Retour sur l’opération AEGIS : récit du caporal Mackenzie Birch

Le 16 novembre 2022 - Nouvelles de la Défense

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Le caporal Mackenzie Birch, le sergent James Mercer et le caporal Xiao-Hua Huang changent deux pneus arrières d’un avion CC-177 Globemaster à l’aéroport international Panamá Pacífico dans la ville de Panama, au Panama, avant le transport aérien stratégique de fournitures médicales et d’aide humanitaire en lien avec la COVID-19 vers des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes, dans le cadre de l’opération GLOBE 20-02, le 28 juillet 2020.

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Des membres des Forces armées canadiennes aident au transport des évacués de Kaboul, en Afghanistan, vers le Canada dans le cadre de l'Op AEGIS, août 2021 à Kaboul, en Afghanistan. Photo par : Forces armées canadiennes.

Il y a un plus d’un an depuis que l’aéronef des Forces armées canadiennes a évacué des personnes de l’Afghanistan. L’opération AEGIS constituait la contribution des FAC aux efforts du Canada visant à évacuer des Afghans ayant des liens importants ou durables avec le gouvernement du Canada, ainsi que les membres de leur famille qui les accompagnent.

Le caporal (Cpl) Mackenzie Birch, technicien de bord prenant part à l’Op BOXTOP, la mission axée sur le réapprovisionnement de la Station des Forces canadiennes Alert dans l’Arctique, a été réaffecté promptement en août 2021 à la base aérienne Ali Al Salem au Koweït dans le but d’appuyer l’évacuation d’Afghans admissibles.

« Lorsque nous atterrissions à Kaboul – à environ 100 pieds d’altitude – l’air pénétrant dans l’aéronef avait soudainement une odeur du brûlé, confie le Cpl Birch. C’était tout probablement l’odeur du gaz lacrymogène et des agents de dispersion des foules, et celle-ci flottait dans l’air au-dessus de l’aéroport international Hamid Karzai (HKIA) dans son ensemble. La prochaine chose que j’ai remarquée depuis mon siège – notons le fait qu’il n’y avait pas de hublots, mais que les communications radio des pilotes étaient à portée de voix – c’était le chaos régnant sur le terrain d’aviation que ces derniers devaient traverser. Il a fallu toutes les personnes à l’intérieur du poste de pilotage pour gérer les radios et nous rendre jusqu’au bon endroit où nous devions nous garer. Des véhicules chargés de cargaisons et de personnel se faufilaient entre des aéronefs en mouvement, de sorte à optimiser l’utilisation de chaque minute de leur temps. Le compte à rebours était omniprésent à Kaboul, et chacun avait un travail à accomplir. »

Le temps que la rampe de chargement et la porte du CC-177 Globemaster III soient ouvertes, des membres du personnel américain étaient prêts à commencer à décharger la cargaison et des membres du Commandement – Forces d’opérations spéciales du Canada (COMFOSCAN) étaient prêts à faire monter les personnes à évacuer. « Une chose qui m’a marquée pendant la durée de la mission, c’est le fait que, malgré la fatigue sûrement éprouvée par les membres du COMFOSCAN, des derniers faisant constamment preuve du plus haut degré de compassion et de professionnalisme lorsqu’une personne faible ou âgée avait besoin d’aide pour monter à bord de l’aéronef. »

« Les Afghans qui gravissaient la rampe du Globemaster avaient tous l’air épuisés, et pour bon nombre d’entre eux, seule l’adrénaline les poussait à avancer. La plupart d’entre eux n’emportaient aucun bien, sauf les documents leur permettant de quitter Kaboul. Ceux et celles qui avaient réussi à emporter leurs biens n’avaient généralement rien de plus qu’une valise pour la famille tout entière, et certains passagers étaient des enfants. »

Un vol en particulier a marqué le Cpl Birch, à savoir l’avant-dernier vol à Kaboul. « Notre équipage arrivait à Kaboul la nuit, et nous arrivions au Koweït au lever du soleil. Au sol à Kaboul, on pouvait se tenir sur la rampe ouverte et regarder les balles traceuses traverser le ciel, et à l’approche de l’aéroport, je pouvais entendre les pilotes rapporter à peu près la même chose. Suivant l’atterrissage, nous étions suffisamment inquiets pour juger prudent d’inspecter l’aéronef pour déceler la présence de toute avarie de combat. »

Au terme d’une inspection approfondie au cours de laquelle aucun dommage n’a été décelé sur l’aéronef, l’évacuation a été amorcée. L’équipage a réussi à faire monter à bord plus de 500 personnes – le plus grand nombre de personnes que l’équipage du Cpl Birch allait transporter à bord d’un seul vol.

