Cedarhedge fête ses 150 ans


Une corde inhabituelle est suspendue autour de la pièce, près du plafond. Elle mesure 41 pieds et demi de longueur et elle a été fabriquée avec des draps de lit qui ont été noués ensemble. Le 1er septembre 1973, une détenue l’a utilisée pour s’évader en franchissant le mur de façade de la Prison des femmes à Kingston, en Ontario. Elle a été retrouvée à Vancouver 23 jours plus tard.
La corde constitue une pièce unique de l’histoire des services correctionnels. Il s’agit de l’un des artéfacts qui surprennent le plus et qui ont attiré plus de 1 000 personnes par semaine au Musée pénitentiaire du Canada. Le bâtiment du musée représente en lui-même une période de l’histoire. La maison majestueuse en calcaire de trois étages a été construite par des détenus de l’autre côté de la rue du Pénitencier de Kingston pour le directeur de l’établissement. Cette année, la maison, anciennement connue sous le nom de Cedarhedge, célèbre son 150e anniversaire.
En 1871, le premier ministre Sir John A. Macdonald a autorisé la construction de la résidence du directeur. Des équipes de travaux composées de détenus ont commencé à creuser le cellier en mai 1871. En juin, ils ont posé les premières pierres de calcaire provenant d’une carrière située à proximité. La construction a duré deux ans.
Le directeur John Creighton, ses six enfants et son père ont déménagé dans leur nouvelle maison le 28 août 1873. Au cours des 60 prochaines années, Cedarhedge a été la demeure de huit directeurs d’établissement successifs et de leur famille.
Des dizaines de personnes ont participé à la construction de Cedarhedge. Nous connaissons le nom de quelques-uns d’entre eux seulement; habituellement lorsqu’ils adoptaient un comportement répréhensible ou dessinaient des graffitis. Le 27 juin 1871, A. Forey et A. Minville ont été surpris en train de fumer alors qu’ils creusaient le sous-sol. En 1872, un des détenus qui étaient charpentiers, Richard W. Bessant, a dessiné la tête d’un cheval au revers d’un panneau de plancher qui donnait accès à l’appareil d’éclairage au gaz. Il a également sculpté son nom derrière le cade de porte qu’il a construit.

La vie à Cedarhedge se déroulait de manière luxueuse. Le poste de directeur était très prestigieux, et les activités sociales, comme les thés en après-midi et les réceptions, étaient fréquentes et mentionnées régulièrement dans le journal local.La maison était pleine de vie avec des enfants et des réceptions d’invités. Des bébés sont nés dans la maison et des personnes y sont décédées. Les funérailles d’au moins un directeur ont été célébrées dans la maison.

Deux mariages et trois réceptions de mariage ont été célébrés sur la pelouse du côté ouest. Le dernier mariage, célébré en juin 1999, était celui de Cathy Gibson, l’arrière-petite-fille de l’ingénieur du Pénitencier de Kingston, Arthur Pedder. Sa grand-mère s’était mariée exactement au même endroit 51 ans plus tôt.

À son apogée, la pelouse du côté ouest était dotée d’un jardin à la française avec des sentiers menant à travers un verger vers un abri de jardin. Chaque jour, un petit groupe de prisonniers et d’employés du Pénitencier de Kingston s’occupaient des immenses terrains en terrasses. Ils cultivaient les jardins de fleurs et les jardins potagers à Cedarhedge, à la résidence du sous-directeur et à l’intérieur du Pénitencier de Kingston.

