Dans les coulisses de la science : Radon et les changements climatiques : Balado Canadiens en santé - Épisode 2

Transcription

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Stéphanie Perrier-Bélanger: Bonjour et bienvenue à Canadiens en santé, dans les coulisses de la science, une plateforme qui nous permet de vous fournir des informations scientifiques sur les sujets de santé qui comptent pour nous tous au Canada. Je suis votre animatrice, Stéphanie Perrier-Bélanger.

[musique]

Les changements climatiques ont de profondes répercussions sur de nombreux aspects dans la vie des Canadiens et de ceux partout dans le monde. Nous réalisons des progrès dans la réduction des émissions, tout en améliorant notre efficacité énergétique. Parfois, des changements positifs peuvent avoir des résultats inattendus. Dans l'épisode de la semaine dernière du balado Canadiens en santé, nous avons entendu Mathieu Brossard, spécialiste régional en rayonnement à Santé Canada. Il nous a parlé des risques pour la santé associés au radon, mais surtout ce que nous pouvons faire pour les réduire. Aujourd'hui, Mathieu est de retour avec nous pour nous parler de certains de ces impacts imprévus concernant les risques du radon et les changements climatiques.

Nous allons entrer dans le vif du sujet dans un instant, mais d'abord, un petit mot officiel de nous. Canadiens en santé vous est présenté par Santé Canada et l'Agence de la Santé Publique du Canada. Notre objectif est de vous donner des informations et perspectives sur les sujets de santé qui comptent pour nous tous. La discussion ne reflétera pas nécessairement les positions politiques officielles du Gouvernement du Canada. Ceci est plutôt une conversation et non pas un communiqué de presse. Okay. Parlons du radon et des changements climatiques.

Bonjour Mathieu. Je propose qu'on rentre directement dans le vif du sujet : radon et changements climatiques. Normalement, quand on pense aux changements climatiques, le commun des mortels n'a pas le réflexe de penser au radon. Ce n'est pas nécessairement la première chose à laquelle on pense. Ce qui m'amène à vous demander : C'est quoi le lien entre, d'une part, les changements climatiques, ou du moins ce qu'on essaie de faire en matière de changements climatiques, et les mesures de mitigation qu'on essaie de mettre en place pour diminuer les risques qui sont associés à l'exposition au radon ? C'est quoi le lien entre les deux ?

Mathieu Brossard: Le lien qu'il y a entre les changements climatiques et le radon, c'est un lien direct. Qui dit changements climatiques dit économie d'énergie, conservation d'énergie, réduire notre empreinte. Pour ça, une des solutions, c'est d'augmenter l'efficacité énergétique des bâtiments, donc augmenter l'isolation des bâtiments. Qu'est-ce que ça fait quand on augmente l'isolation d'un bâtiment ? C'est que dans certains cas, ça peut réduire son taux de ventilation. On a besoin de respirer dans la vie et puis nos bâtiments ont besoin d'être ventilés adéquatement pour qu'on ait un bon niveau d'oxygène, une bonne qualité d'air. En réduisant la ventilation d'un bâtiment, en augmentant son isolation, on peut augmenter les problèmes de la qualité d'air à l'intérieur.

Le radon, c'est dans les principaux problèmes de qualité d'air à l'intérieur, c'est un gaz radioactif qui augmente les risques de cancer du poumon. Il y a plusieurs indices à l'international de certains pays comme les États-Unis, l'Angleterre, qui ont fait des recherches, où on voit que lorsqu'on a des programmes d'augmentation de l'efficacité énergétique d'un bâtiment, on peut créer des augmentations de radon. Ça, c'est quelque chose qu'on surveille au Canada aussi.

Stéphanie: Okay. Si je comprends bien, si je me souviens, c'est comme s'il y avait une sorte de relation inversement proportionnelle, finalement, entre, d'un côté, le désir d'augmenter l'efficacité écoénergétique de nos bâtiments, mais d'un autre côté, on veut aussi diminuer le risque associé à l'exposition au radon ? Est-ce qu'on pourrait jusqu'à aller dire que les bâtiments qui sont plus récents comportent un plus grand risque d'exposition au radon comparativement aux maisons plus vieilles par exemple ?

