lieux de restauration, trois chaînes étaient concernées, avec un groupement d'au moins trois patients par chaîne de restaurant. Ces derniers représentaient 12 patients. Les huit cas restants ont dîné dans huit lieux différents.

Enquêtes sur la salubrité des aliments

Les enquêtes visant à suivre la trace de la distribution du produit en cause comprenaient la collecte de produits du porc déchiqueté dans les restaurants. Il a été établi que les produits du porc déchiqueté étaient vendus congelés dans des sacs en plastique transparents, sans étiquette, sans code de lot, sans identifiant et sans mode de cuisson. Les photos obtenues des produits non étiquetés (figure 2) ont aidé les enquêteurs à identifier et à retirer les produits similaires utilisés dans tous les restaurants servant des cuisines fusion de l'Asie du Sud-Est dans la RGT. Les photos ont également permis d'identifier d'autres échantillons de porc déchiqueté à analyser.

Figure 2 : Une photo de produit du porc déchiqueté en cause, prise par les enquêteurs et publiée dans un avis de salubrité des alimentsFigure 2 note de bas de page a

Figure 2

Figure 2 - Équivalent textuel

Il s'agit d'une photographie de l'un des sacs transparents de viande de porc déchiquetée ne comportant aucune information sur le produit ou sur son identité. Cette photo a permis d'identifier le produit lorsque les inspecteurs ont visité des restaurants fusion d'Asie du Sud-Est dans la région du Grand Toronto. Cette photo est disponible dans le site Web de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, dans la page des Avertissements concernant l'avis de salubrité des produits alimentaires du porc déchiqueté : Avis de salubrité des aliments - De la couenne de porc déchiquetée et de la peau de porc déchiquetée vendues dans certains restaurants de la région du Grand Toronto pourraient être dangereuses en raison de la bactérie Salmonella.


L'emballage ne comportait aucun mode de cuisson permettant de déterminer s'il s'agissait d'un produit prêt à être consommé ou si une cuisson supplémentaire était nécessaire. Certains restaurateurs ont indiqué qu'ils servaient les produits du porc déchiqueté sans traitement thermique supplémentaire.

Des enquêtes complémentaires ont révélé que tous les restaurants avaient le même transformateur de viande pour les produits spécifiques du porc déchiqueté. Au moment de l'enquête sur l'éclosion, le transformateur de viande exerçait son activité sans autorisation. L'une des difficultés rencontrées au cours de l'enquête visant à déterminer l'origine des produits en cause a été d'obtenir les coordonnées du transformateur de viande auprès des exploitants de restaurants. Certains exploitants de restaurants ne pouvaient fournir que le nom et le numéro de téléphone du transformateur de viande. Les coordonnées fournies par les restaurants étaient les mêmes; cependant, les enquêteurs n'ont pas été en mesure d'établir le contact avec le transformateur de viande. Il n'a donc pas été possible d'obtenir d'autres renseignements.

Un autre défi qui s'est posé au niveau des restaurants a été d'obtenir des renseignements exacts sur la source des produits du porc déchiquetés qui ont été achetés. Lors d'une nouvelle inspection, certains exploitants de restaurants ont fourni des renseignements contradictoires sur la source d'achat des produits du porc déchiqueté. Les exploitants ont mis en cause un fournisseur autorisé après avoir initialement identifié le fournisseur non autorisé comme étant la source d'achat. Le fournisseur autorisé a été inspecté et des échantillons d'aliments ont été prélevés. Salmonella n'a été détectée dans aucun des échantillons des aliments obtenus auprès du fournisseur autorisé.

Résultats d'analyses de laboratoire

Une première analyse de laboratoire a permis d'identifier qu'un isolat de Salmonella Infantis provenant d'un échantillon de produit du porc déchiqueté intact, obtenu dans l'un des restaurants concernés, était lié par SGE à la souche de l'éclosion. Au total, 75 échantillons d'aliments, dont 37 échantillons de couenne de porc déchiquetée, de peau de porc déchiquetée et de côtelettes de porc mélangées, ont été prélevés dans 17 restaurants mis en cause, dans un restaurant où aucun cas n'a été signalé, dans les 18 restaurants proposant une cuisine fusion d'Asie du Sud-Est et dans une résidence privée au cours de l'enquête. Les 38 autres échantillons d'aliments testés comprenaient du riz (n = 5), du poulet (n = 5), des légumes (n = 4), du bœuf (n = 4), des œufs (n = 3), des saucisses (n = 2), des rouleaux de printemps (n = 2), du tofu (n = 2), des vermicelles (n = 2), de la salsa (n = 2) et un échantillon de crème aigre, de tortilla, de poivrons, de fromage, de canard, de sandwich teriyaki et de poudre de riz.

Quatorze isolats d'aliments positifs provenant de produits du porc déchiqueté obtenus dans sept restaurants (39 %) (figure 3) présentaient des profils génétiques similaires à ceux de la souche de l'éclosion liée par SGE. Les isolats étaient à moins de sept différences d'allèles par wgMLST les uns des autres. Les isolats provenant d'échantillons cliniques prélevés sur les patients situaient également dans une série de sept allèles par wgMLST.