« Des détenus ont travaillé comme nettoyeurs au fil des ans », affirme le conservateur Dave St. Onge. « Lorsque nous avions encore la Prison des femmes, les détenus nettoyaient les bureaux administratifs. »
La maison a connu son lot de secrets… et des évasions et des incidents liés aux détenus.
Le 10 février 1872, le détenu George Kirby travaillait à la construction de la maison lorsqu’il est descendu d’une fenêtre au deuxième étage. Le 17 mai 1886, le détenu Levi Kirvain, vêtu de son uniforme à moitié blanc et à moitié noir, a abandonné un groupe de maçons qui travaillaient sur un mur derrière la résidence. On l’a vu pour la dernière fois en train d’agiter son chapeau devant des hommes travaillant sur le toit du voisin.
Le 4 décembre 1888, des voleurs ont pénétré par effraction dans la résidence du directeur et ont volé du jambon et d’autres denrées alimentaires. Ensuite, ils sont entrés par effraction dans une remise à bateaux près du port de Portsmouth, ont cuit le jambon et l’ont mangé. Le 14 août 1920, deux détenus ont réussi à voler la voiture du directeur Ponsford. Ils ont échappé aux agents jusqu’en 1921, lorsqu’une femme à Détroit les a livrés aux autorités. Il est juste de dire que plusieurs autres évadés ont été rapidement retrouvés.

En 1933, Cedarhedge a été modifié en bureaux administratifs. Jusque dans les années 1950, l’ingénieur d’usine de l’établissement vivait dans un petit appartement à l’arrière de la maison afin qu’il puisse être sur place en permanence.
La maison est devenue le musée pénitentiaire le 1er juin 1985, ce qui coïncide avec le 150e anniversaire du Pénitencier de Kingston. En 1967, un plus petit musée avait été installé dans la remise pour voitures à chevaux contiguë. La maison agrandie du directeur, dotée de nombreuses pièces, était beaucoup mieux adaptée pour afficher la collection grandissante d’artéfacts et de documents d’archives du musée.

Aujourd’hui, on présente un attirail d’évasion, des œuvres d’art de détenus, des objets interdits, des uniformes, ainsi que du matériel de punition et de contrainte dans les huit grandes pièces de la maison ayant un haut plafond. Deux répliques en grandeur réelle des cellules du Pénitencier de Kingston se trouvent au musée. L’une représente une cellule typique de la période victorienne. L’autre est un exemple de cellules du Pénitencier de Kingston dans les années 1990.
Une pièce du musée qui fait réagir vivement les visiteurs est une boîte brune en bois, en forme de cercueil, avec un trou dans le couvercle pour respirer.
« Il s’agit de la réplique d’une boîte d’isolement utilisée dans les années 1840 au Pénitencier de Kingston », affirme Dave. « Cette méthode a été utilisée ici pendant un certain temps, principalement avec des détenues. Le premier directeur, Henry Smith, a réellement flagellé quelques femmes, ce que tous les autres avaient en horreur, car c’était considéré comme inapproprié. On a donc commencé à utiliser cette forme d’isolement en enfermant un détenu dans la boîte verrouillée, de 15 minutes à neuf heures. »
Dans une autre pièce, une grande boîte vitrée présente 886 armes improvisées, appelées « couteaux » ou « couteaux artisanaux ». Les détenus fabriquaient ces armes principalement dans le but de se défendre en utilisant des objets du quotidien, comme le manche des brosses pour cuvettes hygiéniques, les cadres de moustiquaires, des brosses à dents et des crayons de bois. De 2004 à 2008, les agents correctionnels ont confisqué les couteaux à l’Établissement de Millhaven. Des armes non métalliques sont plus faciles à dissimuler et ne sont pas détectées par des détecteurs de métal.
Au deuxième étage du musée, on présente des peintures et des objets d’art créés par des détenus.

« Je pense que toute la salle d’art est une attraction extraordinaire en contraste avec la salle de couteaux où l’on trouve des objets interdits et l’ensemble des couteaux et des armes », affirme Cameron Willis, conservateur adjoint.
Le Pénitencier de Kingston a fermé ses portes à l’automne de 2013. Les expositions du musée viennent depuis compléter les visites guidées offertes au public dans l’établissement inoccupé. Le musée a reçu plusieurs distinctions. En 2019, il a été intronisé au temple de la renommée de TripAdvisor. Il a reçu à deux reprises le prix d’excellence de l’hôtellerie et du tourisme décerné par la Chambre de commerce de la région du Grand Kingston, en 2002 puis en 2022.
Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un musée primé. En le visitant, les expositions uniques et la maison en elle-même nous permettent de reconnaître la façon dont les services correctionnels ont changé et ont été améliorés au cours des 150 dernières années.


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