Mathieu: On va parler de ça en deux étapes. On n'est pas obligé d'augmenter les problèmes de qualité d'air à l'intérieur en augmentant l'efficacité énergétique d'un bâtiment. On peut prévenir les problèmes de la qualité d'air à l'intérieur, notamment le radon, on peut le mesurer dans une maison après avoir fait un programme d'efficacité énergétique si les niveaux sont élevés; après ou avant d'ailleurs. C'est un problème qui touche toutes les maisons neuves, vieilles, qu'on fasse une rénovation énergétique ou non.

À Santé Canada, on recommande de mesurer le radon, première chose. Si on trouve un niveau élevé de radon dans une maison existante, c'est un problème qui se corrige. On n'est pas obligé de vivre avec ça. Ce n'est pas parce qu'on va faire un programme d'efficacité énergétique qu'on va nécessairement avoir des problèmes de qualité d'air et des problèmes de radon. On peut les prévenir, on peut les détecter dans le cas du radon, puis on peut les corriger simplement.

Stéphanie: Il n'y a pas une corrélation nécessairement entre les deux ? Ce que j'entends, c'est vraiment l'importance de tester, tester et encore tester, finalement, le niveau de radon dans nos maisons. Est-ce qu'il y a des études qui ont été faites au Canada, qui viennent, j'allais dire contredire, mais plutôt mettre à l'épreuve, finalement, ce lien-là, entre, d’un côté, on veut augmenter l'isolation nos maisons pour rendre le bâtiment en question plus écoénergétique, mais d'un autre côté, ça vient augmenter peut-être le risque d'exposition au radon ? Est-ce qu’il y a des études qui ont été faites au Canada pour contredire cette idée-là ?

Mathieu: Il y a des signes dans la littérature, qui vont dans ce sens-là, qu'on pourrait même trouver plus de radons dans certaines maisons plus récentes, qui sont plus performantes au niveau énergétique.

Récemment, à Santé Canada, on a fait une étude comparative dans la région d'Halifax. On a recruté plus de 100 maisons construites avant 2010 et puis plus de 100 maisons construites après 2010. Pourquoi l'année 2010 est important ? C'est parce que le code du bâtiment a changé et a commencé à recommander des mesures préventives pour essayer de limiter les infiltrations de radon quand on construit la maison. Maintenant, on sait qu'il y a du radon partout, à différents niveaux, que ça augmente les risques de cancer du poumon. Quand on construit une maison neuve, pourquoi pas essayer de le prévenir ? Ça a commencé à avoir des mesures de scellement, des mesures pour faciliter l'atténuation dans le code 2010.

Dans cette étude-là, malheureusement, à Halifax, qui est sur notre site Internet, on n'a pas trouvé de grosses différences entre les maisons construites avant 2010 et après. Ça veut dire que l'application des mesures préventives contre le radon, décrites dans le code, n’ont pas été bien appliquées ou ne sont pas suffisantes. On travaille à améliorer ça dans les codes, le code national du bâtiment, les codes de construction provinciaux, puis dans les standards aussi qui traitent de ça.

Stéphanie: Okay. C'est un projet qui est très intéressant. Ce que j'entends aussi entre les lignes, peut-être que nos téléspectateurs aussi se posent la même question, c'est : Si d'un côté, de rendre nos bâtiments plus écoénergétiques, c'est ce vers quoi on veut tendre, mais en même temps, il pourrait y avoir un risque plus élevé d'exposition au radon--

J'aborde un peu l'éléphant dans la pièce en vous posant la prochaine question. Est-ce que ça pourrait venir dissuader les gens de prendre les mesures nécessaires pour essayer d'augmenter l'efficacité écoénergétique dans les bâtiments, sachant qu'une meilleure isolation peut peut-être venir augmenter les risques d'exposition au radon ? Est-ce que ça peut venir dissuader un peu les gens d'agir ?

Mathieu: Ça serait une mauvaise compréhension. On a peur de ce qu'on ne connaît pas dans la vie. On peut augmenter l'efficacité d'un bâtiment sans nuire à notre santé. Il faut juste prendre soin d'avoir une bonne qualité d'air à l'intérieur. Pour le radon, tout ce qu'il faut faire après le programme d'efficacité énergétique, c'est le mesurer pour voir si les niveaux sont élevés.