Figure 3 : Diagramme de traçabilité des restaurants et du nombre de patients liés à chaque restaurant d'où proviennent les 14 isolats positifs de produits du porc déchiqueté, Ontario, juillet à octobre 2021Figure 3 note de bas de page a

Figure 3

Figure 3 - Équivalent textuel

Ce diagramme de traçabilité met en évidence les distributions des 14 échantillons de viande du porc déchiquetée prélevés dans des restaurants où la présence de la souche de l'éclosion a été prouvée en laboratoire. Ces échantillons positifs provenaient de six restaurants, dont cinq étaient liés aux patients concernés. C'est le restaurant 2 qui a enregistré le plus grand nombre de cas malades. Le restaurant 6 était lié au transformateur de viande non autorisé, mais il n'était lié à aucun des patients concernés.


Interventions en matière de santé publique

Les enquêteurs provinciaux et fédéraux ont émis un avis de salubrité des aliments Note de bas de page 19 (figure 2) à l'intention du public ainsi que des hôtels, des restaurants et des institutions contre l'utilisation de ces produits du porc déchiqueté. En outre, une fois les produits en cause identifiés, les enquêteurs locaux ont procédé à l'inspection de tous les restaurants de style fusion d'Asie du Sud-Est relevant de leurs territoires. Les enquêteurs ont sensibilisé les restaurateurs et ont retiré les produits du porc déchiqueté mis en cause partout où ils les ont trouvés. Aucun autre restaurant n'a été identifié.

Discussion

Principaux résultats

Les produits du porc déchiqueté ont été identifiés comme la source de l'éclosion qui a entraîné 36 cas de maladie dans 17 restaurants de cinq districts sanitaires de la RGT et d'un district sanitaire en dehors de la RGT. L'hypothèse émise est qu'une contamination à différents stades de la transformation du circuit alimentaire a pu se produire dans la chaîne d'approvisionnement, offrant de multiples possibilités de contamination et de transmission de Salmonella Infantis dans les produits du porc. En outre, il est possible que les produits du porc déchiqueté n'aient pas été suffisamment cuits ou aient subi une transformation inadéquate, que ce soit au niveau du transformateur ou du restaurant. Les produits du porc déchiqueté n'étaient pas étiquetés, ne comportaient pas de mode de cuisson et n'étaient pas davantage cuits au niveau du restaurant. La distribution à grande échelle de ces produits du porc non autorisés à de nombreux restaurants était un fait inhabituel en Ontario.

Comparaison avec d'autres éclosions de Salmonella Infantis et avec des éclosions provenant de sources non autorisées

Bien que Salmonella Infantis soit un sérovar courant en Ontario et qu'il ait été associé à de multiples éclosions Note de bas de page 8Note de bas de page 20, cette éclosion a présenté des schémas d'enquête inhabituels, différents des éclosions précédentes de Salmonella Infantis en Ontario, principalement en raison de la distribution généralisée de produits du porc non autorisés dans les restaurants. Les précédentes éclosions de Salmonella Infantis d'origine alimentaire au Canada ont été associées à des aliments vendus dans des magasins de détail et consommés à la maison Note de bas de page 4Note de bas de page 20Note de bas de page 21. Il s'agit de la plus importante éclosion de Salmonella Infantis signalée dans des restaurants en Ontario, résultant de la consommation d'aliments provenant d'un transformateur d'aliments non autorisé. Toutefois, l'ampleur de l'éclosion, le groupement étroit des cas à la fois dans l'espace et dans le temps, et la distribution dans des rassemblements à grande échelle (tels que des restaurants) étaient cohérents avec les éclosions antérieures associées à des aliments provenant de sources non autorisées Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12. Des éclosions antérieures mettant en cause des sources non autorisées ont illustré l'impact des aliments provenant de sources non autorisées sur les enquêtes visant à identifier la source d'une éclosion. Cette éclosion a été confrontée à d'autres difficultés qui n'ont pas été signalées dans les documents existants, notamment le peu d'informations disponibles sur le distributeur et le fabricant de produits et les informations souvent contradictoires communiquées par les exploitants de restaurants, qui ont fourni des informations contradictoires sur le nom et le lieu du vendeur. Les enquêteurs ont donc eu du mal à identifier rapidement la source de l'éclosion. Certains exploitants ont été condamnés à une amende pour s'être procuré des aliments auprès de sources non autorisées.

Limites

Il y avait plusieurs limites à l'obtention de renseignements auprès des patients. Étant donné que les renseignements ont été obtenus auprès des patients après l'éclosion, nous ne pouvons pas exclure la possibilité d'un biais de rappel. Toutefois, certains patients ont consulté les relevés de leurs cartes de crédit pour des achats précis. En outre, certains patients ont eu besoin d'une traduction. Cependant, ces renseignements n'étaient pas disponibles pour tous les patients, et certains hésitaient à partager des renseignements avec les enquêteurs.