Lorsque l’aéronef s’est posé au Koweït, le Cpl Birch pouvait constater le soulagement se dessinant sur le visage de tout un chacun. « C’était un vol dont nous nous souviendrons tous d’ici la fin de notre carrière. Nous avons commencé à aider les Afghans à descendre de l’aéronef. » La capitaine (Capt) Elizabeth Campbell, l’une des pilotes, a vu une mère porter son jeune enfant en attendant de quitter l’aéronef. Le visage du garçon, épuisé, était vraiment à bout d’émotions. La Capt Campbell s’est donné du mal pour tenter de lui remonter le moral; elle a fait des grimaces et a fait tout ce qu’elle pouvait, réussissant enfin à le faire sourire. « Je ne m’attendais pas à ce que cet instant empreint d’empathie soit un moment déterminant de l’Op AEGIS, mais quelques mois plus tard, il en deviendrait l’un des plus mémorables. »

Le dernier vol à destination de Kaboul du Cpl Birch a eu lieu juste deux jours avant le retrait complet des forces américaines. Par ailleurs, c’était peu de temps après le bombardement tragique à l’entrée Abbey de l’aéroport, lequel a causé la mort à treize militaires américains et à quelque 140 civils. « Je ne me sentirais pas à l’aise d’omettre l’immense aide que nous ont procurée les militaires américains à la base Ali Al Salem, ajoute le Cpl Birch. Le personnel responsable de la maintenance et des opérations terrestres n’a ménagé aucun effort pour nous aider à entretenir notre aéronef et à nous soutenir – après tout, nous réalisions tous la même mission de vol. Le drapeau ornant l’aéronef n’importait pas : les appareils étaient exploités au-delà de leurs limites pour évacuer le plus grand nombre de personnes avant la date limite de retrait. »
Bien que notre vol précédent ait été très angoissant, aucun d’entre nous n’a hésité à retourner à Kaboul s’il était possible d’en faire davantage. À notre arrivée, l’équipage s’est informé auprès des contrôleurs au sol pour confirmer qui pouvait monter à bord de ce dernier vol. La réponse : « Le personnel du Corps des Marines. » Plus d’une centaine de membres du Corps des Marines des États-Unis pouvaient monter à bord de l’aéronef, dont beaucoup étaient des frères et sœurs d’armes des personnes perdues à l’entrée Abbey. « Ils étaient épuisés, et même avant le décollage, je les ai aperçus : ils étaient effondrés sur le plancher de la soute et dormaient profondément, leurs corps et leur équipement servant à se supporter les uns les autres », se rappelle le Cpl Birch.

« L’Op AEGIS s’est concrétisée rapidement, et ce fut l’expérience la plus intense et la plus satisfaisante de toute ma vie. Lorsque je suis rentré à Trenton et que j’ai repris le cours normal de ma vie en tant que technicien en systèmes aéronautiques, j’ai tenté de comprendre de quelle manière l’Afghanistan s’inscrivait dans mon histoire, explique le Cpl Birch. Tout a fini par prendre un sens en décembre 2021, lorsqu’on m’a chargé de réparer un Globemaster de l’ARC tombé en panne à l’étranger. » Après être monté à bord du vol civil allant de Toronto à Vancouver, le Cpl Birch a constaté que d’autres passagers montant à bord lui rappelaient de nombreux visages qu’il avait vus dans le cadre de l’Op AEGIS. Soudainement, il a remarqué l’enfant que la Capt Campbell avait réussi à faire rire au Koweït. « C’était trop surréaliste pour dire quoi que ce soit, mais comme d’autres passagers bavards parlaient avec ces familles, j’ai fini par apprendre qu’il s’agissait de réfugiés afghans en route pour Vancouver, en quête de leur nouvelle demeure. »

L’enfant qui avait l’air à bout d’émotions au Koweït était maintenant énergique et jouait gaiement à des jeux avec sa famille, alors qu’il se rendait à sa demeure au Canada. « Cela m’a pris un certain temps, mais c’est ce qui m’a fait prendre conscience du fait que l’Afghanistan ne s’inscrivait pas mon histoire; c’était plutôt moi qui m’inscrivais dans l’histoire de l’Afghanistan, explique le Cpl Birch. Les efforts et les sacrifices consentis par des milliers de Canadiens et d’Afghans au cours des 20 dernières années forment l’histoire de l’Op AEGIS et la chute de Kaboul. » Pour bien des militaires, Kaboul provoque des sentiments de frustration et de douleur, et ces émotions sont validées par les pertes et les sacrifices que chacun porte en soi. « J’aimerais pouvoir faire connaître les scènes de compassion dont j’ai été témoin durant l’Op AEGIS. Les membres du COMFOSCAN ayant aidé des personnes vulnérables et âgées, nos arrimeurs et nos officiers de sécurité des aéronefs tactiques ayant travaillé infatigablement pour venir en aide aux passagers effrayés, l’équipe médicale ayant pris soin avec douceur des personnes qui en avaient le plus besoin, et j’en passe. »

« J’aimerais pouvoir partager l’optimisme que j’ai ressenti en voyant cet enfant en route pour Vancouver, où il allait commencer une vie nouvelle avec sa famille. »

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