Si les niveaux sont élevés, il existe des solutions. On peut faire des travaux d'une demi-journée pour réduire les concentrations de manière permanente dans la maison. On n'a pas vraiment à s'inquiéter de ça. Que ça soit en rénovation écoénergétique ou dans une transaction immobilière, c'est un problème qui se détecte, le radon, assez facilement, puis c'est un problème qui se corrige aussi assez facilement. Sinon, on joue un peu à l'autruche. On passe de l'éléphant à l'autruche, on se met la tête dans le sable, puis on fait comme si on ne veut pas le savoir.

Ça touche les maisons neuves, les maisons vieilles aussi. On n'a pas nécessairement besoin d'augmenter l'efficacité énergétique pour avoir un problème de radon. Maintenant, on sait que si on le fait sans s'occuper des problèmes de qualité d'air, qui existent déjà dans la maison, comme le radon, on risque d'augmenter ces problèmes de qualité d'air. C'est ça l'idée de prévenir les problèmes de qualité d'air quand on augmente l'efficacité énergétique d'un bâtiment. Pour le radon, on le fait en le mesurant. Si les niveaux dépassent le niveau d'action au Canada, de 200 becquerels par mètre cube, on peut réduire les concentrations en faisant des travaux.

Stéphanie: Okay, je comprends. Parlons de cette norme canadienne. Lorsqu'on pense aux différentes instances gouvernementales, est-ce que tous les paliers s'entendent assez bien ? Est-ce qu'il y a une collaboration entre le fédéral, le provincial, quand on parle des risques associés au radon ? Est-ce qu'il y a une certaine collaboration ?

Mathieu: À Santé Canada, on travaille beaucoup avec les gouvernements provinciaux et territoriaux qui, souvent, vont être responsables d'avoir un code de bâtiment, avec les municipalités aussi. Récemment, on a publié des guides d'action à l'intention des municipalités et des territoires, qui expliquent c'est quoi les rôles et les responsabilités. Parce que dans certains cas, certaines provinces vont appliquer directement le code fédéral, par exemple, alors que d'autres provinces vont l'adapter, comme le Québec, par exemple, va adapter le code fédéral. Oui, on travaille de concert avec tous ces gens-là.

On travaille aussi avec des organismes de standards. Parce qu'il faut savoir, les codes du bâtiment, c'est toujours le minimum qui doit être fait. C'est comme la référence, mais la référence de base. C’est possible de faire mieux que la référence de base. Pour ça, on a travaillé avec l'Office des normes générales du Canada pour publier un standard, pour dire : « Si vous construisez une maison neuve, puis vous voulez peut-être faire plus que le minimum pour prévenir les problèmes de radon, voici les solutions. »

Il y a trois niveaux de solutions qui sont proposées. Parce qu'on sait que dans certaines régions, on a une maison sur quatre qui a un problème d'un radon. Certaines villes peuvent avoir une maison sur deux qui a un problème de radon. Si on construit dans ces endroits-là, on a droit de prendre plus de précautions que ce qu'on va retrouver dans le code national du bâtiment, qui est pour l'ensemble du Canada. C'est vraiment les mesures minimales qu'on retrouve dans les codes. Des fois, les provinces vont les adapter un peu, pour les provinces qui ont leur code à elles, mais certainement, dans leurs standards, on propose des mesures du minimum allant jusqu'à quelque chose qui est comme une ceinture avec des bretelles.

Stéphanie: On peut toujours aller au-delà de cette norme-là qui est établie par les codes du bâtiment.

Mathieu: Oui, exactement.

Stéphanie: Je comprends très bien. Avec Environnement et Changement climatique, est-ce que vous travaillez souvent avec eux ? Parce qu'eux, de leur côté, leur mandat, c'est vraiment la lutte contre les changements climatiques. De votre côté, c'est plus d'essayer d'expliquer aux canadiens/canadiennes les risques qui sont associés à l'exposition au radon. Comment est-ce que vous amenez ces deux intérêts-là ensemble, finalement ?