Des limites supplémentaires sont apparues au cours de l'enquête sur la salubrité des aliments lors de l'identification du transformateur de viande non autorisé. Bien que le transformateur de viande ait été identifié, l'absence de contact avec lui a gravement entravé l'avancement de l'enquête visant à identifier les circuits de distribution des produits en cause. Les limites comprenaient également l'absence d'identification du point de la chaîne d'approvisionnement où la contamination a pu se produire.

Le lieu et l'identité du transformateur de viande non autorisé qui a fabriqué les produits du porc déchiqueté ne sont pas connus. Toutefois, en raison de la proportion plus élevée de produits du porc déchiqueté dans les plats servis aux patients concernés par l'éclosion, les autorités sanitaires locales ont été en mesure de confirmer la source de l'éclosion en procédant à un échantillonnage des mets consommés par les cas. Cette mesure a permis de garantir l'identification et le retrait en temps utile des produits du porc déchiqueté en cause. En l'absence d'étiquettes appropriées, les photos des produits de porc déchiqueté non étiquetés ont joué un rôle essentiel dans l'identification des produits en cause dans l'éclosion et dans la communication de renseignements sur les aliments concernés aux partenaires de la santé publique ainsi qu'aux hôtels, aux restaurants et aux institutions.

Conclusion

Les éclosions liées à des aliments provenant de sources non autorisées mettent en évidence le risque important pour la santé publique qui découle de l'utilisation de ces sources, comme l'introduction d'agents pathogènes dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire et la propagation de maladiesNote de bas de page 22 Note de bas de page 23.

Ces produits alimentaires peuvent être distribués illégalement dans un vaste réseau, en particulier au niveau des restaurants, ce qui accroît le risque de maladies. L'incidence économique de l'augmentation des coûts des aliments pourrait influencer les choix d'achat des exploitants en matière de salubrité des aliments dans le but de réduire leurs coûts d'exploitation, lorsque des solutions de rechange abordables pourraient être fournies par des sources non réglementées Note de bas de page 24. Les exploitants de restaurants sont également moins susceptibles de collaborer avec les enquêteurs pour fournir des renseignements sur les produits qu'ils obtiennent sciemment de sources non autorisées. Étant donné qu'un seul type de cuisine était concerné, cela peut également suggérer l'existence d'un réseau familier.

La prévention nécessite une approche à plusieurs volets, comprenant des règlements qui exigent que les sources d'aliments soient autorisées et une tenue efficace des registres. Les règlements régissant les services d'alimentation de l'Ontario ont été modifiés en 2019 pour inclure ces exigences. En outre, la sensibilisation des exploitants en matière de salubrité des aliments aux risques pour la santé publique de l'utilisation des aliments provenant de sources non autorisées, ainsi qu'aux sanctions qu'ils encourent s'ils ignorent les règles en vigueur, peut contribuer à réduire le risque. De plus, l'application de la loi est une approche importante pour prévenir de tels cas.

Cette éclosion a mis en évidence l'importance de la collaboration entre les autorités réglementaires locales, provinciales et fédérales (Comité de coordination de l'enquête sur l'éclosion de l'Ontario). Le recours à des stratégies supplémentaires d'atténuation des risques, telles que les visites d'inspection de tous les restaurants servant des mets d'Asie du Sud-Est, la publication par le ministère de la Santé d'un avis à l'intention des hôtels, des restaurants et des institutions, et la publication par l'Agence canadienne d'inspection des aliments d'un avis sur les produits du porc déchiqueté non autorisés, a permis d'identifier les produits, de les retirer du marché et d'accroître la sensibilisation aux produits alimentaires en cause.

Déclaration des auteurs

  • V. O. — Conceptualisation, méthodologie, rédaction–version originale, rédaction–révision et édition
  • Y. W. — Conceptualisation, méthodologie, rédaction–version originale, rédaction–révision et édition
  • A. D. — Rédaction-version originale, rédaction–révision et édition, administration du projet
  • A. Murphy — Enquête, ressources, rédaction–révision et édition, validation
  • R. M. — Conceptualisation, rédaction–révision et édition
  • J. A. — Rédaction–révision et édition
  • A. Majury — Validation, enquête, ressources, rédaction–révision et édition
  • M. A. — Conceptualisation, rédaction–révision et édition, supervision

Le contenu et les opinions exprimés dans cet article n'engagent que les auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux du gouvernement du Canada.

Intérêts concurrents

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l'International Committee of Medical Journal Editors pour la déclaration de conflits d'intérêts potentiels. Aucun conflit d'intérêts n'a été déclaré.

Remerciements

Les auteurs remercient tous les partenaires de santé publique qui ont participé à l'enquête sur l'éclosion : les bureaux locaux de santé publique (région de Peel, Bureau de santé publique de Toronto, région de Durham, région de Halton, région de York, région de Waterloo); Santé publique Ontario (Jennifer Pritchard, Vithusha Ravirajan, Christina Lee); le laboratoire de Santé publique Ontario (Antoine Corbeil, Ailyn Payas, Analyn Peralta); le ministère de la Santé de l'Ontario; le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario (Alexandre Leger, Troy Jenner); l'Agence canadienne d'inspection des aliments; Santé Canada; l'Agence de la santé publique du Canada.

Financement

Cette étude n'a bénéficié d'aucune subvention ou financement spécifique.

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