Mathieu: Au niveau de la construction de bâtiments neufs, c’est le code national du bâtiment, puis les codes de construction provinciaux, le texte de loi. Dans le développement de ces codes-là, il y a des comités qui vont s'intéresser à l'efficacité énergétique, mais il y a aussi des comités qui vont s'intéresser à la qualité d'air, aux problèmes de radon. Je fais partie d'un comité de prévention du radon, dans la construction neuve, dans le code national du bâtiment.

C'est quelque chose qui est tout intégré à l'intérieur du code. Parce qu'on ne peut pas seulement vouloir traiter les problèmes de qualité d'air, ça ne sera pas responsable. Il faut réduire notre empreinte écologique. On ne peut pas seulement réduire notre empreinte écologique aussi en empirant nos problèmes de qualité d’air, on doit faire les deux en même temps. C'est possible de faire les deux en même temps, quand on construit une maison neuve. C'est possible qu'elle soit plus écoénergétique, mieux isolée, puis c'est possible qu'il y ait moins d’infiltration de radon. Il faut juste que ça soit bien fait. Dans les codes, on pousse pour que le minimum, ça soit quand même acceptable. Dans le standard de l'Office des normes générales du Canada, là, on a des niveaux qui dépassent le minimum.

Stéphanie: Ce que vous envoyez, finalement, comme message pour ceux qui nous écoutent aujourd'hui, c'est que c'est vraiment possible de concilier les deux ? C'est possible de concilier une efficacité écoénergétique qui soit meilleur tout en respectant, ou du moins tout en étant bien au courant des risques qui sont associés au radon, c'est possible de concilier les deux ensembles ?

Mathieu: Il faut s'occuper des deux, exactement. C'est possible de bien s'occuper des deux. Il faut bien faire les choses tout simplement.

Stéphanie: Très bon à savoir. Merci beaucoup Mathieu. Ça a été un plaisir de discuter du radon, des changements climatiques, aujourd'hui avec vous. Je termine sur une note un peu plus proactive pour nos téléspectateurs, pour ceux qui nous écoutent aujourd'hui. Vers quelles ressources nos auditeurs peuvent aller pour avoir plus d'informations, autant sur le sujet du radon, de son lien avec les changements climatiques, des façons, finalement, de se protéger contre les risques associés au radon ?

Mathieu: Vous pouvez trouver beaucoup d'informations sur le site Internet de Santé Canada. Si vous tapez « Santé Canada radon » dans un moteur de recherche, vous allez trouver notre site Internet facilement. Maintenant, on a plusieurs partenaires aussi, qui vont donner de l'information sur le radon. Les associations pulmonaires vont avoir beaucoup d'informations, puis beaucoup de groupes au Québec. On a CAA, le club automobile, qui est un de nos partenaires. On a aussi beaucoup de municipalités qui diffusent de l'information pour leurs citoyens.

On commence à avoir une bonne-- L'information est facilement disponible, facilement accessible. Les standards que je vous ai mentionnés sont gratuits, on peut les trouver. Quelqu'un qui veut se faire construire une maison, qui est inquiet par le radon, puis qui veut aller un peu plus loin que le minimum, peut le faire. Les documents sont là, sont disponibles gratuitement.

Stéphanie: C'est accessible à tout le monde, finalement.

Mathieu: Oui.

Stéphanie: C'est une très bonne chose. Excellent. Merci beaucoup Mathieu. Ça a été un plaisir.

Mathieu: Merci Stéphanie. Le plaisir est partagé.

[musique]

Stéphanie: Merci à vous, chers téléspectateurs, d'avoir écouté Canadiens en santé, dans les coulisses de la science. Si vous nous regardez sur YouTube, n'oubliez pas de cliquer sur le bouton « J'aime » ci-dessous et de vous abonner pour rester à l'affût de ce qui s'en vient. Trouvez-nous partout où vous obtenez vos podcasts et laissez-nous un commentaire si vous aimez ce que vous avez entendu. Pour plus de renseignements sur les sujets de santé qui vous intéressent, visitez canada.ca/sante.

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